Insuffisance hépatocellulaire - Transplantation

Transcription

Insuffisance hépatocellulaire - Transplantation
Insuffisance hépato-cellulaire
aiguë et indications de la
transplantation
Dr Alice Quinart
Unité de transplantation hépatique et rénale
Service d’Anesthésie-Réanimation I
CHU Bordeaux Pellegrin
Cours DESAR
20 Juin 2013
Plan
• Définitions
• Epidémiologie et étiologie
• Clinique et biologie
• Prise en charge
- indications de la transplantation hépatique
- prise en charge des complications
Insuffisance hépato-cellulaire aiguë : définitions
• Pathologie rare : 1-6 cas/million d’hbts/an
• Perte de fonction du foie chez un patient au parenchyme
hépatique sain
• Diffère des IH sur hépatopathie chronique (ACLF)
• Perte des fonctions métaboliques, de synthèse et d’élimination ;
retentissement systémique
• Plus de 40 définitions trouvées dans la littérature !
• IH sévère si TP < 50%
TP < 50 % ou INR > 1.5
Encéphalopathie
Absence de maladie hépatique
préexistante
Place centrale de l’encéphalopathie
• Selon le délai entre l’ictère et l’encéphalopathie
– Hyperaiguë, aiguë ou subaiguë (O’Grady)
– Fulminante ou sub-fulminante (Bernuau)
• Chez le jeune enfant encéphalopathie absente ou
retardée ; troubles de la coagulation retenus
Insuffisance hépatique aiguë (ALF)
TP < 50 % ou INR > 1.5
Ictère - Encéphalopathie
absence de maladie hépatique
préexistante
Hépatite fulminante
Hépatite sub-fulminante
Délai ictère– encéphalopathie
< 2 semaines
Délai ictère – encéphalopathie
2 semaines - < 24 semaines
Bernuau Sem Liver Disease 1986
Insuffisance hépatique aiguë (ALF)
TP < 50 % ou INR > 1.5
Ictère - Encéphalopathie
Absence de maladie hépatique
préexistante
IHC hyperaiguë
IHC aiguë
IHC sub-aiguë
ictère– encéphalopathie
< 1 semaine
ictère– encéphalopathie
> 1 semaine - < 4
semaines
ictère– encéphalopathie
> 4 semaines - < 12
semaines
O’Grady Lancet 1993
Classification clinique et pronostique des sous-types
d’IHC aiguë
Hyperaiguë
Aiguë
Sub-aiguë
0-1 semaine
1-4 semaines
4-12 semaines
+++
++
+
+
++
+++
Degré d’HTIC
++
++
+/-
Taux de survie
sans TH
Bon
Modéré
Mauvais
Cause typique
Paracétamol,
VHA, VHE
VHB
Hépatite
médicamenteuse
non paracétamol
Délai ictèreencéphalopathie
Sévérité de la
coagulopathie
Sévérité de
l’ictère
Bernal. Lancet 2010
Etiologies
• Virales
– Hépatite A, B, E
– Réactivation B post-chimiothérapie
• Médicamenteuses (paracétamol, ATB, AINS, anti-épileptiques)
• Indéterminées : 14 à 43% des cas
• Diverses
– Budd-Chiari, Wilson, nécrose sub-aiguë, auto-immune, coup de
chaleur, syndrome de Reye, HELLP, champignons, néoplasie
• Causes rares: 10 à 25%
– HVE, HSV 1 et 2, VZV, PV B19, dengue, leptospirose
Etiologies
5
0
4
0
46
%
58
%
Plus de la moitié des ALF sont d’origine toxique
La cause n’est pas retrouvée dans prés de 15% des
cas
3
0
2
0
10
0
Acute Liver Failure
1696 cas: 1998-2011
Registre US ALF
14%
12
%
7,7
5,9
4
2,6
1,4
0,9
0,8
4,8
Etiologies
VHE: 44%, VHA: 31 %, VHB:
10 %
ParaC
Drugs
Indéterminé
Virus
Autres
Les étiologies diffèrent selon les zones géographiques (Europe/US –
Asie)
Les étiologies évoluent dans le temps (moins de virus, plus de
toxiques)
Evolution
Insuffisance hépatocellulaire aiguë
30%
30%
Décès
Guérison spontanée
40%
Transplantation hépatique
Evolution
•
Causes de décès :
-
encéphalopathie hépatique : œdème
cérébral et engagement
-
choc septique
-
défaillance multiviscérale
Présentation clinique et biologique
• Premiers signes :
- asthénie
- douleurs abdominales
- encéphalopathie hépatique (agitation, confusion)
- parfois ictère
Attention aux formes pseudo-psychiatriques
• Sur le bilan :
- ASAT et ALAT augmentées, bilirubine +/- augmentée
- Facteur V et TP < 50%
Signes de gravité
• Encéphalopathie : signe clinique majeur
- Parfois crises convulsives
- 4 stades de sévérité croissante
- Aggravée par sédatifs, IRA, hypoglycémie,
hypoxie, hyponatrémie, sepsis
Stades de l’encéphalopathie hépatique
Stades
Niveau de
Conscience
Personnalité et
Intellect
Signes
Neurologiques
Anormaliés EEG
Subclinique
Normal
Normal
Anomalies seulement
sur tests
psychométriques
Aucun
I
Inversion du rythme
du sommeil
Fatigue
Troubles de la
concentration
Confusion légère
Irritabilité
Troubles de la
coordination
Apraxie
Finger tremor
(trouble de l’écriture)
Ondes triphasiques
(5 cycles/sec)
II
Léthargie
Désorientation
Amnésie
Flapping tremor
Hypo-réflexie
Dysarthrie
Ondes triphasiques
(5 cycles/sec)
III
Somnolence
Confusion
Désorientation
Agressivité
Flapping tremor
Hyper-réflexie
Signe de Babinski
Rigidité musculaire
Ondes triphasiques
(5 cycles/sec)
IV
Coma
Aucun
Décérébration
Activité delta
Signes de gravité
• Défaillance multi-viscérale
- Défaillance hémodynamique: syndrome
hyperkinétique avec augmentation du DC et
baisse des résistances artérielles systémiques
et de la PAM, souffrance myocardique infraclinique
- Insuffisance rénale aiguë
- Détresse respiratoire, SDRA
• Hypertension portale avec ascite dans 50%
des cas
Anomalies biologiques
• ASAT et ALAT > 50 N (variable dans le temps)
• Ictère souvent présent, de cinétique variable
• Hypoglycémie, acidose lactique, hyperammoniémie
• Insuffisance rénale
• Insuffisance médullaire (cause virale)
Lactates et IHA
•
•
•
•
Hyperlactatémie fréquente
Excès de production et défaut d’élimination
Taux de lactate est un facteur pronostic
Lactates > 3 mmol/L après remplissage:
valeur pronostique équivalente aux critères
du King’s College
• Mais manque de spécificité
Ammoniémie
• Hyperammoniémie artérielle fréquente
• Incapacité du foie à transformer normalement
l’ammoniac produit par le tube digestif à partir de la
glutamine (ammoniac + glutamate) en urée
• Association entre ammoniémie et complications
infectieuses (dysfonction leucocytaire) et neurologiques
• Facteur pronostique indépendant (évolution du taux
plutôt que valeur isolée)
Anomalies de la coagulation
• La sévérité des anomalies est un facteur pronostique
• Dosage des facteurs à demi-vie courte tels les FV (12-36 h) et FII
(2-5 h)
• Thrombopénie fréquente
• Hypofibrinogénémie
• Facteurs pro et anticoagulants, pro et anti-fibrinolytiques altérés de
façon parallèle
•
Taux de saignement spontané très faible, plus souvent des
saignements muqueux
Signes particuliers selon l’étiologie
• Herpès:
fièvre inaugurale
herpétiques souvent absentes
élevée,
lésions
• Intoxication phalloïdienne : phase asymptomatique
de 6h minimum puis vomissements sévères et
diarrhée cholériforme
• Hépatite hypoxique : ASAT très élevées. Le
pronostic est celui de l’état de choc, car sur foie
antérieurement sain l’IHA régresse constamment
avec la guérison
Le bilan : étiologique et pré-TH
• Anamnèse +++ et examen clinique
• Bilan Morphologique
– Echo-doppler hépatique (veines sushépatiques+++)
– ± PBH par voie trans-jugulaire
Le bilan : étiologique et pré-TH
• Bilan Virologique
– Sérologie Hépatite virale B
(plus delta si HVB positif
connu)
– Sérologie Hépatite virale C
– Sérologie Hépatite virale A
– Sérologie Hépatite virale E
– Sérologies VIH 1+2, CMV,
EBV, Herpès, VZV
– PCR CMV, PCR EBV
– PCR Hépatite virale E
– ADN viral B, ARN viral C
• Bilan
Immunologique
– Ac anti-noyau, antimuscles lisses et LKM,
ANCA, anti-mitochondrie
– Groupage HLA
Le bilan : étiologique et pré-TH
• Bilan
Biochimique
- Electrophorèse des
protides sanguins
- Cuprémie,
céruléoplasmie,
cuprurie
- Alpha-1 antitrypsine
- -hCG
- Ammoniémie
• Bilan
médicamenteux
et toxique
- Paracétamolémie
- Dosages sanguins et
urinaires des toxiques
Le bilan : étiologique
et
pré-TH
Bi
• En pratique, bilan minimal local
(gain de temps +++) :
- Sérologies Virales A,B,C, HIV, Herpès,
CMV
- Paracétamolémie
- Dosages toxiques
- Béta-HCG
Prise en charge thérapeutique
- Surveillance +++ :
Clinique (neurologique +++,TA, diurèse +++)
Biologique 1 bilan x 3/j
- Prendre contact avec le centre de transplantation
Traitements non spécifiques
• Eliminer les facteurs d’aggravation :
-
AUCUN MEDICAMENT TOXIQUE POUR LE FOIE
AUCUN SEDATIF NI ANTI-EMETIQUE
Infection : antibiotiques (?)
Hypoglycémie : 200 g/j d’hydrate de carbone
Hypophosphorémie
Hyponatrémie
Pas d’indication au plasma si absence de
saignement clinique
Traitements spécifiques
• N-Acétyl-cystéine +++ : hépatite au paracétamol et
hépatites non liées au paracétamol
• Prednisolone : hépatites auto-immunes (?)
• Lamivudine : réactivation B, non efficace dans la
primo-infection
• Silimaryne, pénicilline : intoxication phalloïdienne
• Acyclovir (10 mg/kg/j x 3/j) : hépatite herpétique (?)
• Gancyclovir (5 mg/kg x 2/j) : hépatite à CMV
Indications de la TH
Recherche des contre-indications à la TH
•
•
•
•
•
•
Histoire du patient
Infiltration maligne du foie (si doute, PBH)
Sepsis incontrôlé
Choc incontrôlé
SDRA
Complications neurologiques (hémorragies,
engagement)
• HIV actif
• Antécédent récent de cancer invasif (<5 ans)
Critères de gravité et de TH
Autres critères de gravité et marqueurs
• Apache II > 15
• Meld > 33
• Lactates > 3 mmol/l
• Facteurs de régénération :
 foeto-protéine < 3,9 ng/dl à J3
Phosphorémie > 1,2 mmol/l
Prise en charge des complications
• Encéphalopathie hépatique
• Sepsis
• Choc hémodynamique, défaillance
respiratoire
• Insuffisance rénale
• Coagulopathie
• Défaillance multiviscérale
Mécanismes de l’œdème cérébral
Mécanismes physiopathologiques impliqués dans l'oedème cérébral de l'insuffisance hépatique aiguë
Paugam-Burtz EMC 2011
Prise en charge de l’encéphalopathie
•
Monitorage de l’œdème cérébral :
 Méthode invasive :
- Capteur de PIC extra-duraux
- SvjO2
Controversé
 Méthode non invasive :
Doppler transcrânien
 TDM cérébral : pas de monitorage mais permet d’éliminer une CI à
la TH (hématome, engagement)
Prise en charge de l’encéphalopathie
•
•
•
•
Surrélévation de la tête à 30°
Hyperventilation (PaCO2 à 30-35 mmHg)
Mannitol (0,5 g/kg x 4-6/j)
Sédation (barbituriques, propofol,
midazolam)
• Hypothermie (33-35°C)
• Hypernatrémie (Objectif 145 à 155 mmol/l)
Hypothermie modérée
Hypothermie modérée
Etude multicentrique, randomisée de 2004 à 2010
Hypothermie (33-34°C)
Normothermie
n
21
33
T°
33,2 +/- 0,6
36,7 +/- 0,8
HTIC
(PIC > 25
mmHg)
12/21 (57%)
15/33 (45%)
0,58
Décès
10 (48%)
19 (58%)
NS
Larsen, EASL 2011
p
Hypernatrémie
Le SIRS : « le foie toxique »
Synthèse des anomalies physiopathologiques et cliniques observées en cas d'insuffisance hépatique aiguë
Paugam-Burtz EMC 2011
Sepsis
• Aggrave l’encéphalopathie hépatique, peut précipiter
vers la DMV, cause de décès. 40 à 80% des IHA
• Point de départ :
- pulmonaire (50%)
- urinaire (22%)
- catéther (12%)
- spontanée (16%)
• Germes rencontrés :
- BGN, CGP
- Candida
Sepsis
• Prévention :
- précautions d’asepsie
- surveillance (prélèvements)
• Antibiothérapie prophylactique
- Pas de décontamination digestive
- IV : Encéphalopathie stade 3-4
Insuffisance rénale
SIRS
• Quel antibiotique :
Large spectre : ceftazidine, pipéracilline-tazobactam
Antifongique ? Au moment de l’inscription
Hémodynamique
• Physiopathologie :
Vasodilation splanchnique et systémique
Insuffisance surrénalienne relative
• Traitement :
- Remplissage vasculaire (colloïdes)
- Noradrénaline (PAM > 75 mmHg)
Insuffisance rénale
70 % dans l’HF au paracétamol, 30 % dans les autres étiologies
• Mécanismes :
- Hypovolémie, vasodilatation
- NTA (sepsis, cytolyse)
- Néphrotoxicité directe du paracétamol
• Traitement :
• Remplissage vasculaire, catécholamine
• Hémofiltration continue :
- acidose métabolique non contrôlée
- hyperkalièmie
- hypervolémie
- oligurie
- créatininémie > 300 µmol/l
- oedème cérébral nécessitant une osmothérapie
Et puis …
• MARS®
Et puis …
• L’hépatectomie avant transplantation
Et puis …
• La transplantation hépatique
Survie à 1 an 91%
La Transplantation Hépatique
Un compromis …
En Super-Urgence
ABM
Avis d’expert
Sévérité
Décision précoce :
Mortalité ↓
Risque opératoire ↓
TH par excès ↑
Décision tardive :
Mortalité ↑
Risque opératoire ↑
TH par excès ↓
Conclusion
• Diagnostic rapide
• Contact et transfert vers un centre de
transplantation hépatique
• N-Acétyl-cystéine améliore la survie
• Cause de mortalité : œdème cérébral,
sepsis
• Futur : molécule HIP/PAP ?
(human hepatocarcinoma-intestine-pancreas/pancreatitisassociated protein)