Victoria Abril dans le taxi de Jérôme Colin : L`interview

Transcription

Victoria Abril dans le taxi de Jérôme Colin : L`interview
Victoria Abril dans le taxi de Jérôme Colin : L’interview intégrale
Une émission rediffusée le dimanche 10 février à 22h45 sur la Deux
Jean-Paul Gauthier, il est intermundial
JÉRÔME COLIN : Bonjour.
VICTORIA ABRIL : Bonjour. Alors, vous me faites un petit tour ?
JÉRÔME COLIN : Je vous fais un petit tour si vous voulez, oui.
VICTORIA ABRIL : Et bien voilà.
JÉRÔME COLIN : Même un grand tout.
VICTORIA ABRIL : Ah…
JÉRÔME COLIN : Je me fais un cadeau.
VICTORIA ABRIL : Mais tu regardes la route hein. On se casse pas la gueule hein.
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JÉRÔME COLIN : Je vais essayer. Qu’est-ce que vous êtes élégante !
VICTORIA ABRIL : Ah c’est clair, toujours. Mais tu sais j’avais rendez-vous en fait avec toi.
JÉRÔME COLIN : C’est vrai ?
VICTORIA ABRIL : Oui, je ne sors pas comme ça le matin.
JÉRÔME COLIN : J’aime bien quand vous avez rendez-vous avec moi.
VICTORIA ABRIL : Enfin, j’ai rendez-vous avec vous… Vous…
JÉRÔME COLIN : Très bien. Un petit tour alors.
JÉRÔME COLIN : Qui a fait vos fringues ?
VICTORIA ABRIL : Alors c’est Gauthier.
JÉRÔME COLIN : Ben oui.
VICTORIA ABRIL : Oui. C’est Yam-P.
JÉRÔME COLIN : Yam-P. Gauthier.
VICTORIA ABRIL : Yam-P. Gauthier.
JÉRÔME COLIN : Comme dans « Kika ».
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : C’était ça ?
VICTORIA ABRIL : Non je crois que Gauthier c’est le couturier dont j’ai été la plus fidèle le plus longtemps.
JÉRÔME COLIN : C’est vrai ?
VICTORIA ABRIL : Oui. Depuis les années 80. Avant le gros exploit de Gauthier dans les années 90, déjà. Ces bas c’est
des années 88 ou 89. Les bas. Mais imagine-toi s’ils sont bons, ils sont toujours bons.
JÉRÔME COLIN : Ils sont toujours là.
VICTORIA ABRIL : Ils sont toujours là. Ça c’est de cette année. C’est trop bien.
JÉRÔME COLIN : Oui c’est beau.
VICTORIA ABRIL : Plein de couleurs, tout ce que j’aime.
JÉRÔME COLIN : Qu’est-ce qui vous plait chez lui ?
VICTORIA ABRIL : Sa curiosité du monde, où il passe son temps… C’est un homme qui passe son temps à sortir
dehors, à se nourrir, à prendre ce qu’il y a de mieux sur la planète et faire après à sa guise. Et puis c’est bien coupé
hein. Tu ne peux pas savoir ! Les jupes, tu les mets, clac ça passe. Et puis au point de vue couleurs et mélange des
textures, mélange des couleurs, mélange de tout. Tu sais, il est « intermundial ».
JÉRÔME COLIN : Et le but c’est de se sentir bien ou de se sentir belle ?
VICTORIA ABRIL : Se sentir bien et c’est quand tu te sens bien que t’es belle. Et puis plein d’humour. Un petit peu
d’humour c’est bien. Hein ? Quand je dis humour, pas que tu black, pas que du noir. Y’en a marre du noir.
JÉRÔME COLIN : Vous avez eu votre époque black, black, habillée en noir ? Vous avez eu ça dans votre vie ?
VICTORIA ABRIL : J’ai eu… Non.
J’ai connu trois grands amours !
JÉRÔME COLIN : Même pas ado ?
VICTORIA ABRIL : Non. Ah non, ado on ne s’habillait pas en black hein. Dans les années 70 ce n’était pas le black,
c’était le marron et l’orange. Marron, orange… Mais j’aime bien toutes les couleurs. Ce que j’aime bien c’est
chercher la couleur et son complémentaire. Comme pour l’amour. Tu vois ?
JÉRÔME COLIN : C’est-à-dire ?
VICTORIA ABRIL : Ben c’est bien de trouver son complémentaire. Ce qui n’est pas forcément toi mais celui qui te
rend mieux. Donc il y a des couleurs…
JÉRÔME COLIN : Vous l’avez trouvé vous, le complémentaire dans la vie ?
VICTORIA ABRIL : Oui.
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JÉRÔME COLIN : Oui ? Tôt ou tard ?
VICTORIA ABRIL : Heu…
JÉRÔME COLIN : Ou plein de fois ?
VICTORIA ABRIL : Ce n’est jamais tard. Non, plein de fois non, pas tant que ça.
JÉRÔME COLIN : Vous n’avez pas eu beaucoup de grands amours.
VICTORIA ABRIL : Non. J’ai eu que des grands amours.
JÉRÔME COLIN : Oui ? Combien ?
VICTORIA ABRIL : Trois.
JÉRÔME COLIN : Trois vrais grands.
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : C’est pas mal déjà.
VICTORIA ABRIL : Oui !
JÉRÔME COLIN : Déjà quand ça nous arrive une fois on peut s’estimer chanceux.
VICTORIA ABRIL : Déjà.
JÉRÔME COLIN : Vous leur avez fait des enfants à vos grands amours ?
VICTORIA ABRIL : Oui. A un, oui.
J’ai quitté l’Espagne par amour !
JÉRÔME COLIN : Vous connaissez le Manneken-Pis ?
VICTORIA ABRIL : Pardon ?
JÉRÔME COLIN : Le Manneken-Pis.
VICTORIA ABRIL : Manneken-Pis.
JÉRÔME COLIN : C’est un des emblèmes de Bruxelles.
VICTORIA ABRIL : Ah !
JÉRÔME COLIN : C’est un petit garçon qui fait pipi.
VICTORIA ABRIL : Ah si !
JÉRÔME COLIN : Avec un tout petit zizi.
VICTORIA ABRIL : Ah si, si. Il est là. Ah oui.
JÉRÔME COLIN : Il est là.
VICTORIA ABRIL : C’est vrai. Si je le connaissais. Je trouve ça mignon.
JÉRÔME COLIN : Le Manneken-Pis.
VICTORIA ABRIL : Manneken-Pis ?
JÉRÔME COLIN : Oui.
VICTORIA ABRIL : D’accord.
JÉRÔME COLIN : C’est quoi l’emblème de l’Espagne ?
VICTORIA ABRIL : L’emblème de l’Espagne ? Je ne sais pas. Qu’est-ce que ça peut être l’emblème de l’Espagne ? Le
flamenco, los toros, le soleil. La mer.
JÉRÔME COLIN : Ce que vous aimez le plus en Espagne, c’est quoi ? Qu’est-ce que vous aimez le plus ?
VICTORIA ABRIL : L’Andalousie.
JÉRÔME COLIN : C’est vrai ?
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Je vous comprends. Et vous habitez où maintenant ?
VICTORIA ABRIL : Paris.
JÉRÔME COLIN : A Paris. Plus du tout en Espagne ?
VICTORIA ABRIL : Non, je n’habite plus du tout en Espagne, depuis longtemps. Mais bon je bouge hein.
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JÉRÔME COLIN : Vous y allez souvent.
VICTORIA ABRIL : Oui. C’est à 1h30 de Paris.
JÉRÔME COLIN : Vous êtes née à Malaga.
VICTORIA ABRIL : Non je suis née à Madrid mais ma famille est de Malaga.
JÉRÔME COLIN : D’accord. C’était bien d’être gamine là-bas ?
VICTORIA ABRIL : Ah oui.
JÉRÔME COLIN : Oui ? Pourquoi ?
VICTORIA ABRIL : Je ne sais pas, pieds nus sous les palmiers…
JÉRÔME COLIN : Pas mal.
VICTORIA ABRIL : C’est bien.
JÉRÔME COLIN : Oui c’est pas mal.
VICTORIA ABRIL : Dans un petit village donc c’était la campagne et en même temps la mer.
JÉRÔME COLIN : Pas mal.
VICTORIA ABRIL : Pas mal du tout. D’ailleurs je continue à y aller.
JÉRÔME COLIN : Ah oui ?
VICTORIA ABRIL : Ah oui, je continue à y aller avec mes enfants, toutes les vacances scolaires. Mais là maintenant les
enfants sont grands donc on y va moins souvent. Ils sont à l’université donc…
JÉRÔME COLIN : L’âge où on ne part plus en vacances avec sa maman.
VICTORIA ABRIL : Si, sauf que moi je pars avant, ils viennent après, avec des potes. Si, ils continuent à venir mais
avec des potes. Et des potines.
JÉRÔME COLIN : Pourquoi vous avez quitté l’Espagne ? Vous l’avez quittée à quel âge l’Espagne ?
VICTORIA ABRIL : A 21 ans.
JÉRÔME COLIN : Pourquoi ?
VICTORIA ABRIL : Par amour.
JÉRÔME COLIN : Encore !
VICTORIA ABRIL : Il était français. C’est à lui que j’ai fait des enfants. Ben voilà.
JÉRÔME COLIN : C’était une bonne décision ?
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Oui ?
VICTORIA ABRIL : Ah oui.
JÉRÔME COLIN : Pourquoi vous n’y êtes pas retournée ? En Espagne. Vous êtes restée à Paris.
VICTORIA ABRIL : Oui parce que le papa était à Paris. Donc tu ne vas pas laisser les enfants sans papa. Hein.
JÉRÔME COLIN : Eh non. On peut faire des conneries par amour quand même !
VICTORIA ABRIL : Oui. Enfin des conneries, moi je ne trouve pas que c’est des conneries.
JÉRÔME COLIN : Non, des belles conneries.
VICTORIA ABRIL : Belles conneries. Ben y’a que l’amour qui te donne le courage, la force de le faire, sinon la raison
te dit tout le temps calme-toi, calmos, pas trop radicale, ne sois pas radicale…
JÉRÔME COLIN : Sois prudent.
VICTORIA ABRIL : Sois prudente.
JÉRÔME COLIN : Pense à demain.
VICTORIA ABRIL : Pense à demain, voilà. Mais quand on est amoureux on n’écoute pas tout ça. Et c’est bien. Si
parce que après quand tu es vieux c’est de ça dont tu te rappelles.
JÉRÔME COLIN : C’est vrai ?
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : De quoi ?
VICTORIA ABRIL : Il faut avoir des bonnes…. De l’amour et de tous ses effets secondaires.
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JÉRÔME COLIN : Comment ?
VICTORIA ABRIL : To secondarios. L’amour c’est tu assures donc c’est renoncer.
JÉRÔME COLIN : Je sais.
VICTORIA ABRIL : Tu sais non ? Je ne l’ai pas inventé.
JÉRÔME COLIN : C’est vrai que ça reste, quand vous regardez votre vie, c’est le plus important ?
VICTORIA ABRIL : Heu…
JÉRÔME COLIN : Vos histoires d’amour ?
VICTORIA ABRIL : C’est-à-dire non, c’est l’amour. L’amour c’est ce qui est de plus important, oui. C’est le moteur.
C’est le moteur qui fait que tu te lèves le matin, même s’il fait gris, ça va. Tu vois, ce n’est pas grave. Ça va passer.
JÉRÔME COLIN : Vous avez réussi à rester amoureuse longtemps dans votre vie ?
VICTORIA ABRIL : Toujours. Je n’ai pas passé 5’ sans être amoureuse.
JÉRÔME COLIN : C’est vrai ? Non !
VICTORIA ABRIL : Ça ne veut pas dire que j’étais tout le temps… que c’était réciproque hein, mais ça ne fait rien.
JÉRÔME COLIN : Mais vous avez toujours été dans un état d’amour ?
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Mais non.
VICTORIA ABRIL : Si.
JÉRÔME COLIN : Pourquoi ?
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VICTORIA ABRIL : Parce que je ne sais pas, j’ai un cœur occupé.
JÉRÔME COLIN : C’est marrant.
« Louves », c’est desesperacion !
JÉRÔME COLIN : Il est bien ce film « Louves » ?
VICTORIA ABRIL : Oui !
JÉRÔME COLIN : C’est vrai ?
VICTORIA ABRIL : Ah oui ! Trop bien.
JÉRÔME COLIN : J’ai vu que vous jouiez dans ça maintenant.
VICTORIA ABRIL : Oui. C’est trop bien.
JÉRÔME COLIN : Ca raconte quoi ?
VICTORIA ABRIL : Este una tragedia. Bellisima. Trop belle. Dure, très, très dure. Des films comme ça, j’en ai fait un
quand j’avais 17 ans, qui s’appelait « Mater amatissima » et celui-là s’appelle « Louves » mais c’est deux histoires,
deux femmes, une à chaque bout de la France et l’autre en Macédoine… Une vraie tragédie. Mais d’une beauté et
une mise en scène, elles sont fortes ses Yougoslaves ! Teona Mitevska, s’appelle la metteur en scène. C’est une
histoire de famille ce film. D’ailleurs je l’ai fait à cause de cette famille. La famille Mitevska c’est une famille
d’artistes, en Macédoine, je les ai connus au Festival de Vitoria, ils m’avaient demandé de venir à leur festival pour
me donner une médaille de carrière, tout ça, j’avais dit non 20 fois, 20 fois Lavina qui est la productrice du film, et
actrice, m’a répondu ce n’est pas possible, il faut que vous veniez. Bon à la fin j’ai dit ok je viens une journée. Et je
suis resté une semaine. Je suis partie en pleurant, au revoir. Des gens incroyables ! C’était une rencontre humaine.
Et puis 6 mois plus tard j’ai reçu un mail de Lavina comme quoi sa sœur Teona avait écrit un scénario et elle me
demandait si je voulais le faire. C’était deux histoires, deux rôles, un pour elle, un pour moi, donc j’ai lu. La première
séquence de ce film est tellement forte que j’ai dû fermer le scénario, respirer, j’ai dit ce n’est pas possible ce que j’ai
lu, ce n’est pas vrai, il ne peut pas se passer tellement de choses dans une première séquence. Et après j’ai pris l’air,
j’ai dit bon je vais le relire au cas où. Fantastica, tu vois, je vois des trucs qui ne sont pas écrits. Non, non. C’était bel
et bien écrit. J’ai continué comme j’ai pu sous un état de choc parce que c’est une femme, une mère, dans la
première séquence, je te le raconte parce que c’est la première séquence, son fils qui est sur le balcon, qui est un
peu bizarre, d’abord il essaie d’abuser de moi qui suis sa mère, et puis quand je l’arrête après on a une mini
conversation dans laquelle je comprends qu’il ne va pas bien, mais lui est sur le bord du balcon et à la fin de cette
séquence il va se jeter devant moi. Mais juste avant me dire que son père abuse de lui 8 ans, depuis qu’il avait 8 ans.
Et à partir de ce moment-là…
JÉRÔME COLIN : Tout ça dans une première séquence.
VICTORIA ABRIL : La première séquence ! Donc tu vois à partir de ce moment-là, c’est drôle, c’est comme une
espèce d’impulsion, elle passe par toutes les étapes, deseperacion…
JÉRÔME COLIN : Vous pouvez me redire ça ?
VICTORIA ABRIL : Desesperacion… incompresion… culpabilité… Comment est-ce possible, tu vois, que mon fils a été
abusé par mon mari depuis l’âge de 8 ans et que je n’ai rien vu ! Et jusqu’à l’acceptation, purification. Ah non, c’est
un beau Golgotha à passer. Ça c’est mon histoire parce que l’histoire de Macédoine elle n’est pas mauvaise non
plus.
JÉRÔME COLIN : Eh bien dites donc !
VICTORIA ABRIL : Mais c’est trop beau. C’est un vrai film de cœur. Ça faisait longtemps que je n’étais pas tombée sur
du vrai cinéma.
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J’ai fait 70% de films dramatiques et 30% de comédies. Ces 30%, c’est la France !
JÉRÔME COLIN : Pourquoi ? Pourquoi ça faisait longtemps que vous ne tombiez pas sur du vrai cinéma ?
VICTORIA ABRIL : Les films d’auteur, des films aussi durs, sans concession, ce n’est pas commercial, ce n’est pas ça
qu’on produit… mais moi je trouve que c’est hyper important d’être là…
JÉRÔME COLIN : Mais pourquoi ceux qui se font on ne vous les propose pas ? En France en tout cas.
VICTORIA ABRIL : Ben parce qu’ils ne sont pas obligés d’abord et en France je suis une actrice de comédie alors que
dehors je suis une actrice dramatique. J’ai fait une centaine de films dont 70 étaient des drames et des tragédies, et
30 % des comédies. Ces 30 % c’est la France.
JÉRÔME COLIN : Comment ça se fait ? Votre carrière espagnole, vous avez commencé en Espagne, la plupart de vos
films c’est des rôles tragiques.
VICTORIA ABRIL : Tragiques, tragiques.
JÉRÔME COLIN : Mais ultra tragiques.
VICTORIA ABRIL : En Espagne je suis Isabelle Huppert.
JÉRÔME COLIN : C’est ça oui.
VICTORIA ABRIL : Et ici voilà, rigolote.
JÉRÔME COLIN : Oui et ici la rigolote. Comment ça se fait ?
VICTORIA ABRIL : Et bien je ne sais pas mais je suis bien contente parce que tu vois, tous les jours caviar c’est pas
possible donc j’ai besoin des extrêmes. Moi ce que je préfère c’est la comédie ou la tragédie. Et d’ailleurs ce film-là
je l’ai tourné en même temps que « Mince alors », une comédie sur la surcharge pondérale. En même temps. 3
semaines en France avec Charlotte, 3 semaines en Macédoine. Je revenais en France pour finir le film, 2 semaines, je
retournais en Allemagne, parce qu’on a fait la France en Allemagne, 2 semaines, donc vraiment je les ai tourné en
même temps, en parallèle. Et tu veux que je te dise ? La tragédie de Teona m’a donné de la légèreté, non pardon
c’est à l’envers, la comédie de Charlotte m’a donné un peu de légèreté pour la tragédie et la tragédie m’a donné un
poquito de profondeur pour la comédie. Donc finalement ils ont été complémentaires.
JÉRÔME COLIN : Pas mal.
VICTORIA ABRIL : Tu vois ce que je veux dire ? C’est pas mal. Et ce qui est absolument génial voilà c’est un jour
viande, un jour poisson… un jour légumes, un jour musique. C’est ça qui est bien.
A 15 ans, j’ai tourné mon premier film « Cambio de sexo »
JÉRÔME COLIN : Vos débuts dans le cinéma espagnol… comment vous arrivez au cinéma ? Parce que vous habitez
dans un petit village, pieds nus, palmiers…
VICTORIA ABRIL : Non ça c’était avant. Après, à 6 ans je suis retournée à Madrid et là je faisais de la danse classique
et c’est ma prof de danse, une de mes profs de danse dont le mari était metteur en scène et cherchait une fille de 14
ans pour un film, ?, elle m’a dit écoute il est en train de faire des auditions, vas-y, et comme à l’époque j’avais besoin
de sous pour pouvoir continuer à danser, et bien je me suis présentée et j’ai été prise. Et dans l’année j’ai fait 5
films.
JÉRÔME COLIN : Ah carrément.
VICTORIA ABRIL : Carrément. Donc au début j’essayais de faire du cinéma pour pouvoir me payer la danse et puis à
partir « Cambio de sexo », mon premier film avec Vicente Aranda, j’en ai fait 13 ou 14 pendant 30 ans…
JÉRÔME COLIN : C’était en 1977.
VICTORIA ABRIL : Non 14.
JÉRÔME COLIN : Non le premier film « Cambio de sexo » c’est en 1977.
VICTORIA ABRIL : Ça c’est la sortie, on a tourné… j’ai eu 15 ans pendant le tournage.
JÉRÔME COLIN : D’accord.
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VICTORIA ABRIL : Je m’en souviens très bien. Et ça c’était le premier. Et à partir de ce film je me suis dit : ah c’est pas
mal, c’est pas mal. C’est pas mal d’être à la place de quelqu’un d’autre. Ça te donne des vacances, ce qui n’est pas
plus mal et je ne sais pas, c’était l’histoire d’un garçon qui voulait être une fille. Moi qui étais une fille qui voulait
être un garçon, je le comprenais très bien. Et à partir de ce moment-là j’ai quitté, j’ai pendu les chaussons de danse
et j’ai arrêté de danser et je me suis consacrée au cinéma jusqu’à 45 ans où j’ai commencé à chanter. Quand j’ai
commencé à voir qu’il n’y avait pas des rôles très intéressants, pas beaucoup et pas très intéressants et donc à ce
moment-là je me suis demandé moi-même : bon écoute si les producteurs ne t’appellent pas, appelle-toi toi-même.
JÉRÔME COLIN : Donc vous avez chanté.
VICTORIA ABRIL : Qu’est-tu que tu veux faire ? Et c’est là où j’ai commencé mon premier album qui était « Putcheros
do Brasil », la musique de mon adolescence et après a suivi « Olala », la musique de ma jeunesse à Paris, les
chansons d’amour, mais que j’ai réinterprétées avec des rythmes flamenco. Et voilà. Ça s’est arrêté là. Après le
cinéma, la télé a commencé et voilà depuis je n’ai pas fait d’autre album. Je suis en attente, de trouver le temps
pour m’occuper de mon troisième qui serait interlocale, mes propres chansons, en musique et en image.
JÉRÔME COLIN : Ah, d’accord.
JÉRÔME COLIN : Donc « Cambio de sexo » c’est votre premier film important ?
VICTORIA ABRIL : C’est le film qui m’a d’abord fait connaître Vicente Aranda, avec lequel… ça va être le metteur en
scène qui m’a suivie à tous les âges, adolescence, jeunesse, maturité, le premier à 14 ans, le dernier à 44. Et puis
après… c’est celui-là qui m’a fait comprendre que le cinéma et raconter des histoires c’était le vrai pied quoi. La
danse c’est quand même très dur. Il n’y avait pas un jour où je n’arrivais pas en pleurant chez moi. Tout ce que tu as
aujourd’hui tu peux le perdre demain. C’est hyper dur. A 30 ans il faut déjà se retirer. Il n’y a pas trop d’avenir. Pas
de boulot. Il n’y avait pas de boulot à l’époque, d’ailleurs il n’y en n’a pas plus maintenant. Il fallait partir. Donc tu
vois j’avais une passion qui s’avérait compliquée, et puis tu ne gagnais pas un sou. Donc tu vois il n’y avait pas
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vraiment beaucoup d’avenir. Et le fait de travailler avec Vicente Aranda m’a fait comprendre l’immensité
thérapeutique finalement du cinéma. Pour celui qui le fait et pour celui qui le voit. Pareil. Et voilà. Je pense que
c’est là où j’ai pris la décision de devenir comédienne.
Les enfants, ça te requinque !
JÉRÔME COLIN : Vous disiez c’est l’histoire d’un garçon qui veut devenir une fille, moi j’étais une fille qui voulait
devenir un garçon, c’est vrai ?
VICTORIA ABRIL : Oui c’est vrai ! C’est vrai.
JÉRÔME COLIN : Vous étiez une petite fille garçon manqué ?
VICTORIA ABRIL : Garçon manqué oui. Complètement.
JÉRÔME COLIN : Dites donc, vous avez bien changé ! Vous êtes très féminine.
VICTORIA ABRIL : Merci ! Ah oui mais c’est le temps. C’est avec le temps que j’ai amélioré. Les enfants aussi. Ah les
enfants ça te requinque.
JÉRÔME COLIN : C’est vrai ?
VICTORIA ABRIL : Ah oui.
JÉRÔME COLIN : Il y a des femmes qui disent que ça les détruit.
VICTORIA ABRIL : Non ! Impossible. Il se peut que les enfants viennent dans un moment où tu n’es pas prête, ou
que tu n’as pas le temps, tu n’as pas fini de t’inquiéter sur toi donc il se peut qu’il y ait des enfants qui arrivent au
mauvais moment mais sinon… Non parce qu’en plus c’est une constante, c’est pour la vie, tu vois ce n’est pas
saisonnier…
JÉRÔME COLIN : Oh que non.
VICTORIA ABRIL : Donc… après tu peux travailler, faires des histoires…. Mais quand tu arrives, tu entends « maman…
il faut que tu signes mon cahier… », u sais, ça te permet d’aimer la réalité dans laquelle on doit vivre, qui est souvent
beaucoup moins passionnante que les histoires et les films que tu fais, les personnages que tu fais. En plus tu sais
que tout ça ce n’est pas vrai, c’est de la fiction. Donc la réalité c’est plus dur à vivre.
JÉRÔME COLIN : Vous avez eu difficile à vivre, vous ?
VICTORIA ABRIL : Hein ?
JÉRÔME COLIN : Vous avez eu dur à vivre ?
VICTORIA ABRIL : Si j’ai eu dur à vivre ?
JÉRÔME COLIN : Vous êtes allée un peu à la rame ? La vie c’était dur à traverser ?
VICTORIA ABRIL : Heu la vie était dur entre… l’arrivée à Madrid, de 6 à 10, c’était des internats, enfermée, là je
n’étais pas… mais quand je suis sortie ! Oh j’ai trouvé que le monde était génial. D’ailleurs je continue à le trouver.
C’est-à-dire que quand tu as vécu 4 ans privée de ta liberté, d’horizon, d’autres choses, le jour où tu sors… c’est
comme quand tu sors de prison, ah putain elle est belle la vie ! J’étais avec des bonnes sœurs, enfin des bonnes
sœurs… Elles étaient immondes, c’était horrible. Voilà les pires années de ma vie je les ai vécues au début. Donc
après, que du bon, que du plat, tu vois il n’y a pas eu de mauvais moments.
JÉRÔME COLIN : C’est bien.
VICTORIA ABRIL : Oui.
ARRET ELVIS POMPILO
JÉRÔME COLIN : Je vous emmène quelque part.
VICTORIA ABRIL : Oui il va falloir que tu m’emmènes à l’hôtel. STP.
JÉRÔME COLIN : Par encore tout de suite.
VICTORIA ABRIL : Ah non pas encore tout de suite.
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JÉRÔME COLIN : Pas encore tout de suite. Je vais vous emmener là. Vous connaissez ce monsieur ? Il s’appelle Elvis
Pompilio.
VICTORIA ABRIL : Non.
JÉRÔME COLIN : C’est un des plus grands chapeliers du monde !
VICTORIA ABRIL : Chapelier ! Ah d’accord.
JÉRÔME COLIN : C’est vraiment un des plus grands du monde, un des plus célèbres au monde, créateur de chapeaux.
Il est belge !
VICTORIA ABRIL : Et il est belge.
JÉRÔME COLIN : Et il vous aime bien.
VICTORIA ABRIL : Et bien très bien.
JÉRÔME COLIN : On va le voir ?
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : C’est vraiment un grand hein.
VICTORIA ABRIL : D’accord.
JÉRÔME COLIN : Et voilà. Il vous a plu Elvis ?
VICTORIA ABRIL : Ah oui, beaucoup. Voilà, des artisans. 3h quand même.
JÉRÔME COLIN : Pour faire un chapeau.
VICTORIA ABRIL : Oui ce n’est pas beaucoup hein.
JÉRÔME COLIN : Non ce n’est pas beaucoup. Mais bon il a la main là maintenant je pense. Ça va si ça vous a plu,
tant mieux. Vous avez découvert quelque chose.
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Un grand artisan belge.
VICTORIA ABRIL : Absolument. D’ailleurs on va l’utiliser. Je dois faire des photos pour Victoire, et je vais proposer de
mettre les chapeaux sur ma tête.
JÉRÔME COLIN : Très bien, ils vont être très contents parce que vous verrez, ils connaissent Elvis Pompilio.
J’ai quitté mon mari, ma maison, mon pays, mon travail dans mon pays, pour suivre mon histoire d’amour à Paris !
JÉRÔME COLIN : C’est important pour vous d’être belle et élégante ? C’est quelque chose qui est important pour
vous dans la vie ?
VICTORIA ABRIL : Belle oui parce que ça veut dire être bien, contente et heureuse. Et qu’est-ce que ? Elégante ?
L’élégance qui m’intéresse elle est intérieure.
JÉRÔME COLIN : C’est ?
VICTORIA ABRIL : C’est à l’intérieur. Ce n’est pas ce que tu mets. L’élégance est à l’intérieur (en espagnol), ou pas.
JÉRÔME COLIN : Et vous arrivez à être élégante dans la vie ?
VICTORIA ABRIL : Et tu peux être élégant à poil. Si tu vois ce que je veux dire.
JÉRÔME COLIN : Mais je sais !
VICTORIA ABRIL : Donc la vraie élégance, c’est l’élégance de l’alma que je préfère. L’autre non, je ne suis pas très
élégante. Tu vois je suis toujours pleine de couleurs, ça ce n’est pas très élégant apparemment.
JÉRÔME COLIN : Ah bon ?
VICTORIA ABRIL : Oui. Ce n’est pas élégant mais je m’en fous.
JÉRÔME COLIN : Vous parvenez à être une femme élégante de l’intérieur tout le temps ?
VICTORIA ABRIL : Voilà. Ça, ça m’intéresse.
JÉRÔME COLIN : Vous vous êtes déjà posé cette question ? Est-ce que je suis foncièrement quelqu’un de bien ?
VICTORIA ABRIL : Si, si. Je ne me suis pas posé la question mais je suis comme ça.
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JÉRÔME COLIN : Grand cœur.
VICTORIA ABRIL : Oui. C’est mon cerveau. Ce qui n’est pas forcément très raisonnable.
JÉRÔME COLIN : Pourquoi ?
VICTORIA ABRIL : Parce que le cœur a des raisons que la raison ne connaît pas.
JÉRÔME COLIN : C’est quoi ce que vous avez fait de pire, de plus fou, par amour dans votre vie ? Le geste le plus
dingue que vous ayez fait ?
VICTORIA ABRIL : Tout quitter.
JÉRÔME COLIN : Comment ?
VICTORIA ABRIL : Tout quitter. Quitter mon mari, ma maison, mon pays, mon travail dans mon pays, pour venir
suivre mon histoire d’amour à Paris. Alors qu’on ne m’avait pas encore dit oui.
JÉRÔME COLIN : On ne vous avait pas encore dit oui ?
VICTORIA ABRIL : Non.
JÉRÔME COLIN : Non ! Vous avez tout quitté comme ça, vraiment et il ne vous avait pas encore dit oui ?
VICTORIA ABRIL : Voilà je t’ai dit que ce n’était pas très raisonnable, mais tu t’en fous, tu n’entends pas autre chose.
JÉRÔME COLIN : Mais vous saviez qu’il allait vous dire oui.
VICTORIA ABRIL : J’ai compté que sur ça. Mais il ne m’avait pas dit oui.
JÉRÔME COLIN : Vous avez fait comment ?
VICTORIA ABRIL : Ah ben j’ai pris le train avec mes valises.
JÉRÔME COLIN : Non, pour qu'il vous dise oui.
VICTORIA ABRIL : Hein ?
JÉRÔME COLIN : Pour qu’il vous dise oui.
VICTORIA ABRIL : Ben j’ai pris le train, je me suis présentée avec ma valise. Et voilà.
JÉRÔME COLIN : C’était bien ?
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VICTORIA ABRIL : Oui. C’était bien. C’était très bien.
JÉRÔME COLIN : C’est génial. Vous le referiez ? Si c’était à refaire ?
VICTORIA ABRIL : Si. Claro. Claro. Et encore plus maintenant parce qu’à l’époque je ne savais pas que cela être « la
gazolina » qui allait me faire marcher, mais maintenant je sais, donc j’hésiterais encore moins, et pourtant je n’ai pas
hésité à l’époque, mais j’hésiterais encore moins.
JÉRÔME COLIN : Vous avez réalisé tard que l’amour était important ?
VICTORIA ABRIL : Non. C’est-à-dire que tu ne te fais pas de question. Tu fais des choses, moi je fais et après je
réfléchis. Voilà. Ok. Mais ce n’est pas comme ça. D’abord on réfléchit et après on fait. Eh bien moi non. Je fais et
après je réfléchis pourquoi je le fais. Voilà. Après tu acceptes. Et puis c’est tout. Ça te prend du temps, l’acceptation
de soi-même. Jusqu’à l’arrivée des enfants je ne m’acceptais pas trop. Ben tu n’es jamais content, tu sais t’es brune
tu veux être blonde, t’es actrice tu voulais ressembler à Maryline mais t’es pas Maryline. Tu vois ce que je veux dire ?
Et après arrivent les enfants et pour la première fois tu te sens vraiment fière. A ce moment-là tu te dis bon je ne
suis pas Maryline mais ce n’est pas mal non plus Victoria. Mais ça vient plus tard. L’assurance ça vient plus tard.
Surtout parce que comme j’ai commencé à 14 ans à faire des rôles, des femmes formidables, belles, parce que le
cinéma c’est de la magie, et donc t’as toujours peur d’être en-dessous…
JÉRÔME COLIN : Du fantasme.
VICTORIA ABRIL : Oui, du fantasme des autres et en-dessous de ce qu’on te propose. C’est parce que c’est un film,
c’est parce que c’est un personnage, c’est parce que tu es maquillée, coiffée, on te fait dire des trucs fantastiques,
que pendant 2, 3 mois et bien tu te crois fantastique. Et puis après… voilà le tournage s’arrête, tous les atouts
disparaissent, donc c’est vrai que c’est les enfants qui quand les tournages sont arrêtés, les personnages fantastiques
sont arrêtés, que le rôle de maman…
JÉRÔME COLIN : Il était à la hauteur.
VICTORIA ABRIL : En fait la maternité c’est comme une espèce de boussole. Ça te donne le Nord tout le temps. Tu
ne perds pas ton pied-à-terre. Enfin tu ne perds pas la connexion avec la réalité. Parce que dans notre boulot on
passe son temps à… et d’ailleurs ça me convient très bien…
JÉRÔME COLIN : A vous faire perdre le contact avec la réalité.
VICTORIA ABRIL : Si, si, parce que la réalité est des fois, même, dernièrement, la crise… à chaque fois ils nous
oppriment, ils nous angoissent, ils nous empêchent d’être heureux. C’est vrai hein.
JÉRÔME COLIN : Qu’est-ce qui vous empêche d’être heureux ?
VICTORIA ABRIL : Ben la réalité, les moyens de communication…Tu allumes la télé et mon Dieu, c’est horrible.
JÉRÔME COLIN : C’est ça qui vous empêche d’être heureuse ?
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Foncièrement.
VICTORIA ABRIL : Si, si. Moi je n’arrive pas à être heureuse dans un monde malheureux.
JÉRÔME COLIN : Ah oui ? Moi je reste persuadé que la seule personne qui m’empêche d’être heureux au monde,
c’est moi.
VICTORIA ABRIL C’est vrai ?
JÉRÔME COLIN : Je crois. Ça fait peur mais…
VICTORIA ABRIL : Oui. Mais peut-être parce que tu te laisses trainer par la réalité, tu vois, les vents qui poussent, tu
sais comme les feuilles en automne, le vent les pousses, les ramasse, les colle contre un mur.
JÉRÔME COLIN : Un peu mais comment faire autrement ? On ne peut pas aller à l’avant de toutes nos envies, ce
n’est pas possible.
VICTORIA ABRIL : Non. Mais j’ai découvert que quand on fait du bien aux autres tu es quand même bien requinqué.
Tu vois ce que je veux dire. Si quand tu es amoureuse, tu sors, il pleut, ah que c’est joli la pluie, ah t’as vu quel gris
merveilleux… Des fois en plus, la réalité, tu regardes par là et ça ne va pas du tout, il suffit que tu tordes le cou et là
tu vois quelque chose qui te touche, les gens… Les gens sont formidables.
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En 5 ans, j’ai fait trois films avec Almodovar et 3 enfants !
JÉRÔME COLIN : Vous disiez tout à l’heure, entre 6 et 10 ans ça a été les pires années de ma vie chez les nonnes.
C’est bien, autant faire le pire au début de sa vie.
VICTORIA ABRIL : Voilà.
JÉRÔME COLIN : Ça laisse des traces quand le pire arrive au début de la vie, non ?
VICTORIA ABRIL : Ça laisse des traces ?
JÉRÔME COLIN : Des dégâts.
VICTORIA ABRIL : Oui ça fait un petit peu des dégâts mais…
JÉRÔME COLIN : Chez vous ça a été quoi ?
VICTORIA ABRIL : Chez moi ça a été quoi ? Peut-être l’insécurité. Quand tu n’es pas élevé dans l’amour, dans la
haute estime, c’est ça qui… j’ai passé, je ne sais pas, jusqu’aux enfants j’avais le syndrome de l’imposteur. Je me
disais oh mon Dieu, le jour où l’Espagne se réveillera, elle verra que je ne suis ni grande, ni belle, ni actrice, ni rien du
tout. J’avais ce syndrome. Et à chaque fois, même que je faisais beaucoup de films, mais à chaque fois évidemment,
à chaque film tu devais recommencer, chaque film tu devais faire mieux, ben à chaque film tu apprends ton métier
et ça a été à la trentaine que j’ai commencé, tu vois, à respirer un peu, voilà, ma self estime c’était… J’avais récupéré
un peu.
JÉRÔME COLIN : A quel âge faites-vous votre premier film avec Almodovar ?
VICTORIA ABRIL : Avec Almodovar, à 29.
JÉRÔME COLIN : « La loi du désir» ?
VICTORIA ABRIL : Non ça c’était avant, c’était 80… Mais « La loi du désir » c’était juste un petit coucou. Non
« Attache-moi » c’était 89.
JÉRÔME COLIN : Votre premier grand film avec Almodovar.
VICTORIA ABRIL : Le premier oui.
JÉRÔME COLIN : Qui est juste un chef-d’œuvre. On peut dire ça ? Vous êtes d’accord ?
VICTORIA ABRIL : Ecoute, la balle est dans ton camp. Moi je fais des films et toi…
JÉRÔME COLIN : Vous l’avez aimé ?
VICTORIA ABRIL : Oui. J’ai aimé celui-là. Encore plus le suivant, « Talons aiguilles ». C’était le deuxième, ça y est, on
se connaissait. Le premier film avec Almodovar tu sais tu es un peu sur le qui-vive mais le deuxième ça y est, j’avais
compris.
JÉRÔME COLIN : Et le troisième…
VICTORIA ABRIL : Et le troisième c’était « Kika », une grosse folie. Mais celui que je préfère c’est « Talons aiguilles ».
JÉRÔME COLIN : Magnifique.
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Qu’est-ce qui vous a amené ce réalisateur-là ? Parce que vous avez tourné effectivement 13 ou 14
films avec Vicente Aranda…
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Qui est l’homme, le réalisateur de votre vie visiblement, mais Almodovar, il vous a amené quoi ?
VICTORIA ABRIL : Ah ben ça a été en 5 ans, 3 films, 3 enfants. Faire un film c’est comme faire un enfant. Et après il a
sa vie propre, il part, comme les enfants, ils partent…
JÉRÔME COLIN : Mais humainement ça vous a apporté quoi ?
VICTORIA ABRIL : Humainement…
JÉRÔME COLIN : Rien peut-être.
VICTORIA ABRIL : Humainement, rien. En revanche c’était le début, le premier film avec Almodovar c’était le début
de l’Almodovar qui quittait l’underground pour devenir plus connu, en France, à l’extérieur. Donc c’était le début de
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l’expansion. Donc j’ai participé tu vois à qu’Almodovar arrête d’être un auteur underground, interdit, fou furieux,
pour rentrer dans les rails, une de la connaissance, il a commencé à faire des festivals et à être connu un petit peu
partout, il a commencé à être ce qu’il est maintenant. A l’extérieur de l’Espagne. Moi j’habitais déjà en France
depuis 10 ans donc à moi on me connaissait un petit peu et voilà, j’ai bien servi. J’ai bien servi pour… On a fait quoi ?
Pendant 5 ans, 3 films, ça a été non-stop, et puis les promotions avec lui c’est mondial, c’est l’Asie, c’est l’Amérique
du Sud, c’est l’Europe, donc…
JÉRÔME COLIN : Est-ce que des réalisateurs comme ça, quand on a travaillé avec eux, est-ce qu’aujourd’hui vous
attendez encore qu’ils vous appellent ? Pour vous dire j’ai quelque chose pour toi.
VICTORIA ABRIL : Non. Dans le cinéma on t’appelle pour un film. Donc déjà si tu as la chance d’en faire 2, ou 3, ou
14, ça c’est dans le domaine de l’insolite. Sinon normalement c’est un film. La plupart c’est un film. Mais bon j’ai
quand même été au long de ma vie assez fidèle. J’ai eu Vicente Aranda, Agustin Diaz Yanes avec qui j’en ai fait 5, ici
en France avec Le Splendide, Jugnot…
JÉRÔME COLIN : Balasko.
VICTORIA ABRIL : Et Balasko. Aussi tu vois il y a eu une période où on a fait 4, 5 films ensemble, plus la pièce de
théâtre de Balasko, au Splendide, « Nuit d’ivresse ».
JÉRÔME COLIN : Vos plus gros succès avec eux c’est « Nuit d’ivresse » et « Gazon maudit ».
VICTORIA ABRIL : « Gazon maudit ».
JÉRÔME COLIN : Qui a été un succès très grand.
VICTORIA ABRIL : Et puis avec Jugnot il y avait « Une époque formidable » qui avait bien marché à l’époque.
JÉRÔME COLIN : Très beau.
VICTORIA ABRIL : Qu’est-ce qu’il y avait d’autre ? « Sans peur et sans reproche ».
JÉRÔME COLIN : « On viole, on viole, et puis on s’attache ».
VICTORIA ABRIL : « On viole, on viole, et puis on s’attache », voilà. C’était…
JÉRÔME COLIN : C’était très marrant.
VICTORIA ABRIL : Donc tu vois, comédie, tu vois là, la France c’était comédie. Comédie. Donc j’étais bien contente,
tu vois, quand on fait des tragédies, une comédie c’est bien. Tu vois, dans l’année, une comédie et une tragédie,
c’est parfait.
« Personne ne parlera de nous quand nous serons mortes » !
JÉRÔME COLIN : Vous aviez fait un film qui avait marqué en Espagne, si je me souviens bien, qui s’appelait
« Personne ne parlera de nous quand nous serons mortes ».
VICTORIA ABRIL : Agustin Diaz Yanes. J’ai fait 5 films avec lui. Lui c’était le premier. C’est moi qui l’ai poussé à faire
la mise en scène. J’ai lui ai dit, si tu ne fais pas… C’était, celui-là c’était le 4ème film qu’il écrivait mais il ne mettait pas
en scène, donc celui-là je lui ai dit soit tu mets en scène, soit je ne le fais pas.
JÉRÔME COLIN : C’était quoi ce film.
VICTORIA ABRIL : Oh, tu ne peux pas me faire ça ! Si, si, je vais te le faire. Soit tu diriges… Parce qu’il écrivait des
scénarios fantastiques et après il demandait à quelqu’un d’autre de le réaliser. Résultat, médiocre. Ce n’était jamais
à la hauteur de… le scénario était mieux que le film. Donc je lui ai dit écoute, fais le film ! Fais le film, toi qui l’as
écrit, fais-le, on le fait ensemble, et si on se plante, on se plante nous, il n’y a pas quelqu’un d’autre qui se plante à
notre place. Et voilà. Ça a été… Lui était professeur d’histoire à l’Université américaine et je le connaissais par des…
des toros, et un jour il m’a passé un scénario, je l’ai lu, c’était… c’était tellement bon qu’après Banderas, Antonio
Banderas et Carmen Maura, on a fait le film.
JÉRÔME COLIN : C’était ?
VICTORIA ABRIL : « Bâton rouge ».
JÉRÔME COLIN : Ok.
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VICTORIA ABRIL : « Bâton rouge ». A chaque fois il m’écrivait des rôles que tu ne peux pas dire non. Tu ne peux pas
dire non. Le premier c’était une méchante, le deuxième c’était une aveugle mais qui devait paraître non aveugle
pour que l’assassin fasse la connerie qu’il doit faire, donc ça sert d’appât. Une aveugle, qui ne voit pas en fait mais
qui doit faire semblant de voir. Alors qu’elle ne voit pas. L’autre c’était « Demasiado corazon », deux jumelles, c’est
toujours un travail intéressant et après c’était « Personne ne parlera de nous quand nous serons mortes ». Et là il a
eu tous les prix.
JÉRÔME COLIN : Les Goyas…
VICTORIA ABRIL : Todo, Goyas… 25 prix il a eu ce film.
JÉRÔME COLIN : C’était quoi ?
VICTORIA ABRIL : Hein ?
JÉRÔME COLIN : Je ne l’ai pas vu, c’était quoi ? Tout le monde me dit que c’est sublime.
VICTORIA ABRIL : C’était sublime. Non, regarde le, ce film ça ne se raconte pas… chaque plan numéroté, un film
d’auteur, un film d’auteur, aussi une tragédie, c’était une femme mariée avec un torero qui vient de se faire prendre
par un taureau et qui reste à l’état végétal. Qui le soigne, le lave, tous les jours. Et c’était la relation aussi avec la
mère du mari. Et voilà, c’est une femme qui commence le film à genoux et qui finit debout.
JÉRÔME COLIN : Ça, ça vous plait.
VICTORIA ABRIL : Ah oui !
JÉRÔME COLIN : Ça vous plait ça hein. Quand on se relève.
VICTORIA ABRIL : Si, si, parce que dans la vie tu ne peux pas empêcher de tomber, par contre il faut bien travailler
l’art de se relever. Tu comprends ? L’arte de levantarse. Tomber tu ne peux pas l’éviter. Levantarse ! Voilà. Et de
plus en plus vite et…
JÉRÔME COLIN : Vous vous êtes toujours relevée, vous ?
VICTORIA ABRIL : Ah oui ! Et pourtant je suis tombée ! Je peux te dire que j’ai tombé. Mais le cul par terre. Mais
voilà. L’arte de lavantarse.
JÉRÔME COLIN : Qu’est-ce qui vous a fait tomber le cul par terre ?
VICTORIA ABRIL : Tout, tout. Ma propre maladresse. Ma propre inculture. Tout. Tout m’a fait tomber. Mais c’est ça
qui m’a fait apprendre. Les succès ne t’apprennent rien. C’est agréable. Les producteurs sont contents. Ça permet
de faire peut-être un autre film après, mais tu n’apprends rien. Par contre avec los fracaso…
JÉRÔME COLIN : Les échecs.
VICTORIA ABRIL : Les échecs, il n’y a que ça, il n’y a que ça qui t’apprend. Tu vois comme les échecs aussi, ça te fait
réfléchir.
ARRET FLEURISTE
JÉRÔME COLIN : Je vous laisse toute seule 30’’, j’arrive tout de suite. Restez bien là.
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Vous pouvez faire ce que vous voulez.
VICTORIA ABRIL : D’accord.
JÉRÔME COLIN : Voilà je voulais vous offrir des fleurs tout de même.
VICTORIA ABRIL : Oh, trop joli, merci !
JÉRÔME COLIN : C’est la moindre des choses.
VICTORIA ABRIL : Merci. Oh merde j’avais mis un caramel…
JÉRÔME COLIN : Ben vous avez le droit hein.
VICTORIA ABRIL : On a fini.
JÉRÔME COLIN : Non, vous avez le droit d’en manger un.
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VICTORIA ABRIL : C’est bon quand même.
JÉRÔME COLIN : Elles sont jolies ces fleurs.
VICTORIA ABRIL : Oui.
Jusqu’à mes 14 ans, je croyais mon père mort !
JÉRÔME COLIN : On parlait des dégâts que fait l’enfance, tout à l’heure, et vous il y avait une grande interrogation
quand vous étiez gamine, c’est-à-dire que vous ne saviez pas si votre père existait ou pas.
VICTORIA ABRIL : Non, non…
JÉRÔME COLIN : S’il était vivant ou pas. C’est ça.
VICTORIA ABRIL : Non, non, il était mort. Mon père était mort…
JÉRÔME COLIN : On vous a dit…
VICTORIA ABRIL : Mon père est mort deux fois. Jusqu’à 14 ans il a été mort, donc il est mort, tu ne te poses pas de
question, il est mort, il est mort. Tout ça c’était un sujet tabou, on n’en parle pas.
JÉRÔME COLIN : Mais on vous a dit ça quand vous étiez petite. Vous ne l’avez jamais vu.
VICTORIA ABRIL : Et puis après, à 14 ans, j’ai appris par ma grand-mère, qui n’était pas bien, elle nous a lâché : il faut
que je vous dise, votre père est vivant. Il est ingénieur des chaussées et ponts, il travaille au ministère de la
républica, voilà, il est vivant. Donc là, tout d’un coup ton père existe, vit, dans la même ville que toi. Et tu ne le
connais pas. Là ça a été dur. Pendant 2 ans j’ai été un peu fâchée. Quand même il est là, on est là, dans la même
ville, on ne s’est jamais vu, quel salaud. Et après, au bout de 2 ans, j’ai dit bon, salaud ou pas, j’avais envie de voir sa
tête. Je ne l’avais pas vu. On ne savait pas la tête qu’il avait. Il n’y avait pas de photo, ma mère avait coupé toutes
les photos. Donc on ne savait pas quelle tête il avait. Et ma sœur a dit tiens, je vais aller, je vais me présenter au
ministère et je vais demander à lui parler. Je dis oh, tu vas lui dire quoi ? Je m’appelle machin, vous vous rappelez
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de moi. Si on ne se connaît pas c’est parce qu’il n’a pas envie. Tu ne vas pas aller… Si, si, je vais y aller. Donc elle y
va et là c’est… là c’est… on dirait un film. La secrétaire… elle lui demande monsieur untel, et la secrétaire dit oh mais
on ne vous a pas prévenue ? Il est mort cette nuit.
JÉRÔME COLIN : Non !
VICTORIA ABRIL : Complètement. Donc il est re-mort, re-mouru encore une fois.
JÉRÔME COLIN : Non.
VICTORIA ABRIL : Et cette fois-ci pour de vrai.
JÉRÔME COLIN : Le jour où vous allez le voir on vous dit il est mort cette nuit.
VICTORIA ABRIL : Horrible.
JÉRÔME COLIN : Donc vous ne l’avez pas vu.
VICTORIA ABRIL : Non, mais après, bon ça nous a pris 10 ans, mais la famille, parce qu’il était marié, avec une autre
femme, il avait 4 garçons, pas une fille, 4 garçons, nous on était 2 filles, et là c’était 4 garçons, et là petit à petit on a
commencé à se connaître avec les frères, mes frères, qui n’avaient rien à voir avec nous, et à tous on a demandé la
même chose : est-ce que tu peux nous envoyer une photo pour voir la tête… Le premier n’a rien fait, le deuxième
non plus… Bon d’abord on a parlé avec la mère, elle était un peu inquiète la mère, enfin sa femme, elle pensait qu’on
allait demander quelque chose. Non on ne voulait qu’une photo. Donc oui je vous enverrai ça, mais elle ne l’a pas
fait. Donc après on a tâté les frères et comme ça petit à petit, on attendait un peu, pas de nouvelles, l’autre, l’autre,
et puis finalement quand on arrive au troisième je dis bon moi j’en ai marre de demander des services qu’ils ne vont
pas nous donner, donc on arrête, il s’est passé 10 ans quand même à demander une photo qui ne venait jamais et
puis un jour on arrive à la maison, j’arrive à la maison et dans mon lit il y avait une lettre, une enveloppe, avec ma
sœur qui disait ça y est, il est là, tu peux t’asseoir. Et en fait dedans il y avait une photo de mon père. Et je ne sais
pas, je crois que ça m’a pris…je l’ai couverte, je ne voulais pas le voir d’un coup, donc j’ai découvert, j’ai commencé à
regarder d’abord par le front, j’ai caché tout, le front, les cheveux, le front, les sourcils, les yeux, là tu t’arrêtes.
Après le nez, c’est exactement comme le tien. La bouche. Ça m’a pris, je ne sais pas, ça m’a pris 2, 3h à découvrir…
parce que tu as le temps normalement, pour ton père, tu l’entends d’abord quand tu es bébé, petit à petit, tu as du
temps pour se connaître, mais quand c’est d’un coup, c’est violent. Mais voilà. Tu vois qu’effectivement le nez
c’est… il ne peut pas le nier, il ne pouvait pas le nier.
JÉRÔME COLIN : On pardonne ça ?
VICTORIA ABRIL : Si ! Gravo. Si, parce que si tu ne pardonnes pas tu n’as pas la paix.
JÉRÔME COLIN : Oui mais ce n’est pas facile.
VICTORIA ABRIL : Oui mais je te dis, j’ai passé 2 ans fâchée et après… mais tu vois ça ne sert à rien de se fâcher parce
que tu vois si je ne m’étais pas fâchée peut-être que j’aurais pu le connaître avant qu’il ne meurt. Comme quoi.
JÉRÔME COLIN : On fait ce qu’on peut dans la vie hein.
VICTORIA ABRIL : Voilà.
JÉRÔME COLIN : Ca a renforcé votre sentiment maternel, à vous ? D’être absolument une bonne mère.
VICTORIA ABRIL : Ah oui ! Oui c’est pour ça que je t’ai dit que l’arrivée des enfants ça m’a requinquée, équilibrée,
stabilisée, j’ai arrêté d’avoir le syndrome de l’imposteur, ce qui n’est pas non plus très compliqué, si ton père ne veut
même pas te connaître ben c’est normal qu’après tu te poses des questions, tu vois, si tu as tout ce qu’il faut, si c’est
assez…
JÉRÔME COLIN : Carrément.
VICTORIA ABRIL : Donc voilà.
JÉRÔME COLIN : On n’est plus très loin de l’hôtel hein. On arrive.
VICTORIA ABRIL : Très bien.
JÉRÔME COLIN : Quelques minutes.
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Moi, je vide les orphelinats et c’est le pied !
JÉRÔME COLIN : C’est dingue, j’ai découvert un truc, vous êtes comédienne, chanteuse, mais vous êtes peintre aussi.
VICTORIA ABRIL : Je ne suis pas quoi ?
JÉRÔME COLIN : Peintre.
VICTORIA ABRIL : Si !
JÉRÔME COLIN : Vous peignez.
VICTORIA ABRIL : Si !
JÉRÔME COLIN : J’ai vu ça sur votre site Internet.
VICTORIA ABRIL : Si. Enfin je suis devenue artiste… J’ai des enfants en Afrique, je m’occupe de vider les orphelinats.
Tu sais comme j’ai été dans des orphelinats et je n’aime pas ça, et en fait en Afrique, 90 % des gamins qui sont dans
des orphelinats sont juste pauvres, ils ne sont pas orphelins. Donc nous notre association, Orphan Aid Africa, ce
qu’elle fait, c’est qu’on trouve les parents et le gouvernement envoie l’enfant chez lui et nous on donne à l’enfant,
on ramène l’enfant avec un pain sous le bras, c’est-à-dire qu’on aide la famille à les soutenir.
JÉRÔME COLIN : Dans sa famille.
VICTORIA ABRIL : Oui, sa famille. Sa famille. S’il n’a pas de famille on lui cherche une autre famille. Parce que les
institutions ce n’est pas un endroit pour les enfants. Tu ne mérites pas ça, de vivre jusqu’à 16 ans, enfermé, tu n’as
rien fait de mal. Donc voilà, nous on vide les orphelinats. Au lieu de les ouvrir, on les ferme. On en a fermé déjà 2.
Quinientos. 500 enfants sont chez eux. Avec leurs parents. Et on aide la famille. La famille c’est la seule institution
convenable pour un enfant. La propre ou une autre mais pas dans des institutions.
JÉRÔME COLIN : Les institutions vous ont meurtrie quand vous étiez gamine ?
VICTORIA ABRIL : Si, si. Ben je t’ai dit, c’était les seules 4 années malheureuses de ma vie.
JÉRÔME COLIN : C’était un orphelinat ? Ce n’était pas un orphelinat.
VICTORIA ABRIL : Si, si.
JÉRÔME COLIN : C’était un orphelinat.
VICTORIA ABRIL : Si, on était très pauvres, ma mère était en plus catholiques, un pays catholique à la con, ma mère
avec 3 enfants et pas mariée, donc déjà tu ne trouves pas du boulot, il faut que tu les caches, tes enfants. Il fallait les
mettre… Donc c’était, oui c’était des institutions. Franco, on avait froid, on avait faim... Moi j’ai survécu parce que je
savais que je n’appartenais pas à ça. Je le savais. Je savais que je n’appartenais pas… que c’était provisoire. Mais
donc, tout ça pour te dire que pour trouver des sous, on m’avait demandé de faire un tableau pour une vente aux
enchères et l’argent de la vente partait pour Orphan Aid Africa. Donc je m’y suis mis et j’en ai fait un, deux, je me
suis dit tiens, je ne suis pas peintre donc je vais faire un autoportrait. Il s’appelle « Infinita Tristeza ». Le premier.
JÉRÔME COLIN : Oui. « L’infinie tristesse ».
VICTORIA ABRIL : « Infinita Tristeza ». Et après, on en avait besoin que d’un mais après j’en ai fait d’autres donc c’est
dans l’idée… una idea de uno concepto pour faire une expo. Vendre plus et avec cet argent…
JÉRÔME COLIN : Vider les orphelinats.
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Ça vous excite ça, ça vous plait.
VICTORIA ABRIL : Oui. Parce que ça suffit. Ma mère disait un truc que je n’avais pas compris jusqu’à il y a 2 jours, elle
me dit : il n’y a rien de pire que le mal et c’est le bien à moitié.
JÉRÔME COLIN : Répétez ça.
VICTORIA ABRIL : «Il n’y a rien de pire que le mal et c’est le bien à moitié ». C’est vrai qu’on aide, on essaie d’aider les
autres en Afrique mais on ne fait jamais ce qu’il faut, alors avant, nous, même nous avant on s’occupait d’améliorer
les orphelinats, on dépensait beaucoup de sous à essayer d’améliorer l’état des orphelinats, former le personnel qui
s’occupe des enfants, leur donner au moins un matelas pour dormir, des vêtements, mais on s’est rendu compte que
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c’était comme une espèce d’argent que tu mettais…oui on améliorait un peu mais de toute façon c’était toujours pas
possible, c’était toujours pas une solution.
JÉRÔME COLIN : Une solution convenable.
VICTORIA ABRIL : Pas une solution. Et ça nous a pris 10 ans, c’est depuis 2002 qu’on s’en occupe, ça nous a pris 10
ans à comprendre que la meilleure façon d’aider un enfant c’est de le renvoyer chez lui. Et là maintenant on ne
donne plus un sou à l’orphelinat, direct aux familles, qui sont dans le besoin, pauvres, extrêmement pauvres, c’est
pour ça qu’ils abandonnent les enfants, parce qu’ils ne peuvent pas s’en occuper. Ils en ont beaucoup. A 30 ans les
femmes en ont déjà 7, 8. Donc avec l’argent qui arrive, tu aides toute la famille. Et c’est beaucoup moins cher. Et là
c’est le vrai pied. Vider les orphelinats c’est un vrai pied. Quand on me demande : qu’est-ce que tu as fait de bien ?
Moi, j’ai vidé deux orphelinats ! Et voilà, et y’en a encore. Il y a 5000 enfants rien qu’au Ghana, qui sont dans des
institutions et qui ne sont pas orphelins. On fait ce qu’on peut parce qu’on est très petit. On est très petit.
JÉRÔME COLIN : C’est bien déjà de faire un peu.
VICTORIA ABRIL : Ouais. Ah oui c’est bien.
JÉRÔME COLIN : Enorme.
VICTORIA ABRIL : Oui parce que les enfants ce n’est pas des numéros, c’est des enfants que tu connais et qu’après tu
suis. Ce n’est pas bon je te donne une petite monnaie, démerde-toi. Qu’après tu suis. C’est bien. Et puis pour les
enfants qui ont 16 ans, qui sortent des orphelinats, sans éducation, sans famille, sans argent, et surtout l’extérieur,
ils ne connaissent pas, ils ont tous besoin d’un psychiatre hein. Quand tu sors des orphelinats la première chose à
faire c’est psychologue, psychiatre et puis tu vois comme ils ont vécu enfermés ils n’ont pas la connaissance
extérieure. Donc il faut leur apprendre un métier… C’est difficile. C’est beaucoup plus facile d’aider un enfant qui
est dans sa famille, aider la famille pour que cet enfant puisse aller à l’école, un minimum de suivi médical, que
récupérer un enfant qui a été enfermé et là maintenant il a des problèmes psychologicos… C’est compliqué. C’est
très compliqué. Donc c’est mieux de prendre le problème à la racine et la racine c’est ça. Les orphelinats, si on ne
veut pas avoir les effets secondaires après, c’est mieux qu’ils n’existent pas.
« … Il faut reconstruire le mariage tous les jours avant le petit déjeuner »
JÉRÔME COLIN : Vous pouvez ouvrir ceci.
VICTORIA ABRIL : Ah !
JÉRÔME COLIN : Qu’est-ce qu’il est écrit ?
VICTORIA ABRIL : « Les problèmes du mariage c’est qu’il meurt toutes les nuits après l’amour et qu’il faut le
reconstruire tous les matins avant le petit déjeuner », Garcia Marquez.
JÉRÔME COLIN : Garcia Marquez. Ça vous parle ça ?
VICTORIA ABRIL : Oui. Donc…
JÉRÔME COLIN : Il faut reconstruire le mariage tous les jours avant le petit déjeuner.
VICTORIA ABRIL : Oui ça se maintient mais ça le mariage c’est comme un jardin, ça se maintient, ça s’arrose, ça se
coupe, ça se laisse tranquilliser, l’hiver il n’y a pas de sève, de floraison… Oui. Il ne faut pas de toute façon essayer
vouloir l’été tous les jours, c’est pour ça que les saisons sont là.
JÉRÔME COLIN : C’est triste ça.
VICTORIA ABRIL : Non.
JÉRÔME COLIN : Moi je ne suis pas prêt du tout à encore me dire ça. Que dans l’amour ça ne peut pas être l’été tous
les jours.
VICTORIA ABRIL : Non.
JÉRÔME COLIN : Mais oui, pourquoi ? Moi je veux que ce soit l’été tous les jours.
VICTORIA ABRIL : Ben non. C’est comme le temps. Il y a l’été, ça ne peut pas être l’été tout le temps, tu ne peux pas
être en vacances tout le temps.
Regardez la rediffusion d’ Hep Taxi ! avec Victoria Abril le 10 février sur la Deux
JÉRÔME COLIN : Pas les vacances. Il faut que ce soit bien tout le temps.
VICTORIA ABRIL : Il y a des moments où il fait très froid, des moments où il pleut, il y a des moments où ça fleurit, il y
a des moments où il fait très chaud, c’est ça qui est bien. Ben oui. Même le paradis, si te le donnais tous les jours tu
dirais oh, encore le paradis ! Hein, tu me râlerais encore.
JÉRÔME COLIN : Probablement. Donc ce qui est bien c’est qu’après un hiver de 9 mois, l’été arrive, putain qu’est-ce
qu’on est content ! Là je suis un peu inquiète parce que l’hiver n’a même pas commencé et j’ai déjà froid.
JÉRÔME COLIN : C’est mal barré.
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Mais bon, vous avez des beaux chapeaux.
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Pour vous protéger.
VICTORIA ABRIL : Voilà.
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JÉRÔME COLIN : Vous pouvez prendre celle-ci aussi. Un compatriote cette fois, je pense.
VICTORIA ABRIL : Garcia Marquez c’est sud-américain. Et là il dit « L’unique chose dont le monde n’aura jamais assez
est l’exagération », Salvador Dali. Tout à fait !
JÉRÔME COLIN : Vous êtes d’accord ?
VICTORIA ABRIL : Tout à fait.
JÉRÔME COLIN : Jamais assez de folie ?
VICTORIA ABRIL : Oui. De folie. Ah bien oui. Il est bête l’être humain. Enfin, il disait ça pour lui sûrement. Parce que
c’est vrai que lui était haut et fort en couleurs. Il m’amusait beaucoup. En fait tous les surréalistes.
JÉRÔME COLIN : Vous en avez connus des grands artistes comme ça ? Des génies.
VICTORIA ABRIL : Des génies ?
JÉRÔME COLIN : Vous en avez croisé dans votre vie, vous les avez côtoyez ?
VICTORIA ABRIL : es génies comme lui…Dans mon domaine oui. Dans mon domaine j’ai connu quand même des
gens très talentueux, mais des génies… Mais j’ai connu des génies anonymes hein. J’ai plus connu des génies
anonymes que dans mon métier.
JÉRÔME COLIN : Dites donc, vous avez hein !
VICTORIA ABRIL : Ben c’est toi qui demande, alors je réponds moi. Je suis polie.
JÉRÔME COLIN : C’est vrai. Vous mangez beaucoup de bonbons mais vous êtes polie.
VICTORIA ABRIL : C’est toujours le même.
JÉRÔME COLIN : C’est toujours le même !
VICTORIA ABRIL : Il est énorme.
JÉRÔME COLIN : Vous allez faire la journée avec.
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Et nous y sommes. N’oubliez pas vos chapeaux.
VICTORIA ABRIL : Non. Ah non ! Mes jolis chapeaux. On va faire des photos avec.
JÉRÔME COLIN : Allez, vous pouvez sortir avec un.
VICTORIA ABRIL : Oui ?
JÉRÔME COLIN : Vous pouvez en mettre un.
VICTORIA ABRIL : Je peux en mettre un ?
JÉRÔME COLIN : Pour sortir.
VICTORIA ABRIL : Le mien.
JÉRÔME COLIN : Ah vous avez choisi un bonnet.
VICTORIA ABRIL : Oui.
JÉRÔME COLIN : Avec des manches.
VICTORIA ABRIL : Oui. Ça c’est un pantalon. Excuse-moi hein.
JÉRÔME COLIN : Ah c’est un pantalon.
VICTORIA ABRIL : C’est un pantalon.
JÉRÔME COLIN : Très beau.
VICTORIA ABRIL : Voilà.
JÉRÔME COLIN : C’est très bien pour rentrer à l’hôtel Amigo.
VICTORIA ABRIL : Hein ?
JÉRÔME COLIN : C’est très bien pour rentrer à l’hôtel Amigo.
VICTORIA ABRIL : Ah oui absolument.
JÉRÔME COLIN : Une jolie coiffe.
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VICTORIA ABRIL : C’est fou la quantité de noms espagnols qu’il y a… café Malaga, l’hôtel s’appelle Amigo… Avenida…
C’est fou. Des noms en espagnol ! Dolores. Café Dolores ! Tout ça à pied. Par ici.
JÉRÔME COLIN : Vous savez qu’il y a une énorme communauté espagnole à Bruxelles.
VICTORIA ABRIL : Enorme !
JÉRÔME COLIN : Oui, plein. Moi je suis très souvent avec une communauté de galiciens.
VICTORIA ABRIL : Galiegos.
JÉRÔME COLIN : Je vous remercie.
VICTORIA ABRIL : Moi aussi.
JÉRÔME COLIN : C’était un plaisir.
VICTORIA ABRIL : Ça veut dire qu’on sort ?
JÉRÔME COLIN : On est arrivé. Vous êtes arrivée. Bonne journée.
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