BARRY LYNDON de Stanley Kubrick - Grande

Transcription

BARRY LYNDON de Stanley Kubrick - Grande
B A R RY LY N D O N
de Stanley Kubrick - Grande-Bretagne – 1975 – 3h04
Couleurs - Vostf
Un dossier de l'espace Histoire-Image de la médiathèque de Pessac dans le cadre des CinéMémoires de l'Association des cinémas de proximité en Aquitaine (ACPA) et du Pôle régional
d'éducation artistique et de formation au cinéma et à l'audiovisuel en Aquitaine
Scénario : Stanley Kubrick d'après “Les mémoires de Barry Lyndon” de William
Makepeace Thackeray
Photographie : John Alcott
Montage : Tony Lawson
Musique : Leonard Rosenman ; The Chieftains
Costumes et décors : Ken Adam
Conseiller historique : John Mollo
Production : Peregrine ; Stanley Kubrick
Producteur exécutif : Jan Harlan
Producteur associé : Bernard Williams
Sortie en France
08 septembre 1976
Dates de tournage : 1974 (10 mois)
Lieux de tournage Allemagne, Grande-Bretagne, Irlande
4 Oscars en 1976
Interprétation
Ryan O'Neal (Barry Lyndon)
Frank Middlemass (Sir Charles Lyndon)
Marisa Berenson
(Madame de Lyndon)
André Morell (Lord Wendover)
Patrick Magee
(le chevalier)
Arthur O'Sullivan : bandit de grand chemin
Hardy Krüger(le capitaine Potzdorf)
Godfrey Quigley
(le capitaine Grogan)
Steven Berkoff
(Lord Ludd)
Leonard Rossiter
(le capitaine Quin)
Gay Hamilton
(Nora)
Philip Stone (Graham)
Marie Kean (la mère de Barry)
Leon Vitali
Diana Körner (la jeune fille allemande)
Michael Hordern
Murray Melvin
(Lord Bullingdon)
(la voix du narrateur)
(le révérend Runt)
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 1-
Résumé
En Irlande, au XVIIIe siècle, Le jeune Barry s 'éprend de sa cousine Nora qui lui préfère
un rival qu'il croit tuer en duel. Contraint de s'enfuir, dépouillé par des bandits de
grand chemin, il s'engage dans l'armée anglaise et participe sur le continent à la
guerre de Sept ans. Il apprend d'un ancien ami, le capitaine Grogan, que Quin
n'est pas mort et qu'il a épousé Nora. Il déserte, est recruté par les Prussiens de
Frédéric II puis chargé de surveiller le chevalier de Balibari, un espion autrichien
d'origine irlandaise comme lui. Mais il lui confesse sa mission. Les deux hommes
sympathisent et s'adonnent au jeu et aux duels tandis que Barry séduit la comtesse de
Lyndon. Après le décès de son vieux mari, Barry épouse la jeune femme dont il a un fils
Bryan auquel il est très attaché. Il dépense sans compter pour arriver à s'attirer les
faveurs de la cour et obtenir le titre de Lord. Il néglige sa femme, la trompe et s'attire
la haine du premier fils de la comtesse, lord Bullingdon. Avec la mort accidentelle de
Bryan commence la déchéance de Barry : sa femme tente de se suicider, il sombre dans
l'alcoolisme et après un duel avec lord Bullingdon où il perd une jambe, il est chassé
d'Angleterre, dépossédé de tout.
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 2-
Bio-filmographie
Stanley Kubrick 1928 (New-York) – 1999 (G-B)
Stanley Kubrick est sans doute le metteur en scène le plus atypique de tous ceux qui ont
travaillé dans l'industrie du cinéma américain. D'abord jeune photographe au magazine
Look, il tourne en 1951 un court documentaire, Day of the Fight, sur la journée du
boxeur Walter Cartier, déjà sujet d'un de ses photos-reportages. A vingt-cinq ans, il se
lance dans son premier long métrage, Fear and Desire, dont il cosigne le scénario tout
en assurant la mise en scène, le montage et la photographie. Il récidive en 1955, avec
Le Baiser du tueur tourné dans les rues de New-York, film d'auteur quelques années
avant la Nouvelle Vague, qui va en imposer le genre. Amoureux de la technique, qu'il
maîtrise à la perfection, il est aussi un cinéphile impénitent qui a fait ses classes au
Musée d'Art Moderne de New-York en visionnant les classiques, d'Eisenstein à Lang et
Chaplin, après avoir fréquenté les salles populaires de son quartier natal, le Bronx.
Lecteur vorace, il s'initie en particulier à la réflexion sur le jeu de l'acteur en lisant les
traités du metteur en scène russe Stanislavski.
L'enfant prodige se retrouve à Hollywood et tourne L'Ultime Razzia (1956), histoire d'un
hold-up sur un champ de courses, construit d'une manière singulièrement originale qui
bouscule la chronologie. Il franchit une nouvelle étape l'année suivante grâce à l'accord
de la star Kirk Douglas, qui interprète Les Sentiers de la gloire, une peinture impitoyable
de jeux de pouvoir au sein de l'armée française pendant la Première Guerre Mondiale. Le
film, qui attendra plus de quinze ans avant de sortir en France, établit la réputation du
Kubrick. Après avoir été engagé par Marlon Brando pour écrire et mettre en scène La
vengeance aux deux visages, il se voit subitement remplacé par le comédien, qui décide
de réaliser lui-même le film. Kubrick se morfond et finit par accepter, en 1960, la
proposition de Kirk Douglas, producteur de Spartacus, de reprendre le tournage après le
licenciement d'Anthony Mann. Pour la première et dernière fois, le cinéaste n'est pas le
maître du jeu, n'ayant aucun droit de regard sur le scénario et dirigeant des comédiens
qu'il n'a pas choisis. L'expérience lui servira de leçon, il prend ses distances avec
Hollywood et s'installe à Londres, qu'il ne quittera plus. Il tourne Lolita (1962), et assure
dorénavant la production de tous ses films en choisissant chaque fois une compagnie
américaine, la Columbia pour Docteur Folamour (1963), la MGM pour 2001 : L'Odyssée de
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 3-
l'espace (1968), et la Warner pour tous ses autres films, Orange mécanique (1971) Barry
Lyndon (1975), Shining (1980), Full Metal Jacket (1987)... Cette oeuvre personnelle et
visionnaire, qui fait de Kubrick un des cinéastes majeurs de l'histoire du cinéma, est
presque toujours née d'adaptations littéraires. Kubrick écrit seul, ou en collaboration
parfois, des scénarios inspirés par les écrivains les plus divers, tels Arthur Clarke,
Vladimir Nabokov ou Anthony Burgess, en les pliant à sa vision pessimiste de l'humanité.
De même, depuis 2001, la musique des ses films est puisée dans le répertoire classique
et contemporain, ce qui lui permet des contrepoints saisissants, comme celui du « Beau
Danube Bleu » sur des images d'astronefs dans le cosmos. Il exerce un contrôle absolu
sur ses films, du scénario à la caméra et au montage, sa passion de toujours, mais aussi
sur le tirage des copies, le choix des affiches et des salles, le doublage à l'étranger. Ses
films d'ailleurs, racontent souvent l'histoire d'un plan minutieusement monté (la
stratégie de généraux dans Les Sentiers de la Gloire ou l'attaque nucléaire de Docteur
Folamour), qui échoue par son incurie ou par le déchaînement des passions humaines.
Quels que soient les progrès de la technique, l'homme ne change pas : il reste aux yeux
du cinéaste le prédateur qu'il a toujours été, un être pusillanime, inconstant et
irrationnel.
Kubrick aborde chaque fois un genre nouveau : film historique, science-fiction, horreur,
film de guerre, pour en tirer des accents inédits et en donner des variations
insurpassables. Noire illustration des crises de la civilisation, son oeuvre est aussi une
suite étonnante de poèmes visuels, riche d'images marquantes, de l'hôtel hanté de
Shining à la salle de guerre de Docteur Folamour, du cerceau de l'ordinateur de 2001 aux
masques poudrés de Barry Lyndon. Homme de spectacle, il est aussi homme de
réflexion, mais sa passion pour les concepts (il est un joueur d'échec émérite) n'a d'égal
que sa fascination pour les comédiens dont il tire des interprétations toujours singulières
et parfois improvisées. L'humour sardonique de bon nombre de ses films n'est qu'une des
formes de son désenchantement face à un monde guetté par la folie et la mort, qui le
fascinent et l'angoissent.
La petite encyclopédie du cinéma. RMN, 1998
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 4-
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 5-
Barry Lyndon, un homme ordinaire
« Les films historiques ont ceci de commun avec les films de science-fiction qu'on tente
d'y recréer quelque chose qui n'existe pas. » Stanley Kubrick, 1976
Barry Lyndon demeure effectivement un film d'une beauté saisissante, à la fois
emblématique du travail du maître et sans doute l'un des sommets absolus d'un genre, le
film historique, duquel il se démarque fortement, avec sa tonalité tragique et retenue
qui entre en collision avec la beauté des images, des costumes et les émotions des
personnages. À la fois distant et glacé mais curieusement envoûtant et émouvant, et
comme tous les films de Kubrick, un film qui subjugue et qui fascine, à tous niveaux
impeccable et transcendant.
http://www.travellingavant.net/barry_lindon.htm
« Dixième film de Stanley Kubrick, Barry Lyndon, odyssée du temps, répond à l’Odyssée
de l’espace réalisé sept ans plus tôt. Entre les deux films, Orange Mécanique (1971). Ces
trois titres successifs, dans leur extrême diversité, indiquent assez la volonté de Kubrick
de se renouveler, de surprendre et d’opter pour un traitement radical des genres
cinématographiques. Comme toujours, l’envol de son imagination ne peut s’opérer qu’à
partir d’un fonds de documentation vaste et précis. Si 2001 donnait pour la première
fois au spectateur d’un film de science-fiction la sensation de se retrouver dans
l’espace, Barry Lyndon nous plonge dans le XVIIIe siècle grâce à une reconstitution
minutieuse »1
Barry Lyndon, comme la grande majorité des films de Kubrick, est une adaptation
dont il a écrit le scénario seul. Kubrick a échoué sur le financement de son Napoléon, un
projet auquel il tenait beaucoup depuis des années, mais veut toujours réaliser une
fresque historique. Il tire son film d'un roman picaresque, classique anglais presque
oublié de 1844 de William Thackeray, retraçant les épreuves, tribulations et
mésaventures de l’Irlandais Redmond Barry, raconté à la première personne, sous le
règne de George III au XVIIIe siècle. Le film conserve le contexte historique de la guerre
de Sept ans2 et de nombreux épisodes mais Kubrick a vu dans l’adaptation de ce roman
1
2
Michel Ciment. 100 films pour une cinémathèque idéale. Cahiers du cinéma, 2008
Conflit majeur du XVIIIè, qui donne naissance à l’Empire Britannique. Il oppose la France, la Grande-Bretagne et
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 6-
la possibilité d’explorer des formes visuelles (c’est un film de prouesses techniques et
esthétiques) et dramatiques. Il lui permet de continuer à aborder les thèmes qui lui sont
chers : la recherche de l’expression du comportement mental de l’homme avec un
personnage qui n’est pas un héros mais un homme comme les autres avec ses
contradictions, ses tensions.
Fruit d'un travail colossal, le tournage et le travail de montage s'étala sur une période de
plus de trois ans. La légendaire réputation du perfectionnisme maniaque de Kubrick, qui
peut tourner une scène des dizaines de fois avant d'être pleinement satisfait, appliquée
à un film dont l’ambition est le réalisme esthétique d’une époque, augure de la
complexité de la réalisation et des prouesses effectuées. La grande exigence,
l’obsession du détail et l'aspect impeccable de chaque scène marquent définitivement
Barry Lyndon comme un film porté par l’esthétique et le pictural.
Un film Pictural
« L’objectif de la caméra devait voir ce que voyait l’œil »
Pour répondre à une justesse de reconstitution des décors, des costumes, des
ambiances de l’époque, le film est basé sur un travail de composition plastique élaboré
à partir d’une multitude de références picturales. Tout le film fut tourné entièrement en
décors naturels et dans des bâtiments d’époque, avec des références très documentées
à la peinture du XVIIIe siècle. Kubrick avait constitué une sorte de bible d’archives de
peintures, pour recréer avec la plus grande justesse les décors, costumes, attitudes et
lumière. Les paysages de Gainsborough, les scènes de William Hogarth, Stubbs,
Constable, Zoffany furent ses piliers pour accomplir sa volonté de filmer dans l’esprit
des peintres avec les énormes difficultés techniques qui en découlent.
La richesse picturale et l’extraordinaire achèvement visuel s’expriment dans chaque
scène, tant au niveau des costumes, des décors, du jeu et de la posture des acteurs, de
la composition du cadre (et du temps donné à sa contemplation) et surtout de
l'exceptionnel travail sur les couleurs et la lumière. Le travail de John Alcott, chef
opérateur attitré de Kubrick depuis 2001, trouve ici un accomplissement avec l'une des
l’Autriche à la Prusse mais devient une guerre générale européenne s’étendant sur le front des colonies
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 7-
particularités du film : l'éclairage. Aucune lumière artificielle n’est employée, Kubrick et
John Alcott n'utilisant tout au plus que quelques écrans et réflecteurs afin de mettre en
valeur la luminosité naturelle. Pour plusieurs scènes intérieures, afin de recréer et de
respecter l'atmosphère et la luminosité de l'époque, Kubrick se sert uniquement de
bougies, des centaines parfois dans une seule pièce (qu'il faut constamment entretenir
et remplacer). Pour obtenir un rendu satisfaisant pour l'enregistrement de l'image, ils
innovent en utilisant pour la première fois un objectif Zeiss à la fois ultra sophistiqué et
très sensible, optique présent dans un satellite de la NASA (comme il le fera avec la
steadycam, Kubrick révolutionne les aspects techniques de l'art même de filmer). Le
résultat donne à l’image un effet à la fois ouaté et figé mais vibrant qui traduit bien la
posture picturale d’un tableau.
De telles contraintes étayent le point de vue même du film tout comme la musique et
l’attention portée à l’utilisation du son et de la (non)parole.
Le son du film : musique, voix off et silence des dialogues
"Il est certain que les scènes les plus fortes, celles dont vous vous souvenez, ne sont
jamais des scènes où les gens se parlent, ce sont presque toujours des scènes de
musique et d'images. Ce serait intéressant de voir un film entièrement réalisé ainsi..."
Stanley Kubrick, 1972
Kubrick en grand perfectionniste a aussi travaillé la musique qui est pour lui une
source incontournable d’expression dans ses films. "Le choix de la musique va de pair
avec la stylisation que nous recherchons."
L’époque est donc aussi recréée suite à une investigation sur la musique de la période
concernée. Le souci d’authenticité se retrouve dans le choix des musiques militaires
(hymnes des armées, musiques militaires, martiales qui accompagnent les batailles et
les défilés des armées) ou du groupe The Chieftains, un groupe folklorique irlandais
(fondé en 1962) spécialisé dans l’interprétation de Sean O’Riada qui abordait le
répertoire traditionnel de manière quasi éthnomusicologique. Le thème mondialement
connu, Woman of Ireland (thème sentimental) est décliné pendant tout le film avec des
arrangements différents.
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 8-
Kubrick, grand passionné des stratégies militaires (il a beaucoup filmé l’incohérence, la
stupidité et l’horreur de la guerre qui déshumanise) fait un parallèle entre guerre et
musique. Il compare l’esthétique d’une bataille avec un morceau de musique et pointe
la contradiction entre cette beauté formelle et les conséquences de la guerre.
De grands thèmes classiques3 de musique baroque sont réorchestrés pour la plonger
dans le XVIIIe siècle. La musique participe au formalisme du film, elle le structure mais
même avec un traitement naturaliste elle peut aussi servir de contrepoint ironique (par
exemple, l’exécution d’un concerto de Bach, modèle d’ordre et de sérénité, joué dans
le salon de Lady Lyndon, qui se termine par un violent pugilat au sol entre Barry et son
beau-fils).
Le parti pris de la narration, la voix off, n’est plus à la 1er personne comme dans
le roman, mais à la 3eme. Cela lui donne une fonction de commentateur – narrateur,
avec un ton neutre et distancié qui apporte des éléments factuels de compréhension du
récit mais glisse aussi vers des descriptions sans concessions des évènements allant
jusqu’à désamorcer tout effet de surprise. Le narrateur annonce ou fait le post-scriptum
d’une scène qui se charge d’ironie.
L’économie de dialogue renforce encore la distanciation (avec ces zooms arrière
récurrents qui s’éloignent de l’action pour embrasser la totalité du champ). Les
dialogues sont absents de certaines scènes (la scène de la rencontre avec Lady Lyndon
est muette, seules jouent l’ambiance de l’éclairage à la bougie, la montée du désir et
l’attirance charnelle) et se font de plus en plus rares avec l’avancée du récit, surtout
pour Barry dont la déchéance est associée au mutisme.
L’homme ordinaire du monde
Kubrick, malgré son obstination de la reconstitution, « ne vise pas tant le réalisme
qu’une emprise démiurgique. Son film se veut un théâtre du monde : société de classes,
guerres, manœuvres diplomatiques, espionnage, rapport filiaux, naissance, mariage et
3
Leonard Rosenman, d'après des oeuvres de Jean-Sébastien Bach (Concerto pour deux clavecins et orchestre en ut
mineur), musiques de Haendel (Sarabande), Mozart (Idoménée), Paisiello (Le Barbier de Séville), Schubert (Danse
allemande no 1 en do majeur, Trio pour piano en mi bémol), Vivaldi (Concerto pour violoncelle en mi mineur)
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 9-
mort, amour conjugal et adultère, jeux et duels. »4
Le témoignage social sur une époque est sous jacent avec la dénonciation de ce monde
des nobliaux, grotesque voire répugnant dans un siècle de faux-semblants.
« Devant ce « héros » à la fois sympathique et méprisable et devant ceux qui l’entourent
– qu’il s’agisse de la Comtesse de Lyndon, grande dame et grande dinde, toujours en
pâmoison, soit amoureuse, soit religieuse ; de son fils Lord Bullingdon, ennemi mortel de
Barry ; d’un chapelain à la longue figure et aux sournoiseries tartuffesques ; du
chevalier de Balibari ou des soudards de la première partie – devant la comédie humaine
que ces pantins animent, deux mots peuvent résumer l’attitude de Stanley Kubrick :
ironie et pessimisme. Se tenant à distance, observant d’un œil froid son petit monde,
Kubrick se moque de tous et de tout (…) et finalement de leur égalité devant le néant.
Cette ironie, cette causticité déterminent évidement l’œuvre. Malgré ses couleurs
riantes, ce monde peuplé de canailles et de sots est un monde crépusculaire, touché à
mort, un futur champ de ruines. Une lumière tragique l’éclaire. A la dernière image,
nous sommes en 1789 et pourtant l’aube semble encore loin »5
Comme avec Orange Mécanique (et les parallèles sont nombreux), Kubrick nous
raconte l'ascension et la chute d'un homme tiraillé par ses propres ambitions et
velléités, par sa liberté, par l'implacable mécanique de la société qui le moule et le
façonne, et qui moule aussi son destin. On trouve le côté bi-polaire, de la grandeur à la
décadence de Barry qui n’est ni héros, ni méchant, pour qui on éprouve attraction (le
rôle de Barry est donné à Ryan O’Neal jeune premier de Love Story en 1971) et
répulsion, sympathie mais chez qui on voit aussi vite les faiblesses. Quelle est
réellement sa destinée ? Barry se réalise dans l’action mais dès qu’il obtient tout, sa
chute débute, il perd son fils (son seul amour), il se retrouve seul, on ne l’entend plus, il
dépérit. A la fin du film, il s'efface petit à petit même si malgré sa déchéance il a
toujours son libre arbitre car il décide de ne pas tirer sur Lord Bullingdon lors du duel
final. Barry est bien ce non-héros, homme ordinaire qui comme tous finira par mourir.
« Film historique, épopée romanesque, conte philosophique à grand spectacle, Barry
4
Michel Ciment. 100 films pour une cinémathèque idéale. Cahiers du cinéma, 2008
5
Jean de Baroncelli. Une comédie que des pantins animent. Le Monde, 09/09/1976
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 10-
Lyndon est tout cela à la fois. Peu importe d’ailleurs le genre auquel il appartient. Ce
film est un grand film qui donne à voir, à rêver, et (si le cœur vous en dit) à réfléchir.
L’œuvre d’un cinéaste que le passé a littéralement inspiré. Une somme et un
accomplissement »6
A sa sortie, le film fut surtout un succès en France (il décontenança la critique anglosaxonne) et reste une œuvre unique et envoûtante.
Les chapitres du film
Part I : Comment Redmond Barry acquit le titre de Barry Lyndon
Part II : Malheurs et désastres qui frappèrent Barry Lyndon
Epilogue : Ces personnages vécurent sous le règne de George III. Bons ou méchants,
beaux ou laids, ils sont tous égaux à présent.
6
Jean de Baroncelli. Une comédie que des pantins animent. Le Monde, 09/09/1976
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 11-
Présenter un film du patrimoine
Quelques repères
Le public
quel est-il ?
La présentation doit tenir compte du public accueilli (classes, groupes divers,
public habituel, cinéphiles...) qui a des attentes différentes
Intérêts de la présentation
Compléter une culture cinématographique
Une découverte ou redécouverte dans de bonnes conditions, en grand écran
Donner accès à des films oubliés
Porter un regard différent, nouveaux sur des films qui appartiennent à l'histoire
du cinéma
Partager une passion pour un film, pour le cinéma, communiquer son plaisir (le
« gai savoir » )
Choisir le moment de l'intervention : Parler avant et/ou après le film ?
avant : présenter le contexte, relever les points d'intérêts (la difficulté étant de
ne pas déflorer l'intrigue du film)
après : proposer une analyse plus précise et un échange avec la salle
Les besoins pour construire sa présentation :
Se documenter (ouvrages...)
Une certaine culture cinématographique et connaissance du film sont nécessaires.
Quelques pistes pour construire la présentation :
Mettre l'accent sur certains passages même si le film n'est pas connu
Replacer le film dans son contexte, le genre qu'il représente, le mouvement
auquel il appartient ou pas
Donner quelques clés essentielles sur le film : un retour sur l'histoire de.. ; un
personnage incontournable, à l'écran ou dans la production ; le décryptage de certaines
scènes importantes pour le sens, dans leur construction formelle
l'origine des réalisateurs
la réception du public à l'époque
Laisser une trace écrite
Fiche spectateur
Chronologie...
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 12-
Documents disponibles pour les bibliothèques
Ouvrages
Les écrans sonores de Stanley Kubrick. Antoine Pecqueur. Ed. du point d'exclamation,
2007
Stanley Kubrick. Michel Ciment. Calmann-Lévy, 1999
Stanley Kubrick : une vie en instantanés. Christiane Kubrick. Cahiers du cinéma, 2002
Stanley Kubrick : un poète visuel, 1928-1999. Paul Duncan. Taschen, 2003
The Stanley Kubrick Archives. Taschen, 2005
Stanley Kubrick : l'humain, ni plus ni moins. Michel Chion. Cahiers du cinéma, 2005
Stanley Kubrick. Bill Krohn. Cahiers du cinéma, 2007
Dossier Kubrick. In Tausend Augen. N°10, août 1997
Traité du combat moderne : films et fictions de Stanley Kubrick. Jordi Vidal. Allia,
2005
Films
Le Baiser du tueur. US, 1955
Les sentiers de la gloire. US, 1958
Lolita. GB, 1962
Docteur Folamour. GB, 1963
2001 : l'odyssée de l'espace. US, 1968
L’exorciste / Shining. EU, GB, 1973
Barry Lyndon. US, 1975
Full Metal Jacket. GB, 1987
Eyes Wide Shut. US, 1999
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 13-
Sites
http://www.kubrick.fr/
http://www.travellingavant.net/barry_lindon.htm
http://www.cadrage.net/films/barrylyndon/barrylyndon.html
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
- 14-