Sacré serpent ! Magie et mythologie
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Sacré serpent ! Magie et mythologie
LE MONDE DE LA BIBLE Sommaire Paradoxal et omniprésent serpent par Valérie Matoïan Entretien audio: Dans l'Égypte des pharaons avec Vincent Rondot Le voleur d’immortalité et autres filous ophidiens de Mésopotamie par Brigitte Lion Un bon dieu qui guérit et protège Entretien avec Paolo Xella Le serpent dans la Bible hébraïque par Thomas Römer Vidéo : Dans les collections de Louvre visite guidée par Marielle Pic Un culte des serpents à l’âge du Fer par Anne Benoist Le chant du serpent par Dominique Pierre À lire aussi nos conseils : livre numérique mode d’emploi p. 92 Sacré serpent ! Magie et mythologie Introduct ion Le serpent exerce sur les peuples de l’Orient ancien une fascination paradoxale. D’un côté, il évoque les forces néfastes, comme l’illustrent bien les premières pages de la Bible ; de l’autre, il intervient largement dans la prévention et la lutte contre toutes sortes de maux, au point de symboliser aujourd’hui encore, avec le caducée, les vertus de la médecine… Bref, il est le mal et son antidote ! Une telle curiosité méritait bien un petit retour aux sources. L’archéologue Valérie Matoïan, qui nous a aidés à préparer ce dossier, introduit notre enquête par un grand tour d’horizon de la place symbolique du serpent dans les cultures proche-orientales, soulignant son omniprésence et sa grande pérennité. L’exégète Thomas Römer met en lumière les différents portraits de notre protagoniste à travers quelques grands récits de la Bible hébraïque. L’assyriologue Brigitte Lion se penche ensuite sur la documentation mésopotamienne, en particulier L’Épopée de Gilgamesh dans le dénouement de laquelle le serpent joue un rôle décisif. Dans un entretien avec l’historien des religions Paolo Xella, nous envisageons le symbole du caducée et la bonne réputation du serpent guérisseur au Levant. Quant à l’archéologue Anne Benoist, elle nous entraîne sur les traces d’un exemple de culte du serpent en Arabie. Pour compléter ces articles, Marielle Pic, directrice du département des Antiquités orientales au musée du Louvre, nous fait découvrir en vidéo quelques chefs-d’œuvre serpentiformes de ses collections, tandis que Vincent Rondot, son homologue du département des Antiquités égyptiennes, nous explique le sens de l’uræus, cette petite tête de cobra qui orne les statues des dieux et des pharaons d’Égypte. Pour clore ce dossier en beauté, le musicologue Dominique Pierre nous fait découvrir le son grave et feutré du serpent, un instrument à vent dont le souffle enchanta longtemps nos églises. Au terme de cette lecture, gageons que vous n’aurez plus la même perception de ce sacré petit diable ! Bonne lecture ! SOMMAIRE Estelle Villeneuve SACRÉ SERPENT ! MAGIE ET MYTHOLOGIE Paradoxal et omniprésent serpent Valérie Matoïan Archéologue, chercheur au laboratoire Archéorient (C.N.R.S. – université Lumière Lyon 2) MSH Maison de l'Orient et de la Méditerranée, Lyon © D.R. Aujourd'hui comme hier, le serpent fait l'objet de représentations variées, aux sens parfois très divergents, voire apparemment opposés. Une partie de la symbolique actuelle attachée au reptile trouve ses sources dans les civilisations du Proche-Orient ancien, qui lui ont prêté très tôt une attention particulière. Attribut des dieux, dieu lui-même, objet de crainte ou doté de vertus positives, le serpent ne se laisse pas aisément saisir. SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie L e serpent ne laisse pas indifférent. Classé parmi les reptiles dépourvus de pattes ou, si l’on se réfère à la classification phylogénétique, dans le groupe des squamates, l’animal, bien que sauvage, est étroitement lié à l’homme. Dans notre société, il est associé à une palette de sens où les opposés abondent : vie et mort, régénération et fin, maladie et guérison, peur et fascination. On lui associe aussi les notions de transformation, d’initiation, d’intelligence, de connaissance… S'il est encore possible, malgré une forte diminution de leur population, de croiser des serpents dans la nature, se chauffant sur des pierres au soleil, ce sont avant tout les images de ces reptiles que nous côtoyons désormais. Un symbole très présent dans notre quotidien vantant le pouvoir régénérateur des produits, n’hésitent pas à leur associer l’image d’un serpent, dont la mue est un symbole d’éternelle jeunesse. Dans l’adaptation du Livre de la jungle par les studios Disney, la forêt tropicale abrite un énorme python nommé Kaa, doué d'un pouvoir hypnotique, rappelant que chez les serpents, des écailles transparentes remplacent les paupières. Le visiteur du bosquet du Théâtre d’eau des jardins du château de Versailles se retrouve quant à lui face à des serpents de perles aquatiques, créés par l’artiste contemporain Jean-Michel Othoniel, dont les larges Le bosquet du Théâtre d'eau du château de Versailles a été recréé par le sculpteur Jean-Michel Othoniel. Regarder cette vidéo sur YouTube via une connecxion internet (cliquez sur l’image). Depuis longtemps déjà, la figure du serpent n’est plus cantonnée à l’espace sacré des lieux de culte chrétiens, où elle symbolise le mal et peuple l'enfer, mais s’est propagée dans divers domaines de notre quotidien, véhiculée sur de nombreux supports. Certaines représentations font référence de manière directe aux caractéristiques anatomiques, physiologiques ou comportementales de l’animal dont l’environnement varie selon les espèces : eau, terre ou arbres. C’est ainsi que les opérations de marketing de certains cosmétiques, SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie ondulations évoquent le mode de déplacement par reptation de ces reptiles sans membres. Mais le plus souvent, l’image du serpent induit une peur face à l’inconnu et au danger, car l’animal est généralement venimeux et vit caché. Que l'on pense aux productions cinématographiques, riches de scènes où les héros, tels Indiana Jones et ses acolytes, parcourent des espaces souterrains grouillants de bêtes hostiles. D’autres représentations puisent aux racines culturelles de notre société, tels les emblèmes des professions médicales, qui font référence aux attributs de divinités de la mythologie grecque : pour les médecins, le serpent enroulé autour du bâton du dieu de la médecine Asclépios, et pour les pharmaciens, le serpent associé à la coupe d’Hygie, personnification de la santé. Selon un principe de magie sympathique, l’animal est alors bénéfique et protecteur (cf. entretien avec Paolo Xella). La permanence et la force du symbole semblent avoir facilité son adoption pour d’autres logos de création plus récente, comme celui des sages-femmes, où le serpent est superposé à un « O » évocateur de la femme enceinte. On pourrait s’étonner de voir la médecine occidentale, pour laquelle l’étude du corps prime sur l’analyse de la psyché, user des attributs divins de l’Antiquité ; mais force est de constater que ces images à forte connotation symbolique, en lien direct avec les besoins les plus élémentaires des hommes, ont traversé les millénaires. L'héritage biblique Le Proche-Orient ancien fut un autre creuset culturel. Le pouvoir protecteur et guérisseur du reptile est en action dans l’épisode biblique du serpent d’airain : « Si un homme était mordu par quelque serpent, il regardait le serpent d’airain et restait en vie. » Mais l’image biblique la plus connue du reptile reste celle livrée par la Genèse : le serpent y est le gardien « rusé », à l’origine de l’expulsion d’Adam et Ève du jardin de la Création (cf. article de Thomas Römer). Quête de la connaissance, quête de l’immortalité, le récit de la Genèse associe le serpent et la femme. Ce rôle de la féminité est souligné dans certaines représentations artistiques évoquant le paradis terrestre. Des peintres de la Renaissance, tels Masolino (dans la chapelle Brancacci de Santa Maria del Carmine, à Florence) ou Paolo Uccello (au cloître Vert de Santa Maria Novella, à Florence également), ne s’y sont pas trompés, qui montrent le reptile doté d’une tête de femme. La thématique de la femme – celle qui porte la descendance de l’humanité – SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie et du serpent placés au cœur de la nature originelle fait partie de nos références culturelles communes. Parmi les exemples, nombreux, d’images du monde contemporain établissant des liens avec les traditions du passé, on retiendra, par exemple, La Charmeuse de serpents du Douanier Rousseau (1907), ou une photographie de 1993 de l’artiste américaine Annie Leibovitz mettant en scène le mannequin Cindy Crawford, nue dans un cadre végétal luxuriant, un serpent enroulé autour de son corps. Et que dire des nombreuses créations de la joaillerie moderne aux formes ou aux décors ophidiens : besoin d’un bijou apotropaïque, rapport à la fertilité, attirance pour le « fruit défendu » que représente l’objet de luxe, tentation née de notre société de consommation ? Un motif très tôt adopté La Tentation d'Ève, Paolo Uccello, XVe siècle. Florence, basilique Santa Maria Novella, détail d'une fresque du cloître Vert. © Valérie Matoïan L’étude des textes du Proche-Orient ancien apporte un éclairage significatif sur l’intérêt porté aux serpents par les Anciens et sur la profondeur historique et culturelle de certaines thématiques. La réflexion sur la nature et la condition humaines qui sous-tend l’épisode du serpent tentateur dans la Genèse est ainsi éclairée par le récit, bien antérieur, de L’Épopée de Gilgamesh, roi héroïque de la ville mésopotamienne d’Uruk en quête de l’immortalité (cf. article de Brigitte Lion). SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie L’iconographie permet quant à elle de faire remonter le curseur temporel des millénaires avant l’invention de l’écriture et les premières mentions de l’animal. Les plus anciennes représentations du serpent au Proche-Orient datent en effet de la période néolithique. Les découvertes récentes faites dans une vaste région couvrant le nord de la Syrie et le sud-est de la Turquie ont ainsi révélé que des cultures villageoises du Xe millénaire av. J.-C. l’avaient choisi comme motif iconographique privilégié. Le reptile est sculpté sur les piliers monolithiques de bâtiments communautaires sur le site de Göbekli Tepe (près d’Urfa), parfois en association avec d’autres animaux (lion, renard, sanglier, oiseaux) ou des représentations anthropomorphes. Il apparaît aussi, seul ou en groupe, sur des artefacts en pierre de petite dimension (plaquettes et pierres à rainures) mis au jour sur plusieurs sites implantés sur les bords de l’Euphrate (Jerf el-Ahmar, Dja’de) ou dans le bassin de la rivière Qoueiq (Tell Qaramel). Une pierre gravée trouvée à Tell Qaramel présente un décor exceptionnel : une multitude de serpents y entourent une figure hybride à buste humain (une femme ?) et corps composé de ce qui semble être des tentacules serpentiformes. Certains chercheurs voient dans ces objets des sortes d'aidemémoire, chaque motif gravé correspondant peut-être à un pictogramme. Les compositions ainsi créées esquisseraient Pilier décoré de serpents du site de Göbekli Tepe (Turquie), Xe millénaire av. J.-C. © Éric Coqueugniot SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Pierre à rainures trouvée sur le site de Jerf el-Ahmar (Syrie), Xe millénaire av. J.-C. © Danielle Stordeur un monde symbolique définissant l’homme aux prises avec son milieu, voire un récit de nature mythologique. Sur une pierre à rainures de Jerf el-Ahmar, le décor associe l’image d’un oiseau, un rapace peut-être, aux ailes éployées à plusieurs signes serpentiformes. Sommes-nous déjà en présence du binôme aigle/serpent qui sera si fréquemment repris dans l’iconographie à partir de l’âge du Bronze, comme en témoignent les fabuleuses découvertes effectuées sur la civilisation de Jiroft (Kerman, Iran du Sud-Est), et que les textes évoquent ? Dans la littérature mésopotamienne, ce couple animalier apparaît en effet dans l’histoire du héros Etana, roi de la ville de Kish, qui met en Décor d'un vase trouvé dans la région de Jiroft (Iran) montrant des rapaces tenant dans leurs serres des serpents, IIIe millénaire av. J.-C. Dessin tiré d'Youssef Madjidzadeh et Jean Perrot, « L'iconographie des vases et objets en chlorite de Jiroft (Iran) », Paléorient, 31/2, 2005, p. 139. scène une alliance conclue entre les deux animaux. Or, ici, le rôle négatif n’est pas joué par le serpent : c'est l’aigle qui brise l’accord le premier. D’autres motifs ont une origine pareillement ancienne. Les deux serpents aux corps entrelacés autour d’un bâton, têtes se faisant face, présents dans la culture grecque sur le caducée d’Hermès, le héraut divin, ornent déjà un vase cultuel inscrit au nom de Gudea, prince mésopotamien qui régna sur l’État sumérien de Lagash à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. Le reptile a aussi prêté son corps à l’élaboration de figures monstrueuses, tels les deux dragons-serpents cornus et ailés qui côtoient les serpents classiques sur ce vase. Leur présence s’explique par leur lien avec le dieu personnel de Gudea, Ningishzida (le « seigneur de l’arbre véritable »), dont ils sont l’attribut. Le serpent fut associé à bien d’autres divinités du ProcheOrient ancien. En Mésopotamie, on retrouve son image sur des stèles en pierre inscrites (kudurrus) attestées du XIVe au VIIe siècle av. J.-C. Leur décoration repose sur l’association des emblèmes divins des grands dieux du panthéon babylonien, garants du contrat de donation royale gravé sur ces pierres. Le serpent et le scorpion, symboles des divinités du monde chthonien (Ishtaran, Nirah, Ishara), apparaissent souvent au registre inférieur de la composition, évocatrice d’un SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie microcosme. En Iran enfin, dans l’iconographie du IIe millénaire av. J.-C., le reptile est associé à une divinité masculine du panthéon élamite, peut-être Inshushinak, le grand dieu de la ville de Suse. Des vertus liées à la terre et l'eau En raison de son association fréquente au motif des eaux jaillissantes, le serpent est souvent perçu comme un symbole de fertilité. Ce rapprochement avec l’eau ou la terre nourricière est aussi envisagé pour interpréter des vestiges archéologiques récemment mis au jour en Arabie orientale (cf. article d'Anne Benoist). Sur plusieurs sites (Bithnah, Masafi, Salut, Al-Qusais, Rumeilah…) de l’âge du Fer II, période au cours de laquelle on assiste au développement d’une société agricole, l’image du serpent est en effet privilégiée. Elle apparaît, notamment en contexte cultuel, sur différents supports : récipients et braseros en céramique, figurines en métal cuivreux, aménagements serpentiformes en pierre. Ces découvertes s’ajoutent à d’autres pour témoigner de la récurrence du motif du serpent dans l’iconographie de la péninsule Arabique et de la corne de l’Afrique (Éthiopie) au Ier millénaire av. J.-C. Ainsi, le décor de plusieurs sanctuaires yéménites (Ma’in, Al-Sawda, Kamna…), tout en privilégiant l’image du bouquetin, laisse une place aux motifs ophidiens, Stèle trouvée sur le site de Ras Shamra - Ougarit (Syrie), dont le décor montre un personnage (le roi ?) tenant un bâton terminé par une tête de serpent, âge du Bronze récent. Alep, Musée national. © Mission de Ras Shamra, cliché Valérie Matoïan SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie interprétés généralement comme des symboles de fertilité, de fécondité ou d’immortalité. Dans l’île de Bahreïn, ce sont des sacrifices de serpents – pratique rituelle exceptionnelle – qui ont été mis au jour dans un bâtiment daté de 500 av. J.-C. environ. Le rapport à la terre des espèces fouisseuses a par ailleurs conféré une symbolique double à l’animal, à la fois représentant du monde souterrain et symbole des transmutations. On l'a ainsi naturellement associé au travail des métaux : exploitation des mines dans les entrailles de la terre, transformation et purification des minerais, fabrication d’objets. On trouve un site de production à Saruq al-Hadid ; des vestiges attestent le travail du cuivre à Bithnah ; des lingots de cuivre ont été retrouvés à Masafi et Salut. Or, des figurines de serpents en métal cuivreux ont été exhumées à Salut, Al-Qusais et Masafi. On rappellera pour finir que la Bible évoque le culte rendu au serpent Nehushtan, dont le nom est formé par l’association des termes désignant l’animal et le cuivre. Les représentations levantines Dans le monde levantin des âges du Bronze et du Fer, l’image du serpent est également commune. En Palestine, on retrouve l’animal sous forme de figurines en métal cuivreux Fragment d'un support cultuel trouvé sur le site de Ras Shamra - Ougarit (Syrie), âge du Bronze récent. Lattaquié, Musée national. © Mission de Ras Shamra, cliché Valérie Matoïan. mises au jour sur de nombreux sites (Megiddo, Lakish, Hazor, Gezer…), ainsi que sur des vases et des supports cultuels en céramique (Beth Shéan). À Ougarit, capitale méditerranéenne d’un royaume prospère et marchand du IIe millénaire av. J.-C., le décor d’un pendentif en or daté du Bronze récent SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Pendentif en or trouvé sur le site de Minet el-Beida (Syrie), port d'Ougarit, âge du Bronze récent. Paris, musée du Louvre. © Mission de Ras Shamra combine l’image d’une femme nue à celle de deux reptiles. L’identification de la figure féminine se révèle particulièrement délicate en l’absence de texte associé à la représentation. S’agit-il de Qudshu, divinité associée à la fertilité, d'Astarté, ou encore d’Asherah, épouse du dieu El et mère des dieux dans la mythologie ougaritique ? La documentation ougaritique livre une grande variété de représentations iconographiques et littéraires en rapport avec le serpent, ces dernières étant les plus connues. Les poèmes mythologiques découverts dès le début de l’exploration du site de Ras Shamra (Ougarit) il y a plus de quatre-vingts ans décrivent pour la première fois le monstre serpentiforme Lôtan – le serpent « fuyard » et « tortueux » –, précurseur du Leviathan biblique. Il est l’assistant du dieu de la mer, Yam, dont triomphe le dieu de l’orage Baal (le « seigneur »). Ce combat mythique symbolisant la victoire du cosmos organisé sur le chaos aqueux, qui rappelle le combat de Marduk contre Tiamat dans la littérature mésopotamienne, du dieu de l’orage contre le grand serpent Illuyanka dans la mythologie anatolienne, ou encore de Seth contre le serpent cosmique Apophis dans la religion égyptienne, est peut-être évoqué dans le décor de certaines œuvres, comme la stèle dite du Baal au foudre exposée aujourd’hui au Louvre. Le serpent, incarnation des forces négatives en action, est aussi représenté sur un fragment de support cultuel en céramique trouvé à Ras Shamra, sur lequel on voit un personnage, interprété comme le roi d’Ougarit, maîtrisant un énorme serpent et garantissant probablement par là même la bonne marche du royaume. D’autres textes ougaritiques, de nature magico-religieuse, traitent de la manière de combattre l’animal, dangereux pour les hommes comme pour les chevaux. Horon, le patron de la magie blanche, y apparaît comme la divinité spécialisée qui protège et guérit des morsures de serpent. Dans le texte intitulé Horon et les serpents sont décrits les actes d’un charmeur SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie de serpents : « Ma conjuration [contre] la morsure du serpent, [Contre] le venin du serpent qui a mué : Ô charmeur, détruis-lui, Extirpe-lui le venin. Ci-après, il dresse le serpent. » Ici encore, le principe de magie sympathique semble être requis, l’exposition d’un serpent permettant de repousser les attaques de ses congénères. L’une des stèles mises au jour à Ougarit, dont le décor sculpté montre un personnage tenant une sorte de bâton terminé par une tête de serpent, pourraitelle faire référence à de telles pratiques ? Il n’est pas exclu que la materia magica d’Ougarit ait comporté d’autres artefacts dont l’iconographie avait une fonction apotropaïque. On trouve ainsi, sur des productions locales, l’image de divinités égyptiennes protectrices – la diffusion dans l’espace méditerranéen d’images en lien avec des figures divines protectrices et guérisseuses est un phénomène ancien – représentées en train de maîtriser des serpents. Parmi elles, le dieu à l’aspect de gnome grotesque appelé Bès. Au millénaire suivant, l’image de Bès gagne la Méditerranée occidentale, où on la retrouve notamment sur des sites liés à l’exploitation de ressources minérales et aux eaux salvatrices. Les diverses dimensions symboliques du serpent se croisent ainsi de nouveau. Stèle dite du Baal au foudre trouvée sur le site de Ras Shamra - Ougarit (Syrie), XVe-XIIIe siècle av. J.-C. Paris, musée du Louvre. © Mission de Ras Shamra SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Une ambivalence pérenne La richesse des occurrences ne nous permet pas l’exhaustivité. Ces lignes, qui permettent tout au plus d’esquisser une première analyse de l’image du serpent dans le ProcheOrient ancien, montrent cependant combien l’animal a capté, au cours des âges, les peurs et les espoirs de l’homme. Une œuvre contemporaine de Fabrice Monteiro, artiste belgo-béninois, pourrait résumer la richesse de la symbolique associée au serpent, animal rassemblant des pouvoirs qui s’opposent ou s’équilibrent. Intitulée Prophecy No 1 (2014), la photographie montre une femme africaine, dans l’attitude de la marche, vêtue des déchets de notre société de consommation et coiffée de serpents dressés. Rappelant la figure de Méduse, on ne sait si son regard pétrifiera tout mortel, annonçant la fin d’un monde, ou si cette incarnation porte le masque protecteur de la Gorgone. • SOMMAIRE SACRÉ SERPENT ! MAGIE ET MYTHOLOGIE © 2014 Musée du Louvre / Florence Brochoire Audio : Écouter l’entretien audio avec Vincent Rondot. Sacré serpent dans l'Égypte des pharaons Vincent Rondot, directeur du département des Antiquités égyptiennes au musée du Louvre, reçoit Le Monde de la Bible pour évoquer la place et les rôles du serpent dans la vie quotidienne, la mythologie et la symbolique du pouvoir royal dans l'Égypte des pharaons. Entretien réalisé par Benoît de Sagazan, rédacteur en chef du Monde de la Bible. Écouter l'entretien via une connexion internet : SOMMAIRE SACRÉ SERPENT ! MAGIE ET MYTHOLOGIE Le serpent dans la Bible hébraïque Thomas Römer Professeur au Collège de France, chaire « Milieux bibliques » La Tentation d'Ève, John Roddam Spencer Stanhope, 1877. États-Unis, collection de Fred et Sherry Ross. Lorsqu’on évoque la figure du serpent dans la Bible hébraïque, on pense bien évidemment d’abord et peut-être exclusivement au « serpent tentateur » du récit de la chute du couple primordial. Cette histoire a quelque peu occulté les rôles et les fonctions du serpent dans d’autres textes bibliques, qui ne sont pas, loin s'en faut, tous négatifs. Et même dans l’histoire du paradis, l’entreprise du serpent n’est peut-être pas si néfaste que ne semble le suggérer une vision répandue de la tradition chrétienne. © Creative Commons/Wikimedia SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie I l n’est pas besoin de rappeler l’importance du serpent dans le Proche-Orient ancien (cf. article de Valérie Matoïan). Or, les royaumes d’Israël et de Juda furent tout au long de leur histoire influencés par les civilisations égyptienne et mésopotamienne, et ces influences se reflètent aussi dans certains textes mettant en scène des serpents. Un animal mystérieux, rusé et dangereux Le terme le plus courant pour désigner le serpent en hébreu est nakhash, mot imitant probablement le sifflement qu’il émet. Comme dans le Proche-Orient ancien, le serpent a dû être associé chez les Hébreux à la sagesse et à la connaissance. Leur langue utilise en effet la même racine que celle à partir de laquelle est formé le substantif pour le verbe « présager (l’avenir) », et l’utilisation de serpents dans des contextes de divination et de charme est largement attestée dans le Levant et le Proche-Orient anciens. Dans l’histoire de Joseph, on apprend que celui-ci se sert d’une coupe de divination (Genèse 44,515), ce qui n’est nullement critiqué, contrairement au verset du Deutéronome (18,10) qui interdit cette pratique. La connotation positive du serpent apparaît également dans le fait que Nahash est utilisé dans la Bible comme nom propre, non seulement pour un roi ammonite (1 Samuel 11), mais aussi pour des Israélites (2 Samuel 17,25). La tribu de Dan est comparée en Genèse 49,17 à un serpent qui mord les jarrets du cheval, image évoquant la ruse d’un petit animal et présentant donc Dan comme une tribu certes petite, mais courageuse et forte. De telles attaques imprévisibles du serpent en font un animal dangereux, insidieux, qui se cache dans les maisons (Amos 5,19 ; Ecclésiaste 10,8) et peuple également le désert (Deutéronome 8,15), voire le fond de la mer (Amos 9,3). Cette dernière idée est liée au mythe du combat du dieu créateur contre un dragon ou un serpent aquatique. Léviathan, le serpent primordial Certains mythes mésopotamiens et ougaritiques imaginent la création du monde comme résultant d’un combat contre un serpent primordial. Ainsi, dans l’épopée Enuma Elish, le dieu babylonien Marduk triomphe de Tiamat et construit avec sa dépouille le firmament. À Ougarit, le dieu Baal triomphe de Yam (personnification de la mer), qui est accompagné d’acolytes comme Lôtan, l’ancêtre du Léviathan biblique. Dans le récit de création de la Genèse (1), un tel combat fait défaut ; le motif est cependant bien connu en Israël et Juda, comme l’atteste le Psaume 74 dans lequel le psalmiste rappelle au dieu d’Israël ses exploits d’antan (v. 13-14) : « C'est toi qui as fendu la mer par ta puissance, tu as brisé les têtes des dragons sur les eaux ; c'est toi qui as écrasé les têtes de Léviathan. » Les SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie têtes de Léviathan qui, en Isaïe 27,1, est appelé le « serpent tortueux », rappellent un motif iconographique mésopotamien répandu qui représente le monstre contre lequel le dieu créateur se bat et qui a plusieurs (souvent sept) têtes. Dans la Bible, le Léviathan apparaît dans la réponse divine à Job (Job 40-41) comme représentant du chaos contre lequel Dieu doit se battre constamment afin de garantir la stabilité du monde. L’auteur du Psaume 104, cependant, s’oppose à cette idée puisqu’il affirme que Dieu a créé Léviathan comme son jouet (v. 26). L’idée d’un combat contre le serpent marin représentant le chaos ne disparaît pourtant pas ; elle ressurgit avec force dans le Nouveau Testament, lorsque l’auteur de l’Apocalypse de Jean décrit le combat de l’armée céleste contre l’armée céleste du Dragon, « l’antique Serpent », identifié à Satan (12,9), ce combat étant le prélude de la nouvelle création. Le bâton transformé en serpent Le thème de la domination du serpent s’exprime de nouveau, d’une autre manière, dans l’histoire de la transformation du bâton sacerdotal d’Aaron en un serpent (Exode 7,8-13), récit qui ouvre le cycle des Plaies d’Égypte. Ce miracle est déjà annoncé au moment de la vocation de Moïse à qui Yahvé confère également un bâton (le même que celui jeté par Aaron ?) pouvant se transformer en serpent (Exode 4,2-5). La différence entre les Tesson dit de Moïse découvert lors des fouilles du praesidium (fortin) romain d'Umm Balad (Égypte), vers 100 ap. J.-C. © Adam Bülow-Jacobsen SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie deux épisodes consiste en ce que la transformation du bâton de Moïse produit un serpent normal, alors qu'Aaron produit avec son bâton un dragon (en hébreu, tannîn), ce qui renvoie au passage de la Genèse (1,21) où Dieu crée les monstres marins. Les auteurs sacerdotaux de Genèse 1 et d’Exode 7 affirment ainsi la supériorité du dieu d’Israël sur les représentations du chaos aquatique. Dans le récit d’Exode 7, les prêtres magiciens du roi d’Égypte sont capables d’exécuter le même exploit ; mais le bâton d'Aaron va dévorer ceux de ses collègues égyptiens (7,12). Ce récit qui met en scène le changement d’un bâton en un serpent divinisé peut également être lu comme une moquerie vis-à-vis de l’importance accordée par la religion égyptienne au serpent. Ce rôle religieux du serpent en Égypte a d'ailleurs laissé des traces dans le royaume de Juda, notamment aux VIIIe et VIIe siècles avant l’ère chrétienne. Les séraphins au temple de Jérusalem Lors de sa vision, Isaïe voit la cour céleste du dieu d’Israël. Cette vision reflète sans doute l’arrangement du Temple de Jérusalem. Le prophète voit notamment Yahvé sur son trône entouré de séraphins ailés (Isaïe 6,1-8). Les séraphins sont des serpents volants (14,29 et 30,6) de provenance égyptienne (l’uræus), populaires en Judée durant l’âge du Fer, comme l’attestent des sceaux les représentant. Dans la version d’Isaïe, ils apparaissent sous l'aspect d'êtres hybrides (mi-serpents, mi-hommes) qui font partie de la cour céleste et remplissent en quelque sorte la fonction de gardiens du trône divin. Mais, plus encore que dans le royaume de Juda, c'est à Jérusalem que le culte des serpents était populaire. Le serpent Nehushtan Les livres des Rois attribuent au roi Ézéchias, qui régna à la fin du VIIe et au début du VIe siècle av. J.-C., une réforme religieuse : « Il fit disparaître les hauts lieux, brisa les pierres dressées, coupa l’Asherah et broya le serpent de bronze que Moïse avait fabriqué, car les Israélites avaient jusqu’alors brûlé des parfums devant lui ; on l’appelait Nehushtan. » (2 Rois 18,4.) Le nom « Nehushtan » est une combinaison des mots hébreux désignant le serpent et le cuivre. Il s’agissait donc peut-être d’une statue en cuivre ou en bronze. On connaît en Égypte de nombreuses représentations de serpents sur des étendards ou sous forme de statues, comme le fameux SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie cobra de Louxor (VIIe siècle av. J.-C.) représentant le dieu Amon-Rê. Le serpent dont il est question dans le passage du livre des Rois cité avait sans doute une fonction de guérisseur. Le récit de Nombres 21,4-9, peut-être écrit bien plus tard, lui donne une légitimité : il explique en effet comment Yahvé, pour punir son peuple désobéissant, avait envoyé contre des Israélites des serpents venimeux ; puis, suite à l’intercession de Moïse, Yahvé avait indiqué à ce dernier d’ériger un serpent d’airain qui avait le pouvoir de guérir les morsures mortelles. Ce récit fut sans doute écrit par un auteur mécontent de la destruction de Nehushtan et qui voulait montrer que ce culte était tout à fait compatible avec la religion yahviste. Les raisons de la destruction de ce serpent de bronze par Ézéchias sont d’ailleurs plus politiques que religieuses : devenu vassal des Assyriens, le roi devait sans doute débarrasser le Temple de tout objet cultuel à connotation égyptienne. Mais cette disparition déplut à certains, comme le montre le récit du livre des Nombres. Le serpent dans le jardin Cobra représentant Amon-Rê, VIIe siècle av. J.-C. Louxor, musée de Louxor. © Creative Commons/Wikimedia Est-ce cette popularité du serpent dans le royaume de Juda durant le premier millénaire av. J.-C. qui explique son rôle dans l’histoire de la transgression du premier couple humain ? Pas SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Le Serpent d'airain, Pierre Subleyras, 1727. Nîmes, musée des Beaux-Arts. © VladoubidoOo/Creative Commons/Wikimedia directement. Le serpent qui provoque en Genèse 3 l’expulsion du jardin a un précurseur dans L’Épopée de Gilgamesh. Ayant finalement réussi à trouver un plant qui pourrait être un remède contre la mort, Gilgamesh s’endort, épuisé, et se fait voler ce plant par un serpent : « Alors un serpent flaira l’odeur de la plante. Silencieusement il monta et emporta la plante, et quand il repartit, il avait déjà rejeté sa mue. » (Gilgamesh, tablette XI, l. 287-289, traduction personnelle d'après le texte akkadien.) La mue du serpent était considérée par les Anciens comme un signe d’immortalité, et c’est aussi le thème dont discutent, dans la Genèse (3,3-5), le serpent et la femme. La femme résume l’interdit divin de manger le fruit de l’arbre de la manière suivante : « Quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sinon vous mourrez !” ». Mais le serpent lui répond : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Dieu le sait : le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme un dieu/des dieux connaissant ce qui est bon ou mauvais. » Qui a raison ? Yahvé ou le serpent ? Apparemment, le serpent est plus proche de la vérité que Yahvé. En effet, les yeux des humains s’ouvrent. La connaissance nouvelle acquise en mangeant le fruit est la connaissance de leur nudité. Ils SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie découvrent par là même qu’ils ont une sexualité différente de celle des animaux, et c’est cette prise de conscience qui fait naître la pudeur et les éloigne des animaux. Le premier couple a transgressé, à cause du serpent, l’interdit divin. Par conséquent, Dieu chasse l’homme et sa femme du jardin, mais en admettant que leur transgression leur a donné de l’autonomie : « Yahvé Dieu dit : “Voici que l’homme est devenu comme l’un de nous par la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. Maintenant, qu’il ne tende pas la main pour prendre aussi de l’arbre de vie, en manger et vivre à jamais !” » (Genèse 3,22.) Ainsi, le récit de la Genèse ne parle nullement d’un péché originel comme l’a voulu la tradition chrétienne à la suite de l’apôtre Paul (Épître aux Romains 5,12-17). Par conséquent, le serpent de Genèse 3 n’est pas le diable. Il est, comme le souligne le récit, à la fois une des créatures et l’agent provocateur de Dieu ; il a presque un côté prométhéen. On peut en effet avoir l’impression que c’est Dieu lui-même qui, via le serpent, pousse l’homme à la transgression pour qu’il assume son autonomie et sa responsabilité. Il faut que les êtres humains sortent du domaine de Dieu pour s’approprier leur propre espace, qui est le monde. Le rôle du serpent dans cette histoire s’explique d’abord par l’épopée de Gilgamesh et son lien à l’immortalité, mais peut-être aussi par le fait Chromo illustrant l'épisode biblique de la tentation d'Ève, début du XXe siècle. Domaine public SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie que cet animal est, pour les Anciens, à la fois dangereux et guérisseur. Dans le récit de la Genèse, le serpent est qualifié de ‘aroum, ce que l’on traduit habituellement par « rusé », mais ce mot se trouve surtout dans le livre des Proverbes où il désigne l’attitude de l’homme sage, avisé. Le serpent aurait-il donc été avisé en poussant la femme et l’homme à la transgression ? Quelle que soit la réponse, c’est bien le serpent qui est à l’origine de la condition humaine telle qu’elle se présente après la sortie du jardin : les êtres humains ne vivent plus protégés dans un enclos, ils sont mortels et leurs vies pénibles, mais ils ont acquis une autonomie et peuvent désormais affronter la mort grâce à leur descendance. l SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Sacré serpent dans l’Orient ancien Visite guidée dans les collections du musée du Louvre, par Marielle Pic, directeur du département des Antiquités orientales, et découverte des mythologies du serpent dans les mondes mésopotamien, perso-iranien et chyprolevantin. Dès l’Antiquité, le serpent fait l’objet d’un culte et se révèle selon les lieux, les époques et les circonstances une puissance inquiétante ou protectrice… Il offre une iconographie riche et variée sur les nombreux objets trouvés lors des fouilles archéologiques en Orient. Vidéo-documentaire réalisé par Clémence de Sagazan pour Le Monde de la Bible, en juillet 2015. La musique du générique est extraite de Voyage en soi, méditations à la flûte, par Miqueu Montanaro (ADF-Bayard Musique 2010). Regarder cette vidéo sur YouTube via une connexion Internet (cliquez sur l’image). SOMMAIRE SACRÉ SERPENT ! MAGIE ET MYTHOLOGIE Le voleur d’immortalité et autres filous ophidiens de Mésopotamie Brigitte Lion Professeur d'histoire du Proche-Orient ancien à l'université Lille 3, chercheur associé à l'équipe Histoire et archéologie de l'Orient cunéiforme, Maison de l'archéologie et de l'ethnologie René-Ginouvès, Nanterre Tablette V de L'Épopée de Gilgamesh, 2000-1595 av. J.-C. Sulaymaniyah (Irak), musée de Sulaymaniyah. © Osama Shukir Muhammed Amin FRCP (Glasg)/Creative Commons/Wikimedia La Mésopotamie nous a légué de nombreux textes. Certains sont aujourd'hui encore célèbres, comme ceux mettant en scène le héros Gilgamesh ; d'autres, moins connus du grand public, recèlent des indications précieuses sur la vie quotidienne et les croyances des populations. Tous ont en commun de réserver une place de choix au serpent, animal avec lequel il fallait, tant bien que mal, cohabiter, et qui s'est vu attribuer une symbolique plurielle. SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie L es serpents devaient abonder en Mésopotamie, à en juger par le grand nombre de mentions de l’animal dans les listes lexicales, les présages et les conjurations. Dangereux par sa morsure venimeuse, il suscitait la peur. Pourtant, les textes littéraires, qui le convoquent fréquemment, ne lui donnent pas toujours le mauvais rôle. Serpents de la littérature La version akkadienne de L’Épopée de Gilgamesh dit qu'après avoir appris du seul survivant du Déluge, UtaNapishtim, qu’il ne pourrait trouver l’immortalité, le héros rapporta avec lui à Uruk une plante qui devait lui rendre la jeunesse. Mais sur le chemin du retour, alors qu’il s'était arrêté pour se baigner, « un serpent sentit l’odeur de la plante : il arriva silencieusement et emporta la plante ; comme il s’en retournait, sa peau tomba ». Voilà expliquée l’origine de la mue des serpents. Ce larcin renvoie Gilgamesh à sa condition d’homme : après avoir perdu l’espoir d’échapper à la mort, il perd aussi celui d’éloigner la vieillesse. Est-ce en raison d’un vieux compte à régler avec le héros que l’animal lui joue ce mauvais tour ? Tous deux se rencontraient en effet déjà dans le récit sumérien Gilgamesh, Enkidu et les enfers, connu par des manuscrits du début du IIe millénaire av. J.-C. Ce récit raconte que dans le jardin de la déesse Inanna, un arbre sert de logis à trois étranges créatures : dans ses racines vit « un serpent insensible aux incantations », dans ses branches un oiseau-Anzu (symbole de l'orage) et dans son tronc, une démone. La déesse se plaint de cette situation et Gilgamesh tue le serpent, fait fuir l’oiseau-Anzu et la démone, et fabrique avec le bois de l’arbre une chaise et un lit pour Inanna. L'animosité entre le serpent et le héros est donc ancienne. Le reptile n’a cependant pas toujours un rôle aussi négatif dans les textes littéraires. L’histoire d’Etana, en akkadien, est connue, comme L'Épopée de Gilgamesh, par des manuscrits qui en donnent plusieurs versions du début du IIe millénaire au VIIe siècle av. J.-C. On y trouve presque le même motif que dans la légende sumérienne : un serpent loge au pied d’un peuplier et un aigle à son sommet. Les deux animaux font le serment, devant Shamash, dieu du soleil et de la justice, de se prêter mutuellement assistance, allant chasser à tour de rôle pour nourrir leur progéniture. Mais l’aigle rompt le pacte et, en l’absence du serpent, dévore ses petits. Sur les conseils de Shamash, le serpent tend un piège à l’aigle, lui plume et lui casse les ailes, et le jette dans une fosse, d’où le héros Etana le tire un peu plus tard. La suite ne semble SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie plus concerner le serpent, qui apparaît donc, dans ce récit, comme un animal respectueux de sa parole face à un aigle parjure et cruel. On a parfois cherché une interprétation iconographique de ce thème sur des cylindres-sceaux de l’époque d’Uruk (IVe millénaire av. J.-C.), qui représentent un rapace entouré de serpents entrelacés. Il n’est pas certain qu’ils fassent directement allusion à l’histoire d’Etana. Ce motif vient peutêtre d’Iran, où il est bien attesté. Sur les sceaux de l’époque dynastique archaïque (au début du IIIe millénaire av. J.-C.) apparaît aussi, quoique moins fréquemment, l’association Cylindre-sceau mésopotamien figurant un dieu-serpent et diverses divinités hybrides aux mains en forme de scorpions et aux pieds serpentiformes, 2350-2150 av. J.-C. New York, The Metropolitan Museum of Art. © The Metropolitan Museum of Art du serpent à l’aigle léontocéphale, l’oiseau-Anzu. Il y a peutêtre là une paire antagoniste symbolique, formée d’un animal céleste et d'un animal terrestre ; ce duo est très répandu dans l’ensemble du Proche-Orient et jusque dans la mythologie hittite du IIe millénaire av. J.-C., avec les récits de combats entre le dieu de l’orage et le serpent. Un animal envahissant dans les listes lexicales… En dehors de la littérature, le serpent est abondamment attesté dans les textes lexicaux, longues listes de mots que les jeunes scribes devaient copier pour apprendre à écrire. Rédigées d’abord en sumérien, elles deviennent bilingues à partir du milieu du IIe millénaire av. J.-C., une traduction akkadienne accompagnant le terme sumérien. L’une de ces listes donne des noms de plantes, d’objets en bois, de récipients, etc., et, dans sa version canonique du Ier millénaire av. J.-C., consacre deux tablettes entières aux animaux, domestiques puis sauvages. Ces derniers représentent plus de 400 entrées, et la tablette commence par une quarantaine de noms de serpents : le serpent de la montagne, de la poutre, de la vigne, de l’eau ou de la pierre, ainsi que le serpent à deux têtes ou à sept langues… SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Ces listes ne reflètent pas nécessairement la réalité : ce ne sont pas des manuels de zoologie, mais des instruments d’apprentissage de l’écriture ; elles sont rédigées par et pour des scribes qui n’avaient peut-être aucune connaissance particulière du monde animal. Le grand nombre d’entrées consacrées aux serpents n’est toutefois pas un hasard, car le même phénomène se retrouve dans d’autres types de sources. … et dans les textes divinatoires Parmi les grandes séries de présages compilées sous une forme canonique au Ier millénaire av. J.-C., la série appelée, d’après ses premiers mots, « Si une ville… » déduit les événements à venir des phénomènes observables dans la vie quotidienne. Elle rassemble plus de 10 000 présages sur 107 tablettes, dont une quarantaine examinent le comportement des animaux. Elle donne donc une idée assez précise de la faune que pouvait croiser au quotidien un habitant de Mésopotamie. L’énumération commence par les animaux terrestres, en premier lieu les nuisibles comme les serpents et les scorpions, puis les lézards ; les serpents occupent à eux seuls 5 tablettes. On les rencontre aux carrefours, dans les rues ; ils peuvent aller de la droite à la gauche du passant, ou inversement, se dresser, faire du bruit, effrayer celui qui les rencontre. Le serpent entre dans les maisons ou en sort, tenant parfois dans sa bouche un lézard ou une souris. Les observations concernant l'intérieur des bâtiments sont encore plus développées, et la zone de la porte, passage par où le mal peut pénétrer, est souvent évoquée : « Si un serpent s’enroule autour de la porte ou du verrou de la maison d’un homme et l’empêche d’ouvrir... » Cet hôte indésirable fait des trous, se meut avec plus ou moins de raideur, croise les humains, mord et émet des « cris » ou « murmures » qui doivent correspondre à divers sifflements : « Si un serpent crie sans cesse dans la maison d’un homme ; un serpent provoque la peur en permanence dans la maison d’un homme... » Il hante toutes les pièces, on le trouve couché sur le lit ou, comme l’indique le tout premier présage de la série, on le voit depuis son lit. On le rencontre aussi au pied d’un mur, sur la fenêtre, sur une chaise, sur une meule à grains, dans un panier de pain ou de laine. Comme il a la mauvaise habitude de grimper sur les poutres, il effraye les habitants en se laissant choir : « Si, entre le 1er et le 30 du mois de nisan, un serpent tombe à droite d’un homme… » Il peut aussi bien tomber à gauche, devant ou derrière, « entre mari et femme », « au milieu d’une assemblée », « sur une personne SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie malade » ou « sur un bébé ». « Si un serpent tombe sur la tête d’un homme qui est engagé dans un procès, son procès va durer longtemps. » Il lui arrive aussi de dégringoler sur la table ou dans une jarre de bière. Ce genre de variations sur un même thème permet d'envisager un très grand nombre de cas. Même la mort du serpent est signifiante. L'art de se protéger Des rencontres fortuites avec ces reptiles, exprimées dans une proposition conditionnelle, découlent des prédictions, exprimées dans l’apodose. Par exemple : « Si un serpent est vu [chez quelqu’un] : [cette personne] deviendra riche. » Elles sont souvent négatives et au sein même de la série de présages, une brève notice indique parfois la conduite à adopter pour se prémunir du mal annoncé : « Si, le 1er du mois de nisan [soit le premier jour de l’année], avant qu’un homme ait pu se lever et poser le pied sur le sol, un serpent sort d’un trou, et [si], avant que quelqu'un l’ait vu, il voit l’homme, [cet homme] mourra dans l’année ; si cet homme veut vivre, il devra scarifier [?] sa tête, raser ses joues, et il sera souffrant trois mois, mais il vivra. » Décor du vase à libation du prince Gudea dédié par une inscription à Ningishzida, le dieu personnel de Gudea, trouvé dans le sanctuaire du dieu à Tello (Irak), vers 2120 av. J.-C. Dessin tiré de Léon Heuzey, Catalogue des antiquités chaldéennes, Paris, 1902, figure 125. SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Des rituels plus longs et complexes sont rédigés sur des tablettes différentes de celles des présages ; ils relèvent des activités de l’exorciste qui les utilise dans des cas précis, par exemple pour éloigner le mal annoncé par la vue de serpents entrelacés ou d’un serpent ayant attrapé sa proie dans la maison. Il faut alors procéder à une véritable cérémonie qui comprend des invocations aux dieux et des purifications. Quant aux morsures de serpent, elles représentent un grave danger pour les Mésopotamiens, qui n’ont guère de moyens de se soigner. Quelques textes médicaux prévoient de faire ingérer des plantes au patient, mais ils sont rares à traiter du sujet : les morsures de serpent venimeux devaient provoquer une mort rapide, laissant peu de possibilités pour des interventions thérapeutiques. De ce fait, ce sont plutôt les incantations qui doivent permettre de se prémunir contre les serpents, ainsi que contre les scorpions et les chiens enragés. Plusieurs ont été conservées. Elles sont en sumérien ou en akkadien et datent surtout du début du IIe millénaire av. J.-C., mais on en connaît jusqu’au milieu du Ier millénaire av. J.-C. Elles recourent parfois à un style poétique qui, par des allitérations, évoque le sifflement du serpent ; cela relève d’un processus de magie sympathique ou associative, l’incantation imitant ce qu’elle doit combattre. Elles ne donnent pas toutes des remèdes, mais certaines recommandent de faire boire au patient de l’eau sur laquelle l’incantation a été récitée, ou de l’en asperger. Une symbolique encore à découvrir Animal dangereux, le serpent reliait le monde chthonien (celui des morts) et le monde terrestre (celui des hommes), ce qui le rendait peut-être encore plus effrayant. Il pouvait cependant aussi évoquer les eaux souterraines, et donc la fertilité. Est-ce en raison de cette ambiguïté que les textes lui confèrent parfois un rôle positif ? Dans des incantations destinées à favoriser l’accouchement, le bébé est quelquefois invité à sortir « comme un serpent », c’est-à-dire rapidement et facilement. Pour mieux cerner la dimension symbolique de cet animal, il faudrait aussi interroger les images, même si l’iconographie du serpent est moins abondante en Mésopotamie qu’en Iran. Des dieux et des déesses-serpents figurent sur certains sceaux et, au Ier millénaire av. J.-C., la plaque de Shamash, qui montre la statue divine dans son temple de Sippar, fait figurer un serpent à deux têtes surmontant l’image du dieusoleil, avec l’inscription « le serpent à deux visages ». Cette figuration unique de serpent bicéphale associé au soleil a SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie fait l’objet de multiples spéculations : elle pourrait dériver d’images plus anciennes et renvoyer à une divinité mineure devenue l’acolyte de Shamash, représenter un dieu originaire de l’est (direction du soleil levant), ou encore évoquer le monde souterrain que l’astre visite pendant la nuit. Animal ambivalent, le serpent est porteur de significations multiples qui, dès l’Antiquité, semblent s’être superposées. l Stèle dédiée par le roi Untash-Napirisha au dieu Inshushinak trouvée à Suse (Iran), vers 1340-1300 av. J.-C. Paris, musée du Louvre. Au registre supérieur, le roi fait face à Inshushinak, qui est assis sur un trône composé de serpents. L'ensemble de la composition est encadré par deux grands serpents symbolisant peut-être les flots qui entourent le monde. Dessin tiré de Pierre de Miroschedji, « Le dieu élamite aux serpents et aux eaux jaillissantes », dans Iranica Antiqua, XVI, 1981, planche VIII. SOMMAIRE SACRÉ SERPENT ! MAGIE ET MYTHOLOGIE Un bon dieu qui guérit et protège Entretien avec Paolo Xella Professeur d’histoire des religions à l’université de Pise, directeur de recherche émérite au C.N.R., Istituto di Studi sul Mediterraneo Antico, Rome Propos recueillis par Estelle Villeneuve Hermès psychopompe tenant le caducée, Dans l'Antiquité gréco-romaine comme au Proche-Orient, le serpent a joui d'une grande popularité en tant que divinité guérisseuse et protectrice. Nous en conservons des traces, notamment dans le symbole du caducée, mais il faut revenir aux sources iconographiques et littéraires pour mieux comprendre la place dédiée au dieu-serpent dans les croyances anciennes. détail d'un tambour de chapiteau provenant du temple d'Artémis à Éphèse, vers 325-300 av. J.-C. Londres, British Museum. © Marie-Lan Nguyen/Creative Commons/Wikimedia SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie D’où vient le symbole du caducée, et que signifie-t-il ? Paolo Xella : En tant que symbole de la médecine, le caducée, avec son double enroulement de serpents autour d’une hampe, nous vient des Grecs anciens, qui ont développé et codifié la pharmacopée à partir de l’époque classique. Il y a depuis toujours une certaine confusion entre le bâton avec un seul serpent, lié aux dieux guérisseurs ‒ Asclépios et Apollon en Grèce, Esculape dans le monde romain ‒ et celui au couple de serpents, attribut d’Hermès, le messager de la volonté des dieux auprès Le caducée du dieu Mercure (Hermès) orne cet aes signatum (lingot de bronze coulé utilisé en Italie avant l'introduction de la monnaie de bronze). Photographie tirée de la Rivista italiana di numismatica, 1891, planche X. des mortels. De toute manière, la présence de deux reptiles sur cet emblème pourrait se référer à l’idée que la santé réside dans l’équilibre de l’état général entre bien-être et mal-être, longévité et mortalité. Or le serpent, auquel on attribue, entre autres, la capacité de circuler librement entre les mondes terrestre et chthonien, c'est-à-dire entre le domaine des vivants et celui des morts, symbolise bien cet équilibre. D’un point de vue phénoménologique, il est perçu dans presque toutes les cultures de notre planète à la fois comme un symbole maléfique, ce que manifeste sa venimosité mortelle, et comme un symbole salutaire : en raison de sa connaissance des cavités qui mènent aux enfers (et donc de leurs issues) et de sa faculté d’hypnotiser, il est crédité d’une intelligence profonde, tandis que son habitude de changer de peau signifie qu’il détient le secret du perpétuel rajeunissement. C’est vraisemblablement pour exprimer cette saine bipolarité que le caducée figure un double serpent. Le caducée est-il attesté ailleurs que chez les Grecs ? Paolo Xella : Une image définie comme « caducée », mais sans enroulement de serpents, figure sur des stèles votives trouvées dans les tophets phénico-puniques, ces sanctuaires où étaient pratiqués des sacrifices comprenant la mise à mort rituelle d’enfants nouveau-nés ou très jeunes. SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Des représentations de serpents enroulés sont par ailleurs connues dans le Proche-Orient ancien, la Mésopotamie, l'Anatolie et la Syro-Palestine, avec ou sans connotation thérapeutique. Dans le domaine syro-palestinien, pour autant que notre documentation permette d’en juger, l’aspect positif et bénéfique du serpent semble prévaloir dans cette perception ambiguë. En d’autres termes, les cultures de ces régions ont eu tendance à valoriser la capacité du serpent à guérir et protéger plutôt que ses capacités de nuisance. Quelles sont les sources qui évoquent des dieux-serpents bénéfiques au Proche-Orient ? Paolo Xella : Plusieurs épisodes importants de la Bible hébraïque témoignent de l’aura positive du serpent dans la culture ouest-sémitique ambiante, ne serait-ce que par la méfiance que le texte sacré manifeste à son égard (cf. article de Thomas Römer). En dehors de la Bible, ce sont surtout les textes des XIVe-XIIIe siècles av. J.-C. trouvés à Ougarit, l’actuelle Ras Shamra en Syrie, qui illustrent la puissance que les populations de l’âge du Bronze accordaient à cette divinité. Je pense en particulier à un texte d’incantation (CAT 1.100) qui met en scène une sorte d’appel d’offres lancé par les hommes parmi les dieux pour traiter les morsures de serpent. Un dieu Skyphos attique à figures rouges représentant Iris, la messagère des dieux, tenant un caducée, milieu du Ve siècle av. J.-C. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies, Médailles et Antiques. © Bibi Saint-Pol/Creative Commons/Wikimedia SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie nommé Horon s’avère le seul apte à y répondre. Ce nom signifiant probablement « celui du trou », « celui qui est caché dans les trous », il désigne vraisemblablement un serpent. C’est une bonne illustration du principe de l’homéopathie et des vaccins, par lesquels on soigne le mal par le mal ! D’après ce même texte, il semble que l’action thérapeutique d’Horon couvrait aussi bien les hommes que les animaux, les chevaux en particulier, et s’appliquait contre tous les types de venin, de scorpions et autres. Mais les compétences d’Horon dépassaient la spécialisation médicale ; à deux ou trois reprises, il est aussi conjuré dans des textes mythologiques d’Ougarit pour neutraliser un ennemi – « Puisse Horon te frapper à la tête… », « Puisse Horon te détruire… » –, c'est-à-dire qu’on le considère comme une divinité capable de protéger celui qui l’invoque contre tout type d’action maléfique. C’est donc une divinité extrêmement puissante qui peut intervenir de manière globale pour peu qu’on fasse appel à elle de manière adéquate. compte pas de description détaillée de tels rituels, ni de remèdes à base de serpent. En revanche, l’histoire de l’appel des dieux pour traiter les morsures de serpent auquel répond Horon fait certainement écho à des légendes mythologiques que nous ne connaissons pas. Or, la fonction de tels récits était précisément d’expliquer l’origine mythique des institutions et des pratiques religieuses. Quoi qu'il en soit, la documentation dont nous disposons accorde une place non négligeable au dieu-serpent parmi les divinités bienfaisantes auxquelles les Ougaritains faisaient appel pour régler leurs problèmes. l Ces demandes de protection ou de guérison donnaientelles lieu à des pratiques très ritualisées ? Paolo Xella : Les textes d’incantation laissent entrevoir un univers de pratiques magico-thérapeutiques au cours desquelles on avait recours au serpent, même si notre documentation ne SOMMAIRE SACRÉ SERPENT ! MAGIE ET MYTHOLOGIE Un culte des serpents à l’âge du Fer Anne Benoist Archéologue, chercheur au laboratoire Archéorient, (C.N.R.S. – université Lumière Lyon 2) MSH Maison de l'Orient et de la Méditerranée, Lyon Vue du sanctuaire de Salut. Ce site d'un diamètre de 90 mètres Les recherches menées depuis 2000 par la Mission archéologique française aux Émirats arabes unis ont révélé une série de sanctuaires centrés sur l’image du serpent. Les sites de Bithnah et Masafi illustrent particulièrement bien les multiples facettes de ce qui semble être un culte de la fertilité lié à la métallurgie du cuivre et aux eaux souterraines. environ domine la plaine environnante depuis la colline rocheuse où il est installé, au centre du wādī Bahla. Alentour, on trouve de nombreux autres sites de l'âge du Fer. © Anne Benoist SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie N iché dans une vallée qui sillonne la chaîne montagneuse du Hajar dans l’émirat de Fujairah, le site de Bithnah a livré les vestiges d’un sanctuaire dédié à une ou plusieurs divinités représentées sous la forme d’un serpent. Fouillé entre 2000 et 2006, il comprenait plusieurs installations cultuelles, bâties vers 1300 av. J.-C. et qui furent entretenues pendant près de sept cents ans1. Un bâtiment central en pierre doté d'une grande pièce servait sans doute aux festivités assorties de banquets. La salle elle-même était presque vide, à l'exception de deux podiums rectangulaires au centre, qui furent arasés, et de quelques poteries en miettes. Devant le bâtiment, le long de sa façade nord, se trouvait un espace circulaire d’environ trois mètres sur trois, bordé de pierres, dans lequel étaient creusées une quarantaine de fosses remplies d’ossements animaux et scellées par une couche de pierres ou d’argile, ainsi que de petits puits à libation soigneusement maçonnés. Cette aire dédiée aux offrandes par la terre fut reconstruite à deux reprises, avec à chaque fois de nouvelles fosses ajoutées aux précédentes. Les archéozoologues Matthias Skorupka et Marjan Mashkour, du Muséum national d’histoire naturelle à Paris, ont identifié des restes de chèvres et de moutons nains, sacrifiés au cours de cérémonies incluant Vue du bâtiment central en cours de fouille à Bithnah. © Mission archéologique française aux Émirats arabes unis Dégagement d'os en connexion dans l'une des fosses de la zone des offrandes du sanctuaire de Bithnah. © Mission archéologique française aux Émirats arabes unis SOMMAIRE Plan du site de Bithnah. © Mission archéologique française aux Émirats arabes unis Sacré serpent ! Magie et mythologie Fragment d'une grande jarre décorée de serpents trouvée dans une fosse devant un autel dans le sanctuaire de Bithnah. © Mission archéologique française aux Émirats arabes unis probablement des banquets et des offrandes. Le contenu des plus récentes parmi ces dernières révèle l’ampleur des cérémonies, avec plus de quarante bêtes (de préférence jeunes) sacrifiées. Aux offrandes de nourriture et de liquides s’ajoutèrent dès l’origine des offrandes de produits de la métallurgie du cuivre. Dans la partie est du site, des fosses furent creusées autour d’un podium circulaire bas, sur lequel des alignements de pierres dessinaient un serpent lové. Des jarres à décor de serpent en relief y étaient déposées. L'une d'entre elles contenait des centaines de petites billes en métal cuivreux. Selon les paléométallurgistes Sophie Pillault, Cécile Le Carlier et Alain Ploquin du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy, ces billes sont des coulures de cuivre issues de la fonte du métal. Elles contenaient encore de la chalcosine, un minerai partiellement transformé ; passées dans un four de refonte, elles auraient fourni un cuivre plus homogène et auraient pu servir à l’élaboration d’objets. Leur présence dans les jarres apparaît donc comme le symbole d’une activité économique. Or, de tels fours de réduction ont été observés dans les années 1990 par une équipe d’archéologues suisses dans un site proche de Bithnah, aujourd’hui détruit. Ce qui nous autorise à penser que le culte du serpent à Bithnah fut dès l’origine lié à l’exploitation et à la transformation du cuivre, source de richesse issue du monde souterrain. Des rites en évolution Entre 1000 et 800 av. J.-C. environ, de nouvelles installations furent ajoutées au sanctuaire, suggérant des modifications du rite religieux. Un petit bâtiment rectangulaire d’à peine un mètre sur deux fut édifié au nord du bâtiment principal. Il contenait un podium en briques crues sur lequel des braseros en céramique étaient vraisemblablement déposés. Nous SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Vase à pied anthropomorphe orné d'un serpent trouvé à Bithnah. © Mission archéologique française aux Émirats arabes unis avons retrouvé plusieurs récipients en forme de calice, généralement brûlés à l’intérieur, dans et devant ce bâtiment, ainsi qu’un vase remarquable mais non brûlé. Son pied a la forme d’un homme nu brandissant un bol sur lequel rampe un serpent. Ce petit bâtiment marque l’introduction sur le site de rituels à caractère individuel ou intime, associant peutêtre fumigations et dépôts de produits. Il fut ultérieurement doublé d’un second bâtiment identique. Dans le même temps, des bassins furent aménagés dans la partie nord du site. Le plus ancien, mal préservé, n’a fourni que peu d’indices. Le plus récent, un bassin circulaire d’environ deux mètres de diamètre pour un mètre de profondeur, était desservi par un canal sinueux qui vraisemblablement le remplissait d’eau ; il était entouré de trous de poteaux suggérant l’existence d’une clôture de protection tout autour. On peut supposer que s'y pratiquaient des ablutions, ce qui marquerait l’apparition de rituels de purification parmi les rites cultuels. Enfin, au sommet de la colline voisine, accessible par un sentier aménagé, on a trouvé un podium carré à degrés, sur l’un desquels reposaient encore les vestiges d’un serpent en pierre. Autour de ce podium, on a recueilli plusieurs fragments de braseros décorés d’un serpent. Visible de partout dans la SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Vue du sanctuaire de Masafi en cours vallée, il plaçait symboliquement le territoire de Bithnah sous la protection de la divinité représentée par le serpent. de fouille. Au fond, les arbres marquent le début de la palmeraie actuelle, sous laquelle se trouve la palmeraie antique. © Anne Benoist Le serpent et l'eau jaillissante Si, depuis 2006, plusieurs sites sont venus confirmer le lien particulier existant entre le serpent et la métallurgie du cuivre2, d’autres soulignent plutôt le caractère ambigu et multiple de ce symbole, et établissent des associations nouvelles. Ainsi, dans le sanctuaire de Masafi, non loin de Bithnah, c’est le rapport du serpent aux eaux souterraines qui a été mis en évidence. Masafi (« eau pure » en arabe) est un lieu particulier doté de sources pérennes qui fournissent aujourd’hui l’eau minérale de Masafi, consommée dans plusieurs émirats, et d’où jaillissent trois grands wādī qui traversent la montagne dans toutes les directions. Un bâtiment collectif et un petit bâtiment ouvert de l’âge du Fer s’élevaient en bordure d’une zone agricole en partie préservée sous la palmeraie actuelle. Le bâtiment collectif abritait un trésor de plus de deux cents lingots et fonds de four bruts en cuivre et alliage cuivreux conservé dans deux jarres enfouies dans des niches creusées dans le sol. Il a également livré quelques objets rituels utilisés pendant des cérémonies : braseros, cruches à bec et jarres, tous ornés SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Une des deux jarres contenant les lingots trouvées dans le bâtiment collectif à Masafi. © Mission archéologique française aux Émirats arabes unis de serpents ainsi que de chameaux, de caprinés, d’oiseaux et de poissons. Le petit bâtiment, inclus dans la palmeraie antique, renfermait quant à lui des dizaines de figurines en forme de serpent et des centaines de braseros ornés de serpents en relief, pour la plupart très peu utilisés (une seule fois ?), qui apparaissent comme autant d’ex-voto à caractère propitiatoire. Certains des serpents en cuivre, dotés de Objets divers trouvés dans le petit bâtiment du sanctuaire de Masafi : couteau miniature, petit bol avec un serpent lové à l'intérieur, couvercle orné de deux serpents, jarre décorée d'un serpent, supports ornés de serpents, figurine de serpent en cuivre et pied de brûle-encens décoré d'un serpent grimpant. © Mission archéologique française aux Émirats arabes unis SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie petites excroissances coniques à pointe aplatie placées sous leur ventre, pourraient avoir été destinés à être posés dans une eau peu profonde où ils seraient apparus comme des serpents nageant. Ouvert en direction des jardins, ce petit bâtiment montrait les stigmates de multiples inondations. Dans les jardins alentour, de nombreux puits de l’âge du Fer ont été découverts lors de sondages. Des puits artésiens (trous de sonde donnant un jaillissement spontané de liquide) fonctionnaient encore dans la palmeraie de Masafi dans les années 1960, d’où l’eau jaillissait deux fois par an, selon la tradition locale. Les nouvelles pistes à explorer Brûle-encens avec son couvercle perforé surmonté d'une figurine animale trouvé à Masafi. À Salut, dans le sultanat d'Oman, un sanctuaire monumental a été récemment découvert. Là, des lingots et des figurines de serpents en cuivre massif voisinaient avec des restes de paniers qui ont livré quantité de pollens de fleurs de palmiers mâles, symbole de fertilité par excellence, et des restes de laurier-rose, plante réputée pour son efficacité contre les morsures de serpents. Cette dernière trouvaille semble indiquer que des rituels de guérison pourraient avoir figuré parmi les pratiques associées au culte du serpent3. © Mission archéologique française aux Émirats arabes unis SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie La distribution de tous ces sanctuaires le long des voies de passage et leur relative diversité architecturale soulève la question de l’existence de pèlerinages. Les recherches à venir exploreront cette dimension du culte du serpent, qui a pu constituer un ciment culturel et social non négligeable dans la région. l Bibliographie Benoist Anne, « Fouilles à Masāfi-3 en 2009 (émirat de Fujairah, E.A.U.). Premières observations à propos d’un espace cultuel de l’âge du Fer nouvellement découvert en Arabie Orientale », dans Proceedings of the Seminar for Arabian Studies, Vol. 40, 2010, p. 119-130. Benoist Anne, Bernard Vincent, Charbonnier Julien, Goy Julie, Hamel Aurélien et Sagory Thomas, « Une occupation de l’âge du Fer à Masafi. Travaux récents de la Mission archéologique française aux E.A.U. dans l’émirat de Fujairah (Émirats arabes unis) », dans Chroniques yéménites, 17, 2012 [http://cy.revues.org/1803]. Benoist Anne, Pillault Sophie, Skorupka Matthias, « Rituels associés au symbole du serpent en Arabie orientale au cours de l’âge du Fer (1200300 av. J.-C.) : l’exemple de Bithnah (émirat de Fujairah) », dans Dieux et déesses d’Arabie : images et représentations, sous la direction d'Isabelle Sachet et Christian Julien Robin, Paris, De Boccard, 2012, p. 362-381. 1. Cf. Benoist Anne, « Authority and Religion in Eastern Arabia during the Iron Age (1150-250 B.C.) », dans Eastern Arabia in the First Millennium B.C., sous la direction d'Alessandra Avanzini, Rome, L’Erma di Bretschneider, 2010, p. 109-143 ; Benoist Anne (dir.), La Vallée de Bithnah au cours de l’âge du Fer, British Foundation for the Study of Arabia Monographs No 14, Oxford, Archaeopress, 2013. Nashef Khaled, « Saruq al-Hadid. An Industrial Complex of the Iron Age II Period », dans Eastern Arabia in the First Millennium B.C., sous la direction d'Alessandra Avanzini, Rome, L'Erma di Bretschneider, 2010, p. 213-226. 2. Outre Bithnah : Masafi (émirat de Fujairah), Al-Qusais (émirat de Dubwwsai), Saruq al-Hadid (émirat de Dubai) et Salut (sultanat d’Oman). D’autres sites sont pressentis, notamment Nud Ziba, près de Ras al-Khaimah, dans la partie nord des Émirats arabes unis, et Am-Dhurra, dans la partie orientale du sultanat d’Oman, où de nombreux décors de serpents ont été trouvés en surface. 3. Cf. Bellini Cristina, Condoluci Chiara, Giachi Gianna, Gonnelli Tiziana, Mariotti Lippi Marta, « Interpretative Scenarios Emerging from Plant Micro- and Macroremains in the Iron Age Site of Salut, Sultanate of Oman », dans Journal of Archaeological Science, Vol. 38/10, 2011, p. 27752789 ; Avanzini Alessandra et Phillips Carl, « An Outline of Recent Discoveries at Salut in the Sultanate of Oman », dans Eastern Arabia in the First Millennium B.C., op. cit., p. 93-108. SOMMAIRE SACRÉ SERPENT ! MAGIE ET MYTHOLOGIE Le chant du serpent Dominique Pierre Rédacteur en chef, Signes Musiques et Signes d’aujourd’hui (Bayard) © D.R. Avez-vous déjà entendu le chant du serpent ? Si vous aviez vécu à l'époque de Louis XIV, par exemple, et qu'un dimanche matin, à l'heure de la messe, vous aviez poussé la porte d'une église du royaume de France, vous auriez sans doute eu cette chance. Car le chant du serpent se mêlait alors au chœur des fidèles, et il en serait ainsi pendant quelques siècles encore. SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie U n serpent dans une église ? Soyez rassurés, le serpent dont il s’agit ici n’est pas un ophidien, mais un instrument de musique qui, de la fin de la Renaissance jusqu’au milieu du XIXe siècle, fut très souvent utilisé pour accompagner le plain-chant. À partir du XVIIIe siècle, on l'employa aussi au sein des musiques militaires. Une basse de cornet à bouquin Le serpent appartient à la famille des cornets à bouquin : ce sont des instruments le plus souvent en bois qui se jouent, comme les cuivres, avec une embouchure (bocca en italien). Les cornets à bouquin, connus depuis le XVe siècle, sont constitués de deux morceaux de bois creusés puis collés, généralement recouverts de cuir, et percés de sept trous. Le serpent, lui, apparaît vers la fin du XVIe siècle : le dernier-né de la famille est cependant le plus grand, ce qui lui permet de jouer des notes graves équivalentes aux voix de baryton ou de basse. Un long instrument droit serait difficilement manipulable, voire injouable : c’est pour pallier cet inconvénient que l’on donne aux instruments graves des formes courbes. Avec sa forme ondulante, le serpent avait un nom tout trouvé. L’accompagnement du plain-chant Entre le XVIIe et le milieu du XIXe siècle, cet instrument fut largement utilisé dans les églises de France pour accompagner le plain-chant. Dans certaines paroisses rurales, il était encore employé jusque dans la première moitié du XXe siècle. Il servait en premier lieu à donner le ton ; parfois il doublait le chant, ou bien s’en distinguait en jouant une partie de basse, évitant ainsi aux voix de baisser. Comme tous les instruments, il était plus ou moins bien joué, et il devint de bon ton, au cours du XIXe siècle, dans les milieux musicaux et religieux, d’en critiquer l’usage. Alors qu’à cette époque on cherchait à réformer le chant dans les églises (c’est le temps de la restauration du chant grégorien), le serpent représentait une pratique du chant telle qu’on ne la voulait plus. Accusé de mille maux (sa forme et son nom ontils joué un rôle en la matière ?), le serpent tomba rapidement en désuétude, et l’orgue, qui auparavant n'accompagnait que rarement le chant, se développa et le supplanta. Les moines et le serpent Les occasions d’entendre jouer du serpent sont rares. Mais Michel Godard, tubiste, s’est intéressé à cet instrument que l’on considère comme l’ancêtre du tuba et a largement SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie contribué à le faire redécouvrir. Dans l’enregistrement qu’il a réalisé avec les moines de l’abbaye de Ligugé, il utilise le serpent pour accompagner le chant grégorien, tout en lui apportant une touche de modernité par sa façon d’improviser ‒ c’est un grand musicien de jazz. Le son grave et feutré du serpent se mêle aux voix des moines et dialogue avec elles. Différentes pièces nous ramènent à des commencements, des temps lointains où les serpents chantaient dans les églises… l Répons Chœur des moines de l’abbaye de Ligugé ; Michel Godard, tuba et serpent. Studio SM. L’album est disponible uniquement en téléchargement sur le site adf-bayardmusique.com Les plages 1, 2, 6, 7, 9, 10, 14, 15, 16 et 18 sont accompagnées au serpent. Répons Cliquez ici pour découvrir et écouter des extraits de l’album SOMMAIRE Sacré serpent ! Magie et mythologie Livre numérique mode d’emploi Merci d’avoir téléchargé ce livre numérique sur votre ordinateur ou votre tablette. Voici quelques conseils pour lire au mieux cet ouvrage multimédia. Sur un ordinateur Bien que les ebooks soient pensés pour être lus sur une tablette, il est possible de les télécharger et de les lire sur votre ordinateur. • Pour trouver rapidement un texte, vous pouvez cliquer directement sur le titre affiché dans le sommaire. • Pour écouter les entretiens audio produits par Le Monde de la Bible en direct, vous devez avoir une connexion internet. • Pour les écouter plus tard, ou sur un support mobile (tablette ou smartphone), vous devez les télécharger via le site « Soundcloud », puis cliquer sur « share », puis sur « embed », et copier le code sur votre appareil mobile. • Pour ouvrir les liens internet proposés, vous devez cliquer sur le texte en bleu souligné une fois la connexion internet établie. • Pour visionner les vidéos suggérées via les plates-formes YouTube, Dailymotion ou Vimeo, vous pouvez soit cliquer sur l’image de la vidéo, soit sur le lien (texte en bleu souligné) qui l’accompagne. Vous pouvez également, en sélectionnant un mot ou un morceau de texte (avec votre souris d’ordinateur), surligner le mot ou le passage sélectionné ou l’accompagner d’une note personnelle. Sur votre tablette • Vous pouvez, en écartant les doigts posés sur l’écran, agrandir à volonté les textes et les images. • Pour trouver rapidement un texte, vous pouvez cliquer directement sur le titre affiché dans le sommaire. • Vous pouvez cliquer sur les différents liens et sons comme sur un ordinateur (lire ci-dessus). Attention : sur iPad, l’ouverture d’un lien ou d’une vidéo peut fermer le livre numérique. Pour retrouver la lecture du livre numérique, vous devez le rouvrir avec l'application iBooks. • Vous pouvez également, en sélectionnant un mot ou un morceau de texte (avec vos doigts sur l’écran d’une tablette), surligner le mot ou le passage sélectionné ou l'accompagner d’une note personnelle. SOMMAIRE LE MONDE histoire - art - archéologie DE LA BIBLE Édité par BAYARD PRESSE S.A., société anonyme à directoire et conseil de surveillance, 18, rue Barbès, 92128 Montrouge Cedex. Téléphone : 01 74 31 60 60. Fax : 01 74 31 60 61. Président du directoire : Georges Sanerot. Directeur : Jean-Marie Montel. Directrice des rédactions : Anne Ponce. Rédacteur en chef : Benoît de Sagazan. Maquettiste : Laurent Sangpo. Secrétariat de rédaction : Virginie Lérot. Directrice marketing éditeur : Christine Auberger. Directrice marketing audience : Guylaine Colineaux. Reproduction d’articles interdite, sauf autorisation de la direction. ISBN : 9791029601002. Prix : 6,99 euros. Œuvre protégée par le droit d’auteur. Toute reproduction ou diffusion au profit d’un tiers de tout ou partie de cette œuvre est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. En couverture : Adam et Ève et l'arbre de la connaissance, miniature illustrant un manuscrit du Commentaire sur l'Apocalypse du moine Beatus de Liébana, vers 1000. Madrid, bibliothèque du monastère Saint-Laurent-de-l'Escurial, Cod. & II. 5, fol. 18. © DeAgostini/Leemage. SOMMAIRE