Étude contrastive des noms composés dans les langues vocales
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Étude contrastive des noms composés dans les langues vocales
MASTER 1 SCIENCES DU LANGAGE SPECIALITE "Interprétariat Français/LSF" Promotion 2011-2012 "ETUDE CONTRASTIVE DES NOMS COMPOSES DANS LES LANGUES VOCALES ET LES LANGUES SIGNEES" Estelle Gentil Membres du jury: Georgette DAL, Directrice de recherche Annie Risler, Assesseure REMERCIEMENTS En préambule à ce mémoire, je souhaitais adresser mes remerciements aux personnes qui ont contribué de près ou de loin à l’élaboration de ce travail. Tout d’abord aux enseignants et intervenants de la formation dispensée par l’université Lille 3, et plus particulièrement : - Mme Dal ma directrice de mémoire pour son enseignement, ses idées et conseils au cours de ses derniers mois, ainsi que le suivi qu’elle a pu m’apporter. - Mme Risler, enseignante universitaire qui par ses cours de linguistique, m’a éclairée sur de nombreux concepts et a su se rendre disponible lors de mes sollicitations. Je remercie également ma famille et mes proches qui m’ont soutenue tout au long de ces derniers mois, et qui ont grandement participé à la création de ce mémoire de première année. Egalement merci à Mammart et Pierre qui par leur bienveillance ont su me rassurer. Un merci particulier à Claire et Olivier, pour leur patience, leur gentillesse et leur soutien, surtout leur patience… TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS............................................................................................3 TABLE DES MATIERES..........................................................................5 INTRODUCTION ...............................................................................................8 LA COMPOSITION NOMINALE ......................................................................10 LANGUE DES SIGNES : SPECIFICITES ET CONTRAINTES DE LA MODALITE VISIO-GESTUELLE..........................................................................................14 2.1 Notation conventionnelle pour les LS....................................................................15 2.2 Iconicité et motivation ..............................................................................................16 2.3 Articulateurs ...............................................................................................................19 2.3.1 Le signe en tant que geste produisant un mouvement dans l’espace... 19 2.3.2 Dimension corporelle........................................................................... 21 2.3.3 Regard et signes. .................................................................................. 21 2.3.4 Mimiques ............................................................................................. 22 2.4 Les différents niveaux de la langue : entre espace lexical et espace syntaxique23 2.4.1 Signe lexical......................................................................................... 23 2.4.2 Espace syntaxique et signes grammaticaux ......................................... 24 ANALYSE DE SIGNES COMPOSES DANS LE DOMAINE DU DEVELOPPEMENT DURABLE ........................................................................32 3.1 Présentation du corpus exploité et méthode de travail........................................32 3.1.1Glossaire du développement durable : conception du projet et objectifs.32 3.1.1.1 Introduction ...................................................................................................................32 3.1.1.2Conception du glossaire .................................................................................................32 3.1.2 Séminaire LSF à l’université Lille 3.................................................... 33 3.2 Des signes encore inscrit dans le processus de création lexicale.......................33 3.3 Méthodologie de travail............................................................................................34 3.4 Les signes composés.................................................................................................35 3.4.1 Définition ............................................................................................. 35 3.4.2 Point de vue morphologique ................................................................ 36 3.4.2.1 Le signe lexical à différencier des séquences syntaxiques ...........................................36 1.4.2.2Formation des signes composés formés en séquentialité ...............................................40 1.4.2.3Formation des composés en simultanée ........................................................................41 1.4.2.4Exemple de formation originale d’un signe composé ....................................................43 3.5 Etude sémantique des signes composés : entre transparence et opacité..........44 3.6 Approche phonologique des LS : la question de la syllabe...............................48 CONCLUSION .................................................................................................53 BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................56 ANNEXES .......................................................................................................59 INTRODUCTION Dans le cadre de ce mémoire, nous allons porter notre intérêt sur un sujet qui concerne la linguistique des langues signées. Le langage, est une faculté humaine qui se manifeste par cette capacité propre à l’Homme de pouvoir exprimer une pensée et de communiquer à travers l’utilisation d’une langue. Le monde regorge d’une multitude de langues ayant chacune leurs spécificités, leurs contraintes, leurs variantes, leur évolution. Nous avons conscience de l’incroyable diversité des langues de par les différents continents : le japonais, le russe, l’italien et le swahili n’ont pas grand-chose en commun. Tellement de paramètres les séparent à commencer par leur alphabet jusqu’à leur syntaxe. Cependant, le point commun à ces dernières, est que celles-ci se manifestent par le biais du canal audio-vocal. On parle de langues dites « vocales ». Parallèlement à celles-ci, certaines d’entre elles utilisent d’autres conditions d’expression : les langues signées ont recours à la modalité visuelle couplée à de la gestuelle. Qu’elles soient vocales ou signées, il est un phénomène commun à toutes les langues : leur vitalité. Afin de ne pas disparaitre, une langue va évoluer à travers un processus naturel qui est celui de la création lexicale. La communication des êtres humains passe par la formation de néologismes pour désigner les phénomènes et objets qui les entourent, les sentiments et les pensées qui les animent. Notre réflexion s’est ainsi construite autour de cette thématique et sur la base de plusieurs interrogations. Notre première question concerne les néologismes en langues des signes : peut-on les comparer avec ceux crées vocalement ? Comme nous l’avons vu précédemment, ces deux types de langues, orales et gestuelles sont à considérer différemment. Notre problématique de départ s’est en effet orientée sur la question de la formation des néologismes dans les langues des signes, mais dans un domaine particulier : celui du développement durable. Le choix s’est porté sur cette spécialité, qui de par sa dimension nouvelle, est sujette à de nombreuses créations lexicales. Cependant nous avons réalisé au cours de l’avancement de notre pensée, que le processus création lexicale implique une multitude de procédés, et il aurait été trop complexe de traiter l’ensemble de la notion dans le cadre de ce travail. Nous nous sommes donc restreint à l’étude de la composition nominale. Une multitude d’autres questions sont venues agrémenter notre problématique : le processus de composition en langue des signes est-il différent de celui des langues vocales ? Quelles sont les particularités des langues signées en contraste avec les langues vocales ? Ainsi notre travail s’articulera autour de cette question : Comment se forme un signe composé en langue des signes ? Nous présentons ainsi nos différentes hypothèses de travail qui sont les suivantes : - La composition nominale dans les langues vocales renvoie à beaucoup de définitions plus ou moins divergentes les unes des autres. Le concept mérite d’être éclairci. - Les langues signées, comparées aux langues orales, ont des caractéristiques spécifiques qu’il convient de définir, afin de poser une base à notre travail. Celles-ci diffèrent sur beaucoup de points de leurs équivalents vocaux, mais on peut également se demander si les deux systèmes langagiers n’ont pas des traits communs. - La composition nominale des langues signées se manifeste selon des processus particuliers. Elle semble prendre forme à travers des constructions similaires aux langues vocales, et des outils distincts de ces dernières, puisque la modalité de ces deux types de langue n’est pas la même. Afin de tenter d’éclaircir ces différentes hypothèses, ce travail se déclinera en trois parties. Tout d’abord, nous définirons le concept de nom composé en nous appuyant sur le cadre théorique de la morphologie lexématique. Puis nous aborderons dans un second chapitre, les caractéristiques et principes inhérents aux langues signées, les concepts permettant de les caractériser. Enfin, à travers l’étude d’un corpus, nous analyserons la formation des signes composés en Langue des Signes Française, et relèverons les tendances particulières propres à celle-ci, dans le champ du développement durable. LA COMPOSITION NOMINALE Les langues, afin de conserver leur vitalité, mettent en place des techniques leur permettant de s’adapter aux diverses avancées. Le processus de création lexicale s’impose donc à celles-ci comme un moyen d’enrichir les lexiques en fonction des évolutions langagières et sociétales. Constamment, des néologismes émergent dans les langues selon différentes modalités (écrites, orales ou gestuelles). Nous savons que la création lexicale se manifeste à travers différents procédés tels que la dérivation, les emprunts à d’autres langues, les onomatopées, la composition, et bien d’autres encore. Cela peut également se manifester par un mot existant déjà dans la langue, mais qui revêt un sens nouveau. Toutefois, dans le cadre de ce travail de recherche, nous nous restreindrons à l’étude des composés, plus particulièrement les composés nominaux. Nous examinerons à travers des éléments définitoires, ce que signifie la composition nominale dans le cadre de la morphologie lexématique et constructionnelle. Selon notamment Amiot & Dal (2008), la composition suppose l’union de deux lexèmes ou plus, afin de former une nouvelle unité lexématique nommée composé1. Sa structure peut se schématiser ainsi : Lexème1 + Lexème2 ⇒ Lexème 3 Par exemple, des entités telles que garde-fou, oiseau-mouche ont des constituants GARDE et FOU ainsi que OISEAU et MOUCHE qui ont chacun une existence indépendante. Les deux derniers exemples présentent une seule forme, un seul radical. Cela peut cependant être différent selon les lexèmes : si l’on considère le verbe ALLER qui n’en reste pas moins un lexème unique, plusieurs radicaux peuvent lui être associés (v-, all-, ir-). Unité basique de la morphologie, le lexème est définie par Fradin (2003 : 235) comme une « entité privée de toute marque flexionnelle », ce qui le différencie du mot-forme2 qui en est 1 Nous n’utiliserons pas la notion de mot, la définition de ce terme ayant des contours beaucoup trop flous. 2 Mots-formes : ce sont toutes les formes que peut revêtir le lexème dans le discours TRAVERSER {traverse, Exemple : e TRAVERSER⇒nb : 3 pers.sg subj présent TRAVERSE {traverse pourvu. Le lexème se définit par la présence conjointe d’une représentation graphémique, phonologique, d’informations qui sont relatives à la dimension syntaxique, mais également morphologique à une représentation sémantique propre. Cette multi-dimensionnalité se résume à travers ce tableau, avec comme exemple le nom JEU : JEU (G) Graphème jeu# °Lud# (F) Phonologie / ø/ /lyd/ (M) Morphologie Rés : init (SX) Syntaxe Cat : N (S) Sémantique Jeu’ Fradin (2003 : 89) opère une distinction entre lexical et grammatical. En conséquence, nous considérerons que les lexèmes sont des unités lexicales constituant des listes ouvertes, ce qui signifie que de nouvelles entités peuvent être créées à l’infini et alimenter le stock lexical existant. Les entités nouvellement produites à partir de l’unité de base lexème vont appartenir aux catégories lexicales dont les principales sont les noms, les verbes, les adjectifs, ainsi que certains adverbes (nous mettront de côté cette catégorie, car elle revêt trop d’ambiguïté. En effet, on retrouve également des adverbes au sein des morphèmes grammaticaux). A contrario, les unités grammaticales se limitent à des listes fermées, c’est-à-dire qu’il est difficilement possible de rajouter de nouvelles entrées. C’est pourquoi, les constructions faisant apparaitre autre chose que des lexèmes ne peuvent être considérées comme des composés. Les exemples contre-sens, heure de pointe, os à la moelle, cessez-le-feu et sanspapiers ne remplissent pas les conditions requises, car ils sont formés à l’aide de composants syntaxiques qui ne rentrent pas dans le cadre définitoire de la composition nominale. En effet, contre-, à et sans- sont catégorisées comme étant des prépositions, de est une conjonction et le un déterminant. Ce sont des grammèmes, des entités abstraites, pour des unités qui ne sont ni nominales, ni verbales, ni adjectivales. On dira que les suites présentées ci-dessus sont des unités syntaxiquement construites. TRAVERSE⇒nb : sg Nous avons fait le choix de nous concentrer sur l’étude de la composition nominale, donc des unités ayant une fonction de nom en syntaxe. Ainsi, les exemples ci-dessous ne pourront être considérés comme des composés nominaux : - Bon marché, bon enfant, pieds nus (locutions adjectivales) - Prendre froid, avoir bon dos, boire cul sec (locutions verbales) Les composés à base d’adverbes sont facilement écartables étant donnés qu’ils ont quasiment toujours recours à des grammèmes : sans cesse, bel et bien ou encore tout de suite. En outre, selon Amiot & Dal, le composé peut être formé d’éléments, qui certes auront un sens clairement spécifique, mais n’auront pas forcément de formes syntaxiques. Ce type de composition est dite « néoclassique » ou « savante ». Elle est formée de constituants non autonomes en syntaxe, comme c’est le cas pour le composé bibliophile. Biblio- ainsi que phile, bien que pourvu d’un sens propre, n’ont pas d’existence libre en contexte phrastique : *Cet homme est un véritable phile. *Cet étudiant semble être un véritable biblio. Ces auteures nomment ces unités dépendantes d’autres, des formants. Le premier composant est le raccourci de bibliothèque ; celui-ci est accolé à un constituant néoclassique. D’un point de vue sémantique, les composés nominaux couvrent deux aspects différents, selon les formes qu’ils prennent. D’une part, certaines compositions vont associer le sens des lexèmes qui les forment. Le composé poisson-lune est un poisson qui ressemble à la lune, tout comme une autoroute est une route pour les automobiles. Le sens de l’ensemble est compositionnel, c’est à dire se déduit du sens des lexèmes qui participent à la formation des composés; nous les nommons : composés endocentriques. D’autre part, certains composés possèdent un sens qui ne peut être tirés de leurs unités lexématiques : la référence est opaque car elle n’apparait pas clairement dans le composé. En revanche sa fonction ou son attribution elle, est compositionnelle : c’est le cas pour garde-malade qui réfère à une personne qui garde les malades ou chauffe-eau qui est un appareil fournissant de l’eau chaude. Qu’il s’agisse de composés endocentriques ou exocentriques, le sens de ces derniers est nouveau. Pour conclure cette section, nous pouvons affirmer que la composition construit des unités polylexématiques qui se distinguent de la dérivation (autre procédé de construction de lexèmes). La dérivation a recours à des moyens segmentaux (affixation, circumfixation, réduplication, transfixation, apophonie,etc.) pour réaliser de nouveaux lexèmes. Cependant ces unités seront toujours monolexématiques, contrairement au procédé de composition qui impliquera deux voire plusieurs lexèmes. Cette première partie, nous a permis d’éclaircir le concept de nom composé du point de vue des langues vocales. Il semblait primordial de débuter par une présentation de ce phénomène linguistique du point de vue des langues vocales, étant donné que le concept revêtait des contours flous. L’objectif principal était de présenter la notion de composition nominale, selon un point de vue se rattachant à la théorie de la morphologie lexématique. Il est évident que malgré l’intérêt de notre recherche pour les procédés de formation des composés en langue des signes, il était nécessaire de poser les jalons en matière de composition nominale. Dans le chapitre suivant, nous allons présenter les différents aspects des langues signées, dans leurs spécificités dues à la modalité visio-gestuelle, les paramètres qui les forment, ainsi que leur fonctionnement en discours. En effet le principe de composition ne pourra être traité de la même manière dans les langues signées que pour les langues vocales : les modalités en jeu dans ces deux types de langues influent beaucoup sur la manière de percevoir et théoriser le nom composé. LANGUE DES SIGNES : SPECIFICITES ET CONTRAINTES DE LA MODALITE VISIO-GESTUELLE. Lorsque nous parlons de langues, une représentation minimale et simplifiée du concept nous amènerait à penser que celles-ci ne se réfèrent qu’à une catégorie particulière mais prédominante : celle des langues orales. Nous savons comment ces dernières fonctionnent matériellement, même si elles peuvent être très différentes les unes des autres. A savoir que l’appareil phonatoire du locuteur produit des sons, formant eux-mêmes des mots, qui accolés les uns aux autres forment des phrases, puis des énoncés. Cependant la définition d’une langue ne se limite pas à cette seule vision matérielle, elle implique des processus complexes et variables d’une langue à une autre. En réalité, la langue est une notion abstraite, un ordre social, un outil de communication sollicitant un code commun à une même communauté. Elle est un système où chaque élément joue un rôle qui permet d’assurer son unité. On accède à la langue par la production d’énoncés en discours. L’étude des langues peut se faire à différents niveaux de description : phonologique, morphologique, sémantique ou syntaxique. La langue a été définie par F. De Saussure comme étant un système de signes arbitraires « doublement articulés », c’est-à-dire que pour chaque signe, deux niveaux sont requis : une phase signifiante et une phase signifiée. Alors qu’en est-il alors des langues signées ? Nous savons qu’il existe des différences formelles entre la modalité audio-vocale et celle qui a recours à la vue et au corps. C’est-àdire que les langues des signes sollicitent le regard ainsi que les gestes produits par le corps comme moyen d’expression, contrairement aux langues vocales qui font appel à l’ouïe en réception et à la voix comme mode de production. Nous allons voir dans cette seconde section, ce qui constitue la (les) particularité(s) des langues signées : une perception d’ordre visuelle, l’utilisation de l’espace à des fins grammaticales, le recours à des articulateurs spécifiques permettant une représentation iconique de l’information. Cela engendre indubitablement des différences entre langues vocales et signées, dans leurs systèmes linguistiques propres, selon la discipline étudiée (phonologie, morphologie, etc.) Dans un souci d’économie, et aussi pour éviter les répétitions, nous abrégerons par le sigle LV la notion de langue(s) vocale(s), et LS pour celle de langue(s) signée(s). 2.1 NOTATION CONVENTIONNELLE POUR LES LS En préambule de l’analyse même de notre corpus, cette sous-section-ci vise à présenter la convention de notation utilisée dans le cadre de ce mémoire. En effet, il peut sembler délicat de transcrire sur un support papier, une langue qui ne possède pas d’écriture et qui se déploie dans l’espace de manière visuelle. Afin de pouvoir nommer les différents phénomènes linguistiques que les langues signées connaissent, il est indispensable de choisir des repères communs, qui apparaitront tout au long de notre travail : - pour les unités lexicales employées hors contexte, nous nous emploierons à prendre leurs équivalents en français (lorsqu’il y en a, ce qui n’est pas toujours le cas) qui seront notés en petites capitales et entre crochets. A la suite de cette partie, nous démontrerons le moment venu3, que les signes lexicaux employés à la création d’un signe composé peuvent être considérés comme des lexèmes (transcrit ainsi : [LEXEME]). Nous verrons dans la troisième partie, que les signes composés de notre corpus ont pour la plupart été créés très récemment. Ce ne sont pas des signes véritablement figés. Cependant, nous présenterons également le composé par cette même notation de majuscules entre crochets, considérant ainsi que le signe composé est un lexème. - Afin de spécifier les composants du signe composé, nous utiliserons la même notation que pour les lexèmes, sauf nous enlèverons les crochets, et séparerons chaque lexème au moyen d’un séparateur prenant la forme d’un accent circonflexe. Afin d’illustrer nos propos, nous prendrons l’exemple du composé maladie incurable. Celui-ci va se transcrire par le signe [MALADIE] suivie de [IMPOSSIBLE], que l’on notera MALADIE^IMPOSSIBLE. Cette notation est empruntée à celle de W. Sandler et bien d’autres linguistes (Del Guidice, 2007) dans leurs différents articles traitant de la composition en langue des signes. - Lorsque nous aurons besoin de décrire de manière descriptive le signe par un énoncé, nous utiliserons les guillemets « … ». Par exemple une représentation de la référence pour [HOMME], afin de la différencier de celle pour [FEMME] ou [ENFANT] serait de dire par exemple: « personne qui possède une moustache » (ce sont des traits saillants qui réfère à 3 Cf partie 3.2.1 l’idée de l’homme, mais nous savons bien que tous les hommes ne portent pas forcément de moustache). - Les signes qui seront effectués par des éléments dactylologiques prenant des configurations manuelles différentes, correspondent aux lettres de l’alphabet. Dans ce travail, les concepts se réalisant à l’aide de la dactylologie, seront écrits par des lettres majuscules séparées de points: pour épeler un mot tel que limonade, nous le transcrirons par la notation L.I.M.O.N.A.D.E. - Les énoncés quant à eux, seront simplement écrits en italique et entre guillemets tel que l’illustre l’exemple suivant : « je mange une pomme ». Dans la description en traits saillants des signes, nous reprendrons la convention établie par W. Stockoe sur les composantes abstraites à savoir HC (pour hand configuration) pour la configuration manuelle, (L) pour l’emplacement ou le locus, (M) pour le mouvement. 2.2 ICONICITE ET MOTIVATION Contrairement aux langues orales dont les signes au sens saussurien du terme4 ont un rapport arbitraire entre la forme et la sens, les unités lexicales des LS se caractérisent par un fort degré de correspondance entre signifiant et référent : des mouvements en lien avec la production de gestes, créent des images qui vont constituer des formes linguistiques. En effet, ces langues peuvent montrer très facilement tout en disant, cela en lien avec la modalité particulière du canal visio-gestuel. On dit qu’elles sont iconiques, c’est-à-dire qu’elles donnent à voir ce qu’elles énoncent à travers différents procédés ne relevant pas des techniques linguistiques utilisées par les langues orales. Elles permettent d’exprimer aussi bien des concepts relevant du concret comme de l’abstrait. Les mouvements produits par les gestes manuels, visent à créer des tracés d’images. C.S Peirce5 parle d’iconicité d’image qui renvoie au lien de ressemblance entre le signe et ce à quoi il réfère dans le monde extra-linguistique. Ce procédé découle de la capacité qu’a le corps, à mettre en figure des constructions qui se déploient dans l’espace en trois dimensions, et auxquelles va être attribué du sens. 4 5 Cf introduction du second chapitre, p.10 PEIRCE C.S (1978), Ecrits sur le signe, Paris, Seuil Dans le cadre de cette analyse, nous ne considérerons pas l’iconicité comme une intention de la langue, ou une visée du locuteur au moment où il s’exprime, contrairement aux théories proposées par C.Cuxac entre autres6. Nous envisagerons, en revanche, que l’iconicité soit une spécificité qui s’impose aux langues signées. L’aspect iconique est donc une conséquence de la modalité visio-gestuelle des LS. Cependant l’iconicité, malgré le fait qu’elle soit une caractéristique, une particularité des LS, n’explique en rien les procédés de production des signes. Nous avons fait le choix de nous appuyer sur les travaux de D. Bouvet (1997). En effet d’après elle, nous percevons toujours une entité produite par un signe selon un certain point de vue. C’est-à-dire que certains aspects particuliers de ce signe retiendront plus notre attention que d’autres. Le geste effectué (la forme) va produire une image mentale qui va avoir du sens. Par exemple, le signe [VELO] va solliciter les deux mains du signeur dont la configuration initiale (HC) poings fermés, va évoluer en une HC où les doigts vont s’ouvrir par un mouvement s’éloignant du corps du signeur. La configuration manuelle des doigts écartés va évoquer l’image des rayons du vélo, et le mouvement vers l’avant, la capacité de déplacement du vélo. Ce n’est pas le vélo dans sa globalité qui est perçu par l’interlocuteur, mais des éléments porteurs de sens pour ce terme. Bouvet7 va mettre en avant ces éléments participant à la production des signes, qu’elle nomme traits saillants. L’auteure les répertorie en trois catégories. Premièrement pour les signes renvoyant à des objets ou à des êtres concrets, les traits relatifs à la forme-même du signe vont être mis en relief, renvoyant à l’objet évoqué. Cela peut se manifester par une reprise complète de la forme du référent comme pour [ARBRE] où la HC représente les racines, le tronc, les branches, une esquisse générale de la représentation du concept arbre. Mais il est également possible que les LS représentent de manière partielle l’objet ou l’être, par des figures de style où la partie symbolise le tout, ou bien à l’inverse le tout représente seulement une partie de l’ensemble. Prenons l’exemple des signes qui renvoient aux animaux : ceux-ci sont souvent évoqués par une caractéristique qui va représenter l’ensemble du référent, c’est à dire des procédés métonymiques ou synecdotiques (« les cornes » pour [VACHE], « les moustaches » et « la queue » référant successivement à [CHAT] et [CHIEN], etc.). Pour 6 CUXAC C. (2000), « Compositionnalité sublexicale morphémique-iconique en Langue des Signes Française », Recherche Linguistique de Vincennes n°29, pp 55-72 L’auteur propose dans sa théorie de la bifurcation des visées, que l’iconicité soit la résultante d’une visée voulu par le locuteur. Il parle de « va et vient » entre le « dire en montrant » et le « dire sans montrer ». 7 BOUVET D. (1997), Le corps et la métaphore dans les langues gestuelles ; à la recherche des modes de production des signes, l’Harmattan, Paris évoquer d’autres objets, vont être produit soit des tracés fixes, soit des images gestuelles décrivant l’objet ou la chose en deux dimensions, ou le modelage pour représenter une entité en trois dimensions. Cette dernière possibilité s’applique pour le signe de [BOUTEILLE]. En outre, certains signes vont mettre en exergue une saillance sur le mouvement, comme le signe référent à [POISSON]. Ici, il n’est pas question de forme ; ce qui va prévaloir, ce sont les ondulations de déplacement dans l’eau produites par l’animal, qui vont être reproduites à travers le mouvement du signe. Le trait relatif au mouvement rejoint l’idée du descriptif d’une action, celle liée au concept pour lequel le signe est effectué. Enfin, les signes en lien avec la localisation sur le corps ou par rapport au corps du signeur renvoient à des entités corporelles qui vont être désignées par des pointages (comme pour [FOIE], [CŒUR]). Le corps est le siège de productions métaphoriques ou stylistiques. Il est un support adéquat permettant la mise en scène d’énoncés figurés. Ainsi, et de manière étonnante, les LS se basent sur du concret, le corps du signeur, pour renvoyer à une entité abstraite. L’interlocuteur va donc percevoir, selon le signe, un trait saillant qui va retenir son attention ; toutefois cela n’empêche pas la présence d’autres traits dans la manifestation structurelle du signe. Dans le signe [HOMME], on perçoit à la fois une saillance dans la forme (tracé de la moustache) associée à un emplacement (L), situé sur le corps du signeur (près de la bouche, à l’emplacement-même où se situent les moustaches). Les signes « concrets » réfèrent à des entités pour lesquelles on peut percevoir un rapport analogique entre le signe et son référent, c’est-à-dire une ressemblance entre ce qui est produit par les gestes et le référent. Pour les signes renvoyant à des concepts abstraits, Bouvet explique que nous avons recours à des figures de style de type métaphoriques ou autres procédés de déplacement du sens. Contrairement aux signes concrets renvoyant directement aux concepts auxquels ils se réfèrent, les signes abstraits subissent un double saut. C’est-à-dire que le mouvement tracé dans l’espace ou sur le corps, par métonymies ou synecdoques, va renvoyer à quelque chose de concret, qui lui-même, par un procédé métaphorique, va renvoyer au concept auquel on se réfère. Si l’on veut exprimer l’idée d’[ABSTRAIT], le signeur va faire un mouvement tracé qui va avoir pour sens celui de [NUAGE] (placé au-dessus de la tête du locuteur). La deuxième étape consiste à considérer ce signe comme une métaphore de l’abstraction dans le sens « forme indéfinissable et floue, qu’on ne peut toucher, palper ». Le nuage est ici le symbole de l’abstraction. Les signes renvoyant au domaine de l’intellect, sont tous placés au niveau du front ou des tempes, ceux concernant les émotions sont situés sur la poitrine. Les signes pour croire, savoir ou comprendre par exemple sont, avec des configurations manuelles différentes, localisés sur le front. Le corps joue donc un rôle très important dans la production de signes abstraits, pour lesquels il sert de point d’ancrage. Les signes « abstraits » peuvent également combiner plusieurs saillances comme on le constate dans le signe relatif au concept de [PARESSEUX] qui combine un mouvement partant de la main et qui s’écarte de cette dernière. De sorte que l’idée suggérée ici est «avoir un poil dans la main ». Le point commun à ces différents signes, concrets ou abstraits, d’une saillance de forme (HC), de mouvement (M) ou de localisation (L), est qu’ils intègrent l’idée de motivation, même si celle-ci est opacifiée selon l’entité à laquelle elle renvoie. Les signes concrets recourent à une motivation dite iconique, à l’opposé des signes abstraits qui font appel à une motivation métaphorique. A travers les procédés de motivation, nous avons vu par le biais des travaux de D. Bouvet que les signes, pour exister, s’appuyaient sur différents traits saillants relatifs à trois paramètres, à savoir la forme, le mouvement et l’emplacement. Dans la sous-partie suivante (2.2), nous montrerons qu’au-delà de ces traits, d’autres éléments entrent en jeu dans la production d’un signe, plus particulièrement lorsque celui-ci est en contexte. Ce qui nous permettra de distinguer dans une troisième sous-partie l’espace lexical non-marqué et l’espace syntaxique où les articulateurs décrits vont entrer en jeu afin de « mettre en scène » l’énoncé. 2.3 ARTICULATEURS 2.3.1 LE SIGNE EN TANT QUE GESTE PRODUISANT UN MOUVEMENT DANS L’ESPACE Là où la voix est l’outil par excellence des langues vocales, les gestes en sont l’équivalent pour les LS, qui créent eux-mêmes des signes. Pour les LV, le canal auditif permettant la perception de mots, est remplacé pour les LS par la modalité visuelle. C’est en cela que nous parlons de modalité visio-gestuelle: les messages sont transmis par la vue, grâce aux gestes que le locuteur effectue avec une ou deux mains. Car pour produire un geste (élément constitutif du signe), il est possible de mobiliser une seule main ou bien les deux. La forme manuelle peut prendre des configurations multiples, mais il n’existe cependant qu’un nombre limité de combinaisons répertoriées. Il serait simpliste et erroné d’en déduire que les LS sont limitées dans leur production parce qu’elles possèdent un nombre fini d’outils. Pourtant, la richesse des LS réside dans le fait qu’une même configuration manuelle peut être utilisée sur différentes localisations afin de créer une multitude d’unités lexicales. Il est possible de tout dire, tout exprimer en LS. Toutefois, si la forme du geste, est un paramètre déterminant dans la création de signes, il y a d’autres éléments à prendre en considération. Il faut intégrer deux autres paramètres qui vont intervenir dans la formation des signes : le mouvement et l’emplacement. Ces indices en complément du geste, vont permettre de créer différents signes porteurs d’un sens propre. En soi, chacun des éléments concourant à la production d’un signe (geste, mouvement et localisation) n’est pas porteur de sens. C’est par leur union que va exister le signe. Ainsi, les mains prennent des formes différentes et se déploient dans l’espace, à travers des mouvements tracés. Concernant le mouvement, celui-ci permet de marquer dans un énoncé, la valeur aspectuelle des signes verbaux. C’est à dire que selon les caractéristiques du mouvement, s’il est répété, (selon sa durée rapide ou longue), le signe va prendre des marques spécifiques qui vont renvoyer à différentes caractéristiques du signifié : la régularité, la lenteur ou brièveté de l’action de voir par exemple. Quant à l’emplacement, il présente l’endroit où la forme en mouvement va être produite, de son point de départ à son point d’arrivée. Cette localisation va jouer le rôle de support, sur lequel un élément va être mis en valeur. Le signe peut être effectué sur le corps avec une valeur concrète, comme pour [COEUR], ou abstraite pour les notions d’[AMOUR], et d’[EMOTION]. Dans le premier cas, le signe sera produit sur un emplacement dont la valeur est générique, mais qui sera déplacé sur d’autres endroits du corps si l’on veut spécifier. Prenons l’exemple pour le signe [BLESSER] : il s’effectue à la base sur la poitrine, mais selon le locatif désigné par l’action, il va être déplacé sur la partie corporelle en question (le bras, la jambe, le front, etc.) Le signe, concret ou abstrait, peut aussi se réaliser dans l’espace-même situé devant le signeur, comme c’est le cas pour la notion de [JUSTICE] ou une entité plus matérielle telle qu’[ASSIETTE]. De plus, un espace formant un cadre au- dessus de l’épaule du signe peut être investi, communément utilisé pour les noms propres ou les noms dont on ne connait pas le signe qui se réfère au concept. Comme cette portion d’espace est utilisée pour épeler les mots se référant à des notions, elle est tout simplement nommée sous-espace d’épellation. La main peut également constituer le support d’un geste en mouvement comme pour l’unité lexicale [DANSER] où la main non dominante, de configuration plate (HC) est le repère où l’action de la main dominante va être produite. Bien au-delà du geste, du mouvement et de l’emplacement, les LS sollicitent aussi d’autres paramètres non-manuels, qui vont jouer un rôle fondamental. Ils amènent des éléments de grammaticalité, qui vont marquer l’espace. Le buste, le regard, les expressions faciales, pour ainsi dire toute la partie supérieure du corps, va concourir à instaurer des marqueurs syntaxiques tels que les loci, la référence personnelle, les qualificatifs, etc. 2.3.2 DIMENSION CORPORELLE Comme cela a pu être développé précédemment, le corps peut servir de point d’ancrage, c’està-dire de lieu de production du signe désignant un être ou objet concret comme les signes ([GARCON]), localisé sur le front ([MAMAN]), sur la joue ou sous les côtes selon les variantes régionales. Mais le corps est aussi le point de représentation abstraite comme pour le signe [VIEUX] effectué sur le menton, qui s’appuie sur des procédés métaphoriques. Pour la notion [INTERESSANT], le signe est effectué sur la poitrine. Le corps peut aussi jouer un rôle de marqueur de fonctions grammaticales lorsqu’il prend le rôle d’un argument ; c’est le cas dans les situations d’auto-pointage. Dans les exemples « je lui dis » et « il me dit », le corps est un repère spatial de point de départ du signe dans le premier énoncé et un point d’arrivée dans le second. 2.3.3 Regard et signes. Dans les LS, on peut classer le regard selon deux types d’après les travaux de Meurant8. Tout d’abord, le regard adressé à l’interlocuteur : celui-ci permet de créer ou reprendre une référence déictique ou anaphorique. Ce regard est également qualifié de « partagé » entre le locuteur et l’interlocuteur. Regard adressé et corps sont les éléments majeurs, des repères concernant les gestes de désignation (pointages) renvoyant aux marques de personnes. Meurant désigne trois marques de personnes à travers le je, tu, et il où le regard est toujours 8 MEURANT L. (2008), Le regard en langue des signes- Anaphore en langue des signes française de Belgique (LSFB) : morphologie, syntaxe, énonciation dirigé vers l’interlocuteur. La distinction se fait par les pointages qui, de par leur changement directionnel, vont prendre des valeurs différentes9. A contrario, le regard non-adressé, posé sur les mains, une portion d’espace, ou qui est dans le vague, se place dans un espace syntaxique où, formes, emplacements et mouvements vont prendre une teneur grammaticale. Ce regard grammaticalisant va concourir à la production d’énoncés dans un espace dit syntaxique. En lien avec un contenu référentiel, le regard va participer à l’instauration de loci, emplacements prenant une valeur spécifique dans l’espace syntaxique. Ils peuvent être de nature anaphorique (reprise d’un contenu référenciel). Egalement, le regard détourné participe à l’instanciation de transferts personnels : ce point sera développé en 2.4.2. 2.3.4 MIMIQUES Les expressions faciales ou mimiques, apportent des précisions sur ce qui est produit par le locuteur. Elles permettent d’exprimer la modalité discursive dans laquelle se situe le locuteur (interrogation, négation, etc.). Egalement elles font office de complément de manière (envie, colère, dégout, joie, etc.). Le rôle des mimiques faciales permet au signeur d’exprimer son point de vue concernant le contenu du discours. Les signes pour désigner l’idée [NE PAS AIMER] et [C’EST BON] (nourriture), vont se différencier par leur mimique. En effet, forme (HC), mouvement (M) et localisation sont identiques pour ces deux concepts. Le premier va être complété par le froncement des sourcils, les yeux plissés et la bouche grimaçante. Le second plus neutre, va marquer l’aspect positif de la notion, par un léger haussement de sourcils et la bouche en rond. On peut aussi associer les expressions du visage à des fonctions adjectivales ou adverbiales. Prenons l’exemple du signe [BALLON] où les deux mains, doigts écartés, sont positionnées l’une en face de l’autre, formant ainsi une sphère. Si l’on rajoute à ce geste, une mimique (gonflement des joues, haussement des sourcils), cet élément supplémentaire exprime la grosseur du volume du ballon dont il est question. Nous réalisons, à travers cet aperçu concis du fonctionnement des LS et de leurs spécificités, que le geste manuel, dans sa forme-même, ne peut prendre sens qu’à travers d’autres 9 Cf sous-section 2.3.2 paramètres. Le mouvement instaurateur d’espaces est indispensable à la production de signes. Celui-ci va prendre différentes fonctions selon si nous sommes hors contexte ou au seinmême d’un énoncé. Les paramètres non-manuels tels que le regard, le corps et les expressions faciales (ou mimiques) fournissent des marques grammaticales dans le discours. A la suite de cette partie, nous allons présenter les deux grandes catégories de signes : les signes lexicaux d’abord, qui par des procédés iconiques font image, puis les signes grammaticaux qui s’inscrivent dans des espaces discursifs ou syntaxiques. 2.4 LES DIFFERENTS NIVEAUX DE LA LANGUE : ENTRE ESPACE LEXICAL ET ESPACE SYNTAXIQUE En fonction de ce que produit le signeur, signe lexical ou structure relationnelle, celuici ne va pas avoir le même rapport avec l’espace et va deux champs d’expression qui seront différents vont se construites. Il est important de pouvoir faire cette distinction ; c’est pour cette raison que nous allons tenter de développer ces notions, à travers la théorie développée par Risler10. 2.4.1 SIGNE LEXICAL Le signe lexical représente une image figée, statique comme les images que nous percevons au quotidien. A travers le signe lexical, le signeur va créer une référence qui sera partagée avec son interlocuteur. Risler propose une autre appellation pour ce terme, qu’elle nomme dans son article, entité. Par exemple le signe lexical [FLEUR] dans sa réalisation, réfère en premier lieu au concept de fleur, mais ne peut renvoyer à toutes les espèces de fleurs existantes. Il a une valeur et un aspect générique qui ne laisse pas, à ce niveau, de possibilités de variations. Nous pouvons dire que le signe lexical prend la valeur d’un hyperonyme, à savoir que c’est un terme général qui inclut le sens d’autres termes11. Le signe lexical, même s’il désigne une action (comme celle de prendre par exemple), apparait dans les dictionnaires de langue des signes sous forme d’une vignette, statique, figée. Les paramètres de configuration, orientation, position et 10 RISLER A. (2002) : « Point de vue cognitiviste sur les espaces crées en LSF : espace lexical, espace syntaxique », in LIDIL n°26 LIDILEM, Université Stendhal, Grenoble III, pp 45-62. 11 Selon la définition proposée par le Larousse électronique : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/hyperonyme mouvement ne peuvent varier. En effet, la caractéristique principale des signes lexicaux réside en leur capacité à être réalisés en dehors de tout contexte phrastique ou d’énoncé. Il diffère du mouvement produit en tant que prédicat verbal, apparaissant dans un discours tel que « je prends le bol »12. Egalement, le signe lexical est réalisé de manière « neutre », c’est-à-dire que le buste du signeur, les expressions du visage ne sont pas investis, du moins de façon moindre en comparaison à une situation énonciative. Les éléments qui sont dans ce type d’espace, sont du côté de l’image iconique. Le regard adressé à l’interlocuteur va permettre de créer une référence partagée avec ce dernier. Ce sont les signes lexicaux qui sont représentés dans les dictionnaires de langues signées. 2.4.2 ESPACE SYNTAXIQUE ET SIGNES GRAMMATICAUX Les signes, dès le moment où ils apparaissent dans des énoncés et qu’ils sont mis en discours, sont produits dans un espace dit « syntaxique ». Ce sont des signes grammaticaux également nommés relateurs. Dès lors, ils acquièrent une fonction verbale. Ils sont complémentaires aux signes d’entités, car leur rôle est de mettre en corrélation les multiples connexions entre chaque signe lexical, ceci par une organisation de l’espace. Divers procès tels que les changements d’état, de lieux, ou des processus de détermination, de qualification ; de repérage vont naître de ces mouvements relateurs au sein d’un espace grammaticalisé. Nous aurons donc compris que les relateurs, contrairement aux entités, sont empreints de dynamisme et sont en mouvement : on parle de signes défigés. Ils peuvent relier des notions lexicales, disposées dans des portions d’espace distinctes. Parce qu’il repose sur le principe de tridimensionnalité, le signe représente le mouvement des mains et du corps qui tracent dans l’espace une représentation qui fait sens. Pour reprendre les idées avancées par Risler, la description peut alors être faite selon trois dimensions. Tout d’abord, les paramètres temporels qui établissent l’ordre des constituants dans un énoncé. Ainsi, les différents procès constituants ce dernier sont disposés dans le temps comme une succession ou une simultanéité d’action. En effet, la particularité des LS est de pouvoir exprimer plusieurs opérations dans un même temps13. D’un point de vue syntaxique, un signe unique peut se traduire par un énoncé. Prenons l’exemple de la phrase ‘Je mange une 12 Nous reprendrons cet exemple dans la partie suivante 2.4.2 afin d’illustrer nos propos et de faire un lien entre les deux types d’espaces présentés ici. 13 Risler a pu développer ce point dans un article : « La simultanéité dans les signes processifs », in Glottopol n°7, janvier 2006, pp 53-71 pomme’, qui se traduira par une configuration à une main prenant une forme sphérique faisant référence au concept de [POMME]. Cette forme manuelle sera placée vers la bouche, associée à un mouvement de la mâchoire. Le corps du signeur va prendre la place du sujet de l’action ‘manger une pomme ‘. Ce simple geste associé à d’autres indices (le corps, le mouvement, les mimiques) va mettre en scène le signeur dans quelque chose qui « donne à voir »14. Les paramètres spatiaux permettent aussi de repérer si l’entité dont il est question est déterminée ou non. Ce procédé va s’effectuer successivement, le signe utilisé pour le déterminé, et celui pour le déterminant vont être placés de manière spécifique. Nous noterons que l’élément morphologique, qui par sa configuration manuelle reprend la référence du signe lexical, à savoir la proforme, constitue une base quant à la fonction de détermination, notamment dans la quantification. Les paramètres spatiaux quant à eux, ont pour rôle la disposition des entités dans l’espace syntaxique. Les critères d’origine, de trajectoires et de places sont essentiels pour situer le signe lexical. Comme énoncé plus haut, les emplacements qui vont être marqués tout au long du discours du locuteur sont appelés locus. Enfin, les paramètres formels renvoient à la configuration manuelle que va revêtir le signe grammatical. Fixe ou en mouvement, les relateurs vont prendre des formes en nombre limité. Pour une même entité, le signe grammatical varie selon le contexte (« l’homme est debout »→ index tendu ; « un homme assis »→ index légèrement replié). L’association simultanée des paramètres formels et spatiaux vont contribuer à créer une base prédicative. Ce noyau verbal est constitué de relateurs à plusieurs niveaux. Les verbes directionnels prennent tout leur sens en contexte et peuvent donc avoir un mouvement orienté : ils ont alors une valeur de procès. Dans l’exemple du verbe [ENVOYER], l’énoncé « il lui envoie une lettre » (d’un locus à un autre, n’impliquant pas le corps du signeur), ne va pas avoir le même mouvement directionnel que dans celui : « je t’envoie un mail » (point de départ : corps du signeur, vers l’espace en face de celui-ci point d’arrivée). De même, la configuration peut subir une modification lorsque cela concerne des prédicats ou des objets impliquant une forme de préhension. Dans l’énoncé « je prends un bol » présenté en 2.4.1, la forme manuelle varie au niveau de la configuration de l’entité [PRENDRE]. Afin de spécifier la taille, la forme ou et/le poids du bol dont il est question, le signeur va utiliser un outil particulier nommé proforme. Le signe lexical peut être également complété par un pointage qui aura la fonction d’assigner l’entité à une place particulière dans l’espace. Risler (2006 : 6) parle d’opérateurs de 14 Cf partie 2.2 sur l’iconicité des LS repérage, de localisation. Leurs formes peuvent varier en fonction de ce que l’on souhaite exprimer (main plate, index tendu…), elles vont s’adapter au contexte d’énonciation. Ainsi pour parler d’une ville étendue sur un espace important et situé sur la gauche du signeur, ce dernier mettra en forme de manière successive : [VILLE] + [Là] pointé avec la main plate qui va effectuer un mouvement circulaire sur la gauche dans l’espace syntaxique. L’importance du mouvement circulaire va dépendre de la grosseur de la ville. L’instauration d’un pointage va créer un locus. Dans le même syntagme verbal, il est tout à fait possible d’utiliser plusieurs pointages. Dans la suite de notre exemple ci-dessus, il est possible d’ajouter des informations complémentaires qui étayeront l’énoncé : [VILLE] + [Là] + Pointage Main plate Locus 1 [IMMEUBLE] + [Ici] pointage index tendu sur locus 2 (qui est un espace à l’intérieur-même du locus 1) Le second pointage associé au signe [IMMEUBLE] est un argument par rapport au locus 1 qui fonctionne comme un repère. Pour résumer, nous pouvons donc dire que les signes relateurs sont de nature diverses. On retrouve ainsi : - Les proformes qui sont des substituts anaphoriques de signes lexicaux. Elles peuvent se manifester par une configuration manuelle, mais le corps peut jouer le rôle de proforme. D’une certaine manière, les proformes peuvent être assimilées à des sortes de pronoms. Une proforme manuelle ou corporelle peut être totale ou partielle, c’est à dire qu’elle incarne soit l’ensemble de l’entité (par exemple, index tendu pour désigner la personne, la main plate à la verticale pour la voiture), soit une partie de cette entité (dans ce cas, on peut donner l’exemple des pattes d’un animal représenté par les index et majeures tendus). Il y a également possibilité de combiner une proforme manuelle avec une proforme corporelle. Dans l’énoncé : « la biche mange de l’herbe », le signeur désignera manuellement la biche par une proforme globale, et pourra représenter l’action de manger par des mouvements de ses mâchoires. Nous trouverons d’autres types de proformes : celles relatives à des contenants (exemple de [BOL] ) ou des proformes renvoyant à l’instauration de frontières ([IMMEUBLE]). - Les Spécificateurs de Taille et de Formes (STF) aussi appelés purs adjectifs, ont un rôle de qualificateur de l’entité. Ils se manifestent par des tracés et délimitations de forme dans l’espace qui vont caractériser le signe lexical. L’épaisseur ou la finesse, la grandeur ou la petitesse d’un objet ou être, va être représenté par un STF. - Les pointages sont des équivalents de pronoms. Ce sont des gestes désignant quelque chose ou quelqu’un. Lorsqu’il est associé à un regard dirigé sur l’espace pointé, le pointage a une valeur prédicative, anaphorique. Il va reprendre un argument de l’énoncé par désignation. En revanche, le pointage avec regard sur l’interlocuteur, a une autre valeur : celui de référence aux personnes. Comme le regard est adressé, il rentre dans la même catégorie qu’un signe lexical. Il prend pour fonction la première, seconde ou troisième personne en fonction de la direction vers qui l’index pointe. Les pointages « marqueurs de personnes » sont des déictiques car ils vont instaurer la création d’une nouvelle référence. Enfin, le pointage prend des fonctions et rôles différents lorsqu’il s’agit d’autopointage (= pointage en direction de soi-même). Quand il est associé à un regard vague et bref et qu’il y a une rupture dans l’adresse du regard, il correspond à un indice de prise de rôle. Aussi, dans la situation où l’autopointage est en lien avec un regard adressé, non à l’interlocuteur présent, mais à celui existant dans le cas d’un discours rapporté, le locuteur ne se désigne pas lui-même, mais celui évoqué dans le discours rapporté. Au-delà des éléments et outils linguistiques permettant d’élaborer des énoncés riches, les langues des signes ont un caractère prosodique. En effet, afin de marquer rythmiquement un discours les LS utilisent des paramètres spécifiques à la modalité visio-gestuelle. Le signeur par des procédés non-manuels (hochements de tête, haussements de sourcils, le regard…), mais aussi des pauses des moyens manuels peut, comme les locuteurs des LV, marquer la durée, l’intonation de son énoncé15. 15 Se référer aux travaux de NESPOR M., SANDLER W (1999) « Prosodic Phonology in Israeli Sign Language » Language and Speech, 42 (2&3), 143-176. Egalement SANDLER W. (1999), “Cliticization and Prosodic Words in a Sign Language” In Studies on the Phonological Word, Tracy Hall and Ursula Kleinhenz (Eds.), 223-255. Ce second chapitre a permis de poser les principes et caractéristiques des langues signées (paramètres manuels et non-manuels, iconicité due à la modalité visio-gestuelle, spécificités des espaces lexical et syntaxique, etc.). En lien avec la problématique de ce mémoire, il nous semblait important de définir d’une part, ce qui relevait de la composition dans les langues vocales (première partie), et d’autre part les phénomènes propres aux signes composés dans les langues signées (seconde partie). En effet, il semble primordial de bien dissocier le fonctionnement linguistique de ces deux types de langues dont les modalités sont différentes. L’objectif de ce troisième et dernier chapitre sera d’analyser, à travers un corpus choisi, la formation des composés dans le domaine du développement durable. L’intérêt sera de dégager, en lien avec des théories existantes sur le sujet, les caractéristiques linguistiques des signes composés en lien avec les caractéristiques propres aux langues signées. Le choix de la thématique du développement durable s’explique par le fait que nous estimons ce concept comme étant relativement récent. Cela signifie que ce dernier est sujet à de nombreuses créations lexicales. Le phénomène de composition étant en lien avec les néologismes, ce concept, ainsi que les termes associés à celui-ci, nous a fortement intéressés. Afin de soutenir nos dires, nous nous sommes appuyés sur deux sources distinctes. Ces dernières nous ont permis de créer un corpus sur lequel nous avons fondés notre analyse. Adaptées à la modalité visuelle des langues signées, nos sources sont deux supports proposant des images ou vidéos de signes, que nous avons étudiés le plus précisément possible. Notre premier support de travail est le Glossaire du Développement Durable, en ligne sur internet sous l’adresse : http://www.irit.fr/GlossaireDD-LSF/index.html. Nous nous sommes plus particulièrement intéressé à l’onglet « Promenade » qui propose le plus de signes lexicaux, chacun répertorié sous la forme d’une image-signe puis d’un photosigne. Une vidéo explicative du concept présenté est adossée à chaque signe, qu’il soit composé ou non. Dans le cadre de cette analyse, nous n’avons sélectionné que les signes composés. Le second support est une vidéo sur un séminaire donné à l’université Lille 3. La thématique du développement durable est traitée parmi d’autres. Nous avons retenu et enregistré les signes répondant aux critères d’un signe composé, afin de pouvoir dans un second temps les analyser. Le plan de ce chapitre se décompose ainsi : - dans une première partie, nous présenterons les supports de travail ayant permis la création de notre corpus. - Ensuite la méthodologie de travail sera brièvement présentée. - Puis nous situerons les signes du corpus dans un contexte particulier : celui de la création lexicale. - Le signe composé sera ensuite abordé et traité sous différents angles : morphologique tout d’abord (troisième partie), sémantique (quatrième partie) et enfin phonologique (cinquième partie). Les propos tenus seront illustrés par des exemples de notre corpus. ANALYSE DE SIGNES COMPOSES DANS LE DOMAINE DU DEVELOPPEMENT DURABLE 3.1 PRESENTATION DU CORPUS EXPLOITE ET METHODE DE TRAVAIL 3.1.1 GLOSSAIRE DU DEVELOPPEMENT DURABLE : CONCEPTION DU PROJET ET OBJECTIFS. 3.1.1.1 INTRODUCTION Le site internet « Glossaire du Développement Durable » propose un large choix de nouveaux concepts en LSF. Ce travail est le fruit d’une collaboration pluridisciplinaire entre différents professionnels (formateurs, interprètes, chercheurs en informatique) représentant des institutions multiples (ASP IRIS, IRIT, le CETIM, Université Toulouse 3). L’intérêt et la visée première de ce travail est de répondre aux besoins d’un public sourd quel qu’il soit (étudiants, enseignants, particuliers novices dans le domaine en question), ainsi qu’aux professionnels gravitant autour de la surdité (interprètes). Ce projet s’inscrit dans une logique d’accessibilité en lien avec le cadre législatif. Il permet également à un large auditoire d’accéder à une terminologie en LSF ciblée autour du domaine du développement durable. 3.1.1.2CONCEPTION DU GLOSSAIRE En lien avec une conférence tenue par François Moisan16 sur le « développement durable », ce travail multipartite permet d’exposer de manière visuelle et interactive des notions complexes, s’inscrivant dans ce domaine. Composés de mots associés à des « imagesignes » ou « photosignes17 » correspondant aux notions présentées, ce glossaire arbore une trentaine de concepts. Pour un(e) même image/photosigne associé(e) à un concept, un lien vidéo permet de mettre en contexte ce dernier à travers une explication illustrée. Dans le cadre de ce travail d’étude de la LSF et plus spécifiquement concernant la branche du développement durable, cette source nous est apparue riche et indispensable pour notre analyse des signes composés. En effet, au-delà de la profusion de concepts traduits en LSF, ce 16 F.Moisan est directeur scientifique de l’ADEME, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie. Il est également Président du comité efficacité énergétique du Conseil Mondial de l’Energie depuis 1998, Docteur en Sciences Economiques de l’université de Grenoble. 17 Photosigne est un logiciel permettant de réaliser des représentations du signe, de sorte que les caractéristiques premières de ce dernier apparaissent en image. site propose une explication des notions abordées. Cela permet ainsi d’articuler le signe présenté hors-contexte avec son intégration dans le discours. 3.1.2 SEMINAIRE LSF A L’UNIVERSITE LILLE 3 Un autre support nous a été bénéfique grâce à la richesse de son contenu : un DVD réalisé par les étudiants du Master Interprétariat LSF/Français de Lille 3. Ce dernier présente un séminaire animé par Olivier Fidalgo18, guide-conférencier sourd à la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris. Les exigences de ce métier conduisent très régulièrement ce médiateur à créer de nouveaux signes afin de rendre les expositions accessibles au public sourd et malentendant. Au fil de ce séminaire, Olivier Fidalgo présente le vocabulaire spécifique à trois secteurs particuliers : l’environnement, les nouvelles technologies et les épidémies. Nous nous sommes restreint à l’étude des signes composés ayant trait au domaine environnemental, les autres n’étant pas pertinents dans le cadre de notre analyse. Après de multiples visionnages, des constats très intéressants ont émergé de ce DVD et l’ajout d’autres signes a contribué à agrandir notre corpus. 3.2 DES SIGNES ENCORE INSCRIT DANS LE PROCESSUS DE CREATION LEXICALE Il est important de préciser que ce travail d’analyse s’inscrit dans un environnement linguistique spécifique, à savoir que les signes composés qui vont être étudiés ici sont pour la plupart des néologismes, des créations lexicales non répertoriées dans les dictionnaires. L’apparition de nouveaux mots ou de nouveaux signes, quelle que soit la langue en question, trouve de multiples explications. La plus évidente concerne l’évolution scientifique et des nouvelles technologies. De nouveaux concepts, outils, voient le jour et il est nécessaire de les nommer pour pouvoir en parler. En France, le vocabulaire dit « technique » de la LSF s’est beaucoup développé en lien avec la promulgation de la loi 2005 sur l’accessibilité19. Cette même année, la Langue des Signes 18 Vidéo réalisée le 3 mars 2011 19 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647&dateTexte=&categ orieLien=id Française a été reconnue légalement comme langue à part entière. Ces deux évènements se sont traduits par l’accès des personnes sourdes à l’information et pour certaines d’entre elles, aux études supérieures ou formations techniques adaptés. A travers le vocabulaire sélectionné et analysé pour cette étude, nous constatons que notre corpus s’inscrit bel et bien dans ce processus de création lexicale. Les signes proposés ne sont pas complètement figés ; on le constate en partie par la multiplicité des signes suggérés pour un même concept. Nous avons conscience toutefois que beaucoup d’entités (telle que le concept de mère pour ne citer que celui-ci) possède une multiplicité de signes tous valables. Cependant, nous avons constaté que les signes ayant attrait au domaine du développement durable, sont souvent associés à des définitions permettant ainsi d’éclaircir le concept dont il est question. Cela signifie que ces signes ne sont pas encore stabilisés, qu’ils sont encore en plein processus de créativité. 3.3 METHODOLOGIE DE TRAVAIL Avant d’entrer un peu plus dans le vif de notre analyse sur les signes composés, il nous semblait nécessaire de décrire la méthode utilisée pour traiter les données recueillies. En effet, nous avons dû dans un premier temps, sélectionner les informations mis à disposition par les deux supports de travail (site du Glossaire et DVD du séminaire). Comme ces sources recélaient d’une quantité de signes avec différentes formes, il nous a fallu les visionner plusieurs fois, pour distinguer ce que nous considérions comme des signes simples, et ceux relevant de la composition nominale. Nous avons fondé notre sélection de signes composés selon la définition de ce concept présentée en 3.4.1. Ainsi nous avons établi un corpus d’une quinzaine de signes composés, se répartissant de la manière suivante : - Concernant le Glossaire du développement durable, nous avons répertoriés 11 signes, uniquement formés par successivité de lexèmes. - Pour le séminaire universitaire animé par O. Fidalgo, 8 signes ont été repérés dans le DVD : la moitié d’entre eux sont des composés établis par le procédé de successivité, l’autre moitié est composée de lexèmes apparaissant simultanément. Par la suite, une étude approfondie de ce corpus a été menée. Afin de ne pas perdre de temps, nous avons enregistré les séquences et les images où figurent les composés à l’aide d’un logiciel permettant la capture d’écran et l’enregistrement. Nous avons indexé ce corpus dans un document annexe. Ce travail a demandé plusieurs séances de visionnage afin de pouvoir dégager les unités lexématiques participant à la formation de chaque signe composé. Egalement, ce support de travail a permis de dégager les principales tendances spécifiques aux signes composés. 3.4 LES SIGNES COMPOSES 3.4.1 DEFINITION Tout comme dans le chapitre 1 concernant la composition nominale dans les langues vocales, nous nous engagerons à développer le concept de « signe composé ». Nous parlerons donc de signe composé en nous référant à l’article d I. MEIR & al.20. Ces auteurs définissent le signe composé comme la combinaison de deux signes pour en former un nouveau. Chacun des éléments constituant le signe composé, revêt toutes les propriétés d’un signe lexical, à savoir : 1) Des traits saillants formant un signifiant (HC, M, L) 2) Une forme visuelle ayant un sens stable 3) Une existence autonome en discours Contrairement aux composés dans les langues vocales21 contraints par le principe de linéarité ou séquentialité, les langues signées proposent, en plus de cette possibilité, un procédé que ne connaissent pas les langues audio-vocales : la composition simultanée. La composition séquentielle, implique la combinaison de deux signes lexicaux ou lexèmes, l’un après l’autre. La question de la temporalité est donc bien présente. Quant à la composition simultanée, elle consiste à mettre en saillance deux configurations, mouvements dans l’espace, et cela de façon synchrone. Comme nous allons le voir par la suite, ce procédé impose certaines contraintes d’ordre physiques (le corps du signeur) et temporelles. Nous étudierons à travers les composés sélectionnés formant notre corpus, que la majorité des signes sont effectués dans la séquentialité. Toutefois quelques-uns d’entre eux présentent des formes en simultanée. Il est important de préciser que selon notre analyse sur les composés, les trois propriétés du signe lexical s’appliquent aussi bien aux composés produits en successivité, qu’à ceux concernés par la simultanéité. 20 Meir, Irit, Aronoff, Mark, Sandler, Wendy & Padden, Carol (2010). “Sign languages and compounding”. In S.Scalise & I.Vogel (Eds.): Compounding. John Benjamins, 301-322. 21 Cf chapitre 1 traitant de la composition nominale Ainsi, nous réfuterons la théorie de Dubuisson22 s’appuyant sur la composition simultanée avec classificateur(s). En effet, l’auteure inclut les classificateurs comme éléments participant à la composition nominale. Or les classificateurs ne répondent pas aux propriétés du signe lexical dans le sens où qu’ils ne possèdent pas de signification propre. Comme stipulé en 2.3.2 les classificateurs ne sont que des marqueurs grammaticaux, et dépendent toujours d’un signe lexical. Prenons l’exemple (1) qui illustre ce phénomène. Le signeur présente deux configurations manuelles différentes, qui sont toutes deux des classificateurs. La main gauche représente une reprise de frontière dont la forme est décrite par « 5 doigts écartés et légèrement repliés », la seconde est une reprise de forme « 3 ». La main gauche est statique et sert de support-locus à la main droite en mouvement. Ce sont clairement des classificateurs qui sont présentés ici. Dans la séquence vidéo, le signeur, par le biais de paraphrases précédant le signe en question, explique que la main-support dessine une sphère à deux mains. Celle-ci va être réduite sur une main (la gauche) afin de représenter le concept de [PLANETE]. La main droite, quant à elle, reprend les 3 domaines définissant la notion de développement durable à savoir le milieu économique, social et environnemental. Le mouvement produit qui s’éloigne du corps du signeur, reprend le mouvement du signe [INFINI]. Il aurait difficile, voire impossible à l’interlocuteur lambda de déduire le sens de ces deux classificateurs sans avoir connaissance du contexte. Supposons toutefois que ces deux éléments remplissent les conditions de la propriété 2) (à savoir un sens stable attribué à la forme), ils ne peuvent répondre à celle proposée en 3) car en dehors du contexte, on ne peut attribuer de sens à ce type de signe. Les classificateurs ne peuvent avoir un rôle sémantique autonome, puisque leurs fonctions sont grammaticales et qu’ils sont toujours associés à des unités lexicales qui créées des références. (1) Développement durable 22 DUBUISSON C. (1996), Grammaire descriptive de la LSQ, tome 2 « Le lexique », université du Québec, Montréal 3.4.2 POINT DE VUE MORPHOLOGIQUE 3.4.2.1 LE SIGNE LEXICAL A DIFFERENCIER DES SEQUENCES SYNTAXIQUES Cette sous-section nous amène à considérer le signe composé comme différent d’une suite de composants linéaires inscrits dans un contexte phrastique. Un signe composé représente une unité lexicale à part entière. Comme nous l’avons vu pour la composition nominale des LV à travers divers procédés, il est également possible de repérer cette différence pour les LS. Quels vont être les marqueurs dans les langues signées qui vont permettre de repérer un signe composé, le différenciant d’un signe simple inscrit dans une suite syntaxique ? La création d’une nouvelle entité par la composition de deux lexèmes, produit des changements qui permettent de distinguer la nouvelle entité des deux signes lexicaux dont elle est issue. Les principales tendances que nous avons pu déduire de l’observation de notre corpus sont les suivantes : - La transition entre les deux lexèmes est plus fluide que s’il s’agissait de deux signes indépendants liés par leur ordre dans un syntagme verbal (règle seulement valable pour les signes effectués dans la successivité car la simultanéité n’implique pas de transition : les deux lexèmes sont produits dans le même temps). Les bras ne se replacent pas forcément le long du corps en position neutre. Ils conservent l’emplacement du premier lexème crée pour enchainer avec le second signe par le biais d’un mouvement continu. Il y a une suite des deux signes lors de la production du composé. - Le signe composé a une durée moindre de celles de ses deux composants produits successivement dans un contexte phrastique. Le composé n’est généralement pas beaucoup plus long qu’un signe lexical simple. Dans les deux supports relatifs à notre étude thématique du développement durable, nous avons relevé des signes simples tels que [ENVIRONNEMENT] ou [NUCLEAIRE] (2) et bien d’autres23. Sur un échantillon de 15 signes simples empruntés au glossaire et au DVD, nous constatons qu’en moyenne, leur durée d’effectuation est de 1.14 secondes. Pour des signes composés qui s’effectuent dans la successivité, on remarque que le temps est légèrement plus élevé, mais ne correspond pas à l’addition de deux lexèmes, il est bien moindre. Sur un nombre de 15 signes effectués dans la successivité et appartenant à notre corpus, la durée moyenne varie entre 1.4 et 1.5 secondes Pour ce qui concerne les signes formés dans la simultanéité de deux lexèmes, l’hypothèse se vérifie plus facilement étant 23 Cf liste de signes chronométrés en annexe donné que la moyenne de la durée de ce type de composés est de 1 seconde et 3 centièmes.24 (2) Environnement - Nucléaire Le mouvement du premier lexème tend à être réduit ou effacé, pour se lier au second lexème. C’est un phénomène qui est certes apparent pour certain signes, mais qui n’a pas été vérifiable pour la majorité des signes. Il serait toutefois nécessaire de vérifier si cette tendance peut être constatée avec des composés issus d’autres domaines d’analyse. - Le second lexème peut être anticipé dans sa réalisation lorsque le premier lexème ne nécessite qu’une main, la main libre prend la position du second lexème. Ce point a été avancé par Dubuisson (1996) dans ses travaux sur le lexique. Cet aspect de la compositionnalité est à noter, mais n’est cependant pas le plus saillant. Certes, on remarque que la main non-utilisée se rapproche de l’emplacement qu’elle doit prendre pour produire le mouvement du second lexème. Toutefois, dans notre corpus, nous ne disposons pas d’assez d’éléments d’analyse pour soutenir fermement ce point. Seuls un ou deux signes composés sont concernés par cette tendance. - A l’inverse du point précédent, le premier lexème, lorsqu’il est produit à deux mains, peut être maintenu dans l’espace du signeur lorsque le second lexème est effectué et qu’il ne nécessite qu’une seule main. Ce constat a pu être fait sur des signes tels que maison passive où le lexème [MAISON] est maintenu par la main non-dominante dans la forme conservée, ceci lorsque le lexème suivant (à savoir [SEUL, AUTONOMIE]) est produit par le signeur. 24 Cf annexe concernant la durée des signes En revanche, dans les situations où une suite de lexèmes autorise l’intégration de composants non-manuels, c’est-à-dire des marqueurs grammaticaux (regard portés sur les mains ou sur l’espace syntaxique, expressions du visage sur un des lexèmes), alors on ne peut considérer que cette suite de lexèmes relève de la composition. En effet, nous rappelons que le signe composé est l’association de deux signes permettant d’en former un nouveau. Les éléments grammaticaux, tels que classificateurs, éléments non-manuels ne peuvent participer à la formation d’un composé. Afin d’illustrer nos propos, prenons un exemple au sein de notre corpus. Dans le Glossaire du Développement durable, nous trouvons le photosigne pour biodiversité (3) réalisé par NATURE^DIVERS. Il s’apparente à un signe lexical de par le regard adressé à l’interlocuteur (la caméra), la durée de production de la séquence est réduite à celle d’un lexème simple, le mouvement de transition entre les deux lexèmes est fluide. Parallèlement à ce composé, nous avons trouvé les deux éléments (NATURE et DIVERS) en contexte phrastique, dans un énoncé concernant la notion de réponses positives (4). Ici, on perçoit certes les mêmes signes, placés sur les mêmes loci, mais déjà le mouvement est plus lent, il en lien avec le contexte phrastique qui les précèdent. Surtout, on constate que le second élément, à savoir [DIVERTS, ETC] est accompagné d’une mimique du signeur (froncements des sourcils et plissement des yeux très prononcé), alors que ce n’est pas le cas pour le premier élément. Cela indique que le second lexème porte une marque grammaticale : il pourrait avoir le même statut qu’un mot-forme. Le regard intensifie le concept en question et annule l’idée que [NATURE] et [DIVERS] puissent être associés pour former un composé. On apparentera (3) à un signe composé, séquence relativement figée, en comparaison de la séquence (4) qui est composée de mots-formes. (3) Biodiversité (espace lexical) (4) « (…) la nature, et diverses choses... » (espace syntaxique) Du fait que la langue des signes utilise les mains pour produire les signes (associées à d’autres éléments et paramètres, cf partie 2), et qu’un locuteur lambda possède deux mains25, un choix de configuration s’offre au signeur dans la production d’un signe composé. Il sera ici question de lexèmes unimanuels (à une main) et/ou bimanuels (à deux mains) que nous allons étudier à travers les deux types de composition. 1.4.2.2 FORMATION DES SIGNES COMPOSES FORMES EN SEQUENTIALITE Au sein-même de notre corpus, nous remarquons que dans la majorité des cas, les deux mains du signeur sont sollicitées dans la production d’un des deux lexèmes. Le second lexème est soit unimanuel (comme pour [AGRICULTURE BIOLOGIQUE]), soit bimanuel ([DEVELOPPEMENT DURABLE])26. Le composé peut commencer par un lexème bimanuel, (comme c’est le cas pour [ENERGIE RENOUVELABLE]), ou par un unimanuel [ECO-ENERGIE]. Il est également possible que les deux lexèmes soient composés des deux mains comme en (5). Cependant, nous constatons qu’aucun des signes composés participant à ce corpus du développement durable n’est formé de deux lexèmes unimanuels. C’est pourtant une configuration possible dans les langues des signes, que l’on retrouve en LSF dans beaucoup de signes exprimant la négation comme ‘ne pas connaître’, ‘aucun intérêt’, ‘ne pas avoir dormi de la nuit’ équivalent de ‘nuit blanche’. 25 Nous mettrons ici de côté les situations exceptionnelles où le locuteur de la LS ne peut signer qu’à une seule main, soin parce que son autre main est occupée, soit parce qu’il n’en a plus l’usage. 26 Cf Annexe Egalement en LSQ, les termes de ‘madame’ et ‘monsieur’ par exemple sont formés de deux lexèmes unimanuels. Dans la même langue, le verbe deviner va être composé du lexème [PENSER] HC : index levé ; L : tempe du signeur ; M : tracé s’élevant, suivi de [PRENDRE/SAISIR] HC : doigts écartés ; L : espace ; M : action de saisir. (5) Energie renouvelable : FORCE^PROPRE 1.4.2.3 FORMATION DES COMPOSES EN SIMULTANEE Pour ce type de formation des composés, la question de lexèmes uni ou bimanuels ne se pose pas, dans la mesure où la simultanéité impose, dans le cadre de signes composés, que les deux lexèmes mobilisés dans la production d’une nouvelle entité, soient unimanuels. On pourrait considérer que ces signes ne relèvent pas de signes lexicaux propres, mais renvoient plutôt à des classificateurs, n’ayant objectivement pas de sens propre. Cette théorie rejoint celle proposée par Dubuisson, qui, dans son ouvrage intitulé Grammaire descriptive de la LSQ, propose des signes composés par combinaison de classificateurs. Selon cette auteure, ces éléments de construction de composés ont chacun un sens propre. Nous n’adhérons pas à cette idée, puisque nous considérons les classificateurs comme appartenant à la classe grammaticale, ne pouvant donc jouer le rôle d’une entité lexicale. Notre approche sera tout autre : nous pensons que les composants du signe composé sont des lexèmes tronqués. Pour chacun des lexèmes effectués avec une main, on constate que nombreux d’entre eux sont habituellement produits avec deux mains comme pour [MAISON] ou [ENERGIE] qui sont les composantes de notre exemple (6). Cependant, comme le corps ne se limite qu’à deux mains, les lexèmes investis par les deux mains habituellement, se voient ici contraints d’être tronqué. Lorsque nous parlons de troncation, nous partons du postulat que le signe qui a été « amputé » était un lexème, et que ce qu’il reste de cette diminution, fait encore office de lexème. Le principe d’économie de la langue s’impose ici à la LSF de par les contraintes physiques en lien avec la modalité visio-gestuelle. Nous retrouvons le même type de formation en simultanée pour les concepts d’énergie éolienne et énergie hydraulique27. Pour ces deux signes composés, la forme des lexèmes est principalement mise en saillance. Le lexème [ENERGIE] que l’on retrouve aussi dans les composés panneau solaire et énergie éolienne, est également motivé par son mouvement, mais aussi sa localisation. En fonction de la notion avec laquelle il est associé, [ENERGIE] ne sera pas placé au même endroit : sa localisation est spécifique à chaque contexte dans lequel il intervient. Dans le composé panneau solaire,(6) son emplacement est situé relativement haut dans l’espace de signation (au niveau du visage du signeur) car l’énergie qui est évoquée ici est provoquée par le soleil. Au contraire, [ENERGIE] utilisé pour énergie éolienne va être produit au niveau du buste du signeur car l’élément à la source de cette énergie est le vent, signé au même niveau que l’éolienne. (6) Panneau solaire : MAISON^ENERGIE Parmi nos données, le composé pour auto-partage (7) ([VOITURE] et [PARTAGER]) est un signe en simultanée qui diffère du modèle de formation présenté plus haut. En effet, le concept de [PARTAGER] se manifeste non pas par une configuration manuelle tronquée, mais uniquement par son mouvement. Cela signifie que le signe [VOITURE] va porter, au-delà de son prendre sens, à celui de la notion du second lexème de par son mouvement. [VOITURE] est effectué avec les deux mains et simultanément déplacé dans l’espace d’un locus à un autre, signifiant la notion de partage. On trouve donc ici un patron original de création lexicale produit par le phénomène de simultanéité. 27 Cf annexes « Corpus » établi de signes composés (7) Auto-partage En prenant du recul sur ce qui a été énoncé il serait intéressant de se demander si le phénomène de simultanéité peut être considéré comme productif en matière de composition. Contribue-t-il à la création de nouvelles entités lexicales ? Ou bien la simultanéité n’est seulement un processus spécifique aux énoncés syntaxiques? Actuellement, les études sur la composition simultanée telles que Dubuisson a pu le faire, ne valident pas l’hypothèse présentée dans ce travail. En effet, elles ne prennent en considération que des signes combinés à des composants qui ne correspondent pas à notre définition du lexème. Elles considèrent que les classificateurs peuvent être des éléments de formation du composé, alors même qu’ils relèvent de la dimension grammaticale et qui de ce fait, n’ont pas de sens propre. Les travaux de Sandler rejoignent ceux de Dubuisson, sur le principe où son étude du signe composé se focalise sur les bases verbales et les constructions à base de classificateurs. Aucune de ces deux auteures ne traite la composition par signes ayant une valeur lexématique comme nous le présentons dans ce travail. Sur un autre registre, la simultanéité compositionnelle est un sujet abordé par Risler, mais elle est associée aux signes processifs. Ceux-ci sont associés à des signes ou éléments nonmanuels qui réfèrent à la grammaticalité. Cette théorie ne valide également pas nos propos avancés. 1.4.2.4 EXEMPLE DE FORMATION ORIGINALE D’UN SIGNE COMPOSE Lors de l’analyse des signes composés répertoriés selon qu’ils mettent en jeu la séquentialité ou la simultanéité, nous avons remarqué une suite très intéressante puisqu’elle combine à la fois séquentialité et simultanéité dans sa production. Il s’agit de la composition proposée pour le terme de photosynthèse (8), composé des lexèmes [FEUILLE] et [ENERGIE]. Le locuteur débute en faisant le signe pour [FEUILLE]. Plutôt que de poursuivre en effectuant [ENERGIE] avec les deux mains28, comme cela est fait pour les composés formés de lexèmes en séquentialité, le signeur opte pour un maintien du lexème 1 et poursuit en réalisant le lexème 2 (à une main) par un mouvement en direction du lexème 1. Cette production diffère de la tendance des signes composés à maintenir le premier lexème dans un but économique. Dans cette situation, le lexème 1 garde volontairement le même emplacement, que le locuteur va utiliser pour accomplir le second. Il semblerait bien que le signe [FEUILLE] dans sa version tronquée, instaure l’établissement d’un locus. Ce qui fait l’originalité de ce signe composé est le fait qu’il cumule séquentialité et simultanéité. La question se pose alors : dans quelle catégorie ce signe soit-il être répertorié ? (8) [FEUILLE] 3.5 ETUDE SEMANTIQUE DES TRANSPARENCE ET OPACITE [ENERGIE] tronqué Sur locus de [FEUILLE] SIGNES COMPOSES : ENTRE Lorsqu’il est question du sens que revêt un signe composé, on peut se demander si le processus est le même que pour les LV. A savoir que le composé nominal issu de la concaténation de deux lexèmes, peut soit revêtir un sens nouveau (exemples de casse-pied ou rouge-gorge), soit un sens nouveau mais calculable à partir du sens de ses parties (comme pour oiseau-mouche par exemple). C’est ce que nous avons traité dans le chapitre 1 comme 28 Cf Corpus en annexe où les lexèmes composant ce signe composé sont présentés dans leur unité. étant des composés exocentriques ou endocentriques. Concernant les LS, on remarque qu’en général, le sens des composés relève de la simple addition du sens des deux composants identifiés dans la production du composé, comme le présentent ces trois exemples (9). D’un point de vue sémantique, les signes composés de notre corpus sont relativement transparents en ceci que leur sens est compositionnel. Si on prend l’exemple de Pollution de l’air, on remarque que les deux lexèmes qui forment le composé sont respectivement [POLLUTION] suivi de l’entité [AIR]. Le constat est similaire pour le signe composé [SOBRIETE ENERGIQUE] qui est formé par le lexème [ECONOMIE] (qui est proche du sens de sobriété) et le lexème [ENERGIE]. On constate que dans ces deux cas de figure, le sens de chaque lexème additionné pour former le signe composé, correspond au sens de la nouvelle entité composée. Le sens de ces signes composés est clairement endocentriques. (9) Eco-énergie Sobriété énergique Pollution de l’air Le corpus comprend toutefois des séquences de signes dont le sens, a priori compositionnel, ne correspond pas exactement à la somme des lexèmes qui forme le signe composé. C’est le cas pour empreinte écologique (10). D’un point de vue sémantique, on réalise que le lexème [ORIGINE] dans sa définition la plus courante («Première apparition, première manifestation d'un phénomène; instant où celle-ci se (s'est) produit(e) »29), ne peut être directement associée à l’idée d’empreinte. Dans cet exemple, il est important de prendre en considération le terme d’empreinte dans le contexte spécifique du développement durable. La définition donnée pour empreinte écologique30 implique la notion de ressources naturelles, matière première, ressource originelle de la planète², qui est signifié en LS par le signe [ORIGINE] (la notion de ressources étant ici sous29 Définition tirée du TLFi : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3944009265; « L’empreinte écologique est la surface correspondante de terre productive et d’écosystèmes aquatiques nécessaires à produire les ressources utilisées et à assimiler les déchets produits par une population définie, à un niveau de vie de matériel spécifié.'' Définition tirée du Dictionnaire de l’environnement : http://www.dictionnaire-environnement.com/empreinte_ecologique_ID1038.html 30 entendue). Ce composé prend donc un sens qui ne peut pas être directement déduit de la somme de ses éléments. On peut donc considérer que ce composé est sémantiquement opaque, dans la mesure où on ne peut interpréter littéralement la suite des signes qui le composent. (10) Empreinte écologique : ORIGINE^ECOLOGIE Pour les signes composés produits par la simultanéité des unités, l’opacité sémantique est encore plus flagrante lorsqu’elle met en jeu la troncation des deux éléments du signe composé. Il n’est pas évident de savoir à quoi se réfèrent les deux signes tronquées sans avoir une explication exhaustive. Prenons le signe attribué à [ENERGIE HYDROLIQUE] proposé en (11) : ce composé est formé des signes [MER] et [EOLIENNE]31. La troncation est un facteur qui favorise cette opacité sémantique et l’aspect contextuel est très important pour ce type de signe composé. (11) Energie hydraulique 31 Cf Annexe « Corpus » Le lexème bio- (si on le considère comme une unité lexicale indépendante, comme le stipule Mathieu-Colas32), est une entité qui dans les composés du corpus, apparaît sous différentes formes. Bio- est un élément que l’on retrouve dans de nombreux composés. Selon la définition proposé par le TLF33, bio- lorsqu’il rentre dans la formation de composés, va « désign(er) des concepts ou des phénomènes en rapport avec la vie organique ». A l’intérieur-même de notre corpus, il va tour à tour être représenté par le signe [ECOLOGIE, VERT], ou [NATURE, NATUREL], ou encore [PROPRE] (12). Nous avons également pu repérer dans un signe du corpus, une transcription du lexème par l’épellation B.I.O. On remarque donc que certains signes composés vont être formés avec des lexèmes proches sémantiquement, mais qui peuvent matériellement (dans la gestualité, le mouvement surtout) être très différents. Ce phénomène n’est pas spécifique à la notion bio. En effet, la richesse des langues signées tient du fait qu’une multitude de signes permettent de désigner un même concept. Ces variations vont dépendre du contexte dans lequel la notion s’inscrit. Le sens de chaque signe reste cependant très proche les uns des autres. (12) Biogaz Biocarburant 32 Biodiversité MATHIEU-COLAS M. (1996), « Essai de typologie des noms composés » in Cahiers de lexicologie, 69, pp 71-125 33 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=3776892465;r=1;nat=;sol=0; 3.6 APPROCHE PHONOLOGIQUE DES LS : LA QUESTION DE LA SYLLABE C’est à travers William Stockoe, premier linguistique que nous avons découvert que les LS avaient un niveau de signification phonologique. En effet, il est le premier linguiste à avoir démontré que les LS, tout comme les LV, avaient une structure comprenant différents niveaux de signification, dont une rattachée au domaine phonologique. Cependant, on ne pourrait comparer la forme et l’organisation de ces deux modalités. Langues orales et langues signées reflètent le même système cognitif, mais leur différence porte sur la transmission physique du message, orale d’un côté, gestuelle de l’autre, qui a une incidence sur la production phonologique. Dans son article, Sandler (2008) considère que les LS possèdent des syllabes, et tente de montrer que la syllabe des LS et des LV a des similitudes/ressemblances, mais également des différences. Selon cette auteure, la syllabe en LS est un mouvement-trajectoire de la main d’un locus à un autre. Ce mouvement est simple et présente soit une ouverture, soit une fermeture de la main. La configuration manuelle accompagnée d’une séquence LML, correspond à ce que Sandler désigne comme étant une syllabe du signe (cf schéma cidessous) En LS, une unité lexicale correspond au même patron phonologique répété selon le nombre de lexèmes inclus dans le signe (sur le modèle proposé par Stockoe : théorie sublexicale des lexèmes en ASL) : Configuration manuelle (HC) Localisation L Mouvement Localisation M Composition d’une unité syllabique en LS L A partir de cette théorie, comment la syllabe va-t-elle se manifester dans les signes composés ? Afin d’argumenter en faveur de l’existence des syllabes, il faut pouvoir distinguer celles-ci des autres éléments tels que le lexème et l’unité lexicale. Ce schéma illustre les possibilités offertes aux noms composés en LS (sur le principe où ces derniers sont formés d’au moins deux lexèmes). Signe composé 1 L 2 L L L OU Unité monosyllabique Unité bisyllabique = lexème = Syllabe Le signe composé d’un point de vue morphologique et phonologique. Deux possibilités au niveau phonologique Parmi notre corpus, certains signes présentent la configuration de signes bisyllabiques : dans ce type de signe, un lexème correspond à une syllabe. Si on prend l’exemple du signe pour développement durable proposé par le Glossaire du développement durable (13), on remarque que le signe [DEVELOPPEMENT] représente une unité phonologique à elle seule puisqu’elle a recours à une séquence LML. La localisation de départ diffère de celle d’arrivée de par le mouvement produit afin de signifier la notion en question. Dans un second temps, les mains reprennent place au centre de l’espace du signeur, dans une continuité qui rend l’action fluide. Il n’empêche pourtant que le signe [INFINI] réenclenche une nouvelle séquence localisationmouvement-localisation avec un locus de départ qui s’apparente fortement à celui de développement. (13) En revanche, l’emplacement d’arrivée est bien différent de ce qui a été produit au préalable. La main du signeur s’éloigne vers l’avant de l’emplacement initial. D’un point de vue formel, on remarque que les deux signes sont liés : certaines tendances évoquées en 3.4.2.1 sont vérifiées dans ce composé (dont celle du mouvement qui prévaut sur les autres). Il serait possible de considérer ce signe comme monosyllabique sur le principe où il n’y a pas de rupture dans le mouvement qui lie les deux lexèmes, et que par conséquent les seuls locus identifiables se résument à celui que l’on retrouve au commencement du signe [DEVELOPPEMENT] que nous appellerons L1, et à l’emplacement où s’achève le signe [INFINI] nommé L4. La fluidité du mouvement permet une fusion des localisations situées au cœur du signe composé (effacement de L2 et L3). Dans le cadre de cette étude, nous opterons pour ce dernier point de vue, où le signe composé est généralement considéré comme une unité monosyllabique, à condition que ce dernier remplisse les conditions d’un composé. Le schéma ci-dessus résume ce processus. HC 1 HC 2 HC (1+ 2) ⇒ L1 M L2 L3 M L4 L1 M L4 Concernant les composés qui découlent du phénomène de simultanéité, l’hypothèse présentée s’applique d’autant plus pour ces derniers qu’ils n’engagent qu’un seul mouvement associé à deux localisations. La notion d’énergie éolienne (14) illustre nos propos : le composé est certes formé d’une configuration manuelle différente pour chaque main. Comme nous avons pu le présenter au cours de cette analyse, nous adhérons à l’idée que chacune de ces configurations représente un lexème tronqué. Dans notre exemple, une des deux mains représentant le signe [EOLIENNE], reste figée (c’est-à-dire ne présente aucun mouvement) sur un emplacement particulier. Cette localisation (L4) va servir de repère pour le second lexème en mouvement [ENERGIE], qui va effectuer des va-et-vient entre son locus de départ (L1) et ce dernier. On retrouve donc la séquence LML représentative d’une unité syllabique. (14) Energie éolienne Tout au long de cette sous-partie, nous avons émis des hypothèses, tenté de démontrer que les signes composés en LSF relevaient d’unités monosyllabiques. Quelles sont les raisons pouvant expliquer que les signes composés relèvent de ce type de formation phonologique ? Nous supposons que ce processus relève d’une forme d’économie articulatoire dans le sens où les locus placés au centre de la production sont « effacés » au profit du trait de mouvement. Ce phénomène phonologique pourrait être en corrélation avec la prosodie, car la formation des signes composés sont en lien avec leur durée de réalisation. Il serait possible que les locus L1 et L4 jouent le rôle d’accents, marquants ainsi le début et la fin du signe. CONCLUSION A travers ce travail de recherche, nous pensons avoir apporté quelques éléments de réponses à la question au cœur de notre analyse : comment se forment les signes composés ? Ayant posé les principes théoriques concernant la composition nominale pour les langues vocales, nous avons établi un cadre définitoire qui nous a permis de nous situer dans une morphologie prônant le lexème comme unité de base de notre analyse. Langues des signes et langues vocales n’ont pas recours au même canal pour permettre l’échange d’information, l’expression de pensées ou sentiments. L’étude de la composition nominale ne pouvait donc pas être axée sur une comparaison LV/LS puisque la modalité de chacune impliquée des processus différents. De fait, il semblait nécessaire de consacrer un chapitre de présentation des langues signées, afin de comprendre par la suite, le concept de signe composé. En effet, nous pouvons dès lors penser la composition nominale des signes en LS comme un processus original. En effet cette dernière suppose des phénomènes de séquentialité connus également par les langues vocales, mais surtout et avant tout, un procédé qui offre la possibilité de former des signes composés sur la base d’une simultanéité de lexèmes. A l’aide du corpus établi, nous avons illustré les phénomènes de séquentialité et simultanéité comme des procédés permettant la création de signes composés. Cela suppose que des conditions spécifiques en matière de mouvement, de durée, de réduction, de maintien d’anticipation soient appliquées dans la réalisation des lexèmes. Aussi, la formation de signes composés ne peut intégrer de marqueurs grammaticaux étant donné que le composé s’inscrit dans le schéma du signe lexical hors contexte phrastique. C’est en cela que nous pouvons percevoir la nuance entre la composition et une séquence de signes relateurs. Ainsi des amalgames entre ces deux formes opposées peuvent être évités. C’est pour cette raison que nous avons fait le choix de ne pas considérer le classificateur comme une unité entrant dans la composition nominale. Nous avons opté pour une représentation du signe composé en simultanée, où chaque unité est formée de signes tronquées, mais dont le sens est préservé. Parmi ces données recueillies, certaines d’entre elles nous ont parus intéressantes car elles se démarquaient quelques peu des tendances présentées dans la réalisation des signes composés. Nous avons également considéré le signe composé sous un angle phonologique. C’est-à-dire que les unités lexématiques en LS sont formées de syllabes (sur modèle LML de Sandler). Nous avons démontré, par le biais des tendances qui leur sont inhérentes, que les signes composés se réalisent par une unité monosyllabique. Intérêts et limites de la Recherche : Notre attachement pour ce sujet en particulier s’explique par la curiosité portée sur les procédés de formation des néologismes. Afin de ne pas s’égarer dans une multiplicité de phénomènes en lien avec la création lexicale, nous avons pris pour objectif de cibler notre problématique sur la composition nominale afin de pouvoir clairement expliciter ses processus de formation. Notre choix premier a été de poursuivre notre analyse sur une thématique ayant attrait au domaine du développement durable. Nous avions pleinement conscience que les concepts associés à ce sujet, seraient encore inscrit dans le processus de création lexicale. Bien que riche en signes composés, le corpus étudié présentaient une quasi-majorité de signes non attestés dans les dictionnaires papier ou électronique. Ces derniers peuvent être soumis à modifications avant d’acquérir une forme stable, ce qui risque de remettre en question la validité des théories présentées. Egalement, il est vrai que les divers constats et suppositions émis dans le cadre de ce travail sont très limités dans le sens où il ne concerne qu’une petite vingtaine de termes parmi le panel de signes composés que connait la langue des signes française. Nous espérons que ce travail contribuera à de nouvelles réflexions concernant le processus de composition nominale dans langues signées, le sujet étant peu traité dans les théories ayant attrait à la LSF. BIBLIOGRAPHIE Ouvrages BOUVET D. (1997), Le corps et la métaphore dans les langues gestuelles ; à la recherche des modes de production des signes, l’Harmattan, Paris DUBUISSON C. 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ANNEXES 1- Corpus du Développement Durable 2- Durée des signes Annexe 1 CORPUS du Développement durable Signes composés par séquentialité de lexèmes Glossaire du développement durable Séminaire universitaire O. Fidalgo Développement durable : DEVELOPPEMENT^INFINI Energie renouvelable : FORCE^PROPRE + Eco-énergie : ECOLOGIE^ENERGIE Photosynthèse : FEUILLE^ENERGIE(tronqué) avec maintien du locus FEUILLE sur main non-dominante + Annexe 1 Biogaz : GAZ^PROPRE Biocarburant : ECOLOGIE^ESSENCE + Agriculture biologique : AGRICULTURE^PROPRE Sobriété énergique : ECONOMIE^ENERGIE + Maison passive : MAISON^SEUL(E), AUTONOMIE Annexe 1 Maison positive : MAISON^PROTEGER Réchauffement climatique : CHAUFFER^CLIMAT Empreinte écologique : ORIGINE^ECOLOGIE Annexe 1 Biodiversité : NATURE^DIVERS, ETC Pollution de l’air : POLLUTION^AIR Isolation thermique : EVITER^THERMOMETRE Annexe 1 Signes composés sur la simultanéité de lexèmes (qui dans un souci de faisabilité sont tronqués) : Séminaire universitaire O. Fidalgo Panneaux photo-voltaïques : MAISON (tronqué) ^ENERGIE (tronqué) sur locus MAISON ac mouvement Lexèmes composants Annexe 1 Energie éolienne : EOLE (tronqué) ^ ENERGIE(tronqué) avec mouvement Lexèmes composants Annexe 1 Energie hydraulique : MER (tronqué) ^ EOLIENNE (tronqué) sur main dominante avec mouvement Lexèmes composants Auto-partage : VOITURE à deux mains (sans mouvement)^PARTAGER suggéré dans le mouvement effectué avec lexème VOITURE + Annexe 1