Michel Munzenhuter, le bonheur industriel brut

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Michel Munzenhuter, le bonheur industriel brut
ECONOMIE
21
DÉVELOPPEMENT Soixante entrepreneurs qui font l’Alsace
FAITS DIVERS
PLOBSHEIM
Disparition
inquiétante
Q SAMEDI6JUILLET2013
Michel Munzenhuter,
le bonheur industriel brut
Passionné par la performance humaine et industrielle, le directeur général de SEW Usocome Michel
Munzenhuter a créé un modèle original d’organisation. Quarante et unième volet de notre série.
Michel Leleu.
DOCUMENT REMIS
Les gendarmes de la brigade
de Fegersheim lancent un
appel à témoins suite à la
disparition inquiétante de
Michel Leleu. Ce dernier, né le
15 juin 1937 à Villeurbanne et
habitant au 75a rue du Général-Leclerc à Plobsheim, a
quitté son domicile le 2 juillet
vers 15 h à bord d’une Toyota
Rav4 de couleur grise. Le véhicule est immatriculé CAO94ED
dans le département 34.
L’homme mesure 1,80 m pour
80 kg. Ses cheveux sont gris. Il
porte des lunettes de vue. Au
moment de son départ, il était
vêtu d’une chemisette rayée
blanche et claire, d’un bermuda beige et de sandales. Il
aurait également emporté avec
lui un haut de couleur bleu.
Victime d’un AVC en 2001,
cette personne souffre de
troubles de la mémoire. Toute
personne l’ayant aperçue est
priée de contacter la gendarmerie de Fegersheim au
✆ 03 88 64 22 22
EN BREF
FELDKIRCH
Sans permis
depuis 19 ans
Un motocycliste qui roulait
sans permis depuis 19 ans a
été intercepté par les motards
de la gendarmerie de Mulhouse jeudi en fin d’après-midi. L’homme de 43 ans avait
tenté de se soustraire à un
contrôle du côté de Feldkirch.
Il a été rattrapé près de Soultz
(Haut-Rhin) où il est domicilié, à l’issue d’une poursuite.
Laissé en liberté, il risque
désormais d’autres poursuites, celle de la justice cette
fois, pour défaut de permis et
mise en danger d’autrui.
«S
NOUVELLE USINE
i j’ai des opérat eurs heureux,
j’aurai forcément
des clients heureux. C’est aussi simple que cela.
Il n’y a pas de performance sans
bonheur au travail ». La phrase
est de Michel Munzenhuter, directeur général de SEW Usocome
France. Dans la bouche de tout
autre, la sentence apparaîtrait
au mieux convenue, au pire un
peu forcée. Mais le patron de
l’usine de moteurs électriques et
de réducteurs de Haguenau, qui
n’aime rien tant que d’en expliquer les grands et petits secrets,
ne repompe pas les livres de management à la mode. Il incarne
un modèle de management vivant, passionné par son sujet
qu’il construit avec une très
grande intensité depuis plus de
vingt ans.
À 63 ans, n’ayant plus grandchose à prouver, vous recevant
avec un sourire charmeur et une
forme de jeune homme, Michel
Munzenhuter est un des industriels français les plus respectés.
Et il est très écouté aussi au sein
du groupe auquel il est fidèle
depuis plusieurs décennies,
SEW Eurodrive, à Bruchsal. Au
point d’avoir réussi à convaincre
ses dirigeants, malgré l’instabilité politique et sociale française, l’absence angoissante de prévisibilité fiscale et juridique de
notre pays, de construire une
nouvelle usine de montage à à
Brumath-Mommenheim, sur la
plateforme départementale d’activités (lire l’encadré). Après
tout, le groupe qui a déjà énormément investi en France,
aurait pu faire un autre choix.
SEW Usocome a annoncé l’an
dernier la création d’une nouvelle unité en Alsace, à BrumathMommenheim, près de l’autoroute A4. Pas moins de
43 millions d’euros vont y être
investis pour un démarrage de la
production en 2014-2015. Le
chantier de ce bâtiment de plus
de 32000 m² sur 120000 m² de
terrain, a débuté et les délais
seront tenus. Avec les développements annoncés de Cuisines
Schmidt en Centre Alsace et les
investissements de Kuhn à
Saverne, c’est un des plus beaux
projets industriels menés en
Alsace. Accompagnés, comme il
se doit, avec un soin scrupuleux
par l’Adira, l’Agence de développement du Bas-Rhin.
A.L.
de l’unité. Partout des panneaux
et des écrans relayent l’information avec un étonnant luxe de
détail : « Tenez ! Vous voyez cette machine en rose avec un triangle jaune ? Cela veut dire qu’elle
est en panne depuis plus de 10
minutes », explique l’industriel.
Et il illustre : « Dans le montage,
nous avons fait un gain de 14
points de productivité en éliminant les micro-arrêts, dont personne ne s’occupait… »
« Quand on laisse
faire les gens, on
obtient beaucoup
plus que quand on
impose
une décision »
« Notre métier, c’est
d’offrir le mouvement
et notre chance
inouïe est d’être
présent dans
absolument tous
les secteurs »
BRUNSTATT
Brûlée dans
l’incendie
de sa maison
Une femme âgée de 37 ans a
été sérieusement brûlée aux
avant-bras et au visage hier
midi dans l’incendie de sa
maison, rue Saint-Georges à
Brunstatt. Le feu, d’origine
accidentelle, s’est propagé à
la cuisine puis aux combles.
L’habitation a été entièrement calcinée. Trois autres
occupants sont indemnes.
SEWEN
Moto contre camion
Hier vers 15 h 30, un motard
effectuait une manœuvre de
dépassement quand le poids
lourd qu’il suivait a tourné à
gauche, en descendant la
vallée de la Doller, à Sewen.
La moto a percuté l’avant du
camion et le motard, un habitant de l’Île-sur-le-Doubs âgé
de 70 ans, a dû être transporté par l’hélicoptère de la sécurité civile au centre hospitalier Emile-Muller de
Mulhouse. Il souffrait apparemment d’une fracture à la
jambe et d’un déchirement
au niveau du pied.
Michel Munzenhuter, avocat
acharné de son territoire et de
ses collaborateurs, connaît sur le
bout des doigts les grandeurs et
faiblesses de Süddeutsche Elektromotoren Werke, fondée en
1931. Aujourd’hui SEW Eurodrive est un groupe structuré et
puissant, fort de 15000 personnes (5000 de plus qu’en 2005),
réalisant 2,4 milliards d’euros
de chiffre d’affaires (2,6 milliards attendus cette année) et
exploitant quinze usines dans le
monde. Il y a vingt ans, SEW
était totalement absent de Chine. Il est propriétaire aujourd’hui à Tianjin («pas de jointventure, surtout pas ! »,
s’exclame Munzenhuter) de
200000 m² d’ateliers où s’activent 3500 personnes.
« Les produits fabriqués en Chine ne sont pas destinés à l’Europe, mais restent en Asie. De mê-
Michel Munzenhuter, directeur général de SEW Usocome France, au guidon d’un vélo électrique
rechargeable par induction, une solution maison. PHOTO DNA – FRANCK KOBI
me ce que nous fabriquons au
Brésil reste en Amérique », explique l’industriel.
Il juge visionnaire la stratégie
mondiale de SEW. Beaucoup
moins enthousiaste sur la politique de recherche et développement : « Le bureau d’études est
centralisé. C’est la seule erreur
stratégique de ce groupe. S’il y a
un point faible chez SEW, c’est
celui-là », affirme Michel Munzenhuter avec son franc-parler
habituel. Débrouillard et indépendant d’esprit, il a créé à Haguenau une sorte de groupe de
d é ve l o p p e m e n t « p i r at e »
auquel on doit notamment la mise au point du complexe véhicule électrique/système de recharge par induction. Une approche
élégante jugée très porteuse.
SEW Usocome commercialise
d’ailleurs un vélo RedRunner à
assistance électrique, ainsi équipé. Une particularité assez étonnante de la part de cette unité de
production qui débite des moteurs au rythme de 4500 par
jours, auxquels s’ajoutent 2500
réducteurs quotidiens.
« Notre métier, c’est d’offrir le
mouvement et notre chance
inouïe est d’être présent dans
absolument tous les secteurs.
Nous voulons être acteurs de la
mobilité de demain », explique
le chef d’entreprise, admirateur
du pilote Sébastien Loeb. Enfant
de ce pays d’Alsace du nord,
comme lui, et dont on retrouve
l’effigie souriante et barbe de
trois jours millimétrée dans tous
les coins des ateliers de Haguenau.
Ces halls historiques, SEW avait
racheté une usine en 1960 pour
y installer sa première filiale à
l’étranger, n’ont cessé de grandir
depuis plus de cinquante ans.
Les quelque 1500 personnes qui
y travaillent commencent à
manquer de place. Et cela malgré l’ouverture, en 1994, d’une
usine neuve à Forbach, projet à
l’époque déjà piloté par Michel
Munzenhuter. Cernée de rues résidentielles, l’usine de Haguenau ne peut s’étendre.
Michel Munzenhuter ne croit pas
d’ailleurs, à la supériorité des
usines géantes. Haguenau est
d’ailleurs organisée en une vingtaine de mini-usines employant
en moyenne 55 personnes, chacune dotée d’un responsable et
d’une mesure de sa performance.
Très attaché à l’emploi dans le
bassin, où tout le monde le salue
et le connaît, le chef d’entreprise
a voulu faire de ce très vaste site
un pilote ayant toujours une longueur d’avance en termes d’organisation et de performance.
« Nous investissons 8 % de notre
chiffre d’affaires, totalement en
autofinancement. Nous n’avons
plus qu’un seul niveau hiérarchique. Toute l’information de
l’entreprise est disponible partout, en temps réel ».
Et de fait, dans les ateliers, d’innombrables écrans plats diffusent de l’information à longueur
de journée. On peut y voir aussi
bien les prévisions météo, que la
citation du jour ou les résultats
Convaincu que les syndicats
sont dépassés, voire voués à la
disparition mais praticien chevronné du dialogue, Michel Munzenhuter est très conscient des
interrogations qu’il suscite :
« De partout on doit pouvoir voir
le fonctionnement, rien ne doit
être caché. Au début, c’est vrai,
on nous parlait de flicage…
Aujourd’hui, on ne saurait plus
travailler sans ces informations ». Et il ajoute : « Quand on
laisse faire les gens, on obtient
beaucoup plus que quand on impose une décision. Normalement, une machine à l’achat présente un taux de disponibilité de
96 %. Chez nous on atteint
98 % ».
On pourrait juger un peu étouffant cet univers ultra-normé, où
tout est « pesé, compté, divisé »,
comme le disent les Écritures.
Cela n’a rien de surprenant dans
l’industrie. Mais le directeur général de SEW Usocome a réussi
le tour de force, au milieu de ces
innombrables machines et robots, de ramener hommes et
femmes devant leur responsabilité individuelle. Dans l’entrée
d’un atelier, d’anciennes plaques de fonte à l’effigie de SaintÉloi, patron des métallurgistes,
des horlogers et des orfèvres,
rappellent que l’aventure collective de l’entreprise, c’est d’abord
que chacun croie en soi et en sa
propre utilité.
ANTOINE LATHAM
R
Q Dernière parution dans cette série
créée à l’occasion des soixante ans
de l’Adira, Georges et Franck
Lingenheld le 25 mai.