Les fils peintres de Camille Pissaro
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Les fils peintres de Camille Pissaro
C amille Pissarro et ses enfants, portrait d’une famille d’artistes Galerie Art en Seine 6, rue Raoul Dufy 76600 Le Havre Exposition du 2 juin au 13 juillet 2016 C amille P issar r o (1830-1903) Vachère dans une Clairière Gouache sur carton – 25 x 21 cm Signée en bas à gauche et datée 1890 Camille Pissarro, le maître incontesté du mouvement impressionniste français, est né en 1830 et a vécu pendant 73 années. Il a réalisé certaines des plus belles œuvres de ce mouvement, mais, tout aussi important, ses peintures ont contribué à un changement dans la perception traditionnelle de l'art dans le temps. Il était connu non seulement pour sa peinture, mais également pour sa capacité à enseigner aux autres; Gauguin, Van Gogh et Cézanne étant trois de ses élèves les plus renommés. Marié à Julie Venay, Camille Pissarro a eu sept enfants. Homme généreux, il avait également un sens extraordinaire de la famille. Il existait chez les Pissarro une communauté de vie remarquable. Outre une éducation générale, tous les enfants reçurent une éducation artistique. Camille Pissarro a ainsi prodigué son enseignement à tous ses fils. Et cinq des enfants deviendront des artistes de renom international. 1 Lucien P issar r o (1863-1944) Boissy-L’Aillerie Aquarelle sur papier – 17 x 25 cm Datée : 1926 L'aîné est Lucien, né en 1863, décédé en 1944. Il a vécu la majorité de son existence en Angleterre où il est plus connu qu'en France; il se fera d'ailleurs naturaliser. Lucien est le plus proche de son père avec lequel il a travaillé en communauté d'esprit. Ils échangeaient une correspondance abondante, celle-ci est rapportée dans les livres de Mme J. Bailly-Herzberg. C'est presque journellement que Camille Pissarro écrivait à fils pour lui prodiguer les conseils dont il avait besoin. Geo rges Ma nzana-P issar r o (1871-1961) La Belle orientale Technique mixte – 48 x 62 cm Circa : 1910 2 Né en 1871, mort en 1961, Georges Henri qui prendra plus tard le pseudonyme de Manzana du nom de jeune fille de sa grand-mère pour se différencier, aura une oeuvre très riche, en peintures, dessins, gouaches rehaussées d'or et d'argent, lithographies, gravures ainsi que dans l'art appliqué, sculptures sur meubles, décoration d'abat-jour, paravents, tapisseries. Il a reçu, comme Lucien, les conseils de son père et sa grande pratique du dessin en fait l'un des grands dessinateurs et caricaturistes de son époque. Au début, il a peint dans la tradition impressionniste. Mais dès 1898 - 1900, il s'oriente vers une peinture d'un style nouveau influencé par l'orientalisme qui lui fut inspiré par les courriers de Gauguin à Camille Pissarro. Manzana apportera une contribution importante à ce qui sera plus tard la période « Modern'style ». Manzana a vécu longtemps aux Andelys où il a souvent trouvé son inspiration. Troisième fils de Camille Pissarro, Félix, né en 1874, est décédé très jeune à 23 ans. Il avait toutes les qualités pour réussir une vie artistique. Il dessinait très bien et s'était passionné pour les chevaux. Ses oeuvres sont très rares du fait de sa disparition prématurée. Ludovic -Ro do Piss ar ro (1878-1952) Joinville-le-Pont, 1905 Huile sur panneau – 64 x 44,5 cm Appelé Rodo, Ludovic-Rodolphe est né en 1878. Décédé en 1952, il a partagé sa vie entre Les Andelys et Paris. Dessinateur extraordinaire, caricaturiste, aquarelliste, graveur, l'oeuvre de Ludovic-Rodo est encore mal connue; il l'a gardée secrète et n'a pas exposé de son vivant. Dans ses aquarelles et croquis, on trouve beaucoup de scènes de cabarets parisiens des années 1900. Ayant fait de nombreux séjours en Angleterre près de son frère Lucien, il a peint Londres et la campagne anglaise. Ludovic Rodo a consacré une grande partie de sa vie à établir le catalogue raisonné de l'oeuvre de son père. 3 P aulémil e P issar r o (1884-1972) L’Orne à Clécy, Calvados Huile sur panneau – 55 x 46 cm Circa : 1950 Dernier enfant, Paul-Emile avait 19 ans à la disparition de son père en 1903. Né en 1884, il a le moins profité de ses merveilleux conseils. Il les a trouvés dans l'ami fidèle de Pissarro, Claude Monet. Paul-Emile s'est fixé à Lyons-la-Forêt où il a peint les bords de la Lieure. Peintre paysagiste et aquarelliste, sa technique ira de l'impressionnisme vers une simplification du langage pictural. Il aura une vision « Cézanienne ». Après Lyons-la-Forêt, il se fixe à Clécy dans le Calvados où il décède en 1972 à l'âge de 87 ans. Chacun des cinq fils de Camille Pissarro a sa propre personnalité. Par respect pour leur père, par discrétion sans doute, ils ont signé leurs oeuvres d'un pseudonyme. Lucien signait Lucien Venay, Georges-Henri : Manzana, Ludovic-Rodolph : Ludovic-Rodo puis Rodo et enfin, Paul-Emile a lié ses deux prénoms. L'héritage extraordinaire de Camille Pissarro est le fondement de cette tradition familiale exceptionnelle qui continue à être redéfini et remodelé par la deuxième génération. Il révèle également l'incroyable diversité des talents et des styles représentés dans les œuvres de ces artistes, d'autant plus remarquables compte tenu de leur racine commune dans l'impressionnisme. 4 C amille P issar r o (1830-1903) Le pont Cornneille à Rouen Dessin fusain et crayons sur papier – 8,5 x 13 cm Les fils peintres de Camille Pissaro Gustave Kahn Critique d'une exposition consacrée à Camille Pissarro et à ses fils peintres. Le plus souvent les fils des grands artistes choisissent, pour y briller, une profession tout à fait différente de celle de leurs pères. On en compte parmi les bons médecins et les audacieux constructeurs d'automobiles. La faute, si faute il y a, en est un peu aux pères qui n'épargnent pas aux fils les longs récits des graves difficultés de leur début et insistent sur la difficulté d'une carrière exceptionnelle, où il faut le don, ce que ne procure ni l'application ni l'étude, et où les médiocres sont plus malheureux que dans toute autre. La maison d'Éragny où vivait Camille Pissarro eût pu s'appeler un temple de l'art, si le mot temple ne jurait pas avec cette sereine bonhomie qui animait Camille Pissarro. Camille Pissarro avait de nombreux admirateurs, mais il ne formait pas d'élèves. Il était libéral en bons conseils et en précises appréciations pour tous, mais il n'enseigna que ses enfants. Camille Pissarro ne voyait au monde d'autre but que celui d'être reproduit par la peinture. Il avait traversé les pires gênes pour peindre sans concessions. Il traduisait la lumière sans hâte, mais sans repos. Quand il ne pouvait plus compter que sur la lueur de sa lampe il gravait. Pour se reposer, il considérait les essais de ses fils et les encourageait; mais il n'aurait eu garde de les diriger vers une technique qui dérivât de la sienne. Il leur montrait la peinture de ses émules et les estampes japonaises surtout, il leur ouvrait les yeux, les poussait à regarder et à traduire leurs visions selon leurs qualités propres et à dessiner énormément tout ce qu'ils voyaient, paysages, gens et bêtes. Il eut cinq fils, dont l'un mourut très jeune et qui dessinaient déjà. Les quatre autres sont devenus des peintres notoires et chacun doué d'une originalité différente, servie par une excellente technique, à chacun personnelle. L'aîné, Lucien Pissarro, celui dont la physionomie rappelle le plus la figure patriarcale, l'aspect de Bon Dieu à longue barbe blanche de son père, est aussi celui qui évoque le plus l'aspect extérieur des oeuvres de son père, dans des paysages pleins de lumière et de soleil provençal, et aussi dans des portraits sobres et stricts comme celui de sa mère, peint en 1923, dans un grand aspect de vieillesse sereine. C'est aussi un remarquable graveur comme il l'a montré dans des éditions de Jules Laforgue, d'une parfaite pureté typographique et très bien et très sobrement ornée. Manzana est un grand décorateur qui prend pour sujet de tableaux sur fond d'or ou de paysages féeriques des personnages d'un Orient de rêve, hébraïque ou arabe selon le texte des Mille et une Nuit. 5 En dehors de la peinture, il a touché avec souplesse et succès à toutes les matières, meublier, verrier. Il excelle à noter tous les mouvements des bêtes familières et suspend à des vols d'oiseaux des branches ingénieusement stylisées. Il a donné aussi de beaux paysages parisiens, des bords de Seine où les fumées des remorqueurs lui fournissent les plus intéressantes arabesques. Ludovic Rodo est un artiste vigoureux et divers. Il est notoire. Il serait célèbre s'il ne témoignait, par une excessive modestie, d'une vive répugnance vis-à-vis de toute exposition particulière ou collective. Seuls des amis admis à son atelier connaissent la variété de son effort, sa belle suite d'études d'ensemble et de détail de salles et de figurants, d'acteurs et de spectatrices du music-hall montmartrois, avec des filles bien traduites dans le modernisme de leur maquillage. Il a peint de nombreuses études de nus féminins, d'une belle souplesse d'allures et de grande vérité simple de pose, aux carnations éclatantes et nacrées du ton le plus juste. Aquarelliste, il a évoqué dans la plus jolie transparence les décors des Andelys, de Moret, jardins et coteaux, usines sous des clartés d'aube, rubans de fleuve moirés et diaprés. Il a à cette exposition un petit chef-d’œuvre, une femme au costume rayé de blanc et de rose, étendue sur un divan dans la plus parfaite des nonchalances. Paulémile Pissarro a donné d'excellents portraits, mais c'est surtout jusqu'ici un paysagiste. Il s'est plu à dessiner les belles silhouettes architecturales de petites villes du Midi ramassées sur de hautes collines, Treignac et Uzerches. Mais surtout il affectionne la forêt normande et le marais poitevin, où il trouve de grandes pages silencieuses, des coins de rivière lourde et moirée dont l'arborescence touffue et compacte des rives s'entrouvre souvent pour montrer quelque vaste herbage ou une ferme au seuil diapré de jeunes femmes dans l'éclat vif de leurs toilettes d'été. Galerie Art en Seine – Thierry Tuffier 6, rue Raoul Dufy 76600 Le Havre Téléphone : 02 77 67 61 70 – Courriel : [email protected] L’exposition : Camille Pissarro et ses fils est réalisée en partenariat avec la Galerie David Stern à Londres. 6