Eric Loret - Danny Steve

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Eric Loret - Danny Steve
Eric Loret, Traque à trou, Libération n° 8310, 24 janv 2008.
C’est un château sur une colline qui ressemble à celui de Sintra au Portugal, dégoulinerie
disneyenne avant l’heure, et Danny Steve ne l’a pas piqué des vers, vu la dose de couleurs
qu’elle y a rajouté. S’y promènent des poupées et des animaux à gueule de figurine plastique,
dans une ambiance 3D qui sent bon le jeu vidéo tout fané. Le hiatus est dans la place : corps
raides et mal articulés dans un décor über psyché. Il y aura des fleurs et des grincements de
dents.
L’album Je t’aime est pour partie le résultat d’une résidence à la Maison des auteurs
d’Angoulême et aussi une bonne illustration d’un concept cher à Danny Steve : le fun de
l’inertie. Tout tourne ici autour de trous, des trous de poupées qui ressemblent à des
baigneurs, des « trous de baigneuses », donc. Ils sont au milieu d’un jardin fragmentaire et
sujet à discussion entre deux mannequins de celluloïd : « Mon trou est plus profond. –Mais le
mien est plus joli. » Ajoutons à cela une histoire de sécheresse et d’humidité perdue et
retrouvée, et l’on sent qu’il y a de la sexualité là-dessous, du rôle social, de l’identité par le
trou d’yeux des autres.
En attendant d’entrer (sans pénétrer) dans le royaume désirant de Je t’aime, on pourra
s‘assouplir le corps avec Dix minutes de sumo, son précédent opus. Là, la figurine humaine
devient non une poupée mais un signe parmi d’autres, oblitéré, mal interprété, court-circuité,
échangeable. Toujours susceptible de finir balayé.

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