Afficher les textes chantés

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Chansons et psaum
de la Réforme
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L’éveil musical du Pro
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“folles, vaines et vilaine
la Renaissance, jugées
– bref, immorales.
HMA 1951672
On sait que la Réforme du xvie siècle a “démocratisé” la musique au sein de l’Église en
confiant à l’assemblée des fidèles le soin d’assurer l’exécution du chant liturgique en lieu
et place de la schola, constituée de chantres spécialisés. Ceux-ci avaient très tôt réduit le
peuple chrétien au silence lors des cérémonies religieuses. Dans les églises protestantes,
ce fut dès l’origine le peuple tout entier qui répondait à l’officiant par le chant à l’unisson
d’hymnes en langue vernaculaire, pourvues de mélodies faciles à mémoriser et à exécuter.
Il en est résulté dans l’église luthérienne l’immense trésor des chorals, initié par Martin
Luther lui-même, et chez les calvinistes le corpus des 150 psaumes de David, traduits en
rime française par Clément Marot et Théodore de Bèze. Cet ensemble clos, mais d’essence
biblique, était chanté avec toutes ses strophes en quelque six mois, soit deux fois par
an, partagé au culte entre le dimanche matin, le dimanche après-midi et le mercredi, jour
des prières. Mais on sait moins que chez les réformés de France, la pratique musicale ne
s’arrêtait pas à la sortie de l’église ou de l’école, car le chant des psaumes, auquel les
enfants étaient très tôt associés, prenait encore place à côté de la lecture familiale de
la Bible, enrichissant ainsi la piété domestique. Il retentissait également par les rues et
dans les boutiques, et ponctuait fréquemment l’activité professionnelle des artisans. Dans
les couches cultivées de la population qui pratiquaient la polyphonie à domicile comme
divertissement de qualité, les psaumes puis les chansons spirituelles firent progressivement
leur entrée dans le répertoire et détrônèrent rapidement les chansons profanes jugées folles,
vaines et vilaines, en un mot immorales. De 1542 à la fin du xvie siècle, nombreux furent
les compositeurs qui s’emparèrent du trésor littéraire et spirituel des psaumes huguenots,
associés à leur mélodie ecclésiastique, pour en faire le sujet de compositions de forme,
d’effectifs et de durée très variés, “non pour induire à les chanter en l’Église, mais pour
s’esjouir en Dieu particulièrement ès maison” (Claude Goudimel, 1565). Certains de ces
psaumes furent développés en forme de motets, c’est-à-dire que toutes les strophes du
texte y étaient mises en musique, vastes compositions en plusieurs parties dans lesquelles
se sont particulièrement illustrés Claude Goudimel (huit livres de Psaumes en forme de
motets, 1551-1566) et Claude Le Jeune (Le Dodécacorde, 1598). Le psaume 130, Du fond
de ma pensée, en quatre parties, de Benedictus Appenzeller (1542) en est un exemple,
peu caractéristique toutefois, car il n’utilise pas encore la mélodie ecclésiastique. Mais
la plupart des psaumes furent traités dans un style plus concis, avec mélodie au ténor ou
au soprano, toutes les strophes du texte étant chantées sur la musique de la première
(Clément Janequin, Claude Goudimel, Claude Le Jeune, Paschal de l’Estocart). La forme la
plus neuve, source de celle qu’on appelle le choral, consistait en l’harmonisation note contre
note de la mélodie usuelle. Les auteurs les plus remarquables en furent à nouveau Claude
Goudimel et Claude Le Jeune. Un seul exemple en est donné dans cet enregistrement, le
psaume 23 de Clément Janequin, Mon Dieu me paist. Il s’agit là du style le plus simple qui
puisse s’imaginer, conçu pour une vaste diffusion parmi les musiciens et propre à bien faire
saisir le texte par d’éventuels auditeurs. Car il ne s’agit pas là d’une musique de concert,
mais d’une musique destinée à la “re-création” de ceux qui la pratiquaient, comme le dit
Jean Calvin dans sa préface au psautier de 1543 : “Or, entre les choses qui sont propres à
recréer l’homme et lui donner volupté, la musique est ou la première ou l’une des principales
et il nous faut estimer que c’est un don de Dieu destiné à cet usage.” Il ne s’agit pas non plus
d’une musique chorale, mais d’une musique d’intimité où chaque voix est tenue par un seul
chanteur, susceptible le cas échéant d’être remplacé par un instrument. Un exemple de cette
dernière pratique est fourni par le psaume 32 de Pierre Certon, O bienheureux celuy (écrit
1
à quatre voix) dont l’exécution unit deux voix et deux instruments. La littérature purement
instrumentale prend d’ailleurs son essor à cette époque, ce qui nous vaut aussi des pièces
pour luth ou pour orgue, écrites sur les mélodies de psaumes, ainsi les Fantaisies d’Eustache
du Caurroy insérées dans cet enregistrement.
Toutefois la musique savante de la Réforme en France ne se limite pas aux psaumes
polyphoniques. La chanson spirituelle en constitue un autre aspect, à peine moins important
quantitativement. Sous ce terme, on réunit toutes les œuvres musicales écrites sur des
textes religieux ou moraux autres que les paraphrases des psaumes. Non astreintes à citer
une mélodie préexistante, elles revêtent un caractère plus libre, parfois même plus audacieux,
et sont stylistiquement proches de la chanson profane. Un exemple particulièrement
remarquable est fourni par la chanson à cinq voix de Claude Le Jeune, Hélas mon Dieu, ton ire
s’est tournée. Sur les mots “Hélas mon Dieu”, elle offre deux passages expressifs utilisant
le genre chromatique des Anciens, considéré comme particulièrement apte à exprimer la
lamentation. Parmi les nombreuses chansons spirituelles, il faut citer les Octonaires de la
Vanité du Monde, courts poèmes moraux de huit vers chacun dus à trois poètes protestants,
Antoine de la Roche-Chandieu, Simon Goulart, pasteurs l’un et l’autre, et Joseph Du Chesne,
chimiste et médecin d’Henri IV. Les sujets en sont inspirés par un thème courant dans la
pensée religieuse du temps, le renoncement au monde et à ses séductions, un monde que
les poètes cherchent à décrire à l’aide de nombreuses comparaisons imagées, occasion
pour les compositeurs, Paschal de l’Estocart et Claude Le Jeune, de descriptions musicales
vigoureuses ou pittoresques qui font de leurs octonaires des œuvres d’une richesse
d’invention et d’une originalité peu commune pour l’époque. On peut les définir comme des
madrigaux spirituels français. Les Octonaires de la Vanité du Monde de Paschal de l’Estocart
sont au nombre de cinquante et ont été publiés en 1581. Trois d’entre eux figurent dans
cet enregistrement. Quant aux Octonaires de la Vanité et Inconstance du Monde de Claude
Le Jeune, publiés en 1606, six ans après sa mort, ils sont groupés en douze suites de
trois pièces chacune, correspondant aux douze modes de la Renaissance. La première et la
deuxième sont à quatre voix, la troisième à trois voix. Deux autres pièces à cinq et six voix
devaient s’y ajouter, mais la mort du musicien ne lui permit pas de mener à terme ce projet.
Ces octonaires nous entraînent loin du style mélodique et contrapuntique de l’École francoflamande. Avec eux, on est déjà entré dans l’ère baroque et l’on peut se prendre à rêver à ce
qui serait advenu de la tradition musicale réformée si les restrictions à la liberté religieuse,
le rétrécissement progressif du protestantisme français, enfin les persécutions n’avaient
pas scellé définitivement, au xviie siècle, l’histoire brève mais étonnamment riche que nous
venons de brosser à grands traits.
MARC HONEGGER
2
PASCHAL DE L’ESTOCART
Psaume XXXIII
CLAUDE GOUDIMEL
Psaume CXXXVII
1 | Réveillez vous chacun fidèle,*
5 | Estans assis aux rives aquatiques
Menez en Dieu joye or endroit,
Louange et très séante et belle
En la bouche de l’homme droit.
Sur la douce harpe
Pendue en escharpe,
Le Seigneur louez,
De luts, d’espinettes,
Sainctes chansonnettes
A son nom jouez.
De Babylon, plorions mélancoliques,
Nous souvenans du pays de Sion :
Et au milieu de l’habitation,
Où de regrets tant de pleurs espandismes,
Aux saules verds nos harpes nous pendismes.
Lors ceux qui là captifs nous emmenerent,
De les sonner fort nous importunerent,
Et de Sion les chansons reciter :
Las, dismes-nous, qui pourroit inciter
Nos tristes coeurs à chanter la louange
De nostre Dieu en une terre estrange ?
BENEDICTUS APPENZELLER
Psaume CXXX
Or toutefois puisse oublier ma dextre
L’art de harper, avant qu’on te voye estre,
Jerusalem, hors de mon souvenir.
Ma langue puisse à mon palais tenir,
Si je t’oublie, et si jamais ay joye,
Tant que premier ta delivrance j’oye.
2 | Du fond de ma pensée,
Au fond de tous ennuyctz
Dieu, je t’ai adressée
Ma clameur jours et nuyctz
Entends ma voix plaintive
Seigneur, il est saison
Ton aureille ententive
Soit a mon oraison.
Aussi seras, Babylon, mise en cendre :
Et tres-heureux qui te saura bien rendre
Le mal dont trop de pres nous viens toucher :
Heureux celuy qui viendra arracher
Les tiens enfans de ta mamelle impure,
Pour les froisser contre la pierre dure.
Si ta rigueur expresse
En nos peschez tu tiens
Seigneur, Seigneur qui est ce
Qui demourra des tiens
Si n’es tu point severe
Mais propice à mercy.
C’est pourquoy on revere
Toy et ta loy aussy.
* Chansons “Contrafactum”
En Dieu, je me console,
Mon ame si attendt,
En sa ferme parolle
Tout mon espoir s’estendt
Mon ame à Dieu regarde
Matin et sans sejour,
Matin devant la garde
Assise au poinct du jour.
CLÉMENT JANEQUIN
Psaume X
6 | Dont vient cela Seigneur je te suppli,
Que loing de nous te tient les yeulx couverts,
Te caches tu pour nous mettre en oubli,
Mesmes au temps, qui est dur, et divers,
Par leur orgueil sont ardantz les pervers
A tourmenter l’humble qui peult se prise :
Fais que sur eulx tombe leur entreprise.
Psaume XXIII
7 | Mon Dieu me paist sous sa puissance haute :
Que Israel en Dieu fonde
Hardiment son appuy
Car en grace il habonde
Et secours est en luy,
C’est celluy qui sans doubte
Israel gettera
Hors d’iniquite toute
Et le rachetera.
C’est mon berger, de rien je n’auray faute :
En tect bien seur, joignant les beaux herbages
Coucher me fait, me meine aux clairs rivages,
Traite ma vie en douceur tres humaine :
Et pour son Nom, par droits sentiers me meine.
Psaume XIII
8 | Jusques à quand as estably,
Seigneur de me mettre en oubly ?
Est ce à jamais ? par combien d’aage
Destourneras-tu ton visage
De moy, las, d’angoisse remply.
CLAUDE GOUDIMEL
Psaume XL
4 | Après avoir constamment attendu,
De l’Éternel la volonté,
Il s’est tourné de mon costé,
Et à mon cry au besoin entendu.
Hors de fange et d’ordure,
Et profondeur obscure,
D’un gouffre m’a tiré :
A mes pieds affermis,
Et au chemin remis,
Sur un roc assuré.
Psaume XI
9 | Veu que du tout en Dieu mon cœur s’appuye,
Je m’esbahy comment de vostre mont,
Plustot qu’oyseau dites que je m’enfuye.
Vray est que l’arc les malins tendu m’ont,
Et sur la corde ont assis leurs sagettes,
Pour contre ceux qui de coeur justes sont,
Les descocher jusques en leurs cachettes.
3
PIERRE CERTON
Psaume XXXII
CLAUDIN DE SERMISY
16 | Tant que vivray en eage florissant*
Je serviray le Seigneur tout puissant
En faict, en ditz et chansons par accordz.
Le viel serpent m’a tenu languissant,
Mais Jesus Christ m’a fait rejouissant
En exposant pour moy son sang et corps.
Son alliance, c’est ma fiance,
Il est tout mien, je suis tout sien.
Fi de tristesse, vive liesse
Puisqu’en mon Dieu ha tant de bien !
10 | O bienheureux celuy dont les commises
Transgressions sont par grace remises :
Duquel aussi les iniques pechez,
Devant son Dieu sont couvers et cachez !
O combien plein de bonheur je repute
L’homme à qui Dieu son peché point n’impute !
Et en l’esprit duquel n’habite point
D’hypocrisie et de fraude un seul poinct !
LOYS BOURGEOIS
Psaume XXXVIII
CLAUDE LE JEUNE
Psaume CXXX
11 | Las ! en ta fureur aigue,
Ne m’argue :
De mon faict, Dieu tout puissant :
Ton ardeur un peu retire,
N’en ton ire
Ne me puni languissant.
18 | Du fons de ma pensée,*
Au fond de tous ennuis,
A toy s’est adressée
Ma clameur jours et nuits.
Enten ma voix plaintive
Seigneur il est saison,
Ton aureille ententive
Soit à mon oraison.
PASCHAL DE L’ESTOCART
Psaume CXXXVII
Psaume LXIII
12 | Estans assis aux rives aquatiques*
De Babylon, plorions mélancoliques,
Nous souvenans du pays de Sion :
Et au milieu de l’habitation,
Où de regrets tant de pleurs espandismes,
Aux saules verds nos harpes nous pendismes.
19 | O Dieu je n’ay Dieu fors que toy !*
Dès le matin je te reclame,
Et de ta soif je sens mon âme
Toute pasmée dedans moy
Les pauvres sens d’humeur tous vuides
De mon corps mat et altéré
Toujours Seigneur t’ont desiré
En ces lieux desers et arides.
ROLAND DE LASSUS
13 | Quand mon mari s’en va dehors,*
Trotter ne vay en la rue,
Mais à la besogne alors,
Ménagère je me rue.
S’il revient de la charrue
Acueil luy fay gracieux :
Il n’est vilain, grommeleur ni facheux,
Bien que sois jeune et luy vieux.
20 | Helas ! mon Dieu, ton ire s’est tournée,*
Vers moy ton serf, qui me poursuit sans cesse,
La peur que j’ay, fait que l’ame étonnée
Donne à mon coeur une estrème detresse :
Le sens me faut, et vertu me délaisse,
Toujours estant douleur devant mes yeux.
Je te reclame et appelle en tous lieux
Pour mettre fin à l’ennuy qui me point :
Si tu ne veux, hélas m’envoyer mieux,
Au moins, mon Dieu, ne m’abandonne point.
14 | J’ayme mon Dieu et l’aymeray,*
En ce propos suis et seray,
Et le tiendray toute ma vie,
Et quoy que l’on me porte envie
J’ayme mon Dieu et l’aymeray.
Octonaires de la vanité et inconstance du monde
24 | Douziesme mode :
Ambition, Volupté, Avarice,*
Trois Dames sont à qui on fait service,
Et les Mondains se travaillent sans cesse,
Pour en avoir Honneur, Plaisir, Richesse.
Tous sont payez : le vain Ambitieux
N’a que du vent, le fol Voluptueux,
Un repentir, l’Avare, un peu de terre,
Et moins en a d’autant plus qu’il en serre.
ROLAND DE LASSUS
15 | Fuyons des vices le jeu,*
Comme le feu,
N’aime les pechez infames,
Sauve-toy loin de leurs flammes.
Quand à moy je n’en ay cure,
Ni les procure.
Jamais on n’y gaigne rien,
Je le sçay bien.
Fuyons des vices le jeu,
Comme le feu.
Orfèvre taille moy une boule bien ronde,
Creuse et pleine de vent, l’image de ce Monde,
Et qu’une grand’ beauté la vienne revestir
Autant que ton burin peut tromper et mentire
En y representant des fruits de toute guise :
Et puis tout à l’entour escry ceste devise :
Ainsi roule toujours ce Monde decevant
Qui n’a fruits qu’en peinture et fondés sur le vent.
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26 | Celuy qui pense pouvoir*
Ce Mond’est un pèlerinage :
Les meschans forcenez de rage.
Y sont les devots pelerins
Qui, fourvoyés des drois chemins,
Tombent en la fosse profonde
De la mort. Mais, ô toy mon Dieu,
Guidant mes pas en autre lieu,
Tire moy du chemin du Monde.
Au Monde repos avoir,
Et assied son esperance
Dessus un tel changement :
Que pense un tel homme ? il pense
Estre assis bien seurement
Dessus une boule ronde,
Flottant au milieu de l’onde.
27 | Où est la mort ? au Monde, et le Monde ? en la mort.*
Il est la mort luy mesme, et n’y a rien au Monde
Qui face tant mourir le Monde, que le Monde,
Qui engendre, nourrit, et faict vivre sa mort.
Mais si l’amour de Dieu ostoit le Monde au Monde,
Faisant mourir du Monde et l’amour et la mort :
Lors heureux nous verrions triompher de la mort
Le Monde non Mondain, et la mort morte au Monde.
PASCHAL DE L’ESTOCART
Octonaires de la vanité et inconstance du monde :
25 | Je vi un jour le Monde combattant*
Contre Vertu, sa plus grande ennemie.
Il la menace, et elle le desfie.
Il entre au camp, et elle l’y attend.
Il marche, il vient, il s’approche, il luy tire.
Mais tous ses coups ne peuvent avoir lieu.
Car tous les traits du Monde sont de cire,
Et le bouclier de Vertu est de Feu.
Sexta pars : O Dieu, je vis en Toy,
Fay moy mourir au Monde.
Contratenor : Le Monde est de cire,
et Vertu est de feu.
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