L`histoire de Mustafa Ünal est le récit d`une aventure

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L`histoire de Mustafa Ünal est le récit d`une aventure
INTERVIEW avec Mustafa Ünal,
Entrepreneur Belge – UNICOM
06/11/2013
L’histoire de Mustafa Ünal est le récit d’une aventure entrepreneuriale comme on les aime :
avec des péripéties et des rebondissements. Celui qui a d’abord commencé sur les marchés,
contre la volonté de son entourage, dirige aujourd’hui une entreprise d’électroménagers,
UNICOM, dont le destin s’est joué rapidement.
« J’ai rencontré mon partenaire actuel lors d’un dîner associatif. Il m’a demandé d’aller voir ma
société en plein dîner. Il a regardé, m’a posé des questions. En une demi-heure, il m’a demandé de
travailler avec lui. Je n’ai pas directement dit oui. Alors, il m’a invité en Turquie. On y est allé, ils
m’ont montré l’entreprise. Et j’ai accepté. Avec cette vitesse-là, nous avons eu certains accidents.
Mais il n’y a pas de problème dans le moteur. »
UNICOM est donc aujourd’hui l’antenne Belge de l’entreprise turque SINBO et dessert
plusieurs marchés tels que le BeNeLux, la France et l’Allemagne.
Mais l’histoire de Mr Ünal est aussi celle d’un parcours initiatique au cours duquel il a
notamment appris à trouver un juste milieu entre la culture entrepreneuriale belge et la
culture entrepreneuriale turque.
« Les mentalités turques et belges sont très différentes. Ici, il y a tout le temps des réunions. Par
exemple, pour pouvoir travailler avec une grosse société ici, nous avons fait une dizaine de
réunions. La Turquie, c’est très flexible. Ils foncent. Ça passe, ça passe. Ça ne passe pas, ça casse.
Moi, j’ai trouvé la moyenne entre les deux. La prudence européenne, et la flexibilité de Turquie…
c’est un beau mélange. »
« L’apprentissage par la pratique » a en effet été le moto qui a porté toute une génération
d’immigrants venus de Turquie jusqu’aux années 1990. Une génération qui ne parlait pas ou
peu la langue de leur nouveau pays d’accueil, qui n’a pas étudié à l’université et qui ne
connaissait pas les démarches administratives nécessaires pour créer une entreprise.
« On ne connaissait rien de la langue. On travaillait avec un comptable mais on n’avait aucune
idée de ce qu’il faisait pour nous. Aujourd’hui, j’ai envoyé mon fils étudier le commerce extérieur
à l’université. Tout ce qu’il apprend, nous l’avons appris sur le tas.»
De nos jours, les entrepreneurs comme Mr Ünal servent donc d’exemple à la nouvelle
génération et n’hésitent pas à partager leurs expériences, qu’elles soient positives ou
négatives. Une chose n’a cependant pas changé à travers toutes ces années. Pour réussir dans
l’entrepreneuriat, il faut être « courageux et têtu ». En témoigne cette anecdote :
« Quand j’ai été à Taiwan pour les affaires, c’était la seconde fois que je prenais l’avion. Je ne
pensais pas que c’était un long voyage. Je ne parlais pas un mot d’anglais. Arrivé à l’escale, je
croyais que j’étais arrivé à destination! L’hôtesse m’a couru après pour me dire que mon
prochain avion était sur le point de partir !»
Découvrir l’intégralité de l’entretien ci-dessous:
Pourriez-vous nous décrire votre parcours d’entrepreneur ?
Je suis arrivé en Belgique en 1992, sans parler français. J’ai commencé à travailler comme
ouvrier sur les chantiers. Mais ce n’était pas pour moi. Pendant les weekends, j’ai donc
commencé à faire les marchés. Nous avons commencé avec un stand d’un mètre. Petit-à-petit,
un mètre est devenu deux mètres, puis trois mètres. Puis, nous nous sommes implantés dans
un autre marché et j’ai finalement quitté le travail. Mon entourage était contre. Je disais donc
que je partais au travail, mais en fait je faisais les marchés. Après un mois et demi, ils ont
découvert la vérité et m’ont dit : « Tu as râté ta vie. Le commerce, le business, ce n’est pas
pour nous. Nous, on doit travailler en tant qu’ouvrier. » Mais j’avais d’autres rêves.
Finalement, nous avons ouvert un commerce et les affaires ont grandi.
Quels obstacles avez-vous rencontré pour devenir et grandir comme entrepreneur ?
On ne connaissait rien de la langue. On travaillait avec un comptable mais on n’avait aucune
idée de ce qu’il faisait pour nous. On ne savait pas que derrière le commerce, il y a une gestion,
des contrôles pour les normes de produits… J’ai envoyé mon fils étudié le commerce extérieur
à l’université. Tout ce qu’il apprend, nous, nous l’avons appris sur le tas.
Quelles sont vos relations avec la Turquie ? De quelle manière, tirez-vous profit de
votre double bagage culturel et linguistique ?
Les mentalités turques et belges sont très différentes. En Belgique, il y a tout le temps des
réunions. Par exemple, pour pouvoir travailler avec une grosse société ici, nous avons dû faire
une dizaine de réunions. En Turquie, au contraire, ils sont trop flexibles. Ils foncent. Ca passe,
ça passe. Ça ne passe pas, ça casse.
Par exemple, j’ai rencontré mon partenaire actuel lors d’un dîner associatif. Il m’a demandé
d’aller voir ma société en plein dîner. Il a regardé, m’a posé des questions. En une demi-heure,
il m’a demandé de travailler avec lui. Je n’ai pas directement dit oui. Alors, il m’a invité en
Turquie. On y est allé, ils m’ont montré l’entreprise. Et j’ai accepté. Avec cette vitesse-là, nous
avons eu certains accidents. Mais il n’y a pas de problème dans le moteur.
Là-bas, c’est trop rapide. Ici, c’est trop lent. Moi, j’ai trouvé le juste milieu entre les deux. La
prudence européenne et la flexibilité de Turquie… c’est un beau mélange.
Ces derniers temps, quand on dit qu’on travaille pour des sociétés turques, c’est toujours
bienvenu. Surtout dans notre secteur, car il y a des grosses enseignes, des grandes marques
telles que Beko, Vestel…
De plus, ici, il faut compter un mois à 6 semaines minimum pour être livré. Nous, on est
capable de livrer des produits venant de Turquie en une semaine.
Si vous deviez recommencer votre entreprise à zéro, que changeriez-vous ?
Il y a un proverbe qui dit que « si j’avais l’expérience d’aujourd’hui, je ne commettrais pas les
erreurs du passé. Mais si je n’avais pas commis ces erreurs, je n’aurais pas ces expérienceslà. » On doit vivre ces moments pour mieux aborder le futur. Je ne changerai donc rien…
Vous êtes membre de Betiad et Board Member de UNITEE. Que représente UNITEE pour
vous ? Pourquoi vous investissez-vous dans le domaine associatif ?
Depuis que UNITEE et Betiad ont été créés, nous avons senti qu’il y a un support derrière
nous. Par exemple, si l’on cherche un bon comptable, il suffit désormais de se tourner vers les
autres entrepreneurs membres pour demander conseil.
De plus, avant Betiad et UNITEE, les entrepreneurs se voyaient comme des concurrents,
même lorsqu’ils travaillaient dans le même secteur. Maintenant, nous nous retrouvons autour
de la table, sans forcément parler de business. Nous avons des relations humaines.
L’existence de ces associations d’entrepreneurs nous donne aussi une certaine confiance en
l’avenir. Ils agissent par exemple pour mieux éduquer nos enfants, en soutenant la création
d’écoles.
Grâce à UNITEE, j’ai également rencontré Mme Durant, Députée européenne et Mme Laruelle,
Ministre Belge des Classes moyennes, des PME, des Indépendants et de l'Agriculture. Pour
nous, c’est quelque chose de très grand. Surtout qu’en tant qu’immigré, vous avez moins de
chances de parler avec ces gens-là.
Comment concevez-vous l’Europe ? Quelles sont vos attentes ?
La première génération est venue parce que l’Europe avait besoin de main d’œuvre. Leurs
attentes, c’était des petites choses: nourrir sa famille, toucher un salaire raisonnable, envoyer
une petite somme à sa famille en Turquie. Les attentes de la nouvelle génération ont changé.
Ils attendent plus de l’Europe car l’Europe est leur futur.
Avant, tous les immigrés rêvaient de revenir au pays. Maintenant plus. Même quand on est en
Turquie, il faut qu’on mange des frites ! On aime bien aller au pays, mais à un moment donné,
on a envie de revenir. Nous sommes devenus de plus en plus semi-européens. On se sent
turco-européen, turco-belge. Je ne veux pas que mes enfants s’assimilent mais qu’ils
s’intègrent.
Et je vois que la dernière génération s’adapte de mieux en mieux. Moi, je parle avec un accent.
Mon fils, ma fille parlent sans accent. Et maintenant, nos enfants commencent à apprendre
d’autres langues européennes.
Est-ce que, dans le développement de votre entreprise, l’Europe a un impact positif ?
Oui, je pense à la monnaie unique. Au départ, quand on travaillait avec l’Allemagne, le fait
d’avoir deux monnaies différentes posait problème. Maintenant, c’est beaucoup plus facile.
Mais aujourd’hui, il y a la crise. Certains pays doivent trouver des solutions le plus vite
possible car cela déstabilise le reste du continent. Nous, on utilise la force de liaison avec la
Turquie dans cette période de crise. La Turquie exporte environ 35% à 40% vers l’Europe. Ils
sont au courant de tout et nous conseillent. Ils nous trouvent même des contacts ici en Europe
que nous ne voyons pas…
Que souhaiteriez-vous dire aux représentants de l’Europe et des Etats membres ?
Les Etats européens doivent voir qu’on n’est pas des poids pour leurs économies.
Actuellement, en tant que PME, j’apporte pas mal d’intérêts à l’Etat : les taxes, les emplois de
mon personnel... Dans la communauté turque, toucher le chômage, ce n’est pas bien vu. C’est
une question de fierté, et ce de plus en plus.
Et on utilise aussi nos entreprises comme une école. Les jeunes nous prennent comme
modèle. Je connais 10, 15 personnes qui ont ouvert une société en suivant notre exemple. On
montre le chemin.
Quel serait votre message aux prochaines générations ?
Il ne faut pas courir après l’argent facile. Il n’y a pas d’argent facile, surtout aujourd’hui. Les
grosses marges, c’est fini. Il faut travailler sur le long terme.
Je leur conseille aussi de commencer avec 60% de capital propre car les banques prêtent peu
et le marché est aujourd’hui très risqué. Il faut compter surtout sur son argent et pas sur celui
des banques.
Et il faut être courageux et têtu. Quand j’ai été à Taiwan pour les affaires, c’était la seconde fois
que je prenais l’avion. Je ne pensais pas que c’était un long voyage. Je ne parlais pas un mot
d’anglais. Arrivé à l’escale, je croyais que j’étais arrivé à destination! L’hôtesse m’a couru
après pour me dire que mon prochain avion était sur le point de partir !
Alexandra LACROIX
Strategic Manager - Assistant to the President
Office: +32 22040533
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