Magazine Victoire 18.02.12

Transcription

Magazine Victoire 18.02.12
SAMEDI 18 FÉVRIER 2012 MAGAZINE N° 234
DES CASTINGS GALÈRES AUX TÊTES D’AFFICHES,
COMMENT VIVENT LES COMÉDIENS BELGES ?
JEUX DE
RÔLES
Ma bulle de confort
Installez-vous... Et laissez-vous envahir par une sensation de bien-être et de
légèreté. Qu’il soit en cuir ou en tissu, votre fauteuil Stressless® vous procurera
un confort douillet. Laissez-vous aller et il suivra naturellement tous vos
mouvements quelle que soit votre position. Ne cherchez pas plus loin, votre
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de lire ou de regarder la
télévision, même en position
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SOMMAIRE 18 FÉVRIER 2012
03
Travailler tous les jours, étudier, se remettre en question, chercher, répondre aux questions, remplir des
formulaires, se justifier, gérer le statut, plaire, attendre un appel, surmonter les non-dits, les petites phrases,
travailler le soir, douter, dépendre d’un subside, espérer, ne pas convenir, trop grand, moins bien que l’autre,
être repéré, jugé, engagé, travailler la nuit, s’exposer, tenir le haut de l’affiche, tenir, avoir de la chance,
rencontrer la bonne personne, inviter les amis, écouter les critiques, ne pas critiquer les amis, travailler sur le
côté, répondre aux journalistes, sur l’inspiration, la guerre, la règle d’or, le prix du pain, trouver l’inspiration,
souffler, s’exposer, ne pas décevoir, ne pas se lasser, ne pas ennuyer, toucher, marquer, être compris, se
tromper, être oublié, être acclamé, attendre le rappel, revenir, durer. Artiste n’est pas un métier, c’est bien pire. Que feraient
les artistes sans le public ? De l’art, quand même. Mais que ferait le public sans les artistes ? Merci à eux.
Anne Pochet, Directrice de la publication.
08
18 34
AGENDA
04
Au lit avec Bernard Yerlès
ENVIES
En couverture
Photo : Nicolas Velter
assisté par Karim Nuyttens
et Jonathan Du Mortier.
Retouches : Jean-Michel
Goumet. Stylisme : Sandra
Herzman@C’est Chic.
Coiffure et maquillage :
Edith Carpentier@C’est
Chic. Mannequin : Boris
Messenger.
08 La case du mois
09 Du monde au balcon ?
10
Daniel Cap
11 5 bonnes raisons de voir l’expo
« Une sérieuse tendance à la
curiosité »
12 Mani, soul brother
GPS – AIR DE FAMILLES
18
20
34
42
53 À bras ouverts
Jeux de rôles
Profession acteur
Premier rôle, seconde vie
Mises en scène
TENDANCE
EXPO
PORTRAIT
DOSSIER
44 L’Étoile fait son cinéma
CUISINE
48 Mille saveurs
GPS – À LA CARTE
51 Le retour des anciens
GPS – PAGE 69
55 Sexe-art
INFOS
56 Contacts/Adresses/Offres
d’abonnement
PHILIPPE GELUCK
57 Le Chat
JO LONDON 2012
58 Jean-Michel Saive
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04
18 FÉVRIER 2012 AGENDA
13 H DANS LA
BIBLIOTHÈQUE DE LA
MAISON DE LA BELLONE.
Peignoir, Hom par
Alexis Mabille, 35 €.
La collection
Marilyn Monroe, à la
Bibliothèque des Arts du
spectacle, sur location.
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Ikea, 19,95 € et 5,99 €.
Coussin en toile de
jute British, Maison du
monde, 49 €.
AGENDA 18 FÉVRIER 2012
05
AU LIT AVEC
BERNARD
YERLÈS
Formé sur les planches du théâtre, il s’est
imposé à la télévision et au cinéma avec son
look de baroudeur au grand cœur. À 51 ans,
il revient au pays en enfilant le blouson de cuir
du commissaire Maransart.
Par Gilles Bechet. Photo Julie Calbert. Stylisme Marion Velghe.
Adresses p. 56.
Quel genre de dormeur êtes-vous ?
Je dormirais n’importe où et n’importe quand. Je
suis spécialiste des petites siestes de 10 minutes qu’on
appelle aussi siestes Dali ou siestes Napoléon, suivant les
références.
Où dormez-vous le mieux ?
Dans une maison où j’allais déja en vacances, enfant.
Il y a une petite rivière qui distille un bruissement. J’y dors
comme un bébé. J’y fais des rêves hallucinants, je pense
que c’est dû à la présence de l’eau.
L’endroit le plus improbable où vos avez dormi ?
Avec ma première amoureuse, on a voulu rejoindre
ma mère à Saint-Jean de Maurienne. On est arrivés tard
le soir dans la montagne. On a décidé de faire le dernier
bout à pied. C’était le noir absolu et on marchait avec de
plus en plus d’inquiétude. On s’est laissés tomber sur le
côté de la route et on a dormi racrapotés dans le bas côté.
Où rêvez-vous de vous réveiller ?
Dans un chalet, au fin fond du Canada.
J’ouvrirais le volet pour me retrouver en
pleine forêt. Une image d’Épinal. ★
Samedi
18/02
J’irai voir « Les Trois Sœurs » de Tchekhov dans
une mise en scène de Michel Dezoteux. C’est
avec lui que j’ai le plus travaillé en Belgique
et j’apprécie toujours son travail. Il s’empare
ici d’un texte magnifique sur les espoirs et les
illusions qui font la musique de la vie.
Les Trois Soeurs jusqu’au 03/03 à 20 h 30, Théâtre
Varia, 78 rue du Sceptre, 1080 Bruxelles,
T. 02 640 82 58, www.varia.be Entrée : de 10 € à 20 €.
ACTU
Bernard Yerlès a terminé
le tournage de la saison 3
de « Mes amis, mes
amours, mes emmerdes »
où il partage l’affiche
avec Bernard Madinier et
Florence Pernel. Diffusion
en avril sur la RTBF avant
TF1. « 84 Charing Coss
Road » d’Hélène Hanff, qu’il
a mise en scène, sera en
tournée en France. En mars,
sortira en France « Mes
plus belles vacances », de
Philippe Lellouche où il
a enfilé le chandail d’un
marin breton.
18 FÉVRIER 2012 AGENDA
Samedi
PHOTO : DR
18/02
Xavier Vehroest vit au Kenya depuis plus
de dix ans. Un pays où des centaines de
milliers de personnes ont été déplacées
pour vivre dans des conditions très
précaires dans l’indifférence générale.
Touché par cette situation, l’artiste est
allé à la rencontre de ces gens sans toit.
Il en a tiré un travail qui juxtapose des
peintures et des collages tels des paysages mentaux avec
des sculptures inspirées de leurs abris dérisoires. Une plongée
dans la mémoire de l’ailleurs.
I have only what I remember, Xavier Verhoest, jusqu’au 24/03,
samedi de 14 h à 19 h, Roots Contemporary, 33 rue du Collège,
1050 Bruxelles, T. 0474 611 263, www.r8ts.eu Gratuit.
Dimanche
22/02
À l’occasion du festival Anima, le ciné liégeois met les petites
bobines dans les grandes avec un double programme. Le
premier explore les relations incestueuses et fructueuses
entre l’animation et les jeux vidéo. L’autre est consacré à
l’animation de rue, ou quand les animateurs déboulent dans
la rue pour se frotter aux graffes et au street art, ils prennent
un coup de l’air du temps et font swinguer le bitume.
Anim & Games + Street Animation, à 20 h, Cinéma Churchill,
20 rue du Mouton Blanc, 4000 Liège, T. 04 222 27 78,
www.grignoux.be Entrée : 5€, 6€.
Jeudi
23/02
Ce dimanche, c’est les Bozar Sundays, une journée de découvertes et d’animations pour toute la famille. Dans la salle
Le Bœuf, le Quatuor Modigliani interprétera des pièces de
Haydn et de Debussy. Après le concert, une rencontre animée
par un journaliste de Musiq’3 donnera au public l’occasion
de s’entretenir avec les musiciens de la douceur d’un coup
d’archet et du silence après une envolée de doubles croches.
Au premier regard sur les pièces
de Dorothée Loriquet, on ne pense pas céramique. Des couleurs
pop roses, bleues ou vertes. Des
formes organiques comme un
instantané d’un perpétuel mouvement. Est-ce un corps, un
matériau, un signe ? Peu importe, les courbes rondes, molles
et sensuelles défient la matière. L’artiste participe également
à la sélection des pièces de la collection permanente de
cette galerie dédiée à la céramique contemporaine, installée
dans les anciens bains de Forest.
Rising Star (Baden-Baden, Köln & Hamburg), Quatuor
Modigliani, à 11 h, Palais des beaux-arts, 23 rue Ravenstein,
1000 Bruxelles, T. 02 507 82 00, www.bozar.be Entrée : 8 €.
Dorothée Loriquet, jusqu’au 25/02, du jeudi au samedi de
14 h à 18 h, Les Ateliers Galerie de l’Ô, 56a rue de l’Eau,
1190 Bruxelles, T. 0495 28 71 74, www.galeriedelo.be Gratuit.
Lundi
Vendredi
Depuis son premier album en 1988, sa voix rocailleuse et
son rock blues dans la filiation de Janis Joplin ont imposé sa
présence tranquille et ses textes sincères. Au sommet de sa
popularité, elle a balayé les rumeurs en faisant son coming
out et en militant pour les causes homosexuelle et environnementale. Après un pas de côté pour cause de cancer du sein,
elle a retrouvé la scène aussi généreuse que jamais.
Musicienne et chanteuse de jazz, Mélanie De Biasio joue de
sa voix de velours douce et rêche à la fois. Puisant son inspiration dans le souffle du blues, elle se montre autant à l’aise
dans les standards de Nina Simone et Billie Holiday que dans
ses compositions personnelles. Elle a surtout cette précieuse
capacité de pouvoir suspendre le temps tout en gardant le
tempo. Pour ce concert, elle sera accompagnée de Pascal
Mohy au piano.
19/02
20/02
Melissa Etheridge, à 20 h, AB, 110 boulevard Anspach,
1000 Bruxelles, T. 02 548 24 24, www.abconcerts.be Entrée : 36 €.
Mardi
21/02
PHOTO : LYDIE NESVADBA.
Mercredi
Une main tendue à un carrefour, des boucs
émissaires faciles, les Roms, gitans, vivent
dans nos sociétés, invisibles et trop visibles.
La photographe Lydie Nesvadba, dont
vous voyez régulièrement le travail dans
nos pages, est partie sur la piste des gens
du voyage alors qu’elle étudiait encore à
La Cambre. De France, d’Espagne, de Roumanie et d’Inde, elle a ramené des images
sans pathos, d’une grande évidence plastique et humaine. Aux cimaises également,
les B.D. de Kkrist Mirror et les peintures de Gabi Jimenez.
Vous avez dit Roms ? Gabi Jimenez – Kkrist Mirror – Lydie
Nesvadba, jusqu’au 04/03, du mardi au vendredi de 11 h à
18 h 30, samedi de 11 h à 13 h 30 et dimanche de 14 h à 17 h
et de 19 h à 22 h, Centre culturel Jacques Franck,
94 chaussée de Waterloo, 1060 Bruxelles, T. 02 538 90 20,
www.lejacquesfranck.be Gratuit.
24/02
Mélanie De Biasio Duo, à 20 h 30, Maison des arts de
Schaerbeek, 147 chaussée de Haecht, 1030 Bruxelles,
T. 02 240 34 99, www.cultures1030ecoles.be Entrée : 6 €, 10 €.
save the date
Lundi
27/02
Gagnez 3 x 2 places
pour Brad Mehldau
Trio, à 20 h, au Bozar.
Rendez-vous sur le blog save
Son trio est
the week de www.victoiremag.be
considéré par les
critiques comme par le grand public comme un des
sommets du jazz d’aujourd’hui. Accompagné de Larry
Grenadier à la contrebasse et de Jeff Ballard aux percussions, le pianiste américain Brad Mehldau plongera
dans son répertoire et dans de nouvelles improvisations
avec la grâce et la rigueur qu’on lui connaît.
Brad Mehldau Trio, à 20 h, Bozar, 23 rue Ravenstein,
1000 Bruxelles, T. 02 507 82 00, www.bozar.be Entrée : 15 €,
20 €, 25 €, 30 €.
PHOTO : DR
06
Saviez-vous
que les mathématiques
sont partout?
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De la structure cristallisée d’un flocon de neige au sillage que laisse un
bateau dans l’eau ou à la géométrie des fleurs, l’univers tout entier est régi
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le monde qui nous entoure, de ses aspects les plus quotidiens aux plus
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18 FÉVRIER 2012 ENVIES
Tourisme
My way
Par Gilles Bechet, Vincent Engel, Sandra Evrard,
Amandine Maziers, Isabelle Roche et
Sophie Schneider. Photos DR.
CHIC, UN
T-SHIRT !
Motardway
Un nouveau
guide pour
les mordus de
bécanes qui
n’attendent que
les beaux jours
pour tracer. Prof
de français et
d’histoire, André
Paquay a le
don de présenter des petits coins
perdus ou très connus de Belgique,
avec moult détails et anecdotes
croquantes. Ce guide comporte
plus de 2000 km d’itinéraires au
sein des dix provinces belges,
avec dix boucles agrémentées
d’une fiche technique qui suggère
des visites de musées, parcs,
châteaux, une table où s’arrêter...
Évidemment, l’auteur ne tarit
pas de détails sur la manière
d’appréhender les villes et lieux
à moto, les accès, style de routes
ou parkings. Restons pratique ! Les
itinéraires sont présentés carte
à l’appui et, pour ceux qui le
souhaitent, une version pour GPS
est téléchargeable. Franchement
bien fait !
Les Gantois d’Alice–Gazouille
font dans le T-shirt chic.
Fabrication complètement
belge, jolies matières avec
cachemire et compagnie,
détails punchy, coupes
branchées... et vingt-cinq des
boutiques les plus pointues de
Belgique qui ont déjà cédé
après seulement deux saisons.
T-shirt Brooklyn, Alice-Gazouille,
75 €, T. 0494 26 34 50,
www.alice-gazouille.be
La Belgique des motards, André
Paquay, éd. La Renaissance du
livre, 14,99 €.
Vinoway
Et une route du
vin en plus à
parcourir : mais
pour changer
des bordelais
et autres
bourgognes,
les auteurs de
ce petit guide
se sont réfugiés dans la région
de Midi-Pyrénées. Histoire du vin
de la région, présentation des
châteaux viticoles, des chais
de dégustation, des différentes
fêtes du vin villageoises, mais
aussi toutes les appellations et
cépages de ce beau terroir y sont
répertoriés. Au-delà de la carte
d’identité, on sort aussi de l’excuse
de la route du vin pour parcourir
des itinéraires qui nous mènent le
long de paysages sublimes et d’un
patrimoine qui impose de multiples
arrêts (Armagnac, Auch, Fourcès,
Conques). Le guide propose alors
plusieurs adresses pour se loger
et se restaurer. Et, bien sûr, les
visites de caves de chacun des huit
itinéraires.
Sur la route des vins de MidiPyrénées, éd. Hachette tourisme,
10,50 €.
Pieds légers
Les Espagnols de Camper multiplient
les collaborations. Dernière en
date avec le tonitruant duo de
Swash. Sarah Swash et Toshio
Yamanaka, tous les deux diplômés
du mythique Central Saint Martins
College à Londres, sont des férus
de souliers imprimés !
Chaussures, Swash pour Camper, 165 €, www.camper.com
La case du mois
LES VOYAGEURS DU SIÈCLE
Basil Thomas, guitariste du groupe Purple Orchestra, est zigouillé
dans sa piscine par… des moines en robe de bure. Il n’en fallait pas
plus pour éveiller l’attention du trio de la Ligue des Gentlemen tout
juste débarqué dans le swingin’ London. Poursuivant la saga de
leurs justiciers, arpenteurs du siècle, Alan Moore et Kevin O’Neill les
plongent dans un Londres halluciné et décalé pour une traque à un
insaisissable mage noir qui culmine avec un délirant concert à Hyde
Park. Vous avez dit psychédélique ?
La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, Century tome 2, Alan Moore,
Kevin O’Neill, éd. Delcourt, 80 p., 14,95 €.
DU MONDE AU BALCON ? 18 FÉVRIER 2012
FLEURS COUPÉES
Depuis quelques mois, la très chic et prisée Jo Malone a son corner à
Bruxelles. La parfumeuse britannique lance trois nouvelles senteurs en
édition limitée, toutes les trois conçues autour des odeurs d’un jardin
anglais : pivoine et mousse, lilas et rhubarbe, iris et géranium. Sortez vos
sécateurs.
09
De théâtre
et d’eau
fraîche ?
Par Sophie Schneider.
Parfums édition limitée London Blooms, Jo Malone
chez Senteurs d’Ailleurs, 88 € (100 ml), T. 02 511 69 69.
Poupoupidou
Boutons de manchettes Marilyn
Monroe, Atelier 11 pour Café Costume,
120 €, T. 02 513 54 44,
www.cafecostume.be
LE COUP DE CŒUR DE VINCENT ENGEL
Écrivain
PURE HUMANITÉ
Les narrateurs de ce livre magnifique – qui rappelle Tchekov et Proust par la
finesse de ses analyses et la pureté de son style – s’interrogent tous sur l’identité
de l’Anglaise, cette femme énigmatique qui est (re)venue hanter Émile, leur ami
ou parent. Et tous de faire ce constat : Nous en arrivions à devoir présenter deux
versions de la vie de cette femme […]. Une version fictive, une version plus
proche de la vérité – parce que si nous avions simplement
rapporté ce qui était, nous n’aurions pas livré une image
fidèle de ce qu’elle était. Tout est dit et c’est tout le sel
de ce récit de bord de mer, dans cette cité balnéaire qui
pourrait aussi bien être une station sur la Baltique, à la fin
du XIXe siècle, que notre mer du Nord aujourd’hui. Des
portraits, une ambiance : celle d’un lieu, d’un temps, mais
aussi de la vie : Un jour d’ennui, car le temps ne passait
pas, et de panique, car il passait. De l’humanité pure.
Un des plus beaux livres de ces derniers mois…
L’Anglaise, Catherine Lépront, éd. Seuil, 256 p., 19 €.
Ne craignez pas pour nous,
les galères, les déceptions,
cette angoisse de n’être
ni choisi ni désiré et les
mauvaises critiques… De
tout ça, nous forgeons notre
intériorité. Plaignez plutôt notre désarroi quand,
sortant de scène, on sent que l’on n’a pas fait de
notre mieux, notre tristesse de devoir jouer sans
être tout à fait en accord avec le spectacle. Nos
doutes devant des salles vides ou un théâtre qui
ne ressemble pas à l’idée que l’on s’en faisait.
Ayez pitié de notre ego qui nous éloigne parfois
du monde et de ses réalités… Bien sûr, il faut
bien qu’on bouffe, mais aucun de nous n’a
embrassé la carrière pour l’argent ou la célébrité.
On n’a juste pas eu le choix : le théâtre s’est
imposé à nous comme une passion, une nécessité,
une évidence, comme certains choisissent
Dieu… C’est comme l’amour : on le fait pour
se faire du bien, mais surtout en espérant qu’à
chaque fois, ce que nous donnons vous apporte
quelque chose : joie, questions, émotions,
petite gêne ou juste l’oubli de vos soucis.
Qu’importe pourvu qu’il y ait échange… Voici
donc quelques spectacles, à buts ouvertement
échangistes. Le Raoul collectif et son « Signal
du promeneur », qui vient de faire carton plein
au Théâtre national, pose la question d’une
improbable métamorphose planétaire, les
28/02 et 29/02, www.ancre.be « Nœuds » invite à
l’exploration de ce qui nous lie et nous désunit,
du 29/02 au 10/03, www.balsamine.be « Faisons
des vivants » s’interroge sur la transmission, du
06/03 au 11/03, www.theatredelavie.be Tandis que
« Suzy raconte » permet de visiter les souvenirs de
Suzy Falk, du 06/03 au 10/03, www.varia.be « Les
olives noires », comédiennes chanteuses, ajoutent
la mélodie au texte pour faire face au stress, les
03/03 et 08/03 à Liège, www.lesolivesnoires.com
« Nuda Vita » danse avec un humour vitriolé les
relations de couples les 01/03 et 02/03,
www.theatre140.be Et pour qui est rassuré par
les auteurs, « Mademoiselle Julie » rappelle que
l’amour et le désir peuvent aussi être source de
désolation, on l’oublie trop souvent. Du 01/03 au
31/03, www.leparc.be
18 FÉVRIER 2012 ENVIES
10
Tout Net
Décalage
temporel
Vrai vintage ou clin d'œil rétro
voire préhistorique, la modernité,
c'est jouer avec les époques !
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Un objet de
U
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collection qui
ne restera
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l'étagère !
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Préhistorique
Ava le couteau
Avant
sui
suisse, avant le canif,
il y avait… la pierre à
tou faire ! À aiguiser,
tout
co
concasser,
écraser.
O oublie le hachoir
On
é
électronique
et on se
d
dégourdit
les doigts.
Pierre à aiguiser Homo
S
Sapiens,
Eno Studio,
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29,90
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www.singulier.com
« On n’a peur de rien, on
assume tout à 100 %. »
Venu au théâtre par la voie de l’animation,
Daniel Cap trouve une fois de plus dans
« L’Oracle de Delphes », au Magic Land,
un espace où pratiquer sa passion : la
rencontre avec le public.
Le pitch ?
C’est Rome : il y a des jupettes,
des arènes, des combats de
gladiateurs, une intrigue
amoureuse, une walkyrie écolo,
des thermes, de la torture…
César attend le retour de son
guerrier victorieux, Valérius.
Son fils, Adolphus, complote
pour être empereur à la place
de l’empereur. Les taxes
sont honteusement élevées,
le peuple gronde, alors on
lui propose des jeux… Ce
n’est pas que bouffonnerie,
dès que Patrick Chaboud
peut évoquer l’actualité,
il le fait. Il y a un message
à découvrir au travers des
niveaux de lecture, du décalage
et du second degré.
La phrase qui tue ?
Ridiculus don’t kill him. Ce qui
veut dire, en « lapin » : le ridicule
ne tue pas ! La preuve, mon fils est
toujours vivant. C’est une phrase
de l’empereur, qui considère
son fils comme une rature, un
déchet. Il y a le texte écrit et puis
le reste, qui se crée au fil des répétitions,
mais aussi des représentations. Le canevas
ne bouge pas, mais c’est souple, ça colle à ce
qui se passe dans la salle, on rebondit et ça
évolue jusqu’à la dernière.
Ça s’adresse à qui ?
Nous avons un public bigarré. Il y en a pour
tous les goûts : des choses très visuelles,
ridicules, voire grotesques. Il y a des jeux
de mots à deux balles ou plus fins.
Même les enfants très jeunes s’y
retrouvent. Ça n’a rien à voir avec
le théâtre traditionnel. La façon
dont on accueille les spectateurs,
le décalage des textes… On
n’a peur de rien, on assume
tout à 100 %. Je dirais juste
qu’il faut avoir un peu de temps
pour rester après, boire un verre
et discuter avec nous. Ce qui me
touche au théâtre, c’est la rencontre,
le rapport humain et, au Magic, il
y a l’espace pour ça avant, pendant et
après le spectacle.
Que diriez-vous pour convaincre les
spectateurs de venir ?
À notre époque « pain et jeux », c’est le
moment où jamais de venir voir et boire
au Magic Land : le verre au bar est à un
prix très raisonnable ! Ne pas se prendre
au sérieux, c’est important dans la vie,
aujourd’hui comme à l’époque romaine.
Avoir du recul, une autodérision, c’est
une médecine pour garder le moral. ★
L’Oracle de Delphes, du 23/02 au
17/3 à 20 h 30, Magic Land Théâtre,
8-14 rue d’Hoogvorst, 1030 Bruxelles,
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EXPO 18 FÉVRIER 2012
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5 BONNES RAISONS DE VOIR L’EXPO
« UNE SÉRIEUSE TENDANCE À LA CURIOSITÉ »
Par Catherine Callico. Photos DR.
1. La Gueule du
loup, Dorothy
Shoes.
2. Air gravity –
Le Mouvement,
Cetrobo.
3. Spider’s net
(série Love Boat),
Sebanado.
4. Money money
money, Julie de
Waroquier.
5. Path, Lara
Zankoul.
Pour fils conducteurs de cette sélection d’œuvres
proposée par la plateforme de création digitale
Worbz.com, le ressenti et les histoires racontées. Des
œuvres de photographes confirmés et émergents, issus
d’horizons contrastés. Décryptage de cinq close-up par
Marianne Hauchecorne, cocuratrice.
1. Émotionnel Dans son univers décalé, Dorothy
Shoes met en scène des histoires réelles et s’interroge
sur la fragilité de l’être. Elle nous plonge dans les pensées,
les obsessions de son personnage. Elle nous place en
spectateur actif et, à travers la matière et le mouvement,
nous fait presque toucher nos émotions. Sa maîtrise, ses
choix de lumières et de couleurs servent formidablement son
cliché.
2. Vintage Un univers surréaliste qui dépeint, à
travers des mises en scène, l’amour, la mort, les joies,
les doutes, l’humour et les craintes. Une image pop,
vintage, des situations rocambolesques, du mouvement.
Une imagination et une énergie que l’on devine
débordantes. Une maîtrise technique évidente. Un cliché
qui réveille l’esprit. Le regard se pose, la tête se tourne pour
s’adapter à la proposition visuelle, Cetrobo (alias Frédéric
Arnould) nous propose de voir autrement.
3. Onirique Dans cette photographie tirée de la série
« Love Boat », Sebanado intègre de l’humour et de la
poésie dans ce qu’il y a de plus banal. Un cadrage décalé,
des couleurs saturées nous plongent dans un univers
onirique, presque surréaliste. Une distorsion du réel face à
laquelle on ne peut s’empêcher de s’interroger et de sourire.
Un rien vintage, très novateur. L’artiste a également
été publié dans « Art Actuel », « Azart Photo », « Le
Monde 2 ».
4. Conceptuel Julie de Waroquier fait partie de cette
vague de très jeunes photographes conceptuels autodidactes.
Elle s’adonne à merveille à l’exercice périlleux de
l’autoportrait, déconstruit le réel. Elle propose avec force
et douceur une légèreté d’un aplomb extraordinaire. Une
assurance de l’univers et du traitement qui dépasse une
première impression enfantine et acidulée.
5. Graphique Lara Zankoul nous emmène dans une
rêverie profonde, hors du temps. Un résultat épuré, doux et
très féminin. Une simplicité qui traduit toutefois une réelle
réflexion au niveau de la composition, des choix graphiques
et colorimétriques, comme un instantané d’une histoire
qu’il ne nous reste plus qu’à imaginer. ★
Une sérieuse tendance à la curiosité, jusqu’au 28/02, tous
les jours de 10 h à 18 h, Caves des Halles Saint-Géry, 23 place
Saint-Géry, 1000 Bruxelles, www.worbz.com
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18 FÉVRIER 2012 PORTRAIT
Costume et chemise,
Dries Van Noten chez
Stijl, 875 € et 195 €.
Chapeau, My Bob
chez Privejoke, 220 €.
PORTRAIT 18 FÉVRIER 2012
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SHOOTING MODE
MANI,
SOUL
BROTHER
En sanskrit, Mani signifie
« le joyau ». Et là, le joyau,
c’est cette voix. Hors norme.
Derrière « Bang Bang »,
bonbon funky scotché
sur toutes les ondes,
Mani Hoffman cache un
million de subtilités. Et une
« fratitude » qu’il n’est jamais
parvenu à occulter dans sa
musique.
Par Rafal Naczyk. Photos Nicolas Velter@C’est
Chic. Stylisme Justine Lepoutère@C’est Chic.
Retouches Jean-Michel Goumet. Adresses p. 56.
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18 FÉVRIER 2012 PORTRAIT
Gilet, Tommy Hilfiger
Denim, 179 €.
Pantalon, Paul Smith
chez Balthazar, 165 €.
Bottes, Diesel, 190 €.
PORTRAIT 18 FÉVRIER 2012
« Heroes of today », qui donne son titre à l’album, est
très énergique. Mais derrière ces mélanges de soul,
d’électro et de rock, il y a un objet musical difficile à
classer. Mani, c’est un groupe qui fuit les étiquettes ?
C’est surtout la rencontre de cinq personnalités.
Chacun de nous met son âme dans le son. Nous
écrivons d’abord pour le piano et la voix, avant
l’apport du sound design. Le but était moins d’avoir
un son particulier qu’un son qui allait dans le sens
des compositions. La base, ce sont des chansons
qui tiennent avec une guitare et une voix. Quand
la composition avait des accents plus dance, on
superposait des sons plus électroïdes. Quand il y avait
une sonorité rock, on balançait des riffs. Ce n’est pas
un album de sons, mais de compos et de chansons.
Nos morceaux prennent une dimension beaucoup
plus humaine en live.
Vos précédentes collaborations, notamment dans
la scène électro house, vous ont permis de parcourir
le monde. Et de vous arrêter un temps en Asie.
Comment cette culture a-t-elle pu vous influencer ?
Je suis parti sur la trace de mes idoles. Avec, dans
mon baluchon, « Sur la route de Kerouac » et « Les
Portes de la perception » d’Aldous Huxley. Et, dans
les oreilles, mes héros woodstockiens : Hendrix, Led
Zeppelin, les Stones… Au départ, je ne partais que
pour quatre mois. En Inde. Finalement, j’y suis resté
quatre ans.
Vous êtes devenu un clochard céleste, perdu sur les
chemins de Katmandou ?
Ce qui m’a le plus marqué, c’est cette sensation
de liberté. Le fait de pouvoir dormir à la belle
étoile ou chez l’habitant. Sans savoir où on ira le
lendemain, sans savoir qui on va rencontrer. C’était
ma première quête initiatique. Une sorte de croisade
psychédélique. Ça m’a permis de retrouver les réveils
lumineux de l’enfance et de goûter chaque instant.
Mais très rapidement, ça a engendré une véritable
remise en question. Quand on vient d’Occident, on
est enveloppé de convictions fortes sur des thèmes
aussi classiques que la mort, le respect ou la joie. Làbas, j’ai été confronté à d’autres modes de pensée. Ça
m’a chamboulé. J’ai donc fait table rase du passé.
C’est un peu le sujet d’une de vos chansons, « Linger
on the Road », non ?
Oui, on n’est jamais seul sur la route. Nombreux
sont les hommes à avoir pris ce chemin, des rêves
plein la tête et des illusions plein les poches, pour
se construire une vie plus belle. Chacun cherche sa
route. Mais à l’arrivée, on n’est plus le même. De
retour à Paris, je n’étais plus en phase avec ma vie
d’antan. J’avais l’impression d’être marginalisé. Et
le seul moyen que j’ai trouvé pour exprimer ça, c’est
la musique. C’est par goût de la liberté que j’ai été
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amené à faire de la musique. Et je continue à en faire,
par amour de la musique.
Entre les arcs-en-ciel de Mika et le réalisme
désenchanté de Stromae, difficile de sortir du lot.
Aujourd’hui, quelles qualités faut-il avoir pour se
faire une place dans le milieu de la pop ?
La pop reste une musique légère. Ce n’est pas
un genre pour des paroles engagées ou pour des
donneurs de leçons. On aimerait tous un monde
meilleur, rencontrer de belles personnes, partager des
choses simples. La pop surfe sur ces clichés. Mais,
quelque part, elle ramène à l’essentiel. Dans chaque
musique bruissent les murmures d’un rêve qui ne se
vit qu’à l’intérieur.
Vous avez fait le pari de chanter en français et en
anglais.
« Bang bang » a été diffusé très vite sur les
ondes. Mais les radios mainstream sont obligées de
respecter des quotas. On nous a
fait comprendre que nos rivaux
directs étaient Beyoncé, Maroon5,
Pink… Et que pour tenir l’audimat,
il fallait inclure des paroles en
français. Sans quoi, il leur aurait
été impossible de nous diffuser.
Imaginez notre tête. C’était
désespérant. J’ai dû mettre mon orgueil de côté et
réécrire le texte. En français.
C’est par goût
de la liberté que j’ai
été amené à faire
de la musique.
Votre voix sonne-t-elle différemment en français ?
Je n’ai jamais supporté ma voix en français.
Mais ça n’est qu’après l’enregistrement, à l’écoute,
que la magie a opéré. Contrairement à moi, les
autres membres du groupe ont vite été emballés. En
anglais, cette chanson n’a rien de révolutionnaire.
Avec le français, il y a une fraîcheur qui donne une
deuxième vie au morceau. Quatre heures après le
mix, la chanson était diffusée sur toutes les ondes
françaises. Si cette « réadaptation » ne nous avait pas
plu artistiquement, nous ne l’aurions jamais envoyée
aux radios.
« Bang bang » est un titre universel, un vrai bonbon
funky. Le genre de morceau qui aurait très bien pu se
retrouver en téléchargement sur Megaupload… Que
pensez-vous de la fermeture du site ?
Je suis un très mauvais élève… Quitte à se
tirer une balle dans le pied, je ne suis pas contre le
téléchargement. C’est important de faire voyager la
musique, de la rendre accessible à ceux qui n’ont pas
forcément les moyens d’acheter un album. Ils peuvent
toujours se rattraper en venant voir les groupes sur
scène. En ce qui me concerne, j’ai un rapport très
physique à la musique. Je ne télécharge même pas
sur iTunes. J’ai besoin de toucher le disque, de voir la
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18 FÉVRIER 2012 PORTRAIT
pochette, de lire les gars qui remercient Dieu comme
le guitariste de notre groupe…
Avant de bénéficier d’un contrat de distribution
auprès d’une major, vous avez fait appel au
« crowdfunding », via My major company. Ce sont
les internautes qui ont produit votre album. Estce qu’aujourd’hui, le meilleur moyen d’échapper à
la crise de l’industrie du disque, c’est d’impliquer
l’internaute dans le processus créatif ?
Je crois très fort au modèle communautaire. Au
plan marketing, c’est très efficace. Mais ce qui m’a
le plus séduit, c’est d’avoir la sentence du public
avant la sortie du disque. Ce n’est pas juste du
crowdfunding. En tant qu’artiste, on se sent soutenu,
porté et responsable vis-à-vis de ses producteurs. Les
internautes sont intégrés à la construction de l’album.
Et deviennent le sixième membre du groupe. Mais
je garde toute ma liberté artistique. La création d’un
album, c’est un processus très long. Et pour moi, ça
n’a jamais été une histoire de pistolero, d’auteur isolé
dans sa tour d’ivoire. Un album, c’est une histoire de
clan. Quand des gens te disent que ta musique les fait
sourire, alors que toi-même, tu as l’impression d’être
au fond du trou, ça te donne l’envie de déplacer des
montagnes. ★
QUI ?
De l’électro à la pop, il n’y a
parfois qu’un pas. Mais ce sont des
sentiers beaucoup plus contrastés
qu’a empruntés Mani Hoffman. Sa
participation au carton mondial
électro de 2002, Starlight, avec
les Supermen Lovers, l’a sorti de
l’ombre. Et rapproché de Toby
Smith, fondateur du groupe
Jamiroquai. Avec lui, il compose
des titres pour « Pop Idol », version
british de la « Nouvelle Star ».
Mais c’est sa rencontre avec
le producteur et compositeur
Antoine Le Guern, lui aussi issu du
milieu electro, qui crée le son et
la vibration Mani. Quelque part
entre Cee Lo Green, Stevie Wonder,
Donny Hathaway, Maroon5 et
Pink, Mani livre un premier opus
teinté d’un funk généreux, d’un
rock électrisant et d’une soul
euphorisante. Le single « Bang
bang » se hisse déjà en tête des
charts européens. En provoquant,
au passage, quelques sourires
ravis.
QUOI ?
Heroes of Today,
Mani, My Major
Company, album 12
titres, disponible dans
les bacs et sur les
plateformes de téléchargement.
QUAND ?
Le 04/05 à l’Inc’Rock Festival,
www.incrockfestival.be
Veste en cuir,
Diesel, 739,95 €.
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ON AURA TOUJOURS RAISON DE L’OUVRIR
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
JEUX
DE
RÔLES
De la galère ordinaire à
l’exception « bankable », de la
voix off au face caméra, de la
pub à la scène, le comédien
jongle avec les rôles, y compris
dans les coulisses. Lever de
rideau sur un métier qui se veut
d’artiste – et pas seulement
dans le statut.
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Profession acteur, p. 20
Premier rôle, seconde vie, p. 34
Mises en scène, p. 42
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DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
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PROFESSION
ACTEUR
Vous êtes venus faire du
théâtre mais, maintenant,
une question : pour quoi
faire ?, demandait Bertolt
Brecht. Il y a mille raisons,
bien mystérieuses, de vouloir
être comédien. Et mille
autres raisons, tout aussi
insaisissables, de vouloir le
rester, envers et contre tous
les paradoxes d’un art qui
est aussi métier, d’un fauxsemblant qui quête le vrai,
d’un geste désintéressé qui
est aussi volonté d’insertion,
voire de reconnaissance.
Par Julie Luong et Sophie Schneider (portraits).
Illustration Émilie Seron. Photos Filip
Vanzieleghem.
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
La passion, plus lucide qu’aveugle, justifie souvent
l’obstination communicative des acteurs. Dans
la réalité, on est loin de l’image du comédien qui
baguenaude, c’est souvent dur de s’en sortir, mais c’est le
plus beau métier du monde !, résume Sophie Schneider,
comédienne et chroniqueuse pour Victoire (voir
p. 9).
Écoles et buissonnières
Passion qui explique que chaque année, des
dizaines de jeunes comédiens sortent de nos cinq
grandes écoles francophones d’art dramatique –
Insas, IAD, Conservatoire royal de Bruxelles,
Conservatoire royal de Mons et Conservatoire
Royal de Liège, aujourd’hui rebaptisé Esact (École
supérieure d’acteurs cinéma-théâtre) – et se lancent
dans la course aux castings, auditions, collaborations
incertaines, projets attendant preneurs. Jungle
où, selon l’adage, il y a beaucoup d’appelés et peu
d’élus. Certains lâcheront d’ailleurs en cours de
route. Selon les données recueillies, dans les années
qui suivent leur sortie de l’école, de nombreux
comédiens se réorientent, du
moins « partiellement », faute de
s’être fait une place, de pouvoir
s’assurer un train de vie décent
ou parce que la réalité du terrain
se révèle tout simplement
incompatible avec le pacte de
base : de l’art, de l’air. D’autres
rejoindront les rangs avec, en
poche, non pas un premier prix,
mais l’arme secrète des électrons
libres : un rien d’audace et une faculté de travail hors
du commun. De Bouli Lanners à François Damiens,
pour ne citer qu’eux, le paysage belge ne manque pas
d’autodidactes aujourd’hui fameux ni de conversion
tardive, ainsi de la comédienne Nicole Shirer qui a
débuté dans l’enseignement avant de convertir en
profession sa passion amateur et d’être engagée, à
l’année, au Théâtre des Galeries.
Pour les comédiens comme pour les réalisateurs, il
n’y a pas de voie toute tracée, commente Frédéric
Sojcher, réalisateur belge et professeur de cinéma
à la Sorbonne. Même si moi-même, j’ai fait l’Insas
et même si j’enseigne aujourd’hui le cinéma, je suis le
premier à dire qu’il y a de grands réalisateurs et de
grands comédiens qui peuvent émerger sans avoir été
dans une école… Mais si ces talents peuvent émerger,
c’est grâce au travail. C’est parce qu’ils croisent sur
leur route des metteurs en scène exigeants, qui les font
travailler pendant des mois. Un coup de baguette
magique ne permet pas de briller tout à coup de mille
talents devant la caméra ou sur une scène… Et il y
a évidemment une part mystérieuse qu’on appelle le
charisme : pourquoi certains l’ont et d’autres pas ? Je n’ai
pas de réponse.
Il y a
évidemment une
part mystérieuse
qu’on appelle le
charisme.
LA PASSIONNÉE
DE PARTAGES
JANINE
GODINAS
70 ANS
Ils sont rares ceux qui savent et veulent encore
apprendre ! Intelligente et passionnée, sereine
et pourtant pleine d’appétit, Janine Godinas
est une comédienne incontournable. Malgré
un refus au Conservatoire de Bruxelles, sa
carrière – continue et exemplaire – a rebondi
au fil des rencontres. Impossible de lister tous
les metteurs en scène qui l’ont dirigée ni les
pièces qu’elle a elle-même conduites ! Pointons
vingt ans d’enseignement, deux Ève du théâtre
et des collaborations récurrentes avec Philippe
Sireuil, comme dans « Les Reines ».
Son travail Je n’ai pas choisi ce métier, c’est
lui qui m’a choisie : j’ai commencé à 18 ans
et je continuerai tant que j’aurai la tête et
l’énergie. Je ne vis que de ça ! J’ai toujours
travaillé, même quand, vers 40 ans, j’ai eu le
désir d’arrêter, Gildas Bourdet m’a engagée, en
France, pendant dix ans. C’est une question de
chance : de qui on rencontre, à quel moment !
Il y a des comédiens de talent qui travaillent
très peu et d’autres, moins talentueux, qui
travaillent beaucoup.
L’argent On s’est battus à une époque avec le
syndicat pour qu’on nous paie nos répétitions,
qu’il y ait des périodes de répétitions plus
longues, une reconnaissance, un statut…
Aujourd’ hui, tout ça est remis en cause, il y a
du théâtre qui se fait presque gratuitement. Les
salaires ont diminué : je gagnais mieux ma vie,
il y a vingt ans. C’est dramatique, ce manque
de crédits pour la culture et pour la recherche
d’ailleurs. C’est difficile de faire de la création
quand il y a obligation de remplir les salles…
Ce manque d’argent oblige à être tout le temps
dans la création, la production : c’est usant.
Le métier C’est un métier qui enrichit l’esprit
et le corps. C’est un métier public, ça rend
narcissique, mais on doit lutter contre notre
ego. Ça, les écoles l’oublient trop souvent : elles
poussent, ne disent pas la difficulté. Il y a des
illusions qui s’installent. Les jeunes sont très
vite aigris. Je n’ai pas eu de période creuse,
mais je me plie à tout, j’accepte même les petits
rôles. C’est très rare d’avoir le choix.
Son actu
Les Reines, du 02/03 au 30/03, Théâtre des
Martyrs, 22 place des Martyrs, 1000 Bruxelles,
T. 02 223 32 08, www.theatredesmartyrs.be
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
LE CHERCHEUR
PRATIQUANT
PATRICK BRÜLL
44 ANS
Pour lui, l’acte de jouer est une question ! Pour
autant, Patrick Brüll n’est pas un théoricien,
mais un pratiquant actif… Depuis son premier
prix au Conservatoire de Liège en 1990, il a
arpenté quasiment toutes les scènes : du NTB au
Parc (« L’Ange Bleu ») en passant par le Public,
les Martyrs (« Milarepa »), voguant de maisons
estampillées grand public en collectifs de
recherche plus pointus, comme l’Infini Théâtre.
Si son nom ne vous dit rien, sa voix, elle, vous la
connaissez : voix promo de la RTBF, publicités,
doublages, documentaires… Son timbre grave
et suave fait partie de notre paysage auditif.
Le métier Une profession, c’est l’exercice d’une
pratique qui prend du temps et est rémunéré
pour nous faire vivre. On n’en est plus là.
Quand je négocie mes contrats, je demande
à garder du temps pour pouvoir continuer à
gagner ma vie ! On peut parler d’une semiprofessionnalisation du théâtre en Belgique car,
même quand les cachets sont respectables, ils
ne permettent pas de vivre. Quand j’ai voulu
inscrire ma réussite professionnelle en quelque
chose de matériel, comme acheter une maison,
les banques m’ont ri au nez !
Son travail J’ai la chance d’avoir une voix qui
passe bien. Je donne des cours au Conservatoire
de Mons, ça s’inscrit dans ma démarche de
comédien : je partage avec mes étudiants les
projets sur lesquels je suis en train de travailler.
J’ai commencé à gagner mieux ma vie. Le
paradoxe, c’est que quand je joue, je gagne
moins : je dois « m’offrir » de jouer.
Son but Avec mes petits moyens, mettre tout
en œuvre pour qu’à chaque fois, le théâtre – la
rencontre magique qui fait que nous avons
choisi ce métier et que le public se déplace – ait
lieu. Cette magie n’est pas uniquement liée
à l’argent, mais si on fait du théâtre un lieu
d’exploitation de l’homme par l’homme en
visant le résultat plutôt que le chemin, elle est
mise en péril.
Son actu
L’Auberge du cheval blanc, mise en scène de
Dominique Serron, les 03/03, 04/03 et 06/03,
PBA, 1 Place du Manège, 6000 Charleroi,
T. 071 31 12 12, www.charleroi-culture.be et du
16/03 au 18/03, Opéra royal de Wallonie, Palais
opéra, bd de la constitution, 4020 Liège
T. 04 221 47 22, www.operaliege.be/fr
Les Femmes savantes, du 16/04 au 29/04, Atelier
théâtre Jean Vilar, Place Rabelais,
1348 Louvain-la-Neuve, T. 0800 25 325, www.atjv.be
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Corps d’acteurs
L’importance incontestable de ce « mystère »,
de ce je-ne-sais-quoi, ne saurait nous dispenser,
il est vrai, des questions très pragmatiques que
pose l’insertion professionnelle des comédiens,
avec ses propres règles, ses propres habitudes et ses
propres stratégies, comme le souligne Jean-François
Orianne, sociologue du travail à l’Institut de sciences
humaines et sociales (ISHS) de Liège, qui a dirigé,
à la demande de Théâtre et Publics, une étude sur
l’insertion professionnelle des jeunes comédiens à
la sortie du Conservatoire de Liège (1). Cette étude
a montré qu’il s’agissait d’un segment assez spécifique
sur le marché du travail. Deux conventions principales
président à l’engagement des comédiens. La convention
de réseau : on engage beaucoup sur une réputation,
le carnet d’adresses détermine en grande partie les
possibilités d’embauches. Et la convention qu’on a
appelée « naturaliste » : on peut être engagé pour un rôle
parce qu’on est petit, grand, blond, vieux, noir… La
concurrence n’est donc pas totale : on est en concurrence
avec ceux qui ont le même type de physionomie. Cette
dernière convention, bien connue, n’est pourtant
pas sans violence. Et pose
évidemment la question des
rôles proposés. Une jeune et jolie
femme aura l’occasion de répondre
à de multiples annonces de
casting, mais la concurrence sera
rude. À l’inverse, une comédienne
expérimentée mais plus âgée
verra ses occasions de jouer – et
ses espoirs de premiers rôles – se réduire comme
peau de chagrin. Et que d’un dire d’un comédien
noir qui rêve de jouer Hamlet ? Faudra-t-il, pour
cela, qu’il travaille avec des personnalités aux choix
de mise en scène radicaux ? La problématique de la
« discrimination ordinaire » prend dans le milieu du
théâtre et du cinéma une tout autre dimension car,
jusqu’à un certain point, une discipline qui met au
centre le corps est discriminatoire. Elle l’est d’autant
plus lorsque, font remarquer certains comédiens, les
metteurs en scène manquent d’imagination…
Une discipline
qui met au centre
le corps est
discriminatoire.
Trois ans pour « faire son trou »
Si l’on se penche sur l’autre convention spécifique
du métier – la convention de réseau – on remarque
là encore qu’entre le professionnel et le personnel,
la frontière est mince, pour le pire comme pour le
meilleur. On ne fait pas du cinéma ou du théâtre seul :
il faut cet esprit de troupe, cet esprit générationnel,
souligne Frédéric Sojcher. En ce sens, c’est parfois un
gain de temps de passer par une école car on va se créer
un terreau de relations. Bien heureusement, certaines
structures permettent aujourd’hui de faciliter la
mise en réseau au-delà de la scolarité, comme le
CAS (Centre des arts scéniques), version belge
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
du Jeune théâtre national français, qui facilite les
rencontres entre comédiens et metteurs en scène,
regroupe les offres d’embauches, encourage l’échange
de compétences et favorise pendant trois ans
l’engagement à moindre coût des jeunes comédiens
diplômés. Un système qui a aussi ses défauts – les
comédiens qui ne bénéficient pas ou plus des services
du CAS sont défavorisés car ils « coûtent » plus chers
– mais qui permet aussi d’inscrire les comédiens dans
une certaine temporalité, comme le souligne Rachel
Brahy, doctorante à l’ISHS et coauteur de l’étude sur
les comédiens liégeois. Ayant droit pendant un temps
limité aux services du CAS, les jeunes diplômés
savent qu’ils doivent mettre cette période à profit
pour engranger le maximum d’expériences et, plus
prosaïquement, pour « cachetonner » suffisamment
en vue de l’obtention du mal
nommé « statut d’artiste » (voir
p. 33). Au fil du temps, on
constate d’ailleurs que la notion
d’« intermittence » qui caractérise
le métier correspond moins à un
papillonnage au sein d’une sphère
professionnelle élargie qu’à des
collaborations récurrentes, avec un
nombre d’employeurs restreints,
exactement comme on l’observe
dans la presse, où les pigistes, théoriquement
disponibles pour tous les journaux, collaborent,
parfois tout au long de leur carrière, avec les mêmes
éditeurs. Une fois lancé, le comédien peut ainsi
compter en général sur quelques unions, certes libres,
mais relativement « fidèles », selon le modèle de la
« flexsécurité », par ailleurs de plus en plus répandu
dans nos sociétés.
Les frottages
de manches
ne se font ni sans
fatigue ni sans
scrupules.
Comédie humaine
Pour autant, les comédiens ne sont pas dispensés
d’entretenir leurs réseaux informels, même si les
mondanités, frottages de manches et autres léchages de
bottes ne se font ni sans fatigue ni sans scrupules. La
nécessité de « se placer », le sentiment constant de
dépendre du désir de l’autre – ce metteur en scène
qui vous élira entre tous – est à la fois inhérent
au métier et intenable à bien des égards. Certains
comédiens se mettent expressément à fréquenter certains
cafés, déménagent à Bruxelles afin de croiser les bonnes
personnes, pour, comme ils le disent parfois un peu
brutalement, « faire sa pute », commente Rachel
Brahy. En même temps, ils restent convaincus qu’un
artiste se doit d’avoir de « vraies » relations, ce qui
génère d’importantes tensions identitaires. Lorsqu’ils
évoquent leur parcours, la plupart intègrent ces tensions
en évoquant la chance ou le hasard des rencontres, ce
qui leur permet aussi de ne pas dévoiler leurs stratégies,
lesquelles vont à l’encontre de la figure de l’artiste. Pour
de nombreux comédiens, l’arrivée sur le marché
LA NOTE
TRIBULATRICE
MURIEL
LEGRAND
30 ANS
La musique fait partie de Muriel Legrand, elle
aime faire chanter les gens. Nominée au Prix de
la critique 2011 pour ses interprétations dans
« Hêtre », « Bête de style » et « Où les hommes
mourraient encore », on a pu la voir cette
année dans « L’Opéra du pauvre ». Chanteuse,
musicienne (premier prix de la Biennale de
la chanson française 2008 avec Alain Eloy
pour « Oxymore ») comédienne et curieuse,
l’artiste, coach vocal, donne également cours
au Conservatoire de Mons et est membre du
groupe féminin a capella Tibidi.
Son métier Ce métier, j’en vis. J’ai de la
chance, je n’ai pas encore dû faire de concessions
alimentaires : dans chaque projet, je me
retrouve, tant dans de grandes structures avec
des metteurs en scène reconnus qu’avec des gens
de mon âge moins assurés.
L’argent Il ne fait pas le bonheur, mais son
absence pose question ! Dans le travail, quand
une demande de subvention est refusée et qu’on
s’est déjà tellement impliqué dans le projet…
Et puis au quotidien, pour l’avenir : Est-ce
que je vais toujours courir comme ça, de cachet
en cachet ? Je réalise que ça ne peut durer qu’un
temps ! Créer une famille, avec ce métier,
certains y arrivent, moi ça m’effraie. Ayant vu
mes parents musiciens, je savais qu’il faudrait
mouliner, le prendre à bras-le-corps, que le tout
n’est pas d’y arriver, mais d’y rester, de ne pas se
décourager. On a rarement ce qu’on imagine, c’est
la multiplicité des projets qui me fait vivre.
Ses choix Je vais partir huit mois au Québec,
travailler avec le metteur en scène et scénographe
Denis Marleau. Une telle opportunité et un aussi
long contrat, c’est extrêmement rare. Mais ça
implique de « disparaître » ici et, dans ce métier
où on vous demande parfois vos disponibilités
deux ans à l’avance... que vais-je trouver à mon
retour ? Je ne veux pas conquérir l’Amérique :
juste aller voir ce qui se passe pour revenir,
remplie d’expériences. Si je pouvais continuer à
voir ailleurs ce qui se fait, je serais heureuse.
Son actu
Hêtre, mise en scène de Céline Delbecq, le 29/02,
Centre culturel, 31 rue d’Ath, 7900 Leuze-enHainaut, T. 069 66 24 67, http://cultureleuze.be/ccl/
Tibidi, du 01/03 au 03/03, La Samaritaine, 16 rue
de la Samaritaine, 1000 Bruxelles, T. 02 511 33 95,
www.lasamaritaine.be
DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
LE CRÉATEUR
INDÉPENDANT
JOSSE
DE PAUW
59 ANS
Josse de Pauw est grave et léger, juste, à sa
place… Résumer sa carrière est forcément
réducteur ! De Radeis, théâtre de rue, avec
lequel il fit le tour du monde, en passant par le
Kaaitheater, le cinéma, l’écriture, la musique et
tous les chemins de traverse explorés, il se paye
aujourd’hui le luxe d’être suivi par six institutions
respectables, parmi lesquelles il choisit, pour
chaque projet, celle qui sera à même de le
produire au mieux. Un créateur, indépendant
dans tous les sens du terme.
L’argent C’est possible de vivre de ce métier si
l’accent n’est pas mis sur combien on gagne. Moi
j’aime les livres, bien manger, le vin… Je n’en
ai pas manqué ! Quand j’ai commencé, c’était
déjà un miracle de pouvoir faire ce que l’on
avait envie de faire. Mais ces dernières années,
je suis un homme bien payé. Je suis mon propre
concurrent : difficile de programmer deux fois du
Josse de Pauw dans la même saison… Parfois,
je dois faire des spectacles dans lesquels je ne
joue pas, mais j’aime être sur scène ! Les gens
n’aiment pas qu’on fasse des choses différentes.
Heureusement pour moi le terrain de travail
s’est agrandi : la France, la Scandinavie.
Le star-système flamand Je n’en fais pas
partie. Quand mon nom est la réponse dans
un quiz télé, c’est une question difficile ! C’est
vrai que la célébrité aide, mais ça ne dure pas.
J’aime convaincre un public sur mon travail
pas sur mon nom.
Le métier Je n’ai jamais pensé en terme de
métier, je vise une démarche artistique. Quoi
que l’on joue, on doit chercher son plaisir
dans le jeu et le partager. Mon parcours me
ressemble. Je n’ai jamais eu de rêves, mais ma
vie, artistique et personnelle, m’appartient et
j’espère que ça va continuer.
Un conseil C’est délicat, les jeunes connaissent
mieux leur époque que moi ! Il faut être prêt
à souffrir un peu pour vivre la vie qui est la
sienne. Il y a plus de requins aujourd’hui, on
fait des spectacles pour de l’argent et quand le
théâtre sert à gagner du fric, ça mène juste à la
solitude et la tristesse.
Son actu
Raymond, inspiré par Raymond Goethals, de
Thomas Gunzig du 25/02 au 10/03, au KVS,
7-9 quai aux Pierres de Taille, 1000 Bruxelles,
T. 02 210 11 12, www.kvs.be
du travail représente, il est vrai – ce qu’on constate
par ailleurs dans d’autres professions « à forte
déontologie » et de plus en plus largement dans le
monde de l’entreprise – un dilemme moral. Quelles
concessions s’autoriser pour « réussir » ? Faut-il choisir
entre réussite professionnelle et intégrité artistique ?
Les compromis sont-ils possibles aux passionnés ?
Dans un texte intitulé « Explorer avec l’acteur tout
ce qu’il ne sait pas qu’il sait », Max Parfondry, ancien
professeur du Conservatoire royal de Liège, décédé
en 2002, exprimait ainsi le paradoxe selon lequel
un acteur ne peut – ne doit – jamais être prêt à
affronter la réalité telle qu’elle lui est proposée. Une
formation professionnelle, si elle veut être légitime, doit
conduire chaque étudiant qui se forme aux débouchés
de la profession telle qu’elle existe. Mais il ne s’agit là
que d’une branche de l’alternative ou, si l’on veut, du
dilemme éthique qui se pose à nous, car il y a dilemme
[…] Dès lors, nous ne pensons pas que nous pouvons
former des étudiants, nous pensons que nous pouvons
tenter de commencer à former des artistes, en l’occurrence
des acteurs, d’abord en leur transmettant des rêves - au
sens noble si l’on veut, mais au sens
concret aussi - qui les rendent assez
peu prêts à s’adapter à la profession
telle qu’elle est.
Valeur de polyvalence
Le comédien
doit être prêt
à s’insérer dans
plusieurs
secteurs.
La question du rôle social de
l’acteur se pose plus cruellement
encore à l’heure de la « semiprofessionnalisation » du
métier qui amène quasi tous les
comédiens à faire autre chose que de la comédie…
L’insertion se caractérise par le caractère plurisectoriel
et plurivalent du comédien, observe Jean-François
Orianne. Le comédien doit être prêt à s’insérer dans
plusieurs secteurs : le théâtre, le cinéma mais aussi
des secteurs plus marginaux comme la publicité, la
postsynchronisation, le doublage, voire des secteurs
périphériques comme l’animation, l’enseignement, la
formation à la prise de parole en entreprise ou encore
des secteurs tout à fait extérieurs… Or, pour beaucoup
de comédiens, cette nécessité de se frotter à des
activités annexes agit à la fois comme une contrainte
et comme un apport. Contrainte car c’est souvent le
seul moyen de joindre les deux bouts et de capitaliser,
en début de carrière, suffisamment d’heures de
prestation. Beaucoup de comédiens interrogés décriaient
la publicité, ajoute Rachel Brahy. Puis-je faire tout
et n’importe quoi pour « faire du cachet » ? La question
revient souvent. Apport parce que dans les arts
scéniques, comme dans l’art en général, rien n’est
jamais perdu : toute expérience, même ingrate,
pouvant venir enrichir un futur rôle, toute réalité
approchée pouvant – un jour qui sait – être recyclée
en créativité. Les grands comédiens, ceux que j’ai eu la
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
chance d’approcher, ont tous un point commun : un don
d’observation extraordinaire, confie Frédéric Sojcher.
Ils interprètent non pas seulement en fonction de leurs
propres émotions, mais des personnes qu’ils ont vu agir.
Quand un comédien a une autre activité, ça va enrichir
sa culture, ses observations, sa connaissance de la vie et
donc, indirectement, l’interprétation qu’il pourra donner.
Si l’argument console les comédiens débordés ou
tiraillés, cette nécessité de dispersion, portée à un
certain degré, peut aussi éloigner définitivement
du but initial. Quand tu ne joues pas beaucoup, on a
tendance à croire que tu ne joues plus du tout, commente
Sophie Schneider. Et moins on te voit, moins tu as de
chance de jouer… C’est un cercle vicieux.
Viens voir les comédiens
Du reste, la haute opinion du métier que se font
les comédiens – et que renforcent, avec quelque
légitimité, les écoles d’art dramatique – ne fait
souvent que souligner, pour celui qui débute, les
défauts du système. En premier lieu, bien sûr,
la prégnance de plus en plus forte des logiques
ACTEURSRÉALISATEURS :
L’’AMOUR VACHE
Deux questions à Frédéric Sojcher , réalisateur belge et professeur de cinéma à
la Sorbonne à Paris.
Peut-on parler de « direction » d’acteur ?
Pour tous les metteurs en scène, le choix des comédiens est quelque chose de
très important. Si le comédien n’est pas bon, s’il ne correspond pas au rôle, le
reste ne fonctionne pas. Les réalisateurs et metteurs en scène sont en général
d’accord pour dire qu’on devrait davantage parler d’« accompagnement » plutôt que de « direction » d’acteur : comment un metteur en scène peut amener
un acteur à être meilleur, un peu comme un coach avec un sportif ? Comment
l’amener à se dépasser lui-même ? C’est ici toute la question du rapport de
confiance qui se pose puisque, même si l’acteur compose un rôle, il va chercher des émotions qui lui appartiennent : il y a forcément une part de dévoilement. Or, on n’a pas envie de se dévoiler devant n’importe qui. C’est quelque
chose de très intime. Ce rapport de confiance est d’autant plus nécessaire
au cinéma, puisque la manière dont un acteur est perçu dépend très fort du
montage. Au théâtre, un acteur sait exactement quand il entre et quand il sort
de scène, mais dans un film, le choix des plans, des scènes peut tout changer.
L’acteur peut-il « prendre le pouvoir » ?
Le « star-system » peut complètement biaiser le rapport entre réalisateurs
et comédiens. Il est ainsi connu que Tom Cruise impose sa mise en scène,
notamment le nombre de gros plans qu’il y a sur lui. Certains acteurs ont cet
ego surdimensionné et sont – au-delà de la composition – dans une sorte de
prise de pouvoir. Évidemment, ça peut avoir des incidences sur la mise en
scène… pour le pire comme pour le meilleur. Lors du tournage d’« Autant en
emporte le vent », Georges Cukor, très grand réalisateur, s’est ainsi fait viré
du plateau parce qu’il ne s’entendait pas avec Clark Gable, la star du film…
À l’inverse, quand Jean-Pierre Jeunet a tourné « Alien 4 » aux États-Unis et
que les studios ont voulu changer le montage, Sigourney Weaver, qui était la
star du film et s’était très bien entendue avec Jeunet, a exigé qu’on garde la
version initiale. Les studios ont dit oui, non pas pour faire plaisir à Jeunet mais
pour éviter le conflit avec la star qui ferait ensuite la promotion du film…
* La direction d’acteurs, Frédéric Sojcher (coordonné par), éd. Klincksieck/
Archimbaud, 2011 (deuxième édition, augmentée).
L’INCASABLE
SANS
PRÉTENTION
GISÈLE
MARIETTE
48 ANS
Oui, on peut vivre du théâtre hors de Bruxelles.
Gisèle Mariette en est la preuve ! Depuis onze
ans, son « Remets ta robe » tourne en Wallonie.
Il sera bientôt à Lille et un metteur en scène
parisien cherche LA comédienne pour le
monter. Mais ce n’est pas son unique œuvre,
depuis son premier prix au conservatoire de
Liège en 85, Gisèle joue – avec une justesse
rare –, dirige, anime et écrit – une quinzaine
de spectacles – sans limites de genres :
pièces sociales, à sketches, seule–en–scène
(« Commamandienne ») théâtre, café-théâtre et
théâtre jeune public.
Le métier J’en vis ! Je joue, et pas que
dans mes pièces, je suis correctement payée.
Je suis jouée, certaines de mes pièces sont
subventionnées et je touche des droits
d’auteurs. Mon père (Mitteï, dessinateur et
scénariste B.D.) vivait comme ça ! J’ai de la
chance. J’ai eu quelques revers, mais j’ai une
maison à moi et mes enfants n’ont jamais
manqué de rien.
Le statut de l’artiste Nous sommes trop
complexés ! Je milite pour une journée sans
artistes, histoire que les gens se rendent compte
à quel point on est présents dans cette société :
pas de télé, de radio ou alors juste les JT sans
jingle, pas de musique, de pub, retourner les
posters au mur, pas de livres, de magazines, de
musées… Je crois qu’après ça, plus personne ne
remettrait en doute notre utilité. Sans artistes,
on se flingue !
Ses regrets J’aurais aimé jouer avec Isabelle
Pousseur. Je suis triste que cela ne se soit pas
fait. J’ai envoyé des textes à un théâtre à
Bruxelles, je n’ai même pas eu droit à une
réponse ! Le café-théâtre est déconsidéré. Je
pense que tout est imbriqué, ce qui importe, ce
n’est pas ce que l’on joue, mais comment ! J’ai
la naïveté de croire que si on est bon et qu’on
a des choses à dire, on est un artiste. Si je n’ai
pas la carrière dont je rêvais, aujourd’ hui ma
vie s’approche de celle que je voulais.
Son actu
Les Voisins 2, du 01/03 au 31/03, La Bouch’rit,
161 rue Saint-Gilles, 4000 Liège, T. 04 223 12 00,
www.bouchrit.be
DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
économiques auxquelles n’échappent ni le théâtre
ni le cinéma. Remplir les salles, envers et contre
tout, grâce à des têtes d’affiches médiatiques,
puisées dans une « short-list » toujours plus short.
De plus en plus, les financements se font sur des acteurs
dits – le terme est horrible – « bankable » et donc le côté
économique du cinéma prend parfois le pas sur le côté
artistique, commente Frédéric
Sojcher. Beaucoup de réalisateurs
semblent obligés de choisir des
comédiens avec une notoriété
suffisamment grande pour obtenir
des financements, notamment auprès
des chaînes de télévision. Parce
que la Belgique, avec son mode
de fonctionnement artisanal,
échappe encore à cette logique
stricte de rentabilité, elle constitue cependant une
niche où un acteur conserve une chance de travailler,
même s’il était, hier encore, un parfait inconnu. Il
faut saluer les frères Dardenne, qui sont les premiers à
avoir fait changer les choses. Pendant très longtemps,
quand on voulait faire des films en Belgique francophone,
une coproduction avec la France était nécessaire. Il y
La culture du
théâtre n’est pas
très développée en
Belgique.
avait donc une quasi-obligation de tourner avec des
acteurs français, connus en France, si on voulait trouver
du financement. Dès leur troisième long métrage,
les Dardenne ont confié les premiers rôles à Jérémie
Renier et Olivier Gourmet, complètement inconnus
à l’époque. Ils ont prouvé qu’on pouvait tourner en
Belgique avec de grands acteurs belges. Aujourd’hui, il
y a une telle pépinière de talents qu’on entend certains
dire, sous forme de boutade, que tous les acteurs français
intéressants sont belges… La preuve ? En 2011, lors
de la 25e cérémonie des Molières, Christian Hecq,
comédien belge formé à l’Insas et pensionnaire de
la Comédie française, a remporté le Molière du
comédien pour sa prestation dans « Un fil à la patte »
de Feydeau. Une consécration passée quasi inaperçue
ici, ou presque. Au cours de la même soirée, la
Belge Michèle Nguyen est repartie avec le Molière
du spectacle jeune public, pour son spectacle « Vy ».
Malgré cette reconnaissance, le public autochtone
ne suit pas toujours, a fortiori quand il s’agit de
théâtre. La culture du théâtre n’est pas très développée
en Belgique, commente Sophie Schneider. Il y a
une création belge jeune public formidable, mais les
enfants qui vont aujourd’hui au théâtre iront-ils une
DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
fois adultes ? Car au-delà du cas particulier de notre
pays - et de sa tendance déjà maintes fois éprouvée
à l’autodénigration - le théâtre s’accorde mal à une
époque qui déteste l’imprévu. Au cinéma, on sait ce
qu’on va voir, poursuit Sophie Schneider. Au théâtre,
il y a toujours le risque d’être surpris… Pour Nathanaël
Harcq, directeur adjoint du Conservatoire royal de
Liège, cet enjeu contemporain est aussi aux mains
des comédiens. Le théâtre touche trop peu de monde,
écrit-il. Nous sommes bien conscients que notre monde
est saturé de culture, mais de culture émancipatrice
certainement pas. Nous cherchons résolument à former
des acteurs aptes et disponibles à répondre aux exigences
les plus élevées du théâtre et du cinéma actuels, mais il est
également nécessaire pour nous qu’ils soient partiellement
insatisfaits du théâtre tel qu’il se pratique aujourd’hui,
notamment dans sa relation aux publics. Nous rêvons
d’acteurs cherchant par leurs actes artistiques à agir sur
le monde (2). La route est longue. Mais certes pas
déserte. ★
33
STATUT,
L’’ARTISTE !
« Boîtes de facturation »
Dans le milieu du spectacle, le CDI est un mot quasi inconnu. Un comédien
peut être engagé, mais souvent sur de courtes périodes. La plupart du
temps, les théâtres et producteurs n’engagent tout simplement pas et
demandent aux artistes de facturer leurs prestations. Or, peu d’entre eux –
il y en a néanmoins – peuvent se permettre d’être indépendants, entendez :
plus de 600 € de cotisations sociales par trimestre et aucune aide sociale.
C’est pourquoi le système de « portage salarial », assuré par des ASBL
comme Smart ou Merveille, s’est largement répandu dans le milieu. Ces
« boîtes de facturation », comme disent les artistes, jouent les intermédiaires
entre « prestataire » et « donneur d’ordre », en produisant des contrats de
travail qui permettent à l’artiste d’être assimilé, même pour une très courte
période, à un salarié. Les comédiens peuvent ainsi travailler dans la
légalité vis-à-vis de l’Onem, tout en continuant à toucher leurs allocations
de chômage les jours où ils ne travaillent pas. Les désavantages de la
formule existent et sont régulièrement pointés par les syndicats : une
partie de la rémunération est empochée par la boîte intermédiaire, les
garanties sociales sont moindres que pour un salarié ordinaire, les liens de
subordination sont flous et le système, dans son ensemble, n’encourage
pas l’embauche.
Un statut qui n’en est pas un
Problème : pour avoir droit à des indemnités de chômage complètes, un
travailleur de moins de 36 ans doit aligner 312 jours de travail salarié
sur une période de 18 mois. Une condition quasi impossible à remplir
pour les « intermittents » du spectacle, soumis au rythme des tournées et
des « saisons » et dont les répétitions ne sont pas toujours comptabilisées
comme jours de travail. En 2002, la « règle du cachet » a donc été mise
en place. Elle permet aux artistes interprètes (comédiens et musiciens)
de convertir leur rémunération brute en jours de travail d’après un salaire
journalier de référence (actuellement 37,70 €). Le compte est donc
généralement plus vite atteint. Ensuite, pour maintenir leurs allocations
de chômage dans le temps, sans dégressivité, les artistes devront prouver
au minimum une prestation artistique de courte durée par an. Ils pourront
aussi refuser un emploi « non artistique », s’ils peuvent prouver 156 jours de
travail artistique (également soumis à la règle du cachet) au cours des
18 derniers mois. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui le « statut d’artiste »
qui, on le voit, n’en est pas un. En Belgique, l’artiste est aujourd’hui
assimilé le plus souvent à un chômeur, jouissant d’un statut « relativement »
protégé. Malgré ses défauts, ce « statut », régulièrement remis en cause,
est farouchement défendu par les comédiens pour qui il représente
actuellement la seule alternative viable.
À LIRE
(1) L’insertion professionnelle
des comédiens. Étude de cas à
la sortie du Conservatoire royal
de Liège, Jean-François Orianne
(dir.), éd. de l’Université de Liège,
2010.
(2) Un espace de recherche et de
création, In Prospero European
Review Theatre and Research,
Nathanaël Harcq.
À VOIR
Vy, Michèle Nguyen, 28/02, à
18 h, Centre culturel Jacques
Franck, 94 chaussée de Waterloo,
1060 Bruxelles, T. 02 538 90 20,
http://lejacquesfranck.be
Entrée : 12 €, 8 €, 1,25 €.
Un laboratoire pour penser la protection sociale ?
Le nombre de personnes ayant obtenu une indemnité en tant qu’artiste a
doublé depuis 2004, passant de 4705 à 8367 personnes. Trop, aux yeux
de l’Onem, qui entend restreindre les conditions d’accès à ce « statut ». En
réalité, l’augmentation de ces bénéficiaires est sans doute imputable à
une meilleure connaissance des règles en vigueur, mais aussi à certains
abus dans l’application de la règle du cachet, étendue à des secteurs
non artistiques, avec la complicité des boîtes de facturation. Si les
comédiens s’inquiètent de la situation, ce dernier soubresaut a cependant
le mérite d’attirer l’attention sur une autre difficulté : dans un contexte
socioéconomique bouleversé, caractérisé par la « flexsécurité » et la
paupérisation, la mobilité et l’intermittence sont-elles encore l’apanage
exclusif de l’« artiste interprète » ? Que dire de la masse des intérimaires
« non artistes » ? Que dire des « intellos précaires » ? Quel sort réserve-t-on
aux chercheurs, journalistes, écrivains, artistes plasticiens ? Plutôt que de
se constituer chasse gardée, le « statut » de l’artiste ne doit-il pas être pensé
comme un laboratoire pour mettre en place d’autres protections sociales ?
La question, soulevée par le sociologue Pierre-Michel Menger dans « Portrait
de l’artiste en travailleur » (éd. Seuil, 2003), mérite d’être posée. La culture
est sans frontières et doit être défendue comme telle.
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
PREMIER RÔLE,
SECONDE VIE
Un jour, j’ai croisé Hannibal Lecter dans une friterie.
Le cinéma, ça ne payait plus. Il en avait connu
des succès… Ça n’a pas suffi. On ne parlait plus
vraiment de lui.
Photos Nicolas Velter, assisté par Karim Nuyttens et Jonathan Du Mortier.
Stylisme Sandra Herzman. Coiffure et maquillage Edith Carpentier. Tous@C’est
Chic. Retouches Jean-Michel Goumet. Mannequins Michel A., Ronald F.,
Yvette D. et Daniel D.@Wantedd et Boris Messenger. Merci à Jean-Marie Segaert,
Recyclart, Picard, Tavernier et KBR. Adresses p. 56.
DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
Jo Klet
Costume, Maghet,
75 €, en location.
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
Kill Sybille
Perfecto, Maghet, en
location.
Pull, Petit Bateau, 28,30 €.
Pantalon, Épisode, 25 €.
Chaussures, H&M, 29,95 €.
DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
James Connery
37
Smoking et nœud papillon,
Café Costume, 650 € et 65 €.
Chemise de smoking
vintage, Yves Saint Laurent
chez Ramon et Valy, 50 €.
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
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Hanni Ballekes
Combinaison de
peintre, Le Palais du
cache-poussière,
33 €.
T-shirt, H&M, 4,95 €.
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
Superbide
41
Costume, Maghet,
75 €, en location.
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18 FÉVRIER 2012 DOSSIER
MISES EN SCÈNE
Dans les années 80, Thierry Mugler et Montana orchestrent des
défilés futuristes. Fin de la décennie 90, explosion, la mode est
un show total : Galliano chez Dior, McQueen chez Givenchy ou
Lagerfeld chez Chanel font dans l’hyper-spectacle. Aujourd’hui
on revient aux choses simples ? Pas toujours. Prêt-à-porter et
haute couture se mettent encore en scène avec brio. Pointant
des univers forts. Une mode absolue.
Par Amandine Maziers. Photos AFP, AP et DR.
L’ÉCLAIRÉE
Iris Van Herpen est la révélation haute
couture de ces dernières saisons. Un univers
extrême, hyper-technique et sans filiation.
De la poésie futuriste qui s’expose. Explose.
Le fanfaron
Thom Browne, c’est le New-Yorkais déluré qui bouscule
Paris et la mode masculine depuis trois saisons. Le
créateur a démarré en trombe en imposant son costard
impeccable mais raccourci. Chevilles apparentes
et veste trop courte. Et chacun de ses défilés est
un spectacle provoc’ et amusé. De l’hyper-show
et il l’assume comme tel. Avec ses excès. Pas du
commercial mais de l’image donc. Pour l’hiver 20122013, qu’il vient de faire défiler dans la galerie de
minéralogie du Jardin des plantes, à Paris, le Requiem
de Mozart résonnait comme une grosse machine et ces
messieurs paradaient avec des allures mi-Frankenstein
mi-footballeurs américains. Épaulettes démesurées,
pantalons rembourrés, rose et vert pétants, masques de
catch, jupes, habituels carreaux et imprimés délurés, yeux
maquillés, clous, cagoules. Ses inspirations sont multiples,
bien balancées et le travail sur les proportions permanent.
Certains crient à l’horreur, d’autres au miracle. Reste que
le créateur assume. Tempère. Il défile pour l’émulation.
L’important, c’était la beauté de l’imagerie. Et j’aime que
chacun l’interprète à sa manière, confiait-il à « Télérama »
deux jours après son défilé. Applaudissez.
La prêtresse
Le Superbowl est une grand-messe. Le 5 février dernier,
Madonna faisait son show sur scène entièrement
habillée par Riccardo Tisci pour Givenchy. Trois
pièces haute couture imaginées spécialement pour
la chanteuse. Qui ont déjà fait le tour du monde. La
preuve que le défilé est partout.
DOSSIER 18 FÉVRIER 2012
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Le machiniste
L’électron
libre
Chanel n’a peur de rien. Pour sa
dernière collection Paris-Bombay,
qui met en valeur le travail des
artisans et métiers d’art de la
maison, les mannequins défilaient
autour d’un immense buffet de
40 m de long où les pâtisseries,
bonbons et guirlandes de fleurs
s’étalaient en abondance sous
d’immenses lustres en cristal.
Avec deux cents invités, à table,
triés sur le volet. Un mois plus tard,
pour la haute couture de l’été
2012, la maison de la rue Cambon
case ses invités dans un intérieur
d’avion nouvelle génération.
Peur de rien on vous a dit. Et les
moyens de tout.
Il ne fait pas de la mode, il fait de
l’art. Voilà tout. Ses défilés ont plus à
voir avec la performance que le rituel
va-et-vient sur podium. Qu’importe.
Ou tant mieux. L’Allemand Bernhard
Willhelm, formé à l’Académie
d’Anvers, est un anticonformiste
bienheureux. Dans le Trianon, à
Paris, ses hommes paradaient - ou
militaient - dans des vêtements
manifestes aux influences ethniques et
aux messages radicaux. Inspirés.
L’illusionniste
Dries Van Noten est un magicien. Ses défilés sont à coup sûr des modèles de poésie et
d’inventivité. On l’a déjà vu faisant parader ses mannequins devant un mur démesuré
de boules à facettes ou ouvrant la marche avec un framboisier à dévorer de plusieurs
dizaines de mètres de long. Cette fois-ci, sa collection défile le long d’une fresque
peinte en live par les artistes Job Wouters et Gijs Frieling, aidés par leurs assistants. Mais
la poésie, elle, est encore ailleurs. Façon copier-coller. Les costards reprenaient des
imprimés peints par les artistes à la fois sur le mur et sur le tissu. Magique.
L’OVNI
Le vestiaire de l’Anversois Walter Van
Beirendonck suffit à montrer sa force mais le
créateur aime aller plus loin, transformant ses
mannequins en vrais héros d’un autre monde.
Cette fois-ci, ils sont tous noirs, portant des
masques-chapeaux melon curieux qui leur
dessinent une moustache féline. Les couleurs
claquent entre l’orange vif et le vert sapin,
l’ethnique est omniprésent avec ses imprimés
ou des cannes dogons et les costumes
prennent d’autres proportions avec des jeux
de couleurs et de patchwork en trompe l’œil.
Une claque.
18 FÉVRIER 2012 TENDANCE
© LOUIS VUITTON
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CECI N’EST PAS UN LUXE
L’’ÉTOILE FAIT
SON CINÉMA
La culture n’a pas de prix, mais elle a un coût. Au XXIe siècle,
un nouveau genre de mécènes a fait son apparition.
La preuve par Vuitton, qui se penche sur le cas cinéma.
Par Julie Luong. Photos DR.
Quel est point commun entre le cinéma, la mode et
l’architecture ? La réponse a été donnée – et il sait de
quoi il parle – par l’architecte américain Peter Marino
à l’occasion de l’ouverture de la Maison Étoile Louis
Vuitton à Rome le 29 janvier dernier : ce sont des
disciplines où, qui que vous soyez, vous ne pourrez rien
faire seul. Des arts qui engagent plus que l’artiste. Des
sports d’équipe, qui accumulent les étapes entre l’idée et
le résultat – et donc les intermédiaires, collaborateurs,
passeurs. Leçon d’humilité disent certains, où
l’équilibre entre l’exigence créatrice et la soumission
aux contraintes pratiques et économiques est parfois
maintenu dans la douleur, souvent dans l’ivresse du
défi. Secteurs donc où l’œuvre ne va pas sans beaucoup,
beaucoup d’argent. Mais qui continuent de penser que
le beau n’est pas un luxe.
Bagages et cinéma
Louis Vuitton et l’art, c’est une vieille histoire.
Et Yves Carcelles, PDG de Louis Vuitton et futur
45
© LOUIS VUITTON
TENDANCE 18 FÉVRIER 2012
président de la Fondation Louis Vuitton pour la
création et l’art contemporain, n’a pas manqué de
rappeler, lors de l’ouverture de la Maison Étoile, que
Vuitton avait toujours eu beaucoup d’artistes comme
amis, honorant depuis le début du XXe siècle diverses
commandes spéciales pour des icônes du septième
art : Mary Pickford et Douglas Fairbanks, Yvonne
Printemps et Sacha Guitry, et – plus proches de
nous – Catherine Deneuve, Nadine Labaki, actrice
et réalisatrice du film « Caramel », mais aussi Wes
Anderson dont le « Darjeeling Limited » immortalise
une série de bagages conçus pour l’occasion par le
maroquinier français. En 2009, Louis Vuitton a fait
un pas de plus avec les Journeys Awards, concours
international de courts métrages parrainé par le
Hongkongais Wong Kar-wai, pas moins, et placé,
pour l’édition 2012, sous l’égide de l’Italien Luca
Guadagnino, réalisateur du remarqué « Amore »,
avec Tilda Swinton. Lors de ce concours, de jeunes
cinéastes sont invités à donner leur vision du voyage
au sens large – Life is a jouney – dont Vuitton s’est fait
une spécialité, à travers des campagnes de pub mettant
en scène Sean Connery, Keith Richards ou encore
Mikhaïl Gorbatchev. À la clé ? Deux prix de 25.000 $,
joli coup de pouce pour les jeunes réalisateurs qui
peinent souvent à trouver un financement. Et parce que
Vuitton sait qu’on ne fait fructifier un héritage qu’en le
confiant à la jeune génération, il vient aussi de lancer
un partenariat de trois ans avec le Centro Sperimentale
di Cinematografia, l’une des plus anciennes écoles
de cinéma au monde (fondée en 1935), dirigée en
son temps par Roberto Rossellini, scellant ici son
attachement aux valeurs de transmission et d’excellence
de tous les savoir-faire. Il faut dire que l’ouverture de
la Maison Étoile à Rome était l’occasion rêvée pour
Vuitton de mettre à l’honneur le cinéma italien. Érigée
Piazza San Lorenzo in Lucina, en lieu et place du
cinéma Étoile, salle bien connue des Romains, qui
avait fermé ses portes en 1991 après presque un siècle
d’existence, la luxueuse boutique a été entièrement
conçue en « hommage » à Cinecittà. Derrière la façade
d’origine à peine liftée, le visiteur est accueilli par une
œuvre de l’artiste Jiri-Georg Dokoupil, gigantesque
mosaïque réalisée à partir de pellicules de film. Au
premier étage, un écran de cinéma, surmonté de
l’arcade d’origine, devrait accueillir, chaque mois, une
sélection de courts métrages autour d’un thème choisi.
Un coin librairie spécialisée septième art est également
prévu. Derrière, les créations de Marc Jacobs s’alignent
sur des portants, aux côtés des malles mythiques. Non
loin de là, une œuvre du Brésilien Vic Muniz revisite
« La Création d’Adam » de Michel-Ange. Boutique ?
Musée ? Cinéma ? Lorsqu’on sait, comme l’a rappelé
Peter Marino, qu’un client peut facilement passer
une heure et demie dans une boutique Vuitton, cette
confusion des genres ne semble pas si saugrenue.
La façade
du cinéma
Etoile, qui date
du début du
XXe siècle a
été entièrement
conservée. Mais
aujourd’hui, sacs
et vêtements
sont à l’affiche.
L’entièreté
des lieux a
été pensée en
hommage au
cinéma Étoile,
jusque dans
l’emplacement
de l’écran. Le
genre de défi
que j’adore, a
déclaré Peter
Marino.
© LOUIS VUITTON
18 FÉVRIER 2012 TENDANCE
© LOUIS VUITTON
46
Vuittonisme
Temple du luxe, Vuitton se verrait bien aussi
temple de la culture. Il faut dire que le bénéfice est
triple : ancrer la marque dans un imaginaire noble,
abolir les frontières entre l’art et l’artisanat de haute
voltige dans lequel le maroquinier s’est illustré,
mais aussi tenter les noces, parfois arrangées, de la
profondeur (dont l’art se gausse) et de la superficialité
(dont est accusé le luxe). À l’heure où le désir de
consommation côtoie toujours de près la quête
d’identité, Vuitton a compris qu’il ne pouvait se
passer des artistes, de leur créativité tout comme de la
marque d’authenticité qu’ils apposent à son logo. Mais
alors, devons-nous vraiment compter sur les marques
pour faire vivre la culture ? Première constatation :
le mécénat d’entreprise s’est certes répandu au cours
des dernières années, mais il a du mal à suivre. Selon
l’enquête sur le mécénat d’entreprise de 2010, menée
par l’ADMICAL-CSA, les entreprises sont de
plus en plus nombreuses à se consacrer au mécénat
(+ 17 % depuis 2008), mais la baisse des sommes
allouées est substantielle (– 20 %). En dépit de la loi
Aillagon de 2003, qui octroie aux entreprises françaises
d’importants avantages fiscaux en cas de mécénat,
la crise a poussé les PME à revoir leur mise. Reste
donc les industries du luxe qui, on le sait, sortent
aujourd’hui leur épingle du jeu, notamment grâce à leur
implantation dans les pays émergents, friands de luxe
à la française. Après l’Église, après l’État, les artistes
doivent donc désormais composer avec les Cartier et
les Vuitton. Le projet de la Fondation Louis Vuitton
pour la création et l’art contemporain, lancé en 2006
par Bernard Arnault, première fortune de France et
patron du groupe LVHM (dans lequel le maroquinier
tient une place centrale), est à ce titre emblématique.
Réunissant une partie de la collection privée de
Bernard Arnault, la Fondation devrait prendre ses
quartiers dans un bâtiment conçu par l’architecte Frank
Gehry fin 2013, dans le bois de Boulogne, aux portes
de Paris. Il pourrait bien devenir un lieu central pour
l’art contemporain, même si Vuitton n’a pas que des
amis dans ce milieu. Depuis plusieurs années, la jeune
artiste danoise Nadia Plesner est ainsi en conflit avec
le maroquinier en raison de son « Darfurnica », qui met
en scène un enfant africain affublé d’un petit chien très
« parishiltonien » et d’un sac ressemblant furieusement à
un produit Vuitton, voulant ainsi, dit-elle, questionner
le rôle des médias qui parlent tant des stars et pas du
tout de la situation au Darfour. Attaquée en justice
par Vuitton, l’artiste a perdu le procès, malgré les
arguments de son avocat qui a rappelé qu’Andy Warhol
avait bien été libre de dessiner dans ses œuvres de la
soupe Campbell et du Coca-Cola comme signes de son
époque. À tout le moins, Vuitton ne peut nier que le
détournement constant dont ses produits font l’objet
n’est qu’un des effets secondaires de son incroyable
empire : aussi connu que le plus connu des sodas,
son logo fait aujourd’hui le tour du monde, pénètre
les écrans et entre dans les musées. Parfois sans sa
permission. De préférence avec son soutien. ★
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18 FÉVRIER 2012 CUISINE
Mille saveurs
Par Line Couvreur. Photos Frédéric Raevens.
LE PANIER DE LA SEMAINE
• chou vert • carottes • oignons rouges • oranges sanguines
Plat
CHOU FARCI
Pour 4 personnes
• 1 oignon rouge • 2 carottes • 1 botte de coriandre
• 1 tranche de pain • 2 tranches de jambon cru • poivre
du moulin • 600 g de chair à saucisse de qualité
• 1 œuf • sel • 12 feuilles de chou vert frisé • bouillon de
légumes • vin blanc sec • ficelle de cuisine
• Épluchez et hachez l’oignon. Épluchez
les carottes et taillez-les en brunoise fine.
Effeuillez les herbes. Coupez le jambon en
fines lamelles. Faites revenir l’oignon et les
carottes dans un peu d’huile pendant 10 min
jusqu’à ce qu’ils soient fondants, ajoutez le
jambon et poivrez généreusement.
• Confectionnez la farce : mélangez la chair
de saucisse avec le jambon, les carottes, les
oignons, l’œuf, les herbes, la mie de pain et
rectifiez l’assaisonnement.
• Blanchissez les feuilles de chou en les
trempant 5 min dans de l’eau bouillante salée.
Refroidissez-les dans de l’eau glacée. Enlevez
les côtes.
• Disposez chaque feuille devant vous, placez
au centre 2 c. à s. bien remplies de farce et
rabattez les côtés. Ficelez façon « paquet
cadeau ».
• Chauffez 2 cm de bouillon de légumes et
10 cl de vin blanc dans une cocotte. Placez-y
les farcis, couvrez et laissez cuire 15 min à
petit feu en les arrosant régulièrement.
• Accompagnez de pommes de terre grenailles
sautées.
VARIATIONS GOURMANDES
AUTOUR DE LA FARCE
PLUTÔT QUE DE LA SAUCISSE, choisissez du haché
de veau que vous mélangerez avec de la pancetta
grillée, des pignons de pin, des feuilles de sauge
frites et un reste de potimarron cuit.
Vous pouvez également hacher un reste de gigot
d’agneau à mélanger avec des tomates confites
hachées, des petites lamelles d’artichauts grillés,
des olives noires et 1 c. à s. de ricotta.
En version poisson, du saumon cru coupé en petits
dés, des lardons fumés rôtis avec des oignons doux
et des épinards.
Ajoutez toujours un œuf et un peu de mie de pain.
CUISINE 18 FÉVRIER 2012
Dessert
GÂTEAU AUX
ORANGES
SANGUINES
Pour 4 personnes
• 2 oranges sanguines
Sirop
• 200 g de sucre • 100 ml d’eau
Pâte
• 200 g de sucre • 4 œufs • 240 g de
farine • 1 c. à c. de levure chimique
• 150 g de beurre + 40 g en copeaux
• 1 moule de 22 cm de diamètre • papier
sulfurisé
• Épluchez les oranges à vif,
coupez-les en tranches de 0,5 cm.
• Confectionnez un sirop en
portant à ébullition l’eau et le
sucre. Laissez frémir 10-15 min.
Placez les oranges dans le sirop
encore chaud et laissez tiédir.
• Préchauffez le four à 150 ºC.
Battez le sucre et les œufs jusqu’à
ce que le mélange blanchisse et
triple de volume. Ajoutez la farine
et la levure en pluie, mélangez
délicatement ensuite le beurre
fondu.
• Chemisez le moule de papier
sulfurisé et garnissez-le des
tranches d’oranges. Ajoutez
2 c. à s. de sirop et les copeaux de
beurre. Glissez la pâte par-dessus
et enfournez pendant environ
40 min jusqu’à ce que le gâteau
soit cuit.
• Démoulez et laissez refroidir.
Dégustez avec de la crème épaisse
nature bien froide.
POUR RENDRE UN CAKE MOELLEUX, battez les
blancs en neige ou ajoutez de la levure chimique
en fonction du poids de farine. On peut également
remplacer une partie de la farine par de la poudre
d’amandes, de pistaches ou de noisettes.
Et pour un résultat bluffant, ajoutez également un
légume doux râpé finement : carotte, potimarron,
courgette ou betterave.
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50
18 FÉVRIER 2012 CUISINE
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Avec une orange
sanguine...
VINAIGRETTE
À L’ORANGE
ET À L’ESTRAGON
• Le zeste blanchi d’une orange
sanguine mélangé à son jus, un
trait de vinaigre doux (balsamique
blanc par exemple), 1/2 c. à s. de
moutarde de Meaux, deux fois plus
d’huile d’olive extra-fruitée que de
jus, du sel et de l’estragon finement
ciselé. Voilà une vinaigrette
parfumée pour arroser un fenouil
cru coupé finement ou un blanc de
volaille.
• L’orange sanguine est douce,
un poil amer et, à l’œil nu, on ne
la différencie pas de sa classique
cousine. À y regarder de plus
près, elle est à peine tachetée de
minuscules points rouges. Elle est
récoltée au sommet de sa maturité
en janvier et en février. Sa couleur
hypersexy en fait l’alliée d’une
cuisine inventive.
MI-FÉVRIER
Il y a tant de saveurs et seulement
quatre goûts : sucré, salé, amer,
acide.
Le premier, enjôleur, est le plus
universel car déjà présent dans
le lait maternel. Le second,
exhausteur, met en relief toutes
les saveurs. Le troisième, malaimé, est à apprivoiser mais une
fois son équilibre trouvé, donne
énormément de caractère à un
plat. Enfin, l’acidité donne du
relief et du peps, et réveille la
moindre assiette, du simple plat de
spaghettis au citron, au pecorino
et au poivre en passant par la
fameuse tarte meringuée ou le
magnifique accord orange et
chocolat noir.
Tout simplement, on peut aussi
presser une orange sanguine et
y glisser une boule d’excellente
glace vanille. Top.
GPS - À LA CARTE 18 FÉVRIER 2012
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Le retour des anciens
Par Olivier Frey. Photos DR.
victoiremag.be ★
Après des années d’errance et de technologie culinaire des plus fantasques, certaines maisons ont traversé
les tempêtes en évitant même les creux, grâce à leur culture gastronomique et à la virtuosité de leur barreur.
Étoilé
Cela fait douze ans qu’Alain
Troubat, Don Quichotte de
la vraie bouffe, a déposé ses
valises à Bruxelles. Son étoile,
le Stirwen, brille de mille
feux. Ici, pas de chichis, mais
la vérité du goût, résultat
d’années de travail allant à
l’essentiel des recettes. En
saison, son lièvre à la royale
fait courir toute l’Europe,
mais ses chipirons sautés aux
artichauts barigoule (22 €),
sa salade de sot-l’y-laisse de
pintade et ris de veau aux
girolles et parmesan (22 €) ou
sa tête de veau à la française
sauce ravigote (28 €) sont
autant de plats qui font
l’histoire de la cuisine de
tradition.
Le Stirwen, 15-17 chaussée
Saint-Pierre, 1040 Bruxelles,
T. 02 640 85 41, www.stirwen.be
Fermé samedi et dimanche.
Delicious
Ce resto de quartier à la
cuisine ouverte et au poêle
à gaz comme unique source
de chaleur est un véritable
théâtre des saveurs d’antan.
Jean-Yves Pletsier partage
depuis dix ans sa passion
pour la bonne bouffe et,
en général, des produits de
saison. Ces plats prennent au
corps et font plaisir à l’esprit :
cassoulet toulousain (21 €),
garbure, groin de cochon
vinaigrette à la française
(16 €), tripes… Côté pinards,
bravo pour le choix et la
qualité !
Le Coin des Artistes, 5 rue du
Couloir, 1050 Bruxelles,
T. 02 647 34 32,
www.lecoindesartistes.be Ouvert
du lundi au vendredi, fermé
samedi midi et dimanche.
Tradition
Cette belle bâtisse fut érigée
en 1958 expressément
pour être un restaurant...
une première en Belgique !
Maison de qualité et de
bouche. L’intérieur cosy et
un peu suranné sert de cocon
aux plats de tradition. Alain
Deluc, assisté de son fils
Olivier, ne rechigne pas à
proposer des recettes d’école
à l’instar du perdreau qui
traverse la salle en sifflant ou
du homard en chemise sauce
au beurre Barbizon (70 €).
Le Barbizon, 95 Welriekendedreef,
3090 Overijse, T. 02 657 04 62,
www.barbizon.be Ouvert du jeudi
au lundi.
Classique
Cette maison bourgeoise
entourée d’étangs abrite une
institution. Passons la déco.
Ici, on « dépote » de la qualité
autour de deux produits inscrits
dans l’ADN du gastronome
belge : l’anguille au vert (25 €)
et la fameuse côte à l’os (au
poids ± 25 €). Particularité du
Tissens, on n’y propose que
ces deux options en plat de
résistance. La cohérence va
jusqu’aux desserts, avec la dame
blanche (5 €), le soufflé au
Grand Marnier (7 €) ou l’irish
coffee (7 €).
Tissens, 105 Groenendaalsesteenweg, 1560 Hoeilaart,
T. 02 657 04 09, www.tissens.be
Fermé mercredi et jeudi.
LADY CHEF 2012
Cocorico ! Lisa Calcus vient de se voir décerner le 22e titre de Lady
Chef 2012. À une époque où les femmes sont de plus en plus derrière
les fourneaux, « Victoire » avait eu du nez en vous la présentant avec
la nouvelle génération de chefs dont elle était la seule représentante
féminine ! À près de 40 printemps, cette native du Hainaut, formée à
l’école hôtelière de Namur, exerce ses talents dans son restaurant
Les Gribaumonts à Mons, aux côtés de son époux en salle, Nicolas
Campus, passionné par le monde de Dionysos.
Les Gribaumonts, 95 rue Havré , 7000 Mons, T. 065 75 04 55. Fermé :
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AIR DE FAMILLES 18 FÉVRIER 2012
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À bras ouverts ?
Entrer à la crèche ou chez l’accueillante à domicile,
ça se prépare. On appelle ça la familiarisation…
Par Sophie Schneider. Photo DR. Illustrations Aurore de Boncourt.
Retrouvez
une coproduction
/
Rencontre avec
Lucia Pereira,
conseillère pédagogique à l’ONE.
★ À la télé : tous les jours
sur la Une et la
à la
Deux, tous les jours à 12 h 12
et 17 h 12 sur
, en direct,
★ En radio sur
chaque mois, de 14 h à 15 h 30,
dans l’émission « La Vie du Bon
Côté » de Sylvie Honoré.
★ Sur internet : www.one.be
toutes les émissions,
les spécialistes et les infos
pratiques.
Pourquoi préparer l’enfant ? À cet âge, il est
« adaptable », non ?
On pensait que plus les enfants étaient
petits, plus ils étaient « adaptables ». Nous
savons aujourd’hui que les changements et
les séparations ne se font pas sans difficulté,
voire souffrance pour eux. Les bébés sont
dans la dépendance psychique et physique
de leurs parents et c’est à travers eux qu’ils
perçoivent et décodent le monde. Toute
séparation, non préparée, pourra être
ressentie comme un abandon - douloureux,
difficile - et demandera des efforts à l’enfant.
Les enfants ont un potentiel d’énergie limité
dont ils ont besoin pour se développer,
exprimer la faim, le besoin de sommeil, se
défendre contre les maladies… Lors d’une
séparation abrupte, le bébé va dépenser
cette énergie, soit à pleurer toute la journée,
soit à s’endormir pour s’enfuir et parfois
développer des symptômes inquiétants
comme le refus de boire, de manger, des
troubles du sommeil…
Que faire ?
Au-delà des réponses aux questions
des parents et des choses qu’ils ont à
communiquer au professionnel concernant
l’enfant, la période de familiarisation consiste
en des rencontres entre la famille et un(e)
accueillant(e). Il ne s’agit pas d’un dispositif
technique. Ces rencontres auront lieu
dans des conditions permettant le tissage
des liens et l’instauration d’une relation
de confiance au sein de laquelle l’enfant
pourra se séparer de ses parents en sécurité
pendant quelques heures – condition de son
épanouissement . Les parents, de leur côté,
pourront s’autoriser à confier leur enfant
pour la journée et le professionnel pourra
apprendre comment répondre de façon
adéquate aux besoins de chaque enfant.
En fait la familiarisation sert aussi à
rassurer les parents ?
Et c’est nécessaire puisque l’enfant
se construit à travers sa relation avec ses
parents ainsi que dans la relation que ses
parents entretiennent autour de lui avec
d’autres adultes. La confiance que les
parents font au professionnel est perçue par
l’enfant. L’investissement du professionnel,
le temps vu comme un processus et le
respect de la place et de la fonction de
chaque adulte vis-à-vis de l’enfant sont
des facteurs qui favorisent et permettent
à l’enfant de se sentir enveloppé par le
lien de confiance entre les adultes. Il peut
ainsi progressivement passer des bras de
ses parents aux bras de la personne qui va
l’accueillir, se séparer dans une toile de liens
tissée par les adultes qui lui permettent de
s’attacher petit à petit à d’autres adultes.
Ça se passe comment ?
Les milieux d’accueil proposent aux
parents un cadre de base, fortement
soutenu par l’ONE, qui devrait être ajusté
d’après les besoins et possibilités de chaque
famille (moment de la journée, jours de la
semaine, présence du même professionnel
qui va accueillir la famille…). Une série de
rencontres entre les parents, l’accueillant
et l’enfant. Après quelques jours, l’enfant
restera seul à partir d’une décision concertée
entre les parents et les professionnels. ★
Expliquer
Répondre
Par l’exemple
La crèche est un endroit important : on s’y sent chez soi,
mais on ne peut pas tout faire
comme à la maison ! Comme
toujours, des mots simples et
justes pour expliquer le monde aux enfants.
La journée, pendant que
les parents travaillent,
que font les enfants à
la crèche ? Un livre pour
apprendre comment se
séparer en douceur pour mieux savourer les retrouvailles du soir.
Bébé Koala a des journées
chargées à la garderie :
bricolages, jeux, sieste,
histoire… sans parler des
copains ! On ne voit pas le
temps passer quand on est
si bien entouré.
À la crèche, Catherine Dolto, Colline FaurePoirée, éd. Gallimard Jeunesse, Giboulées
Dolto-Tovich, 6 €. Dès la naissance.
À ce soir, Jeanne Ashbé, éd. L’École des
loisirs, Lutin poche, 5,50 €. Dès la naissance.
À la garderie, Nadia Berkane, Alexis Nesme,
éd. Hachette Jeunesse, Les petites histoires de
bébé Kola, 2,25 €. Dès 2 ans.
N
O
U
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GPS - PAGE 69 18 FÉVRIER 2012
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Sexe-art
Par Didier Dillen.
Si les artistes ont toujours su tirer parti des vertus
subversives ou aguichantes de l’obscénité, les
créateurs qui se servent de l’acte sexuel, voire
de leur corps, comme mode d’expression sont
plus rares. Ce sont des sexe-artistes !
AU TOP
Les artistes connus ontils plus de partenaires
sexuels que les autres ? Des
chercheurs britanniques
pensent que oui. Après avoir
soumis un questionnaire à
236 artistes visuels
(85 hommes et 151 femmes),
ils ont constaté que les plus
en vogue s’envoyaient plus
souvent en l’air avec de
nouveaux partenaires que
les autres. Mais ce ne serait
vrai que pour les hommes.
Certains ont déclaré jusqu’à
250 conquêtes ! Picasso, lui,
était réputé pour changer
de maîtresse ou d’épouse
chaque fois qu’il changeait
de style.
Il y en a qui construisent des marionnettes avec
de la ficelle et du papier. Il y en a d’autres qui
n’ont même pas besoin de ces accessoires pour
improviser un spectacle hilarant : une paire de
couilles extensibles, une verge, et le tour est
joué ! Depuis 1997, Simon Morley et David
Friend, deux Australiens passablement burnés,
sillonnent le monde avec leur show baptisé
« Puppetry of the penis » (Les marionnettes
du pénis). Leurs accessoires : une sacrée
dose d’humour et un service trois pièces en
parfait état de marche, qu’ils plient, étendent,
déforment, contorsionnent… jusqu’à les
transformer en parachute, en Tour Eiffel, en
hamburger ou en monstre du Loch Ness ! Tout
ça sur scène, tout nus et devant un public mixte,
lui aussi, généralement plié en quatre. Joué
devant les plus grandes vedettes (Hugh Grant,
Naomi Campbell, Elton John, Bono et les
Beckham), le spectacle a tellement de succès que
plusieurs équipes de performers ont été recrutées
par le duo. Est-ce de l’art ou du cochon ? Les
avis sont partagés. Les deux créateurs comparent
quant à eux leur travail à une forme d’origami
génital. Les cocottes étant ici remplacées par
des quéquettes. Que les spectateurs du dernier
rang se rassurent cependant, un écran géant
leur permet de suivre sans jumelles ce théâtre de
guignol d’un genre un peu particulier.
Art pénien
Dans un registre plus pictural et plus
modeste, l’Australien Tim Patch, alias Pricasso
(traduisez « Bitcasso »), n’est pas mal non plus.
L’homme a troqué le pinceau ou la spatule au
profit de son sexe. Il lui arrive cependant aussi
de peindre avec ses testicules ou ses fesses, selon
les… effets qu’il souhaite créer. Pour le reste,
Tim Patch procède comme n’importe quel
artiste peintre. Il exécute d’abord une esquisse
à petits coups de phallus étonnamment précis,
puis applique les différentes couleurs. Sans
oublier de rincer l’instrument entre chaque
teinte ! À défaut de se prendre trop au sérieux ni
d’atteindre au grand dard, Pricasso possède un
certain sens du portrait. On peut le voir sur la
Toile s’activer en public tantôt sur la caricature
d’une personnalité (Obama, Tony Blair, la
reine d’Angleterre…) tantôt sur celle d’un
quidam. C’est d’ailleurs de ce genre de portraits
de commande qu’il vit. Pas si bien que cela,
puisqu’il ne lui est pas possible de frotter trop
souvent son pinceau contre une toile : son pénis
ne le supporterait pas ! On veut bien le croire.
One sex show
Mais certains artistes revendiquent aussi
leurs parties intimes comme véritables modes
d’expression ou de revendication. Le sexe est
subversif. Ce n’est pas pour rien que toutes les
cultures ont tenté avec plus ou moins de succès
d’en contrôler les représentations. Récemment,
l’artiste chinois Cheng Li a ainsi été envoyé pour
un an dans un camp de travail pour avoir fait
l’amour en public lors d’une de ses audacieuses
expositions. Dans les années 70, des artistes
comme Vito Acconci et Valie Export partiront
en guerre contre les conventions sociales,
les tabous sexuels ou le statut de femmes de
l’époque. Cela donnera lieu à des représentations
pour le moins assez originales et radicales. En
1968, Valie Export déambulera, par exemple,
dans les rues de Vienne, les seins nus recouverts
d’une sorte de boîte ajourée, tout en invitant
le public à venir les lui palper. En 1972, Vito
Acconci se cachera quant à lui nu sous le
parquet d’une galerie d’art pour se caresser et
se masturber. Sa voix diffusée par haut-parleur
encourageait le public à lui marcher dessus pour
l’amener au plaisir ! ★
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56
18 FÉVRIER 2012 INFOS
1
© VERBEKE FOUNDATION.
Et la semaine prochaine ?
SPÉCIAL DESIGN Décryptage
d’une nouvelle architecture, entre
nomadisme et provisoire qui dure.
2
Plongée belge dans cette archi
hors normes avec un loft cube ou
une maison-conteneur.
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Own, T. 02 217 95 71, www.own.be
Éditeur responsable Patrick Hurbain,
100 rue Royale, 1000 Bruxelles
Administrateur délégué Bernard Marchant
Directeur général Didier Hamann
Responsable marketing et communication Sabine Lévy
victoire
Directrice de publication Anne Pochet
Coordinatrice de rédaction Julie Rouffiange
Coordinatrice de production Amandine Maziers
Product Manager Isabelle Roche, T. 02 225 53 03
Conception graphique Donuts
Photogravure Prépresse Rossel
Mise en pages Christophe Coppens,
Cécile Heere, Carine Scailquin.
Journalistes Gilles Bechet, Catherine Callico,
Line Couvreur, Didier Dillen, Vincent
Engel, Sandra Evrard, Olivier Frey, Julie
Luong, Rafal Naczyk, Sophie Schneider.
Photographes Julie Calbert, Frédéric Raevens,
Filip Vanzieleghem, Nicolas Velter.
Illustrations Aurore de Boncourt, Émilie Seron.
Régie Publicitaire
Rossel Advertising
Account manager Malika Afkir
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Assistante commerciale Nadine Haenecour
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SAMEDI 18 FÉVRIER 2012 MAGAZINE N° 234
DES CASTINGS GALÈRES AUX TÊTES D’AFFICHES,
COMMENT VIVENT LES COMÉDIENS BELGES ?
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Les vins chaleureux
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LA BELGIQUE EXPLIQUÉE À VOS VOISINS
DE PLAGE P. 25
D’Ambrosio, l’attraction du GP de Belgique P.37, 40 & 41
lesoir.be
PHOTO : NICOLAS VELTER.
Premier rôle, seconde vie, p. 34
Mani, soul brother, p. 12
victoire, magazine
du journal Le Soir
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Bibliothèque des Arts du spectacle,
T. 02 513 81 02, www.webopac.cfwb/
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Hom par Alexis Mabille, T. 02 270 21 31,
www.hom.com
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La Bellone, T. 02 513 33 33, www.bellone.be
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PHILIPPE GELUCK 18 FÉVRIER 2012
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18 FÉVRIER 2012 JO LONDON 2012
JO
- 160 jours
Chaque semaine, le portrait d’un athlète belge sélectionné pour les JO de Londres. Par Philippe
Vande Weyer, journaliste au Soir, http://blog.lesoir.be/jo2012 Photo Filip Vanzieleghem.
JEAN-MICHEL SAIVE
En juillet, il participera à ses septièmes Jeux olympiques consécutifs.
À 42 ans, le pongiste liégeois n’est plus à un record près.
C’est une scène qu’il a vécue mille fois – Monsieur
Saive, il me semblait bien que c’était vous, mais je n’osais
pas… Je peux avoir un autographe pour mon fils ? Lui
aussi, il joue au tennis de table ! Et une demande qu’il
exécute avec le sourire et la force de l’habitude. À
42 ans, son image est indélébile dans le paysage sportif
belge. Comme s’il avait été toujours là. Pour le grand
public, mon nom est désormais au-dessus de mon palmarès.
Avant, ça m’agaçait un peu, maintenant, je profite.
Il sait que ses plus belles années à la table, ces
« nineties » où il a notamment atteint la place de
nº1 mondial, été sacré champion d’Europe et vicechampion du monde, sont derrière lui. Mais JeanMichel Saive continue, malgré tout, à se démener,
fidèle à son image de battant. Pour le plaisir qu’il
ressent encore quand il remonte le short. Et contre
la banalisation ou le non-intérêt des performances de
Villette Charleroi, ce club dont il porte toujours le
maillot après vingt-deux ans de bons et loyaux services.
Malgré les dix-huit mois de salaire qu’on lui doit et
dont il ne verra, il s’en est fait une religion, jamais la
couleur après la mise en faillite de l’ASBL qui gérait
la section professionnelle. Si j’y suis resté, c’est pour que
le club continue à vivre, assure-t-il en regrettant ces
soirées d’antan où le Spiroudôme faisait le plein là où,
aujourd’hui, ils sont à peine deux cents pour assister
aux matchs européens. Il ne faut pas vivre avec le passé,
mais bon… Je me dis parfois qu’il vaudrait peut-être
mieux que l’on reparte dans une autre salle, plus petite.
Que l’on coupe. Que l’on redynamise.
Il y a quatre ans, après Pékin, il a cru que sa carrière
allait gentiment s’étioler. Un matériel inadapté au
moment de l’instauration des nouveaux règlements sur
les revêtements des palettes l’avait, l’espace de quelques
mois dégoûté. Je n’avais pas les bons pneus (sic) et, à
cause d’une obligation contractuelle, je devais fermer ma
g… Puis, peu après son changement d’équipementier,
le mirage londonien est apparu là-bas, dans le
brouillard. Et, avec lui, la perspective d’une septième
participation consécutive aux Jeux, record de Belgique
du tireur François Lafortune (de 1952 à 1976) égalé.
Un moteur pour « Jean-Mi », le dingue de stats.
J’ai commencé à y croire début 2010 quand j’ai vu mon
classement, raconte-t-il. Lors des Mondiaux de Moscou,
en mai, beaucoup de résultats ont joué en ma faveur. À
partir de là, j’ai commencé à calculer, à faire le tour du
monde pour aller chercher avec mes tripes des résultats dans
des tournois intéressants pour moi, en Inde et en Égypte
notamment. Et j’y suis arrivé lors des Mondiaux de
Rotterdam, en mai 2011.
Peu de temps après sa qualification, qui a reboosté
son image, Saive est allé rendre visite à Lafortune.
Un moment d’intense émotion qui lui procure la chair
de poule chaque fois qu’il y repense. Son record, je ne
l’égalerai que quand je serai à Londres ! Même si le temps
passe vite, je voudrais déjà y être…
Le Liégeois est conscient qu’il y a plus de chances
qu’il y passe à la trappe d’entrée de jeu, comme en
2004 et 2008, qu’il n’y réussisse un exploit. Me faire
sortir au premier match me rendrait sans doute moins
malade qu’à Athènes et à Pékin. En revanche, ce qui me
ferait mal, ce serait de passer complètement à travers.
Pour éviter toute déconvenue, il fait attention à
tout, à commencer par son alimentation, lui qui,
avec l’âge, grossit plus facilement qu’avant. Il note
consciencieusement tous les jours ce qu’il mange et
l’envoie à son médecin. Rien que le fait de le faire m’a
déjà fait perdre 1 ou 2 kg !
Il sait aussi que, quoi qu’il arrive après les JO, il
ne connaîtra pas le trou noir. Il a préparé ses arrières
en s’investissant dans la direction du sport depuis
plusieurs années. Administrateur du COIB, membre
de sa commission des athlètes et de celle de la
Fédération internationale de tennis de table – où il a
été battu pour la présidence par le Biélorusse Vladimir
Samsonov… au jet de la pièce après être arrivé à
égalité avec lui aux élections –, consultant du directeur
technique de sa ligue, sa voix de sage est de plus en
plus écoutée.
Après Londres, j’aurai encore un défi, révèle-t-il
pourtant. Juin 2014. Ce mois-là, je fêterai mes 30 ans de
présence ininterrompue au poste de nº1 belge du tennis de
table. Inoxydable « Jean-Mi »… ★
La semaine prochaine :
Xavier Reckinger, hockeyeur.
J.O. LONDON 2012 18 FÉVRIER 2012
QUI ?
Naissance de Jean-Michel Saive
le 17 novembre 1969, à Liège.
Taille 1,81 m.
Poids 78 kg.
Résidence Crisnée.
Discipline Tennis de table.
Club Villette Charleroi.
Entraîneur Martin Bratanov.
Passé olympique 1988, 1992,
1996, 2000, 2004, 2008.
59
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