atelier raconté » : l`écriture scénaristique

Transcription

atelier raconté » : l`écriture scénaristique
LE SCÉNARIO
L'atelier
Auteur
Stéphanie Vasseur
Date
2011
Descriptif
« ATELIER RACONTÉ » : L'ÉCRITURE
SCÉNARISTIQUE
Témoignage d'une scénariste intervenant sur le scénario : présentation de démarches menées dans le cadre d'ateliers de
découverte cinéma destinés aux enfants et aux adolescents.
Lorsque j’interviens en atelier scénario c’est qu’un projet de film se dessine. Un projet de film court évidemment.
Alors ma première question aux élèves est la suivante : « Mais vous, vous en voyez souvent des courts métrages ? ». Les
réponses fusent et j’entends parler de « Un gars, une fille » et de « Scènes de ménage ». Je détrompe les élèves sûrs
d’eux : il ne s’agit pas là de courts métrages mais de programmes courts. Stupéfaits, ils découvrent que le court métrage
qu’ils s’apprêtent à expérimenter, leur est presque totalement étranger.
Or avant de faire un court métrage, c’est bien d’en avoir vu…Je leur montre alors quelques films, choisis sous l’axe
scénaristique. Je commence souvent par Dans leur peau d’Arnaud Malherbe. Il a trois avantages non négligeables.
D’abord le rôle principal est interprété par Fred Testot du duo comique adulé par les adolescents : Omar et Fred. Ensuite, sa
construction dramatique est simple et maîtrisée. Pour finir, il est drôle. Après visionnage forcément très attentif donc, il est
aisé de démonter l’ossature de l’objet. Je mets le doigt sur l’exposition simple et efficace du personnage principal,
l’élément déclencheur, la résolution. Grâce à ce film d’apparence moderne mais à la construction classique, les bases du
scénario sont alors posées.
Je continue en douceur avec un film aussi bien construit mais quasi muet : La mer à boire de Erika Haglund, l’amusante
et touchante histoire d’une jeune femme qui perd le bas de son maillot de bain dans la mer. Le thème est simple et
universel. Les dialogues sont inexistants. Les élèves découvrent alors que l’on peut raconter une véritable histoire sur un
postulat d’une grande simplicité et ce, sans aucun dialogue. Les diverses possibilités de narration commencent à se
dessiner…
Je leur montre ensuite d’autres films drôles, agréables, émouvants… Les élèves découvrent que la gamme du court
métrage est infinie. Les thèmes sont variés, les durées aussi. J’attendrai le suivant de Philippe Orreindy d’une durée de
4’50 connaît un franc succès. C’est un film à la chute forte qui les bouscule.
Je leur diffuse aussi un de mes courts métrages : 3ème B, 4ème Gauche. Parmi mes 5 autres films, je le choisis car
l’héroïne est une ado qui parle de sexe et parce que le film n’est pas totalement réussi donc pas intimidant. Il leur semble à
leur portée. Et puis la réalisatrice est devant eux, elle s’est dévoilée. Ils peuvent donc en faire autant…
Après avoir abordé des choses très concrètes comme le début, le milieu, la fin, l’exposition, l’élément déclencheur, les
obstacles, les enjeux, on arrive enfin à l’essentiel : de quoi a t’ont envie de parler ? Car le scénario c’est technique peut
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être mais c’est surtout et avant tout une expression de soi.
Faire un film doit être d’abord et avant tout un besoin d’expression, pas une pure envie de faire de l’image. Pour qu’il
touche le public, il faut que ce que l’on y raconte soit incarné, essentiel. Je leur conseille donc d’éviter de parler de ce
qu’ils ne connaissent pas et évoque les innombrables films d’école qui mettent en scène des serial killers, des boulimiques
et des victimes d’incestes ou de viols. Autant de sujets de fantasme qui reviennent systématiquement chez les apprentis
cinéastes.
Leur plus grande crainte est alors formulée : De quoi peut on encore parler ? Tout a été dit… Je ne les détrompe pas, au
contraire : eh oui, tout a été dit, tout a été filmé, écrit, raconté. Mais pas par eux. La singularité de leur projet ne naîtra pas
de leur sujet mais de leur façon de l’aborder. L’originalité ne viendra pas de robots, de tueurs, de violeurs, d’extra-terrestres
bref de l’extérieur mais bien de ce qu’ils ont à l’intérieur. Trouver l’élan créatif, la nécessité de faire ce film et pas un autre,
comme un polaroïd de leur vie d’aujourd’hui.
Je leur demande alors de partir en écriture mais pas de façon scolaire, formatée. Le maître mot est d’abord et avant tout «
liberté ». Liberté de partir d’un personnage, d’un sujet, d’une scène, d’un dialogue, d’un lieu, d’une idée. Aucune obligation
de forme, de durée. Par contre, obligation de mettre leurs idées noir sur blanc ! Passer par l’écrit et ce de façon
individuelle, permet à chaque élément du groupe surtout aux plus modestes, aux plus timides de s’exprimer.
Les sujets sont alors lus devant tout le monde. Passé le premier moment d’appréhension, le plus courageux se lance et le
plus souvent le miracle a lieu : comme ils savent qu’ils vont tous y passer, se « mettre à poil » devant les autres, l’écoute et
l’indulgence sont là. Je leur demande de réagir aux propositions de leurs camarades en commençant toujours par le positif.
Ils jouent le jeu et me bluffent souvent par leur bienveillance. Les débats sont nourris, on commence à parler cinéma.
Quelle sera l’idée la plus cinématographique ? Celle qui dépassera l’idée littéraire, abstraite parfois qui surgit. La question
du passage à l’écran devient concrète.
Le sujet est choisi, l’histoire se construit, le personnage principal émerge.
Sans cesse revient la question de la faisabilité. Le cinéma est un art mais aussi une industrie. Un film doit être en
adéquation avec les moyens dont il dispose : le temps, l’argent mais aussi les compétences de ceux qui s’y attèlent. Or, eux
débutent. Il faut le prendre en compte. Se montrer à la fois humble et exigeant.
A ce stade, il faut rappeler que le scénario n’est pas une œuvre littéraire mais un outil de travail destiné à toute l’équipe,
aux techniciens et comédiens. On n’est pas là pour faire de belles phrases. Un scénario c’est, très pragmatiquement, des
didascalies et des répliques. Rien d’autre. Tout est au présent. Chaque phrase doit résumer clairement une action. Et
décrire ce qu’on verra à l’image. C’est probablement le plus difficile chez les apprentis scénaristes. Comprendre qu’on écrit
ici uniquement dans l’objectif du passage à l’écran. Qu’écrire « Sophie pense à Vincent » ne fonctionne pas. Qu’il faut que
ça passe par des actes, des dialogues.
Peu à peu, le scénario s’affine. Je pointe souvent du doigt des choses trop convenues, je les encourage à chercher une
idée plus originale, de passer outre le premier mouvement, d’aller creuser plus loin. On termine par les dialogues. Souvent
ils sont trop nombreux et trop signifiants. Je leur suggère d’en éliminer un maximum, de les remplacer par des gestes, des
regards. J’évoque la force de l’image, celle des comédiens. Les dialogues qui restent, on les lit à voix haute pour les rendre
moins littéraires, plus réalistes.
Lorsque les élèves commencent à se poser des questions de mise en scène, que les séquences s’incarnent dans leur
esprit, qu’ils parlent de leurs personnages comme d’une personne, c’est gagné, le scénario est terminé. On passe à l’étape
suivante.
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