Étude contrastive des noms composés dans les langues vocales

Transcription

Étude contrastive des noms composés dans les langues vocales
MASTER 1 SCIENCES DU LANGAGE
SPECIALITE "Interprétariat Français/LSF"
Promotion 2011-2012
"ETUDE CONTRASTIVE DES
NOMS COMPOSES DANS LES
LANGUES VOCALES ET LES
LANGUES SIGNEES"
Estelle Gentil
Membres du jury:
Georgette DAL, Directrice de recherche
Annie Risler, Assesseure
REMERCIEMENTS
En préambule à ce mémoire, je souhaitais adresser mes remerciements aux personnes qui
ont contribué de près ou de loin à l’élaboration de ce travail.
Tout d’abord aux enseignants et intervenants de la formation dispensée par l’université Lille
3, et plus particulièrement :
-
Mme Dal ma directrice de mémoire pour son enseignement, ses idées et conseils au
cours de ses derniers mois, ainsi que le suivi qu’elle a pu m’apporter.
-
Mme Risler, enseignante universitaire qui par ses cours de linguistique, m’a éclairée
sur de nombreux concepts et a su se rendre disponible lors de mes sollicitations.
Je remercie également ma famille et mes proches qui m’ont soutenue tout au long de ces
derniers mois, et qui ont grandement participé à la création de ce mémoire de première année.
Egalement merci à Mammart et Pierre qui par leur bienveillance ont su me rassurer.
Un merci particulier à Claire et Olivier, pour leur patience, leur gentillesse et leur soutien,
surtout leur patience…
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS............................................................................................3
TABLE DES MATIERES..........................................................................5
INTRODUCTION ...............................................................................................8
LA COMPOSITION NOMINALE ......................................................................10
LANGUE DES SIGNES : SPECIFICITES ET CONTRAINTES DE LA MODALITE
VISIO-GESTUELLE..........................................................................................14
2.1 Notation conventionnelle pour les LS....................................................................15
2.2 Iconicité et motivation ..............................................................................................16
2.3 Articulateurs ...............................................................................................................19
2.3.1 Le signe en tant que geste produisant un mouvement dans l’espace... 19
2.3.2 Dimension corporelle........................................................................... 21
2.3.3 Regard et signes. .................................................................................. 21
2.3.4 Mimiques ............................................................................................. 22
2.4 Les différents niveaux de la langue : entre espace lexical et espace syntaxique23
2.4.1 Signe lexical......................................................................................... 23
2.4.2 Espace syntaxique et signes grammaticaux ......................................... 24
ANALYSE DE SIGNES COMPOSES DANS LE DOMAINE DU
DEVELOPPEMENT DURABLE ........................................................................32
3.1 Présentation du corpus exploité et méthode de travail........................................32
3.1.1Glossaire du développement durable : conception du projet et objectifs.32
3.1.1.1 Introduction ...................................................................................................................32
3.1.1.2Conception du glossaire .................................................................................................32
3.1.2 Séminaire LSF à l’université Lille 3.................................................... 33
3.2 Des signes encore inscrit dans le processus de création lexicale.......................33
3.3 Méthodologie de travail............................................................................................34
3.4 Les signes composés.................................................................................................35
3.4.1 Définition ............................................................................................. 35
3.4.2 Point de vue morphologique ................................................................ 36
3.4.2.1 Le signe lexical à différencier des séquences syntaxiques ...........................................36
1.4.2.2Formation des signes composés formés en séquentialité ...............................................40
1.4.2.3Formation des composés en simultanée ........................................................................41
1.4.2.4Exemple de formation originale d’un signe composé ....................................................43
3.5 Etude sémantique des signes composés : entre transparence et opacité..........44
3.6 Approche phonologique des LS : la question de la syllabe...............................48
CONCLUSION .................................................................................................53
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................56
ANNEXES .......................................................................................................59
INTRODUCTION
Dans le cadre de ce mémoire, nous allons porter notre intérêt sur un sujet qui concerne
la linguistique des langues signées.
Le langage, est une faculté humaine qui se manifeste par cette capacité propre à
l’Homme de pouvoir exprimer une pensée et de communiquer à travers l’utilisation d’une
langue. Le monde regorge d’une multitude de langues ayant chacune leurs spécificités, leurs
contraintes, leurs variantes, leur évolution.
Nous avons conscience de l’incroyable diversité des langues de par les différents
continents : le japonais, le russe, l’italien et le swahili n’ont pas grand-chose en commun.
Tellement de paramètres les séparent à commencer par leur alphabet jusqu’à leur syntaxe.
Cependant, le point commun à ces dernières, est que celles-ci se manifestent par le biais du
canal audio-vocal. On parle de langues dites « vocales ». Parallèlement à celles-ci, certaines
d’entre elles utilisent d’autres conditions d’expression : les langues signées ont recours à la
modalité visuelle couplée à de la gestuelle.
Qu’elles soient vocales ou signées, il est un phénomène commun à toutes les langues :
leur vitalité. Afin de ne pas disparaitre, une langue va évoluer à travers un processus naturel
qui est celui de la création lexicale. La communication des êtres humains passe par la
formation de néologismes pour désigner les phénomènes et objets qui les entourent, les
sentiments et les pensées qui les animent.
Notre réflexion s’est ainsi construite autour de cette thématique et sur la base de
plusieurs interrogations. Notre première question concerne les néologismes en langues des
signes : peut-on les comparer avec ceux crées vocalement ?
Comme nous l’avons vu précédemment, ces deux types de langues, orales et gestuelles sont à
considérer différemment. Notre problématique de départ s’est en effet orientée sur la question
de la formation des néologismes dans les langues des signes, mais dans un domaine
particulier : celui du développement durable. Le choix s’est porté sur cette spécialité, qui de
par sa dimension nouvelle, est sujette à de nombreuses créations lexicales.
Cependant nous avons réalisé au cours de l’avancement de notre pensée, que le
processus création lexicale implique une multitude de procédés, et il aurait été trop complexe
de traiter l’ensemble de la notion dans le cadre de ce travail.
Nous nous sommes donc restreint à l’étude de la composition nominale.
Une multitude d’autres questions sont venues agrémenter notre problématique : le processus
de composition en langue des signes est-il différent de celui des langues vocales ? Quelles
sont les particularités des langues signées en contraste avec les langues vocales ?
Ainsi notre travail s’articulera autour de cette question :
Comment se forme un signe composé en langue des signes ?
Nous présentons ainsi nos différentes hypothèses de travail qui sont les suivantes :
-
La composition nominale dans les langues vocales renvoie à beaucoup de définitions
plus ou moins divergentes les unes des autres. Le concept mérite d’être éclairci.
-
Les langues signées, comparées aux langues orales, ont des caractéristiques
spécifiques qu’il convient de définir, afin de poser une base à notre travail. Celles-ci
diffèrent sur beaucoup de points de leurs équivalents vocaux, mais on peut également
se demander si les deux systèmes langagiers n’ont pas des traits communs.
-
La composition nominale des langues signées se manifeste selon des processus
particuliers. Elle semble prendre forme à travers des constructions similaires aux
langues vocales, et des outils distincts de ces dernières, puisque la modalité de ces
deux types de langue n’est pas la même.
Afin de tenter d’éclaircir ces différentes hypothèses, ce travail se déclinera en trois parties.
Tout d’abord, nous définirons le concept de nom composé en nous appuyant sur le cadre
théorique de la morphologie lexématique. Puis nous aborderons dans un second chapitre, les
caractéristiques et principes inhérents aux langues signées, les concepts permettant de les
caractériser. Enfin, à travers l’étude d’un corpus, nous analyserons la formation des signes
composés en Langue des Signes Française, et relèverons les tendances particulières propres à
celle-ci, dans le champ du développement durable.
LA COMPOSITION NOMINALE
Les langues, afin de conserver leur vitalité, mettent en place des techniques leur
permettant de s’adapter aux diverses avancées. Le processus de création lexicale s’impose
donc à celles-ci comme un moyen d’enrichir les lexiques en fonction des évolutions
langagières et sociétales. Constamment, des néologismes émergent dans les langues selon
différentes modalités (écrites, orales ou gestuelles). Nous savons que la création lexicale se
manifeste à travers différents procédés tels que la dérivation, les emprunts à d’autres langues,
les onomatopées, la composition, et bien d’autres encore. Cela peut également se manifester
par un mot existant déjà dans la langue, mais qui revêt un sens nouveau. Toutefois, dans le
cadre de ce travail de recherche, nous nous restreindrons à l’étude des composés, plus
particulièrement les composés nominaux.
Nous examinerons à travers des éléments définitoires, ce que signifie la composition nominale
dans le cadre de la morphologie lexématique et constructionnelle.
Selon notamment Amiot & Dal (2008), la composition suppose l’union de deux lexèmes ou
plus, afin de former une nouvelle unité lexématique nommée composé1. Sa structure peut se
schématiser ainsi :
Lexème1 + Lexème2 ⇒ Lexème 3
Par exemple, des entités telles que garde-fou, oiseau-mouche ont des constituants GARDE et
FOU ainsi que OISEAU et MOUCHE qui ont chacun une existence indépendante. Les deux
derniers exemples présentent une seule forme, un seul radical. Cela peut cependant être
différent selon les lexèmes : si l’on considère le verbe ALLER qui n’en reste pas moins un
lexème unique, plusieurs radicaux peuvent lui être associés (v-, all-, ir-).
Unité basique de la morphologie, le lexème est définie par Fradin (2003 : 235) comme une
« entité privée de toute marque flexionnelle », ce qui le différencie du mot-forme2 qui en est
1
Nous n’utiliserons pas la notion de mot, la définition de ce terme ayant des contours beaucoup trop
flous.
2
Mots-formes : ce sont toutes les formes que peut revêtir le lexème dans le discours
TRAVERSER
{traverse,
Exemple :
e
TRAVERSER⇒nb : 3 pers.sg subj présent
TRAVERSE
{traverse
pourvu. Le lexème se définit par la présence conjointe d’une représentation graphémique,
phonologique, d’informations qui sont relatives à la dimension syntaxique, mais également
morphologique à une représentation sémantique propre.
Cette multi-dimensionnalité se résume à travers ce tableau, avec comme exemple le nom
JEU :
JEU
(G) Graphème
jeu#
°Lud#
(F) Phonologie
/ ø/
/lyd/
(M) Morphologie
Rés : init
(SX) Syntaxe
Cat : N
(S) Sémantique
Jeu’
Fradin (2003 : 89) opère une distinction entre lexical et grammatical. En conséquence, nous
considérerons que les lexèmes sont des unités lexicales constituant des listes ouvertes, ce qui
signifie que de nouvelles entités peuvent être créées à l’infini et alimenter le stock lexical
existant. Les entités nouvellement produites à partir de l’unité de base lexème vont appartenir
aux catégories lexicales dont les principales sont les noms, les verbes, les adjectifs, ainsi que
certains adverbes (nous mettront de côté cette catégorie, car elle revêt trop d’ambiguïté. En
effet, on retrouve également des adverbes au sein des morphèmes grammaticaux). A
contrario, les unités grammaticales se limitent à des listes fermées, c’est-à-dire qu’il est
difficilement possible de rajouter de nouvelles entrées. C’est pourquoi, les constructions
faisant apparaitre autre chose que des lexèmes ne peuvent être considérées comme des
composés. Les exemples contre-sens, heure de pointe, os à la moelle, cessez-le-feu et sanspapiers ne remplissent pas les conditions requises, car ils sont formés à l’aide de composants
syntaxiques qui ne rentrent pas dans le cadre définitoire de la composition nominale. En effet,
contre-, à et sans- sont catégorisées comme étant des prépositions, de est une conjonction et le
un déterminant. Ce sont des grammèmes, des entités abstraites, pour des unités qui ne sont ni
nominales, ni verbales, ni adjectivales. On dira que les suites présentées ci-dessus sont des
unités syntaxiquement construites.
TRAVERSE⇒nb : sg
Nous avons fait le choix de nous concentrer sur l’étude de la composition nominale, donc des
unités ayant une fonction de nom en syntaxe. Ainsi, les exemples ci-dessous ne pourront être
considérés comme des composés nominaux :
-
Bon marché, bon enfant, pieds nus (locutions adjectivales)
-
Prendre froid, avoir bon dos, boire cul sec (locutions verbales)
Les composés à base d’adverbes sont facilement écartables étant donnés qu’ils ont quasiment
toujours recours à des grammèmes : sans cesse, bel et bien ou encore tout de suite.
En outre, selon Amiot & Dal, le composé peut être formé d’éléments, qui certes auront un
sens clairement spécifique, mais n’auront pas forcément de formes syntaxiques. Ce type de
composition est dite « néoclassique » ou « savante ». Elle est formée de constituants non
autonomes en syntaxe, comme c’est le cas pour le composé bibliophile. Biblio- ainsi que phile, bien que pourvu d’un sens propre, n’ont pas d’existence libre en contexte phrastique :
*Cet homme est un véritable phile.
*Cet étudiant semble être un véritable biblio.
Ces auteures nomment ces unités dépendantes d’autres, des formants. Le premier composant
est le raccourci de bibliothèque ; celui-ci est accolé à un constituant néoclassique.
D’un point de vue sémantique, les composés nominaux couvrent deux aspects
différents, selon les formes qu’ils prennent. D’une part, certaines compositions vont associer
le sens des lexèmes qui les forment. Le composé poisson-lune est un poisson qui ressemble à
la lune, tout comme une autoroute est une route pour les automobiles. Le sens de l’ensemble
est compositionnel, c’est à dire se déduit du sens des lexèmes qui participent à la
formation des composés; nous les nommons : composés endocentriques. D’autre part, certains
composés possèdent un sens qui ne peut être tirés de leurs unités lexématiques : la référence
est opaque car elle n’apparait pas clairement dans le composé. En revanche sa fonction ou son
attribution elle, est compositionnelle : c’est le cas pour garde-malade qui réfère à une
personne qui garde les malades ou chauffe-eau qui est un appareil fournissant de l’eau chaude.
Qu’il s’agisse de composés endocentriques ou exocentriques, le sens de ces derniers est
nouveau.
Pour conclure cette section, nous pouvons affirmer que la composition construit des unités
polylexématiques qui se distinguent de la dérivation (autre procédé de construction de
lexèmes). La dérivation a recours à des moyens segmentaux (affixation, circumfixation,
réduplication, transfixation, apophonie,etc.) pour réaliser de nouveaux lexèmes. Cependant
ces unités seront toujours monolexématiques, contrairement au procédé de composition qui
impliquera deux voire plusieurs lexèmes.
Cette première partie, nous a permis d’éclaircir le concept de nom composé du point de vue
des langues vocales. Il semblait primordial de débuter par une présentation de ce phénomène
linguistique du point de vue des langues vocales, étant donné que le concept revêtait des
contours flous. L’objectif principal était de présenter la notion de composition nominale,
selon un point de vue se rattachant à la théorie de la morphologie lexématique.
Il est évident que malgré l’intérêt de notre recherche pour les procédés de formation des
composés en langue des signes, il était nécessaire de poser les jalons en matière de
composition nominale.
Dans le chapitre suivant, nous allons présenter les différents aspects des langues signées, dans
leurs spécificités dues à la modalité visio-gestuelle, les paramètres qui les forment, ainsi que
leur fonctionnement en discours. En effet le principe de composition ne pourra être traité de la
même manière dans les langues signées que pour les langues vocales : les modalités en jeu
dans ces deux types de langues influent beaucoup sur la manière de percevoir et théoriser le
nom composé.
LANGUE DES SIGNES : SPECIFICITES ET CONTRAINTES DE LA
MODALITE VISIO-GESTUELLE.
Lorsque nous parlons de langues, une représentation minimale et simplifiée du concept
nous amènerait à penser que celles-ci ne se réfèrent qu’à une catégorie particulière mais
prédominante : celle des langues orales. Nous savons comment ces dernières fonctionnent
matériellement, même si elles peuvent être très différentes les unes des autres.
A savoir que l’appareil phonatoire du locuteur produit des sons, formant eux-mêmes des mots,
qui accolés les uns aux autres forment des phrases, puis des énoncés. Cependant la définition
d’une langue ne se limite pas à cette seule vision matérielle, elle implique des processus
complexes et variables d’une langue à une autre. En réalité, la langue est une notion abstraite,
un ordre social, un outil de communication sollicitant un code commun à une même
communauté. Elle est un système où chaque élément joue un rôle qui permet d’assurer son
unité. On accède à la langue par la production d’énoncés en discours. L’étude des langues
peut se faire à différents niveaux de description : phonologique, morphologique, sémantique
ou syntaxique. La langue a été définie par F. De Saussure comme étant un système de signes
arbitraires « doublement articulés », c’est-à-dire que pour chaque signe, deux niveaux sont
requis : une phase signifiante et une phase signifiée.
Alors qu’en est-il alors des langues signées ? Nous savons qu’il existe des différences
formelles entre la modalité audio-vocale et celle qui a recours à la vue et au corps. C’est-àdire que les langues des signes sollicitent le regard ainsi que les gestes produits par le corps
comme moyen d’expression, contrairement aux langues vocales qui font appel à l’ouïe en
réception et à la voix comme mode de production. Nous allons voir dans cette seconde
section, ce qui constitue la (les) particularité(s) des langues signées : une perception d’ordre
visuelle, l’utilisation de l’espace à des fins grammaticales, le recours à des articulateurs
spécifiques permettant une représentation iconique de l’information. Cela engendre
indubitablement des différences entre langues vocales et signées, dans leurs systèmes
linguistiques propres, selon la discipline étudiée (phonologie, morphologie, etc.)
Dans un souci d’économie, et aussi pour éviter les répétitions, nous abrégerons par le
sigle LV la notion de langue(s) vocale(s), et LS pour celle de langue(s) signée(s).
2.1 NOTATION CONVENTIONNELLE POUR LES LS
En préambule de l’analyse même de notre corpus, cette sous-section-ci vise à présenter
la convention de notation utilisée dans le cadre de ce mémoire. En effet, il peut sembler
délicat de transcrire sur un support papier, une langue qui ne possède pas d’écriture et qui se
déploie dans l’espace de manière visuelle. Afin de pouvoir nommer les différents phénomènes
linguistiques que les langues signées connaissent, il est indispensable de choisir des repères
communs, qui apparaitront tout au long de notre travail :
-
pour les unités lexicales employées hors contexte, nous nous emploierons à prendre leurs
équivalents en français (lorsqu’il y en a, ce qui n’est pas toujours le cas) qui seront notés
en petites capitales et entre crochets. A la suite de cette partie, nous démontrerons le
moment venu3, que les signes lexicaux employés à la création d’un signe composé
peuvent être considérés comme des lexèmes (transcrit ainsi : [LEXEME]). Nous verrons
dans la troisième partie, que les signes composés de notre corpus ont pour la plupart été
créés très récemment. Ce ne sont pas des signes véritablement figés. Cependant, nous
présenterons également le composé par cette même notation de majuscules entre crochets,
considérant ainsi que le signe composé est un lexème.
-
Afin de spécifier les composants du signe composé, nous utiliserons la même notation que
pour les lexèmes, sauf nous enlèverons les crochets, et séparerons chaque lexème au
moyen d’un séparateur prenant la forme d’un accent circonflexe. Afin d’illustrer nos
propos, nous prendrons l’exemple du composé maladie incurable. Celui-ci va se transcrire
par
le
signe
[MALADIE]
suivie
de
[IMPOSSIBLE],
que
l’on
notera
MALADIE^IMPOSSIBLE. Cette notation est empruntée à celle de W. Sandler et bien
d’autres linguistes (Del Guidice, 2007) dans leurs différents articles traitant de la
composition en langue des signes.
-
Lorsque nous aurons besoin de décrire de manière descriptive le signe par un énoncé, nous
utiliserons les guillemets « … ». Par exemple une représentation de la référence pour
[HOMME], afin de la différencier de celle pour [FEMME] ou [ENFANT] serait de dire par
exemple: « personne qui possède une moustache » (ce sont des traits saillants qui réfère à
3
Cf partie 3.2.1
l’idée de l’homme, mais nous savons bien que tous les hommes ne portent pas forcément
de moustache).
-
Les signes qui seront effectués par des éléments dactylologiques prenant des
configurations manuelles différentes, correspondent aux lettres de l’alphabet. Dans ce
travail, les concepts se réalisant à l’aide de la dactylologie, seront écrits par des lettres
majuscules séparées de points: pour épeler un mot tel que limonade, nous le transcrirons
par la notation L.I.M.O.N.A.D.E.
-
Les énoncés quant à eux, seront simplement écrits en italique et entre guillemets tel que
l’illustre l’exemple suivant : « je mange une pomme ».
Dans la description en traits saillants des signes, nous reprendrons la convention établie par
W. Stockoe sur les composantes abstraites à savoir HC (pour hand configuration) pour la
configuration manuelle, (L) pour l’emplacement ou le locus, (M) pour le mouvement.
2.2 ICONICITE ET MOTIVATION
Contrairement aux langues orales dont les signes au sens saussurien du terme4 ont un
rapport arbitraire entre la forme et la sens, les unités lexicales des LS se caractérisent par un
fort degré de correspondance entre signifiant et référent : des mouvements en lien avec la
production de gestes, créent des images qui vont constituer des formes linguistiques. En effet,
ces langues peuvent montrer très facilement tout en disant, cela en lien avec la modalité
particulière du canal visio-gestuel.
On dit qu’elles sont iconiques, c’est-à-dire qu’elles donnent à voir ce qu’elles énoncent à
travers différents procédés ne relevant pas des techniques linguistiques utilisées par les
langues orales. Elles permettent d’exprimer aussi bien des concepts relevant du concret
comme de l’abstrait. Les mouvements produits par les gestes manuels, visent à créer des
tracés d’images. C.S Peirce5 parle d’iconicité d’image qui renvoie au lien de ressemblance
entre le signe et ce à quoi il réfère dans le monde extra-linguistique. Ce procédé découle de la
capacité qu’a le corps, à mettre en figure des constructions qui se déploient dans l’espace en
trois dimensions, et auxquelles va être attribué du sens.
4
5
Cf introduction du second chapitre, p.10
PEIRCE C.S (1978), Ecrits sur le signe, Paris, Seuil
Dans le cadre de cette analyse, nous ne considérerons pas l’iconicité comme une intention de
la langue, ou une visée du locuteur au moment où il s’exprime, contrairement aux théories
proposées par C.Cuxac entre autres6. Nous envisagerons, en revanche, que l’iconicité soit une
spécificité qui s’impose aux langues signées. L’aspect iconique est donc une conséquence de
la modalité visio-gestuelle des LS. Cependant l’iconicité, malgré le fait qu’elle soit une
caractéristique, une particularité des LS, n’explique en rien les procédés de production des
signes.
Nous avons fait le choix de nous appuyer sur les travaux de D. Bouvet (1997). En effet
d’après elle, nous percevons toujours une entité produite par un signe selon un certain point
de vue. C’est-à-dire que certains aspects particuliers de ce signe retiendront plus notre
attention que d’autres. Le geste effectué (la forme) va produire une image mentale qui va
avoir du sens. Par exemple, le signe [VELO] va solliciter les deux mains du signeur dont la
configuration initiale (HC) poings fermés, va évoluer en une HC où les doigts vont s’ouvrir
par un mouvement s’éloignant du corps du signeur. La configuration manuelle des doigts
écartés va évoquer l’image des rayons du vélo, et le mouvement vers l’avant, la capacité de
déplacement du vélo. Ce n’est pas le vélo dans sa globalité qui est perçu par l’interlocuteur,
mais des éléments porteurs de sens pour ce terme.
Bouvet7 va mettre en avant ces éléments participant à la production des signes, qu’elle nomme
traits saillants. L’auteure les répertorie en trois catégories. Premièrement pour les signes
renvoyant à des objets ou à des êtres concrets, les traits relatifs à la forme-même du signe vont
être mis en relief, renvoyant à l’objet évoqué. Cela peut se manifester par une reprise
complète de la forme du référent comme pour [ARBRE] où la HC représente les racines, le
tronc, les branches, une esquisse générale de la représentation du concept arbre. Mais il est
également possible que les LS représentent de manière partielle l’objet ou l’être, par des
figures de style où la partie symbolise le tout, ou bien à l’inverse le tout représente seulement
une partie de l’ensemble. Prenons l’exemple des signes qui renvoient aux animaux : ceux-ci
sont souvent évoqués par une caractéristique qui va représenter l’ensemble du référent, c’est à
dire des procédés métonymiques ou synecdotiques (« les cornes » pour [VACHE], « les
moustaches » et « la queue » référant successivement à [CHAT] et [CHIEN], etc.). Pour
6
CUXAC C. (2000), « Compositionnalité sublexicale morphémique-iconique en Langue des Signes
Française », Recherche Linguistique de Vincennes n°29, pp 55-72
L’auteur propose dans sa théorie de la bifurcation des visées, que l’iconicité soit la résultante d’une
visée voulu par le locuteur. Il parle de « va et vient » entre le « dire en montrant » et le « dire sans montrer ».
7
BOUVET D. (1997), Le corps et la métaphore dans les langues gestuelles ; à la recherche des modes
de production des signes, l’Harmattan, Paris
évoquer d’autres objets, vont être produit soit des tracés fixes, soit des images gestuelles
décrivant l’objet ou la chose en deux dimensions, ou le modelage pour représenter une entité
en trois dimensions. Cette dernière possibilité s’applique pour le signe de [BOUTEILLE].
En outre, certains signes vont mettre en exergue une saillance sur le mouvement, comme le
signe référent à [POISSON]. Ici, il n’est pas question de forme ; ce qui va prévaloir, ce sont
les ondulations de déplacement dans l’eau produites par l’animal, qui vont être reproduites à
travers le mouvement du signe. Le trait relatif au mouvement rejoint l’idée du descriptif d’une
action, celle liée au concept pour lequel le signe est effectué.
Enfin, les signes en lien avec la localisation sur le corps ou par rapport au corps du signeur
renvoient à des entités corporelles qui vont être désignées par des pointages (comme pour
[FOIE], [CŒUR]). Le corps est le siège de productions métaphoriques ou stylistiques. Il est un
support adéquat permettant la mise en scène d’énoncés figurés. Ainsi, et de manière
étonnante, les LS se basent sur du concret, le corps du signeur, pour renvoyer à une entité
abstraite.
L’interlocuteur va donc percevoir, selon le signe, un trait saillant qui va retenir son attention ;
toutefois cela n’empêche pas la présence d’autres traits dans la manifestation structurelle du
signe. Dans le signe [HOMME], on perçoit à la fois une saillance dans la forme (tracé de la
moustache) associée à un emplacement (L), situé sur le corps du signeur (près de la bouche, à
l’emplacement-même où se situent les moustaches). Les signes « concrets » réfèrent à des
entités pour lesquelles on peut percevoir un rapport analogique entre le signe et son référent,
c’est-à-dire une ressemblance entre ce qui est produit par les gestes et le référent.
Pour les signes renvoyant à des concepts abstraits, Bouvet explique que nous avons recours à
des figures de style de type métaphoriques ou autres procédés de déplacement du sens.
Contrairement aux signes concrets renvoyant directement aux concepts auxquels ils se
réfèrent, les signes abstraits subissent un double saut. C’est-à-dire que le mouvement tracé
dans l’espace ou sur le corps, par métonymies ou synecdoques, va renvoyer à quelque chose
de concret, qui lui-même, par un procédé métaphorique, va renvoyer au concept auquel on se
réfère. Si l’on veut exprimer l’idée d’[ABSTRAIT], le signeur va faire un mouvement tracé qui
va avoir pour sens celui de [NUAGE] (placé au-dessus de la tête du locuteur). La deuxième
étape consiste à considérer ce signe comme une métaphore de l’abstraction dans le sens
« forme indéfinissable et floue, qu’on ne peut toucher, palper ». Le nuage est ici le symbole
de l’abstraction. Les signes renvoyant au domaine de l’intellect, sont tous placés au niveau du
front ou des tempes, ceux concernant les émotions sont situés sur la poitrine. Les signes pour
croire, savoir ou comprendre par exemple sont, avec des configurations manuelles
différentes, localisés sur le front. Le corps joue donc un rôle très important dans la production
de signes abstraits, pour lesquels il sert de point d’ancrage. Les signes « abstraits » peuvent
également combiner plusieurs saillances comme on le constate dans le signe relatif au concept
de [PARESSEUX] qui combine un mouvement partant de la main et qui s’écarte de cette
dernière. De sorte que l’idée suggérée ici est «avoir un poil dans la main ».
Le point commun à ces différents signes, concrets ou abstraits, d’une saillance de forme (HC),
de mouvement (M) ou de localisation (L), est qu’ils intègrent l’idée de motivation, même si
celle-ci est opacifiée selon l’entité à laquelle elle renvoie. Les signes concrets recourent à une
motivation dite iconique, à l’opposé des signes abstraits qui font appel à une motivation
métaphorique.
A travers les procédés de motivation, nous avons vu par le biais des travaux de D. Bouvet que
les signes, pour exister, s’appuyaient sur différents traits saillants relatifs à trois paramètres, à
savoir la forme, le mouvement et l’emplacement. Dans la sous-partie suivante (2.2), nous
montrerons qu’au-delà de ces traits, d’autres éléments entrent en jeu dans la production d’un
signe, plus particulièrement lorsque celui-ci est en contexte. Ce qui nous permettra de
distinguer dans une troisième sous-partie l’espace lexical non-marqué et l’espace syntaxique
où les articulateurs décrits vont entrer en jeu afin de « mettre en scène » l’énoncé.
2.3 ARTICULATEURS
2.3.1 LE SIGNE EN TANT QUE GESTE PRODUISANT UN MOUVEMENT DANS L’ESPACE
Là où la voix est l’outil par excellence des langues vocales, les gestes en sont l’équivalent
pour les LS, qui créent eux-mêmes des signes. Pour les LV, le canal auditif permettant la
perception de mots, est remplacé pour les LS par la modalité visuelle. C’est en cela que nous
parlons de modalité visio-gestuelle: les messages sont transmis par la vue, grâce aux gestes
que le locuteur effectue avec une ou deux mains. Car pour produire un geste (élément
constitutif du signe), il est possible de mobiliser une seule main ou bien les deux. La forme
manuelle peut prendre des configurations multiples, mais il n’existe cependant qu’un nombre
limité de combinaisons répertoriées. Il serait simpliste et erroné d’en déduire que les LS sont
limitées dans leur production parce qu’elles possèdent un nombre fini d’outils. Pourtant, la
richesse des LS réside dans le fait qu’une même configuration manuelle peut être utilisée sur
différentes localisations afin de créer une multitude d’unités lexicales.
Il est possible de tout dire, tout exprimer en LS. Toutefois, si la forme du geste, est un
paramètre déterminant dans la création de signes, il y a d’autres éléments à prendre en
considération. Il faut intégrer deux autres paramètres qui vont intervenir dans la formation des
signes : le mouvement et l’emplacement. Ces indices en complément du geste, vont permettre
de créer différents signes porteurs d’un sens propre. En soi, chacun des éléments concourant à
la production d’un signe (geste, mouvement et localisation) n’est pas porteur de sens. C’est
par leur union que va exister le signe. Ainsi, les mains prennent des formes différentes et se
déploient dans l’espace, à travers des mouvements tracés.
Concernant le mouvement, celui-ci permet de marquer dans un énoncé, la valeur aspectuelle
des signes verbaux. C’est à dire que selon les caractéristiques du mouvement, s’il est répété,
(selon sa durée rapide ou longue), le signe va prendre des marques spécifiques qui vont
renvoyer à différentes caractéristiques du signifié : la régularité, la lenteur ou brièveté de
l’action de voir par exemple.
Quant à l’emplacement, il présente l’endroit où la forme en mouvement va être produite, de
son point de départ à son point d’arrivée. Cette localisation va jouer le rôle de support, sur
lequel un élément va être mis en valeur. Le signe peut être effectué sur le corps avec une
valeur concrète, comme pour [COEUR], ou abstraite
pour les notions d’[AMOUR], et
d’[EMOTION]. Dans le premier cas, le signe sera produit sur un emplacement dont la valeur
est générique, mais qui sera déplacé sur d’autres endroits du corps si l’on veut spécifier.
Prenons l’exemple pour le signe [BLESSER] : il s’effectue à la base sur la poitrine, mais selon
le locatif désigné par l’action, il va être déplacé sur la partie corporelle en question (le bras, la
jambe, le front, etc.)
Le signe, concret ou abstrait, peut aussi se réaliser dans l’espace-même situé devant le
signeur, comme c’est le cas pour la notion de [JUSTICE] ou une entité plus matérielle telle
qu’[ASSIETTE]. De plus, un espace formant un cadre au- dessus de l’épaule du signe peut être
investi, communément utilisé pour les noms propres ou les noms dont on ne connait pas le
signe qui se réfère au concept. Comme cette portion d’espace est utilisée pour épeler les mots
se référant à des notions, elle est tout simplement nommée sous-espace d’épellation. La main
peut également constituer le support d’un geste en mouvement comme pour l’unité lexicale
[DANSER] où la main non dominante, de configuration plate (HC) est le repère où l’action de
la main dominante va être produite.
Bien au-delà du geste, du mouvement et de l’emplacement, les LS sollicitent aussi d’autres
paramètres non-manuels, qui vont jouer un rôle fondamental. Ils amènent des éléments de
grammaticalité, qui vont marquer l’espace. Le buste, le regard, les expressions faciales, pour
ainsi dire toute la partie supérieure du corps, va concourir à instaurer des marqueurs
syntaxiques tels que les loci, la référence personnelle, les qualificatifs, etc.
2.3.2 DIMENSION CORPORELLE
Comme cela a pu être développé précédemment, le corps peut servir de point d’ancrage, c’està-dire de lieu de production du signe désignant un être ou objet concret comme les signes
([GARCON]), localisé sur le front ([MAMAN]), sur la joue ou sous les côtes selon les variantes
régionales. Mais le corps est aussi le point de représentation abstraite comme pour le signe
[VIEUX] effectué sur le menton, qui s’appuie sur des procédés métaphoriques. Pour la notion
[INTERESSANT], le signe est effectué sur la poitrine.
Le corps peut aussi jouer un rôle de marqueur de fonctions grammaticales lorsqu’il prend le
rôle d’un argument ; c’est le cas dans les situations d’auto-pointage. Dans les exemples « je
lui dis » et « il me dit », le corps est un repère spatial de point de départ du signe dans le
premier énoncé et un point d’arrivée dans le second.
2.3.3 Regard et signes.
Dans les LS, on peut classer le regard selon deux types d’après les travaux de Meurant8. Tout
d’abord, le regard adressé à l’interlocuteur : celui-ci permet de créer ou reprendre une
référence déictique ou anaphorique. Ce regard est également qualifié de « partagé » entre le
locuteur et l’interlocuteur. Regard adressé et corps sont les éléments majeurs, des repères
concernant les gestes de désignation (pointages) renvoyant aux marques de personnes.
Meurant désigne trois marques de personnes à travers le je, tu, et il où le regard est toujours
8
MEURANT L. (2008), Le regard en langue des signes- Anaphore en langue des signes française de
Belgique (LSFB) : morphologie, syntaxe, énonciation
dirigé vers l’interlocuteur. La distinction se fait par les pointages qui, de par leur changement
directionnel, vont prendre des valeurs différentes9.
A contrario, le regard non-adressé, posé sur les mains, une portion d’espace, ou qui est dans le
vague, se place dans un espace syntaxique où, formes, emplacements et mouvements vont
prendre une teneur grammaticale. Ce regard grammaticalisant va concourir à la production
d’énoncés dans un espace dit syntaxique. En lien avec un contenu référentiel, le regard va
participer à l’instauration de loci, emplacements prenant une valeur spécifique dans l’espace
syntaxique. Ils peuvent être de nature anaphorique (reprise d’un contenu référenciel).
Egalement, le regard détourné participe à l’instanciation de transferts personnels : ce point
sera développé en 2.4.2.
2.3.4 MIMIQUES
Les expressions faciales ou mimiques, apportent des précisions sur ce qui est produit par le
locuteur. Elles permettent d’exprimer la modalité discursive dans laquelle se situe le locuteur
(interrogation, négation, etc.). Egalement elles font office de complément de manière (envie,
colère, dégout, joie, etc.). Le rôle des mimiques faciales permet au signeur d’exprimer son
point de vue concernant le contenu du discours. Les signes pour désigner l’idée [NE PAS
AIMER] et [C’EST BON] (nourriture), vont se différencier par leur mimique. En effet, forme
(HC), mouvement (M) et localisation sont identiques pour ces deux concepts. Le premier va
être complété par le froncement des sourcils, les yeux plissés et la bouche grimaçante. Le
second plus neutre, va marquer l’aspect positif de la notion, par un léger haussement de
sourcils et la bouche en rond.
On peut aussi associer les expressions du visage à des fonctions adjectivales ou adverbiales.
Prenons l’exemple du signe [BALLON] où les deux mains, doigts écartés, sont positionnées
l’une en face de l’autre, formant ainsi une sphère. Si l’on rajoute à ce geste, une mimique
(gonflement des joues, haussement des sourcils), cet élément supplémentaire exprime la
grosseur du volume du ballon dont il est question.
Nous réalisons, à travers cet aperçu concis du fonctionnement des LS et de leurs spécificités,
que le geste manuel, dans sa forme-même, ne peut prendre sens qu’à travers d’autres
9
Cf sous-section 2.3.2
paramètres. Le mouvement instaurateur d’espaces est indispensable à la production de signes.
Celui-ci va prendre différentes fonctions selon si nous sommes hors contexte ou au seinmême d’un énoncé. Les paramètres non-manuels tels que le regard, le corps et les expressions
faciales (ou mimiques) fournissent des marques grammaticales dans le discours.
A la suite de cette partie, nous allons présenter les deux grandes catégories de signes : les
signes lexicaux d’abord, qui par des procédés iconiques font image, puis les signes
grammaticaux qui s’inscrivent dans des espaces discursifs ou syntaxiques.
2.4 LES DIFFERENTS NIVEAUX DE LA LANGUE : ENTRE ESPACE LEXICAL
ET ESPACE SYNTAXIQUE
En fonction de ce que produit le signeur, signe lexical ou structure relationnelle, celuici ne va pas avoir le même rapport avec l’espace et va deux champs d’expression qui seront
différents vont se construites. Il est important de pouvoir faire cette distinction ; c’est pour
cette raison que nous allons tenter de développer ces notions, à travers la théorie développée
par Risler10.
2.4.1 SIGNE LEXICAL
Le signe lexical représente une image figée, statique comme les images que nous
percevons au quotidien. A travers le signe lexical, le signeur va créer une référence qui sera
partagée avec son interlocuteur. Risler propose une autre appellation pour ce terme, qu’elle
nomme dans son article, entité.
Par exemple le signe lexical [FLEUR] dans sa réalisation, réfère en premier lieu au concept de
fleur, mais ne peut renvoyer à toutes les espèces de fleurs existantes. Il a une valeur et un
aspect générique qui ne laisse pas, à ce niveau, de possibilités de variations. Nous pouvons
dire que le signe lexical prend la valeur d’un hyperonyme, à savoir que c’est un terme général
qui inclut le sens d’autres termes11. Le signe lexical, même s’il désigne une action (comme
celle de prendre par exemple), apparait dans les dictionnaires de langue des signes sous forme
d’une vignette, statique, figée. Les paramètres de configuration, orientation, position et
10
RISLER A. (2002) : « Point de vue cognitiviste sur les espaces crées en LSF : espace lexical, espace
syntaxique », in LIDIL n°26 LIDILEM, Université Stendhal, Grenoble III, pp 45-62.
11
Selon la définition proposée par le Larousse électronique :
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/hyperonyme
mouvement ne peuvent varier. En effet, la caractéristique principale des signes lexicaux réside
en leur capacité à être réalisés en dehors de tout contexte phrastique ou d’énoncé. Il diffère du
mouvement produit en tant que prédicat verbal, apparaissant dans un discours tel que « je
prends le bol »12.
Egalement, le signe lexical est réalisé de manière « neutre », c’est-à-dire que le buste du
signeur, les expressions du visage ne sont pas investis, du moins de façon moindre en
comparaison à une situation énonciative. Les éléments qui sont dans ce type d’espace, sont du
côté de l’image iconique. Le regard adressé à l’interlocuteur va permettre de créer une
référence partagée avec ce dernier. Ce sont les signes lexicaux qui sont représentés dans les
dictionnaires de langues signées.
2.4.2 ESPACE SYNTAXIQUE ET SIGNES GRAMMATICAUX
Les signes, dès le moment où ils apparaissent dans des énoncés et qu’ils sont mis en
discours, sont produits dans un espace dit « syntaxique ». Ce sont des signes grammaticaux
également nommés relateurs. Dès lors, ils acquièrent une fonction verbale. Ils sont
complémentaires aux signes d’entités, car leur rôle est de mettre en corrélation les multiples
connexions entre chaque signe lexical, ceci par une organisation de l’espace. Divers procès
tels que les changements d’état, de lieux, ou des processus de détermination, de qualification ;
de repérage vont naître de ces mouvements relateurs au sein d’un espace grammaticalisé.
Nous aurons donc compris que les relateurs, contrairement aux entités, sont empreints de
dynamisme et sont en mouvement : on parle de signes défigés. Ils peuvent relier des notions
lexicales, disposées dans des portions d’espace distinctes.
Parce qu’il repose sur le principe de tridimensionnalité, le signe représente le mouvement des
mains et du corps qui tracent dans l’espace une représentation qui fait sens. Pour reprendre les
idées avancées par Risler, la description peut alors être faite selon trois dimensions. Tout
d’abord, les paramètres temporels qui établissent l’ordre des constituants dans un énoncé.
Ainsi, les différents procès constituants ce dernier sont disposés dans le temps comme une
succession ou une simultanéité d’action. En effet, la particularité des LS est de pouvoir
exprimer plusieurs opérations dans un même temps13. D’un point de vue syntaxique, un signe
unique peut se traduire par un énoncé. Prenons l’exemple de la phrase ‘Je mange une
12
Nous reprendrons cet exemple dans la partie suivante 2.4.2 afin d’illustrer nos propos et de faire un lien
entre les deux types d’espaces présentés ici.
13
Risler a pu développer ce point dans un article : « La simultanéité dans les signes processifs », in
Glottopol n°7, janvier 2006, pp 53-71
pomme’, qui se traduira par une configuration à une main prenant une forme sphérique faisant
référence au concept de [POMME]. Cette forme manuelle sera placée vers la bouche, associée
à un mouvement de la mâchoire. Le corps du signeur va prendre la place du sujet de l’action
‘manger une pomme ‘. Ce simple geste associé à d’autres indices (le corps, le mouvement, les
mimiques) va mettre en scène le signeur dans quelque chose qui « donne à voir »14.
Les paramètres spatiaux permettent aussi de repérer si l’entité dont il est question est
déterminée ou non. Ce procédé va s’effectuer successivement, le signe utilisé pour le
déterminé, et celui pour le déterminant vont être placés de manière spécifique. Nous noterons
que l’élément morphologique, qui par sa configuration manuelle reprend la référence du signe
lexical, à savoir la proforme, constitue une base quant à la fonction de détermination,
notamment dans la quantification. Les paramètres spatiaux quant à eux, ont pour rôle la
disposition des entités dans l’espace syntaxique. Les critères d’origine, de trajectoires et de
places sont essentiels pour situer le signe lexical. Comme énoncé plus haut, les emplacements
qui vont être marqués tout au long du discours du locuteur sont appelés locus. Enfin, les
paramètres formels renvoient à la configuration manuelle que va revêtir le signe grammatical.
Fixe ou en mouvement, les relateurs vont prendre des formes en nombre limité. Pour une
même entité, le signe grammatical varie selon le contexte (« l’homme est debout »→ index
tendu ; « un homme assis »→ index légèrement replié). L’association simultanée des
paramètres formels et spatiaux vont contribuer à créer une base prédicative. Ce noyau verbal
est constitué de relateurs à plusieurs niveaux.
Les verbes directionnels prennent tout leur sens en contexte et peuvent donc avoir un
mouvement orienté : ils ont alors une valeur de procès. Dans l’exemple du verbe
[ENVOYER], l’énoncé « il lui envoie une lettre » (d’un locus à un autre, n’impliquant pas le
corps du signeur), ne va pas avoir le même mouvement directionnel que dans celui : « je
t’envoie un mail » (point de départ : corps du signeur, vers l’espace en face de celui-ci point
d’arrivée). De même, la configuration peut subir une modification lorsque cela concerne des
prédicats ou des objets impliquant une forme de préhension. Dans l’énoncé « je prends un
bol » présenté en 2.4.1, la forme manuelle varie au niveau de la configuration de l’entité
[PRENDRE]. Afin de spécifier la taille, la forme ou et/le poids du bol dont il est question, le
signeur va utiliser un outil particulier nommé proforme.
Le signe lexical peut être également complété par un pointage qui aura la fonction d’assigner
l’entité à une place particulière dans l’espace. Risler (2006 : 6) parle d’opérateurs de
14
Cf partie 2.2 sur l’iconicité des LS
repérage, de localisation. Leurs formes peuvent varier en fonction de ce que l’on souhaite
exprimer (main plate, index tendu…), elles vont s’adapter au contexte d’énonciation. Ainsi
pour parler d’une ville étendue sur un espace important et situé sur la gauche du signeur, ce
dernier mettra en forme de manière successive :
[VILLE] +
[Là]
pointé avec la main plate qui va effectuer un mouvement
circulaire sur la gauche dans l’espace syntaxique.
L’importance du mouvement circulaire va dépendre de la grosseur de la ville. L’instauration
d’un pointage va créer un locus.
Dans le même syntagme verbal, il est tout à fait possible d’utiliser plusieurs pointages. Dans
la suite de notre exemple ci-dessus, il est possible d’ajouter des informations complémentaires
qui étayeront l’énoncé :
[VILLE] +
[Là] +
Pointage
Main plate
Locus 1
[IMMEUBLE] +
[Ici]
pointage index tendu
sur locus 2 (qui est un espace
à l’intérieur-même du locus 1)
Le second pointage associé au signe [IMMEUBLE] est un argument par rapport au locus 1 qui
fonctionne comme un repère.
Pour résumer, nous pouvons donc dire que les signes relateurs sont de nature diverses. On
retrouve ainsi :
-
Les proformes qui sont des substituts anaphoriques de signes lexicaux. Elles peuvent se
manifester par une configuration manuelle, mais le corps peut jouer le rôle de proforme.
D’une certaine manière, les proformes peuvent être assimilées à des sortes de pronoms.
Une proforme manuelle ou corporelle peut être totale ou partielle, c’est à dire qu’elle
incarne soit l’ensemble de l’entité (par exemple, index tendu pour désigner la personne, la
main plate à la verticale pour la voiture), soit une partie de cette entité (dans ce cas, on
peut donner l’exemple des pattes d’un animal représenté par les index et majeures tendus).
Il y a également possibilité de combiner une proforme manuelle avec une proforme
corporelle. Dans l’énoncé : « la biche mange de l’herbe », le signeur désignera
manuellement la biche par une proforme globale, et pourra représenter l’action de manger
par des mouvements de ses mâchoires.
Nous trouverons d’autres types de proformes : celles relatives à des contenants (exemple
de [BOL] ) ou des proformes renvoyant à l’instauration de frontières ([IMMEUBLE]).
-
Les Spécificateurs de Taille et de Formes (STF) aussi appelés purs adjectifs, ont un rôle
de qualificateur de l’entité. Ils se manifestent par des tracés et délimitations de forme dans
l’espace qui vont caractériser le signe lexical. L’épaisseur ou la finesse, la grandeur ou la
petitesse d’un objet ou être, va être représenté par un STF.
-
Les pointages sont des équivalents de pronoms. Ce sont des gestes désignant quelque
chose ou quelqu’un. Lorsqu’il est associé à un regard dirigé sur l’espace pointé, le
pointage a une valeur prédicative, anaphorique. Il va reprendre un argument de l’énoncé
par désignation. En revanche, le pointage avec regard sur l’interlocuteur, a une autre
valeur : celui de référence aux personnes. Comme le regard est adressé, il rentre dans la
même catégorie qu’un signe lexical. Il prend pour fonction la première, seconde ou
troisième personne en fonction de la direction vers qui l’index pointe. Les pointages
« marqueurs de personnes » sont des déictiques car ils vont instaurer la création d’une
nouvelle référence.
Enfin, le pointage prend des fonctions et rôles différents lorsqu’il s’agit d’autopointage (=
pointage en direction de soi-même). Quand il est associé à un regard vague et bref et qu’il
y a une rupture dans l’adresse du regard, il correspond à un indice de prise de rôle. Aussi,
dans la situation où l’autopointage est en lien avec un regard adressé, non à l’interlocuteur
présent, mais à celui existant dans le cas d’un discours rapporté, le locuteur ne se désigne
pas lui-même, mais celui évoqué dans le discours rapporté.
Au-delà des éléments et outils linguistiques permettant d’élaborer des énoncés riches, les
langues des signes ont un caractère prosodique. En effet, afin de marquer rythmiquement un
discours les LS utilisent des paramètres spécifiques à la modalité visio-gestuelle. Le signeur
par des procédés non-manuels (hochements de tête, haussements de sourcils, le regard…),
mais aussi des pauses des moyens manuels peut, comme les locuteurs des LV, marquer la
durée, l’intonation de son énoncé15.
15
Se référer aux travaux de NESPOR M., SANDLER W (1999) « Prosodic Phonology in Israeli Sign
Language » Language and Speech, 42 (2&3), 143-176.
Egalement SANDLER W. (1999), “Cliticization and Prosodic Words in a Sign Language” In Studies on
the Phonological Word, Tracy Hall and Ursula Kleinhenz (Eds.), 223-255.
Ce second chapitre a permis de poser les principes et caractéristiques des langues
signées (paramètres manuels et non-manuels, iconicité due à la modalité visio-gestuelle,
spécificités des espaces lexical et syntaxique, etc.). En lien avec la problématique de ce
mémoire, il nous semblait important de définir d’une part, ce qui relevait de la composition
dans les langues vocales (première partie), et d’autre part les phénomènes propres aux signes
composés dans les langues signées (seconde partie). En effet, il semble primordial de bien
dissocier le fonctionnement linguistique de ces deux types de langues dont les modalités sont
différentes.
L’objectif de ce troisième et dernier chapitre sera d’analyser, à travers un corpus choisi, la
formation des composés dans le domaine du développement durable. L’intérêt sera de
dégager, en lien avec des théories existantes sur le sujet, les caractéristiques linguistiques des
signes composés en lien avec les caractéristiques propres aux langues signées.
Le choix de la thématique du développement durable s’explique par le fait que nous estimons
ce concept comme étant relativement récent. Cela signifie que ce dernier est sujet à de
nombreuses créations lexicales. Le phénomène de composition étant en lien avec les
néologismes, ce concept, ainsi que les termes associés à celui-ci, nous a fortement intéressés.
Afin de soutenir nos dires, nous nous sommes appuyés sur deux sources distinctes. Ces
dernières nous ont permis de créer un corpus sur lequel nous avons fondés notre analyse.
Adaptées à la modalité visuelle des langues signées, nos sources sont deux supports proposant
des images ou vidéos de signes, que nous avons étudiés le plus précisément possible.
Notre premier support de travail est le Glossaire du Développement Durable, en ligne sur
internet sous l’adresse : http://www.irit.fr/GlossaireDD-LSF/index.html.
Nous nous sommes plus particulièrement intéressé à l’onglet « Promenade » qui propose le
plus de signes lexicaux, chacun répertorié sous la forme d’une image-signe puis d’un
photosigne. Une vidéo explicative du concept présenté est adossée à chaque signe, qu’il soit
composé ou non. Dans le cadre de cette analyse, nous n’avons sélectionné que les signes
composés.
Le second support est une vidéo sur un séminaire donné à l’université Lille 3. La thématique
du développement durable est traitée parmi d’autres. Nous avons retenu et enregistré les
signes répondant aux critères d’un signe composé, afin de pouvoir dans un second temps les
analyser.
Le plan de ce chapitre se décompose ainsi :
-
dans une première partie, nous présenterons les supports de travail ayant permis la
création de notre corpus.
-
Ensuite la méthodologie de travail sera brièvement présentée.
-
Puis nous situerons les signes du corpus dans un contexte particulier : celui de la création
lexicale.
-
Le signe composé sera ensuite abordé et traité sous différents angles : morphologique tout
d’abord (troisième partie), sémantique
(quatrième partie) et enfin phonologique
(cinquième partie). Les propos tenus seront illustrés par des exemples de notre corpus.
ANALYSE DE SIGNES COMPOSES DANS LE DOMAINE DU
DEVELOPPEMENT DURABLE
3.1 PRESENTATION DU CORPUS EXPLOITE ET METHODE DE TRAVAIL
3.1.1 GLOSSAIRE DU DEVELOPPEMENT DURABLE : CONCEPTION DU PROJET ET OBJECTIFS.
3.1.1.1 INTRODUCTION
Le site internet « Glossaire du Développement Durable » propose un large choix de nouveaux
concepts en LSF. Ce travail est le fruit d’une collaboration pluridisciplinaire entre différents
professionnels (formateurs, interprètes, chercheurs en informatique) représentant des
institutions multiples (ASP IRIS, IRIT, le CETIM, Université Toulouse 3). L’intérêt et la
visée première de ce travail est de répondre aux besoins d’un public sourd quel qu’il soit
(étudiants, enseignants, particuliers novices dans le domaine en question), ainsi qu’aux
professionnels gravitant autour de la surdité (interprètes). Ce projet s’inscrit dans une logique
d’accessibilité en lien avec le cadre législatif. Il permet également à un large auditoire
d’accéder à une terminologie en LSF ciblée autour du domaine du développement durable.
3.1.1.2CONCEPTION DU GLOSSAIRE
En lien avec une conférence tenue par François Moisan16 sur le « développement durable », ce
travail multipartite permet d’exposer de manière visuelle et interactive des notions complexes,
s’inscrivant dans ce domaine. Composés de mots associés à des « imagesignes » ou
« photosignes17 » correspondant aux notions présentées, ce glossaire arbore une trentaine de
concepts. Pour un(e) même image/photosigne associé(e) à un concept, un lien vidéo permet de
mettre en contexte ce dernier à travers une explication illustrée.
Dans le cadre de ce travail d’étude de la LSF et plus spécifiquement concernant la branche du
développement durable, cette source nous est apparue riche et indispensable pour notre
analyse des signes composés. En effet, au-delà de la profusion de concepts traduits en LSF, ce
16
F.Moisan est directeur scientifique de l’ADEME, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de
l’Energie.
Il est également Président du comité efficacité énergétique du Conseil Mondial de l’Energie depuis
1998, Docteur en Sciences Economiques de l’université de Grenoble.
17
Photosigne est un logiciel permettant de réaliser des représentations du signe, de sorte que les
caractéristiques premières de ce dernier apparaissent en image.
site propose une explication des notions abordées. Cela permet ainsi d’articuler le signe
présenté hors-contexte avec son intégration dans le discours.
3.1.2 SEMINAIRE LSF A L’UNIVERSITE LILLE 3
Un autre support nous a été bénéfique grâce à la richesse de son contenu : un DVD réalisé par
les étudiants du Master Interprétariat LSF/Français de Lille 3. Ce dernier présente un
séminaire animé par Olivier Fidalgo18, guide-conférencier sourd à la Cité des Sciences et de
l’Industrie de Paris. Les exigences de ce métier conduisent très régulièrement ce médiateur à
créer de nouveaux signes afin de rendre les expositions accessibles au public sourd et
malentendant. Au fil de ce séminaire, Olivier Fidalgo présente le vocabulaire spécifique à
trois secteurs particuliers : l’environnement, les nouvelles technologies et les épidémies. Nous
nous sommes restreint à l’étude des signes composés ayant trait au domaine environnemental,
les autres n’étant pas pertinents dans le cadre de notre analyse. Après de multiples
visionnages, des constats très intéressants ont émergé de ce DVD et l’ajout d’autres signes a
contribué à agrandir notre corpus.
3.2 DES SIGNES ENCORE INSCRIT DANS LE PROCESSUS DE CREATION
LEXICALE
Il est important de préciser que ce travail d’analyse s’inscrit dans un environnement
linguistique spécifique, à savoir que les signes composés qui vont être étudiés ici sont pour la
plupart des néologismes, des créations lexicales non répertoriées dans les dictionnaires.
L’apparition de nouveaux mots ou de nouveaux signes, quelle que soit la langue en question,
trouve de multiples explications. La plus évidente concerne l’évolution scientifique et des
nouvelles technologies. De nouveaux concepts, outils, voient le jour et il est nécessaire de les
nommer pour pouvoir en parler.
En France, le vocabulaire dit « technique » de la LSF s’est beaucoup développé en lien avec
la promulgation de la loi 2005 sur l’accessibilité19. Cette même année, la Langue des Signes
18
Vidéo réalisée le 3 mars 2011
19
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647&dateTexte=&categ
orieLien=id
Française a été reconnue légalement comme langue à part entière. Ces deux évènements se
sont traduits par l’accès des personnes sourdes à l’information et pour certaines d’entre elles,
aux études supérieures ou formations techniques adaptés. A travers le vocabulaire sélectionné
et analysé pour cette étude, nous constatons que notre corpus s’inscrit bel et bien dans ce
processus de création lexicale. Les signes proposés ne sont pas complètement figés ; on le
constate en partie par la multiplicité des signes suggérés pour un même concept. Nous avons
conscience toutefois que beaucoup d’entités (telle que le concept de mère pour ne citer que
celui-ci) possède une multiplicité de signes tous valables. Cependant, nous avons constaté que
les signes ayant attrait au domaine du développement durable, sont souvent associés à des
définitions permettant ainsi d’éclaircir le concept dont il est question. Cela signifie que ces
signes ne sont pas encore stabilisés, qu’ils sont encore en plein processus de créativité.
3.3 METHODOLOGIE DE TRAVAIL
Avant d’entrer un peu plus dans le vif de notre analyse sur les signes composés, il
nous semblait nécessaire de décrire la méthode utilisée pour traiter les données recueillies. En
effet, nous avons dû dans un premier temps, sélectionner les informations mis à disposition
par les deux supports de travail (site du Glossaire et DVD du séminaire). Comme ces sources
recélaient d’une quantité de signes avec différentes formes, il nous a fallu les visionner
plusieurs fois, pour distinguer ce que nous considérions comme des signes simples, et ceux
relevant de la composition nominale. Nous avons fondé notre sélection de signes composés
selon la définition de ce concept présentée en 3.4.1.
Ainsi nous avons établi un corpus d’une quinzaine de signes composés, se répartissant de la
manière suivante :
-
Concernant le Glossaire du développement durable, nous avons répertoriés 11 signes,
uniquement formés par successivité de lexèmes.
-
Pour le séminaire universitaire animé par O. Fidalgo, 8 signes ont été repérés dans le
DVD : la moitié d’entre eux sont des composés établis par le procédé de successivité,
l’autre moitié est composée de lexèmes apparaissant simultanément.
Par la suite, une étude approfondie de ce corpus a été menée. Afin de ne pas perdre de temps,
nous avons enregistré les séquences et les images où figurent les composés à l’aide d’un
logiciel permettant la capture d’écran et l’enregistrement. Nous avons indexé ce corpus dans
un document annexe. Ce travail a demandé plusieurs séances de visionnage afin de pouvoir
dégager les unités lexématiques participant à la formation de chaque signe composé.
Egalement, ce support de travail a permis de dégager les principales tendances spécifiques
aux signes composés.
3.4 LES SIGNES COMPOSES
3.4.1 DEFINITION
Tout comme dans le chapitre 1 concernant la composition nominale dans les langues vocales,
nous nous engagerons à développer le concept de « signe composé ».
Nous parlerons donc de signe composé en nous référant à l’article d I. MEIR & al.20. Ces
auteurs définissent le signe composé comme la combinaison de deux signes pour en former un
nouveau. Chacun des éléments constituant le signe composé, revêt toutes les propriétés d’un
signe lexical, à savoir :
1) Des traits saillants formant un signifiant (HC, M, L)
2) Une forme visuelle ayant un sens stable
3) Une existence autonome en discours
Contrairement aux composés dans les langues vocales21 contraints par le principe de linéarité
ou séquentialité, les langues signées proposent, en plus de cette possibilité, un procédé que ne
connaissent pas les langues audio-vocales : la composition simultanée. La composition
séquentielle, implique la combinaison de deux signes lexicaux ou lexèmes, l’un après l’autre.
La question de la temporalité est donc bien présente. Quant à la composition simultanée, elle
consiste à mettre en saillance deux configurations, mouvements dans l’espace, et cela de
façon synchrone. Comme nous allons le voir par la suite, ce procédé impose certaines
contraintes d’ordre physiques (le corps du signeur) et temporelles. Nous étudierons à travers
les composés sélectionnés formant notre corpus, que la majorité des signes sont effectués dans
la séquentialité. Toutefois quelques-uns d’entre eux présentent des formes en simultanée. Il
est important de préciser que selon notre analyse sur les composés, les trois propriétés du
signe lexical s’appliquent aussi bien aux composés produits en successivité, qu’à ceux
concernés par la simultanéité.
20
Meir, Irit, Aronoff, Mark, Sandler, Wendy & Padden, Carol (2010). “Sign languages and
compounding”. In S.Scalise & I.Vogel (Eds.): Compounding. John Benjamins, 301-322.
21
Cf chapitre 1 traitant de la composition nominale
Ainsi, nous réfuterons la théorie de Dubuisson22 s’appuyant sur la composition simultanée
avec classificateur(s). En effet, l’auteure inclut les classificateurs comme éléments participant
à la composition nominale. Or les classificateurs ne répondent pas aux propriétés du signe
lexical dans le sens où qu’ils ne possèdent pas de signification propre. Comme stipulé en 2.3.2
les classificateurs ne sont que des marqueurs grammaticaux, et dépendent toujours d’un signe
lexical. Prenons l’exemple (1) qui illustre ce phénomène. Le signeur présente deux
configurations manuelles différentes, qui sont toutes deux des classificateurs. La main gauche
représente une reprise de frontière dont la forme est décrite par « 5 doigts écartés et
légèrement repliés », la seconde est une reprise de forme « 3 ». La main gauche est statique et
sert de support-locus à la main droite en mouvement. Ce sont clairement des classificateurs
qui sont présentés ici.
Dans la séquence vidéo, le signeur, par le biais de paraphrases précédant le signe en question,
explique que la main-support dessine une sphère à deux mains. Celle-ci va être réduite sur
une main (la gauche) afin de représenter le concept de [PLANETE]. La main droite, quant à
elle, reprend les 3 domaines définissant la notion de développement durable à savoir le milieu
économique, social et environnemental. Le mouvement produit qui s’éloigne du corps du
signeur, reprend le mouvement du signe [INFINI]. Il aurait difficile, voire impossible à
l’interlocuteur lambda de déduire le sens de ces deux classificateurs sans avoir connaissance
du contexte. Supposons toutefois que ces deux éléments remplissent les conditions de la
propriété 2) (à savoir un sens stable attribué à la forme), ils ne peuvent répondre à celle
proposée en 3) car en dehors du contexte, on ne peut attribuer de sens à ce type de signe. Les
classificateurs ne peuvent avoir un rôle sémantique autonome, puisque leurs fonctions sont
grammaticales et qu’ils sont toujours associés à des unités lexicales qui créées des références.
(1)
Développement durable
22
DUBUISSON C. (1996), Grammaire descriptive de la LSQ, tome 2 « Le lexique », université du
Québec, Montréal
3.4.2 POINT DE VUE MORPHOLOGIQUE
3.4.2.1 LE SIGNE LEXICAL A DIFFERENCIER DES SEQUENCES SYNTAXIQUES
Cette sous-section nous amène à considérer le signe composé comme différent d’une suite de
composants linéaires inscrits dans un contexte phrastique. Un signe composé représente une
unité lexicale à part entière. Comme nous l’avons vu pour la composition nominale des LV à
travers divers procédés, il est également possible de repérer cette différence pour les LS.
Quels vont être les marqueurs dans les langues signées qui vont permettre de repérer un signe
composé, le différenciant d’un signe simple inscrit dans une suite syntaxique ?
La création d’une nouvelle entité par la composition de deux lexèmes, produit des
changements qui permettent de distinguer la nouvelle entité des deux signes lexicaux dont elle
est issue.
Les principales tendances que nous avons pu déduire de l’observation de notre corpus sont les
suivantes :
-
La transition entre les deux lexèmes est plus fluide que s’il s’agissait de deux signes
indépendants liés par leur ordre dans un syntagme verbal (règle seulement valable pour les
signes effectués dans la successivité car la simultanéité n’implique pas de transition : les
deux lexèmes sont produits dans le même temps). Les bras ne se replacent pas forcément
le long du corps en position neutre. Ils conservent l’emplacement du premier lexème crée
pour enchainer avec le second signe par le biais d’un mouvement continu. Il y a une suite
des deux signes lors de la production du composé.
-
Le signe composé a une durée moindre de celles de ses deux composants produits
successivement dans un contexte phrastique. Le composé n’est généralement pas
beaucoup plus long qu’un signe lexical simple. Dans les deux supports relatifs à notre
étude thématique du développement durable, nous avons relevé des signes simples tels
que [ENVIRONNEMENT] ou [NUCLEAIRE] (2) et bien d’autres23. Sur un échantillon de 15
signes simples empruntés au glossaire et au DVD, nous constatons qu’en moyenne, leur
durée d’effectuation est de 1.14 secondes.
Pour des signes composés qui s’effectuent dans la successivité, on remarque que le temps
est légèrement plus élevé, mais ne correspond pas à l’addition de deux lexèmes, il est bien
moindre. Sur un nombre de 15 signes effectués dans la successivité et appartenant à notre
corpus, la durée moyenne varie entre 1.4 et 1.5 secondes Pour ce qui concerne les signes
formés dans la simultanéité de deux lexèmes, l’hypothèse se vérifie plus facilement étant
23
Cf liste de signes chronométrés en annexe
donné que la moyenne de la durée de ce type de composés est de 1 seconde et 3
centièmes.24
(2)
Environnement
-
Nucléaire
Le mouvement du premier lexème tend à être réduit ou effacé, pour se lier au second
lexème. C’est un phénomène qui est certes apparent pour certain signes, mais qui n’a pas
été vérifiable pour la majorité des signes. Il serait toutefois nécessaire de vérifier si cette
tendance peut être constatée avec des composés issus d’autres domaines d’analyse.
-
Le second lexème peut être anticipé dans sa réalisation lorsque le premier lexème ne
nécessite qu’une main, la main libre prend la position du second lexème. Ce point a été
avancé par Dubuisson (1996) dans ses travaux sur le lexique. Cet aspect de la
compositionnalité est à noter, mais n’est cependant pas le plus saillant. Certes, on
remarque que la main non-utilisée se rapproche de l’emplacement qu’elle doit prendre
pour produire le mouvement du second lexème. Toutefois, dans notre corpus, nous ne
disposons pas d’assez d’éléments d’analyse pour soutenir fermement ce point. Seuls un ou
deux signes composés sont concernés par cette tendance.
-
A l’inverse du point précédent, le premier lexème, lorsqu’il est produit à deux mains, peut
être maintenu dans l’espace du signeur lorsque le second lexème est effectué et qu’il ne
nécessite qu’une seule main. Ce constat a pu être fait sur des signes tels que maison
passive où le lexème [MAISON] est maintenu par la main non-dominante dans la forme
conservée, ceci lorsque le lexème suivant (à savoir [SEUL, AUTONOMIE]) est produit
par le signeur.
24
Cf annexe concernant la durée des signes
En revanche, dans les situations où une suite de lexèmes autorise l’intégration de composants
non-manuels, c’est-à-dire des marqueurs grammaticaux (regard portés sur les mains ou sur
l’espace syntaxique, expressions du visage sur un des lexèmes), alors on ne peut considérer
que cette suite de lexèmes relève de la composition. En effet, nous rappelons que le signe
composé est l’association de deux signes permettant d’en former un nouveau. Les éléments
grammaticaux, tels que classificateurs, éléments non-manuels ne peuvent participer à la
formation d’un composé. Afin d’illustrer nos propos, prenons un exemple au sein de notre
corpus. Dans le Glossaire du Développement durable, nous trouvons le photosigne pour
biodiversité (3) réalisé par NATURE^DIVERS. Il s’apparente à un signe lexical de par le
regard adressé à l’interlocuteur (la caméra), la durée de production de la séquence est réduite
à celle d’un lexème simple, le mouvement de transition entre les deux lexèmes est fluide.
Parallèlement à ce composé, nous avons trouvé les deux éléments (NATURE et DIVERS) en
contexte phrastique, dans un énoncé concernant la notion de réponses positives (4). Ici, on
perçoit certes les mêmes signes, placés sur les mêmes loci, mais déjà le mouvement est plus
lent, il en lien avec le contexte phrastique qui les précèdent. Surtout, on constate que le second
élément, à savoir [DIVERTS, ETC] est accompagné d’une mimique du signeur (froncements
des sourcils et plissement des yeux très prononcé), alors que ce n’est pas le cas pour le
premier élément. Cela indique que le second lexème porte une marque grammaticale : il
pourrait avoir le même statut qu’un mot-forme. Le regard intensifie le concept en question et
annule l’idée que [NATURE] et [DIVERS] puissent être associés pour former un composé.
On apparentera (3) à un signe composé, séquence relativement figée, en comparaison de la
séquence (4) qui est composée de mots-formes.
(3)
Biodiversité (espace lexical)
(4)
« (…) la nature, et diverses choses... » (espace syntaxique)
Du fait que la langue des signes utilise les mains pour produire les signes (associées à
d’autres éléments et paramètres, cf partie 2), et qu’un locuteur lambda possède deux mains25,
un choix de configuration s’offre au signeur dans la production d’un signe composé. Il sera ici
question de lexèmes unimanuels (à une main) et/ou bimanuels (à deux mains) que nous allons
étudier à travers les deux types de composition.
1.4.2.2
FORMATION DES SIGNES COMPOSES FORMES EN SEQUENTIALITE
Au sein-même de notre corpus, nous remarquons que dans la majorité des cas, les
deux mains du signeur sont sollicitées dans la production d’un des deux lexèmes. Le second
lexème est soit unimanuel (comme pour [AGRICULTURE BIOLOGIQUE]), soit bimanuel
([DEVELOPPEMENT DURABLE])26.
Le composé peut commencer par un lexème bimanuel, (comme c’est le cas pour [ENERGIE
RENOUVELABLE]), ou par un unimanuel [ECO-ENERGIE]. Il est également possible que les
deux lexèmes soient composés des deux mains comme en (5). Cependant, nous constatons
qu’aucun des signes composés participant à ce corpus du développement durable n’est formé
de deux lexèmes unimanuels. C’est pourtant une configuration possible dans les langues des
signes, que l’on retrouve en LSF dans beaucoup de signes exprimant la négation comme ‘ne
pas connaître’, ‘aucun intérêt’, ‘ne pas avoir dormi de la nuit’ équivalent de ‘nuit blanche’.
25
Nous mettrons ici de côté les situations exceptionnelles où le locuteur de la LS ne peut signer qu’à une
seule main, soin parce que son autre main est occupée, soit parce qu’il n’en a plus l’usage.
26
Cf Annexe
Egalement en LSQ, les termes de ‘madame’ et ‘monsieur’ par exemple sont formés de deux
lexèmes unimanuels. Dans la même langue, le verbe deviner va être composé du lexème
[PENSER] HC : index levé ; L : tempe du signeur ; M : tracé s’élevant, suivi de
[PRENDRE/SAISIR] HC : doigts écartés ; L : espace ; M : action de saisir.
(5)
Energie renouvelable : FORCE^PROPRE
1.4.2.3
FORMATION DES COMPOSES EN
SIMULTANEE
Pour ce type de formation des composés, la question de lexèmes uni ou bimanuels ne
se pose pas, dans la mesure où la simultanéité impose, dans le cadre de signes composés, que
les deux lexèmes mobilisés dans la production d’une nouvelle entité, soient unimanuels. On
pourrait considérer que ces signes ne relèvent pas de signes lexicaux propres, mais renvoient
plutôt à des classificateurs, n’ayant objectivement pas de sens propre. Cette théorie rejoint
celle proposée par Dubuisson, qui, dans son ouvrage intitulé Grammaire descriptive de la
LSQ, propose des signes composés par combinaison de classificateurs. Selon cette auteure,
ces éléments de construction de composés ont chacun un sens propre. Nous n’adhérons pas à
cette idée, puisque nous considérons les classificateurs comme appartenant à la classe
grammaticale, ne pouvant donc jouer le rôle d’une entité lexicale.
Notre approche sera tout autre : nous pensons que les composants du signe composé sont des
lexèmes tronqués. Pour chacun des lexèmes effectués avec une main, on constate que
nombreux d’entre eux sont habituellement produits avec deux mains comme pour [MAISON]
ou [ENERGIE] qui sont les composantes de notre exemple (6). Cependant, comme le corps ne
se limite qu’à deux mains, les lexèmes investis par les deux mains habituellement, se voient
ici contraints d’être tronqué. Lorsque nous parlons de troncation, nous partons du postulat que
le signe qui a été « amputé » était un lexème, et que ce qu’il reste de cette diminution, fait
encore office de lexème. Le principe d’économie de la langue s’impose ici à la LSF de par les
contraintes physiques en lien avec la modalité visio-gestuelle.
Nous retrouvons le même type de formation en simultanée pour les concepts d’énergie
éolienne et énergie hydraulique27. Pour ces deux signes composés, la forme des lexèmes est
principalement mise en saillance. Le lexème [ENERGIE] que l’on retrouve aussi dans les
composés panneau solaire et énergie éolienne, est également motivé par son mouvement,
mais aussi sa localisation. En fonction de la notion avec laquelle il est associé, [ENERGIE] ne
sera pas placé au même endroit : sa localisation est spécifique à chaque contexte dans lequel il
intervient. Dans le composé panneau solaire,(6) son emplacement est situé relativement haut
dans l’espace de signation (au niveau du visage du signeur) car l’énergie qui est évoquée ici
est provoquée par le soleil.
Au contraire, [ENERGIE] utilisé pour énergie éolienne va être produit au niveau du buste du
signeur car l’élément à la source de cette énergie est le vent, signé au même niveau que
l’éolienne.
(6)
Panneau solaire : MAISON^ENERGIE
Parmi nos données, le composé pour auto-partage (7) ([VOITURE] et [PARTAGER]) est un
signe en simultanée qui diffère du modèle de formation présenté plus haut. En effet, le
concept de [PARTAGER] se manifeste non pas par une configuration manuelle tronquée, mais
uniquement par son mouvement. Cela signifie que le signe [VOITURE] va porter, au-delà de
son prendre sens, à celui de la notion du second lexème de par son mouvement. [VOITURE]
est effectué avec les deux mains et simultanément déplacé dans l’espace d’un locus à un autre,
signifiant la notion de partage. On trouve donc ici un patron original de création lexicale
produit par le phénomène de simultanéité.
27
Cf annexes « Corpus » établi de signes composés
(7)
Auto-partage
En prenant du recul sur ce qui a été énoncé il serait intéressant de se demander si le
phénomène de simultanéité peut être considéré comme productif en matière de composition.
Contribue-t-il à la création de nouvelles entités lexicales ? Ou bien la simultanéité n’est
seulement un processus spécifique aux énoncés syntaxiques?
Actuellement, les études sur la composition simultanée telles que Dubuisson a pu le faire, ne
valident pas l’hypothèse présentée dans ce travail. En effet, elles ne prennent en considération
que des signes combinés à des composants qui ne correspondent pas à notre définition du
lexème. Elles considèrent que les classificateurs peuvent être des éléments de formation du
composé, alors même qu’ils relèvent de la dimension grammaticale et qui de ce fait, n’ont pas
de sens propre. Les travaux de Sandler rejoignent ceux de Dubuisson, sur le principe où son
étude du signe composé se focalise sur les bases verbales et les constructions à base de
classificateurs. Aucune de ces deux auteures ne traite la composition par signes ayant une
valeur lexématique comme nous le présentons dans ce travail.
Sur un autre registre, la simultanéité compositionnelle est un sujet abordé par Risler, mais elle
est associée aux signes processifs. Ceux-ci sont associés à des signes ou éléments nonmanuels qui réfèrent à la grammaticalité. Cette théorie ne valide également pas nos propos
avancés.
1.4.2.4
EXEMPLE DE FORMATION ORIGINALE D’UN SIGNE COMPOSE
Lors de l’analyse des signes composés répertoriés selon qu’ils mettent en jeu la
séquentialité ou la simultanéité, nous avons remarqué une suite très intéressante puisqu’elle
combine à la fois séquentialité et simultanéité dans sa production. Il s’agit de la composition
proposée pour le terme de photosynthèse (8), composé des lexèmes [FEUILLE] et
[ENERGIE]. Le locuteur débute en faisant le signe pour [FEUILLE]. Plutôt que de poursuivre
en effectuant [ENERGIE] avec les deux mains28, comme cela est fait pour les composés formés
de lexèmes en séquentialité, le signeur opte pour un maintien du lexème 1 et poursuit en
réalisant le lexème 2 (à une main) par un mouvement en direction du lexème 1. Cette
production diffère de la tendance des signes composés à maintenir le premier lexème dans un
but économique.
Dans cette situation, le lexème 1 garde volontairement le même emplacement, que le locuteur
va utiliser pour accomplir le second. Il semblerait bien que le signe [FEUILLE] dans sa version
tronquée, instaure l’établissement d’un locus. Ce qui fait l’originalité de ce signe composé est
le fait qu’il cumule séquentialité et simultanéité. La question se pose alors : dans quelle
catégorie ce signe soit-il être répertorié ?
(8)
[FEUILLE]
3.5
ETUDE
SEMANTIQUE DES
TRANSPARENCE ET OPACITE
[ENERGIE] tronqué
Sur locus de [FEUILLE]
SIGNES
COMPOSES
:
ENTRE
Lorsqu’il est question du sens que revêt un signe composé, on peut se demander si le
processus est le même que pour les LV. A savoir que le composé nominal issu de la
concaténation de deux lexèmes, peut soit revêtir un sens nouveau (exemples de casse-pied ou
rouge-gorge), soit un sens nouveau mais calculable à partir du sens de ses parties (comme
pour oiseau-mouche par exemple). C’est ce que nous avons traité dans le chapitre 1 comme
28
Cf Corpus en annexe où les lexèmes composant ce signe composé sont présentés dans leur unité.
étant des composés exocentriques ou endocentriques. Concernant les LS, on remarque qu’en
général, le sens des composés relève de la simple addition du sens des deux composants
identifiés dans la production du composé, comme le présentent ces trois exemples (9).
D’un point de vue sémantique, les signes composés de notre corpus sont relativement
transparents en ceci que leur sens est compositionnel. Si on prend l’exemple de Pollution de
l’air, on remarque que les deux lexèmes qui forment le composé sont respectivement
[POLLUTION] suivi de l’entité [AIR]. Le constat est similaire pour le signe composé
[SOBRIETE ENERGIQUE] qui est formé par le lexème [ECONOMIE] (qui est proche du
sens de sobriété) et le lexème [ENERGIE]. On constate que dans ces deux cas de figure, le
sens de chaque lexème additionné pour former le signe composé, correspond au sens de la
nouvelle entité composée. Le sens de ces signes composés est clairement endocentriques.
(9)
Eco-énergie
Sobriété énergique
Pollution de l’air
Le corpus comprend toutefois des séquences de signes dont le sens, a priori compositionnel,
ne correspond pas exactement à la somme des lexèmes qui forme le signe composé. C’est le
cas pour empreinte écologique (10).
D’un point de vue sémantique, on réalise que le lexème [ORIGINE] dans sa définition la plus
courante («Première apparition, première manifestation d'un phénomène; instant où celle-ci se
(s'est) produit(e) »29), ne peut être directement associée à l’idée d’empreinte. Dans cet
exemple, il est important de prendre en considération le terme d’empreinte dans le contexte
spécifique du développement durable. La définition donnée pour empreinte écologique30
implique la notion de ressources naturelles, matière première, ressource originelle de la
planète², qui est signifié en LS par le signe [ORIGINE] (la notion de ressources étant ici sous29
Définition tirée du TLFi : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3944009265;
« L’empreinte écologique est la surface correspondante de terre productive et d’écosystèmes aquatiques
nécessaires à produire les ressources utilisées et à assimiler les déchets produits par une population définie, à un
niveau de vie de matériel spécifié.'' Définition tirée du Dictionnaire de l’environnement :
http://www.dictionnaire-environnement.com/empreinte_ecologique_ID1038.html
30
entendue). Ce composé prend donc un sens qui ne peut pas être directement déduit de la
somme de ses éléments. On peut donc considérer que ce composé est sémantiquement
opaque, dans la mesure où on ne peut interpréter littéralement la suite des signes qui le
composent.
(10)
Empreinte écologique : ORIGINE^ECOLOGIE
Pour les signes composés produits par la simultanéité des unités, l’opacité sémantique est
encore plus flagrante lorsqu’elle met en jeu la troncation des deux éléments du signe
composé. Il n’est pas évident de savoir à quoi se réfèrent les deux signes tronquées sans avoir
une explication exhaustive. Prenons le signe attribué à [ENERGIE HYDROLIQUE] proposé en
(11) : ce composé est formé des signes [MER] et [EOLIENNE]31. La troncation est un facteur
qui favorise cette opacité sémantique et l’aspect contextuel est très important pour ce type de
signe composé.
(11)
Energie hydraulique
31
Cf Annexe « Corpus »
Le lexème bio- (si on le considère comme une unité lexicale indépendante, comme le stipule
Mathieu-Colas32), est une entité qui dans les composés du corpus, apparaît sous différentes
formes.
Bio- est un élément que l’on retrouve dans de nombreux composés. Selon la définition
proposé par le TLF33, bio- lorsqu’il rentre dans la formation de composés, va « désign(er) des
concepts ou des phénomènes en rapport avec la vie organique ». A l’intérieur-même de notre
corpus, il va tour à tour être représenté par le signe [ECOLOGIE, VERT], ou [NATURE,
NATUREL], ou encore [PROPRE] (12). Nous avons également pu repérer dans un signe du
corpus, une transcription du lexème par l’épellation B.I.O. On remarque donc que certains
signes composés vont être formés avec des lexèmes proches sémantiquement, mais qui
peuvent matériellement (dans la gestualité, le mouvement surtout) être très différents. Ce
phénomène n’est pas spécifique à la notion bio. En effet, la richesse des langues signées tient
du fait qu’une multitude de signes permettent de désigner un même concept. Ces variations
vont dépendre du contexte dans lequel la notion s’inscrit. Le sens de chaque signe reste
cependant très proche les uns des autres.
(12)
Biogaz
Biocarburant
32
Biodiversité
MATHIEU-COLAS M. (1996), « Essai de typologie des noms composés » in Cahiers de lexicologie,
69, pp 71-125
33
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=3776892465;r=1;nat=;sol=0;
3.6 APPROCHE PHONOLOGIQUE DES LS : LA QUESTION DE LA SYLLABE
C’est à travers William Stockoe, premier linguistique que nous avons découvert que
les LS avaient un niveau de signification phonologique. En effet, il est le premier linguiste à
avoir démontré que les LS, tout comme les LV, avaient une structure comprenant différents
niveaux de signification, dont une rattachée au domaine phonologique. Cependant, on ne
pourrait comparer la forme et l’organisation de ces deux modalités. Langues orales et langues
signées reflètent le même système cognitif, mais leur différence porte sur la transmission
physique du message, orale d’un côté, gestuelle de l’autre, qui a une incidence sur la
production phonologique.
Dans son article, Sandler (2008) considère que les LS possèdent des syllabes, et tente de
montrer que la syllabe des LS et des LV a des similitudes/ressemblances, mais également des
différences. Selon cette auteure, la syllabe en LS est un mouvement-trajectoire de la main
d’un locus à un autre. Ce mouvement est simple et présente soit une ouverture, soit une
fermeture de la main. La configuration manuelle accompagnée d’une séquence LML,
correspond à ce que Sandler désigne comme étant une syllabe du signe (cf schéma cidessous)
En LS, une unité lexicale correspond au même patron phonologique répété selon le nombre de
lexèmes inclus dans le signe (sur le modèle proposé par Stockoe : théorie sublexicale des
lexèmes en ASL) :
Configuration manuelle (HC)
Localisation
L
Mouvement
Localisation
M
Composition d’une unité syllabique en LS
L
A partir de cette théorie, comment la syllabe va-t-elle se manifester dans les signes
composés ?
Afin d’argumenter en faveur de l’existence des syllabes, il faut pouvoir distinguer celles-ci
des autres éléments tels que le lexème et l’unité lexicale. Ce schéma illustre les possibilités
offertes aux noms composés en LS (sur le principe où ces derniers sont formés d’au moins
deux lexèmes).
Signe composé
1
L
2
L
L
L
OU
Unité
monosyllabique
Unité bisyllabique
= lexème
= Syllabe
Le signe composé d’un point de vue morphologique et phonologique. Deux possibilités au niveau
phonologique
Parmi notre corpus, certains signes présentent la configuration de signes bisyllabiques : dans
ce type de signe, un lexème correspond à une syllabe. Si on prend l’exemple du signe pour
développement durable proposé par le Glossaire du développement durable (13), on remarque
que le signe [DEVELOPPEMENT] représente une unité phonologique à elle seule puisqu’elle a
recours à une séquence LML. La localisation de départ diffère de celle d’arrivée de par le
mouvement produit afin de signifier la notion en question. Dans un second temps, les mains
reprennent place au centre de l’espace du signeur, dans une continuité qui rend l’action fluide.
Il n’empêche pourtant que le signe [INFINI] réenclenche une nouvelle séquence localisationmouvement-localisation avec un locus de départ qui s’apparente fortement à celui de
développement.
(13)
En revanche, l’emplacement d’arrivée est bien différent de ce qui a été produit au préalable.
La main du signeur s’éloigne vers l’avant de l’emplacement initial. D’un point de vue formel,
on remarque que les deux signes sont liés : certaines tendances évoquées en 3.4.2.1 sont
vérifiées dans ce composé (dont celle du mouvement qui prévaut sur les autres). Il serait
possible de considérer ce signe comme monosyllabique sur le principe où il n’y a pas de
rupture dans le mouvement qui lie les deux lexèmes, et que par conséquent les seuls locus
identifiables se résument à celui que l’on retrouve au commencement du signe
[DEVELOPPEMENT] que nous appellerons L1, et à l’emplacement où s’achève le signe
[INFINI] nommé L4. La fluidité du mouvement permet une fusion des localisations situées au
cœur du signe composé (effacement de L2 et L3).
Dans le cadre de cette étude, nous opterons pour ce dernier point de vue, où le signe composé
est généralement considéré comme une unité monosyllabique, à condition que ce dernier
remplisse les conditions d’un composé. Le schéma ci-dessus résume ce processus.
HC 1
HC 2
HC (1+ 2)
⇒
L1
M
L2
L3
M
L4
L1
M
L4
Concernant les composés qui découlent du phénomène de simultanéité, l’hypothèse présentée
s’applique d’autant plus pour ces derniers qu’ils n’engagent qu’un seul mouvement associé à
deux localisations. La notion d’énergie éolienne (14) illustre nos propos : le composé est
certes formé d’une configuration manuelle différente pour chaque main. Comme nous avons
pu le présenter au cours de cette analyse, nous adhérons à l’idée que chacune de ces
configurations représente un lexème tronqué. Dans notre exemple, une des deux mains
représentant le signe [EOLIENNE], reste figée (c’est-à-dire ne présente aucun mouvement) sur
un emplacement particulier. Cette localisation (L4) va servir de repère pour le second lexème
en mouvement [ENERGIE], qui va effectuer des va-et-vient entre son locus de départ (L1) et
ce dernier. On retrouve donc la séquence LML représentative d’une unité syllabique.
(14)
Energie éolienne
Tout au long de cette sous-partie, nous avons émis des hypothèses, tenté de démontrer que les
signes composés en LSF relevaient d’unités monosyllabiques. Quelles sont les raisons
pouvant expliquer que les signes composés relèvent de ce type de formation phonologique ?
Nous supposons que ce processus relève d’une forme d’économie articulatoire dans le sens où
les locus placés au centre de la production sont « effacés » au profit du trait de mouvement.
Ce phénomène phonologique pourrait être en corrélation avec la prosodie, car la formation
des signes composés sont en lien avec leur durée de réalisation. Il serait possible que les
locus L1 et L4 jouent le rôle d’accents, marquants ainsi le début et la fin du signe.
CONCLUSION
A travers ce travail de recherche, nous pensons avoir apporté quelques éléments de
réponses à la question au cœur de notre analyse : comment se forment les signes composés ?
Ayant posé les principes théoriques concernant la composition nominale pour les langues
vocales, nous avons établi un cadre définitoire qui nous a permis de nous situer dans une
morphologie prônant le lexème comme unité de base de notre analyse.
Langues des signes et langues vocales n’ont pas recours au même canal pour permettre
l’échange d’information, l’expression de pensées ou sentiments. L’étude de la composition
nominale ne pouvait donc pas être axée sur une comparaison LV/LS puisque la modalité de
chacune impliquée des processus différents. De fait, il semblait nécessaire de consacrer un
chapitre de présentation des langues signées, afin de comprendre par la suite, le concept de
signe composé.
En effet, nous pouvons dès lors penser la composition nominale des signes en LS comme un
processus original. En effet cette dernière suppose des phénomènes de séquentialité connus
également par les langues vocales, mais surtout et avant tout, un procédé qui offre la
possibilité de former des signes composés sur la base d’une simultanéité de lexèmes.
A l’aide du corpus établi, nous avons illustré les phénomènes de séquentialité et simultanéité
comme des procédés permettant la création de signes composés. Cela suppose que des
conditions spécifiques en matière de mouvement, de durée, de réduction, de maintien
d’anticipation soient appliquées dans la réalisation des lexèmes.
Aussi, la formation de signes composés ne peut intégrer de marqueurs grammaticaux étant
donné que le composé s’inscrit dans le schéma du signe lexical hors contexte phrastique.
C’est en cela que nous pouvons percevoir la nuance entre la composition et une séquence de
signes relateurs. Ainsi des amalgames entre ces deux formes opposées peuvent être évités.
C’est pour cette raison que nous avons fait le choix de ne pas considérer le classificateur
comme une unité entrant dans la composition nominale. Nous avons opté pour une
représentation du signe composé en simultanée, où chaque unité est formée de signes
tronquées, mais dont le sens est préservé.
Parmi ces données recueillies, certaines d’entre elles nous ont parus intéressantes car elles se
démarquaient quelques peu des tendances présentées dans la réalisation des signes composés.
Nous avons également considéré le signe composé sous un angle phonologique. C’est-à-dire
que les unités lexématiques en LS sont formées de syllabes (sur modèle LML de Sandler).
Nous avons démontré, par le biais des tendances qui leur sont inhérentes, que les signes
composés se réalisent par une unité monosyllabique.
Intérêts et limites de la Recherche :
Notre attachement pour ce sujet en particulier s’explique par la curiosité portée sur les
procédés de formation des néologismes. Afin de ne pas s’égarer dans une multiplicité de
phénomènes en lien avec la création lexicale, nous avons pris pour objectif de cibler notre
problématique sur la composition nominale afin de pouvoir clairement expliciter ses
processus de formation.
Notre choix premier a été de poursuivre notre analyse sur une thématique ayant attrait au
domaine du développement durable. Nous avions pleinement conscience que les concepts
associés à ce sujet, seraient encore inscrit dans le processus de création lexicale. Bien que
riche en signes composés, le corpus étudié présentaient une quasi-majorité de signes non
attestés dans les dictionnaires papier ou électronique. Ces derniers peuvent être soumis à
modifications avant d’acquérir une forme stable, ce qui risque de remettre en question la
validité des théories présentées.
Egalement, il est vrai que les divers constats et suppositions émis dans le cadre de ce travail
sont très limités dans le sens où il ne concerne qu’une petite vingtaine de termes parmi le
panel de signes composés que connait la langue des signes française.
Nous espérons que ce travail contribuera à de nouvelles réflexions concernant le processus de
composition nominale dans langues signées, le sujet étant peu traité dans les théories ayant
attrait à la LSF.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
BOUVET D. (1997), Le corps et la métaphore dans les langues gestuelles ; à la recherche
des modes de production des signes, l’Harmattan, Paris
DUBUISSON C. (1996), Grammaire descriptive de la LSQ, tome 2 « Le lexique », université
du Québec, Montréal
FRADIN B. (2003), Nouvelles approches en morphologie, Paris : PUF
MEURANT L. (2008), Le regard en langue des signes- Anaphore en langue des signes
française de Belgique (LSFB) : morphologie, syntaxe, énonciation, Presses Universitaires de
Rennes.
PEIRCE C.S (1978), Ecrits sur le signe, Paris, Seuil
Articles
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constituants », in D. Amiot éd. La composition dans une perspective typologique, Arras,
Artois Presses Université, pp. 89-113.
CUXAC C. (2000), « Compositionnalité sublexicale morphémique-iconique en Langue des
Signes Française », Recherche Linguistique de Vincennes n°29, pp 55-72
MATHIEU-COLAS M. (1996), « Essai de typologie des noms composés » in Cahiers de
lexicologie, 69, pp 71-125
MEIR I., ARONOFF M., SANDLER W. & PADDEN C.(2010). “Sign languages and
compounding”. In S.Scalise & I.Vogel (Eds.): Compounding. John Benjamins, 301-322.
NESPOR M., SANDLER W (1999) « Prosodic Phonology in Israeli Sign Language »
Language and Speech, 42 (2&3), 143-176.
RISLER A. (2002) : « Point de vue cognitiviste sur les espaces crées en LSF : espace lexical,
espace syntaxique », in LIDIL n°26 LIDILEM, Université Stendhal, Grenoble III, pp 45-62.
RISLER A. (2006) : « La simultanéité dans les signes processifs », in Glottopol n°7, pp 53-71
SANDLER W. (1999), “Cliticization and Prosodic Words in a Sign Language” In Studies on
the Phonological Word, Tracy Hall and Ursula Kleinhenz (Eds.), 223-255.
SANDLER W.(2008) “The syllable in sign language: Considering the other natural
modality”.In The Syllable in Speech Production, Barbara Davis and Kristine Zajdo (Eds.)
379-408., New York: Taylor Francis.
Site internet:
http://www.irit.fr/GlossaireDD-LSF/index.html
Autre support :
DVD d’un cours « Séminaire en LSF » animé par Olivier Fidalgo, 3 mars 2011.
ANNEXES
1- Corpus du Développement Durable
2- Durée des signes
Annexe 1
CORPUS du Développement durable
Signes composés par séquentialité de lexèmes
Glossaire du développement durable
Séminaire universitaire O. Fidalgo
Développement durable : DEVELOPPEMENT^INFINI
Energie renouvelable : FORCE^PROPRE
+
Eco-énergie : ECOLOGIE^ENERGIE
Photosynthèse : FEUILLE^ENERGIE(tronqué) avec maintien du locus
FEUILLE sur main non-dominante
+
Annexe 1
Biogaz : GAZ^PROPRE
Biocarburant : ECOLOGIE^ESSENCE
+
Agriculture biologique : AGRICULTURE^PROPRE
Sobriété énergique : ECONOMIE^ENERGIE
+
Maison passive : MAISON^SEUL(E), AUTONOMIE
Annexe 1
Maison positive : MAISON^PROTEGER
Réchauffement climatique : CHAUFFER^CLIMAT
Empreinte écologique : ORIGINE^ECOLOGIE
Annexe 1
Biodiversité : NATURE^DIVERS, ETC
Pollution de l’air : POLLUTION^AIR
Isolation thermique : EVITER^THERMOMETRE
Annexe 1
Signes composés sur la simultanéité de lexèmes (qui dans un souci de faisabilité sont tronqués) :
Séminaire universitaire O. Fidalgo
Panneaux photo-voltaïques : MAISON (tronqué) ^ENERGIE (tronqué) sur locus MAISON ac mouvement
Lexèmes composants
Annexe 1
Energie éolienne : EOLE (tronqué) ^ ENERGIE(tronqué) avec mouvement
Lexèmes composants
Annexe 1
Energie hydraulique : MER (tronqué) ^ EOLIENNE (tronqué) sur main dominante avec mouvement
Lexèmes composants
Auto-partage : VOITURE à deux mains (sans mouvement)^PARTAGER suggéré dans le mouvement effectué avec lexème
VOITURE
+
Annexe 1

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