la mutualité en guadeloupe
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L’INFORMATION SUR L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE EN GUADELOUPE numéro 05 | Juillet 2015 LA MUTUALITÉ EN GUADELOUPE 06 p.. Édito « Il n’est de patrimoine que commun ». Il faut néanmoins montrer patte blanche pour adhérer à l’Association des Cuisinières de la Guadeloupe. Au XXe siècle, leurs illustres prédécesseurs avaient initié au plus bas niveau de l’échelle sociale de l’époque un des instruments forts de la solidarité : la tontine. Les « héritières » tiennent à ce que les valeurs de solidarité et d’entraide d’origine se perpétuent à travers les âges. Adhésion oui, mais dans un esprit d’ouverture et de tolérance réciproque. Frapper à la porte des Cuisinières, c’est avant tout avoir compris ou être en mesure d’intégrer que la tradition est un héritage culturel que l’on se doit de transmettre de génération en génération. Se trouver un parrain ou une marraine tient ensuite de la solidarité morale qui s’exerce au sein de l’association. Le plus dur est alors à venir, la vie associative ne se limitant pas uniquement aux temps forts festifs mais aussi à la construction, au partage et à la défense des valeurs communes, et ce... tout au long de l’année. De ce fait, sa présidente Marie Lencrerot et son équipe inscrivent leurs actions dans la continuité de l’histoire du « Cuistot Mutuel ». Et elles s’en sortent même très bien. Il n’est pas facile de gérer une association par les temps qui courent. Qu’importe ! L’Association des Cuisinières a de la ressource et aujourd’hui, comme hier, les recrues doivent assumer leur engagement à servir sur le long terme Saint Laurent, leur Saint Patron, quelque soit le degré de leur participation (simple adhésion, participation active ou exercice de responsabilités). A bientôt 100 ans, l’association des Cuisinières fait toujours la fierté des Guadeloupéens. Cela ne relève aucunement du hasard, si depuis plus de trois décennies, sa Fête du mois d’Août est devenue un objet de consommation touristique à haute valeur ajoutée. Georges Halbrun Responsable de la rédaction 2 Alias Magazine www.aliasoutremer.org SOMMAIRE JUIL. 2015 EDITÉ PAR Initiative Image Caraïbe Compagnie (2i2c) Association à but non lucratif ADMINISTRATION 208, chemin de Coucou Cousinière école 97119 Vieux-Habitants [email protected] DIRECTEUR DE PUBLICATION Henri Yacou 4 RESPONSABLE DE LA RÉDACTION 8 Georges Halbrun RÉDACTION Vinciane Fiorentini-Michel Bernard Bracha SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Camilus Rabin [email protected] PUBLICITÉ Responsable commercial Elvis Goiffon [email protected] MAQUETTISTE Nadelle Cilirie PORTRAIT 04 Une grande cuisinière, hommage à Violetta Chaville OUTREMER 24ARAG 26 Martinique : Madin Ekitab DOSSIER 08 La Mutualité en Guadeloupe SANTÉ / SOCIAL 28 La prévention des risques professionnels INITIATIVES 18 De la coopérative de prêts à la Banque Antillaise DES TERRITOIRES ET DES HOMMES 20 Le cuistot mutuel est dans les starting … Toute reproduction, même partielle, des articles et iconographies publiés dans ALIAS sans l’accord écrit de l’Association éditrice, est interdite, conformément à la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique. Alias Magazine ÉCONOMIE FINANCES 32 Tontines et microcrédit : deux instruments financiers TÈ AN NOU 36 La collecte des déchets agricoles www.aliasoutremer.org 3 PORTRAIT VIOLETTA CHAVILLE, L’INOUBLIABLE UNE GRANDE FIGURE Vingt quatre ans après sa disparition, sa haute stature hante encore les souvenirs des moins jeunes. Violetta Chaville était en effet un personnage, haut en couleur, une passionnée de cuisine, habitée par un amour incommensurable pour sa Guadeloupe natale. Elle était tout aussi passionnée par les gens mais cachait bien son jeu. Se dissimulait sous des exigences de rigueur pleinement assumées, un cœur d’or...La rigueur faisait partie des « recettes » qui, en quelques années, lui avaient permis de faire du restaurant « la Créole » un passage obligé pour les gastronomes, les plus exigeants. On peut sans crainte de se tromper affirmer que Violetta Chaville est un personnage incontournable dans l’histoire moderne du Cuistot Mutuel. 4 Alias Magazine www.aliasoutremer.org Mise en synergie Madame Chaville accède à la présidence de la « société des cuisinières » en 1970 avec une réputation déjà bien établie en tant que restauratrice. Elle est la patronne d’un des établissements les plus courus de la place. Les touristes, les locaux, tout le monde connaît « Chez Violetta ». Energique et talentueuse en salle comme derrière ses fourneaux, cette reine de la gastronomie va faire montre de ses talents de visionnaire aux commandes de l’association du Cuistot Mutuel. Patiemment , elle a travaillé l’ouvrage, se référant à sa propre expérience dans la gestion au quotidien de son restaurant. Un véritable laboratoire qui lui a permis de mieux guider l’association pour laquelle elle nourrissait là aussi de grandes ambitions. Un sacré tempérament Lors des premières années, il lui a fallu asseoir sa légitimité. Ses soldats, dont ses ex compagnes (elle a démarré à la base elle aussi ) sont comme ses filles... Son entregent et sa facilité à comprendre la réalité touristique, son audace et sa créativité, tout cela, elle le mettra alors au service de l’association. Elle s’active sur les deux fronts, la Créole continuant à monter en puissance. Pour ses premières grandes initiatives, elle se concentra sur la proximité. Le Cuistot Mutuel possédant sur le territoire ses habitudes de sorties, elle veilla à les étoffer en en faisant de mini évènements, s’appuyant sur cet ardent défenseur des traditions qu’était Casimir Létang (la gazette créole) pour communiquer sur les ondes. Les voyages dans les dépendances, occasionnelles jusque là , vont ainsi devenir plus fréquents Cela n’apparut pas évident pour les plus jeunes de se mettre au diapason de son autorité naturelle mais le résultat a vite fait taire certaines velléités chez les plus teigneuses. Et puis, la reine du monde culinaire guadeloupéen en imposait vraiment... ! Le chemin vers l’ouverture Très vite, Violetta, présidente, s’appuyant sur son propre réseau propulsa les Cuisinières dans une autre sphère : celle des échanges avec les autres DFA. La dame possédait l’expérience des gens multi-cartes et pouvait jouer sur tous les tableaux pour faire avancer la cause du Cuistot Mutuel. C’est ainsi que dans les années 80, elle initia des rapports suivis avec la Martinique et connut les premiers contacts avec la Guyane. Violetta avait de la suite dans les idées. Elle fonda les associations sœurs des cuisinières de Marie Galante et de Martinique sur le même principe. Pour mieux souder les liens entre elles, chaque membre de l’association sœur devait être parrainé par une cuisinière de la Guadeloupe. On comprend mieux comment grâce à cette idée géniale se sont pérennisés les échanges entre cuisinières de Martinique et de Guadeloupe... Violetta Chaville a ainsi intronisé l’ancêtre du Cordon Madras de Saint Pierre .Elle fut la marraine de Livia Vallade, restauratrice bien connue de la place de Saint Pierre (972) qu’elle imposa (1988) comme première présidente de l’association locale à tout juste 36 ans. Un geste dont le caractère Alias Magazine www.aliasoutremer.org 5 PORTRAIT symbolique a marqué l’intéressée, qui aujourd’hui encore, manifeste sa « grande reconnaissance » sur le blog de son nouveau restaurant de Montfort l’Amaury en région parisienne. A l’époque, « les jeunes martiniquaises », interpellées dans un premier temps, étaient subjuguées par l’usage que la présidente Violetta faisait de sa clochette.** « J’en suis demeurée littéralement abasourdie » , nous a expliqué Sonia Chevignac qui fut secrétaire du Cordon Madras... En ce qui concerne la « Gastronomie Guyanaise », c’est une autre histoire. Sa fondatrice Feue Régine Horth, bien pénétrée de l’existence et des activités du Cuistot Mutuel lors de séjours en Guadeloupe, s’en est probablement inspiré pour créer en 1983, l’association fanion du massif des Guyanes*. 6 Alias Magazine www.aliasoutremer.org Autre signe d’ouverture, à la fin des années 70 , côté cercle familial, Violetta Chaville prête de plus en plus régulièrement une oreille attentive aux conseils de communicant et de musicien de son fils adoptif Freddy Marshall. Parallèlement, son neveu Richard Chaville, professeur de cuisine émérite, évoque avec elle la créativité dans le domaine culinaire et surtout lui apporte les touches techniques en matière de présentation et de port de plateau. « Du pain béni » pour l’association, la modernité était en marche, les bases de l’Institution maintenant solidement posées. 1985 marquera un tournant dans la présidence de Violetta Chaville. C’est l’année de l’invitation à la Mairie de Paris, Jacques Chirac en fin gourmet ayant toujours eu pour les Cuisinières, « les yeux de Chimène ». Ce premier grand voyage sous l’égide de Violetta fut suivi de nombreux autres. Paris à plusieurs reprises, diverses régions françaises (La Bretagne entre autres). Et c’est reparti de plus belle... ! Depuis 2006, nos ambassadrices n’arrêtent pas un seul instant. Violetta partie en 1991 rejoindre Léonie Mélasse, les Cuisinières ont ainsi continué à creuser leur sillon vulgarisant contre vents et marées l’art culinaire et les traditions vestimentaires de la Guadeloupe à travers quasiment le monde entier. En mars 2015, l’actuelle présidente Marie Lencrerot a bouclé sa première mandature. L’association bien relancée par sa devancière Mérita Félix, poursuit sa route sur ce chemin d’exception ouvert par Violetta Chaville. Toile de fond historique pour leur prochaine parade de ce 8 août, l’organisation des cérémonies du Centenaire. L’épopée de cette belle créole de Gourbeyre sous la gouvernance de laquelle, l’ex Cuistot Mutuel a écrit quelques-unes des plus belles pages de son histoire, y sera, nous n’en doutons pas, largement évoquée. *Dès la fin des années 80, guyanaises et guadeloupéennes se sont en effet rencontrées à des fins de prise de contacts... mais c’est sous la présidence de Netty Foggéa que ce sont réellement concrétisés les échanges avec l’association guyanaise (précisions de Lucide Clet, actuelle présidente de la gastronomie Guyanaise). **Un symbole du pouvoir qui lui permettait de faire respecter et d’appliquer le protocole en toute discipline G.H. Emmanuel G.H. Emmanuel Alias Magazine www.aliasoutremer.org 7 DOSSIER LA MUTUALITÉ EN GUADELOUPE (Étude de Patricia Toucas-Truyen) 8 Alias Magazine www.aliasoutremer.org Des Tontines aux mutuelles Patricia Toucas-Truyen est chercheur au CNRS. Les recherches de Madame Toucas-Truyen portent essentiellement sur l’histoire de l’économie sociale (mutualité et mouvement coopératif), ainsi que sur l’histoire de la protection sociale. Elle est membre du comité de rédaction de la Recma, revue internationale de l’économie sociale et membre du Comité national d’histoire de la Sécurité sociale. Ce docteur en histoire contemporaine est auteur de plusieurs ouvrages. Elle est également membre du comité de rédaction de Histoire & Sociétés, revue européenne d’histoire sociale Elle a écrit notamment le Guide du chercheur en histoire de la protection sociale, volume III (1914-1945). Elle a signé Le fraternel rapprochement, Le secours mutuel en Charente-Maritime du 19e siècle à nos jours, Le Tiers-Livre, 2007. En 2011, Madame Toucas-Truyen publie dans un magazine spécialisé une étude fort bien documentée sur la Mutualité en Guadeloupe. Sous-titrée des tontines aux mutuelles, elle a bénéficié du concours d’Alain Mabiala, directeur de la MPAS et président de la Mutuelle inter professionnelle Guadeloupe (MIG), écrivain et poète. Patricia Toucas-Truyen suit ce fil jamais rompu de la solidarité qui prend ses sources aux plus profonds des souffrances des esclaves. Un fil fait d’une matière spécifique, particularismes de notre société oblige qui se déroule en continu depuis la période postesclavagiste... jusqu’à nos jours (En Guadeloupe, le passage en mode solidarité n’est jamais bien loin... référence 2009). Ce sont les 7 pages de cette étude qui constituent notre dossier. Alias Magazine www.aliasoutremer.org 9 En Guadeloupe, comme dans d’autres territoires administrativement rattachés à la France, les organisations mutualistes présentent des particularismes liés à l’histoire, aux traditions locales de solidarité, et à des problèmes sanitaires et sociaux inconnus en métropole. Si les directives de Bruxelles font l’objet de bien de résistance sur le continent, leur application stricte semble relever de la chimère dans cette « région ultrapériphérique » de l’Union européenne… Un terme qui prend tout son sens aux Antilles. 10 Alias Magazine www.aliasoutremer.org Le 4 novembre 1493, Christophe Colomb, jette l’ancre devant Calaou çaera, ce qui signifie « l’île aux belles eaux » en kalina, la langue parlée par les Indiens Caraïbes qui peuplent alors l’archipel. (1) Christophe Colomb rebaptise l’île Guadeloupe du nom d’un monastère espagnol. En 1635, la compagnie française des îles d’Amérique s’installe et, avec elle, démarre l’économie de plantation fondée sur l‘utilisation d’une main d’œuvre servile. Le peuple caraïbe est rapidement exterminé ou presque, après (1) La Guadeloupe semble avoir été peuplée auparavant par différents peuples amérindiens : les Ciboneys (3 500 avant J-C), puis les Huétoïdes (vers 700 à 500 avant J-C) et les Arawaks (de 300 avant J-C à 700 après J-C). Arrivèrent ensuite, un peuple provenant de l’Orénoque, les Caraïbes, redoutables guerriers qui vont conquérir toutes les petites Antilles en exterminant sur leur passage les premiers habitants connus. Selon certaines sources, au cours de leurs raids contre les Arawaks, les Caraïbes épargnèrent les femmes pour les conserver « à des fins personnelles ». Ce qui aura pour conséquence que les premiers colons eurent la surprise d’entendre parler deux langues distinctes chez les mêmes Indiens : la langue caraïbe pour les hommes et l’arawak pour les femmes. DOSSIER une résistance farouche par les armes et les maladies, et les survivants déportés en 1641 sur l’ile voisine de la Dominique. Le commerce triangulaire règne ensuite sur l’Atlantique, arrachant des millions d’africains à leur terre natale. Dans la seule ile de la Guadeloupe, la France importera environ 290 000 esclaves entre 1650 et 1850. A partir de 1664, le développement économique de la Guadeloupe se poursuit sous l’autorité de la Compagnie des Indes occidentales, fondée par Colbert. Les planteurs s’enrichissent de la culture de la canne à sucre, du café, du cacao, des épices et du coton. Lorsque la Compagnie est dissoute en 1674, la Guadeloupe devient une colonie française. Le Code Noir publié en 1685 par Colbert, fixe le statut juridique des esclaves. Dépouillés de leur identité africaine, ceux-ci sont considérés comme des biens meubles. La première fois, la révolution abolit l’esclavage en 1794… mais Napoléon Bonaparte le rétablir en 1802. Malgré les révoltes sporadiques d’esclaves et la progression des idées anti esclavagiste dans les milieux européens (2), il s’écoule encore près d’un demi-siècle avant que la Seconde République n’y mette un terme définitif, par le décret Schœlcher du 27 avril 1848, 260 000 esclaves sont libérés aux Antilles, mais contre l’avis de Victor Schœlcher, ce sont les anciens maitres qui sont indemnisés pour préjudice économique. Elu député de la Martinique et de la Guadeloupe, il cède ce dernier poste à son suppléant, un ancien esclave, Louisy Mathieu. La solidarité des esclaves face au malheur Le souvenir des souffrances et des humiliations a laissé dans l’histoire des sociétés antillaises des traces indélébiles. Si le mouvement mutualiste revêt une force particulière en Guadeloupe, c’est qu’il puise ses origines dans l’entraide qui était un gage de survie pour les esclaves. En dépit de l’absence totale de liberté, ceux-ci s’organise en « nasyons », selon leur origine ethnique pour faire face aux malheurs dont leur existence était jalonnée. A la fin du XVIIIème siècle, une forme de prévoyance solidaire s’exerçait à l’intérieur des confréries noires, réprimée par des maîtres blancs. « La République n’entend plus faire de distinction dans la famille humaine. Elle n’exclut personne de son immortelle devise : liberté, égalité, fraternité», disait le rapport Schœlcher de 1848. Mais dans les îles Caraïbes, la discrimination raciale, perdure, entretenue par le code de l’indigénat en vigueur de 1887 à 1946. Néanmoins, encouragée par la loi de 1898, la mutualité se développe en Guadeloupe. Comme la plupart des sociétés de secours mutuels françaises du 19ème siècle, les mutuelles guadeloupéennes s’organisent généralement sous la bannière de saint. Regroupant généralement les habitants de même quartier ou d’une même commune, elles adoptent souvent des noms pittoresques comme « Grenats de Petit-Bourg » ou « Violets du Moule » (3). Privés de la main d’œuvre servile, les maîtres blancs encouragent l’immigration des coolies d’origine asiatique, essentiellement Indiens, Chinois et Annamites, au cours de la seconde moitié du XIXème siècle. L’obligation de rémunérer les ouvriers s’ajoutant à la concurrence accrue de la betterave à sucre entraine la faillite de nombreux planteurs de canne dans les îles antillaises, et le déclin de l’île antillaises, et le déclin de l’économie générale de l’île, ce qui génère de nombreux conflits sociaux. Parallèlement à l’essor du mouvement syndical, se développe une nouvelle forme de mutualité, qui se recoupe sur le terrain professionnel : nombreuses sont alors les sociétés constituées entre boulangers, charpentiers, maçons, pécheurs, (2) Interdiction de la traite par Napoléon, justement, en 1815, puis par Louis XVIII, … L’histoire de la Guadeloupe est, bien évidemment beaucoup plus complexe que la présentation qui en est faite dans ce court résumé. Il en est de même pour l’histoire de l’abolition de l’esclavage. (3) Cf. : réseau de solidarité dans la Guadeloupe d’hier et d’aujourd’hui, Luciani Lanoir-Létang, Harmattan, 2006 Alias Magazine www.aliasoutremer.org 11 cordonniers, etc. (4). Toutefois, ces associations d’outre-mer rendent à leurs adhérents des services sensiblement différents des prestations servies par la mutualité métropolitaine, centrée sur la prise en charge du risque maladie depuis le milieu du XIXème siècle. Des tontines funéraires aux mutuelles La plupart de ces sociétés sont en fait des tontines (5) et ce faisant, elles prennent quelques libertés par rapport à la loi de 1898 qui encadrent le fonctionnement des sociétés de secours mutuels. Le principe est le suivant : tous les membres versent une certaine somme à un moment donné, et récupère à tour de rôle l’ensemble des sommes déposées. En Guadeloupe, ces associations servaient traditionnellement à garantir à leurs adhérents l’organisation des funérailles. C’est le cas de la tontine « le Cuistot mutuel » créé le 14 juillet 1916 par un groupe de femmes de Pointe-à-Pitre, qui souhaitaient s’assurer qu’elles bénéficieraient d’un enterrement digne. La commémoration de cette création donne lieu encore aujourd’hui à de grandes festivités à Pointe-à-Pitre (6), connues sous le nom de « Fête des cuisinières ». Organiser un soutien financier en cas de décès, tel est aussi le but de Louis Mondésir, charpentier de Mare-Gaillard : le 16 juillet 1933, il fonde une tontine qui rassemble immédiatement 29 cultivateurs de la campagne du Gosier. Au cours des années 1950, son successeur, Duverval Mayoute, installe sur un terrain lui appartenant le premier siège de la mutuelle, alors en plein expansion. Outre le règlement des frais funéraires, elle apporte des aides en cas d’hospitalisation. Dès le début du XXème siècle s’exprime la nécessité d’un lieu de rassemblement pour ces associations solidaires éparpillées dans l’île. La première de la pierre du Palais de la Mutualité est posée en 1944 dans le quartier de l’assainissement à Pointe-à-Pitre. Pendant onze ans, les mutualistes viennent à tour de rôle donner un coup de main à l’édification du bâtiment, qui est achevé en 1955. (4) Cf. : La société contre la politique : comment la démocratie est venue aux guadeloupéens, Rodrigue Croisic, Harmattan 2006. (5) Voir réponse n° 108 d’octobre 2010. (6) La fête des cuisinières a lieu le samedi le plus proche du 10 août. 12 Alias Magazine www.aliasoutremer.org DOSSIER Les conflits des années 1950 et 1960 La situation socio-économique des Antilles françaises évolue après la seconde guerre mondiale, de même que leur statut ; ce qui n’est pas sans incidence sur le fonctionnement des mutuelles. Si la diversification des cultures agricoles, et dans une certaine mesure le développement du tourisme, apportent de nouvelles sources de revenus, ces nouvelles mannes sont loin de profiter à l’ensemble de la population, comme en témoigne la grande grève des travailleurs de la canne à sucre en 1946. Sur le plan de l’administration des îles, la loi sur la départementalisation votée en 1946 fait de la Guadeloupe un département d’outremer dans lequel est applicable le code de la mutualité. Les lois sociales dont bénéficient les travailleurs métropolitains y sont appliquées avec un certain retard : près de dix ans après la création de la Sécurité sociale, la loi du 13 août 1654 étend son application la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane française et la réunion. Consultés par référendum en 1958, les guadeloupéens optent pour l’intégration de la communauté française plutôt que pour l’indépendance. Mais les années 1960 sont marquées à la fois par la montée du mouvement nationaliste, et de l’explosion de conflits sociaux. En mars 1967, l’acte raciste d’un commerçant européen envers un artisan noir déclenche une émeute à Basse Terre ; quelques mois plus tard, une manifestation organisée par des ouvriers du bâtiment à PTP pour obtenir la parité en matière de droits sociaux donne lieu à de violentes représailles ordonnées par le préfet, faisant plusieurs morts (sept selon les autorités, une cinquantaine selon d’autres sources). Alias Magazine www.aliasoutremer.org 13 Les mutuelles territoriales entre tradition et nouveaux défis Dans un contexte souvent difficile pour les travailleurs modestes et leurs familles, les petites mutuelles traditionnelles assurent un rôle essentiel de soutien financier et moral. Cinquante ans après sa création, la tontine de Mare-Gaillard opte officiellement le statut mutualiste en 1983, et se lance quelques années plus tard dans l’activité complémentaire santé et prévoyance. Pour pallier l’insuffisance de l’offre hospitalière en Guadeloupe, la mutuelle aide à la construction de la clinique de l’Espérance aux Abymes, et du centre de convalescence Manioukani à Gourbeyre. C’est à l’initiative d’une personnalité guadeloupéenne, Gabriel Lisette, qu’a été 14 Alias Magazine www.aliasoutremer.org créée en 1976 la Société mutuelle des originaires d’Outre-Mer (Smodom). Né au Panama de parents antillais, Gabriel Lisette (1919-2001) a été une des figures marquantes de l’indépendance du Tchad au début des années 1960. Plus discrète, son implication mutualiste n’en laisse pas moins une œuvre extrêmement utile pour les originaires des Dom-Tom installés en Métropole. Grace à la mutuelle, ils peuvent se rendre au chevet de parents malades restés au pays, ou à ses obsèques. La Smodom est en quelque sorte une traduction solidaire de la continuité territoriale. Au cours des années 1980-1990, la Guadeloupe compte environ 80 mutuelles territoriales, dont le succès tient en grade partie aux liens de proximité avec les adhérents : la mutuelle de Mare-Gaillard, la mutuelle de Petit-Bourg, le Sacré-Cœur, les Amis de la Lumière de Vieux-Habitants, etc. L’adhésion mutualiste se transmet de génération en génération, et le sociétariat continue à s’étoffer grâce au bouche à oreille. Une tendance se confirme très sensiblement : il s’agit de la montée en puissance des mutuelles de fonctionnaires. Ayant étendu leurs activités à la complémentaire-santé, ces mutuelles traditionnelles sont, comme leurs consœurs métropolitaines, confrontées à l’essor de la concurrence des assureurs commerciaux comme à celle des bancassurances. L’emprise croissante de la réglementation européenne sur les activités mutualistes a entrainé un bouleversement considérable, bousculant les usages séculaires en matière de solidarité, et un fonctionnement auquel les guadeloupéens sont attachés. L’adoption du nouveau code des mutualités en 2001 et les nouvelles règles notamment en matière de réserves prudentielles entraine un vague mouvement de regroupement à l’intérieur du mouvement mutualiste français. On imagine sans peine que la pilule est très mal passée dans ces départements lointains. Le coup de tonnerre de 2005 En 2005, suite à ce qui semble être une négligence administrative, la Caisse d’assurance maladie Antilles-Guyane réclame à l’UDMG (Union départementale des mutuelles de Guadeloupe) le paiement d’une dette énorme, que l’Union est bien incapable d’honorer. Tandis que l’UDMG est mise en cessation de paiement, 51 mutuelles guadeloupéennes sont liquidées en 2 jours, au motif d’une non-mise en conformité avec les règles européennes dans les délais impartis, laissant en grand désarroi des sociétaires qui, pour beaucoup, cumulaient plusieurs dizaines d’années d’adhésion. L’ampleur de la mobilisation face au « Scandale des mutuelles » dit assez l’attachement des guadeloupéens à ce système mutualiste local qui ne peut guère s’accommoder des directives échafaudées à Bruxelles. Un Comité de défense des mutuelles de la Guadeloupe est créé. Estimant que les mutualistes ont été spoliés de leur patrimoine et que la liquidation des 51 mutuelles n’a pas été faite dans les règles prévues par le Code de la mutualité, ce comité a déposé une plainte pour x au Parquet de Paris (7). (7) Nous avons tenté de rester purement factuels quant à cette crise. Le moins que l’on puisse en dire est que ce dossier est complexe et que les avis des parties prenantes très « contrastés ». Alias Magazine www.aliasoutremer.org 15 La mutuelle interprofessionnelle en Guadeloupe aujourd’hui Cinq mutuelles seulement ont survécu au « grand nettoyage » de 2005 : la mutuelle Mare-Gaillard, la Mutuelle générale de prévoyance sociale (MGPS), la Mutuelle populaire d’action sociale (MPAS), la Mutuelle interprofessionnelle de Guadeloupe (MIG) et la Mutuelle interprofessionnelle de prévoyance (MIP). La mutualité guadeloupéenne ne s’est pas vraiment remise du traumatisme de 2005. La liquidation des mutuelles a généré des nouveaux problèmes sociaux, qui sont à remettre à l’échelle de la population de l’île, soit un peu plus de 400 000 habitants (8). En effet, si la plupart des adhérents a rejoint l’une des 5 mutuelles survivantes, on considère que 3 000 à 4 000 d’entre eux, essentiellement des personnes âgées, ont définitivement quitté le monde mutualiste, se retrouvant ainsi sans complémentaire-santé, ni assurance-obsèques qui, comme on l’a vu, revêt une importance particulière aux Antilles. Le dédommagement qui leur a été proposé ne peut excéder six années de cotisation. Les 16 Alias Magazine www.aliasoutremer.org mutuelles interprofessionnelles survivantes ont indirectement pâties d’une perte de confiance de la population guadeloupéenne à l’égard de la mutualité. Dans un contexte économique difficile, on imagine bien que l’absence de complémentaire-santé contribue à la paupérisation des foyers les plus fragiles. Après avoir connu des hauts et des bas, la mutuelle Mare-Gaillard est aujourd’hui la plus ancienne mutuelle de Guadeloupe en activité. En 1990, elle s’est lancée dans la prise en charge de la complémentaire-santé puis dans l’offre de prévoyance. Suite à l’adoption du code de 2001, elle a fusionné en 2006 avec la Mutuelle Accord en Martinique, puis en février 2001 avec la Mutuelle de Saint-François Guadeloupe. La mutuelle compte actuellement plus de 60 000 adhérents pour 125 000 personnes protégées. La Mutuelle générale de Prévoyance sociale (MGPS), fondée en 1980, a été la première la première mutuelle interprofessionnelle guadeloupéenne a proposé une complémentaire-santé aux travailleurs indépendants. Elle assure également la couverture complémentaire des travailleurs salariés du privé, et s’occupe des contrats de prévoyance des particuliers et d’entreprises. Elle couvre environ 30 000 personnes. Créée en 1990, la Mutuelle populaire d’action sociale (MPAS) est depuis l’origine une mutuelle tournée vers les besoins des foyers économiquement faibles, pour lesquels elle avance de l’argent des remboursements de la sécurité sociale. Elle couvre quelques 47 000 adhérents en Guadeloupe et en Guyane. Avec 18 000 à 24 000 dossiers CMU à gérer (ce qui correspond au chiffre le plus important pour l’ensemble de l’Outre-Mer), elle joue un rôle social indispensable. Signalons encore l’Unité Fraternelle des Régions (UFR), structure martiniquaise fondée en 1977 sous forme de tontine devenue mutuelle en 1982. L’UFR s’est implantée en 1995 en Guadeloupe, puis en métropole et dans les autres départements d’outremer, renforçant l’idée d’une interrégionalité domienne. L’UFR couvre les frais d’obsèques, ainsi que la complémentaire-santé depuis 1994 (9). (8) Environ 450 000 habitants dans l’ensemble de l’archipel qui comprend les îles principales de Grande Terre et Basse Terre (la Guadeloupe proprement dite) et, les Saintes, Marie Galante et la Désirade. (9) Voir un dossier complet sur l’UFR dans réponse n°108 d’octobre 2010. Le fil jamais rompu de la solidarité Aujourd’hui encore, l’assurance obsèques revêt une importance primordiale dans l’activité de la mutualité antillaise. La décoration des monuments funéraires dans les cimetières fait comprendre combien ceci est partie intégrante de la culturel antillaise, la population étant par ailleurs très pratiquante… La coutume selon laquelle il faut respecter neuf journées de deuil, pendant lesquels le recueillement est de mise, se heurte à l’urgence des démarches administratives à accomplir. Les mutuelles doivent donc adopter une certaine souplesse dans leur fonctionnement afin de ne pas heurter les mentalités, et de ne pas pénaliser les familles endeuillées. Leurs prestations vont d’ailleurs bien au-delà des stricts frais funéraires, couvrant les dépenses de cercueil, de banquet, de musique. Jusqu’en 2006, la mutuelle Mare-Gaillard organisait quatre fois par an des messes en l’honneur des défunts… Désormais, la plupart des mutuelles offrent de la complémentaire-santé. Là encore, il convient de tenir compte d’une situation différente de la métropole, avec des pathologies spécifiques au milieu tropical, comme la dengue, la drépanocytose et, ponctuellement le chikungunya. Les consultations médicales y coutent de 10 à 20% plus cher qu’en métropole, de 20 à 30% pour les produits pharmaceutiques. Certaines maladies, comme l’hypertension et le diabète sont assez courantes. Selon Alain Mabialah (10), le directeur de la MPAS, les pratiques conviviales, depuis longtemps abandonnées dans les mutuelles métropolitaines, se déclinent sous différentes formes : visite des membres du conseil d’administration aux personnes hospitalisées, organisation d’une « journée de la mer », organisation d’un repas pris en commun, défilé annuel… Sans compter que, dans un souci de coller au plus près des besoins des sociétaires, les bureaux sont ouverts à la demande. En milieu insulaire, il n’est de mutualité que de proximité. Ayen san penn On n’a rien sans peine ! Cependant la lourdeur administrative induite par la réglementation européenne, ainsi que les retards de plus en plus fréquents dans le paiement des aides sociales, entrave le fonctionnement de cette solidarité de proximité. Dans ce contexte, la mise en œuvre de la Solvabilité 2 ne s’annonce pas comme un chemin bordé de roses pour les responsables mutualistes. Alain Mabialah avoue être « mal à l’aise dans cette nouvelle version comptable de la mutualité ». Même son de cloche du côté de Maurille-Serge Chicot, le président de la mutuelle historique de Mare-Gaillard : à 7 000 kilomètres de la métropole, les contraintes imposées par les directives européennes ont été très mal perçues. Les uns et les autres regrettent que les mutualistes métropolitains soient si peu éclairés sur les problèmes sociaux spécifiquement liés à la géographie des Antilles. Par exemple, leur du séisme de 2004 qui a entrainé des dégâts humains (1 mort et plusieurs blessés graves) et des dégâts considérables dans les habitations, les appels à la solidarité mutualiste d’ont guère suscité de réaction en métropole. La notion de « secours exceptionnel » n’est pas forcément la même en métropole ou dans les Antilles régulièrement touchées par des cyclones dévastateurs. Force est de reconnaitre que l’ignorance des Français du continent à l’égard de l’Outre Mer s’étend à bien d’autres domaines que celui de la protection sociale… (10) Alain Mabialah est le directeur de la MPAS, et le président de la Mutualité interprofessionnelle de Guadeloupe (MIG) et de l’Union régionale des Mutuelles-Antilles, adhérente à la fédération des mutuelles de France. Il est également poète et écrivain. G.H. Emmanuel Alias Magazine www.aliasoutremer.org 17 INITIATIVES : o r t é r e l s n a d l Coup d’œi Comment la Caisse Coopérative de Prêts est-elle devenue la Banque Antillaise ? Créée en février 1915 par 19 commerçants de Guadeloupe, la Caisse Coopérative de Prêts a parcouru un long chemin ! Au fil du temps et malgré un cadre réglementaire stricte et inadapté à la Guadeloupe elle a pu devenir une banque au service d’une économie locale et innovante, représentative d’une solidarité active. Coup d’œil dans le rétro La première guerre mondiale fait rage ! Malgré tout, ce dimanche du mois de février 1915 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, 19 commerçants qui se sont liés d’amitié, ont pris l’initiative de se réunir pour adopter les statuts d’une caisse coopérative de prêt dont la création devrait apporter à ses adhérents quelques bribes de crédit nécessaire au développement de leurs petites affaires. Ils étaient certes, pleins d’illusions et d’espoir, mais néanmoins conscients de leurs faiblesses. 18 Alias Magazine www.aliasoutremer.org La modeste Caisse Coopérative de Prêts fut ainsi créée mais elle grandissait néanmoins avec une lenteur désespérante. Pour mémoire, le 15 mars 1915, cette coopérative bénéficiait d’un petit capital qui était l’équivalent d’un ordre de dépôt de 19 sociétaires, pour 49 actions d’un montant de 100 francs outre mer. Par la suite, 33 autres adhérents vinrent s’ajouter au 19 fondateurs avec un apport permettant à la Caisse Coopérative de Prêts de démarrer avec 4900,00 francs outre mer, pour un capital d’au moins 10 000, 00 francs outre-mer. (1826 début de l’intégration monétaire des Antilles à la France avec le remplacement de la livre coloniale par le franc). Les efforts n’ont pas été vains En 1954, il fut demandé aux banques locales dépendantes du secteur mutualiste, populaire ou coopératif, à savoir le crédit guadeloupéen et la banque de la Guadeloupe d’être inscrites sur la liste des autres banques telles que les banques d’affaires et les banques de crédit à long et moyen termes. Ce fut donc l’occasion de transformer la Caisse Coopérative de Prêts en banque agréée. En 1955 avec l’aval du comité monétaire de la zone franc, qui couvrait alors tous les établissements de crédit de la zone franc, la Caisse Coopérative de prêt devint la Banque Antillaise. Ancien élève de l’école polytechnique X1949, Félix Cherdieu D’Alexis, fils du fondateur de la Caisse Coopérative de Prêts fut chargé par son père, alors âgé, de prendre la direction de la banque antillaise. En sa qualité de nouveau président directeur général, ce dernier sut donner l’impulsion nécessaire pour que le bilan de cette structure financière double pratiquement tous les trois ans. De fait, en 1975, la Banque Française Commerciale, filiale d’INDOSUEZ, prit une participation de 35 % dans la Banque Antillaise. En 1979, la Banque Antillaise fut intégrée à la Banque Française Commerciale (BFC) par fusion absorption. Dès 1985, la BFC scinda les activités et créa la BFC Antilles Guyane. Aujourd’hui, la BFC-AG est détenue par LCL. Avec 330 collaborateurs, la BFC AG est une banque à taille humaine proche de ses clients. Les processus de décision et les organigrammes sont bâtis sur le principe de la hiérarchie courte, afin d’assurer une grande réactivité auprès de sa clientèle. Comment expliquer le succès de la Caisse Coopérative de Prêts ? Elle apportait son aide aux Antillais qui allaient faire leurs études en métropole. A leur retour quand ils voulaient s’installer, elle devenait de fait, leur banque. Selon le statut de caisse coopérative de prêts, il fallait être actionnaire, pour être client et obtenir un crédit. Suivant ce système coopératif, les résultats étaient ainsi répartis entre les actionnaires, non pas au prorata des actions qu’ils détenaient, mais au prorata du courant d’affaires qu’ils apportaient. Félix Cherdieu D’Alexis fils du fondateur de la coopérative et de la BA qui fut lui-même PDG de la Banque Antillaise. Bernard Bracha Alias Magazine www.aliasoutremer.org 19 DES TERRITOIRES ET DES HOMMES Les sociétaires du Cuistot Mutuel sont dans les starting… Les sociétaires du Cuistot Mutuel plus connu comme l’association des Cuisinières de Guadeloupe, sont en plein préparatifs. Cette semaine sera donnée le coup d’envoi des préliminaires au rendez-vous majeur du mois d’août : « la messe des « Cuisinières », le must en manière d’évènementiel dans le monde des sociétés mutualistes. C’est un classique du répertoire des vacances aux Antilles. Revêtues de leurs plus beaux atours, ces dames et leurs « commissaires » vont faire le show dans Pointe-à-Pitre. Le rendez-vous est pour le samedi 8 août 2015 à la Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, leur lieu de culte habituel. Et la Fête sera magique, merveilleuse, magnifique... Les images des manifestations passées suffisent à elles-seules à faire délirer les papilles. 20 Alias Magazine www.aliasoutremer.org Puisque l’on n’en est pas encore là, un peu d’histoire pour remettre de l’ordre dans les dates. 1916 voit la création de la société de secours mutuel des Cuisinières, ce n’est pas la première du genre, ce ne sera pas la dernière. La première société de secours mutuel créée en Guadeloupe a été « Les Roses Fanées » en 1888 à Pointe à Pitre, suivie du « Sou du pauvre » en 1902 et du « Sou des dames » en 1905. En attestent les recherches menées par les historiens dont Cécile Celma, conservateur du musée Schœlcher de Fort de France, qui en rend compte dans son intéressante étude : « Deux formes de sociabilité de la population de couleur en Martinique et en Guadeloupe à la fin du XIXe siècle : la mutualité et le syndicat ». Les Roses Fanées, comme son patronyme l’indique, était une société de personnes âgées, particulièrement bien organisée. Elle a même possédé sa propre salle de réception à la rue Anatole Léger à Pointe-à-Pitre. Et ce, jusqu’à la fin des années soixante, un lieu qui commençait à tomber en désuétude à cause de la concurrence du palais de la Mutualité enfin achevé. La rénovation urbaine pointoise lui donna le coup de grâce en signant sa destruction... Transition toute trouvée après cette parenthèse historique puisque ces deux salles hébergeaient les manifestations festives ou autres, des sociétés mutualistes ou des particuliers : les bals par exemple dont celui, traditionnel, des cuisinières. Pas de rupture dans la tradition Saint-Laurent, le Saint Patron des Cuisinières. Samedi 25 juillet, le Cuistot Mutuel n’y déroge pas en organisant son « Traditionnel Grand Bal » à l’Espace Fauchéry au Moule. Pas de tradition sans l’Orchestre Jeunesse. Il faut dire que Feu Paule Emile Halliar a dans les années 50-70 voire même début 80 fait régulièrement danser ces Dames d’alors. Il y avait par société deux organisations : le grand bal et la soirée dansante « riz et calalalou » et...deux messes : la grande messe en l’honneur du saint patron et celle plus communément appelée la « messe des âmes » en hommage aux membres disparus... Le Grand bal des Cuisinières a pour objectif de faire rentrer des fonds afin d’assurer le budget nécessaire au bon déroulement des festivités du mois d’août. C’est sous sa protection qu’a été placée l’association. Ces sociétés de secours mutuel à vocation d’entraide et de solidarité regroupaient à l’origine pour la plus grande partie d’entre elles, des gens de maisons. C’est ainsi que : La société Saint-François d’Assise comprenait les « bonnes d’enfants », les mabos ou das comme on les appelait dans les grandes familles bourgeoises de l’époque. - La société Saint Jules regroupait les lessiveuses - Le sou des dames accueillait les ménagères et est d’ailleurs devenu le sou des ménagères. - Sainte Rose de Lima était la sainte patronne des « Roses Fanées » Lors des défilés, Saint-Laurent, le saint patron n’est plus porté à bras d’homme. Depuis le début de l’ère moderne des Cuisinières, il se fait conduire, excepté pour accéder à l’église de Pointe-à-Pitre. Alias Magazine www.aliasoutremer.org 21 Pas d’invités extérieurs En cette année 2015, l’association n’accueillera pas d’invités « extérieurs» à la Guadeloupe, se réservant pour l’année 2016, année du centenaire dont les célébrations s’annoncent des plus grandioses. Les associations sœurs de Martinique et de Guyane n’effectueront pas de ce fait le déplacement de Pointe à Pitre, proximité des cérémonies du centenaire oblige. L’impact budgétaire de la réception des hôtes explique cette absence. L’association du Cuistot Mutuel assurant effectivement en temps ordinaires le gîte et le couvert à ses hôtes. On attendra donc 2016 pour voir à nouveau évoluer le Cordon Madras de Martinique et la Gastronomie Guyanaise aux côtés de nos cordons bleus. Autre association sœur mais beaucoup plus proche géographiquement, l’association Bois de rose de Marie Galante attendra elle aussi l’an prochain pour prendra le bateau pour Pointe à Pitre. Voyages, Voyages… A Paris plus souvent qu’à leur tour. De la cuisine de l’Elysée aux jardins de la rue Oudinot en passant par le Bourget, nos cuisinières sont partout. En Europe, dans la Caraïbe, sur le continent américain, rien ne résiste à leur déferlement chatoyant et odorant. Nos ambassadrices adorent également jouer à domicile. Elles sont de toutes les fêtes communales locales, toutes les grandes manifestations leur ouvrent les bras. 22 Alias Magazine www.aliasoutremer.org Les grandes figures des cuisinières Léonie Mélasse, célèbre pâtissière de la Rue d’Ennery (Pointe à Pitre) a assuré un long bail en tant que présidente des Cuisinières (quasiment de la création à 1970). C’est avec Violetta Chaville Saint Phor (présidente de 1970 à 1991) que la société des cuisinières est passée dans l’ère moderne. Sous la présidence de cette grande dame, très respectée et excellente gestionnaire, les festivités sont entrées dans une autre dimension. Les plus anciennes évoquent encore le souvenir de l’ancienne patronne du restaurant la Créole avec beaucoup d’émotion dans la voix. Exulie Lacrosse Varieux lui a succédé de 1991 à 1997. C’est Viviane Madacombe qui assura la présidence jusqu’en 2000. Année charnière puisqu’en 2001, le nouveau code de la mutualité entraîna la dissolution des petites mutuelles. Les « cuisinières » durent alors se transformer en association et ce, sous l’égide de Netty Foggéa présidente jusqu’en 2006. 2006 vit par ailleurs l’arrivée aux « fourneaux » de Mérita Félix contrainte pour raison de santé de passer le flambeau en 2014 à Marie Lencrerot, l’actuelle présidente du Cuistot Mutuel. C’est cette jeune septuagénaire qui dorénavant conduit la grande revue culinaire et festive du mois d’août. Elle est membre de l’association depuis une trentaine d’années et s’appuie sur un bureau expérimenté et fidèle à la cause de ce morceau de notre patrimoine culturel. DES TERRITOIRES ET DES HOMMES Où sont les hommes ? Pas très nombreux au début de l’histoire de l’association, ils sont actuellement une trentaine dont le vice-président chargé de la communication Rony Théophile. A l’origine, il s’agissait des époux ou compagnons (...on a toujours besoin des bras d’un homme... !). Statut qui perdura avant que ceux que l’on appelle « les commissaires » ne parviennent à se faire une place au sein de l’organisation. Ils ne sont plus en posture d’ingrédients « homéopathiques » mais leur présence est dorénavant bel et bien reconnue. Quelques noms de membres masculins Le président Névado-Gérard BourguignonChristian Cléry et bien sûr Rony Théophile. Le cuistot mutuel en chiffres L’association ne compte actuellement que 188 adhérents à jour de leur cotisation (plus d’une trentaine manquent à l’appel, le cycle de la vie ayant malheureusement fait son œuvre). Pour y adhérer, il faut être parrainé. Les instances sont très strictes sur ce point malgré l’afflux des demandes. Certains candidats ne ciblent que le mois d’août et ses festivités, ce qui est contraire à la philosophie associative qui veut qu’une association, cela vit toute l’année. « Ou pa ka vinn fê an kou lan mèss ! » Seule donc la garantie d’un parrain ou d’une marraine peut vous ouvrir la porte, cela peut toutefois s’avérer insuffisant au bout d’une année... Pour sa part, la relève s’annonce prometteuse, bien coachée par les gardiennes du Temple du Patrimoine culinaire guadeloupéen. D’ici le 08 Août 2015, Jour J, vous pourrez suivre au quotidien toute l’actualité de l’association « Cuistot Mutuel » de Guadeloupe sur Alias. G.H. Emmanuel Alias Magazine www.aliasoutremer.org 23 OUTRE-MER Madin’Ekitab, ou le rêve d’un monde égalitaire L’association Loi 1901 Madin’Ekitab, invite les consommateurs de la Martinique à être des citoyens altruistes et des « consomm’acteurs » responsables. 24 Alias Magazine www.aliasoutremer.org Au pied de la Montagne Pelée, le marché Saint-Pierre, la sous-préfecture du Nord caraïbe, accueille tous les deuxième samedi du mois, les stands de Madin’Ekitab. Un rendez-vous régulier pour sensibiliser la population au commerce équitable (CE). Des produits équitables pour réduire les inégalités Nord/Sud On pense bien connaître la filière équitable car paquets de café et de thé labellisés CE, ont envahi les rayons des grandes surfaces. Paule et Denis BRUNSCHWIG, respectivement présidente et trésorier de l’association, présentent une gamme étendue de produits estampillés commerce équitable. Cela va de l’artisanat (sculptures, sacs, bougies, instruments de musique, meubles), aux vêtements en coton bio, en passant par les cosmétiques (savons, beurre de karité) et le riz, les jus… « Nous proposons des produits éthiques, c’està-dire des produits dont la production, la vente et la consommation donnent la prépondérance au respect de l’homme», précise Mme BRUNSCHWIG. Le producteur du Sud vend ses produits aux pays du Nord au prix juste. Il peut alors scolariser ses enfants, accéder à l’eau potable et contribuer au développement de l’économie de son pays. Une consommation engagée pour changer le monde Cependant, le message du commerce équitable ne va-t-il pas à l’encontre de celui du «Consommer local » ? Seulement en apparence, selon les responsables de l’association créée en 2007. Ainsi, ils notent plutôt une convergence de vue avec les revendications de l’AMAP, l’association pour le maintien d’une agriculture paysanne, ou l’association Orgapéyi. De plus, souligne Paule Brunschwig, « nous incluons toujours des artisans locaux et incitons la consommation des produits de saison, du terroir, dans le respect de l’environnement ». Par exemple, Madin’Ekitab commercialise les confitures confectionnées par les religieuses du Monastère de Bout-Bois, au Carbet, à partir des fruits de leur verger. Pour modifier les habitudes et provoquer une prise de conscience, l’information de la population est primordiale. D’où des actions ponctuelles, telles que MADISOLIDD, ou Madinina Solidarité Internationale et Développement Durable, qui se tiendra le 23 novembre prochain. Après Haïti et le Brésil, c’est le Burkina-Faso et le Sénégal qui seront à l’honneur au Centre de Découverte des Sciences de la Terre de Saint-Pierre, en partenariat avec le Festival du film documentaire « AlimenTerre ». Pour Paule Brunschwig, une occasion d’accueillir de nouveaux bénévoles aux talents multiples et « d’amender nos achats pour moraliser les échanges entre pays et changer le monde ». G.H. Emmanuel Alias Magazine www.aliasoutremer.org 25 OUTRE-MER GUYANE : Développement durable de l’agriculture raisonné et biologique des plantes patrimoniale. ARAG association Rurale Agricole de Guyane : un modèle de développement durable après tout juste 5 ans d’existence L’ARAG a pour objectif le développement et le maintien de l’agriculture raisonnée et traditionnelle, de développer et favoriser la production bio frais et/ou surgelés pour couvrir les besoins en autoconsommation, de viser l’exportation/l’importation de tous produits issus de l’agriculture. Objet de l’ARAG : duits agricoles Valoriser et promouvoir les pro nien; patrimoniaux du bassin amazo exploitations les Intégrer et développer dans d’espèces production la agricoles patrimoniales et endémiques; iques; Développer les filières économ rations dans opé Effectuer des acquisitions ou le cadre de son objet ; ir les porteurs Accueillir, encadrer et souten de projets agricoles; intérêts de ses Représenter et défendre les adhérents. sont également du Littoral. Ces domaines de Guyane par classés au Patrimoine Culturel elles (DAC) du la Direction des Affaires Cultur uses gravures fait de la présence de nombre archéologiques rupestres et de vestiges fermes et habitations d’anciennes s, le eur Par aill historiques du Mont Mahury. par le Conseil domaine Pascaud est classé e parmi les Départemental de la Guyan espaces naturels sensibles. Activités de l’ARAG : de solidarités Développement local, promotion ation d’activités économiques (aide à la cré économiques individuelles) deux domaines L’ARAG a la gestion de les lieux dits « y, agricoles sur le Mont-Mahur aine Diamant », domaine Pascaud » et « dom ire-Montjoly situés sur la commune de Rém nt au Conseil et appartenant respectiveme Conservatoire Général de la Guyane et au Circuit agro-touristique du Domaine de Pacaud 26 Alias Magazine www.aliasoutremer.org Sur ces domaines, l’association développe ses activités de conservation du patrimoine culturelles et ses projets agricoles de plantes patrimoniales telles que le Cacao, le Café, les Palmiers, la Vanille, le Bois de Rose, les plantes aromatiques et celles de la pharmacopée locale. Un réseau de sentiers pédestres éco-touristiques est accessible de manière permanente au public. Ce réseau de pistes et layons relient les différents sites agricoles, de gravures rupestres et de vestiges archéologiques. Monsieur Yves Delecroix, Vice-président de l’ARAG, assure l’animation pédagogique des sites ainsi que de la production locale de Cacao et de chocolat. En 2014, 560 visiteurs préinscrits ont participé aux visites guidées. Pour cette année 2015, ce sont près de près de 1000 visiteurs qui sont attendus sur les différents sites. L’action proposée L’Association Rurale Agricole de Guyane (ARAG) s’inscrit dans une dynamique Économique Sociale et Solidaire (ESS) et s’est engagée dans l’Insertion par l’Activité Économique (IAE). Elle a obtenu du Conseil Départemental d’Insertion par l’Activité Économique (CDIAE) du 22 Octobre 2014 l’agrément pour la création de l’atelier Chantier d’Insertion « ACI Mahury». L’ACI Mahury, a pour mission d’employer, d’encadrer et de former jusqu’à 8 salariés issus du public en démarche d’ insertion sur le territoire guyanais, tout en contribuant aux activités collectives et économiques de l’association. Les activités de l’ACI Mahury s’inscrivent dans deux domaines d’interventions de l’ARAG: • la conservation et la valorisation du patrimoine archéologique, rupestre, immatériel et Biodiversité du Mont Mahury sur la commune de Rémire Montjoly. • la promotion et l’agriculture durable des plantes patrimoniales guyanaises (Cacao, Vanille, Bois de Rose, Café, Palmier, PAPAM, ...) personnes placées sous main de justice et 4 postes sont pourvus par des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Les salariés en insertion bénéficient de l’intervention d’un accompagnateur socioprofessionnel chargé de les aider à résoudre leurs problèmes d’ordre social, administratif, de santé, d’addiction et de toxicomanie d’une part, et de les conduire dans une progression professionnelle et de formation pour lever certains freins à leurs accès à l’emploi, d’autre part. Les salariés en insertion bénéficient d’un encadrement technique adapté aux missions de travail dont ils sont en charge. L’Encadrant Technique d’Insertion (ETI) donne accès à la connaissance et aux savoirs de base (compétences socles) et accompagne les salariés vers l’acquisition de compétences professionnelles. L’insertion du public visé s’opère par la formation, l’emploi et dans le cas de l’ACI Mahury par la conservation et la valorisation du patrimoine culturel et vivant. L’année dernière l’ARAG a participé aux trophées des associations de la Fondation EDF. Ces trophées des associations récompensent les actions d’associations locales en faveur des jeunes dans les domaines de l’environnement, de la culture et de la lutte contre la toxicomanie. Domaine de Pacaud Documentation ARAG Remerciements au président de l’ARAG Yves Montabord et au vice-président Yves Delecroix Parmi le public bénéficiaire, les 8 salariés en insertion, 4 postes sont pourvus pour des Y.A Alias Magazine www.aliasoutremer.org 27 SANTÉ/SOCIAL Entretien des espaces verts Risques professionnels recensés Prévention - Formation Le nombre d’entreprises en lien direct et indirect avec le secteur du paysage est en constante progression. Selon le rapport annuel des entreprises du paysage de 2014, il y aurait à ce jour sur l’ensemble du territoire de la France métropolitaine y compris en outremer pas moins de 30 000 entreprises du paysage reconnues par les pouvoirs publics, dont 94% auraient moins de 10 salariés (chiffres clés 2014 du secteur du paysage de l’UNEP). 28 Alias Magazine www.aliasoutremer.org De la création de jardins à l’entretien d’espaces verts en passant par l’élagage d’arbres, le reboisement, ou encore le paysagisme d’intérieur, la création et l’entretien de terrains de sport, d’espaces verts publics et de jardins d’entreprises et de particuliers, les activités des entreprises du paysage sont variées et attirent des personnes de tout âge. Cependant, la diversité et l’évolution constante des métiers du paysage doivent faire l’objet d’une attention particulière en termes de recensement et de prévention des risques professionnels dans le respect des règles de sécurité et de la réglementation environnementale. Brève histoire de la prévention des accidents On notera avec intérêt que c’est seulement après le début de la “Révolution industrielle” que les législateurs édictèrent des règlements sur la prévention des accidents. Jusqu’au début du dix-septième siècle, il n’y avait pas de grandes usines. En comparaison avec ce qui se passe aujourd’hui, les accidents du travail étaient peu nombreux. Cependant, avec l’avènement du machinisme et de la production en série, les risques s’accrurent et avec eux les accidents graves. Il devint évident, que les ouvriers travaillaient dans des conditions lamentables, voire dangereuses. Aveuglés par l’égoïsme et la cupidité, nombre d’employeurs ne pensaient guère à imposer des normes de sécurité. Avec le temps, beaucoup de gouvernements et d’hommes d’affaires ont reconnu combien les accidents du travail faisaient du tort à la société. Les pertes en heures de travail, les frais médicaux et les dégâts causés aux biens et aux marchandises rendaient une action indispensable, sans parler de l’incidence de ces conditions sur le moral du personnel. Par conséquent, toutes sortes de mesures de prévention contre les accidents ont vu le jour, motivées jusqu’à un certain point par des raisons humanitaires, mais surtout par des considérations économiques. Alias Magazine www.aliasoutremer.org 29 La filière Jardins et Espaces verts Des métiers à risques Selon de récentes statistiques nationales relatives aux accidents du travail pour la filière Jardins et Espaces verts, environ 8000 accidents d’accidents du travail, hors accidents du trajet sont répertoriés tous les ans en France, dont 600 accidents graves non mortels. Les accidents les plus fréquents sont liés aux efforts, aux chûtes mais également lors d’utilisation de machines. On comptabilise en effet soixante et onze accidents pour un million d’heures travaillées dans le secteur paysage, contre une trentaine d’accidents tous secteurs d’activité confondus. Le nombre moyen de jours d’arrêt, environ 40, est nettement inférieur à l’ensemble des secteurs (près de soixante jours), on se blesse plus souvent dans ce secteur mais les accidents sont globalement moins graves. Quelle formation faut-il avoir pour pratiquer ce métier ? Ce métier est accessible avec un CAP/BEP Agricole en horticulture, travaux paysagers. Il est également accessible avec une expérience professionnelle dans le secteur sans diplôme particulier. Un diplôme d’ingénieur paysagiste, un Bac professionnel ou un BTS Agricole en horticulture, travaux paysagers, ... peut être demandé pour les fonctions d’encadrement. Les recrutements peuvent être ouverts sur contrat de travail saisonnier, à durée déterminée ou sur vacation. Un ou plusieurs Certificat(s) d’Aptitude à la Conduite En Sécurité -CACES- conditionné(s) par une aptitude médicale à renouveler périodiquement peu(ven)t être exigé(s). Les permis E (B) et C peuvent être requis. 30 Alias Magazine www.aliasoutremer.org SANTÉ/SOCIAL Des espaces verts à valoriser Des espaces verts, c’est bien ! Mais du personnel qualifié pour les entretenir dans le respect de la réglementation, c’est mieux ! Gageons qu’en Guadeloupe « l’offre d’insertion » au sein des espaces verts soit davantage valorisée en faveur de ceux qui interviennent trop souvent sur des prestations très peu qualifiées. Le réseau de l’économie sociale et solidaire se révèlera t-il être un secteur plus professionnalisant avant d’accéder à l’emploi, au sein d’une collectivité publique ou dans le secteur concurrentiel ? Soyons positif, le feu passe au vert, on redémarre ! Bernard Bracha Alias Magazine www.aliasoutremer.org 31 ÉCONOMIE FINANCES Tontines et micro-crédit : deux instruments financiers. 32 Alias Magazine www.aliasoutremer.org Les tontines sont la forme traditionnelle la plus efficace de l’épargne et du petit crédit. D’une certaine façon, on pourrait parler d’associations rotatives d’épargne et de crédit. Tout comme les caisses locales et mutuelles, elles ne sont pas reliées à de grandes organisations, ni aux banques. Elles reçoivent l’épargne de leurs membres souvent liées par un point commun comme une même famille, un même quartier ou encore une même région, et fixent elles-mêmes les taux d’intérêt sans tenir compte des lois ou du marché financier, mais en revanche, elles ne reçoivent pas d’aide extérieure. La somme des versements qui passe dans les tontines est une épargne que chacun constitue librement et grâce à laquelle chaque membre pourra en disposer le moment venu. En résumé, on peut donc dire que la tontine est un encouragement au travail puisque le récipiendaire se doit de rembourser. Alias Magazine www.aliasoutremer.org 33 Différents types de tontines Parmi les types de tontines les plus répandues, citons les tontines mutuelles qui reposent sur la solidarité où chaque adhérent verse régulièrement une cotisation. La totalité des fonds versés est mise à chaque fois à la disposition d’un membre, à tour de rôle. Les sommes épargnées ne produisent pas d’intérêt financier pour l’épargnant. Les tontines financières consistent quant à elles en dépôts effectués par l’ensemble des adhérents, mis aux enchères selon des modalités statutairement définies. Le produit de ces enchères est ensuite reparti entre les participants qui, quelle que soit leur propre enchère, se trouvent rémunérés de leurs propres versements. Concernant les tontines à accumulation, les cotisations ne sont pas redistribuées à un des membres mais accumulées dans la caisse de la tontine. Les fonds ainsi collectés appartiennent à la tontine jusqu’à ce que les membres décident d’effectuer un partage, c’est-à-dire de redistribuer tout l’argent accumulé aux membres, au prorata de ce qu’ils ont cotisé. Entre-temps l’argent de la tontine est investi de la façon dont les membres en ont décidé collectivement. Le plus souvent, les fonds sont octroyés aux membres sous forme de crédit dont les conditions sont décidées collectivement (conditions d’obtention, durée, intérêt, échéances de remboursement, recouvrement et sanctions en cas de retard dans le remboursement, etc.). Ainsi les membres empruntent auprès de la tontine pour mener des activités économiques. Ils remboursent ensuite la tontine, capital et intérêts. Les crédits étant souvent courts avec des intérêts relativement élevés, les fonds disponibles s’accroissent rapidement, ce qui permet aux membres d’emprunter plus longtemps, et ainsi de développer progressivement leurs affaires. Au moment du partage, les membres reçoivent nettement plus que ce qu’ils ont cotisé. Ainsi, ceux qui ont avant tout besoin d’épargner et ceux qui ont avant tout besoin de crédit y trouvent tous leur compte. La somme importante ainsi récupérée peut permettre un investissement à plus long terme, ou de faire face à une dépense importante prévisible. 34 Alias Magazine www.aliasoutremer.org ÉCONOMIE FINANCES La mutation de la tontine en micro-crédit, confrontée à ses limites Pour faire face aux limites de la tontine dans notre société moderne, le microcrédit prend le relais. Il s’agit d’un secteur de crédits autre que celui des banques et des systèmes financiers formels, qui contribue à la création d’emplois et constitue une source de revenus pour les personnes n’ayant pas accès aux crédits bancaires et aux autres services financiers. Toutefois, le microcrédit a, en quelques décennies, évolué vers la microfinance, considérée comme un ensemble de services financiers répondant à des besoins précis et fournis par des institutions très variées. La microfinance semble donc être dans notre contexte de vie sociétale moderne un des leviers essentiels à l’économie sociale et solidaire. Toutefois, beaucoup de questions liées aux difficultés de pérennisation et de viabilité financière et institutionnelle devraient focaliser l’attention de ceux qui s’évertuent à nourrir les réflexions sur les enjeux d’efficacité des services d’accompagnement, notamment lorsqu’ils sont couplés à une offre de micro-crédit. Aujourd’hui, il existe des milliers d’institutions de microfinance dans le monde mais peu d’entre elles ont atteint l’autosuffisance financière. En permettant l’accès des populations rurales à des services financiers de base, en favorisant l’augmentation des revenus, en créant des emplois, en diminuant la dépendance vis-à-vis des usuriers, la microfinance, comme ce fut jadis le cas pour la tontine, permettrait, en tous cas dans une certaine mesure, de rompre le cercle vicieux de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Bernard Bracha Alias Magazine www.aliasoutremer.org 35 TÈ AN NOU COLLECTE DES DÉCHETS AGRICOLES : LA GUADELOUPE S’Y MET PROGRESSIVEMENT La gestion des déchets revêt une grande importance aux yeux des exploitants agricoles. Elle contribue à l’embellissement du paysage et permet de promouvoir une agriculture propre et durable auprès des consommateurs. Seule zone d’ombre : la nécessité d’une communication plus ciblée. La Chambre d’Agriculture mérite en effet une bonne note quant à son engagement mais la question du bassin de déchets agricoles demeure un sujet sensible et épineux. Les projets fleurissent cependant.... 36 Alias Magazine www.aliasoutremer.org Depuis 11 ans, un défi environnemental La Chambre d’Agriculture de la Guadeloupe pilote trois missions depuis 2004 : la sensibilisation aux bonnes pratiques en matière de gestion des déchets; l’organisation de collectes; la mise en place de filières pérennes de récupération. À ce jour, les collectes sont de trois sortes : des déchets non dangereux ou banals (emballages vides de produits fertilisants, EVPF) ; emballages vides de produits phytosanitaires (EVPP); des déchets dangereux (Produits Phytopharmaceutiques Non Utilisées, PPNU). Avec plus de 7 000 exploitants et d’autres utilisateurs de produits phytopharmaceutiques tels que les collectivités territoriales, les particuliers..., l’on enregistre une augmentation des tonnages collectés au fil des années. Ainsi sur la période 2004/2014, 102 tonnes de déchets plastiques furent collectés et recyclés grâce à la participation active des agriculteurs. Aujourd’hui, ils sont plus de 1 900 déposants à adopter une pratique agricole durable. Petit bémol toutefois, sur une année, seuls 300 déposants en moyenne, s’inscrivent dans cette démarche sur plus de 8000 exploitants répertoriés. De l’administration à la pratique La Chambre d’Agriculture a initié un schéma bien précis d’organisation. Le planning annuel des collectes est transmis aux distributeurs d’engrais et de produits phytopharmaceutiques. Ils interviennent ainsi dans la communication, en affichant les banderoles fournies par la Chambre d’Agriculture et en relayant l’information auprès des coopératives et de leurs adhérents. Les collectes ont lieu dans les bassins de production agricole au plus près des agriculteurs : 7 sites de collecte sont mis à disposition dont principalement les SICA, société industrielle coopérative agricole cannières. Sont mobilisés le jour des collectes, trois à quatre agents de la Chambre consulaire pour réceptionner et peser les déchets, s’assurant que les emballages sont correctement rincés. Ils délivrent ensuite un bordereau de remise de déchets, pièce indispensable lors des contrôles effectués par les services de l’État. Suite à la collecte, les matières plastiques sont acheminées pour traitement via une société de transport vers l’entreprise ECODEC (Écologie Développement environnemental de la Caraïbe). Une protection un tant soit peu...et une collecte précise Sur une pelouse bien verte, une banderole d’indication informant d’une collecte qui reste gratuite Alias Magazine www.aliasoutremer.org 37 TÈ AN NOU Des coûts et des projets : opération en continue Depuis 2012, la Chambre d’Agriculture bénéficie d’une subvention de prise en charge à hauteur de 100% à travers le FEADER, fonds européen développement agricole développement rurale, au titre de la collecte des déchets. Elle débloquait auparavant un peu plus de 40 000€ chaque année ! Cependant, ce résultat laisse perplexe car ils sont seulement 20% de la population agricole à participer aux collectes des déchets. Réfractaires ou peu ou pas assez informés ? Selon Georges Magdeleine, exploitant individuel et directeur de l’interprofessionnel IGUACANNE : « Il faudrait insister lors des assemblées générales. On devrait avoir plus de rendus puisque c’est gratuit. Mais, il est vrai que le problème reste important concernant certains emballages comme les sacs d’engrais, c’est plus compliqué, on ne peut les laver ». En effet, certains exploitants se chargent de stocker et d’emmener leurs déchets lors des collectes, souhaitant même qu’il y ait une benne permanente, d’autres n’adhèrent pas encore au dispositif de collecte et laissent leurs déchets sur leur exploitation ou les éliminent par des voies pas forcément respectueuses de l’environnement. Mais, ailleurs, un projet de valorisation locale est déjà en cours de réalisation : il s’agit d’incorporer tous bidons plastiques EPHD dans la chaîne de plasturgie d’ECODEC pour fabriquer des dalles de sol (comme celles des parkings). ECODEC est en effet équipée d’une presse hydraulique, renouvelée en Septembre dernier, et transforme de plus les EVPP et EVPF en balles qui sont ensuite vendues sur le marché mondial du plastique. Elle est aussi prête à trouver de nouvelles formules de création. 38 Alias Magazine www.aliasoutremer.org À tout problème, une solution ! D’autres types de déchets plastiques (paillages plastiques, gaines d’irrigation et plastiques de serres) ne sont toujours pas intégrés dans une filière de collecte régulière. Stockés en bordure de parcelle, les agriculteurs font appel individuellement à des prestataires pour les éliminer lorsque le stock devient important. A ce sujet, une étude ADIVALOR a été commanditée par les Ministères en charge de l’Agriculture, de l’Outre-Mer, de l’Environnement et de l’ADEME pour un diagnostic complet. Début Novembre 2014, ADIVLOR a présenté le résultat de ces travaux à l’ensemble des acteurs concernés sur le territoire. Plusieurs recommandations techniques en ont résulté dont trois scénarios à choisir pour mettre en place une filière pérenne de collecte et d’élimination des déchets issus des exploitations agricoles de la Guadeloupe. A suivre donc... Enfin, Stéphane Tadi, responsable Gestion des déchets et conseiller environnement, rajoute : « La Chambre consulaire souhaitant diminuer son implication dans l’aspect opérationnel a recentré aujourd’hui son action sur la formation et la communication auprès des agriculteurs. Une formation CERTIPHYTO a démarré incluant un module sur la gestion des déchets. De plus, une équipe de deux agents sur le terrain distille de l’information informelle. » En conclusion, information, communication, responsabilisation, respect et application des règles, voilà les principales « mamelles » pour mieux contribuer au développement d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. Les collectes vont se poursuivre régulièrement jusqu’au mois de novembre 2015 (voir tableau). Viendra ensuite l’heure de tirer les principaux enseignements de cette campagne 2015 qui devrait, selon toute vraisemblance, faire afficher un taux de collecte supérieur à celui de l’année précédente. DATES ET POINTS DES PROCHAINES COLLECTES • Mardi 17 novembre, à la Sicadeg à Port-Louis • Mardi 15 septembre, à la Socagra au Moule • Jeudi 19 novembre, à la chambre d’agriculture à Baie-Mahault et au Musée du rhum à Sainte-Rose • Jeudi 17 septembre, à la chambre d’agriculture à Baie-Mahault et au musée du rhum à Ste-Rose • Mardi 22 septembre, au CFPPA à Vieux-Habitants • Mardi 24 novembre, à la Sicagra au Moule • Jeudi 26 novembre, à la Sicama à Marie-Galante. Bernard Bracha Alias Magazine www.aliasoutremer.org 39 L’INFORMATION SUR L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE EN GUADELOUPE