L`herbe folle - Le Printemps des Poètes
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L`herbe folle - Le Printemps des Poètes
N° 2 L’Herbe folle été 2014 édito Timides brindilles sur le bord du chemin, arrosées de quelques vers, amendées de tableaux, de photos et l’herbe croît sous le soleil de juin. Les trois jardiniers qui ont proposé ce terrain auraient pu craindre de voir cette Herbe folle périr prématurément, mais les amis et les amis des amis sont fertiles et il nous faut maintenant engranger pour de futurs espaces poétiques. Tous participent à maintenir une belle coloration au feuillage qui se balance allègrement au gré des pages. Et cette « rebeu » n’est pas dangereuse ! Folle certes, mais son accoutumance est sans danger. Continuez donc à la lire, à la recommander, à la diffuser sans modération. À tout instant elle apporte cette douceur qu’il fait bon partager. Au rythme de vos contributions, elle pousse et se récolte régulièrement… Rendez-vous donc à l’automne et profitez de tout l’été pour moissonner les fruits de ce nouveau numéro. Francis Delemer L’Herbe folle L’esprit l e éric Simon dimanch e La vaisse lle endo rmie Comme le sucre su Mais pa s d’autre r la dent do Les enfa nts se ta uceur iro Ils regar dent la n nt uit On oub lier Comme ait d’admirer on se rac onte Le périss able L’arc-encie On éclai l en trop blanc re Les enfa l’ennui nts se ta isen Ils prolo ngent l’é t encore quilibre Les essai sd Les chan e lumière so Quelque ns pour l’idée au Dont on tre dessin de pu reté ne sait p lus La poten ce évadé e Au-delà des autre sé L’âme fa illie sa fa vidences ïence Le poète qui dort Le poète qui dort Regarde seulement Le vent dans les arbres Il est pêcheur au bord des feuilles Et se souvient de ce qui naît Il chiffonne ses ratures Et ne peut plus dépasser l’heure Il est ami de ses ennemis Le poète qui dort A toujours les mains prises Comme si son secret Bousculait les fébriles Il témoignera encore De la durée des grâces Et délaisse ses noms Pour calquer les platitudes Et enfanter sa cécité 2 L’Herbe folle Thérèse André-Abdelaziz Ce très long été ELLE Il me souvient de ce très long été le ciel était rouge entre les blés le soleil s’agenouillait dans les javelles où le vent chaud et fou et rebelle disait je suis revenu je te salue j’entre en toi entre en moi ici est la maison du bout du bout de nos voyages d’où nous sommes partis il y a tellement longtemps par les sentiers secrets des fourmis tisserandes et charpentières qui nous avaient bâti un nid de feuilles et de soie ouvrières LUI Il te souvient je suis revenu ma mie avec les coquelicots et les fourmis moissonneuses pour vivre la fin de nos âges et leur commencement revenu avec les graines sauvages amassées décortiquées mâchées tout au long de ces longues années de sécheresse et d’oubli nos années laborieuses EUX Il nous souviendra de ce très bel été où nous sommes revenus de bien plus loin que nous pour vivre nos saisons d’absence au milieu des blés et du soleil rouge qui fait la roue 3 L’Herbe folle Frédéric Vitiello Où aller Sans but en ce pays de Bretagne Sans paletot ni panier Pour subvenir au lendemain terrible Que du bleu sali au-dessus dans cette infinitude Sans lumière Du vent à rendre fou les gisants prudents des chapelles Une certitude La vie se construit ici Ta présence me l’affirme Me l’impose Ici est notre route Sentiers senteurs pour Alain Le Beuze, en lisant Les chemins Les routes du peut-être Feignent la lassitude Aux remparts de leurs illusions terribles Se dépêcher pour ne jamais mourir Se languir pour ne rien oublier Profiter de la fuite Pour construire l’itinéraire caverneux Prédomine un semblant d’interprétation Juxtaposant rencontres fortuites et décisionnelles d’une vie de hasard 1er avril 2014 1er avril 2014 4 L’Herbe folle Jean-Pierre Bars Douleur Laisse parler l’au fond de toi qui tu le sais n’est pas plus en toi que ne l’est l’horizon. Un espace où se fait la parole. verba facere ! Qui la fait cette parole si ce n’est le destin ? Laisse parler l’au fond du monde qui vient se perdre dans ton cœur et tes mains. Destin La haute peur de nos désirs ancre son cœur au fond des ciels de nos enfances ensevelies. Elle se nourrit de nos querelles les plus intimes, où solitaires, nous dévêtons nos âmes de ses scories. Lavés comme linge de couche le sang versé pour la naissance de nos bouches dans la terre d’oubli hydrate la racine divine de nos vies. Il entretient les temples habités de nos villes où furent consommés nos destins de voyages. Un jour peut-être autour d’un feu de larmes à la table d’un jour dans un jour délié nous reverrons les visages qui furent notre sage et dense destinée. Le temps mais sans couture, la robe de lumière que tissent les étoiles le jour plus clair dans l’eau du ciel chaque matin. 5 L’Herbe folle Ghislaine Lejard Voie lumineuse la course céleste poursuit son chemin de mystère. En quête d’étoiles l’homme fragile entrevoit l’absolu. Calames dans le jardin sur la page du ciel une calligraphie de silence. 6 L’Herbe folle Henri Le Guen Arts en quatuor Tu quémandes le sacrifice des ciels et la chorégraphie des poèmes flamboie au chevet des brins de désirs. Les ballerines du cœur vagabondent au creux du silence. L’écharpe des mots attendrit la ferveur des nuages au seuil d’un scintillement dansant sur l’arche des brûlures qui nous effleurent à l’orée des nuits languides Extraits de Un Ciel d’audace 7 L’Herbe folle Duminicu Ottavi Wigwam à grandes enjambées régulières, distendues, il sort de la nuit. à pas lents, mesurés, frappés au tambour - le grand tambour de peau croché à sa ceinture, il sort peu à peu de la steppe. Son visage est absent sous le bonnet fait de la même peau, oreilles rabattues. Son visage est resté en arrière, là-bas dans la nuit, entre les drapeaux, les bannières, les tankas qui flottent dans le vent, et les signaux de pierre. On devine sur ses lèvres absentes qu’il psalmodie quelque ancienne saga rythmée, rimée, parfaitement versifiée dans une langue disparue, la langue du vent, la langue des rêves, la langue des steppes. Lentement il s’approche du feu, des feux, en cercle autour de l’ossature à nu de la yourte, des perches haut dressées du wigwam démesuré : nervures de la feuille débarrassées de la feuille, de sa chair, tragiquement, calmement dressées loin du feu, vers le plus haut du ciel, là où sont les étoiles, celles qui nous restent, et les rêves des hommes, tous les hommes en cercle eux aussi autour du rêve de l’homme jailli de la nuit, à la lisière des feux et qui d’un coup donne corps aux rêves anciens des hommes et qui d’un coup dénude son corps d’homme pour donner corps aux rêves millénaires des hommes... Et ce corps universel sous la nuit pleine, charnue, épaisse, et ce corps sans appel, ce corps sans nom, sans visage, d’un coup s’agite d’une sorte de tarentelle extatique, d’une sarabande joyeuse, de bas en haut, de haut en bas, d’une rive à l’autre, du Nord à l’Ouest, de l’Est au Sud, voltigeant entre les perches haut dressées, dénudées, pour s’en aller jaillir jusqu’au ciel de lune, jusqu’au ciel des hommes sans rêve, et sa danse leur dit : « Hommes empourprés à la lisière des feux, voici vos rêves, je vous les donne, je vous les rends, je suis votre chance, regardez bien, elle danse, votre chance, par la danse de mon corps nu lié à ce totem qui le prolonge, qui l’élargit, le démesure, où je m’étreins moi-même à plein corps, ce totem inversé, sexe de vos rêves empanaché du feu de vos trop longues veilles. En votre nom, d’un coup de reins, je remonte jusqu’en haut du ciel provoquer les étoiles, incendier la lune, leur parler de ces rêves froissés que vous n’osiez plus rêver, de votre chance que vous n’osiez plus saisir, de vos désirs renoncés... Voyez mon corps à nu, à vif, qui va et vient de l’une à l’autre de ces perches nues qui ne désignent plus que la mémoire immémoriale de nos abris emportés par la furie du temps, cette fuite en avant qui ne nous est plus désormais nécessaire, entendez bien, plus besoin, libres et heureux à nouveau nous sommes, et dansants, nus et sacrés, sans abri, sans passé, sans regrets et sans peur, enfants du feu, des étoiles, de la lune, de la steppe et du vent... » 8 L’Herbe folle Lydia Padellec Collages Une main tendue vers Tu ne sais quoi papier froissé et acrylique se mêlent érotiquement au poème ta langue souligne les lettres majuscules d’un trait enflammé Paysage Derrière la toile une mer en pointillés entrecoupée d’écumes et de phonèmes inaudibles Tu tamponnes de bleu l’onde figée par trop de matière mélange d’acrylique et d’orage 9 L’Herbe folle Paul Couëdel Mauvaises herbes Ma sympathie pour Les mauvaises herbes : Celles qui font moche dans le décor, Celles qu’on foule aux pieds, Celles qu’on arrache, qu’on brûle, Celles dont on ne sait que faire, Dont on ignore l’usage. Toute beauté Ne se divulgue pas Par hasard à n’importe qui. Extrait de De Bric et de broc, éditions du Petit Véhicule, 2003 Je marche bien souvent Entre deux riens C’est là qu’il me reste À voir l’insignifiant Car je me nourris du pas grand-chose L’éclat d’une flaque Ou la juste finesse D’une herbe folle Qui dira l’intime reflet De l’une dans l’autre ? 10 Extrait de L’Air de rien, éditions du Petit Véhicule, 2007 / mas os amigos bem sabem: não perdi nem estarei perdido – ausculto o mundo do alto da minha torre. Antonio Brasileiro O estilita Ser como um buda e não ter mais tédio - eis como hei de ser. Canções no bolso e um ar revolto. Minhas irmãs dirão que estou fugindo minhas amadas dirão que fiquei louco Le qu mon qu e de de et e de cette po ne co wall petit s sa ursui mpr treet e cha en sin t ne ils v mbr istr nt oie e je ev p a a voi o s, nt bsc lse se d ure es tn jus s s ec . y E O nta om der qu’au n at mu x es pre q je s nier, jou tenda n nd ds ua o, q où erai du m r du nt, r p as, to n i i c l o é i s /u vej ue , g n p me t à ce acré n-jug o e des t oèm rou te pus em nã te p Un e, u vero table cule ent oc po equ n de / ne t èm o t c m o olè e, u ut, pre eno re, ne end un col esp ère o ,u oir ne . spo ir. / mais mes amis le savent bien : je n’ai rien perdu ni me suis perdu – j’ausculte le monde du haut de ma tour. Mes sœurs me diront que je fuis mes bien-aimées que je suis devenu fou Être comme un bouddha et ne plus ressentir l’ennui. – voici ce que je veux être. Des chansons dans la poche et un air rebelle. Le stylite L’Herbe folle Traduction : Dominique Stoenesco 11 Le cha mon mb de, re j que e v de ois c et n ette p e c etit om e pre nd s pas O qu mund qu e dest o e n e de w e peq pro ão co all s ueno na ssegu mpre treet quar end vêe to sua e vej em m s i oe esc nist , ura ra nã oc val s. om sa Até Ent pre d e r end sin fin o di etan t o, a a t a o xes aqu l, do do , s aqu i hei meg em-j / u i hã de e acrep uízo m s o poe de m tar, n úscul ma e e est o d Um , u nco a m e tu poe ma nt esa do ma , ira rar / ,u , u ma ma ira esp ,u era ma nça esp . era nça . L’Herbe folle Barcos de papel Juraci Dórea O Ca s e avela d r a a c d i s mais ímica da o h n e não t render a m gora ve. a p l a a c i e ó a s r r pa rende s de uma p a m e ne os pássaro d o vôo auta fl a a t e res njos et um m e u do q irei mil a . u o constr leite e nex avalo sépia c de velles para longínquo a r a c e des ge u â q ’ i de um l s m mi s i plu je n’a prendre la as non plu ef de sol. p cl ap pour pprendrai ’une seule ’a d et je n es oiseaux d le vol este e flûte r n e u m t qu’il lle anges e s p m du te ruirai mi mémoire st la je con plaisir et l sépia. le va pour intain che lo d’un ao entardecer todas as idades se aplainam como as flores e os sonhos. 3 6 há música no coração do girassol há rosas e sombras no jardim e é só. à la tou tom com s les bée me âges du jo les s’es ur 1 fleu tom dan rs e pe s t le nt les le c s rê fou ha ves m rm . is t p de 3 i sse ma de nt les ïs : des la m an rose usiqu cre se ed sd td e la 6 a n es s nu et om le cœ it c’e bre st t s d ur d ou an u t t. s le ou jar rnes din ol rai t s) pia é valo s no milharal: as formigas tecem as âncoras da noite. De sb ate au xe np api er (ex t épia eval s Le ch Traduction : Dominique Stoenesco 1 12 L’Herbe folle Michel Kerninon In memoriam Georges Perros Tirer le fil invisible des forces secrètes Déchirer le voile du monde étouffant Regarder ici pour voir loin Le goût de l’autre dans la peau Courir l’inutile pour en arracher le sens Se vouer au hasard et à l’incertain Ne jamais s’enivrer des profondeurs Se souvenir de son tendre sourire de son rire inoubliable de sa générosité de sa marche agile et chaloupée respirer le vent avec lui ... Ne pas oublier Llanto pour Federico Garcia Lorca 13 Une nuit à Grenade par un ciel blanc de lune au carmen de Falla il tremble comme une feuille Amené à la sierra de Viznar dans une nuit de lune ronde il est fusillé aux couilles par la milice graisseuse La rafle infeste l’Albaycin et les Rois catholiques de la cathédrale font régner l’ordre des gisants Le corps est jeté à la caillasse grise du ravin qui exhale la chair jalouse des olives rances L’amour sorcier est tricard au quartier gitan suffoque le chant profond au parfum brisé des jasmins Federico Garcia Lorca 5 juin 1898, Fuente Vaqueros 19 août 1936, ravin de Viznar L’Herbe folle Patience Céline Rochette-Castel Fait chaud ; Les Roses perdent Parfum, Les petits Oiseaux tombent Du ciel, D’autres s’ébrouent De poussière : Tous, autant que nous Sommes, languissant Après Le retour De la pluie. Esprit Foule d’ailes à portée de ciel. Chant(s) libre(s) D’Oiseau Dans la cage D’escalier. Gérard Kernéis Livre blanc (avec un poème de Jean-Albert Guénégan) 14 L’Herbe folle Merci aux herbes folles de cet été : Thérèse André-Abdelaziz Joue très tôt avec les mots et quitte l’école à 14 ans. Huit ouvrages (poèmes, nouvelles, romans, faits de société), 7 pièces théâtrales et 7 pièces radiophoniques. Contes, nouvelles et poèmes en revues et collectifs d’auteurs. Blog : http://blog.amicalien.com/Thea Jean-Pierre Bars Poète. Et vous n’en saurez pas plus. Antonio Brasileiro Poète brésilien, né en 1944. Vit à Feira de Santana, Brésil. Paul Couëdel Peintre et poète. A publié 7 recueils de poésie. Le 8e en préparation aux éditions du Petit Pavé. Juraci Dórea Poète et artiste plasticien brésilien, né en 1944. Vit à Feira de Santana, Brésil. Duminicu Ottavi Né en 1950. Chanteur, musicien, parleur et comédien corse. http://www.dominique-ottavi.com/biographie.html Lydia Padellec Poète, haïjin, plasticienne et éditrice. http://surlatraceduvent.blogspot.fr/ ; http://editionslunebleue.com/ Céline Rochette-Castel Née à Tours, vit à Nantes. Publie dans quelques revues. éric Simon N’a jamais quitté Nantes où il est né en 1967. Comme il n’aime ni cette ville ni les voyages, il essaie depuis longtemps de se faire sa cabane dans les bois avec les mots des poèmes. Il chante les siens et ceux des autres. Frédéric Vitiello Poète et guitariste-concertiste. Responsable de la rubrique poésie de la revue parlée ELAÏG. Il partage son temps entre musique (concerts, compositions, enseignement…) et écritures (poétiques, et littéraires). Gérard Kernéis Sculpte le bois depuis une vingtaine d’années. Après avoir travaillé pendant des années exclusivement sur des bois massifs, il évolue aujourd’hui vers d’autres techniques. Vit à Loperhet. Michel Kerninon Né en 1946, à Quimper. A créé et animé la revue et les éditions Bretagnes. Henri Le Guen Poète landivisien, né en 1963. Il a été publié dans de nombreuses revues et a reçu la médaille d’argent de l’Association des écrivains bretons en 2012. Ghislaine Lejard Née à Chateaubriant (44). Professeure certifiée de lettres, enseigne actuellement à Nantes. Chargée de la programmation poésie au Passage Sainte-Croix. Membre de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire et de l’Association des écrivains Bretons. Textes et visuels protégés par copyright. Remerciements aux éditions du Petit Véhicule. Photographies et peintures : pages 3 et 15 : © Yannick David - Blog Si près de l’horizon page 6 : © Ghislaine Lejard page 10 : © Paul Couëdel page 13 : © Michel Kerninon page 14 : © Gérard Kernéis Autres photographies et gravures : libres de droit ou domaine public. L’Herbe folle est une publication dirigée par Francis Delemer, Paul Dirmeikis et Jean-Albert Guénégan avec le soutien de l’A.P.C.P. N° 02 été 2014 Parution qui s’appliquera à pousser en début de chaque saison. Contact : [email protected]