La vie des Vendevillois pendant la première guerre mondiale

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La vie des Vendevillois pendant la première guerre mondiale
1915-1920 Vendeville reçoit de l’aide alimentaire
La vie des Vendevillois pendant la Première Guerre Mondiale
Au village, les années qui précèdent le conflit sont fortement marquées par
l’importance de l’administration militaire. Le service militaire suite à la loi de 1905
concerne tous les hommes jusque 47 ans.
Un régiment d’infanterie de 3500 hommes a besoin de 127 chevaux pour sa
logistique. Par conséquent, dans le village, chaque année, en janvier, il y a un
recensement des chevaux qui sont, comme les hommes, mobilisables jusque l’âge de
17 ans. Seuls en sont dispensés les chevaux de moins de 6 ans, les juments pleines et
les chevaux réformés par la commission. Un cheval sur quatre sera mobilisé. Pour
l’année 1881, 52 chevaux sont déclarés bons pour le service à Vendeville. De plus, il
est procédé à une déclaration des véhicules auprès des services municipaux. Nous
savons ainsi qu’il y a eu 1881, 1 voiture à deux roues et un cheval, 11 chariots à 4 roues
et un cheval, 11 chariots à 4 roues et 2 chevaux.
Au début de la guerre, la gendarmerie est désorganisée, la plus grande partie
des effectifs est reversée dans la prévôté (gendarmerie militaire chargée de la
surveillance des troupes à l’arrière du front), 10 Vendevillois assurent les fonctions de
garde civil pour la sécurité de la commune, en plus du garde champêtre et du gardechasse.
La région lilloise est concernée par les combats en octobre. Très vite, le front se
stabilise à 15km. Le corps d’armée qui combat à Fromelles a son état-major à Seclin.
L’Allemagne n’a pour ainsi dire pas de colonies et ses approvisionnements sont réduits
du fait du blocus maritime des alliés. Par conséquent, l’armée doit trouver ses
approvisionnements dans sa zone de résidence conformément à la directive officielle
Kriegs-Etappen-Ordnund imprimé avant l’invasion. Seclin est le siège d’une
kommandantur d’étape qui a des antennes dans tous les villages voisins (Orst
Kommandantur). Celle de Vendeville est dirigée par un capitaine (Hauptmann ou
Rittmeister), à certaines époques par un lieutenant (oberlieutnant). Le fait d’affecter à
ce poste un officier indique l’importance donnée à cette fonction. Il est assisté par un
chef de culture (Landwache) chargé de surveiller le travail forcé des villageois dans les
champs.
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En même temps, l’administration française subsiste. Notre Maire, Louis BUISINE doit
donner suite aux injonctions de l’occupant. Il se fait aider par le seul échelon
administratif qui reste. La mairie de Lille émet du papier monnaie, les bons
communaux. Ceux-ci permettent aux communes voisines de régler les dépenses qui
leur incombent : allocations militaires, allocations chômage, taxes imposées par
l’occupant et achat de denrées alimentaires.
Dès décembre 1914, soit deux mois après les combats, la structure est en place.
Les réquisitions commencent. Le premier bon de réquisition connu, date du 19
décembre 1914. Il est signé par un lieutenant du 7° d’artillerie et rédigé en français et
en allemand : Nous donnons la quittance que nous avons loué de Mr Brel, 1 grand
chariot jusqu’à nouvel ordre. Le cachet de Kommandantur locale, ne lui ayant pas
encore été fourni, il authentifie son acte avec celui de la mairie.
Les soldats sont logés dans les bâtiments des fermes et les gradés dans les
maisons où ils réquisitionnent les plus belles pièces. Les vendevillois sont surveillés de
près. Ils ne peuvent quitter le village qu’avec un laisser passer. Une circulaire du 31
août 1915 du Gouvernement allemand de Lille fait établir des listes de domicile par les
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mairies. Un exemplaire de la liste des occupants de la maison sera conservé à la mairie
et l’autre appliqué dans un endroit bien visible du corridor ou du vestibule de chaque
maison. Toute personne de plus de 14 ans doit être en permanence porteur d’une
carte d’identité avec photographie et signalement, rouge pour les hommes et bleue
pour les femmes. Il faut rappeler que la carte d’identité ne sera obligatoire en France
qu’entre 1943 et 1955. Une fois par mois à certains moments, chaque semaine à
d’autres, un dimanche matin les hommes mobilisables, c’est-à-dire de 17 à 50 ans se
présentent dans la cour de la mairie pour l’appel.
Toutes les ressources d’alimentation sont répertoriées et les ordres de
réquisition concernent la commune. Le 9 décembre 1915, la commune doit fournir 15
tonnes de pommes de terre à la commune de Wattignies, le 18 janvier 1916, 18
tonnes. 708 œufs sont réquisitionnés le 3 juillet, deux mois plus tard la commune doit
fournir 2 coqs et 30 poules. Parfois les achats sont payés comme en atteste le
bordereau d’achat d’une vache à Monsieur Carré le 30 aout 1916. Tous les bons de
réquisition n’ont pas été conservés, mais ces quelques exemples attestent de la
violence du prélèvement qui fait que les Vendevillois ne pouvaient pas manger à leur
faim.
Ces spoliations alimentaires sont aggravées par la réquisition de tout le matériel
qui peut être utilisé à la guerre. Les clôtures des prairies sont démontées et le fil
barbelé mis en rouleaux pour être envoyé au tranchées. A cette occasion les réseaux
de fils barbelés qui protègent le fort de Vendeville sont eux aussi récupérés. En 1916, à
la veille des récoltes, les boules de ficelle de moissonneuse qui servent à lier les gerbes
de blé sont elles aussi réquisitionnées (24 boules chez Buisine, 3 chez Deleu, 3 chez
Rusquart). La moisson ne peut que prendre du retard. Quelques temps plus tard, ce
sont les sacs de toile de blé qui sont collectés, au total 390 sacs pour la commune. Il
n’y plus un seul vélo à Vendeville. Quant à la cloche de l’église, elle a été démontée et
emportée dès 1915.
Nous ne disposons pour la commune que d’une seule notification d’amende, il y
en a eu beaucoup, toutefois, elle atteste de l’aspect tatillon des contrôles. Des règles
sanitaires très sévères sont édictées concernant les maisons (aération, désinfection,
balayage). L’occupant surveille de près les étables pour que les chevaux soient
maintenus en bonne santé pour une réquisition. Madame Veuve Leclercq sera
condamnée à une amende de cinquante francs pour ne pas avoir été économe avec la
paille pour les litières. A soixante-dix kilomètres plus au sud, mon ancêtre Gustave
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Loisel aura la même amende. Il y avait surement une directive administrative sur ce
point. L’amende se paie en francs pour faire sortir l’argent caché.
L’absence des hommes, les réquisitions de chevaux et de véhicules, ainsi que le
pillage des denrées pour nourrir les soldats au front produisent une situation de
famine dans le village.
Dès 1915, des pays neutres organisent sous la direction de Herbert HOOVER, qui
sera élu président des U.S.A. en 1928, une distribution d’aide alimentaire à la
population de la Belgique, occupée dans le cadre du C.R.B. (Comitee for Relief of
Belgium, et non pas Croix Rouge Belge comme disent les bénéficiaires). Le Comité
National de Secours et d’Alimentation du Nord de la France en est une branche très
importante. Contrairement à ce qui est dit dans le pays, la France paie en sous-main
les denrées distribuées. Nous disposons grâce à la courtoisie de Monsieur DEHEEGHER
(Nord Cartophile) d’une carte postale qui immortalise une distribution d’aide
alimentaire dans la cour de la mairie. En costume cravate, le Maire Louis BUISINE dirige
la distribution, à sa droite le garde champêtre Henri PETIT, régisseur et délégué pour le
comité américain pèse, quatre dames les assistent. En agrandissant la photographie,
on découvre des boites de lait concentré suédoises. La présence d’une scie et de
couteaux de boucher indiquent la présence de viande probablement du bœuf séché ou
du lard. Sur la balance, un sachet, des légumes secs ou du riz. La sérénité apparente
des personnages ne doit cependant pas occulter la réalité. A Seclin, le comité fournit
110 à 1300 calories par habitant, soit la moitié des besoins théoriques quotidiens. Chez
nous, la situation ne devait être meilleure.
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Suite à la libération de Vendeville par les anglais le 13 octobre 1918, il faudra
deux ou trois ans pour revenir à une situation normale. A l’école les enfants mangent
des biscuits vitaminés. En décembre 1919, la farine est contingentée et son attribution
surveillée par le maire, en juin 1920, le boulanger doit faire une demande de charbon
pour chauffer son four. Des vêtements, au début des surplus militaire de toute
provenance sont attribués à la commune en mars 1919, des brodequins (parmi
lesquels quatre paires de demi bottes russes), des couvertures U.S.M.C. (marine
américaine), des maillots et des chandails. Il faut attendre le mois de mai pour recevoir
des chaussures civiles et des pointures d’enfant. En 1920, il faut faire creuser un
nouveau puits dans la cour de l’école car avant de partir les allemands ont rendu
inutilisable celui qui nous servait, en le contaminant. Le 11 novembre 1920 un arbre
d’Alsace est planté lors de la cérémonie.
Nos anciens ont vécu une période difficile qui a duré six ans. Tout n’était pas
réglé le soir du 11 novembre 1918 et nous devons rendre hommage au travail des élus
municipaux qui n’ont pas ménagé leur peine face aux exigences des occupants et aux
besoins d’une population qui ne recevait au mieux que la moitié des besoins
alimentaires.
Origine des documents : Collection privée Deheegher
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