dossier de presse
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IMAGETEXTE4 Clara Citron Matthew Couper Leila Danziger Alan Davie Horst Haack Jean-Paul Marcheschi Gilles Privé Lidia Syroka 16 février - 27 avril 2016 Vernissage le samedi 13 février de 18h à 21h Commissaire : Horst Haack Topographie de l’art 15 rue de Thorigny 75003 Paris T. 01 40 29 44 28 F.01 40 29 44 71 [email protected] www.topographiedelart.com Entrée Libre du mardi au samedi de 14h à 19h 1 L’art d’hier, l’art de demain et quelques notes sur les deux Les garagistes du bon vieux temps accrochaient au mur de leur atelier des calendriers Pirelli. Filles rapides et autos sexy… ils savaient ce qu’est la beauté, eux. La Vénus de Willendorf, la Vénus de Milo, la Vénus à la fourrure1, successivement toujours plus sveltes et toujours moins enclines à enfanter, ne peuvent se passer de la beauté. La Vénus au bikini, dans la mythologie grecque, s’appelle Aphrodite. Pâris est grec, fils de Priam roi de Troie. C’est à lui que le dieu Hermès confie la tâche de prononcer le célèbre jugement. Héra, Athéna et Aphrodite sont de nobles rivales. Chacune s’efforce de gagner les faveurs de Pâris, voire même de le suborner. Héra lui promet le pouvoir, Athéna, la gloire ; il se décide pour Aphrodite. Elle promet le sexe avec la plus belle des femmes, avec la séduisante Hélène, reine de Sparte. Certains amateurs considèrent Pâris comme le premier critique d’art. Il a élu et il a choisi la plus belle entre toutes. « Il me paraît incontestable que la notion de “beauté” prend racine dans l’excitation sexuelle et qu’elle signifie, à l’origine, ce qui est sexuellement stimulant (les stimuli). Elle est liée au fait qu’à vrai dire nous ne pouvons jamais percevoir comme belles les parties génitales, celles-là mêmes dont la vue provoque la plus forte excitation sexuelle2. » Vraiment ? Madame Freud était-elle difforme, là, en bas ? Ou lui, peut-être ? Le grand analyste n’explique rien, il constate. Boy meets girl, ainsi commence l’histoire. Quand l’écriture et l’image se rencontrent, elles s’inspirent l’une de l’autre, se renforcent mutuellement, des mondes insoupçonnés se déploient. La fiction devient plus riche en nuances, plus colorée, elle gagne en contrastes. La non-fiction devient plus intelligible, plus claire, sans équivoque. Les images gagnent en force expressive, élargissent l’horizon, étoffent le propos. Tout ce qui est écrit fait image pour nous. Nous parlons d’une image graphique, confuse ou harmonieuse, chaotique ou policée. De même, face à un texte imprimé ou gravé dans la pierre, nous parlons d’image graphique ; quant à la pictographie, c’est autre chose, les mots peuvent être brodés ou tapés à la machine, calligraphiés ou couchés sur le papier. Dans le mot « lithographie », nous lisons deux mots : lithos (pierre) et graphie (écriture, dessin) – ce dernier terme désignant deux activités différentes que le vocabulaire ne sépare pas encore. Une synergie, l’action conjointe de substances et de facteurs qui mutuellement se renforcent, s’intensifient, ou qui même permettent de produire un certain résultat. Si l’art n’était rien d’autre qu’une méthode expérimentale sur la table d’un laboratoire invisible visant à démontrer la beauté à travers un processus persévérant ou dans un instant de génie, nous aurions déjà fait un pas sur les traces de son mystère. Élèves ou maîtres, épigones ou avantgardistes, défenseurs de la réduction ou de l’accumulation, tous veulent attirer l’attention, plaire et convaincre, comme n’a jamais cessé de le faire tout naturellement la beauté. Réellement, ceux qui ont bien plus à dire, à écrire, à présager que tous les autres sont les artistes non-conformistes, les art-brutistes. Outsiders, selftaughts, autodidactes curieusement souffrent de leur statut, ou plutôt de leur non-statut. Ils ne veulent pas rester en dehors, ils veulent être des insiders. « La relation entre l’image et le texte va au-delà, ici, de celle d’une illustration accompagnant un texte : l’image est partie intégrante du texte, elle n’est intelligible qu’au sein du texte, de même que le texte n’est lisible que dans son rapport à l’image. Image et texte ne sont pas deux langages 2 interchangeables, mais ils ne peuvent produire du sens qu’en tant que deux systèmes de signes distincts et reliés. Le sens émerge, justement, de l’union de ces deux médiums3. » Cette citation date du siècle dernier, elle devrait désormais être intemporelle. Écrire ou dessiner. Assis sur une chaise en fer, au jardin du Luxembourg, j’écris, je note des choses dans un carnet, sur un bloc-notes pour esquisses, au format in-folio par exemple : tout le monde respecte cela, ou bien on passe inaperçu. Mais si je fais des esquisses ou si je dessine dans ce même carnet, mon geste attire les regards. Des passants s’arrêtent, jettent un coup d’oeil pardessus mon épaule, d’autres commentent ce qu’ils voient, donnent des conseils. Si je dessine un poisson ou une casserole, d’aucuns seront contrariés ; j’ai fait cette expérience. Ce qui est imprimé, bien sûr, mais aussi l’acte de dessiner, est une chose publique, écrire ne l’est pas. Getting old sucks (Leon Golub). Sur une grande toile de 1998, on voit une lionne grandeur nature allongée, elle grogne ou elle baille. Il se trouve que la bête féroce tient, à son insu, une pancarte entre les pattes et fixe le spectateur : Getting old sucks, « Vieillir ça pompe », lit-on sur la pancarte. Leon est le lion, il avait soixante-seize ans lorsqu’il peignit ce tableau et il allait vivre six ans de plus. Ce tableau est probablement plus qu’un autoportrait, il est peut-être un testament, suggéré par l’inscription. Écriture et image, dans la publicité, dans la presse, cette symbiose va de soi, oui, elle est même le fondement de tout message, de toute mise en forme, sans quoi les médias ne pourraient être aussi agissants. Il en va ainsi des enluminures ; là aussi l’interaction des deux moyens d’expression, image (ornementation, lettrines, miniatures) et texte, est indispensable, elle définit le livre d’heures, tout comme la bande dessinée, l’encyclopédie, le livre pour enfants. Les arts plastiques seraient-ils à ce point « adultes » pour que les textes dans l’image soient une exception réclamant un commentaire ? La question semble justifiée. En Occident, nous lisons de gauche à droite, de haut en bas, pour prendre connaissance d’un texte et l’assimiler. Un déroulement dans la durée est nécessaire. L’image, elle, nous pouvons l’appréhender d’un simple coup d’oeil, dans une immédiateté. Une fois notre intérêt éveillé, nous dirigeons notre regard sur les détails, sur l’impression globale, sur la résonance de l’ensemble. Le regard se promène sur l’image depuis le centre vers les bords et inversement. La forme et la couleur déterminent le tempo et l’enchaînement, peut-être aussi un programme narratif – inexistant s’il s’agit d’un tableau abstrait. Deux types de réception, donc, où le message n’est pas toujours amplifié, explicité, enrichi. La synergie peut aussi bien se retourner en opposition ou déboucher sur une annulation réciproque ; ainsi, René Magritte peint une pipe et écrit sous le motif : « Ceci n’est pas une pipe ». Il propose là une image moins belle, mais son message a toute sa pertinence, c’est même un exemple qui témoigne de son humour surréaliste. Observation : une taupe morte dessinée par Odilon Redon est à n’en pas douter mille fois plus belle que Miss Univers peinte à l’huile par le pape en personne. Horst Haack 1. Venus im Pelz, titre d’une nouvelle de Leopold Sacher-Masoch, Cotta, Stuttgart, 1870. 2. Sigmund Freud, Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie. Die sexuellen Abirrungen, Fischer Verlag, Francfort-sur-le-Main, 1905. 3. Werner Spies, dans Max Ernst – Collagen, Inventar und Widerspruch, DuMont Verlag, Cologne, 1974. 3 Clara Citron “oui je crois en dieu / certes il n’en sait rien”, 2015 : 70/100cm. Plexiglass, encre, acier, charnières. 4 Clara Citron Née en 1989, elle vit et travaille à Paris. Depuis Charcot, l’hystérie est une grande affaire moderne que, à sa suite, Freud allait rendre critique, et, d’une certaine façon, populaire. Elle s’est installée, répétitive, lancinante : dans les torsions sexuelles d’un impossible désir, le sujet voudrait prendre le monde à témoin de ce qui ne peut se dire et encore moins se montrer. Mais le corps social reste aux aguets. Ainsi, écrivait Sigmund Freud « L’hystérie est une œuvre d’art déformée » et, commentait Philippe Sollers en 1980, « L’œuvre d’art est donc une hystérie réussie. » Avant d’ajouter : « On comprend qu’elle soit rare ». Mais que se passe-t-il alors — que peut-il se passer dans les dessins, gravures, installations, phrases et rébus de Clara Citron, où l’hystérie elle-même est le sujet, non pas exclusif, mais, encore une fois : lancinant ? Des femmes sans tête, ouvertes en brèches, leur sexe absorbant leur tête, sollicitent des phallus indéterminés, sans beaucoup plus de tête, des corps comme des choses où l’humeur annule le souffle, où le délire est si bien intériorisé que les frontières perdent leur importance. Les espaces où ces corps s’ébattent se brisent, se diffractent, mais restent contigus, comme dans un roman d’Andreï Biély où l’on ne sait plus qui regarde quoi. Le quoi de qui ? Soyons patients, l’image précède toujours le texte : c’est déjà beaucoup de voir, sur les murs puis au sol, à nos pieds, c’est-à-dire entre nos jambes, l’image plus âpre que choquante (voyons, nous en avons vu d’autres…) de vicissitudes en définitive ordinaires, si l’on en croit les magazines très intéressés au phénomène. Ce qui change, ce qui penche, ce qui dérange, c’est la gaucherie si bien assumée du trait perçant sans précautions la figure d’une vérité dans toute sa relativité (si la vérité n’était pas relative, nous serions perdus). Contrairement à d’autres artistes, chez lesquelles la statue du père noue et impose un récit circonstancié de l’hystérie, Clara Citron ne prend pas de détours en façons psychologues, et son dessin en ressort grandi. Alain Cueff 5 Matthew Couper “Allegorical Development of Art in a Field Painting”, 2010, oil on metal 35.5cm x 28cm. 6 Matthew Couper Né en 1976 en Nouvelle-Zélande, il vit et travaille à Las Vegas. J’ai tout d’abord été attiré par les ex-voto mexicains en raison du recoupement visuel et conceptuel des images et du texte. Ma première expérience d’ex-voto – il y a plus de vingt ans de cela maintenant – était une peinture sur fond bleu réalisée sur un morceau de ferblanc tout cabossé et rouillé sur les bords. Elle était fixée au mur par une ficelle effilochée qui passait par une perforation pratiquée dans l’image et était suspendue à un clou. Au milieu des peintures et photographies contemporaines, cette petite image d’une Mexicaine agenouillée devant une apparition de la Vierge de Guadalupe dégageait une esthétique très particulière… Elle « cliquetait » ! Je faisais les Beaux-Arts à l’époque où j’ai vu cet ex-voto, et ce sont les similitudes esthétiques – l’usage du symbolisme, du récit et du texte – qui m’ont véritablement touché. Je peins ces oeuvres d’art pieuses depuis une dizaine d’années. Ces versions personnelles d’ex-voto complètent mon activité de peintre au sens large et constituent un journal de mes allées et venues quotidiennes. Avec le temps, j’ai retouché, adapté et manipulé certains des aspects esthétiques traditionnels de l’ex-voto en les intégrant dans mes oeuvres de plus grande envergure, afin de créer une relation plus interactive et dynamique entre le texte et l’image. Au fil des ans, j’ai appris que des mots tout simples pouvaient agir comme des symboles visuels au sein d’un tableau – ils permettent de multiples interprétations en fonction de leur contexte et des autres images et symboles qui les entourent. Matthew Couper 7 Leila Danziger “Ozymandias”, 15 pages de journaux des années 2000-2002 effacées, barre et épingles en aluminium, 176 x 150cm, 2000-2015. 8 Leila Danziger Née à Rio de Janeiro, elle vit et travaille à Rio de Janeiro et à Paris. TENIR DEBOUT, dans l’ombre du stigmate des blessures en l’air. Tenir-debout-pour-personne-et-pour-rien. Non-reconnu, pour toi seul. Avec tout ce qui a ici de l’espace, et même sans parole. Paul Celan Tout au long d’une décennie, mon travail a consisté à effacer des pages de quotidiens imprimés, poursuivant les images ou les mots, résistant au langage purement informatif. Le vecteur du travail était la page du journal détournée de sa fonction de document, mais où le texte journalistique se faisait toujours présent de façon résiduelle. L’intégrité physique de la page était sauvegardée, mais ce qu’il en restait, c’était une peau mince et transparente, un matériau aussi fragile que mondain, très sensible à l’action de la lumière, surtout sous le soleil des tropiques. Sur ces pages effacées, je tamponnais deux variations de la traduction brésilienne d’un extrait de Paul Celan – Für-niemand-und-nichts-Stehen / Tenir-debout-pour-personne-et-pour-rien – comme l’a traduit Jean-Pierre Lefebvre. Ce vers m’accompagne comme un lien qui unit les images d’abandon et de délaissement profond, mais aussi celles de résistance. Dans une lettre à sa femme, Gisèle CelanLestrange, Celan a présenté trois interprétations possibles du verbe Stehen présent dans son poème : Je refuse / J’assume / Je résiste. Modestement, j’aimerais que ces images, comprises comme des épaves, comme des ruines de l’information, soient également capables de « performer » ces verbes-là. Leila Danziger Rio de Janeiro, décembre 2015 9 Alan Davie “Jajam”, huile sur papier, 21 x 30cm, 2013. Courtesy galerie gimpel & müller. 10 Alan Davie Né en 1920 à Grangemouth (Écosse), il est décédé en 2014 près de Londres. Shaman éternel Alan Davie s’est endormi le 5 avril 2014. à 93 ans, dont plus de soixante-dix consacrés à la peinture, sans jamais délaisser son autre passion, la musique. Saxophoniste, violoncelliste et surtout pianiste, il a d’abord gagné sa vie comme jazzman. Il laisse quelques disques, notamment avec Tony Oxley, dont il a fait toutes les pochettes. Nous l’avons écouté improviser lors du tournage d’Alan paints for a Film, chez lui, en 2009, que nous avons produit. Impressionnant. Longue silhouette, barbe et cheveux blancs de neige, toujours vêtu de couleurs vives, souvent pieds nus dans ses sandales, Davie était christique, charismatique. Une vie par et pour la peinture, ponctuée de musique, de poésie et d’un planeur. « Peintre vélivole », avait écrit Francis Marmande dans Le Monde en 2008. Après avoir beaucoup voyagé en Europe, vécu dans les Caraïbes, Davie passait ses journées dans son atelier non loin de Londres. L’écossais avait quitté sa terre natale pour se rapprocher de Gimpel Fils, sa galerie depuis les années 1950. C’est Peggy Guggenheim qui avait découvert ce jeune artiste prometteur. Même si les premières expositions furent décevantes – aucun collectionneur intéressé, critiques violentes –, la galerie le présenta tous les deux ans. Jusqu’au succès. Féru de philosophie, il lisait Jung, s’intéressait au bouddhisme, à la magie, à l’au-delà, aux mythologies omniprésentes dans son travail. Alan Davie a exposé deux fois de son vivant chez gimpel & müller, partenaire de Gimpel Fils : deux expositions remarquées par le foisonnement des formes et des couleurs, la puissance de la calligraphie. L’exposition d’un jeune homme de 90 ans, d’un grand coloriste. La passion des arts premiers – la collection d’Alan Davie était très importante –, des talismans, le travail à l’huile sur tous les supports. Toile, papier, carton, bois, métal… Davie mélangeait ses couleurs sur un incroyable chariot porteur de décennies de tubes pressés. Alan Davie laisse des milliers de petits dessins préparatoires. Preuves que sous une apparente spontanéité, la réflexion était au coeur de son travail. Il est et restera l’un des plus grands artistes britanniques d’après-guerre. Karin Müller 11 Horst Haack “Chronographie terrestre (Work in Progress)”, technique mixte sur papier, 225 x 54cm par panneau, 2008, 2009, 2010. 12 Horst Haack Né en 1940 à Neubrandenbourg, il vit et travaille à Darmstadt et à Paris. Depuis 1981, Horst Haack écrit, peint, dessine, crée des collages : l’oeuvre d’une vie, Chronographie terrestre (Work in Progress), un ensemble qui s’apparente à un journal où l’artiste réfléchit, en mots et en images, sur les réalités du monde contemporain. Photographies et fragments d’images issues de journaux, de magazines ou d’autres supports sont reportés sur le papier par un procédé de frottage, montés et assemblés en collages évocateurs, puis enrichis de commentaires personnels, de citations littéraires ou scientifiques,etc. L’artiste rassemble des feuillets – en principe trente par mois – traitant d’un thème particulier, et il les dispose sur de grands panneaux, à la manière des imagiers du Moyen Âge. La singularité de ces feuillets quotidiens réside dans une imbrication étroite entre texte et image : l’écriture entoure d’une ligne ininterrompue le montage des images. Comme les îles de la Lettre-océan d’Apollinaire, scénarios de paysages et fragments de figures ou d’objets émergent hors des flots d’écriture. Les mots et les phrases viennent se briser sur les images, les enveloppent, les incorporent dans un flux continu de signes dont il faudra décrypter le sens. Dans ce flux de mots et de lettres qui remplissent tout le vide autour des îlots d’images, l’écriture enfantine de Horst Haack est une véritable calligraphie – calligraphie personnelle formant le cadre ornemental, ou plutôt le fond d’un univers d’images mystérieuses, cryptées. Lida von Mengden 13 Jean-Paul Marcheschi “Visages de Personne”, fragment de “11 000 portraits de l’humanité”, cire, suie, encre, peinture à l’huile, gouache”, 267,3 x 168cm, 2014. 14 Jean-Paul Marcheschi Né à Bastia en 1951. Vit et travaille à Paris. Ovide, la paraphrase J’abandonne ici le distique élégiaque. je réécris mes propres Fastes et je dis : je suis un être antique (les anciens m’appelaient Érèbe) fils du chaos et de la nuit je saisirai le mouvement des astres du lever au coucher des rochers constellés je rejoindrai la croissance des arbres je plongerai mes doigts dans la fressure des bêtes j’en éclabousserai mes nuits peintes le noir et l’écarlate seront les seules couleurs des Fastes je suis l’oiseau nyctalope je vois dans le noir je parcourrai tout le nycthémère j’entrerai dans les racines profondes de la terre je creuserai des lacs des étangs pour les oiseaux ce sera un festin pour la vue j’ai reçu Les Fastes en héritage j’en repeuplerai les forêts je ferai faseyer les ailes du grand Horus l’oiseau dégingandé je l’amaigrirai le trouerai d’ombre d’anfractuosités nombreuses pour accueillir les nids les oiseaux pour que tissent les araignées pour la colonisation des mousses des lichens des insectes j’offusquerai les fleurs pour ne cultiver que l’herbe noire qui attire les libellules ainsi la vie ancienne reprendra des espèces perdues renaîtront reviendra la déesse précieuse la libellule d’or bleu d’eau et ce sera déesse pour Les Fastes Jean-Paul Marcheschi extrait d’Abîmes Abysses, Musée de Bastia, Palais des Gouverneurs, Art3 Plessis 15 Gilles Privé Extrait de la série “Fleurs et autres choses”, acrylique sur papier, 65 x 50cm, 2015. 16 Gilles Privé Né en 1957 à Niort, il vit et travaille à Paris. Là là 1 2 3 4 5 6 Peintures adverbe de lieu et de temps Dans un lieu autre que celui où l’on est. Sans idée précise de proximité ou d’éloignement. À ce moment. En cela. Là est l’idée À l’endroit où. En partant de cet endroit. Entre le moment présent et un moment postérieur. Une période de temps autre que celle où l’on est. L’art n’est pas l’organisation d’un espace mais l’expression du temps. Son lieu est le temps comme milieu, au sens propre quand l’amateur fixe du regard le centre d’une œuvre pour en percevoir physiquement et mentalement les contours, et tout ce qui n’est pas montré là, au-delà, et qui lui appartient naturellement, de sa rêverie et de sa vie. Pour voir au plus près, depuis un lointain horizon. S’il est vain de définir le temps par une formule – on n’enferme pas la toute-puissance – l’art son ami inséparable, son frère Judas, est entier contenu comme résolution dans cette axiome presque : « S’il existait une preuve parfaitement convaincante de l’existence de Dieu, alors quelle serait l’utilité de la foi ? » Mon travail que je qualifie aujourd’hui de journal au sens extime, déroule ensemble depuis plusieurs années - sans méthodologie directive - des thèmes historiques et poétiques, à égalité. Pour un éloge des contraires ensemble. Je n’oublie pas cet arrêt de Ginzburg, l’historien des Primitifs italiens : « Vous voulez que je parle d’eux (Giotto, Piero …) ? Mais ils appartiennent à un temps qui est fini, et qui a disparu à jamais. Puisje être avec eux sans eux ? … » Si pour les déplacés de l’Histoire, l’horizon est une destination, il est plus encore ce qui a été, la maison, au centre des choses. Gilles Privé in “Ecrits sur la peinture” 17 Lidia Syroka Sans titre, encre sur papier, 125 x 60cm, 2015. 16 Lidia Syroka Née en 1956 en Pologne, elle vit et travaille à Paris. Mon atelier est devenu une mine de charbon. J’encre, je trempe, je perfore le papier. Je creuse mon corps pour trouver de nouveaux passages, de nouveaux chemins, de nouvelles possibilités. J’observe cette sensation que j’ai de moi-même et je la compare avec l’image sur laquelle je travaille. Elle doit être exacte. Pour être au plus juste de mon ressenti, d’une série de dessins à une autre, je cherche et j’adapte de nouvelles techniques. Chaque dessin est un autoportrait. 17