GB n`est pas un sous-produit de Carrefour Belgium

Transcription

GB n`est pas un sous-produit de Carrefour Belgium
LE PATRON DE GB S’EXPLIQUE SUR LA FERMETURE DES 16
SUPERMARCHES ET LA PERTE DE 900 EMPLOIS
«GB n’est pas un sous-produit de
Carrefour Belgium»
Pour Jean-Marie Andreassier, le directeur français à la tête des
supermarchés GB, il n’est pas question de liquider la marque belge
encore moins de franchiser l’ensemble du parc de supermarchés. A la fin
2008, 400 magasins arboreront l’enseigne rouge. Qui cherche à se
positionner, en vrai concurrent de Delhaize, comme l’autre spécialiste
des produits frais.
GB vit à nouveau des moments difficiles. Carrefour, premier groupe de distribution en
Europe, a réussi en huit ans à sortir du rouge le leader belge de la distribution alimentaire,
Mais il n’a pas trouvé la recette pour faire décoller ses ventes. Sa part de marché qui dépassait
les 30 pc en 1999 avait fondu à 28,6 pc à la fin 2006. Pour la première fois depuis son arrivée
aux commandes l’entreprise belge, Carrefour a annoncé, la semaine dernière, une lourde
restructuration. Le géant français va procéder à la fermeture de 16 des 78 supermarchés GB
intégrés qu’il possède dans le pays, des supermarchés «structurellement en perte». Cette
restructuration entraînera la perte de 900 emplois sur les 5.500 qu’occupe l’enseigne. Elle
intervient quelques mois après l’annonce d’un nouveau projet d’entreprise qui prévoit de
réduire de cinq à trois le nombre de ses enseignes: Carrefour (hypermarchés), GB
(supermarchés) et Express (proximité). Resté discret depuis l’annonce de la réorganisation,
Jean-Marie Andreassier, le patron français à la tête de GB et d’Express depuis deux ans, a
accepté de répondre aux questions de Trends-Tendances.
TRENDS-TENDANCES. Pourquoi annoncer maintenant la fermeture de ces 16
supermarchés et non pas au moment de l’annonce du projet d’entreprise, en
décembre 2006. Leur mort était-elle déjà programmée à ce moment-là ?
JEAN-MARIE ANDREASSIER. On savait qu’un certain nombre de magasins posaient
problème avec des coûts - et notamment des coûts salariaux - qui augmentent plus vite que
leur chiffre d’affaires. Lors d’un conseil d’entreprise en décembre dernier, j’ai dit que la
moitié de nos supermarchés intégrés, soit 40 magasins, remplissaient parfaitement leur rôle,
avec des résultats tout à fait honorables plutôt dans la moyenne haute de la profession. Dans
les 40 autres, j’estimais pouvoir en redresser 20 mais j’étais inquiet pour l’autre vingtaine.
Mais comme nous avions entrepris une série de remodelings dans certains des points de vente
à problème, nous espérions encore un changement. Les 16 supermarchés en question n’étaient
donc pas condamnés à la fin 2006, la décision n’était pas prise. Pourquoi le faire aujourd’hui?
Leur situation ne s’est pas améliorée et celle-ci devient intenable au point de mettre l’avenir
des autres supermarchés GB intégrés en danger. Afin de pérenniser la chaîne, il fallait prendre
une décision à un moment à un autre. On nous reproche d’avoir annoncé ce plan avant les
vacances mais il n’y a pas de bon moment pour ce genre d’annonce.
Les syndicats vous reprochent aussi d’avoir tué à petit feu l’enseigne en
n’investissant pas dans certains magasins…
C’est faux. Au cours de ces huit dernières années, Carrefour a investi 180 millions d’euros
dans les supermarchés GB, dont 27 millions dans les 16 points de vente appelés à fermer leurs
portes.
Tout cela pour cela… Carrefour n’aurait-il dû pas prendre ce type de mesure
radicale avant d’investir dans le «grand magasin GB» ?
Je suis totalement solidaire avec mes prédécesseurs. Nous y avons cru; un travail colossal a
été fait depuis 1999, tant sur le plan de la transformation des magasins et de l’assortiment
qu’au niveau de l’organisation logistique et informatique. Nous avons voulu nous donner le
temps nécessaire mais à un moment donné, la décision est devenue inéluctable.
La restructuration ne traduit-elle pas l’échec de la stratégie commerciale mise
en place par Carrefour pour relancer GB ?
Ce n’est absolument pas un échec. Mais parallèlement à ce que nous avons pu entreprendre,
nos concurrents ne sont pas restés statiques. Les nombreuses ouvertures de magasins hard
discount (ndlr : Aldi et Lidl) ont pesé lourd. Or, le marché n’est pas extensible. Les 16
supermarchés dont on prévoit la fermeture sont situés dans des quartiers économiquement
difficiles, là précisément où excelle le hard discount. De plus, entre 1999 et 2004, l’expansion
a été plus rapide chez nos concurrents que chez nous. Nous sommes actuellement en train de
combler le retard. Par ailleurs, la Belgique a une très forte densité de grandes surfaces et le
Belge fait partie des consommateurs qui fréquentent le plus d’enseignes. Enfin, Carrefour
partait d’une position de leader, une position difficile à garder.
Tant les analystes que les syndicats craignent que cette restructuration ne soit
pas suffisante pour résoudre les problèmes de Carrefour Belgium et qu’il y a
aura d’autres fermetures de supermarchés intégrés.
Il n’y a pas de plan caché. Notre volonté est de garder un parc de supermarchés intégrés.
Quelle légitimité et crédibilité pourrais-je avoir face à un nouvel investisseur si je n’ai pas un
modèle qui fonctionne parfaitement à lui présenter ? C’est le cas actuellement pour la moitié
de notre parc. Dans ce qu’il reste, il y a les 16 points de vente voués à la fermeture et une
vingtaine d’autres que l’on pense pouvoir ramener à un niveau de rentabilité honorable grâce
au remodeling et l’introduction de la marque carrefour.
Quelle sera, à l’avenir, la proportion intégrés/franchisés chez GB ?
Notre ambition est de compter, à la fin 2008, quelque 400 magasins à l’enseigne GB : les 62
intégrés et 338 tenus par des indépendants. Parmi les franchisés, il y a les 202 GB Partner, une
petite soixantaine de Contact qui passeront sous la bannière GB et dix nouvelles ouvertures
programmées d’ici la fin de l’année.
Vous n’éprouvez pas trop de difficultés à trouver des candidats franchisés ?
Non car c’est une enseigne dont on peut être fière et dont la franchise fonctionne très bien.
Tous nos magasins franchisés sont rentables et gagnent des parts de marché. C’est un peu plus
difficile de trouver des indépendants pour nos magasins de proximité en raison de son rythme
d’ouverture très soutenu : on ouvre un Express par semaine !
GB n’est donc pas une enseigne en voie de liquidation ?
Absolument pas. Le groupe n’aurait pas investi 180 millions d’euros dans 78 magasins pour
décréter immédiatement après: «GB doit mourir ! » GB et Express représentent plus de 50 pc
du chiffre d’affaires de Carrefour Belgium. GB n’est pas un sous-produit de Carrefour
Belgium ! Carrefour Belgium est le seul distributeur multi-format en Belgique Cela peut
paraître difficile à comprendre mais c’est ce qui fait la force de Carrefour dans les différents
pays d’Europe où il est présent.
Contrairement à ses deux principaux concurrents, Delhaize (spécialiste de
l’alimentaire) et Colruyt (champion des prix), GB n’a pas de positionnement
clair. Comment remédier à ce problème ?
D’après nos enquêtes, on constate que les Belges restent très attachés à GB et qu’ils
apprécient sa convivialité. Ils lui reprochent un manque de modernité. Pour changer cela, on
dynamise l’enseigne, on lance les produits à la marque Carrefour, on se spécialise dans les
produits frais, on développe le rayon produits d’hygiène et beauté et on élargit l’assortiment
en non consommables : librairie, DVD, papier photo, etc.
L’un des problèmes de Carrefour n’est-il pas finalement de ne pas avoir pu
transposer son enseigne de supermarché Champion car c’est le groupe
Mestdagh qui en a l’exclusivité jusqu’en 2013 en Belgique ?
La question s’est posée car tout se négocie. Mais garder GB a été un choix délibéré. Vu
l’attachement des Belges à GB, cela aurait été une erreur de passer de l’enseigne GB à
Champion en termes de stratégie, d’autant plus que Champion n’avait aucune notoriété en
Flandre, où sont situés plus de la moitié des GB.
L’arrivée du fonds Blue Capital (Arnault et Colony Capital) dans l’actionnariat
de Carrefour a-t-elle précipité la restructuration dans les pays comme la
Belgique à faible rentabilité ?
Non. Cela n’a rien à voir. Chaque pays est responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre
de sa stratégie. Notre plan vise bien sûr à améliorer la rentabilité de Carrefour Belgium, qui
n’est pas encore au niveau des critères du groupe.
Quels sont vos objectifs en termes de parts de marché ?
L’ambition de Carrefour Belgium, à deux ou trois ans, est toujours de stopper la perte des
parts de marché et de commencer à en regagner.
Quand les 16 magasins fermeront-ils en définitive leurs portes ?
Je suis incapable de le dire. On table sur le deuxième semestre 2007 voire le début 2008 mais
cela dépendra de la négociation avec les syndicats. Or, celles-ci ne débuteront qu’aux
alentours du 10 septembre. Je le regrette. Je souhaitais entamer les négociations le plus vite
possible pour rassurer nos collaborateurs sur le fait qu’il n’y aura pas de licenciements secs.
C’était aussi le souhait d’un certain nombre de nos collaborateurs qui sont pressés d’être fixés
sur leur sort.
Quelles alternatives allez-vous proposer au personnel concerné ?
Les directeurs de magasins et managers de rayons auront la possibilité d’accéder à la
franchise, de rejoindre les hypermarchés ou de s’intégrer dans les structures internes de
Carrefour Belgium. Ce ne sera pas un problème de les replacer. Ce sera plus difficile pour le
reste du personnel. Je ne veux pas devenir marchand de rêves en promettant des mutations ou
replacements mais nous étudierons toutes les solutions possibles, comme le crédit-temps, les
prépensions (ndlr : la pyramide des âges est assez élevée avec une moyenne d’ancienneté de
17 ans).
Sandrine Vandendooren