L`EMPLOI EN MARTINIQUE

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L`EMPLOI EN MARTINIQUE
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Les commissions « Avis et propositions à caractère législatif et Dialogue Social et
Emploi » ont décidé de présenter ce rapport, compte tenu des difficultés que connaît la
population de la Martinique, s’agissant de l’Emploi.
Il est évident qu’il n’est pas aisé de rédiger un tel rapport dans un contexte
économique difficile d’une part, et d’autre part du fait de l’internationalisation voire de
la mondialisation des relations économiques.
Cependant pour la réalisation de ce rapport nous devons relever quelques
caractéristiques et les analyser
® De rares ressources naturelles,
® Une agriculture peu diversifiée,
® Une faible industrialisation,
® Un secteur touristique en pleine réorganisation,
® Un taux de chômage important,
® Un volume considérable des transferts monétaires.
Comme nous l’avions déjà indiqué dans un autre rapport, c’est au moment où nous
avons de plus en plus de jeunes diplômés, dans tous les secteurs et toutes les
disciplines, que nous assistons à ce terrible fléau qu’est le manque de travail pour les
uns, la perte de travail pour les autres (le secteur agricole en a fait la triste expérience
récemment), ou la recherche de travail avec tout ce que cela engendre comme stress,
dérives, drames divers et autres difficultés pour notre population.
Sur une population de 381.427 habitants, la population active de référence a été
évaluée à 160.400 personnes en 2002 soit une diminution de 1.000 personnes par
rapport à 2001 (Enquêtes emploi INSEE août 2003).
Le marché du travail subit une pression importante si bien que les offres d’emplois ne
parviennent pas à compenser la hausse régulière des demandeurs d’emploi. On peut
donc dire que le chômage à la Martinique reste caractérisé par la très forte proportion
de chômeurs de longue durée (+55% du total des demandeurs).
L’importance du chômage à la Martinique, avec 30% de la population active, se classe
comme les autres DOM au premier rang des régions françaises.
Ce taux touche particulièrement les femmes, et le rapport d’activité (année 2003) de la
mission locale de la Cabesterre précise : Sur les nouveaux inscrits nous constatons que
57% sont des jeunes femmes et 43% sont des jeunes hommes. Les femmes sont
toujours majoritaires et s’inscrivent plus facilement dans des démarches d’insertion.
1
La demande d’emploi
S’agissant de l’emploi salarié, on dénombre : 68.700 salariés en 2002, soit 37.776
hommes et 30.924 femmes.
En juin 2003, le taux de chômage BIT est de 21,9% à la Martinique contre 22,2% en
Mars, selon les calculs trimestriels désormais faits par l’INSEE.
Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE est de 38539 (catégorie 1) soit
une diminution de 5% entre août 2002 et août 2003.
Sur les 8 premiers mois de l’année 2003, il existe une amélioration modérée de la
situation du marché du travail sur l’ensemble du département sauf pour les DELD de
plus de 2 ans.
Variation sur un an (août 2002- août 2003)
Ensemble du département
DEFM 1
DELD
DELD de plus de 2 ans
Femmes
Jeunes de moins de 25 ans
Jeunes DELD de moins de 25 ans
Jeunes de moins de 30 ans
Jeunes DELD de moins de 30 ans
Travailleurs handicapés dans la DEFM
- 5,0%
- 5,7%
1,2%
- 4,1%
- 6,7%
- 11,3%
- 8,1%
- 17%
19,4%
Variation cumul août 2002/ cumul août 2003
Ensemble du département
Ensemble des sorties des Rmistes
4,9%
Sorties des Rmistes dont durée d’inscription inférieure à un an
4,7%
Dont sorties des Rmistes DELD
5,3%
Sorties des Travailleurs handicapés
16,2%
L’offre d’emploi
Offres d’emploi
enregistrées
cumul
Emplois non aidés
Types de contrats
5857
96
84
6037
524
72
1687
1er
semestre
2002
2949
66
62
3077
188
12
770
2283
1100
711
473
1769
330
2001
Contrats de travail
Contrats saisonniers
Non salariés
Sous total Emplois non aidés
Emplois
aidés
secteur Apprentissage
marchand
Contrat de qualification
CAE
Contrats
jeunes/Aide
employeur
Sous total Secteur marchand
Emplois aidés secteur non Contrat d’insertion par
marchand
l’économie
CIA
CEJ
CES
CEC
Stages de formation
6370
108
107
6585
215
33
1464
30
1er
semestre
2003
3415
58
55
3528
17
21
815
31
970
464
1742
1070
884
689
424
189
1132
461
939
311
2285
715
4
280
33
981
241
83
2002
2
Sous total Secteur non marchand
4383
2670
TOTAL
12703 6717
5324
2307
13651 6719
Agents des Collectivités Territoriales au 1er janvier 2003
Statut
Titulaires
Non-Titulaires
Emplois aidés
Ensemble
Hommes
2748
2216
856
5820
Femmes
4003
3188
1232
8423
Ensemble
6751
5404
2088
14243
Agents de l’Etat en 1996
Statut
Titulaires
Non-Titulaires
Ensemble
Hommes
6691
1123
7814
Femmes
7370
1952
9322
Ensemble
14061
3075
17136
Agents de la fonction publique hospitalière au 1er janvier 2002 dont le CHU
Hommes
49%
Femmes
51%
Ensemble
5.707
Agents du CHU de la MEYNARD au 1er septembre 2004
Statut
Titulaires
Non-Titulaires
Ensemble
Hommes
655
214
869
Femmes
1692
542
2234
Ensemble
2347
756
3103
Nous citons les propos de Monsieur Raphaël VAUGIRARD lors de son audition du 28
mai 2002,
« S'il est un domaine qui nécessite une véritable réflexion martiniquaise pour
sérieusement nous approprier d'une bonne capacité d'interprétation de notre réel,
c'est l'EMPLOI.
Disposons-nous de tous les outils d'analyse et de connaissance de notre réalité ?
En effet de tels outils nous permettraient de mesurer les dires de l'INSEE et de la
DDTEFP quant au chiffre de 50.000 chômeurs dénombrés à la Martinique, soit
presque 1 actif sur 3.
3
Derrière ce chiffre se cachent des réalités insoupçonnables qui n'ont rien à voir avec
le non travail ou bien l'absence d’activités exercées rémunérées ou non.
Il ne faut pas oublier que la situation du chômage est déclarative ».
Définition de l’emploi
L’intitulé : « L’emploi à la Martinique » est un thème très vaste, qui peut-être abordé
de plusieurs façons.
L'encyclopédie UNIVERSALIS définit l'emploi comme tout processus d'affectation
des personnes à des tâches économiquement reconnues, le plus souvent rémunérées.
Le dictionnaire de la sociologie dit que l'emploi n'est pas seulement un « travail » ou le
« contraire du chômage », mais la conjugaison de tous les éléments qui y sont
rattachés : reconnaissance de la qualification, accès à la formation continue, conditions
d'hygiène et de sécurité, participation à l'action collective, stabilité de l'emploi.
En effet, l’emploi est avant tout une relation qui unit une personne à une organisation
dans un cadre construit en dehors de lui et avant lui, c’est-à-dire celui du salariat avec
son droit du travail, ses conventions collectives et ses accords d’entreprise.
L’emploi à temps plein garanti dans la durée pour l’ensemble de la population active
est fortement remis en question. La notion de précarité d’emploi est ressentie à travers
le contrat à durée déterminée, le travail intérimaire, le travail à temps partiel. Ces
contrats plus ou moins précaires s’accroissent en même temps que le chômage s’étend.
L'utilisation du travail intérimaire traduit pour ceux qui l'utilisent et particulièrement
les jeunes, plusieurs choses.
Il s'agit pour certains, d'un moyen d'accéder au monde de l'entreprise devant l'ampleur
de la crise de l'emploi.
Une autre forme de travail se développe avec les contrats de travail mis en oeuvre pour
les jeunes. Le travail précaire semble dominer la sphère des jeunes non diplômés.
Vers les années 1980 apparaît l'insertion par l'économique, qui va introduire dans le
champ économique, une dimension sociale.
Le constat d'une demande des jeunes les plus en difficulté pour un travail immédiat,
mais aussi de leur inadaptation aux exigences d'une entreprise en situation
compétitive, ont suscité la création de structures hybrides, situées dans le marché par
leur activité de production, d'un encadrement social, donc d'un mode de financement
particulier, permettant d'accueillir pendant deux ans les publics rencontrant des
difficultés d’insertion.
4
« L’attente d'une solution purement économique au chômage ne serait-elle pas vaine?
Et si nous étions entrés sans le savoir dans une société « post-salariale » dans laquelle
le travail n'occupe plus, en fait, la place centrale qui reste la sienne dans l'imaginaire
collectif ? »
Cette « question-défi » conduit à trouver des réponses adaptées aux nouvelles
conditions de production et d’échange dans une économie de l’immatériel et des
services.
Au regard de la conjoncture actuelle, le travail sous son aspect emploi semble alors
s'effriter et ouvre la voie à une nouvelle notion : l'activité.
Même si dans les milieux de l'insertion, on commence à avancer l'idée d'une
substitution de la notion d'activités socialement utiles et reconnues, à celle de
production, l'emploi et le salariat restent pourtant les valeurs indéboulonnables
auxquelles s'accrochent les personnes menacées d'exclusion.
Ainsi, la notion d'activité ne comporterait pas toutes les composantes de l'emploi et
dans les esprits n'assurerait pas les mêmes garanties.
Le débat actuel s’oriente dans deux directions : celle de la fin du travail et celle du
contrat d’activité.
5 Si on fait le contour de la notion d'emploi, on peut arriver à la déclinaison suivante,
Avoir un emploi :
➜ C'est de plus en plus au niveau administratif
- Exercer une activité qualifiée correspondant à un profil de poste dans une
organisation,
- Avoir une activité régie selon le code du travail : 39 ou 35 h,
- Etre déclaré à la CGSS et autres organismes sociaux,
- Etre embauché ou être chef d'entreprise répertorié dans les registres
➜ C’est aussi au niveau symbolique:
- Avoir un statut social reconnu,
- Jouer le jeu des significations sociales.
5 Si on examine maintenant la notion d'activité, Avoir une activité C’est :
- Exercer des aptitudes connues, qualifiées ou non, dans la production ou la
création de valeurs, monétaires ou non monétaires,
- Etre plus ou moins disponible pour répondre à des besoins exprimés,
5
- Ne pas avoir de problèmes avec les instances administratives ou fiscales
régissant le Code du travail,
On peut donc exercer des activités sans être employé, c'est-à-dire tout en étant
chômeur, car la notion d'activités est individuelle, qualitative, large et échappe aux
normes étroites.
Si on examine maintenant la notion de travail au sens large du travail humain, on
s'aperçoit que c'est une notion encore plus large que l'ACTIVITE et qui renvoie
quasiment aux notions philosophiques comme étant la source de la valeur. Le travail
n'existe pas en dehors de l'homme. C'est donc une notion transversale de toute activité
humaine.
Vous aurez compris que nous posons la question de l'inadaptation des normes qui nous
sont appliquées ».
II -- LLEESS C
CO
ON
NSSTTA
ATTSS
Quel autre constat peut-on faire de la situation de l'emploi en Martinique aujourd'hui ?
Il est malheureusement banal de souligner l'importance du chômage en Martinique qui,
avec 30 % de la population active se classe, comme les autres DOM au 1er rang des
régions françaises, record dont nous nous serions bien volontiers passés.
Il ressort aussi de façon indéniable, que l’emploi de l’encadrement se pose en
Martinique avec une acuité singulière, du fait de la taille des entreprises, de la structure
des organisations du travail ainsi que de l’importance du marché local, en valeur et en
volume d’affaires.
Il s’agira d’entrevoir des évolutions possibles en matière d’emploi de l’encadrement et
des cadres et de définir surtout les besoins exprimés par les entreprises.
Cela implique forcément des interrogations importantes quant à l’équilibre des
secteurs d’activité, en terme de poids économique.
Dans le tissu économique local, on note une prépondérance de la petite entreprise.
Cela implique que les grandes entreprises sont peu nombreuses. La conséquence de
cette observation, est que les perspectives de recrutements massifs de cadres semblent
faibles. Nous pouvons constater que la taille des entreprises n’autorise pas des effectifs
élevés en cadres et implique une forte précarisation des emplois dans l’encadrement.
On observe que le secteur associatif occupe une place très importante. Cette
constatation influe également sur la nature et les caractéristiques de l’offre d’emploi
(emploi de faible niveau n’exigeant qu’une technicité limitée, et génère souvent des
emplois précaires).
6
Cette faiblesse met en évidence le manque de formation dans le domaine du
management et de la gestion des entreprises.
Il est à noter également une très inégale répartition des entreprises sur le territoire.
Depuis quelques années, nous sommes entrés dans l’ère post- industrielle. Cela a
entraîné de nombreux changements, au nombre desquels, on peut noter une
augmentation significative des activités de service. Le regard porté sur les
organisations de notre environnement local, nous incline à penser qu’elles n’échappent
pas non plus aux nouvelles règles de la mondialisation de l’économie. A la Martinique
79% des actifs travaillent dans le secteur tertiaire (plus élevé qu’en France
métropolitaine).
Cette constatation faite, il faut mettre en lumière de nombreuses autres difficultés
structurelles de la Martinique au rang desquelles on peut citer:
1) Une très inégale répartition des entreprises sur le territoire
Avec le centre qui regroupe l'essentiel de l'activité économique et administrative
du département (+ de 52 %), les zones périphériques, le nord et particulièrement
le nord caraïbe, se trouvent dramatiquement démunis pour ce qui est des activités
économiques (seulement 5,3 % des entreprises).
L'essentiel des projets recensés se situant sur la zone centre, il est patent que sans
une action volontariste forte, ce déséquilibre grandira encore. La zone centre par
delà ses tensions internes, entre Fort de France qui s'appauvrit, le Lamentin et
Schoelcher qui accroissent leur importance économique.
Ce point n'est pas, nous y reviendrons sans poser problème : (problèmes de
transport, de mobilité, désertification de certaines zones, délinquance...)
2) Une très forte atomisation du système économique plus accentuée encore dans
les zones périphériques.
La structure des entreprises serait composée de :
95% de moins de 11 salariés,
et 90 % entre 0 et 5 salariés 62 % sont des micro entreprises.
Ceci ayant pour corollaire un impact accru des entreprises de moins de 20
salariés, d'où est issu l'essentiel de l'offre d'emploi, notamment pour les services
marchands et non marchands (secteur associatif très important). Cet état influe
également sur la nature et les caractéristiques de l'offre d'emploi (emplois de
faible niveau n'exigeant qu'une technicité limitée mais de l'expérience et de la
polyvalence, et emplois souvent précaires).
7
3) A cela s'ajoute une forte mortalité des entreprises (taux de mortalité de 50 %
pour l'ensemble des entreprises), en particulier dans le secteur de l'artisanat (taux
de création et de survie plus important dans la zone centre).
4) Pour ce qui est de la ressource humaine, il faut souligner le poids très
important des bas niveaux de qualification, que n'explique pas seulement la
structure des emplois en entreprise. 75 % de la population de + 16 ans a un
niveau de formation inférieur au CAP.
Dans le même temps et en apparence paradoxalement l'offre d'emploi, en terme
de qualification, ne correspond pas au potentiel des demandeurs d'emploi (le
problème de la surqualification des jeunes existe de manière manifeste).
Et ceci alors même que les entreprises regrettent de ne pas trouver sur le marché
les qualifications recherchées, qu'il s'agisse de métiers techniques (zone centre
surtout) ou de personnel d'encadrement de haut niveau (zones périphériques
5) Enfin, on peut souligner une large insuffisance de l'offre d'activité dans le
domaine des services aux personnes, notamment dans les (zones périphériques).
Pourtant, le dernier recensement concernant notre Région met en lumière une
perte de dynamisme démographique sur l'ensemble de la Martinique (et en
particulier pour les zones Centre et Nord Caraïbe). Cette perte de dynamisme
démographique due à un solde migratoire négatif et à une diminution du taux de
natalité génère un accroissement progressif important du nombre de personnes
âgées, entraînant du même coup un sous équipement en structures d'accueil, et
une offre de services insuffisante pour cette population.
Ces constats faits sur les difficultés ou déséquilibres structurels de notre île, ne
sauraient à eux seuls bien sûr expliquer la faiblesse de l'emploi.
Quelques handicaps structurels :
• le marché local souffre cruellement de son étroitesse et de l’insularité ;
• le transport extérieur est un enjeu majeur dont les tenants et les aboutissants ne
peuvent être maîtrisés localement ;
• L’industrialisation demeure sommaire alors que les exportations sont
principalement fondées sur une production agricole : la banane, dont la position
sur le marché communautaire est affaiblie ;
• L’économie reste très largement repliée sur elle-même dans la mesure où sa
participation aux échanges internationaux, y compris avec les territoires
appartenant à l’environnement immédiat, demeure plutôt faible.
Croissance et créations d’emplois
8
La croissance de l’emploi n’a pas cessé durant les années 90. « la croissance s‘est
accélérée sur la période récente : en Martinique, le rythme de croissance annuelle sur
les trois dernières années est le double de celui observé sur la longue période (19902002) » c’est l’emploi salarié qui tire cette croissance.
(INSEE, Antiane Eco, juin 2003)
Les créations d’emploi se font dans les cinq grands secteurs :
•
•
•
•
•
agriculture,
industrie,
construction,
commerce,
services.
Les « services aux entreprises », surtout les services opérationnels sont très
dynamiques, +32% entre 1999 et 2002. Ces services aux entreprises créent des
emplois peu qualifiés. Les activités de « Conseil assistance » nécessitant une main
d’œuvre qualifiée sont peu implantées. Le transport se maintient grâce au transport
routier de voyageurs.
Eléments de fragilité, les emplois précaires sont nombreux (16%), le temps partiel subi
augmente (14% des emplois, en hausse de 2 points par rapport à 2001) et le travail
informel est développé. 7,7% des emplois ne seraient pas déclarés soient 9.700
emplois (INSEE).
IIll -- LLEESS PPRRO
OPPO
OSSIITTIIO
ON
NSS
Depuis des dizaines d'années, les gouvernements qui se sont succédé à la tête de la
France n'ont cessé de produire très régulièrement des plans dits de développement pour
les départements d'Outre-Mer.
Le constat est aujourd'hui affligeant. L'évolution en pointillé de la situation de l'emploi
et celle corrélativement négative du chômage prouvent à l'évidence qu'il est urgent d'en
constater lucidement la réalité des échecs et de poser les bases d'une approche purement
localisée dans notre contexte particulier.
Que faire aujourd'hui pour la Martinique dont la population jeune avec 30% de ses
habitants âgés de moins de vingt ans et un taux de chômage de 22% au sens du B.I.T.
Les indicateurs de conjoncture ne peuvent plus permettre ni une dérive ni une inflation
de la réflexion.
A ce jour, toutes les stratégies définies n'ont utilisé comme cible que la prééminence du
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traitement social du chômage, faisant éclater définitivement l'adéquation entre
population indemnisée, population aidée voire assistée et population au travail.
Le vecteur des revenus sociaux venant avec ses effets pervers contrecarrer toute
possibilité d'envisager des solutions de sortie sur l'axe du développement économique.
Le moment est donc venu de poser clairement la problématique de sortie du traitement
social du chômage, en inversant les conditions jusqu'ici utilisées par une redéfinition
des axes réels de développement économique dont la Martinique a besoin et pouvant
intégrer une politique à moyen terme, dans un premier temps, de création d'emplois
nouveaux et durables.
Cinq domaines reconnus comme déficitaires dans la cohérence et l'action de la
dynamique de développement de la Martinique sont déjà identifiés :
• L'environnement,
• L'éducation,
• La santé publique en politique de rééquilibrage démographique et de
renforcement des moyens,
• La fiscalité,
• La politique de coopération technique internationale régionale et le tourisme.
Ces cinq domaines constituent assurément les axes premiers de restructuration
nécessaires pour l'avenir.
I) L'Environnement
A l'occasion de plusieurs rapports précédents établis au cours de cette mandature, le
Conseil Economique et Social Régional, constatant la multiplicité des pôles de décision
et d'action dans ce domaine ainsi que la dispersion des crédits importants engagés sur
tous les plans, a suggéré constamment la mise en place d'une politique de maîtrise
d'œuvre unique qui permettrait d'impulser, d'harmoniser et d'orienter positivement une
vraie politique de l'environnement à l'échelle de la Martinique.
Celle-ci devrait nécessairement s'appuyer sur la création d'emplois réels permettant une
couverture de l'ensemble du pays Martinique sur des objectifs pouvant être à posteriori
déclinés au niveau des municipalités.
Elle engloberait de fait la totalité des compétences et des prérogatives des structures
parallèles et complémentaires (ONF-ETAT, PNRM-REGION, Conservatoire du
Littoral, Politiques intercommunales de maîtrise et de protection de l'environnement).
10
Elle permettrait par ailleurs de mettre fin à cette actuelle atomisation des actions de
protection que les structures inter-communales et municipales veulent à tout prix gérer
en localisation alors qu'elle ne disposent pas de recettes conséquentes pour ce type
d’actions parcellaires. L'ampleur des dégradations constatées interdit aujourd'hui toute
opération sectorielle sans aggravation considérable de la fiscalité locale.
Plusieurs spécialistes s'accordent dans le cadre d'une maîtrise unique, sur une
perspective pour la Martinique d'une création de plus de 400 emplois nouveaux directs
et 800 emplois indirects ou consolidés dans ce champ de compétence rénové
fonctionnellement, sur un espace-temps modulable de cinq années.
II) L'éducation
Les récentes revendications syndicales ayant dominé récemment le champ social en
Martinique tant sur le plan des effectifs entrants que sur celui des personnels concernés
par la décentralisation Acte II, montrent bien que ce domaine appelle des clarifications
urgentes et courageuses de la part du personnel politique.
La fonction publique territoriale, concernée directement malgré son silence, se doit de
se positionner très clairement, car se situant au carrefour de la politique de l'éducation
dans le cadre de cette nouvelle décentralisation.
Il s'agit d'un domaine dans lequel plus de 2000 emplois sont à créer ou à consolider,
emplois en tous cas nécessaires à la Martinique d’aujourd’hui et de demain.
Des états généraux de l'Education en Martinique devraient être engagés, mettant face à
face les politiques, les partenaires sociaux et l'administration rectorale ainsi que les
associations de parents d’élèves, afin de définir une ligne d'action sur une première
étape de cinq années avec réajustements prévisionnels en progressivité sur les cinq
années suivantes au bénéfice de la maîtrise et de la création d'emplois (Enseignement et
T.O.S.).
III) La santé publique en politique de rééquilibrage démographique et de
renforcement des moyens
Le déséquilibre démographique de certaines grandes parties du territoire martiniquais,
par rapport à d'autres, mérite un rééquilibrage stratégique au profit du nord-caraïbe,
nord-atlantique et sud-atlantique.
La majorité des emplois de santé publique, déjà en déficit, se trouve aujourd'hui
concentrée dans la conurbation centrale Fort de France, Lamentin, Schoelcher, Ducos
Saint-Joseph et pour une très faible partie dans l’environnement de la ville de Trinité,
où sont localisées déjà les macrostructures sanitaires et d'hospitalisation.
Une politique d'incitation à la création d'emplois notamment de proximité à caractère
libéral ou parapublic doit être envisagée, soutenue et favorisée dans les meilleurs
11
délais.
Les autorités gestionnaires et décisionnelles de la politique de santé publique ainsi que
celles en charge de l'action sociale en Martinique pourraient impulser un rééquilibrage
progressif par la mise en place de structures annexes complémentaires en prenant des
initiatives structurelles pour entraîner corrélativement l'investissement privé dans
l'émergence de nouveaux pôles de prise en charge sanitaire.
Des dispositions réglementaires incitatives se doivent d'être élaborées dans le cadre
d'une proposition de loi spécifique à cinq ans à la région sanitaire en Martinique
pouvant s'appuyer sur les axes définis dans le plan national de programmation sur la
cohésion sociale ou dans son prolongement. Elle devrait intégrer à la fois la mise à
niveau des effectifs au regard des besoins, (plus de 2.000 emplois sur les cinq ans à
venir), au regard de la pénurie et du vieillissement des professionnels, ainsi que la
pérennisation, voire le renforcement des techniciens du maintien à domicile, (plus de
500 emplois sur les cinq ans à venir).
IV) La fiscalité
Le pendant de toute politique de développement auto-centrée repose nécessairement sur
des recettes et des rentrées fiscales cohérentes et justes.
Depuis une vingtaine d'années, toutes les déclarations publiques des responsables
fiscaux s'alignent sur le fait constaté que plus de 35% de foyers fiscaux potentiellement
porteurs, échappent à la contribution fiscale générale et particulière (ISF).
En coulisses, les solutions sont avancées et notamment, celle rigoureusement objective
d'une révision cadastrale régionale pouvant sur un délai de cinq à sept années, parvenir
à une vision clarifiée de l'assiette pour une plus grande justice fiscale.
La création d'emplois dans le cadre de cette opération d'envergure générale est
pertinemment envisagée autour de 400 emplois techniques et administratifs aidés sur les
premières années de mise en route. Les conséquences financières s'alimenteraient de
l'impact en démultiplication de 1 à 20 à minima.
Seule dans ce domaine, une disposition législative peut permettre d'engager une telle
action exceptionnelle mais nécessaire.
Il convient toutefois, que le texte législatif d'amorce précise clairement que la
démultiplication attendue soit destinée implicitement et directement à être injectée dans
les secteurs de développement définis, la consolidation des emplois de départ créés
ainsi que la planification à l'issue des deux premières années d'action pouvant permettre
en progression la mise en place d'emplois nouveaux ou en remplacement de départs à la
retraite dans un prolongement logique de dispositifs de contrôle, de vérification et
d'actualisation à l'appui des municipalités et des structures intercommunales.
12
il est inconcevable que la citoyenneté fiscale d'une société dite en "mal-développement"
soit seulement le fait d'un recouvrement toujours centré sur la même partie de la
population.[ France-Antilles du 25 octobre 2003 et France-Antilles du 6 novembre
2003].
Le Conseil Economique et Social Régional avait déjà en ce sens souhaité qu'une
disposition de la loi de programme pour l'Outre-Mer visant partiellement cet
objectif soit revue. Il n'a pas été entendu sur ce point important.
V) La politique de coopération technique internationale régionale et le tourisme
Tous les discours politiques relatifs à l'ancrage dans leur environnement des D.F.A., ne
peuvent aujourd'hui encore déboucher que sur des actions ponctuelles et circonscrites,
ce qui est déplorable.
Il s'agit d'un domaine dans lequel, les forces de développement attractives et les attentes
des jeunes générations doivent se conjuguer.
La refonte des orientations en matière de coopération technique internationale régionale
par le transfert réel du pouvoir de négociation et d'action dans la zone, doit
nécessairement être mise en place dans la plénitude des articles 42 et 43 de la loi 20001207 du 13/12/2000 dite loi d'orientation pour l'Outre-Mer (LOOM), ceci au bénéfice
vrai du développement économique et de l'emploi.
L'étroitesse de nos marchés oblige à rechercher partout des interconnexions et une forte
intégration économique, touristique, culturelle, technologique et agricole avec tous les
pays de la zone.
L'incitation à la création d'emplois par positionnement et ouverture sur notre
environnement géographique est par ailleurs déjà presque suscitée tacitement depuis le
Conseil Européen de Séville des 21 et 22 juin 2002. Il convient d'en saisir la portée et
d'envisager dès maintenant le positionnement des fonds européens prévus dans le cadre
de la création future des programmes spécifiques de compensations des contraintes des
régions ultra périphériques.
L'orientation de ces fonds sur l'axe de l'emploi en coopération technique internationale
régionale n'est pas du tout négligeable quantitativement et intéresse profondément une
large frange de nos jeunes diplômés et surdiplômés martiniquais.
Par ailleurs, le troisième rapport de cohésion de la Commission des Communautés
Européennes en date du 18 février 2004 est suffisamment explicite pour permettre de
s'engager résolument sur cette voie.
Autre domaine dans lequel l'emploi se doit d'être affirmé, consolidé, créé c’est celui du
développement touristique.
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Sortir du bafouillage de la politique touristique martiniquaise actuelle est plus qu'une
urgence.
Il s'agit de rechercher une forme d'intégration progressive, d'une part dans la dynamique
d'organisation stratégique commune soutenue par plusieurs gouvernements des pays de
la Zone, afin d'offrir à la clientèle internationale des produits touristiques
complémentaires ou supplémentaires de ceux déjà mis en place en package sur deux ou
trois îles et d'autre part, de réaliser la connexion voire l'imbrication de la politique de
l'environnement suggérée plus haut avec la politique touristique sur un plan général.
C’est aujourd’hui une exigence qualitative au plan interne.
Il est vain voire utopique de souhaiter un quelconque développement de l'emploi par
l'activité touristique sur le seul support de la promotion externe tous azimuts sans
s'assurer au préalable de la diversité et de la qualité des produits offerts.
Les préoccupations des professionnels du tourisme, annonçant pour l’année 2004 une
baisse très importante de la moyenne des taux de fréquentation des hôtels en
Martinique, se traduisant notamment par une perspective de 20.000 nuitées de moins,
devraient inciter rapidement comme l’a déjà préconisé le CESR, à un bilan sans
complaisance associant tous les partenaires du secteur touristique.
Cet ensemble de données ne semble pas avoir été suffisamment intégré par le C.M.T.
depuis sa mise en place, lequel poursuit aujourd'hui les mêmes axes d'action répétitifs
ayant contribué entre autres, au déclin de la destination Martinique.
D'autres champs de la Coopération Régionale Internationale, supports d'emplois et
d'image en terme de solidarité entre peuples, méritent d'être courageusement pénétrés et
dimensionnés. Ceux-ci doivent bien entendu recouvrir les dimensions géopolitiques des
pays de la Zone en s'affranchissant de tout complexe. Pour seul exemple, les
recommandations de la section Economique et Sociale de l'O.N.U. lors de sa 59ème
session révèlent les champs d'action économique en matière de coopération technique
avec Haïti, élargis par ailleurs depuis les évènements météorologiques tragiques dont
ont été victimes plusieurs pays de la Zone au cours de cette année 2004.
Voilà dressés quelques axes qu'il convient d'aborder résolument en priorité en matière
d'emplois et de développement économique pour la Martinique.
Le CESR sans aucune prétention les soumet à la classe politique martiniquaise dans ce
dernier rapport de sa mandature.
LEXIQUE
DEFM : demandeurs d’emploi en fin de mois inscrits à l’ANPE ou demande d’emploi en fin
de mois,
DELD : demandeurs d’emploi de longue durée (ancienneté supérieure à 1 an),
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TAM : Technicien agent de maîtrise,
Les chômeurs au sens du bureau international du travail (BIT) sont les personnes sans emploi,
à la recherche effective d’un emploi et immédiatement disponibles,
L’indicateur de la DEFM est un calcul simplifié utilisé par les DTEFP dans les DOM,
Indicateur de la DEFM= DEFM 1/ population active,
DEE : Demande d’emploi enregistrée (en catégorie 1),
DES : Demande d’emploi sortie (catégorie 1),
OEE : Offre d’emploi enregistrée,
Offres d’emploi enregistrée de type A : emplois durables (contrats dont la durée est supérieure
à 6 mois,
ASS : Allocation solidarité spécifique,
AUD : Allocation unique dégressive,
ARE : Allocation d’aide au retour à l’emploi,
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Catégories
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Définitions
Personnes sans emploi, immédiatement disponibles et recherchant un emploi à durée
indéterminée et à temps complet.
Personnes sans emploi, immédiatement disponibles et recherchant un emploi à durée
indéterminée et à temps partiel.
Personnes sans emploi, immédiatement disponibles et recherchant un emploi à durée
déterminée, temporaire ou saisonnier.
Personnes sans emploi, non disponibles, recherchant un emploi
Personnes avec emploi, et recherchant un autre emploi à durée indéterminée et à temps
complet
Personnes sans emploi, immédiatement disponibles et recherchant un emploi à durée
indéterminée, à temps complet et ayant travaillé occasionnellement.
Personnes sans emploi, immédiatement disponibles et recherchant un emploi à durée
indéterminée, à temps partiel et ayant travaillé occasionnellement.
Personnes sans emploi, immédiatement disponibles et recherchant un emploi à durée
déterminée, temporaire ou saisonnier et ayant travaillé occasionnellement.
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Niveaux
VI
V bis
V
IV
III
II et I
Diplôme
Durée des études
Ce niveau correspond aux emplois qui n’exigent pas de
formation au delà de la scolarité obligatoire
Scolarité jusqu’à la 3ième
Brevet des collèges
3ième de collège
CAP
2 années après la fin de la
BEP
troisième de collège
Baccalauréat de technicien
3 ou 4 années après la fin
Baccalauréat professionnel
de la troisième de collège
Brevet de technicien
BTS
Diplôme universitaire de
2 années après le
technologie
baccalauréat
Diplôme d’ingénieur
Licence
3 à 6 ans après le
Diplôme d’écoles supérieures
baccalauréat
Maîtrise etc.
Catégorie professionnelle
Manœuvres. Travaux de force
Travaux de nettoyage
Emplois non qualifiés
Employés ou ouvriers
professionnels qualifiés
Agents techniques ou techniciens
Agents de maîtrise
Ingénieurs ou cadres
REMERCIEMENTS
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Nous tenons à remercier toutes les personnalités auditionnées qui ont
contribué à l’élaboration de ce rapport :
Mesdames
- Danielle LAPORT (ARACT),
- Elisabeth CARISTAN et Myriam SAMATHAY (AGEFMA),
- Jacqueline JANVIER-DESIR (OPCAREG),
Messieurs
- Eric BELLEMARE (ABOCEM),
- Raphaël VAUGIRARD Docteur en Economie,
- Serge LOPEZ (DDTEFP).
Adopté à l’unanimité des présents par la Commission Permanente
du vendredi 26 novembre 2004
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