Le mur habité

Transcription

Le mur habité
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Le mur habité
Benjamin Laurent & Marine Puissant
Janvier 2011
Séminaire Théorie et Projet - Jacques Lucan
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Sommaire
01 02
p.04
1. Le mur massif habité
p.09
2. Le mur creux continu
Le dédoublement du mur
Le seuil
Le dédoublement de la structure
3. Le mur creux discontinu
Du mur à la colonne
Multiplication des degrès d’intériorité
La colonne creuse
4. La masse habitée
p.21
p.22
p.28
p.32
p.35
p.36
p.40
p.43
p.45
p.46
p.48
p.50
p.54
p.58
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L’épaississement maximal de la limite
La dualité plein/vide
La représentation de la métaphore de l’excavation
Le processus de soustraction: la figure et le fond
Du mur réel au mur métaphorique
Conclusion
Bibliographie
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p.10
p.14
p.14
p.18
p.19
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L’enveloppe épaisse
La relation espaces contenus/espaces enclos
La relation intérieure/extérieure
Les espaces contenus
De la massivité réelle au vide technique
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Introduction
p.63
p.69
Introduction
03 04
« Le but essentiel d’un bâtiment est de fermer l’espace et
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non de l’orienter, et de séparer l’intérieur de l’extérieur.»1 Robert Venturi
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«Bref, [revenir à] des «espaces clos», en réduction que la modernité
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a rejeté violemment au nom de la fluidité des «plans libres» qui
dégageaient des espaces de circulation et des vues traversantes
de part en part.»2
Pierre Boudon
«A la disparition de la travée dans le vocabulaire de certains
représentants ou épigones du mouvement moderne s’ajoute l’éclipse
du mur porteur. Il est pourtant l’un des éléments fondamentaux du
vocabulaire historique de l’architecture.»3
Patrick Mestelan
Les nombreux réquisitoires des historiens contre la Modernité
mettent en avant la rupture du plan libre avec la tradition de
l’intérieur clos et du mur porteur. Cette modification du vocabulaire
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architectural a pour volonté première de s’affranchir de toute limite
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physique et visuelle dans une recherche de continuité spatiale
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maximale. Elle serait une des causes de la rupture de l’urbanisme
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moderne avec la ville historique.
«A l’abandon du mur correspond la négation de la rue, une
des grandes structures institutionnelles de la ville historique.
1. Robert Venturi, De l’ambiguïté en architecture, ed. Dunod, 1996
2. Pierre Boudon, Le processus architectural et la question des lieux, ed. Nouveaux actes
sémiotiques, 2008
3. Patrick Mestelan, «La question du mur», L’ordre et la règle, ed. Press Polytechniques et
Universitaires Romandes (PPUR), 2006
L’implantation de ce modèle architectural et urbain ne pouvait que
procéder de la tabula rasa pour justifier sa présence.»4
Patrick Mestelan
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«La ville a toujours porté en elle sa propre mémoire […] Comment
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la réconcilier avec l’idée de civilisation dont elle est l’un des socles?
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Une des réponses possibles à ces interrogations se trouve peut-être
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[…] dans la relation que nous entretenons avec le lieu d’une part
et avec le bâtiment lui-même d’autre part. Le concept d’enveloppe
se trouve à l’intersection de ces deux considérations. [...] Cette
enveloppe peut s’incarner dans une couche, une épaisseur, un
espace, qui vient s’intercaler entre l’édifice et son environnement,
entre l’artificiel et le naturel.»
«Il est évident que si l’on envisage l’architecture d’un point de vue
élémentaire, si on la considère comme «l’art de construire des
murs», alors l’enveloppe peut jouer un rôle de première importance.
Quels que soient les motifs qui en justifient l’élévation […], le mur
engendre la séparation – de l’interdit. Une fois cet axiome posé,
le défi à relever consiste à changer ce qui sépare pour en faire
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quelque chose qui relie. Nous autres, architectes, avons la charge
d’imaginer des murs qui soient plus qu’eux-mêmes, c’est-à-dire de
créer des lieux de transition entre le dehors et le dedans, entre le
public et le privé, entre le magma urbain et la sphère de l’intime.»5
Dominique Perrault
La ville contemporaine nécessite un travail majeur sur l’art de traiter
4. Patrick Mestelan, «Préliminaires à une définition spatiale», L’ordre et la règle, ed. Press
Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR), 2006
5. Dominique Perrault Architecture, catalogue expo Beaubourg, ed. Hyx, juin 2008
la limite en architecture. Il y a un accord à trouver entre l’ouverture
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totale du plan libre et l’intérieur clos traditionnel. La disparition du
mur a appuyé la rupture avec le contexte et la mémoire du lieu.
Le mur traditionnel, par définition, sépare deux régions. Comme
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le préconisent D. Perrault comme P. Boudon, il est possible de
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et ainsi créer une zone de transition. De la même manière, en
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procéder à un dédoublement du mur pour y insérer un espace
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psychanalyse, André Green démontre que «La limite apparaît
comme une zone grise entre le blanc et le noir et non pas comme une
ligne de démarcation claire [...] Cette notion est paradoxale dans la
mesure où elle est le lieu de l’interférence, de la superposition et de
l’interpénétration de deux ou plusieurs univers disjoints et réputés
distincts ou incompatibles»7. Ainsi, on comprend que cet espace
d’interférence doit être inséré dans le mur, initialement considéré
comme une zone de démarcation franche. Habiter le mur serait
donc le moyen de traiter la question de la limite tout en renouant
avec la tradition.
Cette problématique a été développé par les architectes
contemporains. Nous proposons ainsi d’analyser comment s’opère
la résurgence du mur comme traitement de la limite aujourd’hui.
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Autrement dit, quelles sont les différentes façons d’habiter le mur?
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Et quels sont les enjeux spatiaux qu’elles mettent en oeuvre?
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Louis Kahn, pourtant protagoniste de l’époque moderne, semble
être le point de départ de la question du mur habité. «J’ai fait du mur
un contenant au lieu d’un plein»6. Cette étude regarde la production
architecturale depuis l’époque moderne, avec les travaux de Kahn,
6. «Kahn on Beaux-Arts training» dans William H. Jordy, «Kimbell Art Museum, Fort Worth,
Texas. Library, Philips Exeter Academy, Exeter, New Hampshire», The architectural Review, vol.
CLV, n°928, juin 1974, p.332
7. André Green, La folie privée, ed. Gallimard, Folio essais, 2003
jusqu’à aujourd’hui, pour identifier les différentes façons d’habiter le
mur dans l’architecture contemporaine. Cette analyse a conduit à
des regroupements de projets en quatre catégories: le mur massif
habité, le mur creux continu, le mur creux discontinu, la masse
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est composée d’une description
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problématique. Chaque partie
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habitée, qui sont autant de réponses contemporaines à cette
cette identification tente de comprendre
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L’analyse qui suit
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du dispositif en plan, aboutissant à une définition caractéristique.
pourquoi les architectes contemporains développent ce dispositif,
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et comment ils le mettent en oeuvre d’un point de vue constructif.
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Plans, château de Comlongon, Dumfies and Gallow, Ecosse. Ces plans montrant des murs
épais et habités proviennent de la bibliothèque de Kahn.
(Louis Kahn, Robert McCarther, ed. Phaidon, p.176
Sebastiano Serlio, églises à plan central de la Renaissance, 1547
(Les principes de l’architecture à la Renaissance, Rudolf Wittkower, ed. de la Passion, 1996
1.Le mur massif habité
L’enveloppe épaisse
Dans
«Le projet tectonique», Pierre Boudon explique
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que l’épaississement des enveloppes «a facilité l’émergence
de ce qu’on appelle traditionnellement un « poché», soit par la
présence de parois épaisses dans lesquelles on peut creuser des
poches, des alvéoles, des recoins (comme dans les architectures
médiévales), soit par des espaces intercalaires qui traversent ou
non la paroi.»8 En effet, plusieurs projets se développent autour
d’un mur massif, contenant des espaces dans son épaisseur. La
construction traditionnelle en a produit de nombreux exemples, dont
le plus expressif est surement le Château écossais du Comlongan,
mis en lumière par Louis Kahn. Dans cet édifice, la limite, pour
des raisons défensives, est d’une épaisseur très importante, et
permet d’y insérer des pièces, sans réduire pour autant la solidité
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du mur. De plus, notons que le château de Comlongan est un mur
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habité avec une épaisseur constante, la face intérieure suivant
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toujours strictement le tracé de la face extérieure. Venturi résume:
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«On peut manifester la contradiction entre l’intérieur et l’extérieur
en doublant la paroi, ce qui crée un volume supplémentaire entre
cette doublure et le mur extérieur. [...] Le modèle le plus simple est
exactement parallèle au contour»9. Dans les églises à plans centrés
8. Pierre Boudon, «La force architectonique du lien», Le projet tectonique, Eds. dir. J.P. Chupin
et C. Simonnet, inFolio, 2005
9. Robert Venturi, «L’intérieur et l’extérieur», De l’ambiguïté en architecture, ed. Dunod, 1996
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Schéma 1
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Plans, château de Comlongon, Dumfies and Gallow, Ecosse. Ces plans montrant des
murs épais et habités proviennent de la bibliothèque de Kahn.
(Louis Kahn, Robert McCarther, ed. Phaidon, p.176
Plans du château d’Houdan, France, vers 1130. Kahn s’inspira du mur épais recelant
des espaces plus petits et qui entoure et délimite la pièce principale et centrale.
(Louis Kahn, Robert McCarther, ed. Phaidon, p.176
Schéma 2
de la Renaissance, la face extérieure du mur définit clairement
11 12
un contour tandis que la face intérieure est largement percée et
sculptée, définissant une forme intérieure autre.
Aussi, dans le château de Houdan, construit vers 1130, les deux
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faces du mur sont clairement désolidarisées. La face extérieure
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délimite une pièce qui possède sa propre géométrie. Grâce à cette
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répond à des contraintes défensives tandis que la face intérieure
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variation, les espaces intérieurs ont une autonomie formelle sans
être contraints par le contexte extérieur.
Par définition, le mur massif habité serait un mur massif dans lequel
on insère des espaces. De par sa grande épaisseur, il est le moyen
de former une limite épaisse, une enceinte, entre le bâtiment et
son environnement. Ses faces peuvent être strictement parallèles
(sch.1), mais peuvent également se désolidariser pour répondre à
deux environnements différents. (sch.2)
Le mur massif habité a été repris par des architectes contemporains
tels que Aires Mateus ou encore Herzog & De Meuron. En quoi
permet-il de répondre aux problématiques actuelles? Comment
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le mettent-ils en œuvre avec les nouvelles techniques de
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construction? On sait que Louis Kahn a tiré de sa référence du
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Château écossais du Comlongan la colonne creuse, et donc la
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distinction des espaces servants et servis : «Le poché m’a appris
la différence entre mur creux et mur massif, […] j’ai fait du mur
un contenant au lieu d’un plein. […] Ainsi est venue l’idée des
espaces de services et des espaces servis.»10 Comme l’explique
10. «Kahn on Beaux-Arts training» dans William H. Jordy, «Kimbell Art Museum, Fort Worth,
Texas. Library, Philips Exeter Academy, Exeter, New Hampshire», The architectural Review, vol.
CLV, n°928, juin 1974, p.332
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Aires Mateus, plan du rez-de-chaussée de la Casa em Brejos de Azeitao, Portugal,
(Aires Mateus, Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005)
Patrick Mestelan, «Les termes servant (serving) et servi (served)
expriment une hiérarchie spatiale.»
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13 14
L’utilisation du mur massif
habité par les architectes contemporains rejoint-elle strictement
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cette distinction servant/servis instaurée par Louis Kahn ?
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La relation espaces contenus / espaces enclos
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La maison à Brejos de Azeitao, au Portugal, des architectes
Aires Mateus est une reproduction quasi littérale de l’organisation
spatiale du château écossais. Un mur massif habité vient enclore
un espace central libéré de tout services, ces derniers étant
contenus dans l’épaisseur massive du mur. Ce dispositif impose
donc une hiérarchie spatiale et la distinction servant/servi par la
disposition d’une pièce majeure centrale entourée d’espaces de
service périphériques, par l’opposition entre l’espace enclos (par le
mur) et les espaces contenus (dans le mur). Enfin, cette distinction
s’exprime aussi par la forme des espaces, complexe pour les
zones de services, accueillant des fonctions précises, à l’opposé
de la grande pièce centrale, à la géométrie simple et rectangulaire,
peu contrainte spatialement, s’ouvrant sur «l’idée d’une évolution
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des usages»12. Le mur massif habité instaure donc une hiérarchie
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forte entre les espaces enclos et contenus.
La relation intérieure/ extérieure
Comme nous avons pû le le démontrer précedemment, cette volonté
de rétablir des espaces clos, en opposition avec les principes de la
11. Patrick Mestelan, «La hiérarchie spatiale», L’ordre et la règle, ed. Press Polytechniques et
Universitaires Romandes (PPUR), 2006
12. Aires Mateus, «Casa em Brejos de Azeitao», Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
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Herzog et de Meuron, plan du rez-de-chaussée du centre du Flamenco, Jerez de la Frontera, Espagne, 2003
(«La généalogie du poché», Jacques Lucan, dans Matières, 2004, n°7)
modernité, est présente. Les démarches des architectes comme
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Herzog & de Meuron et Aires Mateus vont également dans ce sens.
Pour le projet du Centre Du Flamenco, à Jerez de la Frontera,
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instaure une limite franche entre l’intérieur et l’extérieur. Elle
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enceinte entre la rue et la cour intérieure. Sa grande épaisseur
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Herzog & De Meuron imaginent un mur massif habité comme une
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s’exprime d’autant plus que les programmes contenus dans le mur
communiquent uniquement avec la cour intérieure, impliquant une
façade hermétique sur la rue. Les seuls lieux de franchissement
sont les entrées où l’on traverse toute l’épaisseur du mur, créant
ainsi un espace de seuil.
La face extérieure du mur suit le tracé parcellaire, tandis que la
face intérieure répond à une géométrie toute autre. De la même
manière que le château de Houdan, les faces du mur massif ne
sont pas parallèles. Cette désolidarisation des faces répond à la
fois à des contraintes contextuelles, urbaines ou typologiques,et
à des nécessités programmatiques internes. De cette manière,
le mur massif habité propose de résoudre l’un des grands
conflits de l’architecture présent depuis le mouvement moderne
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jusqu’à aujourd’hui: l’affrontement d’une architecture conçue de
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l’intérieur vers l’extérieur (comme le font les Modernes) contre
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une architecture contextuelle (de l’extérieur vers l’intérieur). La
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désolidarisation des faces du mur massif introduit une forme dans
la forme, solution suggérée par Venturi dans «De l’ambiguïté en
architecture», permettant de traiter les préoccupations externes
et internes simultanément. «Pour Venturi, c’est l’écart existant
entre l’intérieur et l’extérieur qui crée, en tant que battement, une
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Maquette du centre du Flamenco, Herzog et de Meuron, Jerez de
la Frontera, Espagne, 2003, «Herzog et de Meuron 2002-2006»,
El Croquis n°129.130, juin 2006
Différents types de formes dans la forme, schémas, «De
l’ambiguïté en architecture», Robert Venturi
articulation de ces deux régions typologiques, car c’est à partir de
17 18
leur dissociation que l’on peut donner une forme à l’intérieur qui
ne soit pas semblable à l’extérieur»13. Pour le centre du Flamenco
d’Herzog & De Meuron comme pour la maison à Brejos de Azeitao
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de Aires Mateus, le mur massif habité ne sert pas d’interface mais
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développant ainsi un monde intérieur isolé et contrasté.
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sépare davantage l’intérieur de l’extérieur par sa grande épaisseur
Les espaces contenus
Depuis les châteaux écossais jusqu’au projet d’Herzog & De
Meuron, la diversité formelle des pièces contenues dans le mur
massif habité est remarquable. Cette grande complexité
des
formes est permise par l’épaisseur massive du mur qui donne
à chaque espace la possibilité de se développer en fonction
des usages qu’il accueille (niches, escaliers, fenêtres etc.) sans
incidence sur l’espace principal. Patrick Mastelan explique que
«le mur massif est l’archétype du mur. Affilié à la longue histoire
de l’architecture, il est fidèle à la vérité constructive par l’unicité
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de son matériau. Il est, par principe, homogène.»14 C’est cette
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homogénéité du matériau qui vient permettre cette liberté. Quelle
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que soit sa complexité formelle, l’espace sera unifié par son ordre
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architectural, c’est-à-dire par la perception d’un seul élèment, le
mur.
Ce dispositif est d’autant plus intéressant que cette même
13. Pierre Boudon, Le processus architectural et la question des lieux, ed. Nouveaux actes
sémiotiques, 2008
14. Patrick Mestelan, Le mur, «L’ordre et la règle», ed. Press Polytechniques et Universitaires
Romandes (PPUR), 2006
épaisseur massive règle les problèmes de relation entre chaque
pièces. Leur complexité formelle n’a pas de répercussion sur
les autres espaces contenus dans le mur. Ainsi, les pièces du
mur massif habité sont absolument indépendantes entre elles.
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Cependant, cette indépendance est vraie uniquement lorsque la
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forme de l’épaisseur massive n’importe pas, ce qui n’est plus tout
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à fait possible avec les techniques de construction actuelles.
De la massivité réelle au vide technique
Dans les exemples de constructions traditionnelles comme le
Comlongan et le château de Houdan, c’est la pierre massive
qui offrait cette épaisseur constructive «pochée» au mur habité.
«aujourd’hui, la construction du mur porteur en pierre est, dans nos
contrées, relativement limitée. Le principal problème est celui lié à
son coût. Dans le cas particulier de la pierre de taille, il provient
d’un travail de main-d’œuvre conséquent»15. De plus, l’évolution
des techniques de construction a réduit considérablement les
épaisseurs structurelles. Il est donc aujourd’hui difficile d’envisager
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la même approche constructive que nos ancêtres pour construire
un mur massif habité. Le projet du Centre du Flamenco de Herzog
& De meuron n’a pas été poussé à un niveau de détail suffisant
pour répondre cette question. Dans le cas de la maison à Brejos de
Azeitao de Aires Mateus, la massivité est simulée, laissant place
à des vides techniques. Ce «mensonge constructif» questionne
la légitimité d’une telle démarche, où le lien avec la tradition du
15. Patrick Mestelan, Le mur, «L’ordre et la règle», ed. Press Polytechniques et Universitaires
Romandes (PPUR), 2006
mur massif est en contradiction avec la réalité structurelle de notre
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époque. Il est en tout cas représentatif de la nostalgie qui anime
ces architectes vis-à-vis de la culture du mur traditionnel. Dénué
de système constructif adéquat, le mur massif habité ne peut plus
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exister en tant que tel: il nécessite, dans une logique d’économie
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de matière, un mensonge constructif.
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Mario Botta, plan du +5,50/ +7,00 de la Cathédrale d’Evry, France, 1988-1993, extrait de La cathédrale
d’Evry, Mario Botta, ed. Skyra, juin 2000)
2.Le mur creux continu
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espace d’un nouveau genre»16.
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«Il est possible de substituer au mur un entre-deux, un
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Le dédoublement du mur
Dans le projet de la cathédrale d’Evry de Mario Botta, il s’agit à
nouveau de traiter la limite épaisse du bâtiment, son enceinte,
mais sans l’utilisation du mur massif. Le mur est dédoublé. Il enclôt
l’espace sacré et le distingue clairement de l’extérieur par son
épaisseur évidée. M. Botta parle de cette zone comme «un espace
de transition et de calme entre le lieu de culte et la ville»17.
Dans le projet de Louis Kahn pour les dortoirs d’Erman Hall de
Bryn Mawr, «les chambres individuelles [...] forment l’épais mur
protecteur délimitant les espaces communs en leur centre»18.
Kahn dit: «puisqu’un mur présente un visage différent à l’intérieur
et à l’extérieur [...] nous sommes arrivés au point où cette claire
perception peut permettre la dissociation du mur intérieur par
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rapport au mur extérieur [...] et générer entre eux un espace qui
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peut être parcouru, ce qui ne saurait être réalisé avec un mur de
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pierre massif.»19
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Cette entre-structure, «espace de paroi»20 ou encore mur creux,
ressort de l’épaisseur structurelle. Il permet la résolution à la fois
16. Dominique Perrault Architecture, catalogue expo Beaubourg, ed. Hyx, juin 2008
17. Mario Botta, La Cathédrale d’Evry, ed. Skyra, juin 2000
18. Robert McCarter, Louis I. Kahn, ed. Phaidon Press, juin 2005
19. Louis Kahn, texte d’une conférence, transcription dactylographiée, 14 novembre 1961, cité
par D.B. Brownlee, D.G. De Long, extrait de Roberto Gargiani, La colonne: nouvelle histoire de
la construction, ed. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR), 2009
20. Patrick Mestelan, «L’espace de la paroi», L’ordre et la règle, ed. Press Polytechniques et
Universitaires Romandes (PPUR), 2006
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Louis Kahn, Résidence Eleanor Donnelley Erdman Bryn
Mawr College, Bryn Mawr, Pennsylvanie, 1960-1965
(Louis Kahn, Robert McCarter, ed. Phaidon, 2005)
des exigences fonctionnelles, spatiales et structurelles. Cette
23 24
limite est franchissable puisqu’elle est «évidée», elle met donc en
relation l’espace intérieur avec l’extérieur.
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Par définition, le mur creux continu est un mur dédoublé. Le vide
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entre deux espaces intérieurs.
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qu’il contient est une zone de seuil entre l’intérieur et l’extérieur et
Ainsi, le dédoublement du mur pose la question de l’identité de cet
élèment: le mur creux continu opère un glissement entre le mur
réel, construit, et le mur métaphorique (deux murs séparés par
un vide qui forment un seul et même élèment). Comment peut-on
encore parler d’un seul mur dédoublé et non de deux murs?
A Evry, le projet de Botta se perçoit en plan et dans l’espace
comme un mur réel malgré son épaisseur vide, puisque ces deux
faces sont solidaires, son épaisseur est relativement faible et la
matérialité de ses deux parois est similaire à l’intérieur comme à
l’extérieur. De ce fait, il se lit comme un seul et même élèment.
En revanche, dans les dortoirs de Bryn Mawr, la relation entre
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les deux faces du mur est moins évidente. L’épaisseur qui les
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sépare est plus importante. La matérialité des deux parois diffère,
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«la hiérarchie architectonique du bâtiment est explicitée par le
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contraste entre les murs en béton brut des pièces centrales et
les murs en maçonnerie de béton des chambres, revêtus à
l’extérieur de pierre claire et de panneaux d’ardoises sombres»21.
De même, il n’y a pas de lien entre l’emplacement des ouvertures
21. Robert McCarter, «Inspired compositions in the poetics of action», Louis I. Kahn, ed. Phaidon
Press, juin 2005, p.226
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Perception du mur épais comme un élèment
Mario Botta, La cathédrale d’Evry, France, 1988-1993, (La cathédrale d’Evry, Mario Botta, ed. Skyra,
juin 2000)
Perception de masses fragmentées
L. Kahn, Résidence Eleanor Donnelley Erdman Bryn Mawr College, Bryn
Mawr, Pennsylvanie, 1960-1965, (Louis Kahn, Robert McCarter, ed.
Phaidon, 2005)
extérieures (fenêtres) et intérieures (portes). Ainsi, lorsque l’on
25 26
fait varier autant de paramètres entre les deux faces, la lecture
d’un seul et même élèment est compromise. De plus, les multiples
séparations présentes dans le mur (cloisons entre les chambres)
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empêchent sa lisibilité lorsque l’on est entre ses deux parois.
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«à distinguer chaque espace, chaque pièce, comme une entité
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Louis Kahn n’a pas cherché à exprimer un mur continu mais plutôt
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singulière autrement que par une série de cloisons seulement»22.
Ce dispositif lui permet de régler la relation du bâtiment avec son
extérieur et l’organisation interne. La notion de mur creux continu
est, ici, une recherche conceptuelle en plan, qui se lit différemment
spatialement.
Même quand cette métaphore du mur creux continu n’est pas
évidente spatialement, quels rôles joue-t-elle au sein du bâtiment?
Mais aussi, quelles seraient les conditions nécessaires pour
parvenir à percevoir ce mur dédoublé comme un seul et même
élèment?
La Maison Alvalade, à Alentejo au Portugal se compose de
deux types d’espaces. «Les zones de services sont construites
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comme un mur continu et habité qui interconnectent les parties
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principales, configurées une par une, couvertes ou non»
23
. Il ne
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s’agit plus ici d’habiter uniquement les limites du bâtiment mais
Ec
les limites de chaque pièces. Le mur creux continu a la même
épaisseur quelque soient les pièces qu’il sépare. Ses deux faces
sont strictement parallèles.
22. Robert McCarter, «Inspired compositions in the poetics of action», Louis I. Kahn, ed. Phaidon
Press, juin 2005, p.226
23. Aires Mateus, «Casa em Alvalade, Alentejo», Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
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Aires Mateus, Plans (poché/mur/sol) de la Casa em
Alvalade, Alentejo, Portugal
(Aires Mateus, Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005)
27 28
Le seuil
Le mur dédoublé contient les «zones de service»24 (stockages,
salles de bain, circulations), représentées par un poché (espaces
contenus), et les «parties principales»24 (salons, cuisines,
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Dans le catalogue de l’exposition intitulé «The Void» au centre
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chambres et patios), non pochées (espaces enclos).
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culturel de Belem, Delfim Sardo, critique d’art et commissaire
d’exposition portugais, analyse le travail de Aires Mateus. Il
emploie le terme «liminal» (empruntée à Victor Turner) en parlant
des «circulations dans l’interstice»25 de ce projet, concept qui
renvoie à la notion de seuil. Le mur habité, dans ce cas, n’est
plus une limite infranchissable mais un lieu de transition. «Quels
que soient les motifs qui en justifient l’élèvation, qu’il s’agisse de
délimiter, de protéger ou d’isoler, le mur engendre la séparation de l’interdit. Une fois cet axiome posé, le défi à relever consiste
à changer ce qui sépare pour en faire quelque chose qui relie»26.
«L’architecture devrait être conçue comme un assemblage
d’espaces intermédiaires clairement délimités. Cela n’implique
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pas nécessairement une transition perpétuelle ou une hésitation
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permanente sur le lieu et le moment. Au contraire, cela signifie
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une rupture avec la conception contemporaine (disons la maladie)
Ec
de la continuité spatiale et avec la tendance à effacer toute
articulationsentre les espaces, c’est-à-dire entre l’intérieur et
l’extérieur, entre un espace et un autre (entre une réalité et une
24. Aires Mateus, «Casa em Alvalade, Alentejo», Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
25.Aires Mateus, «Liminal» article écrit par Delfim Sardo, présentant le travail de Gonçalo Byrne
et d’Aires Mateus à l’exposition «The Void» au centre culturel de Belem à Lisbonne en 2007,
Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
26. Dominique Perrault Architecture, catalogue expo Beaubourg, ed. Hyx, juin 2008
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Schéma 2
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Schéma 1
L’autonomie des espaces et le dédoublement structurel
en regard du plan libre. Patrick Mestelan, «L’espace de la
paroi», L’ordre et la règle, ed. PPUR, 2006
autre). Au lieu de cela, la transition doit être articulée en utilisant
29 30
des espaces intercalaires bien définis, permettant de prendre
simultanément conscience de ce qui caractérise chaque côté.
Dans cette optique, un espace intercalaire fournit le terrain commun
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grâce auquel des extrèmes incompatibles peuvent encore devenir
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Ainsi, l’un des principaux enjeux du mur creux continu est d’instaurer
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des phénomènes jumeaux». 27
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un espace de seuil. Patrick Mestelan dans «L’ordre et la règle»
le nomme «l’espace de la paroi». Il affirme que «l’espace de la
paroi n’est pas uniquement propre à la constitution de la façade. Il
concerne également le rapport entre deux espaces internes, entre
deux échelles spatiales du même ordre.[...] Il permet de mieux
préserver l’intimité des espaces tout en les reliant. Il marque le
seuil par un traitement plus ou moins opaque ou ouvert. Il clôt
l’espace en laissant le passage alors qu’il exprime une continuité
visuelle tout en procurant aux espaces leur autonomie.» 28
Ainsi, le mur creux continu met à disposition cette zone de seuil
qui offre la transition entre deux espaces de natures différentes.
Il est le troisième espace nécessaire à la cohabitation d’entités
diverses, «l’entre-deux» («in-between»29) dont parle Van Eyck, la
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«zone grise» développée par la psychanalyse.(sch1)
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Lorsqu’une seule des deux parois est poreuse, comme dans le cas
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des dortoirs de Bryn Mawr de Kahn, le mur creux continu forme
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à nouveau une limite épaisse (de la même manière que pour un
mur massif habité) où seules les entrées marquent une zone de
seuil.(sch2)
27. Robert Venturi, De l’ambiguïté en architecture, citation d’Aldo Van Eyck à propos du «inbetween»
28. Patrick Mestelan, «L’espace de la paroi», L’ordre et la règle, ed. Press Polytechniques et
Universitaires Romandes (PPUR), 2006
29. Robert Venturi, De l’ambiguïté en architecture, citation d’Aldo Van Eyck à propos du «inbetween»
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Sanaa, plan du 21st Century Museum of Contemporary Art, Kanazawa, Japon, 2006, extrait de «Sanaa Sejima
Nishizawa», El Croquis n°139, avr. 2008
Les conditions nécessaires à la lisibilité du mur dédoublé comme
31 32
un seul élèment évidé dépendent de certains paramètres.
Dans le projet d’Aires Mateus, les faces sont solidaires, de même
matérialité, elles suivent un parcours d’une épaisseur constante
e
et les percements sont identiques de part et d’autre du mur.
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assemblage de pièces séparées par un vide.
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Cette relation forte entre les deux parois empêche la lecture d’un
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Dans le projet du musée de Kanazawa de Sanaa, l’espace entre les
pièces est un espace de seuil. Pourtant, il s’agit d’un assemblage
de pièces singulières et, ne peut être lu comme un mur creux
continu. En effet, les pièces ont des formes géométriques définies,
tandis que l’espace de seuil a une forme résultante. Les parois
des pièces ne se répondent pas, tant par leur matérialité que par
leurs percements. De plus, la forme du vide varie au profit de la
géométrie des pièces, ce qui le donne à lire comme un fond et non
comme une figure.
Ainsi, on peut affirmer que les paramètres qui permettent d’exprimer
le mur dédoublé comme un seul élément sont principalement sa
matérialité, ses deux parois solidaires et de même épaisseur
constructive, et le traitement de ses percements (qui ne donnent à
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lire qu’une seule et même ouverture).
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Le dédoublement de la structure
«J’ai simplement ôté l’intérieur du mur, je l’ai annulé et j’ai
utilisé l’exterieur qui est de toute façon la seule partie utile de la
structure»30. Selon Kahn, la conception spatiale qu’entraîne le mur
30. «Kahn on Beaux-Arts training» dans William H. Jordy, «Kimbell Art Museum, Fort Worth,
Texas. Library, Philips Exeter Academy, Exeter, New Hampshire», The architectural Review, vol.
CLV, n°928, juin 1974, p.332
creux est la résultante d’une opération structurelle consistant à
dédoubler les élèments de construction traditionnelle.
Si l’on regarde le projet de la maison à Alvalade d’Aires Mateus
d’un point de vue structurel, chaque pièce est délimitée par un
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mur qui lui est propre. En cela, la structure devrait être adaptée de
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façon similaire à celle de Kanazawa, c’est-à-dire que chaque pièce
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aurait sa propre structure. Même si dans la conception, il s’agit d’un
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seul élèment dédoublé, constructivement, il paraîtrait logique que
l’épaisseur de chacun des murs varie en fonction des dimensions
et donc de la portée de la couverture de chaque pièce. On note
que, dans le projet d’Aires Mateus, ce n’est pas le cas, toutes les
épaisseurs de murs sont identiques. Cela pose la question de
faire valoir la conception, métaphorique, ou la réalité constructive
de ces projets. Autrement dit, il apparaît une opposition entre la
conception et la construction, à l’inverse du développement de la
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colonne creuse de Kahn, où les deux aspects se répondaient.
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Plan de la synagogue d’Hurva, montrant l’entrée aisni que le sanctuaire
au rez-de-chaussée, premier projet, définitif, 1967-1969
(Louis Kahn, Robert McCarter, ed. Phaidon, 2005)
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Reconstitution du temple de Salomon, Jérusalem, d’après James
Ferdusson, History of Architecture, 1883
(Louis Kahn, Robert McCarter, ed. Phaidon, 2005)
Maquette de la synagogue d’Hurva, montrant la colonnade limitant le
bâtiment premier projet, définitif, 1967-1969
(Louis Kahn, Robert McCarter, ed. Phaidon, 2005)
Le mur creux discontinu
35 36
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Pour développer le projet de la Synagogue d’Hurva à
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Du mur à la colonne
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Jérusalem, Louis Kahn s’inspire du temple de Salomon où l’espace
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central de célébration est délimité par un mur d’enceinte habité,
partitionné à l’intérieur mais lu comme un seul élèment continu. A
Hurva, Louis Kahn transpose ces réflexions du mur à la colonne,
cheminement qui renvoie directement aux écrits d’ Alberti. En effet,
il définit la colonne comme étant «la plus noble partie du mur»31 et
la colonnade, «un mur percé et ouvert en plusieurs endroits»31. Il
précise que le mur doit se conformer à la colonne et à ses différentes
parties.
Ainsi, en redivisant le contour du bâtiment, Kahn met en place
une colonnade dont chaque élément est évidé de sa matière (son
épaisseur) pour accueillir du programme et dessiné, en volume,
de manière à réceptionner de la lumière. «La colonne n’est pas
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considérée comme un solide plein, mais comme un corps creux»32.
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L’autonomie acquérie par «la colonne creuse» lui confère un rôle
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précis de composant dans un dispositif d’ensemble. En effet, dans
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le projet de la Synagogue, c’est cette colonnade qui forme la limite
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du bâtiment. A l’intérieur de l’édifice, Kahn dispose quatre piliers
qui organisent l’espace central sacré et portent la toiture. Ainsi, il
affirme: «J’ai imaginé le support comme étant une colonne creuse
31. Leon Battista Alberti, «Lineamenta et Structura» L’art d’édifier, ed. Seuil, sept. 2004
32. Louis Kahn, extrait de John W. Cook, Heinrich Klotz, Questions aux architectes, BruxellesLiège, Pierre Mardaga, 1974 (traduction de Conversations with Architects, New York,
Washington, Praeger Publishers, 1973)
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Louis Kahn, Théorie du mur, figure extraite
de Progressive Architecture, avril 1961
Louis Kahn, théorie de la colonne creuse,
figure extraite de Perspecta - The Yale
Architectural Journal, n°9-10, 1965
qui puisse être utilisée. [...] Ainsi, la source du support, la colonne,
est devenue l’endroit qui abritait les services du bâtiment.»
33
37 38
Ce
concept apparaît au cours de l’élaboration du projet du Centre
pour la communauté juive à Trenton, et en particulier lors de la
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réalisation du pavillon des bains de la fin des années 1950. Pour
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d’espaces servants au programme sacré, «comme le résultat d’une
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la synagogue d’Hurva, Kahn adapte le principe d’espaces servis et
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recherche de régle compositive entre des petits et des grands
espaces»34. Ainsi, ces petits et grands espaces entretiennent
une relation d’interdépendance: sur le plan fonctionnel, les petits
espaces accueillent des activités secondaires (chapelles) mais
essentielles au bon usage de l’espace majeur (lieu sacré commun).
«Sur le plan spatial, ils sont assignés à l’ordre structurel définissant
leur propre spatialité conjointement à celle de l’espace majeur.»35
Par définition, le mur creux discontinu est un élément ponctuel que
l’on peut tarduire comme le résultat de la dislocation d’un mur en
une colonnade. En s’additionnant, ils forment un ensemble de piles
habitées, autonomes, organisant un vide continu.
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Dans les précédents projets, il s’agissait d’un retour affirmé à
d'
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l’intérieur clos. Ici, le mur creux discontinu implique un vide continu.
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Quelle est la relation entre l’espace contenu dans le mur et le vide
Ec
continu? Et comment ce mur discontinu l’organise-t-il?
33. Louis Kahn, extrait de John W. Cook, Heinrich Klotz, Questions aux architectes, BruxellesLiège, Pierre Mardaga, 1974 (traduction de Conversations with Architects, New York,
Washington, Praeger Publishers, 1973)
34. Patrick Mestelan, «La hierarchie spatiale», L’ordre et la règle, ed. Press Polytechniques et
Universitaires Romandes (PPUR), 2006
35. Patrick Mestelan, «La hierarchie spatiale», L’ordre et la règle, ed. Press Polytechniques et
Universitaires Romandes (PPUR), 2006
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Plan du niveau des bains, Peter Zumthor, Plan des Thermes de Vals, Suisse, 1996, (Therme Vals, Peter Zumthor, ed.
InFolio, 2007)
Photographie depuis l’espace de seuil, resséré entre les piles, Peter Zumthor, Plan des Thermes de Vals, Suisse, 1996,
(Therme Vals, Peter Zumthor, ed. InFolio, 2007)
Multiplication des degrès d’intériorité
39 40
Dans le projet de Peter Zumthor pour les Thermes de Vals, l’espace
est organisé par des «piles creuses». Il s’agit de «tables de pierre,
des cavernes fermées et entre les tables, un vaste espace vide
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creux ponctuels contiennent, ici, des programmes autonomes. Il
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de la distinction servant/servi établie par Louis Kahn, les murs
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s’ouvrant à la fois vers le ciel et sur la vue de la vallée»36. A l’instar
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s’agit d’une oppostion entre les programmes de petites dimensions
et les programmes qui nécessitent un espace plus généreux.
Ainsi, en se distinguant du mur creux continu (ordre fermé), le mur
creux discontinu génère un ordre ouvert. Ces piles deviennent des
élèments indépendants les uns des autres, des objets autonomes
dont la multiplication ainsi que leur disposition délimitent l’espace.
«Le seuil, exprimé par une colonnade, répond à une volonté
d’ériger une limite plus ou moins permissive»37. Le resserrement
de ces piles crée un espace de seuil sans entraver la continuité
spatiale. De plus, l’emplacement des murs creux empêche une
perception continue de l’ensemble du bâtiment. En effet, les piles
sont disposées de façon à définir visuellement des espaces. A
l’inverse, à l’intérieur des murs creux, il s’agit de recréer des petits
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espaces entièrement clos. L’entrée de chaque pile est étroite et
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permet à la fois la création d’un seuil et la lecture de leur massivité.
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Ces dispositifs garantissent le contrôle de la privacité et développent
Ec
différent degrés d’intériorité, par la création de seuils multiples et
par le passage dans des espaces de plus en plus confinés.
Les architectes Aires Mateus ont aussi travaillé sur ce principe
36. Peter Zumthor, Thermes Vals, Scheidegger & Spiess, 2007
37. Patrick Mestelan, «Le seuil ou le dessin de l’ouverture», L’ordre et la règle, ed. Press
Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR), 2006
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Plan de la Casa em Serra de Mira de Aire, Porto, Portugal, 2001, Aires Mateus, (Aires Mateus, Aires
Mateus, edicoes Almenida, 2005)
dans le projet de la Maison à Serra de Mira de Aire à Porto de
41 42
Mos. Ils décrivent l’organisation du bâtiment comme «des espaces
ouverts et un amas de matière»38. Ainsi, la distinction de deux types
d’espaces s’établit: les parties privatives sont confinées à l’intérieur
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des murs creux discontinus. De même, l’espace du vide est la
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sont logées entre les volumes, limitées par les surfaces extérieures
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des volumes en béton apparent tandis que les parties publiques
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résultante de la disposition et de la matérialité des masses. Ce
sont les murs creux qui dessinent un intérieur entre les limites. Ce
sont eux aussi qui construisent un intérieur dans les limites.
Le dispositif en plan permet une distinction entre deux types
d’espaces dans une continuité spatiale. En effet, le vide qui
contient ces élèments offre le lieu de mouvement nécessaire à
l’organisation du bâtiment et préserve les «piles» du passage.
Spatialement, la matérialité de ces composants est traitée de
manière unitaire ce qui brouille la différenciation entre l’espace clos
et l’espace fluide. En effet, dans les piles creuses des thermes, les
parois intérieures et extérieures ont la même matérialité.
Il y a donc une ambiguité spatiale qui s’opère. La tension que les
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élèments entretiennent entre eux, leur similitude, leur dimension
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ainsi que leur matérialité, permet de procurer des perceptions
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ambiguës. La multiplication du même élément crée un espace
Ec
très dense et la répétition du mur creux ponctuel lui confère une
dimension labyrinthique, où la matérialité similaire des surfaces
provoque une perte de repère. Pourtant, rappelons qu’il s’agit
d’une conception par assemblage opposant des espaces enclos à
38. Aires Mateus, «Casa em Serra de Mira de Aire», Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
un espace ouvert. L’espace est ainsi pris comme un tout grâce à la
composition des élèments par un seul matériau, de façon à ne pas
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altérer la perception d’une condition unitaire.
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La colonne creuse
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La construction du mur creux discontinu consiste à décomposer
un élèment structurel qui forme traditionnellement un tout: une
colonne. Kahn répond à ce sujet à John W. Cook et Heinrich Klotz
dans «Questions aux architectes». Il affirme à propos de la colonne
creuse qu’il l’a imaginée comme un support. «On savait que la
masse n’était au fond pas nécessaire, parce que seul le pourtour de
la masse soutenait la construction, et non la masse elle-même.»39
Ainsi, un ordre structurel clair est mis en place dans le projet de la
Synaguoge d’Hurva. Les quatres piles creuses centrales portent la
toiture. La disposition structurelle est interdépendante des enjeux
spatiaux. En revanche, dans les projets contemporains, de Aires
Mateus et de Peter Zumthor, les murs creux discontinus sont
disposés à des fins spatiales. L’objectif premier est l’organisation
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spatiale, qui s’établit par le dialogue entre la forme et la matérialité
des élèments qui composent le bâtiment. L’implantation des
éléments structurels dépend alors de l’organisation spatiale, ce qui
implique de fortes contraintes structurelles.
39. Louis Kahn, extrait de John W. Cook, Heinrich Klotz, Questions aux architectes, BruxellesLiège, Pierre Mardaga, 1974 (traduction de Conversations with Architects, New York,
Washington, Praeger Publishers, 1973)
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Plan du rez-de-chaussée de la Casa em Melides, Protugal, représenté
de deux manières: (en haut) murs réels, (en bas) mur métaphorique,
Aires Mateus, (Aires Mateus, Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005)
45 46
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4.La masse habitée
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L’épaississement maximal de la limite
Dans La maison à Melides, construite en 2005 au
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Portugal, Aires Mateus basent l’organisation spatiale du projet sur
l’épaisseur de sa limite. «Les espaces auxiliaires sont installés
en façade, compressés et regroupés en deux bandes construites
d’épaisseur variable. Entre elles, de part et d’autre de la maison,
deux entrées couvertes garantissent l’accès à l’espace principal.
Le séjour occupe une position centrale, divisé en deux par un patio
intérieur qui amène de la lumière indirecte. Cet espace s’organise
en fonction de la lumière, des vues et des programmes. C’est
l’espace secondaire de la maison, de prime abord perçu par ses
limites épaisses, qui l’enveloppent et expriment un volume pur à
l’extérieur.»40 De la même manière que les maisons individuelles
présentées précédemment, Aires Mateus représentent les «bandes
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construites» en noir, en référence immédiate au poché. La limite
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épaisse du bâtiment serait donc un mur évidé. Ainsi, Lorsque l’on
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met en parallèle ce plan avec un plan non poché, on comprend que
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le mur extérieur et le mur intérieur cherchent à s’exprimer comme
un seul et même élément évidé. Cependant, la paroi intérieure
est déformée par les programmes contenus, et n’est donc pas
solidaire de la paroi extérieure définissant un carré. De plus, les
40. Aires Mateus, Casa em Melides, «Aires Mateus», edicoes Almenida, 2005
espaces contenus ne sont pas des espaces de passage, servant
de seuil, comme dans le cas mur creux continu. Le mur semble
exprimer une nouvelle nécessité.
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Lorsque le mur habité, limite du bâtiment, s’épaissit grandement,
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il arrive un point où l’on ne peut plus proprement parler de «mur
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dédoublé», mais davantage de «masse habitée». Cette rupture
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s’opère par la désolidarisation des parois et leur éloignement. De
plus, l’épaississement grandissant de la limite entraine un nouveau
phénomène: l’espace contenu dans le mur devient
au moins
équivalent à celui enclos par le mur. Apparaît alors une dualité
entre les espaces enclos et contenus.
Comme nous l’avons vu, la masse habitée n’existe que si ces murs
s’expriment comme un seul et même élément. Cette lecture est
de l’ordre de la perception et puisqu’elle ne peut pas, à priori, être
construite en un seul élément massif que l’on viendrait creuser.
Elle est donc, dans sa conception, métaphorique. Cette nouvelle
dimension est souvent rapportée à l’image excavation, le bâtiment
étant une masse, limite maximale, dans laquelle on viendrait
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creuser des espaces.
Par définition, la masse habitée est une conception métaphorique
qui consiste à organiser des espaces vides «creusés» dans une
masse d’espaces «pleins».
L’évolution du mur traditionnel jusqu’à la métaphore de la masse
habitée est récente. Dans la «généalogie du poché»41, Jacques
41. Jacques Lucan, «De l’espace au vide», Généalogie du poché, Matières n°7, 2004
Lucan explique que l’évolution de la question du poché a conduit
47 48
à une conception des espaces basée sur le vide. Pourquoi
les architectes contemporains ont adopté ce nouveau mode
de reflexion? La métaphore de l’excavation est-elle liée à une
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conception basée sur le mur?
La dualité plein/vide
Dans toutes les familles que nous avons identifiées, l’enjeu majeur
est le traitement des limites par la transformation du mur. Habiter le
mur signifie épaissir la limite pour lui donner une nouvelle dimension
spatiale. La métaphore de la masse habitée est entièrement
basée sur ce travail. Concevoir le bâtiment comme une masse,
c’est élargir sa limite -traditionnellement incarnée par l’enveloppe-
à l’entièreté de sa volumétrie. Le processus de projet consiste
ensuite, métaphoriquement, à venir y creuser des espaces, créant
ainsi une dualité entre les espaces contenus -dans la limite- et les
espaces enclos -par la limite-.
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C’est d’ailleurs un des intérêts principaux de la masse habitée:
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elle résoud la cohabitation entre deux types d’espaces pouvant
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être fortement contrastés, notion que Venturi avait déploré durant
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l’époque moderne: «notre architecture récente a supprimé les
dualités» par «la tendance à réformer les programmes et à détruire
la composition, afin de camoufler la dualité»42. Il n’y a plus de
hiérarchisation spatiale comme dans la conception du mur massif
42. Robert Venturi, La contradiction adaptée, «De l’ambiguïté en architecture», ed. Dunod, 1996
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Photo de maquette de la Nouvelle Synagogue d’Amsterdam. Le vide est l’espace
sacré, s’opposant au plein des espaces banals, C3 architectes
Croquis représentant «la stratégie du vide» mise en oeuvre pour le projet de la BNF où
des vides sont creusés, «like an ice-cream» R. Koolhaas
habité et des murs creux précédemment analysés. Le contraste
49 50
entre le plein et le vide est une condition nécessaire à la constitution
de la masse habitée. De plus, elle ne nécessite pas d’espace de
transition entre le noir et le blanc, entre le plein est le vide. Elle met
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en jeu une opposition binaire résolue. La masse habitée permet
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deux régions contrastées aux surfaces proches ou équivalentes,
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donc de distinguer deux types d’espaces sans hiérarchie, de définir
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s’éloignant ainsi de la distinction servant/servi de Kahn. Aires
Mateus, comme l’explique Delfim Sardo, posent une nouvelle
distinction spatiale: les espaces contenus dans le mur sont des
espaces de permanence «spaces of permanence»43, spatialement
figés. A l’inverse, ils conçoivent l’espace enclos comme un espace
changeant, de fonction indéterminée ou peu déterminée. C’est par
exemple le cas dans la maison à Melides et au centre culturel de
Sines. De la même manière, le projet de la Nouvelle Synagogue
d’Amsterdam, de C3 architectes, est conçu comme un bâtiment
de volumétrie et de programme banal, dans lequel l’espace de
célèbration est excavé. Le vide sacré s’oppose ainsi au plein
banal, et apparaît en façade pour donner son identité au bâtiment.
Le projet pour la Bibliothèque Nationale de France de Koolhaas,
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en 1989, oppose le «massif d’information» plein, au vide creusé
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des espaces publics.
La représentation de la métaphore de l’excavation
La dualité forte établie par la métaphore de l’excavation est
généralement exprimée par les architectes à l’aide d’un mode de
43. Aires Mateus, «Liminal» article écrit par Delfim Sardo, présentant le travail de Gonçalo Byrne
et d’Aires Mateus à l’exposition «The Void» au centre culturel de Belem à Lisbonne en 2007,
Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
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«Extension de la notion de poché, accès et
escaliers du théâtre de Bordeaux, figures
extraites de G. Gromort, Essai sur la théorie de
l’architecture, 1942. La représentation du théâtre
de Bordeaux de Victor Louis fait apparaître les
accès et les espaces majeurs, le poché grisant
le reste du plan», extraite de Généalogie du
poché, Jacques Lucan, Matières n°7, 2004
représentation particulier: les espaces symbolisant le plein sont
51 52
représentés en négatif, en poché, et contrastent donc fortement
avec les espaces vides, creusés, représentés en blanc. Cela
renforce ainsi la lecture binaire de ces deux régions. Jaques
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des beaux-arts de Paris, mais aussi que c’était une notion d’atelier
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«On sait que le mot [poché] était couramment employé à l’Ecole
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Lucan, dans la «généalogie du poché», débute son analyse par
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qui désignait ce qui n’avait pas besoin d’être précisément explicité,
parce que ne possédant pas de dimension théorique particulière.»44
Il ajoute des propos de Louis Kahn: «le sens de la structure apparaît
dans le poché»45. L’utilisation originale du poché est donc liée à
l’expression d’une épaisseur constructive coupée, et suggère donc
un plein, la section d’une matière. La représentation des espaces
«pleins» en poché par les architectes travaillant la masse habitée
est en lien direct avec cette idée de section dans une matière
massive, mais cette fois-ci de manière métaphorique.
Selon Delfim Sardo, Aires Mateus utilisent ce mode de
représentation pour deux raisons: premièrement, il met en valeur
leur mode de conception, donc la métaphore de l’excavation, ainsi
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que la «méthodologie de l’espace». D’autre part, il permettrait de
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s’ouvrir sur un monde de références, en renouant avec l’expressivité
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des plans de la Renaissance et redonne à lire une massivité propre
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à la construction traditionnelle.
44. Jacques Lucan, «Qu’est-ce que le poché?», Généalogie du poché, Matières n°7, 2004
45. «Kahn on Beaux-Arts training» dans William H. Jordy, «Kimbell Art Museum, Fort Worth,
Texas. Library, Philips Exeter Academy, Exeter, New Hampshire», The architectural Review, vol.
CLV, n°928, juin 1974, p.332
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Théo Van Doesburg, Composition IX, 1917, figure extraite de De Stilj, catalogue de l’exposition, ed. Centre
Pompidou, 2010
Le processus de soustraction: la figure et le fond
53 54
On comprend donc le lien entre le mode de représentation par le
poché et la métaphore de la masse habitée. Cependant, il brouille la
lecture du plan par l’équivalence permanente entre les deux entités
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Mondiale par le mouvement artistique De Stijl. Lors de l’exposition
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Ce phénomène a été expérimenté à la fin de la première Guerre
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noire et blanche, créant une ambiguïté entre la figure et le fond.
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«Mondrian–De Stijl» au Centre Georges Pompidou en 2010,
Frédéric Migayrou, commissaire d’exposition, analyse Composition
IX, d’après les Joueurs de cartes, tableau peint en 1917 par Théo
Van Doesburg. Il explique que «Le tableau est une exploration
de la relation entre figure et fond. Ici, le principe traditionnel de
dissociation entre le sujet du tableau – la figure représentée –
et son arrière-plan – son fond – n’est pas opérant: les éléments
géométriques blancs viennent-ils au-dessus d’un aplat noir ou estce le contraire ? […] Il ne s’agit pas d’une représentation, mais
bien de l’interaction entre la perception (acte de voir) et la cognition
(acte de comprendre).»46 De plus, Venturi, dans «De l’ambiguïté
en architecture», écrit : «La complexité et la contradiction résultent
de la juxtaposition de l’image et de ce qu’elle représente: ce que
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Joseph Albers appelle « la discordance entre le fait matériel et son
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impact psychologique»47. En effet, ce mode de représentation par
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le poché, dans la métaphore de l’excavation, génère une ambiguïté
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entre la figure et le fond. Ainsi, dans les projets d’Aires Mateus,
comme par exemple la maison à Melides, il est possible de lire le
vide du séjour tant comme une figure que comme un fond.
46. Article de Frederic Migayrou, à propos de Composition IX de T. Van Doesburg de 1917, 44.
47. Robert Venturi, «La contradiction juxtaposée», De l’ambiguïté en architecture, ed. Dunod,
1996
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Rachel Whiteread, Ghost, 1990, rendre plein le vide dans l’objet,
sculpture du vide d’une pièce, figure extraite de Rachel Whiteread,
Transcient Spaces, ed. Guggeinheim Museum Publications, 2001
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Marcel Duchamps, Feuille de vigne femelle «female
feag life», 1950, en plâtre galvanisé, rendre plein le
vide autour de l’objet.
Maquette de volumétries des pleins et des vides de la Casa em Alcacer Do Sal, Portugal,
2003, Aires Mateus, figure extraite de Aires Mateus, Aires Mateus, edicoes Almenida,
2005
Cette ambiguïté, présente tant dans la représentation que dans la
55 56
conception, implique de regarder la forme du vide autant que la
forme du plein, la forme du noir autant que la forme du blanc.
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Duchamps intitulée «Feuille de vigne femelle» de 1950. Cette
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Pour décrire cela, Delfim Sardo fait référence à l’oeuvre de Marcel
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sculpture en plâtre galvanisé semble être, de toute évidence,
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l’empreinte d’une aine féminine. Il explique que cette sculpture
représente l’espace du vide, c’est-à-dire l’air, qui devient alors
consistant: l’air devient matière. Cette sculpture parle de notre
capacité à reconstruire mentalement un objet à partir de son moule.
De même, l’artiste anglaise Rachel Whiteread rapproche cette
notion de l’architecture, dans son oeuvre «Ghost», en moulant
littéralement l’air contenu dans une pièce, pour lui donner de la
matière. Elle travaille ainsi sur «la perception de l’espace comme
lieu de tension entre le plein (la forme), le contour (le mur, c’est-àdire le moule) et le vide (l’air).»48 Ces œuvres contemporaines
soulignent l’importance du vide devant le plein et insistent sur
notre capacité à en percevoir sa forme, sa «matière». Il n’y a plus
d’ambiguïté comme dans Composition IX de Théo Van Doesburg.
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Ces œuvres opèrent une inversion claire entre la figure et le fond.
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Dans le projet pour la maison à Alcacer Do Sal, Aires Mateus opèrent
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cette inversion: ils évident dans une masse bâtie des «volumes
vernaculaires archétypaux»49, qui renvoient à l’histoire du site et
organisent le rapport entre la maison et l’extérieur. Cette démarche
48. Rachel Whiteread, Transcient Spaces, ed. Guggeinheim Museum Publications, 2001
49. Aires Mateus, «Casa em Alcacer Do Sal», Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
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Coupes de la Bibliothèque Nationale de France, application de la «stratégie du vide»: «les espaces
publics sont définis comme des absences de bâti, vide creusés dans le massif d’information», OMA,
1989, figures extraites de El Croquis, n°53 («OMA/Rem Koolhaas 1987-1992»)
sculpturale basée sur le vide implique une forme du plein résiduelle
57 58
et altère la dualité entre ces deux entités. Il s’opère un glissement
entre une conception à partir du plein, depuis le mur traditionnel
jusqu’au mur habité, vers une conception à partir du vide dans la
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masse habitée. Rem Koolhaas, dans le projet de la BNF, en fait le
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figure-fond. Prenant le vide donc le fond comme figure [...] il s’avéra
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manifeste. Il explique que «c’est un renversement de la relation
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que des espaces absolument impossibles à imaginer comme des
formes construites étaient tout à fait réalisables si on les imaginait
tout simplement comme une absence de construction.»50 Par cette
démarche, la masse habitée n’est plus pensée de la même manière
que la construction traditionnelle, conçue comme un processus
d’addition. A l’inverse, le travail du vide met en œuvre un processus
de soustraction, une «absence de construction» dans une masse
bâtie.
Ce faisant, R. Koolhaas pose en arrière-plan une question majeure
sur l’aspect paradoxal d’une telle démarche. Comment peuton construire des «espaces absolument impossibles à imaginer
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comme des formes construites»51 ?
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Du mur réel au mur métaphorique
Le projet de OMA pour la BNF n’apporte pas d’élément de réponse
puisque le projet n’a pas été poussé à un niveau de détail suffisant.
Les murs du projet de la maison à Alcacer Do Sal d’Aires Mateus
50. Rem Koolhaas: «Strategy of the void», extrait de Généalogie du poché, Textes relevés par
Jacques Lucan, Matières n°7, 2004
51. Ibidem.
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Coupe sur la Casa em Alcacer Do Sal, Portugal, 2003, Aires Mateus, figure extraite de
Aires Mateus, Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
Coupe longitudinale sur le Centre culturel de Sines, Portugal, 2001, Aires Mateus, figure extraite de Aires Mateus, Aires Mateus,
edicoes Almenida, 2005
sont en béton armé. Les formes «vernaculaires archétypales»52
59 60
sont construites par un faux plafond. De la même manière que
dans les projets de murs massif habités, la massivité est simulée
et n’est pas liée à une réalité constructive particulière. Cela pose
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à nouveau la question de la pertinence d’une telle démarche,
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système constructif.
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sculpturale et abstraite, qui s’affaiblit lorsqu’on la confronte à un
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Lors du projet pour le centre culturel de Sines, en 2001, Aires Mateus
apportent un nouvel élément dans leur démarche, pour répondre
à cette problématique. Emilio Tuñon, dans «No string attached»,
met en valeur six points de l’architecture d’Aires Mateus. Il identifie
que la «condition unitaire» de leur projet ne peut exister qu’en cas
d’«unité constructive totale» («total constructive unity»).53 Aires
Mateus expliquent que, puisque les techniques de constructions
actuelles ne permettent pas d’avoir un bâtiment qui soit un seul et
même élément massif évidé, ils conçoivent la structure du bâtiment
pour que chaque élément constructif soit interdépendant.
Le centre culturel de Sines est construit selon cette démarche. A
l’éxtérieur, il s’exprime par quatre blocs massifs, quatres «stone
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boxes»54, séparés par des patios extérieurs et une rue piétonne.
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L’espace public est suspendus à ces blocs, qui eux-même reposent
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sur des murs en béton armé situés en bordure parcellaire. De cette
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manière, chaque élément est structurellement interdépendant. On
trouve donc un accord entre la logique structurelle et la conception
métaphorique d’un tout que l’on aurait évidé. Pourtant, les quatre
52. Aires Mateus,»Casa em Alcacer Do Sal», Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
53. Article No string attached, de Emilo Tunon, extraite de Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
54. Aires Mateus, «Centre culturel de Sines», Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
«stone boxes» sont construites en poutres et planchers acier,
portés par un mur de béton armé. L’ensemble est revêtu d’une
pierre locale, venant unifier le tout pour exprimer l’idée de «stone
boxes». Cette démarche apporte un lien entre la structure et la
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conception du mur habité, mais pose une nouvelle question : parle-
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d’un parement?
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t-on pour autant du mur lorsque la structure est en acier, revêtue
Conclusion
En fin de compte, il existerait quatres manières principales
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ou comment s’opère la résurgence du mur dans l’architecture
comtemporaine comme traitement de la limite?
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de la limite se dégagent et s’opposent.
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d’habiter le mur. Dans les projets analysés, deux types de traitement
Habiter le mur crée par définition une zone grise entre deux régions:
intérieur/extérieur ou intérieur/intérieur. C’est le traitement de sa
perméabilité qui lui confère soit un statut de limite étanche, soit un
statut d’interface. On peut donc voir dans la limite étanche un retour
à l’intérieur clos traditionnel. «Pour mettre en évidence le centre d’un
espace, nous devons donner forme aux limites, non comme une
identité indépendante, mais comme l’élément central du projet.»55
A l’inverse, une zone grise perméable devient un lieu d’échange
entre deux régions, le seuil suggéré par Van Eyck, offrant «le
terrain commun grâce auquel des extrêmes incompatibles peuvent
encore devenir des phénomènes jumeaux»56. Et ainsi juxtaposer
deux types d’espaces contrastés ou encore protéger «la sphère de
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l’intime» du «magma urbain»57.
Les apports contemporains autour de la distinctions servants/servis
de Louis Kahn par le mur habité sont conséquents. L’épaississement
du mur habité, initialement développé pour établir une hiérarchie
55. Aires Mateus, Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
56. Robert Venturi, citation de Aldo Van Eyck, De l’ambiguïté en architecture, ed. Dunod, 1996
57. Dominique Perrault Architecture, catalogue expo Beaubourg, ed. Hyx, juin 2008
58. Patrick Mestelan, «La hiérachie spatiale», L’ordre et la règle, ed. Press Polytechniques et
Universitaires Romandes (PPUR), 2006
spatiale, a conduit à la mise en place d’une dualité forte entre deux
63 64
types d’espaces opposés. L’espace contenu dans le mur n’est plus
conçu comme servant, comme l’explique P. Mestelan «L’origine du
mot servir (to serve) exprime un asservissement, une soumission,
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deux types d’espaces interdépendants. Apparait ainsi une liberté
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donc une hiérarchie sociale.»58 mais comme un équilibre entre
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dans la distinction de chacun de ces espaces, des oppositions
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telles que sacré/banal, petits programmes/grands programmes,
collectif/individuel, changeant/permanent. Cependant l’évolution
du mur habité au regard des enjeux spatiaux n’a pû s’opérer qu’en
s’affranchissant de certaines contraintes constructives.
Kahn a inséré un espace dans la colonne, sans pour autant
affaiblir son intérêt constructif. «J’ai simplement ôté l’intérieur du
mur, je l’ai annulé et j’ai utilisé l’exterieur qui est de toute façon la
seule partie utile de la structure.»59. En développant les qualités
spatiales du mur, les architectes contemporains ont remis en
question sa réalité constructive. Les techniques de construction
actuelles ne nécessitent plus de travailler avec d’importantes
épaisseurs pour exprimer la massivité traditionnelle. La présence
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de vides techniques, de structures mixtes, de parements sont
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autant de faiblesses constructives dont le but est l’expression du
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mur comme élèment singulier et fondateur de tous ces projets.
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L’«unité constructive totale»60 mise en place par Aires Mateus tend
à nouveau à développer une réponse constructive en accord avec
59. «Kahn on Beaux-Arts training» dans William H. Jordy, «Kimbell Art Museum, Fort Worth,
Texas. Library, Philips Exeter Academy, Exeter, New Hampshire», The architectural Review, vol.
CLV, n°928, juin 1974
60. Aires Mateus, «Centre culturel de Sines», Aires Mateus, edicoes Almenida, 2005
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Photographie du pavillon de verre à Tolède, depuis l’espace de seuil, Japon, SANAA, 2000,
«Sanaa Sejima Nishizawa», El Croquis n°139, avr. 2008
Plan du pavillon de verre à Tolède, depuis l’espace de seuil, Japon, SANAA, 2000, «Sanaa
Sejima Nishizawa», El Croquis n°139, avr. 2008
la métaphore du mur habité. Cependant, il n’y a plus aucun rapport
65 66
structurel avec le mur traditionnel mais simplement avec son image
conceptuelle.
La définition du mur est alors réduite à une matérialité, la perception
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Tolède, Sejima et Nishizawa réduisent d’avantage la définition du
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d’une épaisseur et à un rôle spatial. Dans le pavillon du verre de
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mur en supprimant sa consistance. Ils réussissent le tour de force
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de définir un vide contenu entre deux parois de verre comme étant
un mur, délimitant, isolant et séparant les espaces du musée. Ils
évoquent ainsi la présence du mur par ses caratéristiques spatiales
mais le remplacent par du vide.
La volonté de parler du mur est poussée à son paroxysme. Les
projets sont basés sur l’expression d’un élèment constructif chargé
d’histoire, le mur, en ne le construisant plus. C’est un langage où
la lecture spatiale et la perception prime sur la réalité constructive.
Peut-on encore parler du mur quand on ne le construit pas?
L’enjeu n’est plus la reproduction de techniques constructives
passées mais l’évocation de l’histoire de la construction par un
langage architectural contemporain. On est proche de la notion
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de régionalisme critique développée par Kenneth frampton, qui
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«promeut une culture qui se veut à la fois contemporaine et ancrées
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dans le local, sans tomber dans l’hermétisme (qu’il soit de nature
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formelle ou technique)»61.
Paradoxalement, en voulant traiter la question de la limite en
61. Kenneth Frampton, «Pour un régionalisme critique et une architecture et une architecture de
résistance», L’Architecture moderne - Une histoire critique, ed. Thames & Hudson, 2006, p.66
modifiant le mur, les travaux contemporains ont entrainé un
glissement du mur réel vers un mur métaphorique. Le mur est
devenu un outils conceptuel permettant de créer de nouveaux
types d’espaces tout en conservant les valeurs traditionnelles et
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le langage architectural qu’il porte.
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