la mutualité en guadeloupe

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la mutualité en guadeloupe
L’INFORMATION SUR L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE EN GUADELOUPE
numéro 05 | Juillet 2015
LA MUTUALITÉ
EN
GUADELOUPE
06
p..
Édito
« Il n’est de patrimoine que commun ».
Il faut néanmoins montrer patte blanche pour adhérer à l’Association des
Cuisinières de la Guadeloupe.
Au XXe siècle, leurs illustres prédécesseurs avaient initié au plus bas niveau de
l’échelle sociale de l’époque un des instruments forts de la solidarité : la tontine. Les
« héritières » tiennent à ce que les valeurs de solidarité et d’entraide d’origine se
perpétuent à travers les âges.
Adhésion oui, mais dans un esprit d’ouverture et de tolérance réciproque. Frapper
à la porte des Cuisinières, c’est avant tout avoir compris ou être en mesure d’intégrer
que la tradition est un héritage culturel que l’on se doit de transmettre de génération
en génération.
Se trouver un parrain ou une marraine tient ensuite de la solidarité morale qui
s’exerce au sein de l’association. Le plus dur est alors à venir, la vie associative ne
se limitant pas uniquement aux temps forts festifs mais aussi à la construction, au
partage et à la défense des valeurs communes, et ce... tout au long de l’année.
De ce fait, sa présidente Marie Lencrerot et son équipe inscrivent leurs actions
dans la continuité de l’histoire du « Cuistot Mutuel ». Et elles s’en sortent même très
bien. Il n’est pas facile de gérer une association par les temps qui courent.
Qu’importe ! L’Association des Cuisinières a de la ressource et aujourd’hui,
comme hier, les recrues doivent assumer leur engagement à servir sur le long terme
Saint Laurent, leur Saint Patron, quelque soit le degré de leur participation (simple
adhésion, participation active ou exercice de responsabilités).
A bientôt 100 ans, l’association des Cuisinières fait toujours la fierté des
Guadeloupéens. Cela ne relève aucunement du hasard, si depuis plus de trois
décennies, sa Fête du mois d’Août est devenue un objet de consommation touristique
à haute valeur ajoutée.
Georges Halbrun
Responsable de la rédaction
2
Alias Magazine
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SOMMAIRE
JUIL. 2015
EDITÉ PAR
Initiative Image Caraïbe Compagnie
(2i2c)
Association à but non lucratif
ADMINISTRATION
208, chemin de Coucou
Cousinière école
97119 Vieux-Habitants
[email protected]
DIRECTEUR DE PUBLICATION
Henri Yacou
4
RESPONSABLE
DE LA RÉDACTION
8
Georges Halbrun
RÉDACTION
Vinciane Fiorentini-Michel
Bernard Bracha
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Camilus Rabin
[email protected]
PUBLICITÉ
Responsable commercial
Elvis Goiffon
[email protected]
MAQUETTISTE
Nadelle Cilirie
PORTRAIT
04 Une grande
cuisinière, hommage
à Violetta Chaville
OUTREMER
24ARAG
26 Martinique :
Madin Ekitab
DOSSIER
08 La Mutualité
en Guadeloupe
SANTÉ / SOCIAL
28 La prévention des
risques professionnels
INITIATIVES
18 De la coopérative
de prêts à la Banque
Antillaise
DES TERRITOIRES ET
DES HOMMES
20 Le cuistot mutuel
est dans les starting …
Toute reproduction, même partielle, des
articles et iconographies publiés dans
ALIAS sans l’accord écrit de l’Association
éditrice, est interdite, conformément à la loi
du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et
artistique.
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ÉCONOMIE
FINANCES
32 Tontines et microcrédit : deux instruments financiers
TÈ AN NOU
36 La collecte des
déchets agricoles
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3
PORTRAIT
VIOLETTA
CHAVILLE,
L’INOUBLIABLE
UNE GRANDE FIGURE
Vingt quatre ans après sa disparition, sa
haute stature hante encore les souvenirs
des moins jeunes. Violetta Chaville était
en effet un personnage, haut en couleur,
une passionnée de cuisine, habitée par
un amour incommensurable pour sa
Guadeloupe natale. Elle était tout aussi
passionnée par les gens mais cachait bien
son jeu. Se dissimulait sous des exigences
de rigueur pleinement assumées, un cœur
d’or...La rigueur faisait partie des « recettes
» qui, en quelques années, lui avaient
permis de faire du restaurant « la Créole »
un passage obligé pour les gastronomes,
les plus exigeants.
On peut sans crainte de se tromper
affirmer que Violetta Chaville est un
personnage incontournable dans l’histoire
moderne du Cuistot Mutuel.
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Mise en synergie
Madame Chaville accède à la présidence
de la « société des cuisinières » en 1970
avec une réputation déjà bien établie
en tant que restauratrice. Elle est la
patronne d’un des établissements les
plus courus de la place. Les touristes,
les locaux, tout le monde connaît
« Chez Violetta ».
Energique et talentueuse en salle
comme derrière ses fourneaux, cette
reine de la gastronomie va
faire
montre de ses talents de visionnaire
aux commandes de l’association du
Cuistot Mutuel.
Patiemment , elle a travaillé l’ouvrage, se
référant à sa propre expérience dans la
gestion au quotidien de son restaurant.
Un véritable laboratoire qui lui a permis
de mieux guider l’association pour
laquelle elle nourrissait là aussi de
grandes ambitions.
Un sacré tempérament
Lors des premières années, il lui a fallu
asseoir sa légitimité. Ses soldats, dont
ses ex compagnes (elle a démarré à
la base elle aussi ) sont comme ses
filles... Son entregent et sa facilité
à comprendre la réalité touristique,
son audace et sa créativité, tout cela,
elle le mettra alors au service de
l’association. Elle s’active sur les deux
fronts, la Créole continuant à monter
en puissance.
Pour ses premières grandes initiatives,
elle se concentra sur la proximité.
Le Cuistot Mutuel possédant sur le
territoire ses habitudes de sorties, elle
veilla à les étoffer en en faisant de mini
évènements, s’appuyant sur cet ardent
défenseur des traditions qu’était
Casimir Létang (la gazette créole)
pour communiquer sur les ondes.
Les voyages dans les dépendances,
occasionnelles jusque là , vont ainsi
devenir plus fréquents
Cela n’apparut pas évident pour les plus
jeunes de se mettre au diapason de
son autorité naturelle mais le résultat
a vite fait taire certaines velléités chez
les plus teigneuses. Et puis, la reine
du monde culinaire guadeloupéen en
imposait vraiment... !
Le chemin vers l’ouverture
Très
vite,
Violetta,
présidente,
s’appuyant sur
son propre réseau
propulsa les Cuisinières dans une
autre sphère : celle des échanges avec
les autres DFA. La dame possédait
l’expérience des gens multi-cartes et
pouvait jouer sur tous les tableaux
pour faire avancer la cause du Cuistot
Mutuel. C’est ainsi que dans les années
80, elle initia des rapports suivis avec
la Martinique et connut les premiers
contacts avec la Guyane.
Violetta avait de la suite dans les idées.
Elle fonda les associations sœurs des
cuisinières de Marie Galante et de
Martinique sur le même principe. Pour
mieux souder les liens entre elles,
chaque membre de l’association sœur
devait être parrainé par une cuisinière
de la Guadeloupe. On comprend mieux
comment grâce à cette idée géniale
se sont pérennisés les échanges
entre cuisinières de Martinique et de
Guadeloupe...
Violetta Chaville a ainsi intronisé
l’ancêtre du Cordon Madras de Saint
Pierre .Elle fut la marraine de Livia
Vallade, restauratrice bien connue de
la place de Saint Pierre (972) qu’elle
imposa (1988) comme première
présidente de l’association locale à tout
juste 36 ans. Un geste dont le caractère
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PORTRAIT
symbolique a marqué l’intéressée, qui
aujourd’hui encore, manifeste sa « grande
reconnaissance » sur le blog de son
nouveau restaurant de Montfort l’Amaury
en région parisienne.
A l’époque, « les jeunes martiniquaises »,
interpellées dans un premier temps, étaient
subjuguées par l’usage que la présidente
Violetta faisait de sa clochette.** « J’en
suis demeurée littéralement abasourdie »
, nous a expliqué Sonia Chevignac qui fut
secrétaire du Cordon Madras...
En ce qui concerne la « Gastronomie
Guyanaise », c’est une autre histoire.
Sa fondatrice Feue Régine Horth, bien
pénétrée de l’existence et des activités
du Cuistot Mutuel lors de séjours en
Guadeloupe, s’en est probablement
inspiré pour créer en 1983, l’association
fanion du massif des Guyanes*.
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Autre signe d’ouverture, à la fin des années
70 , côté cercle familial, Violetta Chaville
prête de plus en plus régulièrement
une oreille attentive aux conseils de
communicant et de musicien de son fils
adoptif Freddy Marshall. Parallèlement,
son neveu Richard Chaville, professeur
de cuisine émérite, évoque avec elle la
créativité dans le domaine culinaire et
surtout lui apporte les touches techniques
en matière de présentation et de port de
plateau.
« Du pain béni » pour l’association, la
modernité était en marche, les bases
de l’Institution maintenant solidement
posées.
1985 marquera un tournant dans la
présidence de Violetta Chaville. C’est
l’année de l’invitation à la Mairie de Paris,
Jacques Chirac en fin gourmet ayant
toujours eu pour les Cuisinières, « les
yeux de Chimène ».
Ce premier grand voyage sous l’égide de
Violetta fut suivi de nombreux autres.
Paris à plusieurs reprises, diverses régions
françaises (La Bretagne entre autres).
Et c’est reparti de plus belle... ! Depuis
2006, nos ambassadrices n’arrêtent pas
un seul instant.
Violetta partie en 1991 rejoindre Léonie
Mélasse, les Cuisinières ont ainsi continué à
creuser leur sillon vulgarisant contre vents
et marées l’art culinaire et les traditions
vestimentaires de la Guadeloupe à travers
quasiment le monde entier.
En mars 2015, l’actuelle présidente
Marie Lencrerot a bouclé sa première
mandature. L’association bien relancée
par sa devancière Mérita Félix, poursuit
sa route sur ce chemin d’exception
ouvert par Violetta Chaville. Toile de fond
historique pour leur prochaine parade de
ce 8 août, l’organisation des cérémonies
du Centenaire. L’épopée de cette belle
créole de Gourbeyre sous la gouvernance
de laquelle, l’ex Cuistot Mutuel a écrit
quelques-unes des plus belles pages de
son histoire, y sera, nous n’en doutons
pas, largement évoquée.
*Dès la fin des années 80, guyanaises et guadeloupéennes
se sont en effet rencontrées à des fins de prise de
contacts... mais c’est sous la présidence de Netty Foggéa
que ce sont réellement concrétisés les échanges avec
l’association guyanaise (précisions de Lucide Clet, actuelle
présidente de la gastronomie Guyanaise).
**Un symbole du pouvoir qui lui permettait de faire
respecter et d’appliquer le protocole en toute discipline
G.H. Emmanuel
G.H. Emmanuel
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DOSSIER
LA MUTUALITÉ
EN GUADELOUPE
(Étude de Patricia
Toucas-Truyen)
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Des Tontines aux mutuelles
Patricia Toucas-Truyen est chercheur au CNRS.
Les recherches de Madame Toucas-Truyen portent
essentiellement sur l’histoire de l’économie sociale
(mutualité et mouvement coopératif), ainsi que sur
l’histoire de la protection sociale.
Elle est membre du comité de rédaction de la Recma,
revue internationale de l’économie sociale et
membre du Comité national d’histoire de la Sécurité
sociale.
Ce docteur en histoire contemporaine est auteur
de plusieurs ouvrages. Elle est également membre
du comité de rédaction de Histoire & Sociétés,
revue européenne d’histoire sociale Elle a écrit
notamment le Guide du chercheur en histoire de la
protection sociale, volume III (1914-1945). Elle a signé
Le fraternel rapprochement, Le secours mutuel en
Charente-Maritime du 19e siècle à nos jours, Le
Tiers-Livre, 2007.
En 2011, Madame Toucas-Truyen publie dans un
magazine spécialisé une étude fort bien documentée
sur la Mutualité en Guadeloupe. Sous-titrée des
tontines aux mutuelles, elle a bénéficié du concours
d’Alain Mabiala, directeur de la MPAS et président
de la Mutuelle inter professionnelle Guadeloupe
(MIG), écrivain et poète.
Patricia Toucas-Truyen suit ce fil jamais rompu de la
solidarité qui prend ses sources aux plus profonds
des souffrances des esclaves. Un fil fait d’une matière
spécifique, particularismes de notre société oblige
qui se déroule en continu depuis la période postesclavagiste... jusqu’à nos jours (En Guadeloupe, le
passage en mode solidarité n’est jamais bien loin...
référence 2009).
Ce sont les 7 pages de cette étude qui constituent
notre dossier.
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En Guadeloupe, comme
dans d’autres territoires
administrativement rattachés
à la France, les organisations
mutualistes présentent des
particularismes liés à l’histoire, aux
traditions locales de solidarité, et à
des problèmes sanitaires et sociaux
inconnus en métropole.
Si les directives de Bruxelles font
l’objet de bien de résistance sur le
continent, leur application stricte
semble relever de la chimère dans
cette « région ultrapériphérique » de
l’Union européenne…
Un terme qui prend tout son sens
aux Antilles.
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Le 4 novembre 1493, Christophe Colomb,
jette l’ancre devant Calaou çaera, ce qui signifie
« l’île aux belles eaux » en kalina, la langue
parlée par les Indiens Caraïbes qui peuplent
alors l’archipel. (1)
Christophe
Colomb
rebaptise
l’île
Guadeloupe du nom d’un monastère espagnol.
En 1635, la compagnie française des îles
d’Amérique s’installe et, avec elle, démarre
l’économie de plantation fondée sur l‘utilisation
d’une main d’œuvre servile. Le peuple caraïbe
est rapidement exterminé ou presque, après
(1) La Guadeloupe semble avoir été peuplée auparavant par
différents peuples amérindiens : les Ciboneys (3 500 avant J-C),
puis les Huétoïdes (vers 700 à 500 avant J-C) et les Arawaks (de
300 avant J-C à 700 après J-C). Arrivèrent ensuite, un peuple
provenant de l’Orénoque, les Caraïbes, redoutables guerriers
qui vont conquérir toutes les petites Antilles en exterminant
sur leur passage les premiers habitants connus. Selon certaines
sources, au cours de leurs raids contre les Arawaks, les Caraïbes
épargnèrent les femmes pour les conserver « à des fins
personnelles ». Ce qui aura pour conséquence que les premiers
colons eurent la surprise d’entendre parler deux langues
distinctes chez les mêmes Indiens : la langue caraïbe pour les
hommes et l’arawak pour les femmes.
DOSSIER
une résistance farouche par les armes et les
maladies, et les survivants déportés en 1641
sur l’ile voisine de la Dominique.
Le commerce triangulaire règne ensuite sur
l’Atlantique, arrachant des millions d’africains
à leur terre natale. Dans la seule ile de la
Guadeloupe, la France importera environ 290
000 esclaves entre 1650 et 1850.
A partir de 1664, le développement
économique de la Guadeloupe se poursuit
sous l’autorité de la Compagnie des Indes
occidentales, fondée par Colbert. Les planteurs
s’enrichissent de la culture de la canne à sucre,
du café, du cacao, des épices et du coton.
Lorsque la Compagnie est dissoute en 1674, la
Guadeloupe devient une colonie française.
Le Code Noir publié en 1685 par Colbert, fixe
le statut juridique des esclaves. Dépouillés de
leur identité africaine, ceux-ci sont considérés
comme des biens meubles. La première fois,
la révolution abolit l’esclavage en 1794… mais
Napoléon Bonaparte le rétablir en 1802.
Malgré les révoltes sporadiques d’esclaves
et la progression des idées anti esclavagiste dans
les milieux européens (2), il s’écoule encore
près d’un demi-siècle avant que la Seconde
République n’y mette un terme définitif, par
le décret Schœlcher du 27 avril 1848, 260 000
esclaves sont libérés aux Antilles, mais contre
l’avis de Victor Schœlcher, ce sont les anciens
maitres qui sont indemnisés pour préjudice
économique. Elu député de la Martinique et de
la Guadeloupe, il cède ce dernier poste à son
suppléant, un ancien esclave, Louisy Mathieu.
La solidarité des
esclaves face au malheur
Le souvenir des souffrances et des
humiliations a laissé dans l’histoire des
sociétés antillaises des traces indélébiles. Si
le mouvement mutualiste revêt une force
particulière en Guadeloupe, c’est qu’il puise ses
origines dans l’entraide qui était un gage de
survie pour les esclaves. En dépit de l’absence
totale de liberté, ceux-ci s’organise en «
nasyons », selon leur origine ethnique pour
faire face aux malheurs dont leur existence
était jalonnée. A la fin du XVIIIème siècle,
une forme de prévoyance solidaire s’exerçait
à l’intérieur des confréries noires, réprimée
par des maîtres blancs. « La République
n’entend plus faire de distinction dans la
famille humaine. Elle n’exclut personne de son
immortelle devise : liberté, égalité, fraternité»,
disait le rapport Schœlcher de 1848. Mais dans
les îles Caraïbes, la discrimination raciale,
perdure, entretenue par le code de l’indigénat
en vigueur de 1887 à 1946. Néanmoins,
encouragée par la loi de 1898, la mutualité se
développe en Guadeloupe.
Comme la plupart des sociétés de secours
mutuels françaises du 19ème siècle, les
mutuelles
guadeloupéennes
s’organisent
généralement sous la bannière de saint.
Regroupant généralement les habitants de
même quartier ou d’une même commune,
elles adoptent souvent des noms pittoresques
comme « Grenats de Petit-Bourg » ou « Violets
du Moule » (3).
Privés de la main d’œuvre servile, les
maîtres blancs encouragent l’immigration des
coolies d’origine asiatique, essentiellement
Indiens, Chinois et Annamites, au cours de la
seconde moitié du XIXème siècle. L’obligation
de rémunérer les ouvriers s’ajoutant à la
concurrence accrue de la betterave à sucre
entraine la faillite de nombreux planteurs de
canne dans les îles antillaises, et le déclin
de l’île antillaises, et le déclin de l’économie
générale de l’île, ce qui génère de nombreux
conflits sociaux. Parallèlement à l’essor du
mouvement syndical, se développe une
nouvelle forme de mutualité, qui se recoupe
sur le terrain professionnel : nombreuses
sont alors les sociétés constituées entre
boulangers, charpentiers, maçons, pécheurs,
(2) Interdiction de la traite par Napoléon, justement, en 1815,
puis par Louis XVIII, … L’histoire de la Guadeloupe est, bien
évidemment beaucoup plus complexe que la présentation qui en
est faite dans ce court résumé. Il en est de même pour l’histoire
de l’abolition de l’esclavage.
(3) Cf. : réseau de solidarité dans la Guadeloupe d’hier et
d’aujourd’hui, Luciani Lanoir-Létang, Harmattan, 2006
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cordonniers, etc. (4). Toutefois, ces associations
d’outre-mer rendent à leurs adhérents des services
sensiblement différents des prestations servies par
la mutualité métropolitaine, centrée sur la prise en
charge du risque maladie depuis le milieu du XIXème
siècle.
Des tontines funéraires
aux mutuelles
La plupart de ces sociétés sont en fait des tontines
(5) et ce faisant, elles prennent quelques libertés par
rapport à la loi de 1898 qui encadrent le fonctionnement
des sociétés de secours mutuels. Le principe est le
suivant : tous les membres versent une certaine
somme à un moment donné, et récupère à tour de rôle
l’ensemble des sommes déposées. En Guadeloupe, ces
associations servaient traditionnellement à garantir à
leurs adhérents l’organisation des funérailles. C’est le
cas de la tontine « le Cuistot mutuel » créé le 14 juillet
1916 par un groupe de femmes de Pointe-à-Pitre,
qui souhaitaient s’assurer qu’elles bénéficieraient
d’un enterrement digne. La commémoration de cette
création donne lieu encore aujourd’hui à de grandes
festivités à Pointe-à-Pitre (6), connues sous le nom de
« Fête des cuisinières ».
Organiser un soutien financier en cas de décès,
tel est aussi le but de Louis Mondésir, charpentier
de Mare-Gaillard : le 16 juillet 1933, il fonde une
tontine qui rassemble immédiatement 29 cultivateurs
de la campagne du Gosier. Au cours des années
1950, son successeur, Duverval Mayoute, installe
sur un terrain lui appartenant le premier siège de la
mutuelle, alors en plein expansion. Outre le règlement
des frais funéraires, elle apporte des aides en cas
d’hospitalisation.
Dès le début du XXème siècle s’exprime la nécessité
d’un lieu de rassemblement pour ces associations
solidaires éparpillées dans l’île. La première de la
pierre du Palais de la Mutualité est posée en 1944
dans le quartier de l’assainissement à Pointe-à-Pitre.
Pendant onze ans, les mutualistes viennent à tour
de rôle donner un coup de main à l’édification du
bâtiment, qui est achevé en 1955.
(4) Cf. : La société contre la politique : comment la
démocratie est venue aux guadeloupéens, Rodrigue
Croisic, Harmattan 2006.
(5) Voir réponse n° 108 d’octobre 2010.
(6) La fête des cuisinières a lieu le samedi le plus
proche du 10 août.
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DOSSIER
Les conflits des années
1950 et 1960
La situation socio-économique des
Antilles françaises évolue après la seconde
guerre mondiale, de même que leur
statut ; ce qui n’est pas sans incidence
sur le fonctionnement des mutuelles. Si la
diversification des cultures agricoles, et dans
une certaine mesure le développement du
tourisme, apportent de nouvelles sources
de revenus, ces nouvelles mannes sont loin
de profiter à l’ensemble de la population,
comme en témoigne la grande grève des
travailleurs de la canne à sucre en 1946. Sur
le plan de l’administration des îles, la loi sur
la départementalisation votée en 1946 fait
de la Guadeloupe un département d’outremer dans lequel est applicable le code de la
mutualité.
Les lois sociales dont bénéficient les
travailleurs métropolitains y sont appliquées
avec un certain retard : près de dix ans
après la création de la Sécurité sociale, la
loi du 13 août 1654 étend son application
la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane
française et la réunion.
Consultés par référendum en 1958, les
guadeloupéens optent pour l’intégration
de la communauté française plutôt que
pour l’indépendance. Mais les années 1960
sont marquées à la fois par la montée du
mouvement nationaliste, et de l’explosion de
conflits sociaux. En mars 1967, l’acte raciste
d’un commerçant européen envers un artisan
noir déclenche une émeute à Basse Terre ;
quelques mois plus tard, une manifestation
organisée par des ouvriers du bâtiment
à PTP pour obtenir la parité en matière de
droits sociaux donne lieu à de violentes
représailles ordonnées par le préfet, faisant
plusieurs morts (sept selon les autorités, une
cinquantaine selon d’autres sources).
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Les mutuelles
territoriales
entre tradition
et nouveaux défis
Dans un contexte souvent difficile pour
les travailleurs modestes et leurs familles,
les petites mutuelles traditionnelles assurent
un rôle essentiel de soutien financier et
moral. Cinquante ans après sa création, la
tontine de Mare-Gaillard opte officiellement
le statut mutualiste en 1983, et se lance
quelques années plus tard dans l’activité
complémentaire santé et prévoyance. Pour
pallier l’insuffisance de l’offre hospitalière en
Guadeloupe, la mutuelle aide à la construction
de la clinique de l’Espérance aux Abymes, et
du centre de convalescence Manioukani à
Gourbeyre.
C’est à l’initiative d’une personnalité
guadeloupéenne, Gabriel Lisette, qu’a été
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créée en 1976 la Société mutuelle des
originaires d’Outre-Mer (Smodom). Né
au Panama de parents antillais, Gabriel
Lisette (1919-2001) a été une des figures
marquantes de l’indépendance du Tchad
au début des années 1960. Plus discrète,
son implication mutualiste n’en laisse pas
moins une œuvre extrêmement utile pour
les originaires des Dom-Tom installés en
Métropole. Grace à la mutuelle, ils peuvent se
rendre au chevet de parents malades restés
au pays, ou à ses obsèques. La Smodom est
en quelque sorte une traduction solidaire de
la continuité territoriale. Au cours des années
1980-1990, la Guadeloupe compte environ
80 mutuelles territoriales, dont le succès tient
en grade partie aux liens de proximité avec
les adhérents : la mutuelle de Mare-Gaillard,
la mutuelle de Petit-Bourg, le Sacré-Cœur,
les Amis de la Lumière de Vieux-Habitants,
etc. L’adhésion mutualiste se transmet de
génération en génération, et le sociétariat
continue à s’étoffer grâce au bouche à oreille.
Une
tendance
se
confirme
très
sensiblement : il s’agit de la montée en
puissance des mutuelles de fonctionnaires.
Ayant étendu leurs activités à la
complémentaire-santé,
ces
mutuelles
traditionnelles sont, comme leurs consœurs
métropolitaines, confrontées à l’essor de la
concurrence des assureurs commerciaux
comme à celle des bancassurances.
L’emprise croissante de la réglementation
européenne sur les activités mutualistes a
entrainé un bouleversement considérable,
bousculant les usages séculaires en matière
de solidarité, et un fonctionnement auquel les
guadeloupéens sont attachés.
L’adoption du nouveau code des mutualités
en 2001 et les nouvelles règles notamment
en matière de réserves prudentielles entraine
un vague mouvement de regroupement à
l’intérieur du mouvement mutualiste français.
On imagine sans peine que la pilule est très
mal passée dans ces départements lointains.
Le coup de tonnerre
de 2005
En 2005, suite à ce qui semble être
une négligence administrative, la Caisse
d’assurance
maladie
Antilles-Guyane
réclame à l’UDMG (Union départementale
des mutuelles de Guadeloupe) le paiement
d’une dette énorme, que l’Union est bien
incapable d’honorer. Tandis que l’UDMG est
mise en cessation de paiement, 51 mutuelles
guadeloupéennes sont liquidées en 2 jours, au
motif d’une non-mise en conformité avec les
règles européennes dans les délais impartis,
laissant en grand désarroi des sociétaires
qui, pour beaucoup, cumulaient plusieurs
dizaines d’années d’adhésion. L’ampleur de la
mobilisation face au « Scandale des mutuelles
» dit assez l’attachement des guadeloupéens à
ce système mutualiste local qui ne peut guère
s’accommoder des directives échafaudées à
Bruxelles. Un Comité de défense des mutuelles
de la Guadeloupe est créé. Estimant que les
mutualistes ont été spoliés de leur patrimoine
et que la liquidation des 51 mutuelles n’a
pas été faite dans les règles prévues par le
Code de la mutualité, ce comité a déposé une
plainte pour x au Parquet de Paris (7).
(7) Nous avons tenté de rester purement factuels
quant à cette crise. Le moins que l’on puisse en dire
est que ce dossier est complexe et que les avis des
parties prenantes très « contrastés ».
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La mutuelle
interprofessionnelle en
Guadeloupe aujourd’hui
Cinq mutuelles seulement ont survécu au
« grand nettoyage » de 2005 : la mutuelle
Mare-Gaillard, la Mutuelle générale de
prévoyance sociale (MGPS), la Mutuelle
populaire d’action sociale (MPAS), la Mutuelle
interprofessionnelle de Guadeloupe (MIG) et
la Mutuelle interprofessionnelle de prévoyance
(MIP). La mutualité guadeloupéenne ne s’est
pas vraiment remise du traumatisme de
2005. La liquidation des mutuelles a généré
des nouveaux problèmes sociaux, qui sont
à remettre à l’échelle de la population de
l’île, soit un peu plus de 400 000 habitants
(8). En effet, si la plupart des adhérents a
rejoint l’une des 5 mutuelles survivantes, on
considère que 3 000 à 4 000 d’entre eux,
essentiellement des personnes âgées, ont
définitivement quitté le monde mutualiste, se
retrouvant ainsi sans complémentaire-santé,
ni assurance-obsèques qui, comme on l’a vu,
revêt une importance particulière aux Antilles.
Le dédommagement qui leur a été proposé
ne peut excéder six années de cotisation. Les
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mutuelles interprofessionnelles survivantes
ont indirectement pâties d’une perte de
confiance de la population guadeloupéenne
à l’égard de la mutualité. Dans un contexte
économique difficile, on imagine bien que
l’absence de complémentaire-santé contribue
à la paupérisation des foyers les plus fragiles.
Après avoir connu des hauts et des bas, la
mutuelle Mare-Gaillard est aujourd’hui la plus
ancienne mutuelle de Guadeloupe en activité.
En 1990, elle s’est lancée dans la prise en
charge de la complémentaire-santé puis dans
l’offre de prévoyance.
Suite à l’adoption du code de 2001, elle
a fusionné en 2006 avec la Mutuelle Accord
en Martinique, puis en février 2001 avec la
Mutuelle de Saint-François Guadeloupe. La
mutuelle compte actuellement plus de 60 000
adhérents pour 125 000 personnes protégées.
La Mutuelle générale de Prévoyance
sociale (MGPS), fondée en 1980, a
été la première la première mutuelle
interprofessionnelle
guadeloupéenne
a
proposé une complémentaire-santé aux
travailleurs
indépendants.
Elle
assure
également la couverture complémentaire
des travailleurs salariés du privé, et s’occupe
des contrats de prévoyance des particuliers
et d’entreprises. Elle couvre environ 30 000
personnes.
Créée en 1990, la Mutuelle populaire
d’action sociale (MPAS) est depuis l’origine
une mutuelle tournée vers les besoins des
foyers économiquement faibles, pour lesquels
elle avance de l’argent des remboursements
de la sécurité sociale. Elle couvre quelques 47
000 adhérents en Guadeloupe et en Guyane.
Avec 18 000 à 24 000 dossiers CMU à gérer
(ce qui correspond au chiffre le plus important
pour l’ensemble de l’Outre-Mer), elle joue un
rôle social indispensable.
Signalons encore l’Unité Fraternelle des
Régions (UFR), structure martiniquaise fondée
en 1977 sous forme de tontine devenue
mutuelle en 1982. L’UFR s’est implantée
en 1995 en Guadeloupe, puis en métropole
et dans les autres départements d’outremer, renforçant l’idée d’une interrégionalité
domienne. L’UFR couvre les frais d’obsèques,
ainsi que la complémentaire-santé depuis
1994 (9).
(8) Environ 450 000 habitants dans l’ensemble de l’archipel qui
comprend les îles principales de Grande Terre et Basse Terre
(la Guadeloupe proprement dite) et, les Saintes, Marie Galante
et la Désirade.
(9) Voir un dossier complet sur l’UFR dans réponse n°108
d’octobre 2010.
Le fil jamais rompu
de la solidarité
Aujourd’hui encore, l’assurance obsèques
revêt une importance primordiale dans
l’activité de la mutualité antillaise. La
décoration des monuments funéraires dans
les cimetières fait comprendre combien ceci
est partie intégrante de la culturel antillaise, la
population étant par ailleurs très pratiquante…
La coutume selon laquelle il faut respecter
neuf journées de deuil, pendant lesquels le
recueillement est de mise, se heurte à l’urgence
des démarches administratives à accomplir.
Les mutuelles doivent donc adopter une
certaine souplesse dans leur fonctionnement
afin de ne pas heurter les mentalités, et de ne
pas pénaliser les familles endeuillées. Leurs
prestations vont d’ailleurs bien au-delà des
stricts frais funéraires, couvrant les dépenses
de cercueil, de banquet, de musique. Jusqu’en
2006, la mutuelle Mare-Gaillard organisait
quatre fois par an des messes en l’honneur
des défunts…
Désormais, la plupart des mutuelles
offrent de la complémentaire-santé. Là
encore, il convient de tenir compte d’une
situation différente de la métropole, avec
des pathologies spécifiques au milieu
tropical, comme la dengue, la drépanocytose
et, ponctuellement le chikungunya. Les
consultations médicales y coutent de 10 à
20% plus cher qu’en métropole, de 20 à 30%
pour les produits pharmaceutiques. Certaines
maladies, comme l’hypertension et le diabète
sont assez courantes. Selon Alain Mabialah
(10), le directeur de la MPAS, les pratiques
conviviales, depuis longtemps abandonnées
dans les mutuelles métropolitaines, se
déclinent sous différentes formes : visite des
membres du conseil d’administration aux
personnes hospitalisées, organisation d’une «
journée de la mer », organisation d’un repas
pris en commun, défilé annuel…
Sans compter que, dans un souci de coller
au plus près des besoins des sociétaires,
les bureaux sont ouverts à la demande. En
milieu insulaire, il n’est de mutualité que de
proximité.
Ayen san penn
On n’a rien sans peine !
Cependant la lourdeur administrative
induite par la réglementation européenne,
ainsi que les retards de plus en plus fréquents
dans le paiement des aides sociales, entrave
le fonctionnement de cette solidarité de
proximité. Dans ce contexte, la mise en œuvre
de la Solvabilité 2 ne s’annonce pas comme un
chemin bordé de roses pour les responsables
mutualistes. Alain Mabialah avoue être « mal
à l’aise dans cette nouvelle version comptable
de la mutualité ». Même son de cloche du côté
de Maurille-Serge Chicot, le président de la
mutuelle historique de Mare-Gaillard : à 7 000
kilomètres de la métropole, les contraintes
imposées par les directives européennes ont
été très mal perçues.
Les uns et les autres regrettent que
les mutualistes métropolitains soient si
peu éclairés sur les problèmes sociaux
spécifiquement liés à la géographie des
Antilles. Par exemple, leur du séisme de 2004
qui a entrainé des dégâts humains (1 mort
et plusieurs blessés graves) et des dégâts
considérables dans les habitations, les appels
à la solidarité mutualiste d’ont guère suscité
de réaction en métropole.
La notion de « secours exceptionnel »
n’est pas forcément la même en métropole
ou dans les Antilles régulièrement touchées
par des cyclones dévastateurs. Force est de
reconnaitre que l’ignorance des Français du
continent à l’égard de l’Outre Mer s’étend
à bien d’autres domaines que celui de la
protection sociale…
(10) Alain Mabialah est le directeur de la MPAS, et le président
de la Mutualité interprofessionnelle de Guadeloupe (MIG) et
de l’Union régionale des Mutuelles-Antilles, adhérente à la
fédération des mutuelles de France. Il est également poète et
écrivain.
G.H. Emmanuel
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17
INITIATIVES
:
o
r
t
é
r
e
l
s
n
a
d
l
Coup d’œi
Comment la Caisse
Coopérative de Prêts
est-elle devenue la
Banque Antillaise ?
Créée en février 1915 par 19 commerçants de Guadeloupe, la Caisse
Coopérative de Prêts a parcouru un long chemin ! Au fil du temps et
malgré un cadre réglementaire stricte et inadapté à la Guadeloupe
elle a pu devenir une banque au service d’une économie locale et
innovante, représentative d’une solidarité active.
Coup d’œil
dans le rétro
La première guerre mondiale fait rage !
Malgré tout, ce dimanche du mois de février
1915 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, 19
commerçants qui se sont liés d’amitié, ont
pris l’initiative de se réunir pour adopter
les statuts d’une caisse coopérative de
prêt dont la création devrait apporter à
ses adhérents quelques bribes de crédit
nécessaire au développement de leurs
petites affaires. Ils étaient certes, pleins
d’illusions et d’espoir, mais néanmoins
conscients de leurs faiblesses.
18
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La modeste Caisse Coopérative de
Prêts fut ainsi créée mais elle grandissait
néanmoins avec une lenteur désespérante.
Pour mémoire, le 15 mars 1915, cette
coopérative bénéficiait d’un petit capital qui
était l’équivalent d’un ordre de dépôt de 19
sociétaires, pour 49 actions d’un montant
de 100 francs outre mer. Par la suite, 33
autres adhérents vinrent s’ajouter au 19
fondateurs avec un apport permettant à la
Caisse Coopérative de Prêts de démarrer
avec 4900,00 francs outre mer, pour
un capital d’au moins 10 000, 00 francs
outre-mer. (1826 début de l’intégration
monétaire des Antilles à la France avec
le remplacement de la livre coloniale
par le franc).
Les efforts
n’ont pas été vains
En 1954, il fut demandé aux banques locales
dépendantes du secteur mutualiste, populaire ou
coopératif, à savoir le crédit guadeloupéen et la banque
de la Guadeloupe d’être inscrites sur la liste des autres
banques telles que les banques d’affaires et les banques
de crédit à long et moyen termes. Ce fut donc l’occasion
de transformer la Caisse Coopérative de Prêts en banque
agréée. En 1955 avec l’aval du comité monétaire de la
zone franc, qui couvrait alors tous les établissements
de crédit de la zone franc, la Caisse Coopérative de
prêt devint la Banque Antillaise. Ancien élève de l’école
polytechnique X1949, Félix Cherdieu D’Alexis, fils du
fondateur de la Caisse Coopérative de Prêts fut chargé
par son père, alors âgé, de prendre la direction de la
banque antillaise. En sa qualité de nouveau président
directeur général, ce dernier sut donner l’impulsion
nécessaire pour que le bilan de cette structure financière
double pratiquement tous les trois ans. De fait, en 1975,
la Banque Française Commerciale, filiale d’INDOSUEZ,
prit une participation de 35 % dans la Banque Antillaise.
En 1979, la Banque Antillaise fut intégrée à la Banque
Française Commerciale (BFC) par fusion absorption. Dès
1985, la BFC scinda les activités et créa la BFC Antilles
Guyane. Aujourd’hui, la BFC-AG est détenue par LCL.
Avec 330 collaborateurs, la BFC AG est une banque à
taille humaine proche de ses clients. Les processus de
décision et les organigrammes sont bâtis sur le principe
de la hiérarchie courte, afin d’assurer une grande
réactivité auprès de sa clientèle.
Comment expliquer
le succès
de la Caisse
Coopérative
de Prêts ?
Elle apportait son aide aux Antillais
qui allaient faire leurs études en
métropole. A leur retour quand ils
voulaient s’installer, elle devenait
de fait, leur banque. Selon le statut
de caisse coopérative de prêts, il
fallait être actionnaire, pour être
client et obtenir un crédit. Suivant
ce système coopératif, les résultats
étaient ainsi répartis entre les
actionnaires, non pas au prorata
des actions qu’ils détenaient, mais
au prorata du courant d’affaires
qu’ils apportaient.
Félix Cherdieu D’Alexis fils du fondateur de
la coopérative et de la BA qui fut lui-même
PDG de la Banque Antillaise.
Bernard Bracha
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DES TERRITOIRES
ET DES HOMMES
Les
sociétaires
du Cuistot
Mutuel
sont
dans les
starting…
Les sociétaires du Cuistot Mutuel plus connu comme l’association des
Cuisinières de Guadeloupe, sont en plein préparatifs. Cette semaine sera
donnée le coup d’envoi des préliminaires au rendez-vous majeur du mois
d’août : « la messe des « Cuisinières », le must en manière d’évènementiel
dans le monde des sociétés mutualistes.
C’est un classique du répertoire des vacances aux Antilles. Revêtues de
leurs plus beaux atours, ces dames et leurs « commissaires » vont faire
le show dans Pointe-à-Pitre. Le rendez-vous est pour le samedi 8 août
2015 à la Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, leur lieu de culte habituel.
Et la Fête sera magique, merveilleuse, magnifique... Les images des
manifestations passées suffisent à elles-seules à faire délirer les papilles.
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Puisque l’on n’en est pas encore là, un peu d’histoire pour remettre de l’ordre
dans les dates.
1916 voit la création de la société de secours mutuel des Cuisinières, ce n’est
pas la première du genre, ce ne sera pas la dernière. La première société de
secours mutuel créée en Guadeloupe a été « Les Roses Fanées » en 1888 à Pointe
à Pitre, suivie du « Sou du pauvre » en 1902 et du « Sou des dames » en 1905. En
attestent les recherches menées par les historiens dont Cécile Celma, conservateur
du musée Schœlcher de Fort de France, qui en rend compte dans son intéressante
étude : « Deux formes de sociabilité de la population de couleur en Martinique et
en Guadeloupe à la fin du XIXe siècle : la mutualité et le syndicat ».
Les Roses Fanées, comme son patronyme l’indique, était une société de
personnes âgées, particulièrement bien organisée. Elle a même possédé sa propre
salle de réception à la rue Anatole Léger à Pointe-à-Pitre. Et ce, jusqu’à la fin des
années soixante, un lieu qui commençait à tomber en désuétude à cause de la
concurrence du palais de la Mutualité enfin achevé. La rénovation urbaine pointoise
lui donna le coup de grâce en signant sa destruction...
Transition toute trouvée après cette parenthèse historique puisque ces deux
salles hébergeaient les manifestations festives ou autres, des sociétés mutualistes
ou des particuliers : les bals par exemple dont celui, traditionnel, des cuisinières.
Pas de rupture
dans la tradition
Saint-Laurent, le Saint
Patron des Cuisinières.
Samedi 25 juillet, le Cuistot
Mutuel n’y déroge pas en
organisant son « Traditionnel
Grand Bal » à l’Espace Fauchéry
au Moule. Pas de tradition sans
l’Orchestre Jeunesse. Il faut dire
que Feu Paule Emile Halliar a dans
les années 50-70 voire même
début 80 fait régulièrement danser
ces Dames d’alors. Il y avait par
société deux organisations : le
grand bal et la soirée dansante
« riz et calalalou » et...deux
messes : la grande messe en
l’honneur du saint patron et celle
plus communément appelée la «
messe des âmes » en hommage
aux membres disparus...
Le Grand bal des Cuisinières
a pour objectif de faire rentrer
des fonds afin d’assurer le budget
nécessaire au bon déroulement
des festivités du mois d’août.
C’est sous sa protection qu’a été placée
l’association. Ces sociétés de secours mutuel à
vocation d’entraide et de solidarité regroupaient
à l’origine pour la plus grande partie d’entre elles,
des gens de maisons.
C’est ainsi que :
La
société
Saint-François
d’Assise
comprenait les « bonnes d’enfants », les mabos
ou das comme on les appelait dans les grandes
familles bourgeoises de l’époque.
- La société Saint Jules regroupait les
lessiveuses
- Le sou des dames accueillait les ménagères
et est d’ailleurs devenu le sou des ménagères.
- Sainte Rose de Lima était la sainte patronne
des « Roses Fanées »
Lors des défilés, Saint-Laurent, le saint
patron n’est plus porté à bras d’homme. Depuis
le début de l’ère moderne des Cuisinières, il se
fait conduire, excepté pour accéder à l’église de
Pointe-à-Pitre.
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Pas d’invités
extérieurs
En cette année 2015, l’association
n’accueillera pas d’invités « extérieurs» à la
Guadeloupe, se réservant pour l’année 2016,
année du centenaire dont les célébrations
s’annoncent
des
plus
grandioses.
Les
associations sœurs de Martinique et de Guyane
n’effectueront pas de ce fait le déplacement
de Pointe à Pitre, proximité des cérémonies
du centenaire oblige. L’impact budgétaire de
la réception des hôtes explique cette absence.
L’association du Cuistot Mutuel assurant
effectivement en temps ordinaires le gîte et le
couvert à ses hôtes. On attendra donc 2016
pour voir à nouveau évoluer le Cordon Madras
de Martinique et la Gastronomie Guyanaise
aux côtés de nos cordons bleus. Autre
association sœur mais beaucoup plus proche
géographiquement, l’association Bois de rose de
Marie Galante attendra elle aussi l’an prochain
pour prendra le bateau pour Pointe à Pitre.
Voyages, Voyages…
A Paris plus souvent qu’à leur tour. De la
cuisine de l’Elysée aux jardins de la rue Oudinot
en passant par le Bourget, nos cuisinières
sont partout. En Europe, dans la Caraïbe, sur
le continent américain, rien ne résiste à leur
déferlement chatoyant et odorant.
Nos ambassadrices adorent également
jouer à domicile. Elles sont de toutes les
fêtes communales locales, toutes les grandes
manifestations leur ouvrent les bras.
22
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Les grandes figures
des cuisinières
Léonie Mélasse, célèbre pâtissière de la
Rue d’Ennery (Pointe à Pitre) a assuré un long
bail en tant que présidente des Cuisinières
(quasiment de la création à 1970). C’est avec
Violetta Chaville Saint Phor (présidente de
1970 à 1991) que la société des cuisinières est
passée dans l’ère moderne. Sous la présidence
de cette grande dame, très respectée et
excellente gestionnaire, les festivités sont
entrées dans une autre dimension. Les plus
anciennes évoquent encore le souvenir de
l’ancienne patronne du restaurant la Créole
avec beaucoup d’émotion dans la voix.
Exulie Lacrosse Varieux lui a succédé de
1991 à 1997. C’est Viviane Madacombe qui
assura la présidence jusqu’en 2000. Année
charnière puisqu’en 2001, le nouveau code de
la mutualité entraîna la dissolution des petites
mutuelles. Les « cuisinières » durent alors se
transformer en association et ce, sous l’égide
de Netty Foggéa présidente jusqu’en 2006.
2006 vit par ailleurs l’arrivée aux
« fourneaux » de Mérita Félix contrainte pour
raison de santé de passer le flambeau en
2014 à Marie Lencrerot, l’actuelle présidente
du Cuistot Mutuel.
C’est cette jeune septuagénaire qui
dorénavant conduit la grande revue culinaire
et festive du mois d’août. Elle est membre de
l’association depuis une trentaine d’années et
s’appuie sur un bureau expérimenté et fidèle
à la cause de ce morceau de notre patrimoine
culturel.
DES TERRITOIRES ET DES HOMMES
Où sont les hommes ?
Pas très nombreux au début de l’histoire de
l’association, ils sont actuellement une trentaine
dont le vice-président chargé de la communication
Rony Théophile.
A l’origine, il s’agissait des époux ou
compagnons (...on a toujours besoin des bras
d’un homme... !). Statut qui perdura avant
que ceux que l’on appelle « les commissaires
» ne parviennent à se faire une place au sein
de l’organisation. Ils ne sont plus en posture
d’ingrédients « homéopathiques » mais leur
présence est dorénavant bel et bien reconnue.
Quelques noms
de membres masculins
Le président Névado-Gérard BourguignonChristian Cléry et bien sûr Rony Théophile.
Le cuistot mutuel en chiffres
L’association ne compte actuellement que 188 adhérents à jour de leur cotisation (plus d’une
trentaine manquent à l’appel, le cycle de la vie ayant malheureusement fait son œuvre).
Pour y adhérer, il faut être parrainé. Les instances sont très strictes sur ce point malgré
l’afflux des demandes. Certains candidats ne ciblent que le mois d’août et ses festivités, ce qui
est contraire à la philosophie associative qui veut qu’une association, cela vit toute l’année. « Ou
pa ka vinn fê an kou lan mèss ! »
Seule donc la garantie d’un parrain ou d’une marraine peut vous ouvrir la porte, cela peut
toutefois s’avérer insuffisant au bout d’une année... Pour sa part, la relève s’annonce prometteuse,
bien coachée par les gardiennes du Temple du Patrimoine culinaire guadeloupéen.
D’ici le 08 Août 2015, Jour J, vous pourrez suivre au quotidien toute l’actualité de l’association
« Cuistot Mutuel » de Guadeloupe sur Alias.
G.H. Emmanuel
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OUTRE-MER
Madin’Ekitab,
ou le rêve d’un monde
égalitaire
L’association Loi 1901 Madin’Ekitab,
invite les consommateurs de la Martinique à être des citoyens altruistes
et des « consomm’acteurs » responsables.
24
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Au pied de la Montagne Pelée, le
marché Saint-Pierre, la sous-préfecture
du Nord caraïbe,
accueille tous les
deuxième samedi du mois, les stands de
Madin’Ekitab. Un rendez-vous régulier
pour sensibiliser la population au
commerce équitable (CE).
Des produits équitables pour réduire
les inégalités Nord/Sud
On pense bien connaître la filière équitable
car paquets de café et de thé labellisés
CE, ont envahi les rayons des grandes
surfaces. Paule et Denis BRUNSCHWIG,
respectivement présidente et trésorier
de l’association, présentent une gamme
étendue
de
produits
estampillés
commerce équitable. Cela va de
l’artisanat (sculptures, sacs, bougies,
instruments de musique, meubles), aux
vêtements en coton bio, en passant
par les cosmétiques (savons, beurre
de karité) et le riz, les jus… « Nous
proposons des produits éthiques, c’està-dire des produits dont la production,
la vente et la consommation donnent la
prépondérance au respect de l’homme»,
précise
Mme
BRUNSCHWIG.
Le
producteur du Sud vend ses produits aux
pays du Nord au prix juste. Il peut alors
scolariser ses enfants, accéder à l’eau
potable et contribuer au développement
de l’économie de son pays.
Une consommation engagée
pour changer le monde
Cependant, le message du commerce équitable
ne va-t-il pas à l’encontre de celui du «Consommer
local » ? Seulement en apparence, selon les
responsables de l’association créée en 2007.
Ainsi, ils notent plutôt une convergence de vue
avec les revendications de l’AMAP, l’association
pour le maintien d’une agriculture paysanne,
ou l’association Orgapéyi. De plus, souligne
Paule Brunschwig, « nous incluons toujours des
artisans locaux et incitons la consommation des
produits de saison, du terroir, dans le respect de
l’environnement ». Par exemple, Madin’Ekitab
commercialise les confitures confectionnées par
les religieuses du Monastère de Bout-Bois, au
Carbet, à partir des fruits de leur verger. Pour
modifier les habitudes et provoquer une prise
de conscience, l’information de la population
est primordiale. D’où des actions ponctuelles,
telles que MADISOLIDD, ou Madinina Solidarité
Internationale et Développement Durable, qui
se tiendra le 23 novembre prochain. Après Haïti
et le Brésil, c’est le Burkina-Faso et le Sénégal
qui seront à l’honneur au Centre de Découverte
des Sciences de la Terre de Saint-Pierre, en
partenariat avec le Festival du film documentaire
« AlimenTerre ». Pour Paule Brunschwig, une
occasion d’accueillir de nouveaux bénévoles aux
talents multiples et « d’amender nos achats pour
moraliser les échanges entre pays et changer le
monde ».
G.H. Emmanuel
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25
OUTRE-MER
GUYANE : Développement
durable de l’agriculture
raisonné et biologique des
plantes patrimoniale.
ARAG association Rurale Agricole de Guyane : un modèle de
développement durable après tout juste 5 ans d’existence
L’ARAG a pour objectif le développement et le maintien de l’agriculture raisonnée et traditionnelle,
de développer et favoriser la production bio frais et/ou surgelés pour couvrir les besoins en
autoconsommation, de viser l’exportation/l’importation de tous produits issus de l’agriculture.
Objet de l’ARAG :
duits agricoles
Valoriser et promouvoir les pro
nien;
patrimoniaux du bassin amazo
exploitations
les
Intégrer et développer dans
d’espèces
production
la
agricoles
patrimoniales et endémiques;
iques;
Développer les filières économ
rations dans
opé
Effectuer des acquisitions ou
le cadre de son objet ;
ir les porteurs
Accueillir, encadrer et souten
de projets agricoles;
intérêts de ses
Représenter et défendre les
adhérents.
sont également
du Littoral. Ces domaines
de Guyane par
classés au Patrimoine Culturel
elles (DAC) du
la Direction des Affaires Cultur
uses gravures
fait de la présence de nombre
archéologiques
rupestres et de vestiges
fermes
et
habitations
d’anciennes
s, le
eur
Par aill
historiques du Mont Mahury.
par le Conseil
domaine Pascaud est classé
e parmi les
Départemental de la Guyan
espaces naturels sensibles.
Activités de l’ARAG :
de solidarités
Développement local, promotion
ation d’activités
économiques (aide à la cré
économiques individuelles)
deux domaines
L’ARAG a la gestion de
les lieux dits «
y,
agricoles sur le Mont-Mahur
aine Diamant »,
domaine Pascaud » et « dom
ire-Montjoly
situés sur la commune de Rém
nt au Conseil
et appartenant respectiveme
Conservatoire
Général de la Guyane et au
Circuit agro-touristique du Domaine de
Pacaud
26
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Sur ces domaines, l’association développe
ses activités de conservation du patrimoine
culturelles et ses projets agricoles de
plantes patrimoniales telles que le Cacao,
le Café, les Palmiers, la Vanille, le Bois de
Rose, les plantes aromatiques et celles de la
pharmacopée locale. Un réseau de sentiers
pédestres éco-touristiques est accessible de
manière permanente au public. Ce réseau
de pistes et layons relient les différents
sites agricoles, de gravures rupestres et
de vestiges archéologiques. Monsieur Yves
Delecroix, Vice-président de l’ARAG, assure
l’animation pédagogique des sites ainsi
que de la production locale de Cacao et de
chocolat. En 2014, 560 visiteurs préinscrits
ont participé aux visites guidées. Pour cette
année 2015, ce sont près de près de 1000
visiteurs qui sont attendus sur les différents
sites.
L’action proposée
L’Association Rurale Agricole de Guyane
(ARAG) s’inscrit dans une dynamique
Économique Sociale et Solidaire (ESS) et
s’est engagée dans l’Insertion par l’Activité
Économique (IAE). Elle a obtenu du Conseil
Départemental d’Insertion par l’Activité
Économique (CDIAE) du 22 Octobre 2014
l’agrément pour la création de l’atelier
Chantier d’Insertion « ACI Mahury».
L’ACI Mahury, a pour mission d’employer,
d’encadrer et de former jusqu’à 8 salariés
issus du public en démarche d’ insertion sur
le territoire guyanais, tout en contribuant
aux activités collectives et économiques
de l’association. Les activités de l’ACI
Mahury s’inscrivent dans deux domaines
d’interventions de l’ARAG:
• la conservation et la valorisation du
patrimoine
archéologique,
rupestre,
immatériel et Biodiversité du Mont Mahury
sur la commune de Rémire Montjoly.
• la promotion et l’agriculture durable des
plantes patrimoniales guyanaises (Cacao,
Vanille, Bois de Rose, Café, Palmier, PAPAM,
...)
personnes placées sous main de justice et
4 postes sont pourvus par des bénéficiaires
du revenu de solidarité active (RSA).
Les salariés en insertion bénéficient
de l’intervention d’un accompagnateur
socioprofessionnel chargé de les aider à
résoudre leurs problèmes d’ordre social,
administratif, de santé, d’addiction et de
toxicomanie d’une part, et de les conduire
dans une progression professionnelle et de
formation pour lever certains freins à leurs
accès à l’emploi, d’autre part.
Les salariés en insertion bénéficient
d’un encadrement technique adapté aux
missions de travail dont ils sont en charge.
L’Encadrant Technique d’Insertion (ETI)
donne accès à la connaissance et aux
savoirs de base (compétences socles) et
accompagne les salariés vers l’acquisition
de compétences professionnelles.
L’insertion du public visé s’opère par la
formation, l’emploi et dans le cas de l’ACI
Mahury par la conservation et la valorisation
du patrimoine culturel et vivant.
L’année dernière l’ARAG a participé aux
trophées des associations de la Fondation
EDF. Ces trophées des associations
récompensent les actions d’associations
locales en faveur des jeunes dans les
domaines de l’environnement, de la culture
et de la lutte contre la toxicomanie.
Domaine de Pacaud
Documentation ARAG
Remerciements au président de l’ARAG Yves Montabord
et au vice-président Yves Delecroix
Parmi le public bénéficiaire, les 8 salariés en
insertion, 4 postes sont pourvus pour des
Y.A
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SANTÉ/SOCIAL
Entretien
des espaces verts
Risques professionnels recensés
Prévention - Formation
Le nombre d’entreprises en lien direct et
indirect avec le secteur du paysage est en
constante progression. Selon le rapport annuel
des entreprises du paysage de 2014, il y aurait
à ce jour sur l’ensemble du territoire de la
France métropolitaine y compris en outremer
pas moins de 30 000 entreprises du paysage
reconnues par les pouvoirs publics, dont 94%
auraient moins de 10 salariés (chiffres clés 2014
du secteur du paysage de l’UNEP).
28
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De la création de jardins à l’entretien d’espaces verts en passant
par l’élagage d’arbres, le reboisement, ou encore le paysagisme
d’intérieur, la création et l’entretien de terrains de sport, d’espaces
verts publics et de jardins d’entreprises et de particuliers, les
activités des entreprises du paysage sont variées et attirent des
personnes de tout âge. Cependant, la diversité et l’évolution
constante des métiers du paysage doivent faire l’objet d’une
attention particulière en termes de recensement et de prévention
des risques professionnels dans le respect des règles de sécurité
et de la réglementation environnementale.
Brève histoire de la prévention des accidents
On notera avec intérêt que c’est seulement après le début de la “Révolution industrielle”
que les législateurs édictèrent des règlements sur la prévention des accidents. Jusqu’au
début du dix-septième siècle, il n’y avait pas de grandes usines. En comparaison avec
ce qui se passe aujourd’hui, les accidents du travail étaient peu nombreux. Cependant,
avec l’avènement du machinisme et de la production en série, les risques s’accrurent et
avec eux les accidents graves. Il devint évident, que les ouvriers travaillaient dans des
conditions lamentables, voire dangereuses. Aveuglés par l’égoïsme et la cupidité, nombre
d’employeurs ne pensaient guère à imposer des normes de sécurité. Avec le temps, beaucoup
de gouvernements et d’hommes d’affaires ont reconnu combien les accidents du travail
faisaient du tort à la société. Les pertes en heures de travail, les frais médicaux et les dégâts
causés aux biens et aux marchandises rendaient une action indispensable, sans parler de
l’incidence de ces conditions sur le moral du personnel. Par conséquent, toutes sortes de
mesures de prévention contre les accidents ont vu le jour, motivées jusqu’à un certain point
par des raisons humanitaires, mais surtout par des considérations économiques.
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La filière Jardins
et Espaces verts
Des métiers à risques
Selon
de
récentes
statistiques
nationales relatives aux accidents
du travail pour la filière Jardins et
Espaces verts, environ 8000 accidents
d’accidents du travail, hors accidents
du trajet sont répertoriés tous les ans
en France, dont 600 accidents graves
non mortels. Les accidents les plus
fréquents sont liés aux efforts, aux
chûtes mais également lors d’utilisation
de machines. On comptabilise en effet
soixante et onze accidents pour un
million d’heures travaillées dans le
secteur paysage, contre une trentaine
d’accidents tous secteurs d’activité
confondus. Le nombre moyen de jours
d’arrêt, environ 40, est nettement
inférieur à l’ensemble des secteurs
(près de soixante jours), on se blesse
plus souvent dans ce secteur mais
les accidents sont globalement moins
graves.
Quelle formation faut-il avoir
pour pratiquer ce métier ?
Ce métier est accessible avec un CAP/BEP Agricole en horticulture, travaux paysagers.
Il est également accessible avec une expérience professionnelle dans le secteur sans
diplôme particulier. Un diplôme d’ingénieur paysagiste, un Bac professionnel ou un BTS
Agricole en horticulture, travaux paysagers, ... peut être demandé pour les fonctions
d’encadrement. Les recrutements peuvent être ouverts sur contrat de travail saisonnier, à
durée déterminée ou sur vacation. Un ou plusieurs Certificat(s) d’Aptitude à la Conduite En
Sécurité -CACES- conditionné(s) par une aptitude médicale à renouveler périodiquement
peu(ven)t être exigé(s). Les permis E (B) et C peuvent être requis.
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SANTÉ/SOCIAL
Des espaces verts à valoriser
Des espaces verts, c’est bien ! Mais du personnel qualifié pour les entretenir dans le respect de
la réglementation, c’est mieux ! Gageons qu’en Guadeloupe « l’offre d’insertion » au sein des
espaces verts soit davantage valorisée en faveur de ceux qui interviennent trop souvent sur des
prestations très peu qualifiées. Le réseau de l’économie sociale et solidaire se révèlera t-il être un
secteur plus professionnalisant avant d’accéder à l’emploi, au sein d’une collectivité publique ou
dans le secteur concurrentiel ? Soyons positif, le feu passe au vert, on redémarre !
Bernard Bracha
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ÉCONOMIE
FINANCES
Tontines et micro-crédit :
deux instruments
financiers.
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Les tontines sont la forme
traditionnelle la plus efficace de
l’épargne et du petit crédit. D’une
certaine façon, on pourrait parler
d’associations rotatives d’épargne
et de crédit. Tout comme les
caisses locales et mutuelles, elles
ne sont pas reliées à de grandes
organisations, ni aux banques.
Elles reçoivent l’épargne de leurs
membres souvent liées par un
point commun comme une même
famille, un même quartier ou
encore une même région, et fixent
elles-mêmes les taux d’intérêt sans
tenir compte des lois ou du marché
financier, mais en revanche, elles
ne reçoivent pas d’aide extérieure.
La somme des versements qui
passe dans les tontines est une
épargne que chacun constitue
librement et grâce à laquelle
chaque membre pourra en
disposer le moment venu. En
résumé, on peut donc dire que la
tontine est un encouragement au
travail puisque le récipiendaire se
doit de rembourser.
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Différents types de tontines
Parmi les types de tontines les plus répandues, citons les tontines mutuelles qui
reposent sur la solidarité où chaque adhérent verse régulièrement une cotisation. La
totalité des fonds versés est mise à chaque fois à la disposition d’un membre, à tour de
rôle. Les sommes épargnées ne produisent pas d’intérêt financier pour l’épargnant.
Les tontines financières consistent quant à elles en dépôts effectués par l’ensemble
des adhérents, mis aux enchères selon des modalités statutairement définies. Le produit
de ces enchères est ensuite reparti entre les participants qui, quelle que soit leur propre
enchère, se trouvent rémunérés de leurs propres versements.
Concernant les tontines à accumulation, les cotisations ne sont pas redistribuées à
un des membres mais accumulées dans la caisse de la tontine. Les fonds ainsi collectés
appartiennent à la tontine jusqu’à ce que les membres décident d’effectuer un partage,
c’est-à-dire de redistribuer tout l’argent accumulé aux membres, au prorata de ce qu’ils
ont cotisé. Entre-temps l’argent de la tontine est investi de la façon dont les membres en
ont décidé collectivement. Le plus souvent, les fonds sont octroyés aux membres sous
forme de crédit dont les conditions sont décidées collectivement (conditions d’obtention,
durée, intérêt, échéances de remboursement, recouvrement et sanctions en cas de
retard dans le remboursement, etc.). Ainsi les membres empruntent auprès de la tontine
pour mener des activités économiques. Ils remboursent ensuite la tontine, capital et
intérêts. Les crédits étant souvent courts avec des intérêts relativement élevés, les
fonds disponibles s’accroissent rapidement, ce qui permet aux membres d’emprunter
plus longtemps, et ainsi de développer progressivement leurs affaires. Au moment du
partage, les membres reçoivent nettement plus que ce qu’ils ont cotisé. Ainsi, ceux
qui ont avant tout besoin d’épargner et ceux qui ont avant tout besoin de crédit y
trouvent tous leur compte. La somme importante ainsi récupérée peut permettre un
investissement à plus long terme, ou de faire face à une dépense importante prévisible.
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ÉCONOMIE
FINANCES
La mutation de la tontine en micro-crédit,
confrontée à ses limites
Pour faire face aux limites de la tontine dans notre société moderne, le microcrédit prend le relais. Il s’agit d’un secteur de crédits autre que celui des banques et
des systèmes financiers formels, qui contribue à la création d’emplois et constitue une
source de revenus pour les personnes n’ayant pas accès aux crédits bancaires et aux
autres services financiers.
Toutefois, le microcrédit a, en quelques décennies, évolué vers la microfinance,
considérée comme un ensemble de services financiers répondant à des besoins précis
et fournis par des institutions très variées. La microfinance semble donc être dans notre
contexte de vie sociétale moderne un des leviers essentiels à l’économie sociale et
solidaire. Toutefois, beaucoup de questions liées aux difficultés de pérennisation et de
viabilité financière et institutionnelle devraient focaliser l’attention de ceux qui s’évertuent
à nourrir les réflexions sur les enjeux d’efficacité des services d’accompagnement,
notamment lorsqu’ils sont couplés à une offre de micro-crédit.
Aujourd’hui, il existe des milliers d’institutions de microfinance dans le monde
mais peu d’entre elles ont atteint l’autosuffisance financière. En permettant l’accès des
populations rurales à des services financiers de base, en favorisant l’augmentation des
revenus, en créant des emplois, en diminuant la dépendance vis-à-vis des usuriers, la
microfinance, comme ce fut jadis le cas pour la tontine, permettrait, en tous cas dans
une certaine mesure, de rompre le cercle vicieux de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
Bernard Bracha
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TÈ AN NOU
COLLECTE DES DÉCHETS
AGRICOLES : LA GUADELOUPE
S’Y MET PROGRESSIVEMENT
La gestion des déchets revêt une grande importance aux yeux des exploitants
agricoles. Elle contribue à l’embellissement du paysage et permet de promouvoir une
agriculture propre et durable auprès des consommateurs. Seule zone d’ombre : la
nécessité d’une communication plus ciblée. La Chambre d’Agriculture mérite en effet
une bonne note quant à son engagement mais la question du bassin de déchets
agricoles demeure un sujet sensible et épineux. Les projets fleurissent cependant....
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Depuis 11 ans,
un défi
environnemental
La Chambre d’Agriculture de la
Guadeloupe pilote trois missions depuis
2004 : la sensibilisation aux bonnes
pratiques en matière de gestion des
déchets; l’organisation de collectes; la
mise en place de filières pérennes de
récupération.
À ce jour, les collectes sont de trois
sortes : des déchets non dangereux ou
banals (emballages vides de produits
fertilisants, EVPF) ; emballages vides
de produits phytosanitaires
(EVPP);
des
déchets
dangereux
(Produits
Phytopharmaceutiques
Non
Utilisées,
PPNU).
Avec plus de 7 000 exploitants
et d’autres utilisateurs de produits
phytopharmaceutiques
tels
que
les
collectivités territoriales, les particuliers...,
l’on enregistre une augmentation des
tonnages collectés au fil des années. Ainsi
sur la période 2004/2014, 102 tonnes
de déchets plastiques furent collectés et
recyclés grâce à la participation active des
agriculteurs.
Aujourd’hui, ils sont plus de 1 900
déposants à adopter une pratique
agricole durable. Petit bémol
toutefois, sur une année, seuls 300
déposants en moyenne, s’inscrivent
dans cette démarche sur plus de
8000 exploitants répertoriés.
De l’administration
à la pratique
La Chambre d’Agriculture a initié un
schéma bien précis d’organisation. Le
planning annuel des collectes est transmis
aux distributeurs d’engrais et de produits
phytopharmaceutiques. Ils interviennent
ainsi dans la communication, en affichant
les banderoles fournies par la Chambre
d’Agriculture et en relayant l’information
auprès des coopératives et de leurs
adhérents.
Les collectes ont lieu dans les bassins
de production agricole au plus près des
agriculteurs : 7 sites de collecte sont mis
à disposition dont principalement les
SICA, société industrielle coopérative
agricole cannières.
Sont mobilisés le jour des collectes,
trois à quatre agents de la Chambre
consulaire pour réceptionner et peser les
déchets, s’assurant que les emballages sont
correctement rincés. Ils délivrent ensuite
un bordereau de remise de déchets, pièce
indispensable lors des contrôles effectués
par les services de l’État.
Suite à la collecte, les matières
plastiques sont acheminées pour traitement
via une société de transport vers l’entreprise
ECODEC
(Écologie
Développement
environnemental de la Caraïbe).
Une protection un tant soit peu...et une collecte précise
Sur une pelouse bien verte, une banderole d’indication
informant d’une collecte qui reste gratuite
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TÈ AN NOU
Des coûts et des projets :
opération en continue
Depuis 2012, la Chambre d’Agriculture
bénéficie d’une subvention de prise en charge
à hauteur de 100% à travers le FEADER,
fonds européen développement agricole
développement rurale, au titre de la collecte
des déchets. Elle débloquait auparavant un
peu plus de 40 000€ chaque année !
Cependant, ce résultat laisse perplexe
car ils sont seulement 20% de la population
agricole à participer aux collectes des déchets.
Réfractaires ou peu ou pas assez informés ?
Selon Georges Magdeleine, exploitant
individuel et directeur de l’interprofessionnel
IGUACANNE : « Il faudrait insister lors des
assemblées générales. On devrait avoir plus
de rendus puisque c’est gratuit. Mais, il
est vrai que le problème reste important
concernant certains emballages comme
les sacs d’engrais, c’est plus compliqué,
on ne peut les laver ». En effet, certains
exploitants se chargent de stocker et
d’emmener leurs déchets lors des collectes,
souhaitant même qu’il y ait une benne
permanente, d’autres n’adhèrent pas encore
au dispositif de collecte et laissent leurs
déchets sur leur exploitation ou les éliminent
par des voies pas forcément respectueuses de
l’environnement.
Mais, ailleurs, un projet de valorisation
locale est déjà en cours de réalisation : il
s’agit d’incorporer tous bidons plastiques
EPHD dans la chaîne de plasturgie
d’ECODEC pour fabriquer des dalles de
sol (comme celles des parkings). ECODEC
est en effet équipée d’une presse hydraulique,
renouvelée en Septembre dernier, et
transforme de plus les EVPP et EVPF en
balles qui sont ensuite vendues sur le marché
mondial du plastique. Elle est aussi prête à
trouver de nouvelles formules de création.
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À tout problème,
une solution !
D’autres types de déchets plastiques
(paillages plastiques, gaines d’irrigation
et plastiques de serres) ne sont toujours
pas intégrés dans une filière de collecte
régulière. Stockés en bordure de parcelle,
les agriculteurs font appel individuellement à
des prestataires pour les éliminer lorsque le
stock devient important.
A ce sujet, une étude ADIVALOR
a
été commanditée par les Ministères en
charge de l’Agriculture, de l’Outre-Mer,
de l’Environnement et de l’ADEME pour un
diagnostic complet. Début Novembre
2014, ADIVLOR a présenté le résultat
de ces travaux à l’ensemble des acteurs
concernés sur le territoire. Plusieurs
recommandations techniques en ont
résulté dont trois scénarios à choisir
pour mettre en place une filière pérenne
de collecte et d’élimination des déchets
issus des exploitations agricoles de la
Guadeloupe. A suivre donc...
Enfin, Stéphane Tadi, responsable Gestion
des déchets et conseiller environnement,
rajoute : « La Chambre consulaire souhaitant
diminuer son implication dans l’aspect
opérationnel a recentré aujourd’hui son action
sur la formation et la communication auprès
des agriculteurs. Une formation CERTIPHYTO
a démarré incluant un module sur la gestion
des déchets. De plus, une équipe de deux
agents sur le terrain distille de l’information
informelle. »
En conclusion, information, communication, responsabilisation, respect et application
des règles, voilà les principales « mamelles » pour mieux contribuer au développement
d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. Les collectes vont se
poursuivre régulièrement jusqu’au mois de novembre 2015 (voir tableau). Viendra
ensuite l’heure de tirer les principaux enseignements de cette campagne 2015 qui
devrait, selon toute vraisemblance, faire afficher un taux de collecte supérieur à celui
de l’année précédente.
DATES ET POINTS DES PROCHAINES COLLECTES
• Mardi 17 novembre, à la Sicadeg à Port-Louis
• Mardi 15 septembre, à la Socagra au Moule
• Jeudi 19 novembre, à la chambre d’agriculture à
Baie-Mahault et au Musée du rhum à Sainte-Rose
• Jeudi 17 septembre, à la chambre d’agriculture à
Baie-Mahault et au musée du rhum à Ste-Rose
• Mardi 22 septembre, au CFPPA à Vieux-Habitants
• Mardi 24 novembre, à la Sicagra au Moule
• Jeudi 26 novembre, à la Sicama à Marie-Galante.
Bernard Bracha
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L’INFORMATION SUR L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE EN GUADELOUPE