Cryptographie Virtualiste des rêves

Transcription

Cryptographie Virtualiste des rêves
Benny Aguey-Zinsou
2014
Cryptographie Virtualiste des rêves
Capitalisme
Benny Aguey-Zinsou
2014
Cryptographie Virtualiste des rêves
Capitalisme
« Maintenant je ne sais plus si je suis un homme qui a rêvé
qu’il était un papillon ou si je suis un papillon
en train de rêver qu’il est un homme. »
Le rêve de Tchouang-Tseu
Introduction
Jusqu’où se place la dimension rêvée au sein de la virtualité occidentale
ambiante suite à l’avancée des nouvelles technologies et des technosciences ?
Transport, urbanisme, devantures commerciales, produits et services
de toutes sortes, emballages mis en valeur (packaging), publicités,
télévision, séries télévisées, émissions télévisées, films de toutes sortes,
cinéma, jeux vidéo, musées, expositions, musique, concerts, ordinateurs
et internet, lecteurs mp3, téléphones portables, netbooks, journaux,
magazines, bandes-dessinées, livres de toutes sortes... C’est au sein de
tous ces domaines considérés par le Virtualisme comme étant virtuels que
s’implante par la même, selon cet essai, une dimension rêvée qui est loin
d’être négligeable.
C’est au sein du premier essai expérimental, littéraire, philosophique,
poétique et délirant Du Virtualisme et au sein du premier recueil de
poésie Intersections chez les éditions Alfabarre, que j’y désigne plusieurs
dimensions liées aux rêves éveillés.
Que cela soit à travers Ursule (dans Intersections et Du Virtualisme) ou
encore à travers Thalia et Fanny (dans Du Virtualisme), la thématique
de la folie et des trips psychédéliques (suite à la prise de drogues
hallucinogènes) démontrent que l’Interprétation des rêves de Sigmund
Freud peut être mise en pratique au sein du réel dans certains cas bien
précis.
Car ce sont bien des rêves éveillés auxquels j’ai témoigné à travers les
trois rencontres citées précédemment.
Il a également été dit au sein du petit essai littéraire Le Virtualisme, une
définition, mais aussi au sein de l’essai Du Virtualisme, que les délires au
sein de la psychose, de la paranoïa et des “trips” psychédéliques, avaient
une fonction cryptée dans son caractère hallucinatoire.
Les rêves en plein éveil permettent de comprendre - lorsqu’on décrypte
correctement leur forme caricaturale et extravagante - des phénomènes
comportementaux et subjectifs qui se manifestent chez nous tous à des
degrés plus ordinaires.
En effet, l’intensité émotionnelle des “trips” et des délires s’éloignent
en général du réel classique et le traduisent plus brillamment par des
9
interprétations oniriques, métaphoriques, créatives et originales.
Il ne s’agit pas de ce fait de dire que la même chose se passe dans
ces deux phénomènes comparés et mis en analogies (phénomènes
ordinaires et phénomènes hallucinatoires), mais plutôt de dire que la base
comportementale subjective reste analogue au niveau du sens rationnel
qu’ils évoquent. Ainsi, un sens dominant persiste dans les deux cas et
dans ce qu’ils impliquent de façon existentielle chez leurs percepteurs.
Dans l’essai Du Virtualisme - Les nouvelles contributions (Tome II de Du
Virtualisme) chez les éditions Alfabarre, il a été montré que l’inconscient,
ce producteur d’intensités émotionnelles et d’intensités pulsionnelles, est
un dé-constructeur de la conscience et de sa logique rationnelle civilisée
de névroses socioculturelles.
Il a été aussi montré que l’inconscient représente un monde de l’être
qui fonctionne par a-signifiance (de par son anarchie multi-langagière),
mais aussi que son dialogue avec la conscience vêtue de signifiance
nous permettrait dans la vie quotidienne, de réguler notre conscience
rationnelle à nos propres désirs existentiels, incontrôlables et cachés.
Ceci nous servirait à éviter un trop plein de refoulements (les inhibitions
sont sources de pathologies et de mal-être), mais aussi à comprendre
grâce à notre sommeil hanté de rêves complices et conseillers, ce qui a
déjà été refoulé.
Ce dialogue permettrait également à la conscience de stimuler son
rapport au monde imaginaire et créatif.
Enfin, cette inévitable inter-relation permettrait à la conscience
d’éprouver sa rationalité et de la rendre plus souple, plus humble, moins
psycho-rigide, mais aussi plus habitée de dialectique.
C’est tout ce cheminement réflexif qui introduit une nécessaire
cryptographie Virtualiste des rêves.
Suite à cela, précisons aussi que dans l’essai Du Virtualisme - Les
nouvelles contributions, il a été montré de façon créative que les visages
(c’est à dire les faciès) des individus que nous côtoyons quotidiennement
et et qui nous sont familiers se retrouvaient plus ou moins suggérés
par les visages de passants inconnus. Ces visages inconnus croisés par
10
exemple dans la rue ou le métro, peuvent ainsi représenter un condensé
de plusieurs personnes que l’on a déjà connues, tels ces personnages
fantasmatiques qui habitent nos rêves lors de notre sommeil (et qui ont
été décrits par Freud dans L’interprétation des rêves).
Dans le petit essai Le Virtualisme : une définition, il a donc été émis
de façon déductive une hypothèse : le réel, serait-il un condensé multisignifiant de tous les réels antécédents, par l’addition de l’héritage
naturel et par l’addition de l’héritage de l’histoire de l’Humanité ? Si tel
est le cas, ce condensé de multi-signifiances, pourrait-il en conséquence
avoir un caractère analogue à celui des rêves tels qu’ils ont été définis
par Sigmund Freud dans son Interprétation des rêves ?
Toutes ces hypothèses m’amèneraient à croire que notre époque
contemporaine qui est submergée d’architectures virtuelles de toutes
sortes, est elle-même imprégnée de rêves, de mythes et donc aussi de
fantasmes, de désirs.
La critique écologiste du confort consumériste, qui reste impossible sur
une planète aux ressources plus ou moins limitées en est un exemple
flagrant : Un ensemble d’hallucinations subjectives et collectives
s’effectuent en dépit des ressources planétaires, mais aussi pour d’autres
cas, en dépit du bien-être social etc.
Reste à ajouter que ma capacité à décrypter les trips délirants des tierces
personnes rencontrées est sans doute due à l’existence d’un inconscient
collectif occidental, car l’Interprétation des rêves de Sigmund Freud ne
devrait normalement fonctionner de façon optimale que pour la personne
qui vit son propre rêve, mais il n’en est apparemment pas ainsi.
L’hypothèse de l’existence d’un inconscient collectif se certifie au sein
d’une seule et même culture, car les codes socioculturels sont partagés
par toutes les consciences de cette même culture, l’inconscient utilisant
donc forcément son langage et ses codes pour se manifester à la
conscience.
Les premières expériences Virtualistes du décryptage des rêves dans
les essais précédents sont une réussite non négligeable et implique
11
indiscutablement une mise en pratique plus poussée de cette étude, ce
qui impliquerait l’avènement officiel d’une cryptographie Virtualiste des
rêves applicable par tous et toutes.
C’est bien l’objet de ce livre qui suite à la définition de la nature
des cryptographies Virtualistes du rêve en partie I, passera à l’étude
cryptographique des folies et des trips psychédéliques de multiples
témoignages en partie II, pour enfin traverser le monde des architectures
virtuelles de l’économie capitaliste sous toutes les formes de ses parts
rêvées, qui pourraient bien déconstruire ses propres prétentions et qui
pourraient démystifier ses magies mensongères, garantes de son image de
marque et donc de sa pérennité (partie III).
Décrypter la part des rêves du capitalisme et du réel contemporain
cela revient à dévoiler ses réalités sous-jacentes et donc à pirater les
ambitions manipulatrices et hypnotiques de leurs masques, si l’on peut
les définir comme tels.
La seule chose qui nous permet de les définir comme étant des masques
et non comme étant des mondes à part entière, c’est l’incompréhension
générale que les occidentaux ont de ces mondes et donc la prééminence
du langage du réel dit ordinaire par rapport à celui du langage du rêve
et du rêve éveillé. En d’autres termes, les occidentaux ne parlent pas la
langue des rêves qui habite pourtant toute notre quotidienneté.
S’ils ne parlent que le langage du réel, une cryptographie du rêve s’avère
nécessaire pour ne pas confondre des dimensions langagières qui n’ont
rien à voir les unes avec les autres.
Il s’agit alors de mettre à terme une véritable cryptographie Virtualiste
des rêves, sorte de cartographie du mouvement Virtualiste, capable
de décrypter à tout moment le monde des rêves émis par le système
capitaliste et émis par chacun de ses ressortissants, quels qu’ils soient.
Ce livre sera donc un outil Virtualiste de piratage des rêves impossibles
du capitalisme, selon les contraintes écologiques, sociales et
existentielles du monde, mais aussi l’outil cartographique des rêves
éveillés de chacun pouvant leur permettre de ne jamais se perdre dans
l’ensemble de ceux-ci, car parfois si dangereux et si sources de conflits
12
ou de paranoïa.
En d’autres termes, il s’agira d’apprendre à maîtriser la langue des rêves
produits par l’inconscient collectif occidental, peuple que j’occupe.
Voici donc ici la naissance de la cryptographie Virtualiste des rêves.
13
Cryptographie Virtualiste des rêves
PARTIE I
__________________________
La cryptographie Virtualiste des rêves
Un rêve n’est jamais sans loi aucune, ni même l’imaginaire d’ailleurs,
bien que l’on puisse croire le contraire. L’imaginaire volontaire, combine
de façon originale les souvenirs emmagasinés par exemple... Sans
souvenir et désir d’agencement original de ceux-ci, pas d’imagination.
Qui dit n’est jamais sans loi aucune, dit aussi qu’il n’est jamais sans
signification. Un rêve est soumis aux contraintes corporelles, à la santé,
aux émotions diverses qui le traversent, à sa libido, à sa sexualité etc.
Les rêves sont également soumis aux souvenirs de vie en famille, de vie
en société, à la psycho-généalogie et aux traumas qui en ressortent, mais
aussi aux désirs et ses quêtes existentielles, sociales, politiques...
Ainsi, il est impossible de définir le rêve comme étant purement dénué
de significations ou encore comme étant absolument libre et dénué de
toute contrainte ou influence, bien au contraire, il est l’incarnation (ou
encore l’émergence) de ce trop plein de facteurs déterminants, ceux que
la conscience même a du mal à gérer en une seule et unique fois.
Le rêve est donc, tout comme le réel, constitué de contours et de sens.
C’est bien un récit structuré, mais cette fois-ci d’une façon anarchique.
Il est vêtu de ses propres lois et de sa propre façon d’envisager la
signification des choses.
Voilà donc un argument qui s’additionne aux autres pour tenter dans
cette seconde partie de définir une véritable cryptographie Virtualiste du
rêve : Le rêve regorge de significations éludées par la conscience, mais
pourtant nécessaires à son développement propre.
La majeure partie des réalités subjectives manquées se retrouve dans les
rêves. C’est ce qu’il fait qu’il est toujours habité de multi-significations.
Nous pourrions même dire que les rêves seraient un symbole indiscutable
de la transversalité dans son approche et sa nature qui fusionne en son
sein tout un ensemble de dimensions humaines évincées.
Cette transversalité est anarchique, pulsionnelle, instinctive, quasiment
animale, primitive et sauvage donc, car dénuée des normes académiques
et intellectuelles établies par les socio-cultures. Lorsque le rêve se
déploie dans cette transversalité, il y est tout puissant dans la limite
des capacités expressives qui lui sont offertes. C’est l’inévitable
manifestation du chaos complexe de la condition humaine et de ses
19
multiples dimensions tiraillées au sein des différents contextes dans
lesquelles elle se situe.
Comprendre comment la cryptographie du rêve fonctionne, c’est
mieux comprendre et aussi mieux déceler la part délirante de la société,
occidentale en majeure partie, bien que pas uniquement.
Nous citerons ici d’ailleurs une des grandes carences de cette même
société : c’est celle de confondre les langages (entre celui du rêve et du
délire, et celui du réel et du langage ordinaire) et donc de confondre les
territoires et les rôles respectifs de chaque niveau d’expression.
Un rêve éveillé n’a pas de grande différence avec les rêves du sommeil,
si ce n’est le fait que la conscience, à l’état d’éveil, prédomine en
apparence sur le règne anarchique du langage inconscient.
Un rêve éveillé permet à celui qui le vit ou le subit lors d’une transe
momentanée, d’affirmer intensément sa subjectivité dans son quotidien
ordinaire, à travers un langage original et créatif.
Quels qu’ils soient, les rêves éveillés nous déstabilisent un temps, nous
choquent émotionnellement, et nous permettent de prendre conscience
des dimensions intérieures refoulées qui s’y manifestent. Afin de mieux
comprendre leur importance il est nécessaire qu’ils soient ensuite soumis
à une méditation réflexive sur leur sujet.
Ceux-ci sont souvent mis à l’écart au sein des socio-cultures trop
normées, bien que leur nature brute et sauvageonne pourrait pourtant leur
être de profond conseil.
Paranoïas anxieuses, sur-interprétations, projections, colères
irrationnelles, irritabilités inexplicables à une trop simple logique etc.
Tout autant d’états émotifs qui sont signes du refoulement de certaines
dimensions humaines encore inacceptables pour la majeure partie de
notre système soit disant moderne, en passant.
Beaucoup d’ethnies ont pourtant auparavant, pour leur part, développé
ces dimensions intérieures sans pour autant en avoir honte. Mais c’est
bien notre peuple moderne, si malade et si dangereux pour la nature,
qui s’est proclamé envahisseur et « supérieur » à ces peuples, sans
s’imaginer une seule seconde une « quelconque » hypothèse de partage
20
et de métissage.
Nous montrerons tout d’abord en Partie II, suite à l’élaboration théorique
de la cryptographie Virtualiste des rêves, les réalités manquées qui
s’expriment à travers multiples témoignages individuels. Puis ensuite,
c’est au sein du système capitaliste lui-même que nous tenterons d’y
déceler une part rêvée. Nous essaierons donc pour le moment d’élaborer
une charte de ce que peut être la nature théorique d’une cryptographie
Virtualiste du rêve.
En effet, nous tenterons de décrire théoriquement cette pratique et
nous esquisserons donc sa définition dans une sorte de cartographie,
structurelle, paradigmatique.
Les divers niveaux de signification au sein des rêves seront consolidée
par cette structure et cette méthode analytique proprement Virtualiste, qui
n’engage donc pour le moment que ce mouvement et son auteur.
Cette cryptographie se basera relativement sur l’Interprétation des rêves
de Freud comme il l’a déjà été dit précédemment et avec insistance.
I – Le rêve, entre hasard et nécessité
Le rêve, comme il l’a été dit précédemment, fonctionne de façon
transversale, mais contrairement au monde logique, d’une manière
chaotique, parfois contingente et surtout anarchique, entre tout d’abord,
le hasard et la nécessité de l’existence.
Une trop grande quantité d’expériences vécues par un individu reste une
chose ingérable pour une simple conscience humaine. Elles explosent et
se libèrent alors à travers le rêve qui se déploie pendant le sommeil, mais
elles s’expriment aussi avec discrétion lors de notre quotidien éveillé.
La première particularité qui paraîtra évidente sur la structure multisignifiante du rêve sera donc de savoir que, quelle qu’elle soit, la
structure des rêves restera contextualisée et influencée par les forces
accidentelles du hasard et par les forces déterminées de la nécessité. Ces
forces agissent sur l’inconscient (extériorité) ou viennent de l’inconscient
lui-même (intériorité). Ces forces chaotiques rentrent implacablement en
21
résonance et en dissonance avec le hasard et la nécessité (intérieure et
extérieure) rationnelle, existentielle et logique de la conscience civilisée,
très souvent aliénée.
Tout en sachant qu’il reste impossible de tout décrire, il faut bien
savoir que tout ce qui sera cité ici se trouvera à la fois vêtu de hasard
et de nécessité suivant l’angle d’approche par lequel on abordera le
phénomène observé.
Dans le réel du quotidien de chacun nous définirons : Hasard, par
l’imprévisibilité ou même l’accident que provoquent certains facteurs
déterminés, inenvisagés et déterminants pour une existence et donc
un rêve. Nécessité par opposition à l’existence même de ces facteurs
contingents, accidentels et à leur influence exercés sur nos projections,
nos finalités existentielles, pulsionnelles, politiques, sexuelles, affectives,
c’est à dire anarchiquement transversales dans la dimension du monde
des rêves.
Nous pouvons ainsi affirmer qu’une influence est exercée par
l’imprévisibilité du réel, sur le résultat de la nécessaire projection dans
l’avenir que s’imagine un individu pour agir et réaliser ses projets
propres.
Un premier type de rêve éveillé se déduit donc de cette analyse : celui
du rapport plus ou moins conflictuel entre une projection imaginée sur
l’avenir, dans le réel et l’expérience qui ressort de ce dialogue instable et
chaotique. Rêve éveillé entre deux phénomènes hétérogènes, le hasard et
la nécessité, le réel et la volonté projetée, l’accident et le destin.
Toute forme de rêves restera donc habitée par cette problématique
existentielle et paradigmatique.
Il faut aussi dire que le terme hasard implique aussi une relative capacité
de choix, d’indépendance indéterminée, donc une part de contingence
véritable sur notre part d’autonomie. Celle-ci reste un désir indéterminé
face aux forces hostiles ou plus ou moins favorables qui l’environnent.
Mais affirmer légitimement l’existence de cette forme de hasard relève
22
du domaine de la croyance, de la foi, ou encore de l’hypothèse, car pour
notre si petite conscience, savoir si tout est déterminé ou non lui reste
pour le moment un calcul impossible.
Toujours est-il que la conscience a une capacité relativement grande,
selon les contextes dans lesquels elle baigne, pour se positionner de
façon autonome sur certains axes d’approche et de contemplation plutôt
que d’autres et ne fait pas que subir ses forces intérieures ou les forces
qui lui sont totalement étrangères. Un acte prémédité peut donc lui être
possible, une élaboration construite sur le monde extérieur également,
car le choix autonome de sa position peut l’introduire à l’action et au
projet.
Le hasard et la nécessité ne sont-ils d’ailleurs pas trop soumis à l’étroite
interprétation verbale et subjective que les mots nous permettent ? Ces
deux phénomènes, restent-t-ils également soumis à l’instinct interprétatif
et analogique de la personne qui les aborde ? Cet abord n’est-il pas
d’ailleurs lié à la quête existentielle et politique du désir ?
Nous ne verrons, en tous les cas parfois ici, pas de différences véritables
entre le hasard et la nécessité qui habitent un rêve et ceux qui habitent
le réel, car ces deux fonctions habitent le même domaine : celui de
l’existence. Le hasard et la nécessité se placent juste sur des terres
différentes (rêve ou réel), ils y auront, selon la sphère que l’on abordera,
une fonction et une structure différente.
Une seule chose, qui reste tout de même primordiale, différera dans la
définition du rêve par rapport au réel : c’est la transversalité et l’anarchie
de l’inconscient qui prédominera sur la conscience dans un rêve et ce
sera l’inverse pour l’abord subjectif du réel par la conscience logique.
La conscience est en ce qui la concerne, dotée de culture, d’une raison
considérablement ordonnée avec tout l’héritage disponible de l’existence
humaine. Mais la conscience garde tout de même à sa manière, un
langage onirique, subjectif et fantasmé qui fonctionne en partie sous le
règne de l’inconscient et inversement.
23
Nous pourrions par conséquent considérer qu’un rêve éveillé existe
lorsque le fantasme inconscient d’un ou plusieurs individus prédominera
sur l’existence des contraintes limitées du réel sensé et qui forme la
conscience à une interrelation de plus en plus harmonieuse avec lui.
Si nous devions établir une liste synthétique des sources de rêves
qui logent entre hasard et nécessité, nous définirions tout d’abord
l’imprévisibilité du rapport qu’un individu entretient avec l’extérieur et
ce qu’il en mémorisera. Nous pourrions ensuite définir nos aléas émotifs,
les aléas de notre condition affective en général, de notre condition
sexuelle, de notre état de santé... Nous pourrions continuer cette liste
par le passif familial et social d’un individu et tous les souvenirs qui
l’accompagnent avec ses plus ou moins grands traumas. Nous citerions
enfin, la quête existentielle et parfois même politique qui ressort de ce
passif, mais qui ressort aussi du contexte historique de la société dans
laquelle il se trouve.
Nous pourrions aussi définir le hasard et la nécessité des rêves comme
ceci : Nous dirions que le hasard, c’est le résultat et le cheminement
expérimental des tentatives de projections de la conscience et que
la nécessité, c’est celle de l’existence indiscutable du moi et de ses
projections mais aussi celle de l’existence indiscutable mais étrangère du
réel qui l’environne et lui fait face.
Nous irions enfin plus loin en confirmant qu’un savoir-faire, c’est réduire
le hasard des projections de la conscience sur la nécessité du réel et que
le savoir-faire s’acquiert en général avec le temps et l’expérience.
Ainsi, décrypter un rêve c’est prendre en compte le contexte significatif
de ce tiraillement transversal et bipolaire auquel il est exposé et qui
l’influence.
II – Le rêve, entre liberté, désir, aliénation et contrainte
Le rêve pose aussi une question importante à la conscience, celle de
la responsabilité qu’elle porte sur son avenir, sur son devenir, sur ses
contraintes, ses fardeaux et sur ce qui l’aliène.
24
Lorsque le rêve s’effectue, il avertit de certains facteurs refoulés à
l’habitude mais pourtant si importants pour sa quête d’accomplissement.
Une quête existentielle et un rêve importent car l’existence d’une
personne avance vers la fin de son horloge biologique, c’est à dire vers la
fin de son existence : la mort.
C’est à travers ce déséquilibre flagrant, imminent, oui à travers ce
sentiment instinctif, inconscient, sauvage, anxieux, mais aussi conscient
et lucide de notre fatale vulnérabilité, que tous ces processus pulsionnels
et anarchiques s’effectuent, notamment dans l’univers des rêves.
La question de l’expérience d’être, c’est aussi la question de l’expérience
d’être unique et éphémère, d’être donc particulier et particulièrement
fragile, d’être momentanément très important puisque voué à disparaître,
et d’être doté de sa propre raison et de sa propre conscience pour
s’accomplir avant de ne plus être. C’est bien une question ultime et
même inévitable pour l’être humain qui naît dans le monde et son
histoire humaine. C’est un problème, une solution, un fantasme, une
liberté, un fardeau, une contrainte, c’est un rêve, car fait de multiples
saveurs, parfois paradoxales, c’est un condensé de sa propre intériorité
et un condensé de l’espace-temps qu’il habite et qui l’environne.
L’existence permet au corps et à l’esprit humain tout un ensemble
d’expériences sensorielles mais aussi tout un ensemble d’expériences
effectuées par le fait d’agir sur le réel, de s’y cogner, de pouvoir parfois
le conquérir, de se confronter inévitablement à l’altérité etc. C’est
une expérience unique en son genre. Elle permet un ensemble d’interrelations avec les autres et avec ce qui nous environne. C’est au sein de
tout un spectre sensoriel aux infinies teintes et aux infinis contrastes que
l’expérience de la vie garde sa valeur unique, et ce pour tout être et pour
tous organismes, quelle qu’en soit la sauvagerie ou la dureté.
L’expérience de l’être, c’est se placer dans un océan de désirs
hétérogènes, aux courants agités, avec la liberté ou les dures épreuves qui
s’offrent à nous. C’est être aliéné par celui-ci et donc torturé. C’est subir
les contraintes impliquées par l’époque que l’on traverse (où manger,
25
boire, se reproduire, s’entretenir et s’accomplir n’incarnent pas la même
forme).
Le processus de l’existence implique un ensemble de conditions, ces
conditions nous les incarnons tout autant que nous en sommes étrangers
et victimes. Étranger à soi et fidèle à ses désirs, étranger à ses désirs et
fidèle à soi, adapté au réel et loin de ses rêves...
Anxieux de la mort mais fidèle à son caractère d’exception, au point
que, lui faire face engendre, chez nous et chez les autres, une certaine
intensité émotionnelle et poussée d’adrénaline. C’est un ensemble de
jouissances et de tortures multiples qui s’impose à la condition de l’être.
C’est à travers tout ce chaos que s’exprimeront également le rêve, le
délire, la folie et le rêve éveillé. C’est donc à travers ce tetraptyque que
doivent s’analyser les rêves sous toutes leurs formes, dans notre culture
occidentale.
Le désir, c’est selon Gilles Deleuze l’agencement de plusieurs éléments
qui forment un contexte structurel fidèle à ce que l’on peut fantasmer. La
liberté, c’est la capacité de pouvoir réaliser ce que l’on souhaite quand on
le souhaite. L’aliénation, c’est tout ce qui nous empêche de développer
ce que l’on souhaite épanouir chez soi pour s’accomplir. La contrainte,
c’est s’adapter dans l’effort à un ensemble de conditions qui nous sont
nécessaires mais aussi étrangères.
Dans le rêve, le délire et le rêve éveillé c’est aussi la question
existentielle du conflit entre ces quatre corps qui s’exprime généralement
très clairement au travers de métaphores, de paranoïas délirantes,
de scénarios psychotiques imaginaires, de trips psychédéliques
hallucinatoires, ou encore lors du quotidien ordinaire de chacun où la
part rêvée est loin d’être négligeable. À la bipolarité du hasard et de la
nécessité, s’ajouteront les nuances et les teintes de ces quatre pôles.
Nous insisterons sur le fait que la dimension du rêve sous toutes ses
formes est à notre époque intensifiée par l’addition de l’héritage des
connaissances humaines dans l’histoire, cela rend celui-ci beaucoup plus
26
inédit, plus subtil, plus psychologique et donc sans doute bien plus habité
de complexité.
III – Le rêve, l’existentialisme, l’histoire et le capitalisme
Le rêve est constitué de l’intériorité d’un individu, mais aussi des valeurs
et des éléments de l’époque qu’il habite. Ainsi, les préoccupations
existentielles, religieuses, philosophiques et politiques qui habitent cette
époque historique, seront les ingrédients inévitables à la représentation
de ses rêves sous toutes leurs formes (éveillés, délirants, paranoïaques
etc.).
Il n’y a qu’à voir par exemple les délires de prédictions apocalyptiques
judéo-chrétiennes du peuple occidental qui tout au long des vingt
derniers siècles a attendu l’imminent retour du Christ. C’est pendant
un peu moins de deux millénaires qu’une attente des masses s’est
manifestée. Le troisième millénaire est entamé et l’on peut lire encore sur
le web certains sites internet nous annonçant l’imminence de sa venue
avec toutes les connotations politiques que cela comporte.
Ainsi, toute une part de valeurs politiques et culturelles s’imprégnera
inévitablement dans les rêves et les délires. Les codes sociaux d’une
époque pourront habiter les rêves de toutes les personnes qui en usent ce
qui justifie l’hypothèse de l’existence de symboliques et de métaphores
collectives, donc également d’hallucinations collectives et de l’existence
d’un inconscient collectif, l’inconscient de chacun utilisant les mêmes
codes socioculturels que ceux de la communauté sociale et culturelle
qu’il occupe.
Ceci encourage donc tous les artistes Virtualistes à pouvoir utiliser cette
cryptographie Virtualiste des rêves.
Le contexte politique, historique et culturel d’une époque reste donc
préalable au développement cryptographique du rêve que l’on doit
aborder.
Aujourd’hui, c’est bien à travers le contexte du capitalisme que l’abord
des rêves doit s’effectuer. Comme il a été dit, l’addition de l’héritage
culturel dans l’histoire, rend le langage des rêves plus complexe et plus
27
subtil que ceux d’auparavant, car cet héritage est de plus en plus riche et
abondant à mesure que le temps passe et donc de plus en plus habité de
sens.
L’absence de codes et de valeurs clairs à travers l’économie capitaliste
rend également le langage des rêves et des délires plus complexe, plus
hétérogènes et plus parcellisés, bien que, tout un ensemble de codes
sociaux puissent être préservés à travers les différentes communautés
sociales qui l’habitent.
En effet, le capitalisme dans son apologie américanisée de la liberté,
défend en fin de compte l’anarchie de l’argent, c’est à dire la capacité
de tout pouvoir acheter avec un capital élevé, c’est bien là une anarchie
bourgeoise de droite. La législation n’est en fait qu’une devanture plus
ou moins régulatrice de la corruption anarchique libérale permise par une
forte somme d’argent ou par une place privilégiée dans l’échiquier de ce
même système.
Ainsi avec une très forte somme d’argent, nous pouvons acheter de
la drogue, des diamants volés, des armes, des armées, un tueur, une
prostituée de luxe etc. Mais nous pouvons aussi investir cette même
somme pour orienter la législation économique d’un pays ou d’un
ensemble de pays, d’une législation économique inter-étatique etc.
Ce qui a permis un coup d’état sous le règne d’Allende, ou encore sous
le règne de Patrice Lumumba, c’est avant tout le pouvoir octroyé par
l’argent pour acheter leur armée. L’argent est donc en général très sale
et c’est bien connu. Le capitalisme donne d’ailleurs à l’argent et à la
monnaie un pouvoir exorbitant qui est plus qu’inquiétant. C’est d’ailleurs
l’argent qui reste aujourd’hui le seul lien véritable entre les gens avec
le sexe, l’amour et l’affectivité. Mais l’argent est-il véritablement une
valeur culturelle (valeur, oui, mais culture) ?
Faire une analyse des éléments qui constituent le capitalisme ou plutôt
considérer ses valeurs primordiales c’est également contextualiser à notre
époque l’ensemble des rêves qui y sont baignés et le rêve de la structure
même de ce système.
28
Nous citerons donc ici :
Le salariat et ses contraintes d’obéissance aliénantes ; les classes sociales
misérables et leurs ses prolétaires en situation précaire ; les intérimaires
dans la même situation pour la plupart ; le chômage omniprésent qui
sert en général de réserve de main d’œuvre latente et disponible ; des
amours et des familles gâchées par des situations sociales difficiles ;
une pauvreté qui influe sur l’ambiguïté morale de l’individu à travers
l’acte de délinquance ; l’essor d’une classe moyenne, classe de confort
hyper-consumériste, notamment en occident ; l’avènement d’un
capitalisme numérique lié aux nouvelles technologies, générateur de
nouvelles sphères professionnelles et civiles qui favorisent la perte des
repères identitaires dans toutes les dimensions que ce terme comporte ;
des médias capitalistes qui dominent sans complexes la construction
des réalités dites « actuelles » où l’ensemble de la presse marginale
et déviante n’a pas pied ; l’apologie moderne du déplacement, de la
circulation et de ses transports ; l’apologie du tourisme et du voyage
consumériste qui l’accompagne ; la dévalorisation des disciplines
scientifiques et culturelles tant que ses recherches et ses études ne
nourrissent pas le commerce capitaliste (La philosophie, la sociologie,
l’ethnologie, la biologie etc.), sa méritocratie, ses professions et les
carriérismes qui en ressortent ; la marginalisation des communautés
politiques et culturelles subversives, novatrices ; la finalité unilatérale
et indétrônable du profit capitaliste, qui régit tout - y compris par la
violence , jusqu’aux hauteurs pyramidales les plus élevées, les plus
intouchables - l’ensemble des comportements humains sans chercher à
prendre en compte ce qui en eux ne peut fonctionner que par la seule et
unique logique commerciale...
C’est dans un contexte historique tel que celui-ci qu’il faut positionner
une cryptographie Virtualiste des rêves et je n’ai pas cité ici les
problèmes écologiques et sanitaires...
Ces contextes devront donc être relativement pris en compte au sein des
deux sujets d’études séparés en deux parties distinctes et qui suivront
cette démonstration théorique.
29
Il faut pouvoir envisager la définition paradigmatique de la cryptographie
Virtualiste des rêves, autant du point de vue du capitalisme, de ses
règles et de ses lois économiques, des réalités socio-économiques qui
en émergent, que des rêves et des délires d’une personne qui côtoie
quotidiennement ce système au sein d’une communauté qui occupe une
place dans sa structure.
Une cryptographie Virtualiste des rêves doit prendre en compte la
subtilité de tous ces éléments, car l’inconscient s’en imprègne de façon
conséquente avant d’exprimer dans l’explosion créatrice des rêves ce
qu’il a à dire à la conscience.
Une quête existentielle, c’est une quête pour la dignité et l’authenticité de
sa propre identité. Tous les délires et tous les rêves éveillés restent donc
souvent excessivement liés à cette quête existentielle individuelle de soi
à travers les autres et de soi par rapport à soi.
Cette quête rejoint inévitablement celle des mythologies grecques,
des contes initiatiques africains ou des contes enchantés pour enfants.
Le héros prend la place symbolique de la réalisation de soi à travers
la virtuosité et le brio du courage et de la persévérance. Malgré tous
les obstacles et dangers, celui-ci affirme ce qu’il est, coûte que coûte,
et quitte à se sacrifier et devenir le récit tragique d’une triste fin. Il
s’éternisera alors par la mémoire des récits sur son courage.
Contextualiser le rêve ou le délire dans les préoccupations existentielles
(héroïques dans les mythologies) de son interlocuteur ou de son sujet
d’étude c’est donc un outil important pour une cryptographie Virtualiste
des rêves.
La préoccupation principale ou dominante d’une personne, c’est en
général le pilier du délire et du rêve éveillé. C’est la colonne vertébrale
de sa structure onirique.
IV – Instinct analogique et sens de la métaphore
Le sens instinctif, sauvage et sensible, le sens de la poésie et de la
métaphore sont également des outils indispensables pour effectuer une
interprétation des rêves selon les méthodes de Sigmund Freud, mais là,
dans les domaines du rêve éveillé et de la folie.
30
Une personne qui utilise la cryptographie Virtualiste des rêves doit être
suffisamment informé et documenté sur le contexte du sujet analysé,
doit bien connaître le sujet qu’il aborde mais surtout doit laisser son
instinct analogique, sauvage, instinctif et spontané agir avec assurance et
virtuosité.
Ce sont comme des sortes de devinettes, de déductions logiques, de jeux
de mots, de métaphores, de subtilités, propres au sujet onirique qui sont
abordées dans l’étude et l’analyse. Comprendre quelqu’un ou quelque
chose que l’on souhaite décrypter reste donc préliminaire à la pratique
cryptographique.
Ainsi, des exercices de désinhibition, de libération de l’inconscient,
donc aussi de notre inconscient collectif, par exemple par le biais de
l’écriture automatique d’André Breton dans le Surréalisme, peut être une
préparation à la pratique de la cryptographie Virtualiste des rêves.
C’est dans la spontanéité et la pulsion que l’inconscient s’exprime le plus
et donc c’est aussi dans celle-ci que son langage peut être abordé avec
aisance.
Il ne faut toutefois pas négliger pour autant la dimension rationnelle de
la conscience logique, car c’est elle qui contextualise logiquement le
langage inconscient du rêve.
V - Existentialisme, capitalisme, rêve, crise systémique et nécessité
Entre l’existentialisme des quêtes de chacun et la politique qu’elles
impliquent, entre le rêve éveillé effectué par chacun pour cette même
quête et les coercitions législatives, entre le capitalisme et son rapport
assoiffé de pouvoir, entre le capitalisme et son rapport à la dimension
des rêves, entre la nécessité des contraintes matérielles, naturelles, et le
mythe progressiste des technologies capitalistes industrielles, c’est un
vrai cocktail chaotique, déséquilibré et explosif qui se dépeint devant
nous.
À l’horizon, c’est à un des plus grands défis du réel auquel se confronte
l’Humanité à notre époque. Nous récoltons bien les semences de nos
31
ancêtres et nous ne savons pas véritablement ce qui s’est passé lors de
leur passage.
Connaître les lois qui régissent notre subjectivité grâce à l’héritage des
connaissances de l’histoire humaine et grâce à notre propre talent, cela
devient primordial. Une vrai lutte contre l’ignorance doit s’effectuer, car
le plus grand danger reste bel et bien nous-mêmes lorsque nous ignorons
la loi des facteurs qui nous déterminent (Henri Laborit le disait déjà des
années 60 jusqu’à la fin des années 90).
Comme il a été dit dans Le Virtualisme : Une définition, nous sommes
tous confrontés aux fruits de notre histoire passée. C’est une histoire
de fracas, de guerre, de colonisation, d’éradication des traditions et
des cultures, c’est une histoire malade où l’on se demande si l’on
peut appeler notre espèce Humanité. En effet, l’extrême division des
peuples a été cultivée et entretenue par les pouvoirs. Cela nous prête
plus à croire en l’étrangeté de l’homme vis à vis de l’homme qu’en sa
fraternité partagée. Cela nous prête plus à croire en un cauchemar éveillé
incompris et constant, qu’à une lucidité philosophique et empirique qui
nous libérerait de nos tares. Heidegger, un des plus grands philosophes
du XXème siècle est lui même devenu partisan de la plus grande barbarie
intellectuelle de ce même siècle : le nazisme et son totalitarisme morbide.
C’est pourtant dans les sphères virtuelles et l’hypnose que nous occupons
la majeure partie de notre temps. Je vois des personnes partir dans les
transports en commun de ma ville. Ils sont usés et habitués à la routine
d’un travail harassant en scrutant et en fuyant leur vie à travers leur
téléphone portable, leur livre, leur lecteur mp3,...
Je les vois se nourrir aveuglement de journalisme indigent et presque
absolument travesti par les grands commerces. Je les vois s’enivrer de la
coupe du monde de Football comme pour saluer un événement historique
qui représente presque 10 000 fois leur budget annuel, et qui pourrait leur
permettre de développer des projets pour leur propre vie.
Nous sommes bien dans Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, où le
suave calme avant l’hypothèse d’une tempête presque confirmée par tous
32
les spécialistes de notre époque reste à venir.
Ne pas en prendre conscience, c’est vivre dans un rêve virtuel, bien
que dès à présent le virtuel restera toujours notre condition subjective
quotidienne. Du capitalisme et de ses berceuses démoniaques, nous
vivons bien dans le bide mensonger et séducteur de La Beauté du Diable.
Ainsi, dans l’ambiance hypnotique et mensongère du quotidien, de
ses horloges, de ses réveils et de toutes ses cadences militaires, dans
l’ambiance de ses spectacles et de ses divertissements télévisuels, de
ses publicités qui arnaquent et de ses commerces qui tentent, il rôde
l’hypothèse de plusieurs scénarios inquiétants.
Imaginer l’avènement et le développement d’un ensemble de
gouvernances inter-étatiques occidentales basées sur les grands
commerces et la finance ne rassure pas, surtout lorsque le rêve de la
gouvernance mondiale a existé dans l’histoire à travers le nazisme et
que les États-Unis refusent en toute conscience et connaissance de cause
avec d’autres pays de signer l’ensemble des protocoles sur la limitation
des rejets de gaz à effets de serre. Pourquoi refusent-ils ces protocoles
internationaux ?
Je ne suis pas un partisan de la théorie du complot, mais le monde
des grands pouvoirs, quels qu’ils soient, je ne les connais pas, je ne
connais pas leur culture, leur valeur, leur vision, leurs traditions et leur
opinion subjective sur les peuples. Je ne suis clairement pas de leur
monde. Presque aucun livre analytique n’existe sur la psychologie des
hommes qui ont de grands, de très grands pouvoirs tels que ceux des
multinationales, ou encore des USA.
Je me permets donc en tant que partisan du principe écologiste de
précaution de prendre en compte l’analyse de Naomi Klein sur La
stratégie du choc.
33
Conclusion – La stratégie du choc de Naomi Klein
Une gouvernance plus coercitive pourrait illusoirement s’avérer être
légitime à notre période historique. À l’aube d’une crise systémique où
aucune réaction véritable par les pouvoirs n’a été effectuée, alors qu’ils
sont les premiers à être informés et conseillés de l’actualité de celle-ci,
c’est assez inquiétant.
Dire que le monde onirique, suave et virtuel que j’arpente dans ma
ville quotidiennement a quelque chose d’assez diabolique dans sa
schizophrénie face au danger imminent d’un réel aux équilibres naturels
vivement amochés, c’est inquiétant.
Avoir l’impression de se retrouver dans Le meilleur des mondes
D’Aldous Huxley, à l’aube de grandes catastrophes démographiques et
écologiques, c’est inquiétant.
Savoir que les discours de certains chefs d’états américains prônaient à
une époque très récente une stratégie militaire et politique de contrôle
autoritaire des peuples à travers une culture de la catastrophe et de la
peur qui en ressort, c’est également très inquiétant, surtout lorsque
l’on constate une incompréhensible répétition en chaîne du refus
américain de ratifier les protocoles internationaux, non seulement ceux
liés à la limitation des émissions de gaz à effet de serre, tel qu’évoqué
précédemment, mais aussi de nombreux autres.
Percevoir un si triste tableau, autour de l’abondant héritage des
connaissances humaines et des capacités techno-scientifiques actuelles,
voir un tel pronostic sur le futur de l’Humanité auprès des nouvelles
technologies numériques et de ce qu’elles peuvent nous apporter, n’estce pas là le comble des suicides collectifs involontaires de masse ?
Savoir que les politiciens représentent en général un monde bien à
part, que les patrons de grandes entreprises également, que les grands
bourgeois et les financiers de toutes sortes n’habitent pas les bidonvilles
ou les quartiers populaires, ne favorise aucune confiance aveugle de ma
part.
34
Se documenter sur le livre de Naomi Klein, La stratégie du choc,
cela appelle nécessairement à la préparation et à l’anticipation d’une
hypothétique et future résistance à venir.
La cryptographie Virtualiste des rêves en est un des outils intellectuels.
Savoir que le contrôle des peuples est de plus en plus possible grâce à
l’avancée des sciences et grâce à ce qu’elles permettent aux pouvoirs,
c’est aussi prendre conscience des hypothétiques stratégies de contrôle
des masses par ceux-ci (exemple : toute personne en garde à vue, quel
que soit le motif de son interpellation, doit être fiché génétiquement
depuis la gouvernance de Nicolas Sarkozy).
Pour produire un choc psychologique conséquent, il faut que l’hypnose
soit assez conséquente et donc que l’état de sommeil éveillé soit assez
significatif afin qu’un choc conséquent se produise.
Certaines pages du livre de Naomi Klein parlent de la guerre politique et
militaire moderne des USA qui est devenue une guerre plus commerciale
et psychologique que dictatoriale.
La servitude volontaire est une des analyses qui légitime la dimension
infantilisée des citoyens et des travailleurs sous le joug ambiant de
la peur. Que penser alors de l’infantilisme sous le joug constant de la
catastrophe ?
Ainsi, qu’est-ce qu’un peuple accepterait, s’il devait faire face à des
propositions démagogiques des pouvoirs, lors de graves catastrophes
écologiques, démographiques etc. ? Quel prix le pouvoir est-il prêt
à payer pour un contrôle clairement légitimé des populations à la
fin de l’échec du communisme ressuscité sous le spectre de l’altermondialisme.
Je me rappelle encore la répression ultra-violente qui a eu lieu à
Gênes et du meurtre policier d’un jeune adulte italien. Je revois la
faible médiatisation télévisuelle et journalistique de ces mouvements
subversifs, mais aussi l’étouffement du seul germe d’une gauche
moderne et ressuscité de ses cendres trahie par l’histoire.
Un système quel qu’il soit, est fait pour préserver sa structure (Henri
Laborit). Ainsi, quel prix ce système dévorateur d’hommes est-il prêt à
35
payer pour préserver son idéologie ?
Car ce système, c’est une Bête.
Bien que tout ceci reste hypothétique, c’est tout de même une hypothèse
suffisamment plausible pour appliquer un principe de précaution en se
préparant à la résistance à travers ce qui nous reste pour l’instant : les
armes culturelles, la lutte contre l’ignorance, l’union populaire et la mise
en réseau des communautés alternatives, la mise en avant du partage
interculturel et la promotion des valeurs du métissage.
Le métissage sera d’ailleurs notre avenir, car en fait, comme l’a si bien
montré Claude Levi Strauss dans Tristes tropiques les traditions ont été
presque entièrement éradiquées.
La suite de cet essai, nous la commencerons par l’étude cryptographique
de certains témoignages auquel j’ai pu assister dans ma vie grâce aux
multiples rencontres que la vie m’a accordées. Ces témoignages sont
liés à la folie donc au délire. Un délire est une hallucination en plein
éveil, donc un rêve éveillé, car on y croit bien que cela n’existe que dans
l’intériorité de la personne qui le subit. Pour nuancer, nous pourrions dire
que le rêve éveillé s’effectue d’avantage dans l’intériorité de la personne
que dans l’extériorité, tel un véhicule (le corps), qui pourrait plus ou
moins fluctuer entre l’empirisme objectif d’une analyse perceptive
de l’extériorité ou plonger dans les méandres psychologiques de son
intériorité. L’un ou l’autre pôle ayant des fonctions différentes dans la vie
du percepteur.
Ces délires ont été soit provoqués par le handicap d’une folie (psychose,
paranoïa...) quotidienne, soit par l’ingurgitation d’une drogue
psychotrope amenant son consommateur à un « trip » psychédélique
proche de ce que peuvent vivre les fous.
Pour finir ce manuscrit, j’étudierai les rêves éveillés de certains domaines
virtuels du capitalisme, leur signification oniriques sous-jacentes à
travers cette grille de lecture, la cryptographie Virtualiste des rêve que je
viens de vous décrire ici.
Ce sera donc la dernière démonstration de la potentialité pirate de cet
outil cryptographique.
36
PARTIE II
_____________________________
Témoignages et cryptographie Virtualiste des rêves
Ce sont de réels témoignages qui sont ici publiés et c’est par la méthode
de la cryptographie Virtualiste des rêves et celle de l’Interprétation
freudienne des rêves que nous allons tenter de les décrypter.
L’ensemble de ces témoignages est décrit avec l’accord de ceux qui les
ont vécu et si tel n’est pas le cas, leur identité reste de toute façon voilée
sous l’anonymat d’un pseudonyme.
Vous verrez ici tout un ensemble de témoignages et d’interviews qui
réhabilitent, par la force de leur récit, l’hypothèse non-négligeable de la
présence constante des rêves dans notre quotidien soi-disant absolument
réel et « éveillé ».
Déjà, la démonstration flagrante des limites subjectives de l’homme dans
l’essai Du Virtualisme confirmait le relatif aveuglement de sa conscience
et de ses connaissances des réalités extérieures. S’ajoute maintenant à
l’indiscutable constat de nos limites perceptives et cognitives, au profit
de notre dynamique créatrice, celui d’un langage oublié et même très
refoulé en occident, celui du monde des rêves, et en plein éveil.
Cette analyse pose également à l’être humain la question de sa fonction
ou de sa place au sein de la nature et de ses écosystèmes.
Est-il davantage fait pour créer, pour rêver, pour penser, réfléchir,
ou encore pour fabriquer ? Est-il fait pour préserver et sublimer la
nature ? A-t-il la véritable capacité de maîtriser les éléments naturels
par l’avancée de ses connaissances techno-scientifiques ? Cela n’est-ce
pas en fin de compte qu’un rêve effectué par une créature de la nature
qui restera en fait toujours handicapé par ses perceptions limitées, par
sa fonction naturelle propre, cette nature si créatrice et avant tout si
créatrice de soi ? N’avons-nous pas en général les « yeux plus gros
que le ventre » en ce qui concerne nos capacités de domination sur un
environnement qui nous est extérieur et relativement étranger ? Avonsnous du mal à accepter que le « lieu » qui reste destiné au monde des
fantasmes n’est peut-être pas celui du monde matériel ? Quelle sphère
d’épanouissement pourrait donc être léguée à notre volonté de contrôle
qui souhaite tout façonner à sa guise ? Quel espace lui est réellement
disponible ? Quel est en fin de compte son territoire propre, son pays, ses
41
frontières, son infini ? Le fantasme : Savons-nous même quelle peut être
sa fonction véritable ?
Le but n’est pas ici de chercher à tout définir, à tout rationaliser dans des
représentations et des fonctions symboliques remplies de significations
obsessionnelles, causes d’une impuissance pour trouver un sens à une
existence perdue d’avance.
Le but serait plutôt de réussir à définir ce qui reste possible aux rêves
humains et ce qui leur reste impossible au sein des limites de son
écosystème naturel, ce serait donc reconnaître une loi naturelle à
respecter, et donc reconnaître les frontières qu’elle nous a implicitement
imposées.
Une part de limites existerait donc et s’imposerait aux passionnelles
hallucinations humaines.
Le récit mythologique d’Icare nous donne déjà l’exemple d’une sagesse
très ancienne qui comprenait déjà l’indiscutable existence des limites,
lors d’un âge où l’homme n’avait même pas un tel pouvoir destructeur
sur son environnement naturel.
Reconnaître des limites aux actes humains, à ses rêves éveillés, ses
délires etc., ce n’est pas rejeter la dimension infinie de l’existence, bien
au contraire, c’est plutôt chercher à savoir où l’infini peut-il sainement
se déployer dans les multiples dimensions de l’existence naturelle.
C’est donc aussi apprendre à se connaître soi même ou plutôt chercher à
prendre conscience de soi afin de trouver sa place au sein de tout ce qui
nous environne.
Les contours du réel nous disent une évidence : bien que l’existence soit
infinie elle reste habitée par une loi, et une loi a des limites à respecter.
Si l’existence était sans loi aucune, nous n’aurions pas besoin de faire le
moindre effort pour réaliser un vœu, ou nous n’aurions sans doute pas
de contours relativement clairs du réel perçu que l’on traverse. Cette loi
garde tout de même un caractère libre et absolument infini lorsqu’elle
est admise et généralement respectée. Mais pour cela, il faut donc avant
tout admettre que nous sommes des êtres limités dans certains domaines
et des êtres illimités et infinis dans d’autres, infinis, oui mais dans les
mondes et les territoires de nos capacités propres. Certaines choses nous
seront donc impossibles, comme par exemple notre toute puissance
42
sur les éléments qui nous environnent. Sommes-nous des dieux ou ne
sommes-nous que des créatures mortelles ? La réponse me paraît sur ce
sujet relativement claire...
Tout ce développement pour en conclure qu’une cryptographie
Virtualiste des rêves, c’est en partie la compréhension de la place du
rêve éveillé dans le quotidien de chacun, en comprenant sa langue et sa
problématique et l’importance qu’il peut prendre en tant que conseiller
existentiel pour la conscience de l’individu qui le vit.
Suivra donc ici une succession de témoignages qui ne sont pas
dénués d’importance dans ce qu’ils impliquent philosophiquement et
politiquement pour notre société contemporaine.
C’est à travers une démonstration de décryptage que nous verrons ce que
peut impliquer la prise de conscience d’un autre langage au sein du réel,
celui du langage des rêves.
Enfin, reste à affirmer que décrypter un délire ou un trip psychédélique
qui dévoile un autre langage que celui de l’état ordinaire, c’est, s’il
s’avère explicable dans le langage ordinaire et qu’il traduit l’état
ordinaire du subjectif, aussi affirmer que le langage ordinaire du
subjectif est une sorte de délire et de rêve éveillé. Je parle là bien du
langage subjectif et non pas du réel qui lui, est bel et bien fait de chair et
de sang, de poussière et de roc, de vie et de mort.
I – Olivier et les drogues psychédéliques
1. Un trip psychédéliques sous LSD
Olivier est un de mes amis. C’est une personne qui a toujours eu un
regard profond et lucide sur les gens qu’il côtoie. Par « profond » je
veux dire qu’il a une vision assez Baudelairienne du rapport social, où
certaines choses ne sont pas dites.
Il a souvent l’habitude d’essayer de débusquer les non-dits de ses amis,
par le biais d’insinuations plutôt conviviales, afin de ne pas « avaler »
leur comédie sociale et afin d’être le plus proche des vérités intimes
43
et voilées de leur véritable nature. C’est une personne qui est donc en
constante lutte contre les illusions afin de ne pas devenir l’apparence des
choses mais bien de rester proche de ce qui s’y cache. Pour lui, croire
aux illusions c’est se perdre comme perdre son humanité. C’est là pour
lui un engagement de fidélité envers la vérité et un dégoût évident du
mensonge et de ses envoûtements, garants de la solitude de chacun.
C’est une personne qui a un rapport sceptique dans les rapports
sociaux. Il joue constamment une sorte de double jeu sans être pour
autant hypocrite. Deux niveaux s’effectuent (à mes yeux) à travers ses
échanges : le niveau du rapport social apparent et purement conscient du
moi, et le niveau pulsionnel de l’inconscient, des frustrations, des vices
cachés, des rancœurs non avouées etc.
Un jour, alors qu’il avait pris un LSD lors de ses vacances, il eut une
vision cauchemardesque qui le terrifia (ce que l’on pourrait nommer un
bad trip). En effet, il vit une sorte de flux de « méchanceté pure, selon ses
termes, qui se condensait et s’intensifiait de plus en plus en face de son
visage, comme une sorte de spectre qui soudain, après lui avoir fait face
de façon hostile, lui sauta au visage d’un seul coup. ». Effrayé, il eut un
hurlement d’effroi à la surprise de ses amis présents.
Entre sa vie quotidienne dans le rapport social et ce trip, l’évidence
analogique est claire, surtout pour un Baudelairien de son envergure.
Cette noirceur, il la voyait ordinairement chaque fois qu’il avait des
relations sociales, et le fait de refouler partiellement l’importance
existentielle de ce phénomène, obligea son désir inconscient à produire
cette hallucination. Son inconscient avait besoin de migrer dans une
vision hallucinatoire choquante pour qu’il puisse comprendre cette
part rêvée. Tout ce que la traduction rêvée de cette vision impliquerait
pour lui philosophiquement le concerne lui uniquement et je n’ai
pas à y mettre mon nez. J’arrêterai donc ici mon développement
cryptographique.
44
2. Le pouvoir de l’esprit et le LSD
Olivier a donc un rapport à la vérité très intime, son côté Baudelairien le
confirme d’ailleurs très bien. En effet, il est persuadé que dans ce monde,
la diversité des valeurs de chaque communauté occidentale, démontre
une sorte d’annulation des valeurs communes.
Il définit cette diversité comme étant plus néfaste que vertueuse, car il y
perçoit la manifestation choquante d’une fragmentation entre ces mêmes
valeurs, qui s’affirment toutes malgré cela comme vérités évidentes, ce
qu’il considère comme étant un grossier mensonge.
Ainsi, son rapport aux traditions occidentales s’en retrouve troqué par un
nihilisme des réalités humaines affirmées.
Nous avons de plus tous les deux, en tant que jeunes adultes, été
troublés par le fait que nos perceptions étaient limitées et ne voyaient
pas l’invisible du microscopique et du macroscopique. Henri Laborit et
sa notion de niveaux d’organisation témoignait également d’une réalité
complexe presque indéterminable.
Je me rappelle une de ses lettres par mail qui dépeignait tout un peuple
de microbes au sein de son morceau de pain qu’il comparait à la vision
tronquée et illusoire que l’on a ordinairement du pain.
Selon lui, une vision plus juste des choses devrait impliquer un
comportement politique et philosophique différent chez une personne, ce
qui est loin d’être négligeable en soi.
C’est lors d’un trip sous LSD dans l’appartement de certains de ses
amis, qu’il vit à travers les enceintes qui passaient de la musique, un
flux sonore qu’il pouvait « voir » et interpréter de multiples façons à
sa convenance. Il me raconta que « s’il voulait voir des moutons qui
s’échappaient de ce flux d’ondes, il y voyait des moutons, s’il voulait y
voir autre chose, un autre quelconque motif, il le voyait. ». Les moutons
c’est d’ailleurs quelque chose de symboliquement très parlant pour sa
vision de vie...
45
Ce qui est intéressant, c’est que le flux était le même, mais son
interprétation picturale pouvait diverger selon ses propres désirs. Il y
avait là une part de liberté que le pouvoir de son esprit sous LSD lui
permettait et une part de contraintes inévitables liées aux contours de ce
flux sonore.
Ainsi, les contours du réel nécessitent une part de contrainte dans
l’interprétation subjective des choses, mais aussi une part infinie de
liberté interprétative, par rapport aux suggestions que le réel permet.
Plus la contrainte des contours du réel est floue, et plus l’interprétation
subjective est libre.
Cela pouvant sans doute également diverger selon les doses de
psychotropes que l’on ingurgite...
3. Les confusions visuelles
Mon ami et moi étions avec d’autres amis en vacances dans le sud ouest,
et sous la prise de MDMA nous partagions nos affects et nous nous
lancions des compliments que nous n’avions pas l’habitude de nous dire
sans l’effet de cette drogue.
La facette Baudelairienne d’Olivier m’a toujours mis mal à l’aise et
toutes mes ténèbres avaient tendances à ressurgir en sa présence. J’avais
une sensibilité forte de cette dimension qui l’habitait et cela me gênait
très souvent.
Ainsi, assis tous ensemble dans une pièce, Olivier me prit la main
suite à quelques confessions partagées et en me la tenant me la pressait
de manière répétée. Sous mon état constant de malaise au sein de sa
présence, j’interprétai de façon paranoïaque ce geste (Toute interprétation
subjective est due à la suggestion des contours du réel perçu) et crus qu’il
me disait que le temps passait et que tout cela n’était qu’illusion avant la
mort. Sans savoir comment lui faire part de cette paranoïa je lui racontai
maladroitement une histoire métaphorique avec pour support du récit les
boîtes de bonbons Tic Tac (pour le temps qui passe). Bien évidemment,
il ne comprit pas mes dires et c’est à ce moment qu’il eut une confusion
visuelle. Il vit à la place de mon téléphone portable, une boîte de Tic Tac,
mais la marque apparaissait en écriture étrangère et incompréhensible à
46
la place de sa marque habituelle. Il me fit alors part de cette confusion
visuelle, ce qui me surprit.
Son désir incontrôlable de dire ce qu’il ne pouvait pas dans le contexte
partagé, migra par le biais d’une confusion visuelle quasi-hallucinatoire
qui se traduisit alors dans un autre langage créatif original, et ce juste
pour me dire : « Je ne comprends pas pourquoi tu m’as dit cela, je n’ai
même pas compris le sens de ton intention ».
Ainsi, ces premiers exemples de divers trips psychédéliques
s’interprètent bel et bien selon la méthode de Sigmund Freud au sein de
son ouvrage L’Interprétation des rêves. Ma capacité à pouvoir interpréter
ces trips reste bien sans doute également due à la présence d’un
inconscient collectif des cryptographies rêvées, mais aussi grâce au fait
que je connais le contexte de vie de la personne concernée.
II - Mon oncle et la paranoïa
Mon oncle Béninois est une personne qui a un tempérament très
paranoïaque. Par exemple, lorsqu’il se douche, il brûle ses cheveux
tombés après les avoir enlevés de la douche, pour que personne ne fasse
de prélèvements de ceux-ci. Il ne donne également jamais la date de
ses départs en voyage. Encore, il crache dans les toilettes après avoir
uriner pour la même raison que celle de ses cheveux. Il faut savoir que
mon oncle est un migrant qui a grandi au Bénin (berceau du Vaudou) et
qu’il a vu certaines pratiques protectrices liées aux plausibles attaques
que des sorciers Vaudou pouvaient entreprendre contre ses proches.
Ce langage superstitieux et paranoïaque s’est donc additionné à son
engagement libertaire de Rastaman contre « Babylone », nomination
Rastafarienne du capitalisme et de ses injustices. Un Rastaman qui
souhaite entreprendre une contestation du système à travers la musique
Reggae prend forcément, selon mon oncle, des risques liés à une
surveillance hostile, à de la censure, ou à un assassinat. Il a d’ailleurs
même été persuadé qu’un de ses meilleurs amis était un policier des
services secrets suite à leur conflit amical. Il est tout comme moi, doué
47
d’une très grande imagination qui frise le délire sans tout de même que
cela l’empêche de vivre.
Il est tout d’abord important d’expliquer que les rapports paranoïaques
qu’il entretient avec le réel restent tous habités de connotations politiques
et existentielles. Ces connotations sont liées à la problématique du
racisme, de l’exclusion, donc du métissage, mais aussi liées aux
problèmes géopolitiques post coloniaux et impérialistes qui attisent et
entretiennent les inégalités de toutes sortes en Afrique et ailleurs.
En effet comme il a été dit, mon oncle est un migrant Béninois qui a
eu un rapport à la migration en France très difficile. C’était lors d’une
époque post coloniale où les discriminations raciales étaient assez
significatives et où la complexité identitaire pour les migrants africains
était loin d’être négligeable.
Ainsi, à force de subir ce rapport constant de discrimination, mon oncle
se baptisa en France de l’eau bénite des contre-cultures Rastafariennes
et de son interprétation subversive du judéo-christianisme qui radicalisait
peu à peu son identité politique, existentielle et religieuse.
Mon oncle décida un jour de faire de la musique et abandonna ses
études universitaires pour ensuite se vouer totalement à son art, ce qui
impliquait également les difficultés financières que tous les artistes
rencontrent en général.
Ainsi, mon oncle se plaçait politiquement, religieusement,
« racialement », ou encore professionnellement en marge et même en
opposition avec le système dominant établi.
Les dreadlocks qu’il portait en conséquence étaient le symbole
Rastafarien de sa rébellion face à la corruption de « Babylone », cette
image Biblique et poétique de l’occident et des colons mafieux.
Ne pas vouloir que l’on prélève un échantillon de ses cheveux symbolise
d’ailleurs assez drôlement sa fidélité occulte entretenue avec ses
dreadlocks, source symbolique et sociale de sa révolte. Il en est de même
pour ses crachats sur ses propres défections, acte pratiqué afin d’éviter
tout prélèvement génétique, car mon oncle avait un régime alimentaire
48
particulier par le seul fait de sa religion subversive (nourriture Ital :
proche du Cacher ou encore du Hallal) qui imageait son engagement, son
étrangeté et son rejet de Babylone. De plus, il fumait de la Marijuana
comme tout Rastaman qui se respecte et cette illégalité pouvait être une
source de conflit avec la loi française, à l’heure de la discrimination et
du racisme. Il lui arrivait même à une certaine époque d’en vendre un
peu pour arrondir ses fins de mois, ce qui intensifia son sentiment de
marginalité.
Bien que ses délires soient totalement paranoïaques, la raison de ses
rêves anxieusement éveillés parait plutôt très claire et même très
cohérente :
Elle était due à l’ignorance de ce que pourraient tramer les pouvoirs
occidentaux, au messianisme révolutionnaire Rastafarien qui
représenterait un danger pour le pouvoir établi, à la marginalité de sa
position d’artiste face à la loi française et à ses jugements de valeurs
socioprofessionnelles préétablies, enfin à la discrimination ambiante qui
y régnait à cette époque envers les noirs.
Il n’est de plus pas impossible, à l’heure du Sarkozysme, de prendre
le genre de délires de mon oncle pour une caricature de la structure
véritable de l’ordre policier autoritaire que l’on côtoie, car aujourd’hui, la
police prélève le génome de ses détenus lors de toutes sortes de gardes à
vues, des plus graves aux plus insignifiantes.
III - Ursule
Pour ceux qui n’ont lu ni Intersections, ni Du Virtualisme, il faut savoir
qu’Ursule est une amie très proche de ma famille africaine Béninoise et
qu’elle est devenue psychotique et paranoïaque suite à un viol qui l’a fait
enfanter en France.
J’ajouterais une fois de plus en aparté, que les rêves, qu’ils soient éveillés
ou endormis, sont des condensés de signifiances et d’a-signifiances
où s’effectuent des inter-relations plus ou moins chaotiques entre
49
l’inconscient et la conscience.
Cet article, suite à mes études passées des délires paranoïaques d’Ursule,
ajoutera d’autres significations découvertes au sein du prisme de ses
rêves éveillés. Ce sera donc une mise à jour des analyses précédentes
Je vais commencer par décrire de manière brute les témoignages dont
elle m’a fait part :
Ursule a constamment l’impression d’avoir le visage noirci par certains
passants qu’elle croise dans la rue. Cela peut aussi bien être des
personnes à peau noire que des personnes à peau blanche.
Ursule est une femme très catholique qui soigne principalement ses
délires paranoïaques par un suivit médical psychiatrique, mais avant tout
selon elle par des prières incessantes et par le catholicisme.
Ces passants de rue qu’elle croise inévitablement et qui lui noircissent le
visage sont pour elle des sortes de sorciers malfaisants qui lui veulent du
mal et qui veulent la persécuter.
Il faut préciser que lors de l’accouchement de son enfant suite à la
tragédie du viol, Ursule a fait une décompensation qui l’amena en hôpital
psychiatrique. Une des multiples causes de cette arrivée dans la folie
est due à sa famille qui lui refusa la garde de son enfant à cause de son
origine dévalorisante, sa naissance étant le fruit de l’acte criminel dont
elle était en fait la victime. Vu que ses grands frères étaient des aînés et
que dans la plupart des traditions africaines l’aîné a tous les droits sur la
génération cadette, elle ne put garder l’enfant et il fut donné à la justice
française qui le plaça dans une autre famille. Ainsi, elle ne connaîtra
jamais son enfant pour diverses raisons législatives que j’ignore.
Il faut savoir qu’en France catholique le blanc et le noir symbolisent,
le bien et le mal, Jésus et les démons, Dieu et Satan, mais aussi
culturellement, la peau blanche considérée comme représentant le
pouvoir et la richesse est valorisée et légitimée, tandis que la peau noire
signifierait la misère et la soumission et donc est méprisée et qualifiée
d’illégitime, etc.
Ursule étant profondément catholique en France et Jésus étant représenté
avec les anges du ciel, comme des blonds aux yeux bleus dans toutes
50
les cathédrales, les blonds aux yeux bleus deviendront pour elle le type
d’homme parfait dont elle peut tomber amoureuse.
Reste à ajouter que pour elle, sa famille avait tort en ce qui concerne son
enfant qu’elle souhaitait garder et qu’elle ne l’a donc pas supporter.
Lorsque l’on mixe la signification des valeurs françaises de l’époque
qu’elle fantasme, les valeurs africaines de sa famille noire de peau
qu’elle exècre suite au vol de son enfant, mais aussi les discriminations
qui règnent lors de cette période, on comprendra alors que des noirs
ou des blancs qui passent dans la rue, selon l’allure des regards posés
sur elle, lui noircissent le visage et la persécute, elle, Ursule, qui
s’habille toujours en blanc. Reste à prendre en compte le pouvoir
psychosomatique de sa psyché qui regorge de puissance imaginative et
qui peut indéniablement être capable de lui noircir plus ou moins la peau.
La symbolique du regard peut signifier chez elle la représentation
maléfique des autres sur la perte de son enfant et sur la honte du viol, le
regard interprétatif porté sur elle par sa famille africaine est un regard
« noir » dans tous les sens du terme ; le regard malveillant de sa famille
et celui du violeur lui sont hostiles.
Il faut ajouter que ceci aurait très bien pu provoquer chez elle, suite
au trauma, une hyper-sensibilité médiumnique sur les regards qui la
scrutent, cette hyper-sensibilité étant capable de déceler les regards
accusateurs qui sont fortement imprégnés de suspicion et de négativité.
Le fait que des noirs puissent également avoir ce genre de regard
pourrait être dû, non seulement aux jugements de valeur, mais aussi à la
discrimination qui règne quotidiennement dans le pays, à leur aliénante
pauvreté généralement inévitable, ceci engendrant un regard particulier
sur les personnes de couleur de peau analogue ou différente.
Souvent les noirs musulmans ont presque tout le temps ce regard néfaste
au sein de ses délires. Peut être cela est-il dû à la position de la femme
au sein d’un islam fanatique, ou encore dû au regard méfiant et hostile
que les gens ont sur les musulmans, ceci intensifiant l’esprit négatif des
musulmans où leur masque s’y assombrit socialement par besoin et autoprotection... Ou encore peut être cela est-ce dû aux valeurs traditionnelles
pieuses, si sévères et violentes dans les préceptes musulmans. En tous
51
les cas, il se pourrait bien qu’Ursule soit capable de ressentir l’état d’âme
négatif des individus par leur regard. Il est d’ailleurs souvent dit que le
regard ne ment jamais.
Il ne s’agit là d’émettre aucune dévalorisation de l’islam, moi-même me
passionnant pour les pratiques du soufisme et de leur haute philosophie.
Enfin, Ursule délire également sur les emballages qu’elle consomme en
les brûlant à sa fenêtre pour éviter que l’on note ce qu’elle consomme
quotidiennement à son supermarché lorsqu’elle les jette. Ceci fait
d’ailleurs penser aux délires de mon oncle, tous deux ayant vécu dans
leur enfance au Bénin, le berceau du Vaudou.
Ursule a un rapport à la consommation très prononcé, en tant que femme
radicalement isolée, c’est même avec la religion catholique sa seule
occupation. Ajoutons à cela ses paranoïa antécédentes et l’imagination
extravagante, très fréquente dans les psychoses, le tableau devient alors
très clair. La solitude n’arrangera d’ailleurs là-dessus aucunement les
choses dans son sentiment d’étrangeté devant l’altérité.
Sa volonté à vouloir rester en France témoigne également de sa
préférence pour le monde français que pour le monde des africains. Cela
témoigne donc de son envie de ressembler aux français, d’être acceptée
par eux, la plupart étant « blancs » de peau.
IV - Ibrahim
Ibrahim est un gros fumeur de Marijuana, mais c’est aussi un néo-Hippie
qui vit un quotidien orné par les drogues psychédéliques de toutes sortes.
Bien que nous soyons amis, nous n’avons que très peu échangé sur le
sujet et je ne peux que témoigner grâce à lui d’un trip sous LSD qu’il fit
dans sa douche. Oui, cela peut paraître très hors norme - quoique, pour
un néo-Hippie - mais il a bel et bien fait ça...
C’est un trip psychédélique assez simple : il voyait son corps se
métamorphoser en plante de Marijuana. Ses pieds étaient des racines, ses
bras des branches etc. Il avait la sensation de ressentir très lucidement
l’âme de la plante et même d’être la plante.
Il va sans dire que Ibrahim considère la Marijuana comme compagnon
de route, ou même plus clairement, qu’il est en symbiose avec la
52
consommation quotidienne de ce produit.
Pour un néo-Hippie qui se considère, malgré ses origines du Maghreb,
comme étant proche des indiens, cela ne paraît pas très étonnant...
Le fait d’être sous une douche et de « s’arroser », cela symbolise sans
aucun doute qu’il entretient « proprement », c’est à dire bien son rapport
avec cette plante, qu’il en prend soin, et même qu’il a une relation
fusionnelle avec celle-ci. Cela connote aussi un engagement intime pour
la mise en valeur de la consommation de cette plante.
Ibrahim n’hésiterait en aucun cas d’ailleurs, si l’occasion s’offrait à lui,
de cultiver sa propre herbe.
Je pense que la cryptographie Virtualiste de ce trip sous LSD, qui était
pour Ibrahim, selon ses affirmations, « profondément réel », persuadé
de bien être la plante et de vraiment ressentir sa nature, est à présent
bien traduite au sein de notre langue habituelle du réel ordinaire. Il ne
s’agit donc pas là de remettre en question ce qu’il a vécu, mais bien d’en
décrypter les signifiances sous-jacentes.
Comme pour Olivier, toute la signification fantasmée de ses désirs et
toute la signification existentielle qui le concerne lui et rien que lui,
pourrait en dire beaucoup plus, le rêve étant un condensé de signification,
mais cela ne concerne que lui et ses problématiques de devenir.
Il faudrait aussi dire en parallèle de ce récit, que l’inconscient est une
sorte de singe très malicieux et qu’il a aussi un rapport moqueur et
sarcastique avec la conscience et le moi, surtout lorsqu’il se manifeste
fortement à la conscience et qu’il éveille chez elle des délires ou des
hallucinations :
J’invite le lecteur intéressé à lire la préface du premier livre d’écriture automatique
d’André Breton et de Philippe Soupault, Les champs magnétiques. En effet, cette
préface raconte brièvement comment l’inconscient des deux artistes s’était moqué
d’eux avec violence mais aussi avec humour, lors de leur conduite obsessionnelle
et ininterrompue d’écriture automatique qui avait déclenché chez eux un état
hallucinatoire extrême.
En effet, l’écriture automatique lorsqu’elle est sincèrement effectuée et qu’elle reste
ininterrompue dans un laps de temps très long, peut provoquer un état de transe et
d’hallucination chez son expérimentateur.
53
André Breton et Philippe Soupault ne se reconnurent pas eux-mêmes, car leur état
second fut tel qu’il désirèrent sérieusement se suicider ensemble.
Ce fut bien là, une représentation symbolique de leur inconscient mutuel qui
s’expliquait à la conscience de Breton et de Soupault par l’acte sarcastique et critique de
la symbolique du suicide. Un suicide métaphorique qu’ils effectuèrent temporairement
d’ailleurs contre leur propre rationalité et leur propre logique consciente, les deux
artistes autodétruisant leur maîtrise d’eux-mêmes en se laissant traverser par n’importe
quelle force. C’était aussi un suicide car c’était là historiquement la première véritable
expérimentation surréaliste d’écriture automatique.
Traumatisé par cette expérience, Breton n’en parla jamais tout au long de sa vie, ce
secret ne se dévoila qu’à son lit de mort avant qu’il rende cette fois-ci véritablement
l’âme.
Je tiens à préciser aussi de façon relativement indépendante à cet article,
pour conclure et nuancer ces propos, que les trips psychédéliques et les
délires psychotiques de toutes sortes, gardent une dimension d’hypersensibilité médiumnique et mystique dont je ne pourrais en aucun cas
renier l’existence, ni totalement expliquer sa part de mystère.
Non seulement la part a-signifiante et inconsciente décuple notre part
d’ignorance sur les phénomènes, mais en plus, l’intensification exacerbée
de notre sensibilité lors de la prise de LSD par exemple, garde une part
de connexion naturelle et instinctive chez la personne en train de vivre
le trip. Celui-ci se révèle alors parfois capable de recevoir un ensemble
de visions presque supra-naturelles pour des raisons inconnues, d’un
caractère imaginatif aux potentialités primitives presque étrangement
mathématiques (selon certains témoignages de documentaires sérieux sur
le sujet tel celui de Jan Kounen sur le chamanisme : D’autres mondes).
Ainsi, le fait de faire partie intégrante de la nature, pourrait permettre
parfois à un sujet sous drogue, selon un certain degré de sensibilité,
de recevoir des informations habituellement invisibles lors de l’état
ordinaire de la psyché. Mais ce n’est pas là le sujet traité au sein de cet
ouvrage et ce n’est en fin de compte qu’une hypothèse.
V - Baz
Ayant moi-même été victime d’une psychose et subissant toujours
actuellement ses séquelles, je peux témoigner d’un de mes délires très
explicable selon la technique d’interprétation Freudienne des rêves :
54
Suite à mon arrivée dans la psychose à l’âge de mes 20 ans, j’eus
la sensation lorsque je dormais que l’on me volait une « émotion
importante » dans « le ventre ». C’était pour moi, la représentation
symbolique de mes sentiments amoureux envers ce qui m’environne
et la représentation de mon lien inséparable à lui. Cet enlèvement, ce
« vol » de cette sorte de chakra, s’était effectué selon moi par un spectre
malveillant.
Ce fut là un véritable rêve éveillé. J’eus ensuite, dans le même registre,
la sensation d’être constamment touché par des fantômes contre qui
je ne pouvais rien. C’était à chaque moment avant de m’endormir.
Lors de ces moments, une angoisse et un sentiment d’impuissance
m’accompagnaient de façon rituelle.
Jusqu’à aujourd’hui ce problème ne s’est pas résolu mais le fait de
le comprendre partiellement m’a permis de limiter mes sentiments
d’angoisse, mais aussi de prendre conscience de quelques unes de mes
préoccupations existentielles.
Tout d’abord, l’enlèvement de cette sorte d’étincelle amoureuse qui
habitait mon ventre par un spectre, cela peut représenter plusieurs choses
très claires :
Avant mon arrivée dans la psychose, j’avais pris beaucoup de drogues
et j’avais énormément maigri. Je n’arrivais plus à regarder ma mère
ou à être en sa présence. D’ailleurs, lorsque je la voyais, une image
me survenait à l’esprit, celle d’un démon qui m’interdisait de façon
menaçante d’être en sa présence. Ce démon pouvait représenter la drogue
et ma culpabilité de trahir le rapport de confiance que j’avais toujours eu
avec ma mère.
Avant cela, plus jeune, j’adorais la nourriture et j’aimais particulièrement
manger, c’était même un de mes passe temps favoris. Ma conscience
écologique en relation intérieure avec mes prises de psychotropes me
poussait à ne plus regarder la nourriture de la même façon, j’avais
l’impression d’être élevé comme une bête à qui l’on donne sa dose de
nourriture « dégueulasse et industrielle ».
55
Lors de cette crise de folie qui m’emmenait en hôpital psychiatrique, je
n’étais plus le même car j’avais « trahi » le pacte parental, mais surtout
j’avais trahi une partie de moi-même qui s’identifiait avec amour à ce
pacte parental. Je ne méritais plus de ressentir ce sentiment amoureux qui
me venait du ventre. Comme je l’ai dit précédemment, cette émotion au
ventre représentait, mon lien le plus pur avec la vie qui m’environnait, et
ce lien avait été profondément trahi par mes actes. Mon heureux appétit
en faisait partie avec la joie de vivre qu’il m’apportait. En effet, l’appétit
me fuyait, moi qui aimais tant manger auparavant. L’amour pour la
nourriture, symbolise également pour moi l’amour de vivre et est un
inévitable lien avec le ventre.
Lorsque je ressentais cette émotion amoureuse dans le ventre, j’avais
obligatoirement le sourire, c’était comme le symbole de mon innocence,
de ma virginité et de ma fierté. Me l’enlever, c’était pour moi m’enlever
ma plus grande part d’humanité.
Je me prenais d’ailleurs après mon arrivée dans la psychose pour le
Diable, ce qui symbolise clairement l’ennemi de l’Homme.
Ce spectre qui m’aurait volé cette émotion serait selon les hypothèses
angoissées de mes délires, de la même « famille » que celui qui
m’empêchait d’être en présence de ma famille et de ma mère. Il est donc
lié à toutes mes trahisons non dites, à toutes mes trahisons secrètes de
ma famille, il pourrait même être la représentation de cette trahison
symbolique de la famille, où l’impossibilité de rejoindre les êtres qui me
sont chers s’incarne par la barrière démoniaque de sa présence.
Impossibilité de rejoindre ma famille, car impossibilité de lui confesser
le lieu spirituel dans lequel je me trouve et dans lequel je culpabilise de
mes fautes sans aucune solution rédemptrice pour les retrouver aussi
sainement qu’auparavant.
Me sentir ensuite « touché » et profané par des fantômes diaboliques
dans mon lit avant de dormir (qui pratiquent sur moi des attouchements
sexuels contre ma volonté) est lié à plusieurs conditions de ma vie :
Être allongé et touché quoique je fasse avant de dormir, c’est une
métaphore claire d’impuissance. Ne me sentir touché qu’aux moments
56
où je me couche, cela représentait mon impression de n’être qu’une
personne inutile pour un monde injuste où des victimes sont dans le
besoin. Un besoin d’aide auquel je n’ai pas la capacité de répondre,
traumatisé suis-je moi même par celui-ci. Je n’ai pas prise sur ce monde
que je ne perçois pas véritablement et qui me reste « fantomatique »,
« spectral », et hypothétiquement « diabolique » de par son injustice.
Ce délire, c’est aussi un sentiment de faiblesse inavouable, par rapport
à ce démon d’apparence invincible qui attendrait selon moi ma mort,
dans ma peur de devoir me confronter un jour sans aucune protection
et dans un autre monde à son inégalable puissance démoniaque. C’est
bien là, la représentation spectrale de ma culpabilité inavouable, autoaccusatrice, futur maléfice pour mes fiertés et mes honneurs, qui devront
un jour combattre dans l’impartialité de la mort, le jugement dernier et
inévitablement vrai de la puissante présence de ce spectre qui me cite
coupable, moi et mes actes, de trahison envers mon ombre morale et
celle de ma famille.
Pour revenir à d’autres explications parallèles de ce délire angoissant,
bien que je sois inutile au monde, ce monde me « touche », me profane,
me « viole » même, tout aussi bien mentalement que sexuellement.
Ainsi, c’est du désir de ce monde souillé, mais aussi de celui des femmes
aimées à qui je n’arrivais pas à exprimer mes sentiments amoureux que
ces profanations fantomatiques et anonymes s’effectuaient. Je me faisais
donc « enculer » par les anonymes producteurs des injustices et par les
criminels masqués du monde.
Comme je l’ai dit, je ne plaisais pas vraiment aux femmes, mais elles me
plaisaient que je le veuille ou non, et là encore était une profanation de
mes envies et de mes sentiments, un attouchement fantomatique, un viol,
un déséquilibre, où l’accusation de l’autre sexe restait rationnellement
impossible.
Être allongé et touché au moment du sommeil, donc de l’inadvertance
et de l’absence de force, c’est aussi l’angoisse de devoir faire sans ce
qui m’aide à tenir le coup, c’est à dire être suffisamment fort et assez vif
pour ne pas perdre la face dans les rapports sociaux. Nous citerons ici, le
57
mensonge à ma mère sur les drogues, les drogues, les masques sociaux,
les comédies sociales du paraître... Sans cette armature et cette carapace,
je deviendrais en fin de compte impuissant, « touchable » et même très
vulnérable, car sujet à la honte et même à la moquerie.
Reste à rajouter que mon impossibilité à pouvoir désigner un coupable,
un responsable à ma condition impuissante d’inutile au monde ne pouvait
que s’exprimer dans l’exacerbation de ces désirs refoulés et dans le flou
spectral de ces attouchements paranormaux.
VI - Valérie
J’ai revu Valérie dernièrement, une ancienne amie. À l’époque où je la
fréquentais elle suivait une formation dans école d’infirmière. A l’issue
de ses trois années d’études elle devait passer un examen qui validerait
sa formation. Lorsque je la revis, elle me raconta brièvement qu’elle
eut un accident le jour de ses examens, ses jambes étaient paralysées,
elle ne put donc plus en faire usage. Suite à son récit et à mes quelques
questions préoccupées, je me ,suis mis à rigoler car j’étais justement en
train d’écrire cette cryptographie Virtualiste des rêves. En effet, cela avait
véritablement l’air d’être un rêve éveillé, mais cette fois-ci bel et bien
réel, car provoqué psycho-somatiquement par son angoisse inconsciente
de se confronter à ses derniers examens.
Valérie a toujours été une personne très anxieuse sur son avenir et son
devenir, notamment en ce qui concerne son avenir professionnel et sa
situation financière.
Le regard des autres et ce qu’on pense d’elle, c’est aussi chez elle
quelque chose qui importe énormément et à un point tel, que cela peut
provoquer chez elle des états délirants lors de grosses crises d’angoisses.
Elle devait sans doute avoir pris cela de sa mère qui était elle-même une
personne très angoissée. J’imagine ce que ce regard définitif, ce que ce
jugement impartial, celui de ces examens décisifs pour sa titularisation
d’infirmière professionnelle ont dû créer chez elle : une angoisse d’une
intensité telle, que la puissance inconsciente de sa psyché aurait paralysé
momentanément l’usage de ses jambes pour qu’elle ne puisse se déplacer
58
au lieu de l’examen.
« Paralysée par la peur la veille des examens », « pétrifiée d’angoisses
sans pouvoir réagir »...
Ne pas pouvoir faire usage de ses propres jambes « le jour d’un de
ses derniers examens », ce n’est pas quelque chose d’anodin, surtout
lorsque la paralysie dura plusieurs jours suite à la période d’examens),
c’est très significatif d’une construction psychosomatique d’un rêve
métaphorique qui s’exprime par la dimension physiologique. C’est là une
représentation rêvée et un fait inconsciemment provoqué, celui de ne pas
pouvoir se déplacer vers le lieu des examens et d’être paralysé « quoi
que l’on fasse » car l’heure de l’examen est « inévitable » « quoi que
l’on fasse », oui quoi qu’elle fasse, Valérie est « coincée », « paralysé »,
elle ne peut « ni s’échapper, ni fuir » ce moment crucial d’une période
importante de sa vie professionnelle.
Le fait qu’elle ait guérit très peu de temps après et que les médecins
eux mêmes ne purent comprendre qu’elle avait été la cause de cette
paralysie est également significatif d’un fait déclenché par une force
psychosomatique.
J’ajouterai enfin que le monde des examens et le monde des carrières
professionnelles sont très stressants et que l’expérience de Valérie
témoigne en faveur d’un monde plus humaniste psychologiquement en
ce qui concerne ces deux milieux.
VII - Djomo
Djomo est un de mes cousins de ma famille béninoise. Il a 15 ans et
depuis qu’il est tout jeune, il a un rejet inné de la nourriture à chaque
repas. Il mange bien évidemment, mais il a une grande difficulté à
terminer ses repas sans les rappels à l’ordre autoritaires de ses parents.
Depuis que je le connais, c’est à dire depuis son plus tendre âge, il a
toujours refusé ses repas et c’est pour ses parents un véritable parcours
du combattant pour réussir à le faire manger. Il s’est fait d’ailleurs depuis
à ce sujet, une forte réputation familiale.
59
Cette année, lors de son examen de fin de scolarité collégienne (Brevet
des collèges, anciennement BEPC), Djomo avait constamment des envies
de vomir à cause du stress que générait la période d’examen.
Dans les jeux de mots inconscients, manger, c’est aussi « manger »
péjorativement dans le langage populaire de l’argot français. Un
examen qui doit être générateur de stress, est sans doute pour Djomo
synonyme de repas, car c’est un moment qu’il souhaiterait rejeter. Dans
les nausées, c’est l’image du rejet qui s’exprime catégoriquement. Avoir
la nausée, c’est métaphoriquement rejeter avec dégoût quelque chose
que l’on n’aime pas avaler. Ainsi, pour un enfant qui est réputé dans
sa famille comme étant « dur à la détente » pour finir ses repas, c’est
indiscutablement par le biais de ce langage psychosomatique et onirique
qu’il exprime son rejet de ce phénomène social stressant, celui de sa
mauvaise réputation, le rejet des repas, donc la nausée.
Le fait de ne pas avoir le choix, de se confronter ou non à cet examen
de fin d’année, il fallait alors pour Djomo, une façon d’exprimer cette
volonté de rejet qu’il ne pouvait exprimer de façon directe face à la
morale socioculturelle et familiale. Cela restait inconsciemment produire
de façon psychosomatique ces envies nauséeuses.
C’est bien là une provocation inconsciente de sa psyché qui a produit
chez lui ces envies chroniques de nausées, migration de l’expression
langagière de son rejet catégorique mais impossible en société de cet
examen dans un phénomène symbolique, physiologique et onirique.
VIII – Joseph
Joseph est quelqu’un d’incroyablement introverti. Il n’a presque pas
d’amis si ce n’est ceux de sa femme et ses voisins. Il se cantonne à son
travail de scientifique au sein d’un centre de recherche sur la mécanique
des fluides. C’est un homme qui a beaucoup de mal à passer à l’acte
en général dans tous ses projets de vie. En effet, il a un tempérament
proche des enfants, c’est à dire extrêmement conservateur qui n’aime se
projeter dans l’avenir que très rarement. On pourrait dire qu’il n’aime pas
s’étendre et aime son cocon familial. Ainsi, il ne fréquente que sa femme
et sa famille, reste très silencieux, garde un dégoût de l’autorité etc.
60
Lorsqu’une étape de sa vie est importante, Joseph a un ventre en boule.
Il appelle cela avec ironie une « grossesse ». Nous pouvons voir dans
cette définition un enfantement, celui de sa nouvelle étape de vie, mais
aussi l’angoisse de « s’étendre » et de « grossir » dans la vie. Joseph
fait d’ailleurs très souvent attention à sa ligne corporelle (sport, régime
alimentaire etc.). Il n’aime donc pas « grossir » dans la vie ou encore
« s’étendre » au sein de la vie, d’ailleurs le sport, il le fait souvent aussi
pour se « calmer les nerfs » et ne pas « s’étendre » sur un quelconque
sujet. Dans « grossesse » il y a aussi « gros-cesse ». En effet, cette
obsession à vouloir faire attention à sa ligne et ne pas trop manger a une
dimension multi-significative indéniable. Ainsi dans ces comportements
rituels, se trouve aussi chez Joseph tout un ensemble de symboles et de
métaphores oniriques existentielles.
Nous pouvons appuyer ces arguments par l’exemple que Joseph ne
s’exprime uniquement que par des faits et ne donne que très rarement
son avis sur les choses du monde. On voit bien là-dedans une très grande
anxiété quand à l’engagement de sa personne politique dans le monde. Il
se veut à côté du monde, et ne participer à quasiment aucun conflit.
IX – Hypothèses sur la part médium des délires et des rêves éveillés
Suite à ma lecture du rituel du serpent d’Aby Warburg, puis au
témoignage de Gaëlle Hermant dans Du Virtualisme – Les nouvelles
contributions, je peux tout à fait me permettre d’émettre l’hypothèse que
les délires des fous et que les trips psychédéliques peuvent être dotés
d’une part médiumnique.
En effet, Aby Warburg, ethnologue, s’est retrouvé en hôpital
psychiatrique, délirant de façon médiumnique dans la fin des années
1800 sur l’avènement du massacre des juifs auquel on a assisté ensuite
dans les années 1930/1940. Un phénomène médiumnique du même
genre, c’est à dire dans une transe délirante liée à la folie apparaît encore,
selon mes hypothèses, lors de l’un des délires de Nikolaï Gogol. Ce
délire eut lieu approximativement lors de la même période que celle
d’Aby Warburg et sur la même thématique, qui sera théorisée et mise en
œuvre par les nazis, car selon le témoignage de Gaëlle Hermant, Gogol
61
aurait cru que le « Diable lui avait ordonné de brûler ses manuscrits et
de tout recommencer » comme ce fut le cas lors de l’époque nazi avec
tout un ensemble de livre brûlés.
Il est donc tout à fait possible que des délires tels que ceux d’Ursule
qui brûle ses emballages de consommation par peur que l’on fouille sa
poubelle pour savoir ce qu’elle achète, puissent être habités d’une part
médiumnique qui anticiperait les comportements de surveillance ou
encore de techniques commerciales du capitalisme. Il en est d’ailleurs
de même en ce qui concerne le recueil des cheveux brûlés et les crachats
dans l’urine de mon oncle.
Dans l’essai Du Virtualisme – Les nouvelles contributions, il est
également souligné que les délires complotistes et négationnistes
collectifs sont des manifestations naturelles de l’inconscient collectif
qui avertiraient par le biais d’un langage onirique des dangers et des
déséquilibres sociaux graves causés par l’homme et le pouvoir. Ainsi,
dans tous ces délires, une part de vérité philosophique profonde avertirait
l’Humanité de ses fautes graves.
Un dernier témoignage qui peut nous permettre d’appuyer ce genre
d’hypothèse sur les phénomènes médiumniques est celui des prophéties
chamanes amérindiennes relatées dans le livre de Chilam Balam, qui a
anticipé la venue du peuple occidental en Amérique et qui a prédit même
jusqu’au nom de certains capitaines colons.
Une cryptographie Virtualiste des rêves doit donc également prendre en
compte l’art des fous et leurs témoignages et tenter de les décrypter afin
de pouvoir peut-être anticiper les erreurs futures des Mondes humains.
62
Conclusion - Un duo de rêve, une complicité maudite
Pour conclure cette partie, je tiens à souligner que l’échec anecdotique
de la cryptographie Virtualiste des rêves pour décrypter les délires ou les
trips psychédéliques, alors que celui qui décrypte connaît suffisamment
le contexte de vie de la personne qui en témoigne, mais connaît aussi sa
personnalité, reste quelque chose de tout à fait possible.
Effectivement, cet échec reste souvent principalement dût au fait que
parfois, dans un trip ou un délire, la conscience s’éloigne de ses terres
logiques originaires avec beaucoup trop de brutalité, c’est à dire d’une
façon si prononcée, qu’elle se perd alors dans les méandres et les
profondeurs a-signifiantes de son inconscient, elle n’a alors plus accès
à la sécurité logique de ses propres codes (conscience logique déjà très
déstructurée dans un trip psychédélique « ordinaire » qui s’éloigne
raisonnablement dans l’inconscient de sa propre terre).
C’est la raison qui fait que certains trips peuvent être intraduisibles, car
ne fonctionnant plus sur les terres harmonieusement mariées entre la
conscience et l’inconscient.
Ce genre d’expériences peut d’ailleurs être parfois très dangereux et
traumatisant pour la conscience humaine et pour des relations sociales
saines, car, en dépit de sa petitesse, la conscience peut alors tomber
très malade (paranoïa, folies incurables etc.). En effet, ce qui n’a en
fait pas de sens pour le sens commun de la conscience, c’est juste
ce dont nous n’avons pas acquis le langage. S’aventurer n’importe
où n’importe comment et sans sécurité, cela n’a jamais été quelque
chose de très conseillé. Ainsi, dans l’impossibilité de comprendre quoi
que ce soit de son expérience, la conscience peut se mettre à délirer
gravement, car elle n’est plus du tout chez elle et se perd alors. Elle ne
peut malheureusement plus, suite à ce genre de trips kamikazes, bien
appréhender le sens de ce qui est perçu ordinairement de la même
manière qu’auparavant, elle ne peut donc plus être totalement ce qu’elle
était auparavant.
En effet, la signifiance ne vient tout d’abord que de la conscience et du
verbe qui l’accompagne. Lorsque la conscience ne maîtrise plus rien face
à l’inconscient, c’est alors que plus aucune signifiance n’est possible,
63
en tous les cas plus aucune signifiance verbale. C’est ce que l’on
pourrait appeler un point de non retour pour une possible cryptographie
Virtualiste.
Mais il faut aussi ajouter que si l’éloignement de la conscience s’effectue
étape par étape, et donc petit à petit, le déplacement pour la conscience,
n’étant pas trop brutal, la compréhension de multiples états de conscience
qui auraient put être pour elle incompréhensibles peut alors devenir sens
et même la renforcer des aléas extérieurs de la vie. Devenir sens, c’est
en partie dompter un univers que l’on aborde et que l’on traverse, c’est
donc voyager avec prudence.
Cela voudrait dire que l’inconscient aurait bel et bien, tel que le dit avec
virtuosité Lacan, même si je pense ne pas avoir la même définition que
lui de l’inconscient, un langage inconnu par la conscience.
Dans ma définition, c’est un langage pluri-dimensionnel et plurisignifiant, et c’est même si l’on va plus loin que cela, l’univers baroque
et infini de l’intériorité dans l’infini qui l’englobe.
Notre sensibilité peut s’accroître dans l’accroissement de notre prise
de conscience de ce qui était avant cela inconscient et en lien avec les
multiples éléments extérieurs pour devenir hyper-sensibilité.
Ma définition de l’inconscient est tout de même plus proche de celle de
Gilles Deleuze, même si je ne revendique pas la même chose que lui et
ne l’aborde pas de la même manière.
En effet, Gilles Deleuze et Felix Guattari revendiquent politiquement l’asignifiance et les intensités émotionnelles, alors que je pense devoir rester
fidèle à la vertu du verbe et de son histoire. Selon moi, l’inconscient et la
conscience sont un couple inséparable dans la vie. L’un et l’autre forment
selon moi un couple à hiérarchies fonctionnelles (selon le vocabulaire de
Henri Laborit), véhicule polaire du vivant et de la délectation de soi dans
l’existence. Ce n’est donc aucunement un couple aux valeurs totémiques
hiérarchisées où l’inconscient serait une sorte de star dominatrice sur la
pauvre et indigente conscience soumise à son tout a-signifiant.
L’inconscient étant presque absolument, selon ma propre expérience,
a-signifiant (car d’une multi-signifiance trop complexe et incalculable
pour la conscience humaine), lorsque la conscience est submergée par
celui-ci, il n’y a plus aucune raison de trouver une signification claire
64
au trip ou au délire, si ce n’est celui de la cause de cet éloignement
brutal causant un déséquilibre et une trop grande prédominance de
l’inconscient.
C’est souvent par ce déséquilibre que se forme l’idée comparatrice
et duale du bien et du mal interne et donc de la guerre avec son
environnement social (Tour de Babel). La définition du Bien et du Mal
serait selon moi, l’affirmation d’une identité en dépit d’une autre, ceci
causant un état de division, donc de douleur (telle une blessure du corps,
la division cause la souffrance, la souffrance provoque l’état de Bien et
de Mal).
Nous pourrions nuancer en citant les ascètes qui supportent mieux la
douleur que les autres, mais dans ce cas je mettrais le bien et le mal au
niveau de la guerre et de la mort causée à autrui, le tueur s’affirmant Bien
sur l’autre considéré au moment du crime comme Mal.
Nous pourrions donc confirmer qu’un choc brutal pourrait causer un mal
significatif par le déséquilibre qu’il provoquerait entre le réel ordinaire de
la conscience, et celui anarchique et délirant du trip ou du délire par de
l’inconscient.
65
PARTIE III
_______________________________
Capitalisme et cryptographie Virtualiste des rêves
Quels rêves et à travers eux, quelles valeurs nous sont généralement
imposés par la production des biens et des services monopolistiques du
capitalisme ? Quelles influences ces rêves travestis par l’argent, l’intérêt
et le profit ont-ils sur notre comportement et sur notre conception du
monde ? Quelles influences ont-ils sur la structure de nos propres rêves et
de nos propres conceptions du réel ? Quels rêves produisons-nous donc à
travers ceux du commerce capitaliste ?
Capitalisme monopolistique ? oui, car la quasi-totalité des commerces
qui nous sont accessibles, ne représentent et ne distribuent presque que
des marques de multinationales et de grands groupes commerciaux, ce
y compris dans les petits commerces de quartier qui ne restent en fin de
compte, que de piètres distributeurs soumis aux valeurs commerciales de
ces mêmes monopoles.
Nous citerons donc des sujets d’étude abordables pour une cryptographie
Virtualiste du rêve dans le réel capitaliste : l’agro-alimentaire,
l’urbanisme, le mobilier, la grande distribution, l’immobilier, les
télécommunications, l’internet, sa culture de réseau et ses sites
internet de toutes formes, les ordinateurs (hardware, software), l’agroalimentaire, le textile, la publicité, l’audiovisuel, les médias, le cinéma, la
culture télévisuelle, le cinéma sous tous ses aspects, le tertiaire et ce qu’il
implique oniriquement, les jeux vidéos, la musique...
Tout autant de matière propice à une chirurgie des rêves capitalistes et au
décryptage de la signification sous-jacente qu’ils induisent.
Certes, nous ne pouvons pas voir les hommes de pouvoir, ni les atteindre,
mais nous pouvons voir ce qui manifeste leur présence oppressante et ce
qu’ils produisent au sein de nos communautés d’un point de vue sociopsychologique.
Les intellectuels critiques et suffisamment modernes qui se penchent
avec justesse et qualité sur l’économie productiviste et capitaliste
contemporaine, peuvent nous permettre de bien contextualiser la part
rêvée que ce système émet sur les terres des couches populaires.
Il faut donc savoir que le capitalisme agit aujourd’hui principalement
et très subtilement sur la dimension psychologique des couches sociales
69
populaires, afin d’influencer majoritairement son opinion et sa croyance
envers l’indiscutable, évidente et incontournable présence de ses
monopoles.
Nous définirons avant tout ici la nature des couches populaires par une
interprétation politique, subjective clairement révolutionnaire et unitaire,
qui bien que choisie, reste plus légitime, démontrable et argumentée, que
purement contingente, intéressée et arbitraire.
Ainsi, la nature des couches populaires se limitera selon le Virtualisme
jusqu’à la frontière qui inclue la petite bourgeoisie.
En effet, là où se justifie cette définition polémique que j’accorde au
monde de la classe populaire, c’est de par ce constat évident d’une seule
et unique frontière véritablement criante entre les couches de revenus de
la population globale, entre classe bourgeoise et classe populaire. Il se
manifeste en effet une cassure incomparablement radicale par rapport
aux autres. Cette cassure, cette frontière se remarque statistiquement
entre la somme d’un revenu et la quantité de personnes qui le touchent
au sein de la population globale d’un ou de plusieurs territoires. Ainsi,
suite aux légères fluctuations inégalitaires entre les différentes classes et
leurs revenus, des plus miséreux aux plus aisés, vient alors après celle
de la petite bourgeoisie, une radicale frontière statistique qui sépare
« le peuple » de la classe bourgeoise. C’est « ce peuple » plus ou moins
hétérogène que l’on pourra définir comme étant la classe populaire du
monde.
Une classe populaire massive existe donc bel et bien si nous décidons
politiquement de la reconnaître. Son interprétation subjective argumentée
et empiriquement construite, pourrait même se permettre de rejeter dans
un engagement dénué de préjugés, les autres concepts modernes de
classes, source de divisions au sein de celles-ci tels que ceux de bobos ou
de classes moyennes.
Après la petite bourgeoisie et ses cadres, le taux de revenu des autres
riches que nous pourrions qualifier de classe bourgeoise, se marque
d’une différentiation inégalitaire beaucoup trop criante pour pouvoir les
unir aux autres couches populaires. En effet, il apparaît entre ces deux
compartimentations une cassure flagrante trop forte dans la quantité de
richesses perçue : les couches populaires touchent approximativement
70
entre 450 euros et 20 000 euros par mois, tandis que la bourgeoisie
garde quotidiennement son statut de millionnaire ou encore même de
milliardaires.
Après l’ensemble des cadres ou des petits bourgeois et leurs revenus
raisonnablement aisés, nous passons donc radicalement à une cassure
statistique flagrante, celle effectuée par la richesse exorbitante de la
bourgeoisie, qui représente une quantité de revenus qui ne peut plus
avoir le même genre d’intérêt socio-économique et financier que le reste
des couches qui la précèdent.
La quantité de revenu de cette classe bourgeoise est tellement
différenciée en pourcentage par rapport à celle de la couche populaire
précédemment définie, que la vie qu’elle occupe ne peut plus du tout
avoir la même forme que celle-ci. Ainsi, son comportement restera aussi
habité et déterminé par d’autres préoccupations et par d’autres formes
d’intérêt socio-économique et financier que celles de la majeure partie
des couches populaires précédemment définies.
Le rêves capitaliste sous toutes ses formes, comme cela a été montré
dans le Manifeste pour le Virtualisme (au sein de l’essai Du Virtualisme),
est forcément soumis à la règle inévitable de la sur-interprétation
des distorsions subjectives de libre esprit et de libre désir des classes
populaires.
Bien évidemment, le capitalisme se joue bien de l’autonomie subjective
des consciences populaires, car dans les mondes subjectifs, il existe
aussi celles des subjectivités empoisonnées, qui peuvent rendre les
esprits malade. Le capitalisme gardera donc grâce à cela une maîtrise
parfaite, prête à tout instant à une guerre psychologique et commerciale
dénuée de compassion (exemple : les suicides répétés des salariés
de chez Orange suite au harcèlement moral, ou encore les publicités
mensongères qui vendent des produits néfastes...).
Ce sera surtout à notre époque contemporaine, que la maîtrise de l’art
magique du subjectif restera pour le capitalisme un de ses plus grands
domaines de prédilection. C’est à travers lui d’ailleurs, que se pratique
également un art pervers, celui de la manipulation et de la récupération
de ceux qui s’opposent naïvement à ses valeurs politiques.
71
En effet, le constat de l’hétérogénéité inaltérable des subjectivités
humaines permet implacablement au capitalisme de dominer les masses
en infantilisant une tranche presque parfaitement malléable de gens
ordinaires et très ignorants, car n’ayant pas accès aux connaissances
émancipatrices. Cette partie de la masse populaire sera ironiquement
majoritaire. Ainsi, c’est la sociologie, la neurologie, la communication,
la biologie comportementale, la socio-psychologie, qui seront tout autant
de disciplines scientifiques déterminantes à connaître et qui resteront
principalement au service de la récupération de cette part fortement
malléable des couches populaires.
Fortement malléables par le grand capital, oui, mais très peu
influençables par les peuples résistants qui proposent des alternatives au
capitalisme, hétérogénéité subjective oblige...
C’est bien dans ce domaine que le capitalisme émettra de façon massive
des données subjectives faussées (magie noire : lorsque les promesses
sont moins bonnes que les actes et les faits occultés), c’est-à-dire
des mensonges commerciaux et médiatiques, que la partie la plus
majoritaire et la plus malléable des couches populaires réceptionnera.
Ces données falsifiées et publiées massivement par le capitalisme,
seront réceptionnées par cette masse ignorante mais majoritaire,
leur subjectivité étant dupée, toutes les réflexions subjectives qui
accompagneront ces données reçues s’en trouveront elles aussi forcément
faussées, créant ainsi au sein du système social une illusion massive, un
réel factice, une matrice des esprits presque impossible à pirater par les
couches subversives et politiquement résistantes. Le résultat ? Il n’y a
qu’à voir l’état de notre monde... !
Ainsi, tout calcul qui commence par une donnée erronée aboutit
forcément à une erreur qui résulterait de la donnée de départ, d’où
l’importance cruciale de ne jamais rejeter le concept de vérité dans les
relations socioculturelles et dans le verbe.
Comme il a été dit précédemment, la classe populaire surajoute sur les
rêves capitalistes ses propres constructions rêvées et sa propre culture
de masse, comme par exemple sur l’esthétisme symbolique des Mc
Donald et des Fast Food en général, ou encore sur certaines marques
72
vestimentaires, etc.
C’est d’ailleurs par ce biais que les instances capitalistes interagissent et
rétroagissent indirectement sur les couches populaires afin de favoriser
chez elles la consommation à outrance. Ceci permet également à ce
même système économique de mettre à jour sa culture, sa modernité,
mais aussi d’accroître son capital, le potentiel de son pouvoir tentateur, et
de sa légitimité au regard de cette même couche.
Un bon exemple qui illustrerait métaphoriquement cette règle psychique,
ce serait la contre-culture urbaine des tags et des graffitis qui surajoutent
leur propre subjectivité vandale et multi-signifiante sur les immeubles
des villes et ses toits, dans les bars populaires et sur tous les territoires
des transports en communs. L’histoire de la ville avait bien avant cette
contre-culture sa propre signification historique, existentielle, identitaire,
économique, locale et politique. Cette contre-culture surajoutera sur
les parois urbaines des villes son propre sens lui même condensé de
multiples sens oniriques et existentiels.
C’est donc au sein d’un tourbillon de croissance ou dans un cercle de
ventes stables que le capitalisme s’enrichira ou entretiendra sa structure
basée sur une seule finalité dominante : celle du profit.
Il y a donc un dialogue indirect, cyclique et constant entre la créativité
culturelle du peuple et la créativité onirique, manipulatrice et
mensongère des commerces du Capital (c’est ce que d’autres pourraient
appeler par exemple la mode).
C’est grâce à cette interrelation indirecte que le peuple se fait la
plupart du temps duper, manipuler, notamment à notre époque, et que
son impuissance politique s’accroît en même temps que sa puissance
subjective est devenue super-subjective, c’est à dire virtuelle.
Cette virtualité, divertissante en général, se développe symétriquement
et suffisamment grandement dans le capitalisme, pour préserver chez
les couches populaires un comportement pacifique, qui si hypnotisé
par son quotidien, somnole illégitimement et dangereusement dans
l’immobilisme politique (qui se manifeste très souvent par les forts
taux d’abstention lors des élections ou par les faibles participations aux
manifestations).
73
Le but du pouvoir c’est de déléguer comme dans le conte de Pinocchio,
le plus de divertissement possible aux couches populaires, de travestir
l’information et sa diversité médiatique, afin que le peuple délègue la
majeure partie de sa responsabilité aux pouvoirs économiques et aux
pouvoirs étatiques. C’est ainsi que le système qui peut être représenté de
façon abstraite car dénué de chef unique, préserve sa structure.
L’avènement de structures économiques transnationales qui s’affirment
clairement en faveur du capitalisme forment un pouvoir indiscutablement
influent. En effet, la grande majorité des états nations du monde ont pour
principale fonction économique et politique de leur obéir et de s’adapter
à leurs lois, ce pour le bon déroulement de ses structures économiques
monopolistiques.
Suite à cette analyse critique préliminaire, c’est toute une part de
l’ambiance hypnotique et onirique qui sera ici dépeinte, suggérée, grâce
à un certain nombre d’exemples de rêves profondément capitalistes,
puis par un certain nombre d’exemples de rêves exercés par les couches
populaires qui se surajoutent sur les architectures de cette même
économie.
S’effectuera sur ces deux sujets d’étude une tentative de décryptage des
significations qui en résultent et ce, grâce à la cryptographie Virtualiste
des rêves élaborée précédemment.
L’Argent, matière première des rêves capitalistes
On en revient souvent au même point, donc commençons à introduire
cette cryptographie Virtualiste des rêves par celui... de l’argent.
L’argent est un fétiche, une idole subjective, qui comme le dit si bien
Jean Zin (http://jeanzin.fr) est accepté et légitimé par tout l’ensemble de
la société comme valeur d’échange. Sans cela, ce ne serait qu’un bout de
papier avec de l’encre ou un bout de métal inutile.
Nous n’analyserons pas ici toutes les caractéristiques économiques qui
peuvent elles-mêmes demander un manuscrit à part entière, mais plutôt
quelques rêves qui se produisent à travers lui.
74
L’argent est garant du pouvoir d’achat selon sa quantité. La possession
de l’argent dépend d’un ensemble de lois économiques, législatives,
culturelles, mais aussi de notre capital qui peut être représenté, soit
par l’ensemble de nos savoir-faire, de nos connaissances et de notre
potentiel créatif, soit par la quantité d’argent que l’on possède au départ
grâce à l’histoire de notre famille. L’argent peut aussi se posséder par la
transgression de l’ordre, la délinquance, la corruption etc.
À travers l’argent, c’est toute une culture intéressée qui se construira
dans la convoitise, car l’argent, lorsqu’on le possède à un certains degré
quantitatif, peut quasiment et anarchiquement permettre d’avoir tous
les pouvoirs (le droit au crime, à l’exploitation, au sexe à outrance, à
tous les privilèges matériels et épicuriens etc.). Nous pouvons donc
considérer l’argent, bien que très peu de personnes en possède en très
grande quantité, comme étant représentatif d’un monde sans foi ni
loi. Nous donnerons l’exemple des multiples corruptions récidivistes
de tout un ensemble de réseaux politiques, économiques et financiers
qui restent encore jusque là relativement impunis en comparaison de la
grandeur de leur trahison envers leur propre humanité. Nous citerons
également certains grands groupes commerciaux et internationaux qui
ne se gêneront pas pour exploiter les peuples des états de non-droits
(allant même jusqu’aux enfants) en brandissant publiquement un
humanisme factice pour justifier la bienveillance de leurs embauches
néo-colonialistes au sein de ces mêmes terres. C’est donc en possession
d’un très fort capital, donc en possession d’une forte épargne que
notre pouvoir anarchique peut s’exprimer à travers l’argent en défiant
quasiment toutes les lois étatiques qui lui font face.
Il est important de préciser que les lois ne s’effectuent jamais sur la
monnaie elle-même, donc sur l’argent, elles s’effectuent autour de lui.
En conséquence, les lois n’ont aucun véritable pouvoir sur lui si ce n’est
par celui des prélèvements obligatoires qui n’empêcheront jamais son
pouvoir en redistribuant juste faiblement sa quantité.
C’est aussi à travers les mafias, miroirs inversés et symétriques du monde
75
légiféré de l’économie que l’on peut percevoir le résultat de ce que peut
créer en société un tel pouvoir anarchique rentrant dans une symbiose
ambiguë avec les violences les plus ouvertement criminelles.
Les communautés artistiques et musicales en connivence pure avec le
commerce, les émissions télévisuelles ou radiophoniques divertissantes,
ou encore les mondes de Las Vegas ou de la Française des jeux, illustrent
brutalement et sans gêne le fantasme généralisé de notre société, vouloir
posséder une richesse exacerbée, opulente, qui offrirait à son possesseur
une sorte de plein pouvoir. L’argent devient alors, à travers une mise en
avant ludique et ouvertement délirante, l’objet totémique et fétichiste
du pouvoir, de la gloire, du prestige, mais aussi de l’indiscutable
reconnaissance économique, et ce quels que soient notre posture et
notre comportement social dans le monde. C’est d’ailleurs à travers les
caricatures les plus scandaleuses que l’on peut percevoir l’importance de
l’argent dans le monde (comme dans le dicton américain, sex, drug and
money ou encore dans le billet de 500 francs brûlé devant les médias par
Serge Gainsbourg).
Posséder beaucoup d’argent c’est aussi pouvoir tout traverser dans
le monde de l’économie et des marchés noirs. On peut d’ailleurs
bien traverser le monde grâce à lui, c’est à dire le monde du pouvoir
consumériste sous toutes ses formes plus que les mondes, c’est à dire
les communautés habitées de valeurs sociales et culturelles, habitées
d’amour, d’affection, d’histoire et de politique. Cet outil permet donc
de posséder le monde économique et non pas véritablement les mondes
socioculturels, qui exècrent en général bien souvent la bourgeoisie, soit
par conviction, soit par dégoût ou soit tout simplement par jalousie.
L’argent ne permet pas tout donc, puisqu’il ne permet pas l’amour, mais
permet à son possesseur un pouvoir anarchique relativement absolu
octroyé par les mondes commerciaux de tous genres sur les mondes d’un
point de vue lié à la coercition de la force illégale, de la législation, des
richesses matérielles, sexuelles... Il peut également acheter beaucoup de
politiciens en corrélation avec le pouvoir étatique donc influer sur la vie
quotidienne des peuples.
76
L’argent, c’est aussi une des premières thématiques abordée dans
les thrillers, les romans, les polars, les films d’actions, ou le monde
d’Hollywood et ce largement avant la culture, la science et la politique !
Nous pourrions donc dire que c’est un fétiche doté d’une aura
extrêmement tentatrice et hypnotique possédant et modifiant l’ensemble
des comportements en société. Son pouvoir magnétique a la capacité de
briser des familles (à travers les moments du partage d’un héritage par
exemple) ou même de briser un couple fortement amoureux (à cause du
stress de la misère par exemple).
L’argent est aussi très présent dans l’histoire, l’histoire des guerres, de
la colonisation, du racisme, des guerres de religions, des mafias, des
familles, des ouvriers et des paysans, des communards etc.
L’anarchie de l’argent, dénué de législation véritable sur son propre
corps, c’est donc aussi la convoitise et la comparaison avec celui qui est
doté de plus de droit, mais c’est aussi l’ego, la guerre et l’orgueil de son
possesseur. On pourrait même dire que l’argent illustre assez bien en
tant que tentateur, le degré d’amour qui habite une société, une personne
miséreuse ou une personne riche. L’opposition entre l’amour et l’argent
a jalonné toute l’histoire tant politique qu’économique (nous pouvons
citer nombre de films qui montrent l’antagonisme flagrant entre ces deux
pôles). L’exemple de Roméo et Juliette illustre bien ce thème, mais aussi
avec La Belle et le Clochard ou bien encore Cendrillon : on voit que
le mythe, la légende et le conte entre l’amour et l’argent existe de tout
temps, en fait depuis sa naissance.
Bien évidemment, les choses sont bien plus complexes et nuancées
que cela, mais voir l’extrême signifiance de ce thème, c’est voir aussi
tout ce qu’il permet, c’est voir son caractère infiniment onirique,
notamment dans ce que nous allons aborder dans ce qui suit. Que l’on
nomme la finalité du capitalisme comme étant le profit ou l’argent, il
restera à l’origine du processus historique des pouvoirs dans lequel nous
nous trouvons actuellement, surtout lorsque nous l’observons dans la
dimension cryptographique des rêves.
77
I - Environnement et rêve
Comme cela a été dit dans la seconde partie de cet essai, les rêves
éveillés, les délires et les rêves sont eux aussi soumis, comme dans le
monde du réel, au facteur dual du hasard et de la nécessité.
Ce facteur dual, selon les analyses précédentes, condense dans le rêve les
expériences de l’individu dans un ensemble transversal et anarchique de
significations et d’a-signifiances multiples.
Nous pourrions même oser dire que c’est le concentré de signifiance
au sein des rêves qui produit dans la conscience son sentiment d’asignifiance du rêve ou des choses, mais cela reste tout de même
hypothétique.
Dans un environnement très façonné par les hommes, comme par
exemple la ville, la transformation environnementale reste elle aussi
soumise à ces deux principaux facteurs (hasard et nécessité).
Bien qu’une ville ne soit pas un rêve en premier abord, elle comporte
à notre époque toutes les constituantes qui définissent selon Freud ce
que peut être un rêve et ce, notamment grâce à la richesse de l’héritage
de son histoire passée et de celle de l’histoire humaine. Ce concentré
de signifiances et d’a-signifiances s’incarne dans notre époque, au sein
de son aspect esthétique ancien, au sein de celui de ses architectures
modernes, ou encore de par l’ambiance subjective et quotidienne
omniprésente créée par l’histoire et par ses habitants.
Dans une ville, nous pouvons, avoir conscience de son histoire globale,
ou avoir plus ou moins conscience du rêve même de cette ville et de
son identité historique, dans la symbiose que ses parois partagent avec
la vie de ses occupants, d’hier à aujourd’hui. Mais cela ne suffit pas à
démontrer totalement ce que je prétends dans cet essai : le fait qu’elle
soit habitée d’une très forte part onirique dans le réel.
Une des lois fondamentales qui régit tout pragmatisme pour façonner
relativement un environnement à son image, c’est celle d’une relation
dialectique incessante entre sujet et objet, entre la projection intéressée
des humains et les contraintes qu’ils rencontrent lors de la réalisation de
78
leur projet dans le réel. Ceci leur permet à terme, d’acquérir un savoirfaire plus habile et une connaissance plus claire sur les choses du réel.
C’est à travers les vices et les vertus du temps, qui portent nos erreurs
pragmatiques si instructives, que notre apprentissage pour savoir
transformer correctement notre environnement devient de plus en plus
facile et aisé.
L’accroissement de notre apprentissage et donc des connaissances dont
nous héritons du passé pour transformer notre environnement comme
nous le souhaitons nous offre aujourd’hui une bien plus grande liberté
sur celui-ci, nous permettant de lui donner une dimension esthétique
bien plus libre et donc aussi beaucoup plus liée au monde des rêves. Ce
serait donc grâce à l’héritage transmis de génération en génération que
nous pouvons aujourd’hui affirmer davantage que notre environnement
physique reste plus rêvé que réel.
Bien que les contraintes existent au sein des règles de l’architecture
urbanistique par exemple, il existe toujours l’avancée historique de ses
connaissances qui sont devenues présentement telles, que nous sommes
maintenant capables de réaliser n’importe quelle architecture esthétique,
ou encore des architectures d’industrie à la chaîne, dans un délai et une
vitesse de réalisation qui nous étaient auparavant inenvisageables par
rapport à la complexité de sa structure.
Notre capacité à pouvoir fabriquer esthétiquement plus ou moins ce que
l’on souhaite dans le monde de la matière est dès à présent pour nous de
plus en plus simple.
Ainsi, notre savoir-faire architectural est aujourd’hui d’une telle
virtuosité que son expression esthétique et onirique en libère son
potentiel, même s’il peut ne pas être utilisé dans le contexte économique
actuel (Voir par exemple sur ce fait Hundertwasser) qui met plus en
avant l’aspect économique que l’aspect esthétique et artistique de la
construction. En effet, l’urbanisme est aujourd’hui plus fait pour faire de
l’argent que pour développer une vie qualitative à ses habitants.
Cette aisance moderne pour effectuer les constructions urbaines, quelles
qu’en soient les contraintes fonctionnelles, architecturales et physiques,
nous offre ce légitime constat, celui de pouvoir définir l’urbanisme
79
comme étant plus onirique que prosaïque, plus virtuel et créatif que
lié aux travaux concrets du bâtiment et ce, bien qu’ils fassent partie
intégrante du processus de réalisation matérielle de sa modélisation
antécédente.
En ce qui concerne les architectures du bâtiment, il existe un rapport à la
nécessité des lois architecturales et physiques qui influent relativement
sur son esthétique onirique et apparente car, pour qu’un immeuble tienne
debout, il faut respecter inévitablement certaines règles, certaines lois.
Pour permettre également à un occupant de jouir de toutes les fonctions
qui sont généralement attribuées à l’offre d’une habitation (électricité,
gaz, eau, chauffage, téléphonie, isolation etc.), apparaît alors la
contrainte empirique des nécessités techniques et scientifiques qu’elles
demandent.
Ainsi, tout un ensemble de contraintes économiques et matérielles
existent et travestissent relativement les projets purement créatifs de
l’architecte.
Nous pouvons citer plus précisément ses obligations qui se
contextualisent dans l’économie de l’urbanisme et dans la politique
qu’elle défend : les délais de construction, le coût de la main d’œuvre, les
impératifs de rentabilité financière, la quantité de capital qui est investie
etc.
Mais au sein de toutes ces architectures urbaines, il existe également
un sens onirique clair, qui reste profondément en lien avec les intérêts
capitalistes et en lien avec la continuité de l’histoire.
Il existe une grande part d’inconscient, de fantasmes, de séduction
et de désirs, surtout dans les détails et les subtilités séductrices de
l’offre immobilière. Notamment lorsque le logement présenté au
client intéressé mettant en exergue certains de ces détails (le sol et son
aspect, la peinture, l’éclairage, les éléments fonctionnels et confortables
des pièces comme par exemple un placard etc.), vient alimenter ses
fantasmes et exciter ses désirs auxquels cette proposition semble
répondre. De toutes ces facettes séductrices, beaucoup de signifiances
cryptées et condensées en émergent, comme lors d’un rêve.
80
Une cryptographie Virtualiste des rêves de l’urbanisme, de ses façades
extérieures, intérieures et des commerces immobiliers qui en émergent
reste donc envisageable avec prudence et nuance, autours des nécessités
physiques et financières qui travestissent ses significations apparentes
bien que, toutes ces contraintes, notamment celles de la rentabilité,
puissent induire un ensemble de signifiances oniriques idéologiques.
Le contexte subjectif de l’urbanisme reste sans doute plus à prendre en
compte au sein du capitalisme pour comprendre sa dimension onirique
sous-jacente que son aspect esthétique apparent, mais cela devra se
vérifier plus loin dans ce qui va suivre.
Dans l’environnement humain, en ce qui concerne les transports, il se
passe le même genre de rapports bipolaire entre les lois techniques,
scientifiques et architecturales, et les lois oniriques, contingentes,
créatives, artistiques, commerciales et esthétiques.
Là est la base du fondement qui permet aux grandes entreprises de
produire, respecter les règles architecturales, technologiques et
commerciales pour ensuite y ajouter toute une dimension onirique,
symbolique, fantasmée et attrayante.
Ce sont ces lois qui serviront de support et de squelette, à l’expression
esthétique et onirique de l’offre proposée.
Tout ceci est précisé afin de mieux comprendre le contexte effectif du
rêve au sein de ces deux cas liés aux commerces capitalistes, le transport
et l’urbanisme, ce afin d’admettre un ensemble de conditions préalables
à la création d’un univers onirique et symbolique pur, qui reste impératif
pour l’ensemble de ses offres modernes.
Il me reste à ajouter que vu que le contexte de l’urbanisme prédomine
dans le capitalisme sur son esthétique matérielle, l’analyse de son aspect
apparent dénué des raisons les plus véridiques de cet aspect, serait une
analyse faussée et hallucinée. Il faut préciser d’ailleurs que cette même
analyse faussée et hallucinée peut très bien apparaître dans certaines
interprétations subjectives des couches populaires ou même bourgeoises
81
qui se surajoutent aux signifiances préliminaires (dire par exemple que
« cela a été fait exprès et librement. »). Une analyse cryptographique
s’effectuera d’ailleurs sur ce genre de phénomènes (c’est à dire sur les
interprétations subjectives et oniriques relativement faussées). Il ne
s’agira donc tout de même pas de ne pas prendre en compte la culture
citoyenne des villes et sa part rêvée qui s’ajoute à l’a-signifiance
originelle de son esthétique pure. L’urbanisme, les transports et leur
esthétique aux signifiances indirectes sont donc bel et bien, suite au
contexte de leur réalisation, réinterprétés par les personnes qui occupent
leurs espaces.
Enfin, si c’est ici l’urbanisme des villes et des transports qui ont été ici
choisis comme exemples environnementaux, c’est que ce sont bien ces
deux aspects fonctionnels du capitalisme qui représentent les plus grands
appareils de pouvoir onirique du capitalisme dans l’environnement, car
avant d’être un lieu de rencontres citoyennes, les villes et les transports
sont bien avant cela des outils primordiaux pour le développement du
commerce capitaliste et mondial dominant.
1. Urbanisme
A/ Cryptographie du commerce immobilier
Ce qui doit être affirmé malgré l’évidence du constat, c’est que les rêves
qui s’expriment à travers les offres immobilières sont liés à un rapport
d’offres et de demandes commerciales préliminaires, donc à un rapport
intéressé par le bénéfice qui est apporté aux deux parties bien qu’il soit
déséquilibré, car la faiblesse est en général majoritairement du côté de la
demande.
L’accord préalable est donc commercial et effectué à travers un bail
de location ou une vente définitive du bien. Ce rapport commercial
déséquilibré connote un rapport de force lié au pouvoir séducteur des
deux parties concernées, où le rôle principal qui domine en général reste
plutôt attribué comme il l’a été dit à celui qui offre l’objet de désir, c’est
à dire au propriétaire (de l’appartement, du pavillon etc.).
La plupart du temps, le commerce de l’immobilier passe par un
82
médiateur spécialisé du côté de l’offre, les agences immobilières,
qui incarnent un statut symbolique renforçant le pouvoir législatif
et commercial du propriétaire. Ce symbole de médiation entre le
propriétaire et le demandeur a plusieurs significations.
Nous citerons le confort de la délégation des contraintes administratives
des responsabilités offertes au propriétaire, la sécurité octroyée au
propriétaire dans le rapport de force pour que le locataire honore sa part
d’engagement, la possibilité pour le propriétaire de rester anonyme et de
ne passer par aucun rapport commercial lié à l’affectivité, la possibilité
de jouir de tout le savoir-faire commercial de l’agence immobilière.
Une agence immobilière est de plus une entreprise commerciale.
En occident, une entreprise commerciale ne négocie, par son statut
juridique, et que très rarement les conditions préalables à la signature
de l’accord commercial. Elle représente donc, suite à ces observations,
de façon imagée, un groupe de personnes qui joue un rôle onirique de
tribu guerrière formée et même supérieure à toute autre tribu au sein
de leur domaine de commerce de guerre, l’immobilier. Ces entreprises
sont des entités commerciales quasi-militaires, imposant chez la plupart
des demandeurs intéressés le respect, mais aussi la peur. En effet, ces
entités paraissent plus protégées par la loi de par le pouvoir économique
qu’elles représentent que ne l’est le demandeur, ne représentant que sa
citoyenneté et son statut socio-économique.
Les préliminaires des rêves permis par les mondes du commerce de
l’immobilier, suite aux travaux ouvriers, passent donc par un rapport de
force commercial plus ou moins mis en scène, afin que la part intéressée
par l’offre puisse posséder son propre appartement, par le biais d’une
location ou d’un achat. Cet accord commercial théâtralement mis en
scène, nécessite pour l’intéressé un statut socio-économique d’une valeur
équivalente ou supérieure à celle de l’offre proposée, condition préalable
à la signature définitive du contrat commercial, donc à la fin du rapport
de force pour un achat et à la fin du premier rapport de force pour une
location.
Les rôles attribués à chaque partie au sein de l’échange du produit
immobilier, prétendent dans les deux camps à un rapport de force
83
commercial assez équilibré. Une dimension symbolique, mais surtout
onirique et théâtrale émerge alors comme au sein d’une transe primitive.
L’être humain et ses rapports conviviaux ordinaires se mettent un
moment de côté et se troquent à travers des armures symboliques
et ritualisées, guerrières et tribales, où se négocie l’objet de désir, si
important pour les deux camps dans ce qu’il leur apporte. Le rapport
de force est codé, mythifié et placé dans un contexte législatif, celui de
l’état, second médiateur entre les deux forces intéressées par l’objet de
désir.
Là où une part rêvée se place encore bel et bien, c’est dans ce rapport
théâtral, celui de l’hypothétique accord commercial. Les intérêts des
deux parties de l’échange se travestissent à travers un ensemble de
comédies, de bluffs, de ruses, parfois de mises aventurières proches du
poker etc., et ce selon la qualité de l’appartement, selon ses défauts plus
ou moins visibles ou encore selon le statut du demandeur qui a plus ou
moins falsifié la nature de sa condition sociale véritable. Ils travestissent
également leur humanité par tout un ensemble de masques et même de
« costumes » qui accompagnent le rapport commercial.
C’est donc un rapport social particularisé et totalement « surjoué », où
la nature véritable et ordinaire des deux parties se transforme à travers le
pouvoir d’un rôle (la propriété, le pouvoir d’achat). Celui-ci se masque
et prétend dans les deux cas à une image esthétique qui ne les habite en
fait sans doute pas véritablement. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que
la figure des agents doubles fascinent avec autant d’intérêt la culture
occidentale, que cela soit dans la vie de tous les jours ou dans les films,
car c’est bien cette condition à laquelle est exposé tout acteur de la vie
économique travestie par l’argent et le profit.
Au sein de cette rencontre commerciale, il se passe donc bien un jeu
social onirique, rêvé, multi-signifiant où chacune des parties croit en
général à l’apparence costumée de l’autre et à sa ruse secrète. Ce visage
tronqué et maquillé, c’est l’apparence, l’illusion d’un rôle où chacune des
parties concernées se dupe mutuellement.
Le rapport commercial, bien que réel, reste dans son processus ritualisé,
84
relativement fictif et étranger à lui-même, relativement rêvé. C’est
aussi un événement ponctuel marqué d’hypocrisie froide, de jouissance
également de par l’intérêt mutuel accordé aux deux parts, grâce à l’objet
d’échange. C’est un moment où le rapport social ordinaire reste presque
absolument absent et où seul le rapport à l’argent existe. Ce rapport est
imbibé de méfiance, de sécurité législative et commerciale, d’histoire,
de conjoncture, donc de peur et d’ambiguïté entre amitié théâtralisée et
ennemis, relation génératrice potentielle de soupçon, de méfiance et de
stress.
Accepter ces faits, c’est accepter une inter-relation qui n’a pas
véritablement lieu et qui en fin de compte n’a lieu que dans un rêve, ou
encore un délire ritualisé et éveillé, dans un langage onirique, dans un
fantasme où seul l’échange monnayé a en apparence réellement lieu.
Ainsi, seul le domaine de la transaction commerciale a véritablement
lieu, et c’est dans ce simple cercle que toutes les multi-signifiances
s’effectuent par les deux parties, qui ne sont en fin de compte que des
éléments masqués au service de celles-ci, en passant par une mise
en scène plus ou moins théâtrale, séductrice et onirique, les rôles
commerciaux deviennent finalement esclaves d’eux-mêmes.
C’est en conséquence un rapport de force basé sur la séduction, où
l’opposition entre l’offre et la demande est aussi paradoxalement à
sa dimension guerrière sexuelle, où la jouissance et l’acte sexuel raté
correspondraient à l’accord réussi et l’accord contractuel en échec.
C’est aussi un rapport lié à l’esthétisme du pouvoir, qui par l’aspect
théâtral de sa posture impressionne l’autre partie. Un ensemble de
symboliques oniriques jouent dans ce rituel un rôle qui certifie dans
chacun des camps une légitime image phallique, qui cherche à être
interprétée comme étant indiscutablement désirable et même virilement
inviolable.
Un logement, dans un immeuble, dans une résidence, dans un quartier,
dans un secteur de la ville à réputation particulière a ensuite toute une
part symbolique et rêvée dans ce qu’il peut représenter subjectivement
chez autrui. Tout un monde rêvé et condensé de significations
symboliques qui se relie aux fonctions esthétiques et à l’emplacement
85
local de l’appartement que l’on pourrait occuper.
Ainsi, l’appartement peut très bien représenter symboliquement notre
fonction et notre positionnement social au sein d’une société. C’est un
indicateur souvent arbitraire et onirique sur notre place en société et sur
notre valeur en communauté. L’ensemble des décors et de tous les détails
d’une habitation (entretien, propreté, ornement décoratifs, grandeur de
l’espace habité etc.), déterminera relativement l’image onirique qui nous
représentera métaphoriquement et symboliquement face aux autres.
L’acte juridique définissant le statut de propriétaire ou de locataire d’un
logement, garde aussi une dimension purement rêvée, autant par la façon
dont l’on peut soi-même se représenter que dans la façon dont l’autre
nous représentera. Tout un ensemble de signifiances et de suggestions
s’effectue à travers le fait de se déclarer publiquement locataire ou
propriétaire.
Un immeuble ancien n’aura également pas la même signification
onirique qu’un immeuble résidentiel ou qu’un pavillon, ou encore qu’un
HLM au sein d’une cité morbide.
Tout l’historique passé de ces emplacements urbains se condense en
plus à travers des symboles de classes sociales, des symboles de rôles
plus ou moins bien vus, des rôles attribués par la réputation historique,
contemporaine et locale d’un quartier etc.
Aujourd’hui, l’habitation d’un lieu, c’est également un rôle attribué à son
occupant, c’est aussi une réputation, celui-ci se plaçant dans le condensé
historique et même culturel de ses significations.
Au sein d’une grille d’analyse manichéenne (valorisée par exemple par
Hollywood, l’industrie cinématographique américaine) inconsciemment
très utilisée par la plupart des couches populaires ; le quartier, la taille de
l’appartement, son prix, l’esthétique de son immeuble etc. serviront tous
d’indicateurs à l’image bonne ou mauvaise rêvée par autrui et par son
occupant.
Dans toute l’histoire d’un rapport social, toutes les signifiances de ce
rapport seront influencées par ces facteurs précédemment cités. Ces
86
facteurs sont rêvés autant dans la riche histoire qui forme notre époque,
condensé complexe de notre passé, que dans les symboliques et les
métaphores modernes qui s’exercent à travers les valeurs du logement
que l’on occupe.
Le locataire d’un HLM de banlieue, n’aura par exemple pas les mêmes
significations inconscientes face aux autres, avec toute l’histoire qui
imprègne ce genre de lieu, que le propriétaire d’un quartier discret et
tranquille oublié de tous.
Ainsi, dans une ville, il y a tout un ensemble de constructions mentales
oniriques, souvent concrètement et rationnellement infondées, qui
régissent les comportements sociaux de tous ses habitants.
Les erreurs urbanistiques de l’histoire ont aussi parfois semé dans
certains quartiers des agencements aux ambiances architecturales
néfastes pour la sérénité de ses habitants, celles-ci influençant dans le
long terme leur moral quotidien ainsi que leur conception subjective des
choses.
Cette influence est relativement symbolique et interprétative, elle
est liée en grande partie à l’interprétation dévalorisante qui est mise
en avant par la plupart des gens sur ce genre de construction. Cette
influence est également esthétique, c’est à dire liée à la structure onirique
conçue par son architecte et par l’investissement plus ou moins fort
de celui qui permit la réalisation du projet architectural. Ainsi, tout un
ensemble de valeurs et d’habitudes de quartier se construira à travers
le rêve antécédent de ses réalisateurs (architecte, ouvriers, financiers et
propriétaires).
Pour apporter enfin une nuance importante sur ce qui distingue ces
trois termes : subjectif, onirique et virtuel, c’est le contexte dans lequel
se place la subjectivité elle-même dans ses interprétations. Dans le
terme subjectif, nous engloberons toutes les formes d’interprétations
dont la subjectivité rêvée et la subjectivité virtuelle. Une subjectivité
rêvée s’approchera plus de la métaphore, du symbole, du poétique, de
la multi-signifiance et du délire, tandis que la subjectivité virtuelle se
placera davantage dans un contexte historique où la techno-science
prédominera au sein de l’environnement qu’elle habite. Compartimenter
87
absolument ces deux formes de subjectivités reste aujourd’hui impossible
et c’est pourquoi c’est bien une cryptographie Virtualiste des rêves qui
s’effectue dans ce livre. La subjectivité rêvée reste plus ancienne que
la subjectivité virtuelle, elle a donc de par son degré d’ancienneté une
caractéristique fonctionnelle qui englobe la subjectivité virtuelle. La
subjectivité virtuelle, elle, est la cadette, la nouvelle mutation historique
des phénomènes subjectifs. L’évolution de la subjectivité humaine
représente, elle, le commencement de l’histoire humaine par l’avènement
du verbe et de l’héritage de son savoir.
B/ Cryptographie du monde urbain
Nous citerons ici les domaines que nous aborderons dans l’urbanisme,
avant de commencer son analyse cryptographique : La dénotation et la
connotation de l’esthétique urbanistique ; le contexte multidimensionnel
dans lequel se trouve cette esthétique ; la culture citoyenne, ses valeurs
et ses rêves au sein de cet environnement ; la culture socio-économique
professionnelle, ses valeurs et ses rêves au sein ce même environnement
urbain.
- La dénotation et la connotation de l’esthétique urbaine : Dans
l’esthétique urbaine, il y a un territoire, d’une plus ou moins grande
superficie, emplie de bâtiments et d’immeubles de différentes époques,
de grands ensembles commerciaux, de devantures publicitaires,
d’espaces de circulation, d’espaces de repos, où s’effectue avant tout
l’activité économique capitaliste, ainsi que celle de l’état. L’esthétique
urbaine est donc inséparable des appareils de pouvoir, elle en est même
relativement l’outil. En son sein, un aspect s’y retrouve inévitablement :
C’est celui de la proximité si ce n’est de l’étroitesse des habitations, des
bâtiments, des résidences, des grands centres de distribution, des petits
commerces distributeurs, des bureaux, des restaurants de tous genres etc.
Cette étroitesse si nous pouvons la nommer ainsi, connote dans la
dimension des rêves, chez ses occupants - avec le constat du succès
des mondes urbains - un sentiment sous-jacent d’insécurité, de peur de
l’abandon, de besoin de reconnaissance et de partage social.
En effet, dans la densité urbaine générale, nous pouvons ressentir chez
88
ses habitants une sorte de besoin de rapports fusionnels exacerbés,
où règne une envie pour chacun de se blottir les uns contre les autres,
comme pour éviter un danger hypothétiquement imminent de solitude,
celle-ci évoquant le danger et l’exposition désarmée de celui qui la subit
face à l’inconnu, sous toutes ses formes.
Paradoxalement, l’ambiance socioprofessionnelle et économique
généralisée dans la cité, première véritable raison du règne impérial des
univers urbains dans le monde, rend ses habitants très irrités les uns
envers les autres, car soumis à l’aliénation de l’obéissance aux pouvoirs
et à ses contraintes de tous genres (loyer, salariat, temps de travail
trop éprouvante etc. générant du stress et de la pression, ainsi que des
pathologies mentales diverses, les cas extrêmes étant eux en proie au
suicide). Cette ambivalence ou encore ce paradoxe torturé, peut rendre
les rapports de proximités très travestis et peut aussi générer un sentiment
d’hostilité partagé. Nous n’avons ici pas cité l’abus de ce permis de
proximité par certaines couches populaires qui transgressent l’ordre du
pouvoir et accentuent le sentiment d’aliénation, de méfiance et d’hostilité
ambiante entre les habitants (délinquance lié aux inégalités sociales,
marchés noirs, corruption des marchés légaux ainsi que corruption des
pouvoirs en général...).
Nous pouvons ensuite constater que chaque immeuble ou groupe
d’immeubles, connotent selon l’esthétisme de leur époque de
construction, des codes et des valeurs contemporaines différentes, dans
l’estimation de la valeur de l’habitat et dans la conceptualisation des
occupants du territoire urbain. Les anciens immeubles de Paris seront par
exemple le plus souvent habités par des classes moyennes ou des cadres,
tandis que les immeubles modernes tels que les HLM seront habités par
des pauvres et des communautés migrantes. En général, les immeubles
modernes à l’esthétique bâclée sont souvent moins respectés que ceux
qui ont une esthétique moderne plus entretenue (par exemple par des
digicodes, des caméras etc.).
Leurs esthétiques urbaines symboliseront selon leur ancienneté plus
l’histoire d’une ville chez les touristes par exemple que son histoire
contemporaine. L’histoire d’une ville occupe même parfois plus
d’espace dans la subjectivité des personnes que sa situation historique
89
contemporaine, ceci pouvant être d’ailleurs une interprétation plus rêvée
que bel et bien réelle, plus divertissante que politique.
Sinon, une résidence moderne propre et régulièrement entretenue, avec
des ascenseurs classieux connotera en général une autre forme de statut
social, un peu plus proche du monde populaire mais s’en détachant tout
de même en comparaison des cités HLM ou des appartements insalubres
dans les quartiers populaires.
Il est dit à travers un immeuble, sa façade extérieure, sa couleur, sa
localité, ses commerces environnants etc. un condensé de signifiances
presque incalculable, vertigineux même !
Par exemple, un immeuble raté par un architecte va influer sur le moral
de ses occupants et sur ceux qu’ils invitent ou reçoivent, comme cela a
déjà été dit précédemment.
Le regard de chacun aura de plus une symbolique tout à fait différente,
avec ses propres histoires oniriques mais aussi avec des codes partagés
par l’ensemble dans le langage onirique utilisé par tous ces rêves
hétérogènes. Un immeuble très clôturé et abondamment habillé de
caméra pourra par exemple symboliser l’hostilité envers les inconnus
qui y pénétreront et qui se sentiront en dehors des règles législatives,
ou encore connotera un sentiment de méfiance et de psycho-rigidité,
de peur du cambriolage etc. Ces caméras impliqueront dans les deux
sens (habitants et étrangers à l’immeuble) une ambiance qui flirtera
avec la division, la peur, la guerre voilée, la méfiance, le soupçon etc.
Ces dispositifs de sécurité connoteront également que les étrangers à
l’immeuble sont représentatifs d’un danger potentiel et rassureront de
façon ambiguë ses habitants entre méfiance, protection et réconfort.
L’installation de ces mêmes dispositifs considérera relativement
l’habitant comme pouvant lui-même être hostile à son voisinage où à la
propriété collective des lieux, ce qui pourrait entretenir un sentiment de
culpabilité et de soupçons partagés imperceptibles au sein du voisinage.
Un immeuble aux murs sales et tagué connotera le règne du laisseraller, de l’anarchie, mais aussi le règne de certaines choses occultes
et délinquantes qui ne sont pas totalement « clean » (deal, agressions,
90
consommation de stupéfiants etc.).
Les lumières d’un immeuble et de ses escaliers seront plus ou moins
mis en avant selon l’ancienneté de l’interrupteur et selon son esthétisme,
l’immeuble sera plus ou moins prétentieux, plus ou moins fonctionnel,
plus ou moins classe ou ridicule selon ses formes architecturales... Une
lumière de couloir en panne symbolisera peut-être pour un ouvrier qui
rentre chez lui un signe d’ironie du sort ou encore un signe de handicap
à durée indéterminée. Car l’ouvrier, lors de son passage dans ce couloir
se sentira symboliquement lui-même « handicapé » par la pénombre
et créera une analogie interprétative avec sa situation ténébreuse de
smicard. En effet, d’un point de vue analogique il pourra peut-être se
dire les « ouvriers sont des handicapés, je suis un handicapé, même mon
immeuble me le dit, ma vie est très souvent sombre ».
Une belle ville ou un beau quartier la nuit, cela peut être aussi avec ses
lumières, sa beauté urbaine etc, des panoramas à connotation de gloire
de l’histoire humaine, de richesse, ou de beauté liée au cheminement
historique du lieu. Le scintillement et les brillances des lampadaires
dans la nuit de ce lieu pourront également évoquer la poésie urbaine du
monde. Elle cajolera ses contemplateurs, connotera parfois avec hypnose
le paternalisme de cette même entité urbaine et l’infantilisme de son
spectateur ou de son habitant.
Une ville et ses anciennes façades urbaines symboliseront aussi un côté
baroque et mystérieux, où tout ne peut être vu si ce n’est l’évocation de
son histoire passée et le mystère sur l’identité de ses occupants présents,
mais où leurs fenêtres éclairées rassureront, attiseront le voyeurisme...
Voir les fluctuations lumineuses d’une télévision par le biais d’une
fenêtre d’immeuble la nuit, cela pourra aussi créer une ambiance
poétique pour son observateur extérieur lié au réconfort et à la paix
nuptiale.
Le mystère d’une nuit citadine pourra pour les jolies femmes créer
un ensemble de sentiments de peur et d’hypothèses paranoïaques
dans certains de ses lieux. À travers cette peur et cette paranoïa, toute
l’histoire politique des femmes en société émergera furtivement en son
esprit.
Autant d’exemples qui restent eux-mêmes habités d’une profusion de
91
signifiances et d’a-signifiances définissant encore avec empirisme la
nature structurelle et anarchique des rêves.
- Le contexte pluridimensionnel de cette esthétique : En coulisse de
tout cela, nous trouverons les contraintes financières telles que le loyer,
les courses pour l’alimentation, le travail salarié, les entreprises et
leur business, les marchés noirs, les actes de délinquance, la routine
des chômeurs ou des travailleurs etc. Mais cette routine n’est-elle
pas relative, subjective ? N’est-elle pas sur-interprétée ? Où se place
le condensé de signifiances rêvées dans tout ça ? Il se trouve dans
l’ensemble des contraintes législatives, économiques, financières,
bureaucratiques, fruits de l’histoire. Mais que connotent-elles ces
contraintes ? Elles connotent quelque chose qui reste insupportablement
étranger à soi, quelque chose qui nous contrôle en plus relativement, qui
nous impose sa cadence, comme un fantôme qui nous menace de son
bâton pour que nous avancions vers notre survie à travers lui. Tout cela
devient alors autre chose. Oui, la ville devient alors autre chose, elle
devient le lieu où se pratique tout cet ensemble d’actes quotidiens soumis
à la coercition. Cela devient alors un lieu étranger à soi-même, un lieu où
plus rien ne nous habite et où tout circule indépendamment de nous.
Le loyer te dira, tu n’es chez toi que si tu payes ! Sinon, je te mets la
pression, si ce n’est même dehors ! Tu m’appartiens tant que tu ne
paieras pas, tu mangeras si tu as de l’argent. Tu obéiras à la peur devant
certaines communautés etc.
Ou encore, cette ville pourra nous faire dire : « mon sale travail, c’est à
cause des gens qui volent que je suis obligé de le faire ! »
La mairie passera elle pour un bourreau à travers les attentes
administratives qu’elle engendre et où tout le monde se dégradera les
nerfs dans la patience. Le salarié fonctionnaire, obéissant aux devoirs de
son métier, sera relativement fidèle à celui-ci à travers la traditionnelle
déclamation d’un : « au suivant ! ». Les hommes forts de la sécurité qui
surveilleront et protégeront les instances administratives, connoteront
à ceux qui les sollicitent une impossibilité de pouvoir trop s’énerver et
trop se révolter. La carrure impressionnante de ces hommes de l’ordre
évoquera le vécu des « durs » qui n’ont « plus rien à perdre », ils seront
ironiquement très souvent « black », suggestion du racisme historique du
92
passé colonial occidental.
- Les cultures citoyennes, leurs valeurs et leurs rêves en environnement
urbain : Nous citerons tout d’abord qu’il existe un inconscient collectif
global au sein d’une ville. Il faut dire en aparté qu’il existerait selon moi
aussi un inconscient collectif au sein de l’ensemble des nations possédées
par le capitalisme, par ses valeurs et ses monopoles commerciaux.
L’inconscient collectif d’une ville participerait apparemment au bon
fonctionnement de ce même monde urbain et de son rôle au sein de
l’économie capitaliste.
L’auto-compartimentation des communautés urbaines reste inconsciente,
fonctionnelle et se facilite par le biais des jugements de valeur conscients
et des automatismes inconscients. Un étiquetage constant permettrait aux
communautés hétérogènes de se protéger des autres communautés vivant
à proximité de la leur, ce afin de préserver leur fonction actrice au sein de
la ville.
Cette même compartimentation permettrait également à chaque
communauté de réduire son ressenti trop criant de l’altérité subjective
et donc de protéger ses concepts subjectifs et préétablis du réel. Elle
permettrait aussi à chaque individu de se construire affectivement ou
même intimement dans la vie d’une façon apparemment plus stable.
Nous pourrons citer ici quelques exemples de la compartimentation de
l’inconscient collectif d’une ville ainsi : Les commerces quotidiennement
fréquentés par certaines communautés sociales ; les communautés
qui existent grâce à leurs écoles passées (maternelle, école primaire,
collèges, centres de formation, universités etc.) ; les communautés des
mondes professionnels (entreprises, associations, etc.) ; les communautés
liées aux tendances politiques ; les communautés de quartier (activités
locales, associatives, cités HLM etc.) ; les communautés créées par des
tendances culturelles (musiques, littérature, peintures, arts etc.) ; les
communautés des mondes de la famille ; les communautés formées par
des activités associatives (atelier d’écriture, de danse, de sports divers,
de musique etc.) ; les communautés construites selon les tendances
générationnelles ou encore sexuelles...
93
La plupart des habitants d’une ville se placent dans l’histoire collective
d’une ou plusieurs de ces communautés et autour de toutes les autres
communautés. Ils ont inconsciemment conscience de la présence
de chacune d’elles, pensent et agissent en fonction de leur propre
appartenance communautaire. Cela se passe aujourd’hui aussi comme au
sein de différentes tribus.
Selon le positionnement social de chaque personne au sein d’une ou
de plusieurs communautés urbaines, des fonctions et des jugements de
valeur s’établiront sur elles. Elles leur donneront un rôle spécifique,
à travers une compartimentation plus ou moins déterminée, qui leur
léguera également un ensemble de fonctions pour entretenir la structure
capitaliste de la ville.
Un jeune de cité HLM n’ira par exemple pas construire sa relation
sexuelle ou amoureuse de la même manière qu’un jeune de famille petite
bourgeoise. Il ne fréquentera pas les mêmes commerces, ni les mêmes
divertissements virtuels. Il construira son devenir autrement et aura pour
les autres communautés une fonction rêvée différente que celle d’un
passant plus ou moins discret.
La couleur de peau connotera un ensemble de jugements préétablis pour
chacune des appartenances à chaque communauté. Le comportement
apparent et l’apparence vestimentaire ne seront également pas les
mêmes. L’ouverture d’esprit sera toute différente, etc.
Dans l’histoire citoyenne et collective de la ville, la plupart des
jugements de valeur et des fonctions apparentes de chacun habite bel
et bien tous ses habitants au sein d’un langage inconscient et collectif
très proche du rêve. Celui-ci déterminera souvent notre manière
d’appréhender notre propre histoire au sein de ce même environnement
urbain. C’est un condensé de signifiances et d’a-signifiances qui se
combineront dans cette histoire vécue et partagée, tout comme dans les
rêves.
Chaque élément citoyen de la ville commande à l’autre élément citoyen,
de par ses réactions et son comportement quotidien une ambiance
onirique particulière, mais aussi un statut pour chacune de ces parties
s’entretiendra, s’actualisera et régénérera.
94
Lors de la coupe du monde de football ou lors d’un mariage, la capacité
comportementale offerte à chaque communauté ne sera pas la même pour
tous et en même temps sera très analogue dans son paradigme.
Des sortes de commandes comportementales s’induisent chez les
autres par notre propre comportement, ces commandes sont non dites,
acceptées de tous et toutes, irréfléchies et presque inconscientes. Elles
sont rêvées multifonctionnelles, multi-signifiantes et hypnotiques. Elles
peuvent même provoquer, à force d’habiter ce bain comportemental
citadin des sortes de barrières mentales et emprisonner le comportement
humain. Elles peuvent générer du stress, du mensonge, une incapacité
d’expression etc.
C’est à ce moment là que nous pouvons dire être un élément du rêve de
notre ville.
Il ne s’agit pas là de faire une cryptographie chirurgicale de ces rêves
citadins, car elle s’avère être diverse selon chacune des villes que l’on
aborde. Ce genre de cryptographie s’effectuera plutôt au sein de certaines
œuvres poétiques ou picturales futures.
Nous pourrons tout de même citer un exemple : Le KFC, fast food qui
cuisine surtout du poulet. Il apparaît étrangement que cela soit des fils
d’immigrés qui fréquentent ce lieu, notamment des antillais, que leur
tendance musicale reste le Hip Hop, le Zouc, le Dance Hall, le Ragga
et le Reggae, que le poulet connote dans l’argot populaire « la police »,
que ces fils d’immigrés viennent pour la plupart du temps de cités HLM.
Pourquoi donc ce lieu est-il le symbole des communautés antillaises ?
Pourquoi les autres communautés respectent généralement ce territoire et
ne le fréquentent-elles pas ? Il a l’air extrêmement clair que ce territoire
reste inconsciemment respecté par l’ensemble des autres communautés.
Au sein de ce fast food apparaîtra tout un ensemble de signifiances,
l’appartenance à la communauté noire et une partie de sa musique
contre-culturelle, une rébellion adolescente plus ou moins récupérée
par le monde de l’argent, un rapport aux femmes bien particulier, un
rapport aux blancs et à la police également particularisé... S’ajoute à
cela l’histoire de chaque individu qui fréquente ce lieu régulièrement
et qui s’additionne de signifiances et d’a-signifiances avec le temps. Le
95
poulet symbolise, dans sa cuisine et sa préparation un symbole lié au rap
américain mais aussi aux valeurs commerciales américaines du « manger
fun » qui se lie extrêmement aux populations ghettoïsées et adolescentes.
- Les cultures socio-économiques, ses valeurs et ses rêves dans
l’environnement urbain : Bien que ce secteur soit principalement la
fonction dominante des villes, il ne représente généralement que son
annexe dans la subjectivité des gens.
En effet, c’est par cette activité socioprofessionnelle que tout se construit
dans une ville, mais parallèlement, il se construit ce fameux monde
virtuel du divertissement qui symbolise à travers le jeu et l’amour bien
plus l’individu en société que le monde hostile de l’économie.
Généralement, lorsque l’on demande à quelqu’un ce qu’il fait comme
métier dans la vie, cela ne lui plaît pas particulièrement de répondre.
Bien que cela puisse lui permettre de vivre, il préférera faire des blagues,
parler de feuilletons ou de culture etc.
Ainsi la vie très souvent, ne se définit pas subjectivement dans
l’inconscient collectif des individus et des communautés par le travail
et son mérite, mais plutôt par l’amour, l’affection, l’amitié et le
divertissement, bien que cela soit par lui que l’on construit plus ou moins
décemment sa vie de tous les jours.
Nous pouvons émettre l’hypothèse suite à ce constat que cela reste dû à
la grande impuissance que la plupart des couches populaires gardent au
sein de ce monde coercitif. En effet, le monde socioprofessionnel est un
monde habité d’autorité, d’obéissance et de contraintes qui ne représente
guère les fantasmes et les désirs des travailleurs d’une ville en général.
De plus, la plupart des travailleurs, effectuent souvent une profession
qui n’a pas vraiment de lien avec le sens de leur propre existence, ce qui
ne facilite pas leur esprit à pouvoir interpréter le monde de la ville dans
cette dimension.
Nous pouvons donc avancer l’hypothèse que le monde contraignant des
villes, c’est-à-dire le monde des lois, et les mondes socioprofessionnels
restent plutôt des mondes qui appartiennent à ses dirigeants et à ses
supérieurs hiérarchiques, qui eux y trouvent de véritables intérêts
jouissifs.
96
En effet, selon le confort offert par ses différents positionnements
hiérarchiques, un monde professionnel peut être vécu d’une toute autre
manière.
Pour la plupart des habitants d’une ville, les secteurs socioprofessionnels
sont des lieux détestés, considérés comme étant fades et moroses,
l’ambiance du sérieux et des médisances y règne dans une fatigue
quotidienne emplie de plaintes.
Ce monde socioprofessionnel connote de façon sous-jacente plusieurs
sens clairs : les couches populaires ne peuvent se divertir sans le
monde socioprofessionnel et ne peuvent se divertir dedans ; le monde
socioprofessionnel, bien qu’éludé par ses oppressés reste la condition
de leur bonheur relatif, les supérieurs hiérarchiques le savent et en
jouent ; sans le monde des dominants, le monde des couches populaire
n’existerait pas, ce qui leur donne certains droits privilégiés dont celui de
l’autorité paternaliste et même parfois de l’abus de pouvoir (harcèlement
moral par exemple) ; il est impossible pour les couches populaires qui
s’asservissent pour le confort matériel et sécuritaire de dire véritablement
ce qu’elles pensent véritablement au sein de leur activité en entreprise,
elle doivent donc jouer un rôle subalterne et docile ; le supérieur
hiérarchique est un symbole de virilité et de peur avant tout et ce,
quelle que soit sa catégorie sexuelle ; le supérieur hiérarchique jouit de
certains privilèges dans l’entreprise qui ne sont aucunement accordés
aux inférieurs hiérarchiques ; seule la vérité du milieu socioprofessionnel
règne au sein des périodes de son activité économique même si cette
vérité travestit la vérité de ses éléments ; la personnalité du supérieur
hiérarchique sera forcément plus libre que celle du salarié lorsqu’ils
se confronteront directement dans un rapport professionnel et même
en dehors du milieu professionnel ; l’identité communicationnelle et
historique de l’entreprise jouera sur sa posture en société et influera sur
la façon de la conceptualiser ; c’est grâce au milieu socioprofessionnel
et économique que l’habitant de la ville mange et paye son loyer ; c’est
grâce à lui qu’il jouit de certains privilèges consuméristes également ;
le milieu socioprofessionnel implique selon sa nature certains codes
vestimentaires, une certaine ponctualité et une certaine hygiène de vie ;
il implique une conduite disciplinée qui reste liée au contexte de son
97
entreprise...
Est-il ici suffisamment de signifiances pour voir au sein de ce milieu
une dimension rêvée ? Car c’est au sein de tous les instants des activités
socioprofessionnelles que toutes ces signifiances règnent plus ou moins
consciemment. Elles nourrissent quotidiennement notre conception
même de la vie.
La ville devient alors dans cette même dimension une sorte de tabou,
celui de constater la brutalité d’un cauchemar : La ville, bien que
divertissante, attrayante, séductrice et tentatrice, où y règne un ensemble
incalculable de plaisirs et d’activités est bien avant tout et presque
secrètement aujourd’hui, un appareil et un outil au service des pouvoirs
économiques oppresseurs. Il en a d’ailleurs été ainsi lors de toutes les
époques de l’histoire humaine, y compris lors de celles de la royauté
et des empires. Ne sommes-nous pas nous-mêmes au sein d’un nouvel
empire au visage inédit ?
C/ Cryptographie du logement
Un logement c’est avant tout le symbole de l’indépendance et du
territoire intime d’une personne. C’est le lieu de tous les secrets d’un
sédentaire, de toute son intimité, sexuelle, amicale ou familiale. À
travers son agencement et son entretien, il peut se révéler une partie de la
personnalité ou de l’état moral de quelqu’un. Toute son esthétique et son
entretien peuvent symboliser, par exemple le relâchement dans la vie et
la paresse (appartement mal rangé), la coquetterie (salle de bain emplie
de produits de beauté), l’intérêt porté à l’actualité ou à la connaissance
(bibliothèque, décors etc.), le niveau de maturité de son habitant (choix
des symboliques de l’appartement) etc.
Le logement et sa superficie, c’est aussi la représentation de sa plus ou
moins grande richesse donc de sa classe sociale, avec tous les préjugés
subjectifs auquel cela expose.
Cela peut participer au jugement de la potentialité d’un couple amoureux,
ou encore relativement participer aux représentations que nos amis ou
nos proches ont de nous.
98
L’appartement c’est aussi la garantie d’un statut symbolique de
reconnaissance dans notre société assez fort. Lorsque l’on a un
appartement, nous avons aussi la capacité d’inviter autrui, d’organiser
des dîners de toutes sortes ou encore des fêtes, de voguer librement sur
internet, de se reposer sans l’inquiétude de déranger les autres ou d’être
déranger etc.
Parfois l’agencement architectural de l’appartement peut être modifié
par son occupant en fonction de ce que peut lui permettre le propriétaire
(destruction des murs, refonte de la cuisine etc.). Ceci intensifiera
d’ailleurs avec clarté le tempérament de son ou ses occupants.
L’appartement c’est aussi l’endroit où pouvoir effectuer des
comportements socialement inadmissibles et donc de se déshabiller
métaphoriquement de l’univers des morales socioculturelles qui nous
possèdent. C’est donc une véritable frontière conceptuelle, matérielle,
psychique, onirique, qui symbolisera l’accord d’une permission plus ou
moins grande selon les personnalités du libre et secret dévoilement de soi
au sein d’un territoire impénétrable.
Le logement, c’est aussi toute la mise en place d’un ensemble d’appareils
ou d’objets relativement fonctionnels. Tous seront producteurs de
virtualités diverses au quotidien (c’est à dire producteurs de supersubjectivités). Ces appareils ont pour fonction de permettre les
agencements oniriques et virtuels souhaités à ses possesseurs. Nous
pourrons citer ici quelques exemples évidents :
- La chaîne Hi-fi : peut être dotée d’une capacité de captation
radiophonique, de lecture de divers formats audio (cassettes, cd, mp3,...).
- La télévision : Elle offre un ensemble de chaînes télévisuelles de plus
en plus nombreuses au fil du temps.
- La console de jeux vidéo : Qui permet de se plonger dans des
simulations ou des univers fantasmés...
- La bibliothèque : Habitée de livres et de bandes-dessinées de tous
genres, qui peuvent nous permettre une évasion liée à la lecture, à
99
la méditation et à la contemplation. L’existence de cet univers est
également virtuel car les livres existent grâce aux nouvelles technologies
d’impression qui permettent une production hyper-quantitative en un laps
de temps très court.
- L’ordinateur et l’internet : Qui nous offrent un ensemble de
possibilités quasi infinies dans tous les domaines de l’immatériel et
qui permettent de spécialiser de façon extrêmement détaillée notre
subjectivité dans ceux-ci. Ces deux outils nous permettront également
en préservant notre intimité de rester connecté aux autres par une mise
en réseau optimale (Facebook, Twitter, E-mail, Skype etc.). Cet outil
peut même nous permettre de commander un ensemble de produits et de
services capitalistes à domicile.
Je ne cite ici qu’une petite partie de ce qu’un appartement peut permettre
à son possesseur grâce au libre agencement qu’il lui procure.
Ainsi, le logement n’est plus uniquement un simple lieu d’intimité
aux décorations personnelles, il devient également un véhicule virtuel
d’hyper-personnalisation de la subjectivité pour son occupant, un
temple de la consommation capitaliste et de la culture mondiale.
L’appartement devient une bulle, un cosmos subjectif où il devient
possible de construire un ensemble d’univers fantasmé pour soi seul,
tout en restant quotidiennement connecté à l’ensemble de ses proches.
Le logement n’est plus vraiment une simple prothèse qui nous protège
des intempéries, des températures etc. Il devient une sorte de machine
subjective dotée de capacités polyvalentes extrêmement développées.
2. Transports
Comme il l’a été dit en introduction de cette partie, les multiples
contraintes architecturales sont nécessaires et influencent la dimension
esthétique et rêvée d’un appareil de transport. Il a aussi été dit que
l’héritage des connaissances humaines permet aux grands groupes
commerciaux d’avoir plus de liberté dans la dimension rêvée et la
dimension esthétique de la transformation de la matière. Il reste
maintenant à affirmer un ensemble de vérités et de valeurs sur la fonction
100
des transports qui sont bels et bien rêvées mais non dites.
Dans les villes, les transports peuvent évoquer plusieurs choses : Une
culture, des valeurs, des statuts sociaux, un esprit collectif en faveur de
la « circulation », un sentiment lié à l’asphyxie dans les milieux urbains
(paradoxes du besoin de proximité).
Les transports en communs auront une image symbolique bien plus
différente pour ses usagers que pour ceux des transports privés et
individuels. Ces différentiations induiront des comportements et des
rapports au déplacement qui fluctueront selon leurs types etc.
Les transports citadins sous toutes leur formes n’auront pas la même
charge onirique, ni les mêmes signifiances, ni les mêmes valeurs que
celles des transports de campagne ou encore que celles des déplacements
à longue distance. Par exemple, l’avion qui a pour destination un pays
lointain induira de manière implicite le statut des « grands » voyageurs
avec toutes les interprétations valorisantes de ce même statut. Un
voyage suscitera davantage d’intérêt et d’attention chez un interlocuteur,
quel qu’il soit, qu’une routine quotidienne liée à une activité salariale
quelconque. Ce genre de voyages n’est-il pas d’ailleurs habité de cette
même signification, avec d’autres bien sûr : celle d’attirer intensément
l’attention chez les autres et de se sentir plus important(e), moins
seul(e), et ce autant lors de la traversée et du voyage, qu’avant ou après
l’escapade ?
Nous pouvons tout autant qualifier notre époque comme virtuelle, que
comme une ère se reposant sur l’esprit de la circulation. De pays en
pays, de continents en continents, de villes en villes, la circulation reste
incessante, inaltérable, inlassable, effrénée...
En effet, le transport offre aux personnes un sentiment de liberté
tel par rapport aux déterminations auparavant éprouvantes, car si
gigantesques de l’espace, que rien ne peut véritablement stopper cette
soif du déplacement. De plus, l’économie, le travail et la mondialisation
n’arrangent là-dessus pas du tout les choses.
Il faut prendre conscience que l’espace était très peu de temps avant
101
cela, une entité hostile qui défiait les déplacements humains à travers
une longue aventure nomade. Elle est devenue dès à présent un
divertissement quasiment ludique, presque aucunement fatiguant où
l’on ne risque que très rarement sa vie, cela étant considéré comme un
événement surprenant (par exemple le crash d’un avion fait très souvent
la une d’un journal télévisé, comme pour s’étonner avec stupeur de
la part évidemment chaotique, accidentelle, de la vie et de tous ses
potentiels risques).
Prendre un avion ? Sans le savoir ou s’en étonner d’ailleurs, nous ne
sommes qu’approximativement 2% de la population mondiale à l’avoir
déjà pris ! N’y a-t-il pas là une sorte de délire évident de cette toute
petite part de l’humanité ? Le capitalisme ne l’alimente-t-il pas à travers
ses appareils de communications en rétroagissant sur cette psychose
occidentale ?
En tous les cas, une chose reste claire, le territoire local est en général, au
sein des villes, disloqué, et le monde de la circulation et de ses transports
compense un sentiment collectif d’asphyxie. Ce qui est si tragique c’est
que l’aménagement des routes au service des transports participe à
cette même asphyxie en réduisant l’espace public local de repos et de
relaxation en l’annulant même presque totalement, le bruit des moteurs
jouant également un rôle fort sur ce triste résultat.
Percevoir sans cesse la circulation en ville, c’est aussi percevoir une
agitation journalière mariée au monde de l’activité socioprofessionnelle,
mais c’est aussi sentir que l’on a un devoir de circulation même s’il
devient absurde. C’est donc aussi mettre le citadin dans une ambiance
frénétique liée au sentiment impératif de l’activité professionnelle ou du
mouvement. C’est comme si la circulation des transports citadins nous
disaient sans cesse « nous allons travailler, et toi ? » ou encore « il faut
se bouger là, il y a le feu au lac ! ». La circulation ne nous dira jamais
« je me pose dans la rue sans rien faire pour contempler les choses de
façon sereine », elle nous dira « je vais acheter », « je pars faire des
courses fatigantes », « j’ai un truc important à faire » etc.
Nous citerons quelques fonctions claires dans le monde des transports :
la nécessité d’aller à son lieu de travail ; le besoin de se déplacer
102
d’un point à un autre pour des raisons plus ou moins intimes, plus ou
moins intéressées ; pratiquer une profession liée à la circulation et au
transport de diverses choses, tel que les coursiers, les camionneurs etc. ;
pratiquer la fonction de conducteur dans certaines activités ou missions,
comme le samu, les pompiers, la police, l’armée, mais aussi les taxis, les
chauffeurs attitrés etc.
Être possesseur d’un véhicule personnel (moto, scooter, mobylette,
voiture...), c’est aussi être possesseur d’un statut social et un statut
professionnel particuliers. La marque et la qualité du véhicule ainsi que
son ancienneté, cela connotera des significations différentes, plus ou
moins bien vues selon les communautés citadines.
Certaines marques et certains modèles seront habités d’une histoire aux
multiples signifiances très valorisantes, contrairement à d’autres.
En général tout de même, posséder un véhicule quel qu’il soit cela
représente, si ce n’est pour les écologistes radicaux, une valeur sociale
et symbolique très gratifiante qui confirme une certaine assise au sein de
notre système économique.
Les auto-tamponneuses sont des manèges qui sont pour tous les âges,
elles ont toujours eu un succès retentissant, ce qui montre bien le côté
ludique et amusant de la conduite d’un véhicule. Malgré sa dangerosité,
c’est une forme de toute puissance qui nous est permise par un véhicule,
on le commande à notre guise, presque sans effort physique en général,
il nous écoute en plus généralement sans broncher. C’est comme s’il
s’exprimait à travers les transports chez l’être humain, une sorte de
vengeance, revanche envers la dureté de l’existence matérielle et des
efforts corporels et envers ses espaces sauvages triomphants auparavant
de l’humanité.
Cette grande libération de l’homme, envers l’aliénation et l’oppression
naturelle de l’espace devait donc être une chose profondément
fantasmée dans son histoire. Le mythe de la tour de Babel, témoigne
d’ailleurs assez brillamment de ce besoin pulsionnel chez l’homme
« d’aller voir ailleurs, de découvrir d’autres lieux » mais aussi de renier
capricieusement les altérités physiques étrangères pour affirmer sa propre
toute-puissance jouissive. Cette toute-puissance s’exprimait auparavant
103
plutôt dans le monde explosif des rêves suite au refoulement de nos
désirs incontrôlables.
Nous pouvons malheureusement dès à présent affirmer que ce besoin
frénétique de déplacement se retourne contre nous-mêmes à travers les
limites écologiques et énergétiques de notre planète.
Les transports sont maintenant devenus la manifestation délirante et
caricaturée du déni de réalité qui reste quotidiennement éludée par les
forces capitalistes dominantes et par ses éléments, addictes mais aussi
apeurés par la surveillance de son ordre policier. Les fautes du Grand
Capital, en général, nous les connaissons tous, mais la raison de ce
refoulement constant des contraintes du réel , nous ne la comprenons pas,
ne serait-elle pas liée au monde pulsionnel, irrationnel du caprice, de la
peur et de son opulence infiniment maladive ?
Nous ne portons, pas le même degré de responsabilité au sein de cette
économie, mais nous sommes bien tous habités de ce besoin de rêver, ce
besoin qui chez nos ancêtres se produisait dans le monde du sommeil et
des rêves ou dans celui des délires et des transes.
A/ Cryptographie des transports en commun : Métro, Bus, Tramway
Les transports en commun, un monde de collectivité citoyenne qui
appartient souvent au service publique donc au partage. Ce type
de transports s’accompagne souvent d’une culture et d’une éthique
quotidienne, d’un esprit de discipline plus ou moins respecté selon
les humeurs de chacun, de politesses anonymes au silence partagé...
S’accompagne aussi au sein de ces lieux communs une aliénation
quotidienne qui s’oblige dans le partage étroit d’un véhicule, d’une
extrême proximité, souvent devenue la corvée d’un besoin de
déplacements, pour nos contraintes ou nos divertissements (manque de
places assises lors des heures de pointe et corps serrés les uns contre les
autres parfois).
Les transports en commun sont souvent des lieux très mixtes où des
communautés hétérogènes se côtoient dans un silence relativement
gêné. C’est d’ailleurs bien à travers ce silence constamment anonyme
que l’on peut percevoir chez chacun la peur de ne pas réussir à
104
assumer un échange face à l’altérité à laquelle tous se confrontent.
Le silence des transports en communs, tous modes confondus, induit
donc inévitablement cette connotation : celle de la peur collective
de l’étrangeté et celle de la peur de l’altérité. C’est donc également
l’intimité secrète et cachée, la peur de soi et l’incapacité à pouvoir
affirmer publiquement son identité subjective. L’évidence d’être
forcément accepté de tous en face d’une si forte diversité subjective,
n’existe en fait pas du tout, si ce n’est dans le non-dit, fatale expression
d’un inavouable éloignement difficilement rattrapable. Précisons que le
contexte englobe les individus et favorise certains comportements. Il va
sans dire qu’une ville absorbée par une structure disloquée, à travers un
salariat déterritorialisé, par la circulation à tout prix, risque forcément
d’engendrer un handicap relationnel. Reste à savoir quelles seront les
conséquences de ce processus lorsque nous chercherons à intervenir
sur lui, c’est-à-dire quelles pourront en être les séquelles. Elles risquent
malheureusement d’être graves, à moins que nous puissions développer
par la culture artistique une pédagogie de la métamorphose écologique
et sociale implacablement nécessaire. Enfin, ce mensonge est paradoxal :
partager un lieu collectivement sans vraiment pouvoir partager, échanger
ou avoir une quelconque relation fraternelle.
C’est un véritable chaos subjectif et très hétérogène auquel tous se
confrontent dans le métro, ou encore dans le tramway et le bus. Seuls
les rapports de politesse, de silence et de stress s’échangent la plupart
du temps. Le but principal reste pour chacun : le déplacement d’un
point a à un point b, c’est un moment qui reste lié au déplacement
mais qui implique aussi un certain laps de temps partagé au sein d’une
communauté anonyme, où n’y règne le plus souvent qu’un silence dans
l’attente de l’arrivée. Ce silence est bien un symbole d’éloignement
inavouable de soi aux autres, il s’exprime par la lecture d’un livre, la
consultation d’un téléphone portable, la lecture d’un journal, dans les
regards évasifs etc. Lorsque les citoyens sont dans le métro, ils n’y sont
pas vraiment, sorte de schizophrénie inconsciente de la présence qui ne
fait qu’attendre impatiemment la sortie.
Les transports en commun c’est aussi la sécurité et la peur, c’est aussi
le plan Vigipirate, ou encore des déclarations publiques au mégaphone
105
anonyme des murs qui avertissent des pique-pockets, c’est la menace
imprévisible d’un contrôle pour les pauvres qui ne peuvent se déplacer
autrement que par la fraude.
C’est donc un rapport à la coercition paternaliste de l’ordre de la RATP et
de la justice étatique.
Dans le métro parisien, c’est aussi faire face constamment à la mendicité
des SDF, c’est se confronter aux enseignes commerciales et publicitaires
de façon presque asphyxiante, c’est rencontrer parfois la perversion ou la
folie...
Le métro, le bus et le tramway, ce sont aussi des véhicules plus ou
moins qualitatifs selon les lignes utilisées qui ont une plus ou moins
grande cohérence avec le monde touristique, ils impliquent donc aussi la
représentation d’une vitrine commerciale pour impressionner le touriste.
En effet, à Paris, les plus beaux métros traversent généralement les
quartiers les plus reconnus par le monde du tourisme et par le monde en
général. Nous citerons la ligne 2 pour le sacré cœur, la ligne 1 pour Hôtel
de ville, Châtelet, le Louvre etc.
Le métro se reconnaît aussi à sa fréquentation hebdomadaire : les
heures très matinales (5h/6h) sont celles, à part le week-end, où l’on
croise souvent une majorité de travailleurs immigrés, plus pauvres
et plus exposés à l’insécurité du fait de leur faible pouvoir d’achat,
contrairement aux heures plus journalières (9h/17h), qui elles sont
plutôt celles où l’on rencontre des assistés, des salariés du tertiaire, des
étudiants, des écoliers etc. C’est donc aussi un tableau citadin de l’état de
l’économie quotidienne d’une ville.
B/ Trains
Le train est une représentation symbolique du progrès techno-scientifique
occidental et de l’histoire des transports de longue distance. Lors de sa
première grande apparition au sein de cette société (XIX ème siècle),
c’est bel et bien une révolution culturelle et économique qui a pu
s’effectuer à travers ce mode de transport .
Il fut générateur de travaux ouvriers incalculables pour la construction
106
des réseaux de voies ferrées et donc aussi générateur de rémunération
pour les prolétaires.
Suite à l’apparition des chemins de fer et de ses trains à fonctions
multiples (transports de marchandises, de soldats et d’armes, de
migrants, de commerçants et de business man, de la haute bourgeoisie...),
la conception subjective de la population occidentale sur l’espace
ne fut plus du tout la même. Presque du jour au lendemain, l’espace
entre les pays se rétrécissait et même de plus en plus au fil des progrès
technologiques de ce moyen de transport.
Le commerce, grâce aux trains de marchandises se métamorphosa luimême fortement. En effet, pour la première fois il était possible de mettre
en place des commerces internationaux de façon rapide et optimale
(contrairement aux commerces mondiaux du XVII ème siècle qui furent
handicapés par la primitivité des transports de l’époque). L’espace devint
de moins en moins handicapant, il devint même un moyen de s’enrichir
plus fortement, c’est à dire qu’il devint un véritable allié de l’homme.
Ainsi, les lignes ferroviaires représentent symboliquement avec l’énergie
fossile qui l’accompagne, une ère de domination et de supériorité de
l’homme sur l’espace.
La croissance des pouvoirs économiques et financiers dotés de forts
capitaux profitent, grâce à l’héritage de l’histoire humaine, de la
virtuosité et de la potentialité de cet engin.
S’ajoute suite à l’apparition du train, à part l’intérêt qu’il suscite chez
toutes les couches sociales (bourgeoises et populaires), une culture,
une inspiration artistique diversifiée, des mutations économiques qui
interagissent avec la population etc.
Mais il est également apparu à travers cette nouvelle machine toutes
les erreurs historiques de l’humanité, de ses pouvoirs et de ses guerres
qui l’instrumentalisèrent par : la compartimentation des trains en trois
classes sociales distinctes (accompagnées d’esthétismes plus ou moins
confortables, d’architectures et de décorations intérieures plus ou moins
léchées...), au traitement discriminatoire de la clientèle selon des critères
107
plus ou moins fascistes et sectaires, à l’utilisation du véhicule pour le
transport des soldats et des armes, le commerce etc.
L’avènement du train a bel et bien été une révolution en même temps
qu’il a été un support d’expression caricatural de l’état historique de
la société occidentale. En effet, c’est un vrai délire onirique qui s’est
déployé à travers le train lors de son émergence en société, c’est donc
aussi une peinture, un tableau qui traduisait la société occidentale et ses
réactions comportementales face aux grands progrès techniques. C’est
également une caricature tragi-comique, infâme et déconcertante pour les
assoiffés de progrès véritable d’un point de vue économique et social.
Nous pouvons remarquer qu’au fil des années, cette révolution technique
et cette explosion onirique délirante, provoquée chez tous les acteurs et
toutes les couches de la société occidentale, s’atténuera peu à peu à cause
de l’habitude de la population d’utliser ce type de transport.
Le train devint peu à peu un élément évident de la société occidentale,
c’est-à-dire un élément presque comme tous les autres. Les masses ne
portèrent alors plus vraiment d’attention ou plutôt d’intérêt exclusif à son
existence.
Nous dénoterons alors suite à cette analyse une loi du délire et de
l’onirisme éveillé en général : Lors d’une cassure conceptuelle criante
sur les traditions et les cultures (exemple : le train), une réaction
explosive, subjective, onirique et délirante se manifeste chez les masses
à travers celle-ci puis s’atténue ensuite peu à peu par leur habitude
à la côtoyer quotidiennement. Ce qui s’opère lors de cette explosion
conceptuelle et délirante, c’est une sorte de réaction comportementale
brutale au caractère conquérant qui souhaite intégrer, englober l’objet
nouveau source de cassure au sein de son propre territoire subjectif et
culturel traditionnel.
Connaître un déterminisme, c’est pouvoir s’en libérer et c’est ne plus
se laisser duper par certains de ses mécanismes manipulateurs. La
nouveauté et l’exclusivité par exemple, sont des outils commerciaux du
capitalisme pour nous inciter à le louer, à l’adorer, à l’idolâtrer, mais
108
c’est aussi un outil pour enrichir la bourgeoisie et les détenteurs des
grands groupes industriels.
Le progrès technique et le savoir-faire de la fabrication des trains ont
de plus, au fil du temps progressé de façon plus qu’impressionnante,
leur esthétique est plus moderne, plus subtile, plus « tonique », leur
confort est à tout point plus agréable et la réalisation de ce confort est
presque automatique. Nous n’avons pas cité la vitesse de l’appareil
qui s’est accrue de façon spectaculaire. Il n’y a à notre époque pour les
producteurs de ces véhicules, plus qu’à appliquer les lois des sciences
physiques, les lois esthétiques et architecturales des designers, les lois
des créatifs et des graphistes, le savoir faire des ouvriers dans les diverses
étapes de l’assemblage etc.
Le train à notre époque s’aborde à des prix qui fluctuent plus en fonction
de la vitesse pour arriver à destination et du confort qui accompagne le
voyage, qu’au niveau de la compartimentation des classes sociales. La
bourgeoisie, elle, se déplace maintenant plutôt dans l’anonymat avec un
chauffeur attitré, un avion privé, ou encore un hélicoptère, en compagnie
de gardes du corps qui lui garantissent une grande sécurité. Le train lui,
est maintenant représentatif des classes pauvres, des classes moyennes,
ou encore des cadres.
Le train est à présent également devenu accessoire et ordinaire. Les
voyageurs arrivent même à légitimer subjectivement leur statut de
consommateur comme étant royal lors de leur voyage en pouvant se
plaindre capricieusement d’un retard d’une heure à cause d’une erreur
technique ou une défectuosité de l’appareil.
L’hyper mobilité que peut offrir cet appareil engendre aussi, pendant
son déplacement d’une rapidité monstrueuse (450 km/h pour un TGV
avec un bruit quasi absent à l’intérieur du véhicule), des plaintes irritées,
l’impatience aigrie des usagers, et ce malgré la ponctualité générale et
les capacités invraisemblables de l’appareil. En effet, un client peut aller
se plaindre au près du contrôleur de transport (représentant de l’ordre
dans le train) sur une quelconque défectuosité du service fourni, il peut
l’engueuler, mais aussi lui revendiquer certains droits qui n’ont pas été
109
tenus par le service proposé (nourriture avariée, retards, climatisation
trop forte, grèves imprévues, pannes du train,...).
Le train représente aussi aujourd’hui lors du voyage, une maison, le
client ne doit pas se sentir dépaysé. Des repas lui sont accessibles, une
voix plus ou moins doucereuse l’informe de l’actualité du voyage,
les sièges sont agréablement décorés bien que synthétiques, tout reste
fonctionnel, comme le dos des sièges habillés de tablettes pour le
passager qui lui fait face, comme une petite poubelle pour les déchets
consommés, comme un socle pour y déposer son verre ou sa canette de
soda, comme une pochette accessible disponible au bas du siège pour y
ranger ses livres et ses revues...
Ce que dit le train à ses clients, c’est que même le nomadisme et le
déplacement longue distance peut rester sédentaire et se doit de respecter
le confort du sédentaire, même l’espace international et ses migrations
sont sédentaires. L’immobilité sédentaire peut aussi être en mouvement,
tout lui appartient.
Ainsi, le train connote un service presque hôtelier, où le défi d’antan d’un
espace à traverser dans l’aventure est rejeté avec mépris et dénié, comme
une sorte de snobisme ou encore de caprice enfantin, caprice presque
divin.
Le train est devenu, suite à la vengeance qu’il accordait à l’homme sur
l’espace terrien et ses distances inexplorables, un élément de plainte, de
dénie et de mépris.
Vient alors suite à ça des prix proposés parfois trop chers, des cheminots
qui font grève pour des raisons diverses, généralement économiques et
sociales, mais aussi parfois politiques, et qui se font insulter par certaines
franges de la clientèle.
Vient alors aussi une frénésie chronométrée du déplacement de chacun
pour diverses raisons plus ou moins justifiées (travail déterritorialisé,
rendez-vous d’embauche, événement...) où l’on ne supporte plus l’attente
et les légitimes imprévus qui ne peuvent pas respecter les horaires
convenus.
110
Mais le monde de l’offre commerciale pour le service de ce type de
transport rentre lui-même dans le même jeu : celui de la promesse de
performance, de vitesse et de confort, celui de la ponctualité qui insinue
elle-même l’obéissance et la droiture envers la loi du temps, celui de
l’obéissance à l’impatience du client, à la loi de l’autorité professionnelle
du commerce occidental, à la subtile loi de l’hygiène (avec l’alimentation
vendue sous plastique, des toilettes où l’eau presque potable ne peut être
bue, des consignes paternalistes quand à l’utilisation des toilettes)... C’est
bien une offre commerciale qui prétend le plus souvent à ce qui n’existe
pas vraiment dans le monde et son existence (des bugs et des pannes de
trains arrivent très fréquemment, prétendre à la ponctualité inévitable et
prévue par avance est bien un mensonge commercial sur la nature des
choses).
Ainsi le tyran devient le consommateur, le vendeur devient lui aussi
tyrannique, l’aliénation s’entre-partage, tandis que le désir et la
jouissance restent toujours tout de même frustrés, insatisfaits.
Finalement, cette révolution qui fit tant jouir les peuples et les masses,
devint ensuite un objet de confort aliénant. L’homme n’en a jamais
assez, même après le progrès incalculable de notre époque, il n’est point
heureux. Mais que lui manque-t-il donc en fin de compte ? Est-ce sa vie ?
C/ Bateaux touristiques
Les bateaux touristiques qui naviguent le long des fleuves et des rivières
citadines, sont des bateaux qui peuvent servir à visiter une frange de la
ville, mais aussi qui peuvent servir de restaurant en flattant les ego.
Là, le risque originaire de la navigation n’y règne aucunement, ce qui est
surtout mis en avant, c’est le confort et le couronnement de la conquête
touristique, sorte de manège, de musée de la ville et d’exposition du
monde de la navigation. Là, le bateau n’est que le socle d’un partage
touristique familial ou lié au couple amoureux.
Le soir le bateau est illuminé, on peut parfois y danser, des personnes
peuvent être employés pour présenter aux clients l’histoire de certains
quartiers etc.
Le nomadisme devient tourisme et consumérisme, il devient sécuritaire,
sédentaire et accueillant, mais il devient aussi une source de revenus pour
111
les commerces divers de la ville (restaurants, objets de consommation
touristique, musées, hôtels etc.).
Le voyage est maintenant un secteur lié à la marchandise et au
capitalisme dans la plupart des cas.
Le bateau ne symbolise que le règne d’un romantisme plutôt surfait,
kitsch et petit bourgeois, à la limite de l’esprit colonial naïf.
Les réalités sociologiques contemporaines de la ville n’y paraissent
pas, n’y paraît en fin de compte qu’une sorte de parc d’attraction, qu’un
temple de consommation et de confort snob. L’univers culturel de la
ville visitée se troque en un rêve touristique onirique naïf, qui tellement
décontextualisé de sa réalité traditionnelle devient presque factice et
fantôme, inhabité et virtuel.
Très souvent c’est le sourire qui règne dans ce genre de lieu, proche des
sourires télévisuels et artificiels.
D/ Avions
La domination du ciel, de la peur de l’altitude, de l’espace et de la
distance. L’avion c’est un véhicule capable de transporter un très grand
nombre de marchandises, de personnes etc. Pour les USA, c’est même
l’outil le plus commun des commerciaux et des businessman de tous
genres qui voguent sur cette gigantesque superficie, d’états en états.
Ce véhicule est bien le premier qui permet de traverser les océans et
les mers à une vitesse grand V afin d’atteindre des terres jusqu’alors
inaccessibles à la plupart (publiquement depuis les années 1950, ce
qui est très jeune !). Mais ce qu’il y a de plus étonnant encore, c’est
que ce véhicule qui d’apparence est démocratisé, ne représente en fait
le déplacement que de 5% de la population mondiale (et même moins
car les 5 % représentent ceux qui ont déjà pris l’avion une fois dans la
population mondiale) ! C’est là d’ailleurs une des plus grandes illusions
que j’ai pu connaître dans ma vie. On entendra partout en occident :
« j’ai voyagé en avion » alors que pourtant c’est bien juste 5 % qui l’ont
déjà utilisé...
Comme il l’a été montré dans le chapitre des trains, l’avion est lui-même
un outil nomade qui sédentarise le nomadisme par l’ensemble de services
112
qu’il propose en son sein : Repas, boissons, boissons alcoolisées,
boissons chaudes, choix de films, de chaînes radiophoniques de tous
genres, des toilettes etc.
C’est aussi le rêve de voir ce qui n’est jusqu’alors jamais vu par la
plupart, la terre vue du ciel. Le décollage et l’atterrissage sont des
moments de crainte où le risque d’accident est plus fort, où l’on applaudit
également le conducteur en tant que passager, sorte de manège proche
d’une doucereuse roulette russe où l’on lègue sa vie et sa confiance à
un expert de l’aviation et à une compagnie généralement chargée de
connotations paternalistes dans le domaine qu’elle maîtrise.
La peur et le risque du voyage est présentée agréablement par une
hôtesse ou un hôte de l’air assez sexy qui montre au voyageur toutes
les mesures de sécurité à suivre en cas de défectuosité de l’appareil.
L’assurance et la douceur avec laquelle est présenté le mode d’emploi
des mesures à prendre en cas de risques, connote la grande rareté des
accidents et l’efficacité professionnelle de la compagnie de voyage.
La beauté des hôtesses et des hôtes de l’air connote également une
image symbolique séductrice et harmonieuse de l’entreprise qui invite le
passager à bord de l’engin.
Régulièrement lors de turbulences par exemple, des commentaires plutôt
agréables préviennent les passagers que le véhicule risque d’être secoué
afin qu’aucune inquiétude ne règne chez eux, car ce sont eux la source de
revenus pour la compagnie.
L’avion, c’est aussi pour les touristes une sorte de transition consumériste
entre deux mondes radicalement différents car représentant en général
deux états et deux cultures différentes (par exemple la France et le
Mexique). Transition plus ou moins agréable mais qui n’a en tous cas
rien à voir avec les voyages d’une époque sans avion, qui n’est en fin de
compte pas si éloignée que ça.
Un voyage d’une très grande distance ne pouvait s’envisager auparavant
qu’en l’espace de 6 mois aller-retour minimum, alors qu’à présent elle
peut être envisagée dans une moyenne de 1 à 2 semaines aller et retour !
113
L’avion c’est aussi très souvent, la condition inévitable du déplacement
d’un pays très éloigné à un autre, car le temps disponible aux voyages
pour les individus s’est lui-même extrêmement rétréci avec celui de
l’espace. L’économie s’étant adaptée à la mutation de l’espace, elle a
également rétréci la disponibilité au voyage. Ce véhicule est donc bien
un médiateur entre deux terres très éloignées.
L’avion c’est aussi le symbole du commerce mondial, car c’est l’outil
qui permet de transporter des marchandises périssables, jusque là
intransportables à cause de la longue durée des anciens trajets passés.
L’avion démocratisé et généralisé, c’est aussi une hallucination, car
c’est une extrême pollution ingérable pour notre climat, ainsi qu’une
consommation énergétique quasiment barbare, à l’heure de la fin des
réserves d’énergies fossiles.
Finalement, bien que les lois physiques qui permettent à un objet
de voler soit comprises par l’homme et applicables, celles-ci restent
hallucinatoires et oniriques car elles déséquilibrent l’environnement
naturel (notamment le climat à travers une consommation énergétique
barbare).
Nous ne citerons enfin pas tout ce que l’avion a inspiré chez les
réalisateurs cinématographiques et chez les créateurs de tout bord, leurs
œuvres étant représentantes de l’ensemble des rêves possibles à travers
cet engin.
Tout comme le train, cet engin esquissera aussi l’état multidimensionnel
de notre société (avions de guerre, de tourisme, de marchandises, charters
pour les pauvres etc.).
E/ Caravanes
Les caravanes sont très souvent symbole des peuples nomades
relativement occidentalisés et sédentarisés, notamment celui des gitans.
Ce véhicule représente pour ce genre de peuple sa seule habitation, son
seul refuge, habitations nomades qui leur permettent de se déplacer de
terre en terre.
La caravane est un véhicule chimère habité de deux facettes, celui de la
114
maison sédentaire et celui de la camionnette ou encore de la charrette
tirée par une voiture ou une camionnette.
Les caravanes les plus anciennes sont tirées par une voiture ou une
camionnette, les caravanes les plus modernes sont elles, des véhicules à
part entière qui ressemblent aux camionnettes.
Les caravanes modernes sont très souvent utilisées par des voyageurs
occasionnels de classe moyenne ou petite bourgeoise lors des moments
vacanciers, contrairement aux anciennes caravanes qui sont elles
rarement déplacées par les peuples gitans et qui existent sans doute
depuis plusieurs générations. C’est d’ailleurs une charge familiale et
culturelle qui s’ajoute alors à l’ancienneté de leur véhicule.
La caravane qu’elle soit ancienne ou moderne, est une chimère très
proche des toiles surréalistes, tout autant pour un nomade que pour
un sédentaire. Elle combine le transport, l’habitation plus ou moins
confortable, la cuisine, le rangement et le stockage.
Pour un gitan, c’est un objet de survie tandis que pour les classes
moyennes et la petite bourgeoisie c’est un objet de relaxation et de
divertissement ludique accessoire.
Chez les gitans nomades et miséreux cet objet est presque devenu
traditionnel alors que pour les vrais sédentaires il n’est utilisé que très
rarement et représente une exception conviviale.
La charge symbolique et onirique dans ces deux cas, n’est pas du tout
la même et n’a pas du tout la même importance. D’un côté elle est
traditionnelle, culturelle et même chargée d’histoire, de l’autre, elle est
avant tout liée au confort, à l’agréable et au divertissement ludique.
Entre une caravane moderne et une caravane ancienne, l’esthétique
est très significative de l’époque où elle a été conçue. L’ancienne aura
des traits esthétiques plus « bruts » tandis que le design de l’engin
contemporain sera plus futuriste, léché et séducteur, en connotant la
précision et la virtuosité du nouveau.
D’ailleurs, le but des nouveautés capitalistes, c’est de rendre ses produits
révolutionnaires à travers ses nouvelles fonctions et son design neuf, ceci
impliquant forcément une esthétique moderne révolutionnaire ni trop
choquante pour notre temps et ni trop fidèle aux tendances de celui-ci.
115
C’est ensuite selon les marques des véhicules et leurs modèles que
l’esthétisme différera pour répondre à plusieurs attentes et plusieurs
budgets de consommateurs. Ainsi, les esthétismes pourront avoir des
connotations plus ou moins intimistes, plus ou moins familières, plus
ou moins aventurières, plus ou moins futuristes et arrogantes, plus ou
moins luxueuses, avec peut être des vitres teintées. Les couleurs de la
carrosserie joueront également leur rôle sur ce que pourra connoter le
véhicule.
C’est pourtant bien ce genre de question qui ne se pose presque pas du
tout dans le monde gitan, peuple plutôt occupé par d’autres questions
quotidiennes, notamment celles de sa survie dans les jungles urbaines
occidentales ou dans les sauvages brousses citadines des pays de l’est.
Nombre de chansons et de films (par exemple les Oiseaux de passage
de Georges Brassens ou encore Emir Kusturica et Goran Bregovic)
rendront hommage à ce peuple, à ce véhicule et à ses traditions
nomades. La caravane est d’ailleurs un terme très souvent utilisé dans
les milieux de la poésie et de la chanson bohémienne (aujourd’hui, dans
les chansons et poèmes de La Rue Kétanou par exemple). La caravane
est alors pour le poète inspiré, le fétiche des voyages définitifs et des
traversées romantiques qui voguent de monde en monde en refusant le
conservatisme et en prêchant le métissage, le partage, l’accueil, l’ivresse
et la fête, mais aussi le nomadisme politique, c’est à dire la fuite en avant
vers l’espoir d’une révolution constante et conviviale.
Nous verrons ainsi la caravane comme un véhicule chimère qui peut
être chargé de plusieurs images et métaphores qui différeront selon les
communautés et les cultures qu’elles habitent.
F/ Camions, camionnettes
Les camions et les camionnettes représentent avant tout un monde
professionnel. Celui du transport des marchandises ou du matériel
ouvrier encombrant dans les deux cas ce sont la plupart du temps des
véhicules de coulisse, car ils ne servent qu’à transporter ce qui sera mis
dans les commerces et ses alléchantes vitrines ou dans d’autres domaines
comme les concerts ou l’industrie cinématographique en vitrine
116
également.
Malgré leur taille et leur impressionnante masse, ce sont donc des
véhicules discrets, habités d’une esthétique repoussante, inquiétante
sur les autoroutes pour les autres véhicules (surtout les camions). Leur
lenteur participe également au désintérêt que ce genre de véhicules
suscite chez les personnes. Leur rôle dans les films s’illustre d’ailleurs
en général assez fidèlement, bien que caricaturalement, à celui qu’ils
tiennent en société (dans les films d’actions par exemple, ils ne
sont qu’accessoires et ne peuvent que symboliser le transport ou un
angoissant potentiel destructeur, exemple : Duel de Steven Spielberg).
Le camion et la camionnette restent tout de même pour les personnes en
général des engins relativement ludiques à travers les jouets des enfants
et à travers le confort qu’ils procurent lors des grands déménagements.
Pour certaines communautés, punks, hippies ou néo-nomades, ils peuvent
remplacer le monde des caravanes et être aménagés pour la « route »
et les rêves de « teufeur ». Ce type de véhicule est alors dans ces
communautés un engin extrêmement valorisé et très aimé, symbolisant
même encore une fois de plus un grade d’engagement dans les valeurs
de ces communautés.
Il est alors dans ce cas, transfiguré par des décorations de toutes
sortes, ce qui le distingue des camions ou des camionnettes ordinaires.
Il se passera alors dans cet engin, tout un ensemble d’histoires et se
chargera encore plus de symboles et de souvenirs, donc de rêves et de
significations multiples.
G/ Voitures
La voiture était, lors de sa toute première parution dans le monde
occidental, plutôt destinée à la classe bourgeoise. Les autres citadins se
déplaçaient sinon à pied, en compagnie d’un animal transporteur. Ce
véhicule était une marque de grande richesse et donc de supériorité de
classe.
C’est lors de sa démocratisation qui se développa à un rythme proche
du crescendo, jusqu’à même atteindre les pays les plus miséreux que ce
117
véhicule se mit à illustrer d’une façon quasi paranormale notre société
économique avec tous ses défauts, toutes ses caricatures et toutes ses
nuances.
Aujourd’hui, l’industrie automobile est elle-même une référence
pour l’économiste moderne, qui ira jusqu’à définir certains modes de
production par le nom des marques de certaines voitures, industries
inventrices de cette organisation productrice (fordisme, toyotisme).
L’automobile est le symbole le plus parfait du monde moderne des
transports et de la circulation. Les écoles qui permettent d’obtenir
le permis de conduire, sont des véritables mines d’or. Le permis de
conduire est d’ailleurs devenu un passage traditionnel qui illustre celui
du passage à l’âge adulte.
La voiture est le véhicule qui possède d’ailleurs la plus grande diversité
de modèles et qui sont constamment remis à jour à la cadence la plus
rapide que l’on puisse connaître.
Posséder sa première voiture et la conduire symbolise même pour
beaucoup un stade de l’âge adulte tout aussi important que l’arrivée à
l’adolescence de l’âge symbolique des 18 ans.
La voiture, depuis sa démocratisation provoque chez tous les âges et
toutes les époques, contrairement aux trains par exemple, une euphorie
quotidienne. La conduire de façon journalière c’est connaître deux
mondes distincts, celui qui est dans le véhicule et celui qui est en dehors
(conducteurs et piétons). Lors de la conduite, le comportement de
l’individu se transforme, mute, il parle alors un langage différent, très
souvent plus agressif, le code de la route remplace alors le monde des
bars, de la politique et des livres ou encore le monde des clubs, du travail
et des couples.
En ville, la voiture c’est aussi la difficulté pour se garer, ce sont les feux
rouges, les embrouilles avec les autres conducteurs, les heures de pointes
et les embouteillages harassants.
Dans un véhicule, il y a aussi le monde radiophonique ou encore le
monde de la musique qui représente un monde subjectif pour chaque
conducteur, il y a les voitures de fumeurs et de non-fumeurs, les voitures
118
qui transportent des bébés etc.
Un possesseur de véhicule est aussi exposé à devoir rendre des services
à ceux qui n’en possèdent pas, comme par exemple transporter quelque
chose de très encombrant ou raccompagner des amis après une soirée
tardive...
La voiture a aussi une vie à travers les points du permis de conduire et
les contrôles techniques obligatoires, mais aussi à travers ses assurances
etc.
La voiture peut aussi n’exister que pour elle-même, comme par exemple
la voiture de collection telle la Coccinelle ou la Lamborghini, la Ferrari
F40 ou la Porsche décapotable.
Dans certaines communautés, elles peuvent représenter comme pour
certaines motos un statut presque représentatif des podiums de la
possession de l’objet de collection. Elles peuvent aussi représenter un
stade d’évolution dans le pouvoir d’achat, comme par exemple dans le
monde des communautés mafieuses ou délinquantes.
L’euphorie engendrée par ce genre de véhicules c’est aussi pour les
constructeurs l’opportunité d’aller jusqu’à porter l’invention des voitures
les plus rapides qui ne peuvent exister qu’à travers un sport comme celui
des Formule 1 ou encore comme celui des voitures de Rallyes.
Posséder une voiture plus ou moins belle ou plus ou moins confortable
illustrera relativement son appartenance à certaines classes sociales.
La voiture ce sera aussi l’euphorie de l’ordre public et de ses
contraventions à outrance, avec le monde des accidents liés à l’ivresse ou
au non respect de la vitesse à ne pas dépasser.
Ce sera encore le monde des publicités surabondantes, informant
constamment des nouveaux modèles et ce sera donc un business
publicitaire de premier ordre.
Enfin, les voitures, ce sont les fantasmes culturels, à travers les films, les
jeux vidéos, les dessins animés, les jouets (aujourd’hui symbole principal
de jouet pour petits garçons)... Cela ira jusqu’à mettre sa thématique en
première ligne d’un scénario, en second plan ou en décors principal.
Ce véhicule a inspiré tous les domaines de création, de la science-fiction
119
au romantisme le plus kitsch.
La voiture a exploité presque tous les designs qui puissent lui être
accordés, donc toutes les connotations possibles que ces designs
permettent à ses consommateurs et à ses contemplateurs.
Le fantasme de l’acte sexuel dans la voiture est un des désirs les plus
partagés dans l’inconscient collectif de chacun de nous, c’est même peut
être une marque d’accomplissement chez les jeunes adultes.
À l’heure de la fin énergétique et de la crise écologique, nous pouvons
considérer la voiture comme l’avènement d’un véritable délire
psychotique généralisé qui restera plus qu’intéressant car traduisant avec
brio tous les mondes du capitalisme. Ainsi, la relation partagée de tous
ces mondes s’appliquera « sur la route » dans la vitesse, l’inattention
et les engueulades au sein d’une circulation constante et effrénée, tel le
processus chronométrique insatiable de la production quotidienne de
notre système. La moindre erreur de conduite sera très souvent pointée
du doigt d’un ton pressé et irrité, les croches pattes appelés « queues
de poissons » s’effectueront avec fantasme dans les films et de temps à
autres sans remords dans le réel, la tendance aux bastonnades également.
Nous ne citerons pas la convoitise et les vols des véhicules des plus
pauvres à l’encontre des plus riches.
Nous conclurons enfin ce point en surlignant le symbole rebelle de
la voiture brûlée lors des manifestations qui dégénèrent ou lors des
émeutes, aussi bien dans les banlieues que dans les mondes libertaires
et révolutionnaires, symbole inconscient du monde capitaliste que l’on
détruit par les flammes : Burn Babylon Burn !
H/ Motos, scooters, mobylettes, vélos
- Les motos : Les motos, ces véhicules à deux roues connotent beaucoup
de choses. Il y a une multitude de signifiances au sein de ce genre
d’engins qui est extrêmement condensée. Il y a aussi un ensemble de
symboles et de métaphores qui restent extrêmement significatifs.
La moto connote avant tout chez la plupart des gens (hommes ou
120
femmes) un symbole lié à la virilité. Sa forme reste d’ailleurs très proche
de l’imagerie phallique. Nous pouvons donner pour exemple l’évidente
expression virile de cet engin par les bandes de bikers telle que celle des
Hells Angels.
Le fait que la moto ne puisse permettre que deux passagers et que
dans les traditions culturelles occidentales ce soit souvent la femme
qui est imagée au dos de l’engin est indiscutablement un symbole
modernisé du chevaleresque. En effet, l’héroïque chevalier sur son noble
cheval porte derrière lui dans beaucoup de contes une princesse en la
protégeant des enfers et des dangers de la guerre. L’homme garantit
donc symboliquement à la femme en possédant ce genre de véhicule sa
capacité virile, guerrière et de pouvoir la protéger des « méchants et des
dangers du monde extérieur ».
Lorsque l’homme se trouve seul sur l’engin, il est alors par le biais de ce
véhicule un conquérant de l’espace et de la vitesse autour du risque des
accidents.
Le fait de rouler parfois, rien que pour le style sur une seule roue, cela
métaphorise la maîtrise de l’engin, l’équilibre, mais aussi la force car
l’engin est lourd. Cela métaphorise également l’érection et la séduction
violente, brutale, certaine et virile du mâle.
Autour d’une moto il existe également souvent selon les modèles
différentes connotations particularisées : Nous citerons les motos de
rallyes, les Harley Davidson, les motos sportives, les motos de luxe etc.
Chacune d’elles traduit des langages bien différents et une appartenance
à des communautés très différentes. Le rallye symbolisera l’équilibre
autour du chaos et de l’incertitude du terrain traversé, il connote des
valeurs sportives extrêmes proches des kamikazes, mais aussi des valeurs
liées à l’aventure dans des traversées de vitesse et d’endurance.
La Harley Davidson est un totem, une mascotte, pour les communautés
habitées par les valeurs du Rock’n’Roll. Posséder ce genre d’engin, c’est
aussi se confirmer tout en haut du podium des certitudes sur sa propre
appartenance culturelle, communautaire et donc identitaire. L’absence de
doute et l’assurance de son appartenance à une communauté a toujours
été un symbole combatif, héroïque et phallique très prisé etc.
121
Posséder une « vraie » moto, cela demande aussi, contrairement aux
mobylettes, un permis moto. C’est donc représenter une catégorie
sociale qui est autorisée à utiliser cette gamme de véhicules plus ou
moins occulte. C’est être en conséquence plus rare que l’ensemble des
personnes qui ne possèdent pas ce « titre ». Ainsi, avoir accès à ce genre
de véhicule symbolise, par le fait que peu de personnes l’utilisent, une
particularisation renforcée de l’identité sociale qui peut être source d’un
surplus d’attention de l’autre, d’un surplus de reconnaissance et donc
aussi de gratification.
Un conducteur de moto aimera donc sans vraiment l’affirmer, se
différencier, se faire remarquer, et aimera également représenter
l’ensemble des valeurs impliquées par la maîtrise et la possession de ce
genre de véhicule.
Déjà lorsque l’on est enfant, un vélo qui porte relativement la même
structure que la moto, est un symbole de risque lié à l’équilibre. Le fait
de l’habiller ensuite d’un moteur qui émet une certaine quantité de bruit
et qui manifeste une vitesse conséquente c’est aussi confirmer le goût
du risque à l’âge adulte, c’est un diplôme de maîtrise de cette même
pratique, c’est en quelque sorte une « ceinture noire de karaté ».
Avoir une moto et affirmer sa virilité, que l’on soit femme ou homme,
cela connote aussi une certaine maturité et une certaine expérience de
la vie plus ou moins dure. C’est se confirmer comme étant un adulte
mature, mais pas n’importe lequel, celui qui n’arpente pas véritablement
de psychorigidité et de névrose, celui qui est plutôt décomplexé et sur de
lui.
Affirmer ce genre de valeur ce n’est pas forcément les incarner, c’est
s’habiller de ses rêves et de ses fantasmes, « l’habit ne fait donc pas
forcément le moine, si ce n’est au travers de certains regards extérieurs
plus ou moins dupés ».
Une moto c’est aussi une souplesse qui se compare à celle des voitures
lors des embouteillages en se serpentant entre les véhicules bouchonnés.
C’est donc un symbole lié à la subtilité féline ou encore à la vivacité du
serpent.
122
Lors des intempéries ou des temps hivernaux c’est aussi l’acceptation
d’un surplus d’inconfort comparé au caractère sédentaire de la voiture. Il
y a donc à travers la moto un côté lié au goût de l’aventure et à celui du
challenge.
Pour ceux qui sont très étrangers à ce véhicule, c’est un symbole
subjectif très relatif. Il est alors habité de jugements de valeur
contradictoires selon les personnes. Ce véhicule peut être moqué, porté à
dérision ou encore impressionner son spectateur.
Être invité à monter dessus en compagnie de son conducteur, c’est aussi
une invitation au risque, au spectacle, à la peur, donc à un rapport lié à la
confiance et à la délégation de sa sécurité propre. C’est donc une sorte de
paris et une sorte d’abandon momentané de soi au sein de l’impuissance
lors de toute la durée du trajet. L’infantilisation et le paternalisme sont
donc inévitables lors de ce genre de « croisements ».
Le caractère relativement exclusif de ce genre d’engin offre à une
personne relativement étrangère à ce genre de monde un support créatif
pour ses critiques, ses analyses ou encore plus grossièrement pour ses
jugements de valeur, car se confronter à celui-ci c’est se confronter à une
forte altérité.
Posséder ce véhicule cela peut aussi être un outil de séducteur car il
apporte un statut particulier à son possesseur.
Du côté des producteurs et des distributeurs de ce genre d’engins, leur
appartenance aux communautés tribales qui achètent leur production
n’est pas du tout affirmée. Les grands groupes qui fabriquent ces
véhicules représentent une identité professionnelle à part entière et
confirmée par l’histoire de l’entreprise. Les marques de motos, leurs
entreprises et leurs salariés, ne font donc que très rarement partie des
tribus ou des individus qui en font usage, mais ils se documentent
par contre énormément sur leur valeur culturelle et les utilisent pour
l’inspiration du design des engins, pour le dialogue avec les acheteurs et
pour la créativité de leur image de marque à travers la publicité.
123
- Les scooters : Les scooters sont habités de connotations plus citadines
et plus adolescentes. C’est un objet d’un niveau qualité/prix très
abordable en général et de plus très fonctionnel. Il est habité d’un esprit
plus bohémien et plus proche des jeunes adultes. Beaucoup de jeunes des
couches populaires aiment ce genre de véhicules.
Une certaine convivialité habite ce véhicule au siège confortable, à la
vitesse en général moyenne (si ce n’est certains scooter haut de gamme
qui ont un moteur hyper performant et qui demandent un permis moto).
La sécurité s’y ressent davantage, les couples qui sont sur ce genre
de véhicules paraissent en général plus fréquentable ou encore moins
hostiles aux personnes qui leur sont étrangères.
Le bruit des moteurs de ce genre d’engin est plus supportable que celui
d’une grosse moto, ce qui participe à son aspect convivial. Mais c’est
aussi son apparence qui connote plus de confort et de sédentarisation, ce
qui le rend plus « pacifique », plus jeune, plus citadin et plus fonctionnel.
Il exprime davantage le déplacement en ville que le voyage à longue
distance, le risque s’amoindrit donc à travers lui.
Pour les jeunes adultes, c’est un outil de liberté spatiale agréable
pour partir faire la fête ou pour rejoindre les amis et la famille. C’est
un véhicule qui connote la discrétion et qui ne prétend à aucune
communauté sociale si ce n’est en général celle de l’esprit juvénile et
adolescent confirmé.
Certains modèles s’approchent un peu des véhicules « collectors » et
« classes » mais d’une façon plus humble, comme par exemple le scooter
Vespa. Ce genre de véhicule collectors fait d’ailleurs énormément penser
à la prétention du statut que peut apporter la possession d’une Coccinelle
et d’une Deux Chevaux (anciennes voitures des années 30/50).
Le scooter a donc un esprit fonctionnel, adolescent, cool, citadin, festif,
convivial, humble, discret etc.
- Les mobylettes : Les mobylettes sont en général plus rares à
notre époque et c’est pourquoi elles connotent l’exception et la
particularisation amusée de l’esprit de son possesseur. C’est un engin
qui ne nécessite en général presque aucune contrainte administrative et
donc c’est un engin en tous sens « léger ». Il connote donc la légèreté
du rapport de dépendance que l’on peut avoir envers les véhicules
124
individuels de transport.
C’est tout de même un engin qui aime se faire remarquer, mais qui ne
connote pas forcément un rapport de séduction homme femme, car c’est
un véhicule individuel qui ne peut porter qu’une personne. Ce genre de
véhicule, malgré sa particularisation affirmée par celui qui le choisit, est
en fin de compte discret dans le milieu des transports, humble, pratique
et « rigolo ». Mais c’est une discrétion habillée de ruse car suscitant chez
l’autre un intérêt sous-jacent assez prononcé.
En général, la personne qui souhaite conduire une mobylette a beaucoup
de choses à dire à la société, ou encore beaucoup de choses à dire sur la
vie, mais elle garde sa place de façon pacifique et discrète dans l’attente
des rencontres et de ses échanges.
- Les vélos : Les conducteurs de vélos sont en général des personnes
engagées, au service de la santé et de la bienveillance envers la nature
et les gens. Ce sont très souvent des écologistes ou des sportifs qui
souhaitent « entretenir » dans tous les sens du terme.
Se montrer à vélo, c’est en même temps faire une manifestation politique
écologiste contre le réchauffement climatique et la fin de l’énergie
fossile. Car lorsqu’une personne roule d’un point à un autre à vélo, il
s’expose aux regards.
Les belles femmes à bicyclette connotent l’intelligence et la beauté, mais
aussi la beauté de l’intelligence et l’intelligence de la beauté. Il en est de
même pour les hommes.
Le vélos, si ce n’est les vélos très sportifs, connotent aussi bien la
sexualité, la séduction, que l’esprit féminin ou encore l’esprit androgyne.
Le vélo, c’est aussi l’équilibre facile et la fragilité autour de la
monstruosité des autres véhicules citadins. C’est la flexibilité, la
souplesse, la rapidité naturelle et la capacité de pouvoir en sortir très
facilement car c’est un objet qui demande l’effort et non le confort.
L’ambivalence entre le confort et l’effort de cet engin le rend peu
fréquentable par les assoiffés du confort.
L’esthétisme diversifié des vélos connotent plus ou moins l’esprit
sportif ou l’esprit citadin et bohémien. Ce sont souvent les vélos toutterrains qui sont plus habités par le sport et la virilité que les vélos sans
« vitesses » connotant plutôt l’amour, le romantisme du naturel et la paix.
125
I/ Skates, rollers, trottinettes
S’il n’existe pas de rêves à travers les rêves des produits du capitalisme,
alors pourquoi les skates, les rollers et les trottinettes, véhicules très
souvent utilisées ne connotent-ils pas, tout comme le vélo, l’écologie et
la préservation de l’environnement ? N’en est-il pourtant pas de même ?
Pourquoi les femmes utilisent-elles principalement le vélo pour connoter
l’écologie plutôt que les rollers par exemple ?
En effet, à travers le véhicule choisi, il n’y a pas uniquement la
fonctionnalité de l’appareil qui joue, mais aussi tout ce qu’il connote
socialement chez soi et chez les autres.
Ainsi, les skates et les rollers connoteront un monde lié à l’adolescence
ou à un élitisme sportif de jeunes adultes à travers les sports d’équilibre
considérés comme extrêmes car risqués (rampes, « slides », etc.). Ils
serviront à travers des sports équilibristes extrêmes à effectuer certaines
figures et certaines prouesses liées à la maîtrise de ces engins, ou ils
serviront à se déplacer de façon « fun », jeune et branchée à travers la
ville qu’ils habitent.
Pour tout un ensemble d’adolescents et de jeunes adultes, ces véhicules
sont aussi, lorsqu’on les maîtrise très bien, des moyens de séduction et
d’ego, garants d’un statut qui se particularise de celui des autres lors de
leur utilisation.
Très peu d’adultes utiliseront ce genre de déplacements, non parce qu’ils
ne le connaissent pas, mais parce que dans le rêve collectif de la société
occidentale, ce n’est qu’une certaine communauté bien définie qui en fait
usage, avec toutes les significations socioculturelles que cela comporte.
Pratiquer ou transporter ce genre d’engin si l’on ne fait pas partie de
cette communauté, pourra donc paraître chez celui qui nous observe
comme quelque chose de « bizarre ». Ce sera également pour nous même
quelque chose d’indiscret. Pourtant, aucune réflexion véritablement
rationnelle, si ce n’est l’étude sociologique de terrain, qui n’est en
fait qu’une observation, .ne sera vraiment capable de l’expliquer
logiquement.
La trottinette, elle, étrangement, sert aux plus jeunes et aux adultes d’une
façon beaucoup moins sectaire. Traditionnellement limité au monde de
126
l’enfance, Son arrivée dans le commerce pour adultes est assez récente
et a fait une sorte de « buzz » inattendu, qu’aucune communauté n’a
véritablement réussi à s’approprier. Cet engin reste encore aujourd’hui
pour la plupart, une sorte d’ovni que nul ne peut vraiment étiqueter,
cela restant sûrement dû à sa venue nouvelle dans les commerces et à
l’absence de récupération de l’objet par une des communautés sociales
qui habitent notre économie.
La trottinette connote tout de même la drôlerie et le ludique, sans passer
par la caricature et le rire, mais aussi la flexibilité, la souplesse, le
déplacement pratique et peu encombrant. Avec ce genre de véhicule, on
peut occuper tous les territoires de la ville (c’est-à-dire le trottoir des
piétons, la piste cyclable et la route des voitures sur le côté droit), ce qui
connote une dimension anarchique qui ne transgresse aucunement l’ordre
établi.
Pour les enfants, c’est un objet de jeu, le déplacement devient un
divertissement, un événement proche de celui du tour de manège.
J/ Transports militaires
Pour un peuple en général, l’armée, c’est d’abord la guerre, puis, à
l’heure d’une nation ou d’un continent soi-disant en paix (car parfois en
guerre sur d’autres terres ou encore en guerre économique quotidienne),
c’est l’étrangeté.
L’ensemble des véhicules militaires sont inapprochables, si ce n’est les
anciens véhicules au sein des musées d’histoire. Un véhicule militaire,
nous ne le voyons ou ne le verrons que très rarement, il est donc de plus
exclusif.
Très souvent il va être fantasmé dans un jeu vidéo ou encore dans
un film, mais en vérité, tout le monde sait pertinemment que ce dont
l’armée est dotée reste profondément occulte, si ce n’est lors de l’achat
d’énormes engins de guerre où les grands médias informeront les masses
sur l’investissement de l’état car il représente l’argent du peuple luimême (achat d’un sous-marin moderne par exemple).
Ce que l’avancement des technologies permet aux armées des états
riches, nous ne le savons en général pas vraiment, car c’est un domaine
très peu médiatisé. Autour des véhicules de l’armée, c’est l’occultisme et
les ténèbres, à moins de faire avec peine sa propre enquête sur le sujet.
127
Les transports militaires, c’est aussi la brutalité et toute la monstruosité
de ses véhicules, c’est tout leur potentiel destructeur poussé au maximum
avec toute l’autorité qui accompagne cette violence. Nous pourrons
citer les avions de chasse qui se déplaceront à une vitesse extrême et
qui sont équipés d’un ensemble d’armes à forte capacité destructrice.
Nous citerons aussi les tanks qui seront extrêmement protégés par des
blindages quasiment invincibles avec une capacité destructrice proche
de celle d’un Bazooka. Nous pourrons également citer les hélicoptères,
véhicules accessibles à une rare minorité de la population, qui se
déplacent dans les airs d’une manière totalement différente des avions et
qui peuvent aussi être dotés d’armes ou déposer une troupe de soldats sur
des terres étrangères...
Le progrès technologique accompagne celui des capacités de
l’équipement militaire qui n’égale que le progrès dans les stratégies de
guerre. C’est donc aussi le « progrès » de l’augmentation potentielle
de la destruction, de l’augmentation de ses victimes, de ses morts et
de ses drames, de l’accroissement de la force et de l’autorité des états
dans l’histoire du pouvoir. C’est également la concentration de toutes
les connaissances scientifiques et historiques qui profitent au pouvoir
militaire à notre époque, même si elles n’ont pas forcément d’origines
et de liens véritables avec ses forces armées (exemples : la caméra,
l’appareil photo, le micro, la génétique...).
Ce qui sera donc très connoté à travers les véhicules armés, c’est : La
primauté des capacités destructrices et guerrières du véhicule sur celle
de son esthétique ; l’étrangeté du caractère occulte du monde militaire
pour la population qui lui finance ses équipements armés (par les
impôts, les taxes etc.) ; l’exclusive utilisation des équipements armés
par les militaires engagés ; le fantasme de toute-puissance que ce genre
d’engins crée chez certaines franges de la population à travers les sphères
virtuelles (jeux vidéo, films, bandes dessinées etc.) ; la virilité barbare et
subtile car stratégique que ces véhicules suggèrent ; le symbole ultime de
l’autorité législative de l’état-nation (la menace la plus radicale) qu’ils
représentent...
128
Tout autant de suggestions à travers les transports militaires que de
possibles manipulations à travers l’évidence des rêves qu’ils suggèrent.
K/ Alors quoi ?
Alors nous aurions encore beaucoup de mondes oniriques à citer et à
décrypter plus ou moins partiellement, comme celui des voitures de
fonction, des taxis, des véhicules de secours et des transports de l’ordre
public (police nationale), comme celui des cars de voyage à longue
distance ou encore celui des véhicules agricoles. Mais ce que nous
appuierons ici, c’est tout l’ensemble des significations sous-jacentes que
nous pouvons déceler à travers l’ensemble de ces véhicules et les univers
capitalistes qu’ils évoqueront avec les univers de ses usagers. C’est aussi
une critique spontanée du capitalisme qui s’effectue automatiquement par
les analyses de cet ensemble de rêves qui s’occultent pour se préserver.
Ainsi, c’est donner, ou plutôt ouvrir la voie de notre regard à l’ensemble
du prisme onirique (voir dans l’ouvrage Du Virtualisme l’article Prisme)
que peut symboliser un véhicule en général dans notre société, afin de
permettre des élaborations plus détaillées et plus poussées de ce genre de
monde.
Particulièrement, ce décryptage servira relativement notre vue onirique
à acquérir une plus ou moins grande lucidité et donc une plus ou moins
grande autonomie sur notre participation inconsciente, politique et
existentielle aux rêves construits à travers ce genre de monde.
Je pense que la démonstration reste assez conséquente pour cela, non ?
II - Médias et rêve
Comme il l’a été dit précédemment, il existe pour les valeurs du
commerce une interaction régulière entre ceux qui apportent l’offre et
ceux qui la demandent (à savoir que certains produits ou services ne sont
pas toujours demandés mais plutôt imposés par le monde du commerce).
Cette relation constante s’effectue indirectement entre les producteurs
et les consommateurs par les conceptions subjectives et créatives de
chacune de ces deux parties.
129
Lorsqu’une offre commerciale est produite et mise sur le marché, il
se surajoute ensuite sur cette même offre, par le biais des couches
populaires qui la consomment, une nouvelle interprétation subjective
et culturelle qui chargera plus ou moins de symboles et d’onirisme
populaire l’objet commercial.
Ainsi, les diverses productions monopolistiques du capitalisme peuvent
très bien devenir, suite à leur parution officielle au sein des marchés, plus
ou moins traditionnelles ou même culturelles, grâce à l’interprétation
subjective et créatrice de ses usagers (voir sur ce sujet les œuvres d’Andy
Warhol).
C’est grâce à cette construction subjective de masse, que le capitalisme
peut, suite à l’observation de ce phénomène populaire, régulièrement se
régénérer « culturellement », interagir avec les tendances populaires plus
ou moins chaotiques et mettre à jour l’évolution de ses offres.
Cette règle s’effectue également à travers l’ensemble des médias
dominants car leur but principal n’est pas l’information ni le
divertissement, mais plutôt le profit, s’effectuant la plupart du temps dans
ces mondes à travers la publicité.
C’est un monde donc qui malgré son éthique journalistique, applique
avant tout une politique commerciale liée au profit, donc à une politique
tentatrice, démagogue, récupératrice et séductrice. L’innovation n’a que
pour unique fonction le succès, ayant lui-même pour finalité le profit.
Seuls quelques rares médias, marginaux et déviants, à l’éthique politique
et journalistique radicale ne suivent pas cette finalité commerciale qu’est
le profit.
1. Journaux, magazines, livres
A/ Les journaux
Les journaux sont sectorisés en classes non pas sociales, mais en classes
politiques. Très peu de personnes n’ont encore osé définir ce genre de
classes. Appartenir à des classes politiques, c’est appartenir, quelle que
soit notre richesse ou notre pauvreté, à des convictions, des analyses,
des paradigmes et des valeurs, en majorité partagés par l’ensemble de sa
classe politique.
130
Ainsi nous pourrons citer des journaux de la gauche de la gauche
(l’Humanité, Politis, le Canard Enchaîné, Le Monde Diplomatique...),
des journaux plus proches de la gauche sociale-démocrate (Libération, le
Nouvel Observateur, Télérama, Le Monde...), des journaux proches du
milieu et de la droite (Le Monde, Le Figaro,...), mais aussi des journaux
très peu acceptés par la distribution et plus radicaux, comme les journaux
libertaires ou altermondialistes (Le Monde Libertaire, CQFD, One,
Ecorev’...).
Nous citerons enfin dans certaines villes des journaux purement
commerciaux, en général pour les ignorants, les misérables et les petites
gens qui regardent le « 20 heures » et partent tous les jours au travail (à
Paris : Direct Matin, Direct Soir, 20 minutes,...).
Moins les journaux affirment leur politique éditoriale de façon directe
et plus ses lecteurs (en tous les cas très souvent) acceptent le Monde
et le définissent comme ayant une caractéristique « ordinaire » dont
on peut avoir « l’habitude ». Plus les journaux se disent « neutres » de
façon sous-jacente et plus ses lecteurs gardent avec certitude l’évidence
politique des choses du monde sous tous ses aspects.
Ainsi, c’est suite à la chute du mur de Berlin et donc suite à l’échec du
communisme, que les journaux prennent davantage un rôle divertissant
dans les médias dominants plutôt qu’un rôle historique lié à l’influence
politique qu’ils provoquent. Cela n’est pas qu’une façade, car même si un
journal défend davantage une politique plutôt qu’une autre, c’est depuis
les années 80 que le bipartisme règne sans aucun espoir de Révolution
ou de réforme radicale pour notre système établi. Les débats, bien
qu’intenses au sein des médias concernés, ne sont en fin de compte que
de faux débats, car ils ne remettent presque jamais en question ce qui leur
paraît, suite à la victoire du capitalisme, comme étant lié à l’évidence, le
règne indiscutable de l’économie de marché.
Lire certains journaux plutôt que d’autres, c’est donc, soit être engagé,
soit s’intéresser à une actualité sur laquelle nous n’avons aucun pouvoir
et ne souhaitons pas en avoir, soit ne pas savoir ce qui se passe et être
131
infantilisé lors de notre lecture sur la nature de ce qui est réel, soit se
divertir et occuper le temps, soit accepter le monde tel qu’il est et tel
qu’on nous le montre (voir l’article La réalité médiatique dans l’ouvrage
Du Virtualisme – Les nouvelles contributions).
Un journal, c’est aussi un constructeur de réalités, d’univers, par
l’agencement des sujets qu’il sélectionne et aborde, par la manière dont
il en parle, par la quantité de texte qu’il concède à tel ou tel article, par sa
politique commerciale (publicité ? Autonomie?), par les connivences et
les intérêts que ses éléments auront avec d’autres acteurs de l’histoire de
la nation etc.
Mettre une publicité dans son quotidien, c’est accepter l’entreprise qui
est publiée comme relativement légitime et indiscutable, c’est même
implicitement être partisan de son activité économique.
Un constructeur de réalités, qui paraît dans les kiosques tous les jours
et dont tout le monde parle en général, c’est aussi être responsable de la
façon dont on analyse les choses, de la façon dont on les observe, de la
façon dont on s’orientera dans nos décisions politiques etc.
S’intéresser à un sujet c’est aussi en renier un autre. Rejeter une
thématique au profit de celle d’un journal, ce n’est donc pas une chose
à prendre à la légère car c’est cela qui orientera dans le temps notre
comportement et notre vision du monde. C’est un choix inévitablement
politique doté de lourdes conséquences.
C’est pourquoi la frénésie des journaux et leur rythme sur-accéléré
ont quelque chose d’inquiétant. La surabondance informationnelle
quotidienne, mais aussi de faible qualité, empêche également de voir
et de savoir l’existence de certains manuscrits qui pourraient expliquer
plusieurs décennies de parutions quotidiennes d’un média tel que Le
Monde par exemple.
Est on alors forcé de lire obsessionnellement et journellement les
moindres détails journalistiques montrés du doigt par ce genre de
médias, qui sont de plus souvent répétitifs ?
C’est parfois trente années d’informations qui disent la même chose en
montrant les mêmes mécaniques historiques, économiques etc. et que
nous lisons sans cesse avec fatigue et acharnement.
132
Cette frénésie de l’information est donc elle-même due à la frénésie
cyclique des étapes répétitives de la production capitaliste de ses biens et
de ses services constamment mis à jour et régénérés. C’est donc comme
un de ses miroirs politiques.
B/ Les magazines
Les magazines connotent eux un service supplémentaire proposé par la
société économique, celui de la spécialisation généralement mensuelle
d’un journal à travers diverses thématiques plus ou moins importantes.
Nous citerons ici l’art, la culture, la science, les sciences humaines, la
philosophie, la psychologie, mais aussi, les sports, les jeux vidéos, la
mode, la musique sous toutes ses formes, le divertissement pur (Entrevue
par exemple), la pornographie, l’érotisme...
Il ne servirait à rien d’énumérer chacun de ces mondes oniriques, ce qui
représenterait en plus une retranscription et une lecture plus vertigineuse
qu’utile à cette cryptographie. Nous analyserons donc le phénomène des
magazines en général et ce qu’ils peuvent connoter.
Tout d’abord, c’est l’identification d’une personne à un domaine de
l’économie ou du divertissement qui s’affirmera selon la façon dont le
magazine est acheté (abonné, achat régulier, rare, ponctuel).
Le magazine est également souvent un objet de voyage qui occupe lors
du trajet son lecteur, le quotidien ne lui permettant pas de s’y plonger
plus. Chez un médecin, ce genre de magazines connotera, tout comme
lors des voyages, l’attente de quelque chose. Ce n’est d’ailleurs pas pour
rien que les librairies Le Relay pullulent dans les gares.
Le magazine, étant la plupart du temps mensuel, il représente aussi un
objet plus précieux où la qualité du papier est plus classieuse, en couleur,
doté de multiples photos et d’une plus belle mise en page. Son identité
graphique est tout autant spécialisé que sa thématique. C’est un objet que
l’on ne jette que très rarement ou que l’on jette beaucoup de temps après
utilisation. Ils peuvent d’ailleurs servir à orner ses toilettes pour attendre
la fin de la défection.
133
Un grand nombre de nouveaux magazines paraissent annuellement
mais ne réussissent pas à s’imposer à cause du très grand nombre de
prétendants. Ainsi, il n’y a que très peu de magazines qui survivent dans
le commerce par rapport à tous ceux qui le souhaiteraient malgré leur très
grand nombre déjà présents sur le marché.
Il est tout à fait envisageable que le commerce et l’impératif de
rentabilité que ces publications nécessitent, empêchent le plus grand
nombre d’entre eux de pouvoir exister et de pouvoir être diffusés.
Enfin, ce que connote cette surabondance informationnelle, c’est
l’opulence ou encore la richesse de la diversité médiatique et donc la
richesse des divertissements offerts par le grand Capital. Une richesse
d’ailleurs aussi large que les contraintes législatives qui l’accompagnent,
aussi large que les contraintes matérielles qu’il impose (nous ne citerons
pas ici l’ensemble des inégalités et des barbaries écologiques qu’il génère
dans le monde).
C/ Les livres (entre commerce et politique éditoriale)
Je me souviens d’une peinture surréaliste qui représentait une rangée de
passants, le visage caché par un livre ouvert qui flottait et couvrait leur
tête. Ceci symbolise « La » fenêtre sur le monde qui cache « la » fenêtre
la plus directe sur celui-ci mais aussi la plus ombragée, celle de ses
propres sens.
Chaque livre est un univers à part entière. Chaque livre est très souvent
le fruit de l’histoire que l’humanité a traversée à travers son auteur, mais
aussi le fruit de ce que la littérature ou la science a apporté à l’Humanité
(selon le type d’ouvrage : essai ou roman, recueil de poésies ou nouvelles
et récits etc.), c’est-à-dire de ce que la culture en général a traversé.
Le livre a depuis longtemps été traversé des plus grands titres de
noblesses, car c’est lui seul qui transmet aux futures générations
l’ensemble des connaissances dont il est le fruit (seul, si ce n’est aussi la
transmission orale qui a la même fonction historique, l’héritage culturel
pour la construction de soi).
Très souvent, un livre s’impose chez le lecteur ou chez l’écrivain
134
comme une nécessité existentielle. Il n’est que très rarement objet pur
de divertissement léger, car il est très souvent représentatif d’une forte
demande de concentration, de temps, de calme et d’intérêt qui doit
perdurer dans la longueur du temps de lecture.
Un livre qui s’impose nécessaire et donc qui se prétend inévitable,
c’est aussi le symbole d’un problème qui s’impose implacablement à
l’existence du lecteur et de l’écrivain. C’est alors forcément une date
historique sacrée, qui concerne un ensemble de lecteurs et d’auteurs au
fil de l’histoire, et même après la mort de l’auteur. Il a un rôle mystérieux
et complexe, lié à la fonctionnalité historique et à la régénérescence de la
culture humaine dans toutes ses dimensions.
Un livre c’est aussi un trophée qui orne un logement, car c’est la
représentation d’un intérêt intense que l’on a porté sur une facette du
monde. Nous verrons ainsi, certains films représenter des personnages
bourgeois intellectuels accompagnés de nombreux livres pour symboliser
leur gigantesque capital de connaissances et d’érudition.
Ce n’est pas pour rien si la combustion de toute une quantité de livres par
les nazis a choqué nombres d’âmes et en choque encore aujourd’hui de la
même manière.
Être un grand lecteur, c’est forcément être relativement érudit et
relativement savant, c’est être aussi quelqu’un de persévérant et de très
curieux car il faut être très insistant pour lire entièrement un manuscrit de
plus de 300 pages.
Le livre c’est aussi parfois pour ses possesseurs une charge symbolique
illustratrice de la quête de toute une vie, de toute la problématique
philosophique ou existentielle de son lecteur, c’est un fétiche. C’est donc
un totem à brandir lors de tout échange et partage social, car c’est notre
volonté de connaître très intimement la couleur et les nuances de l’âme
d’autrui.
Le livre c’est donc le symbole le plus évident de la profondeur et des
nuances des âmes humaines, de ses ténèbres et de ses lumières, de ses
fantasmes et de ses raisons, de ses logiques et de ses folies, de toutes les
135
étapes de ses vies et de ses morts.
Un livre c’est un condensé de rêve, aussi bien à travers la science qu’à
travers une histoire ou une romance, c’est un moment de raison intense,
car sa construction littéraire est très souvent presque inébranlable.
Sa vieillesse peut aussi connoter un passé révolu et une mémoire, l’odeur
des pages peut évoquer la poésie de la vieillesse et de l’ancienneté.
Entre la sacralité des livres et le commerce du capitalisme, nous
trouverons une médiation, celle des livres commerciaux, tels que ceux
d’Harry Potter, ou encore ceux du Da Vinci Code etc. Ici règne tout un
ensemble de livres à qualité littéraire divertissante et édité par une ligne
éditoriale profondément commerciale.
À part cette facette du monde de l’édition, nous pouvons considérer
les maisons d’édition comme plus proches de l’éthique littéraire que
du monde du commerce, ce bien que nous sachions pertinemment que
les très grands éditeurs privilégient avant tout les élites intellectuelles
médiatisées en dépit de certains écrivains dont nul ne pourrait renier
la qualité intellectuelle ou stylistique. Ainsi, bien que le monde des
grandes maisons d’édition soit habité d’une éthique éditoriale, celle-ci
n’échappe pas à la dimension du commerce et de ses valeurs d’idolâtrie
méritocratique.
Le monde des petites maisons d’édition sont elles plus politiques, moins
commerciales, bien qu’elles doivent vivre et trouver tout de même dans
toutes les nébuleuses de l’argent, des distributeurs et des médias, une
place légitime plus ou moins indiscutée.
Le livre c’est paradoxalement l’objet le moins prisé par le capitalisme
en général, car c’est celui qui le remet le plus sérieusement en question,
bien que les masses populaires lui laisse une place plus importante
que les autres et bien qu’il puisse représenter une source de profit très
conséquente pour certaines grandes maisons d’édition, il n’est que
rarement mis en valeur. Mais le capitalisme le sait bien : entre lire une
remise en question de son système et l’appliquer, il y a pour le lecteur
une distance beaucoup trop fatigante à traverser.
136
2. Télévision
Inconsciemment, nous le savons. Nous le pressentons plus ou moins. La
société capitaliste est absente. Elle n’existe pas vraiment. Elle se fonde
sur des subjectivités hétérogènes par le biais de quelques codes sociaux
superficiels partagés. La société capitaliste se construit autour d’activités
professionnelles relativement disloquées. Les réseaux et les interrelations
de ses éléments s’effectuent sans culture ni tradition aucune, autour
d’intérêts de survie et de profits économiques. Les seuls liens du
capitalisme qui existent sont les échanges économiques basés sur des
rapports déséquilibrés d’exploitation où l’humanité n’y transparaît que
très rarement. Si la société est en fin de compte absente, elle s’incarne
par contre principalement à travers les médias, dont la télévision,
constructeurs d’un réel spectaculaire plus ou moins cohérent, fait de joie
et de divertissements, fait d’actualité brute et de brouillard.
Que l’on soit en famille, avec des amis, en couple, ou seul, lorsque l’on
regarde la télévision, l’on cherche en fait une fenêtre sur le monde.
Un monde dont nous sommes éloignés et qui nous fait signe de l’autre
bout de l’horizon, de l’autre bout de l’écran. La solitude, elle, nous
la ressentons, la pressentons à chaque moment, nous en avons même
peur, lors de nos relations sociales amochées à travers une angoisse
qui happe les souterrains de sentiments inexprimés. L’angoisse de
ne pouvoir être reconnu et accepté dans une famille économique qui
n’existe quasiment pas. L’absence de traditions véritables. C’est ce que
nous pressentons et c’est ce que nous guettons à chaque fois que l’on
active cette boîte à images sonores. Elle nous console, mais elle ne nous
répond jamais totalement sur ce sujet : L’identité humaine. Car c’est
bien, indépendamment des échanges commerciaux dénaturés d’humanité,
les objets médiatiques tels que la télévision et ses programmes qui nous
relient à ce quelque chose auquel nous n’avons jamais véritablement
accès, notre humanité. Là, nous y observons des réalités maquillées ou
des scénarios fictifs, des valeurs et des débats auquel nous ne participons
pas, des émissions festives qui font miroiter des cagnottes d’argent à
ses participants, des publicités aux réalisations superbement léchées
137
qui scintillent pour nous rappeler sans cesse leur omniprésence et leur
omniprestence.
Sans ces deux dimensions (échanges commerciaux et médias), il ne nous
reste plus sinon qu’à voter dans une urne en moyenne 0,6 fois par an,
pour représenter une goutte au sein de l’océan de l’opinion publique.
Tenter de se construire sans la politique à travers des communautés qui
la plupart du temps la critiquent et s’en détachent, c’est en général le
quotidien de tout un chacun, car la démocratie représentative n’a presque
jamais tenu parole suite aux élections. Elle n’a fait que tromper son
peuple et le trahir.
Oui, c’est bien en fin de compte aux communautés de toutes sortes
auxquelles nous appartenons et ce sont elles qui essayent tant bien que
mal de nous sortir de ce marasme solitaire et sans culture. C’est à travers
les communautés familiales, amicales, associatives, de quartier, ou
encore parfois en coulisse de sa profession, que des valeurs culturelles,
traditionnelles ou relativement contre-culturelles se forment dans le
temps lors des histoires relationnelles qui en émergent. C’est même de
ces communautés que les médias ne parlent en fin de compte que très
peu.
La télévision, c’est peut être le symbole parfait de l’angoisse de devoir se
construire seul grâce aux communautés que l’on côtoie, mais c’est aussi
peut être l’image de notre fuite face à ce défi qui nous invite à créer notre
propre histoire autour d’un vide apparent.
En effet, avant toute chose, la télévision est là pour habiller, voiler le
vide, cacher et aménager à notre place ce que nous avons perdu année
après année suite à l’envahissement des grands groupes commerciaux et
multinationaux, suite à l’accroissement des sphères virtuelles.
La télévision est un créateur d’univers hypnotiques suffisamment
puissants pour nous faire oublier ce à quoi nous devons tous faire face,
la reconstruction de notre humanité et de son identité métissée, qui a
été déstructurée et démontée par l’histoire de l’économie capitaliste et
par ses guerres, jusqu’à la chute du mur de Berlin, introducteur de notre
époque moderne.
138
Ainsi, ce n’est plus la vie de village ou de quartier qui représente notre
histoire et nos traditions dans la nation, c’est plutôt à travers la télévision
que nous ressentons la présence de notre actualité identitaire. Nous
sommes sans elle, mais elle est faites pour nous, nous ne voyons jamais
ce dont elle témoigne, ni la vie de ceux dont elle parle, mais elle est faites
pour nous. C’est grâce à nous que cette culture en boîte existe, grâce
à notre regard, et c’est aussi ce qui nous offre de l’importance et de la
gratification. Avec la télé-commande, nous commandons pendant qu’elle
nous alpague et nous oblige. Nous voyons ce qu’elle désire et nous rions
sur ce qu’elle trouve drôle (séries de sitcom par exemple où les rires sont
téléguidés).
La télévision sera donc, la garantie de l’absence de l’ennui, des
exclusivités en moments de fête, la décoration de l’absence et de la
solitude de ce qui a été détruit par le commerce, le consolateur des
misérables solitudes. Le sentiment de solitude, c’est bien là l’expression
de ce qui est absent, ce qui est absent c’est l’être-ensemble, c’est le
construire ou détruire ensemble, c’est l’histoire de l’Humanité, c’est ce
que nous devons revisiter de fond en comble et refonder, une humanité,
cela a de quoi faire peur.
Alors, de par notre lâcheté et notre impuissance, la télévision proposera
tout comme toutes les sphères virtuelles davantage d’offre (un bouquet
de chaînes qui enchaîne davantage, sans bouquet de fleur sur la tombe de
notre être ensemble) et la personnalisation de notre être subjectif, notre
unique pouvoir.
Cette production de soi déracinée, racine après racine lors de chaque
seconde qui passe, dans les révolutions commerciales du capitalisme,
sera comme celle des nouvelles cultures numériques, hantée de
monopoles qui oublient les origines et la culture humaine.
La télévision, c’est enfin sa forme architecturale comme l’écran extra
plat et vaste de superficie qui prendra la place d’un tableau dans
l’appartement, qui donc n’envahira pas mais s’affirmera avec modernité
et classe, accompagné parfois d’un arsenal sonore qui défierait s’il le
pouvait notre envie d’aller au cinéma.
139
La télévision donc, derrière son masque ludique affirme une chose
tragique, la fin de la relation sociale et des relations humaines évidentes
et spontanément harmonieuses. Elle s’annonce davantage consolatrice
que spectaculaire. Son paternalisme est hypocrite et sait pertinemment
comme nous qu’il ne se sent que lui-même, il est juste l’incarnation d’un
mensonge qui s’oblige, par peur de devoir se confronter au résultat de
notre absence à nous même et de notre absence aux autres.
C’est enfin tout un ensemble de rêves qui s’effectueront à travers cet
objet et tout un ensemble d’histoire qui se créeront avec certains de ses
programmes. Le zapping par exemple, ou les best of (meilleurs moments
de la télévision) seront l’incarnation d’un bilan léger de l’histoire
annuelle de la télévision. Son histoire devient également la notre, la suite
relative de l’absence des mondes humains.
3. Radio
La radio, elle, tient une fonction analogue à celle de la télévision mais
de façon plus légère, plus ludique, plus éloignée. Son éloignement
correspond à sa cohérence de laisser le trône médiatique au monde
de la télévision et de se placer stratégiquement là où celle-ci pourrait
créer un manque. Dans l’univers médiatique du capitalisme, la radio a
sa place, l’accepte et participe comme un élément de sa structure. Le
corps médiatique est très cohérent dans son agencement et très peu de
personnes n’ont de choses à lui revendiquer si ce n’est les marginaux et
les révoltés clairs envers le monde du capitalisme.
Tout comme la télévision, la radio à sa manière, offrira ce que peuvent
offrir ses compétences, dans un panel de choix qui lui est propre (art,
culture, politique, sport, humour, musique de tous les styles...).
La radio offrira donc elle aussi la possibilité à l’individu de personnaliser
et de spécialiser sa subjectivité virtuelle.
140
III – Audiovisuel et rêve
L’audiovisuel, c’est d’abord une révolution technologique à travers
l’arrivée de la camera, suite à celle de la photographie. C’est à travers sa
commercialisation, qu’une nouvelle industrie fera apparition, celle d’un
nouveau domaine artistique qui fonctionne par prise de son et d’image
en mouvement dans un ensemble de séquences. Ce même ensemble
de séquences sera agencé d’une certaine manière, à travers un certain
esthétisme et formera une histoire, une ambiance, un univers particulier.
L’adaptation en film de romans, de livres ou de bandes dessinées le
montre bien, l’audiovisuel, c’est bien la représentation visuelle et
auditive de ce que peut être une œuvre manuscrite ou un ensemble
d’œuvres picturales. C’est un langage qui peut traduire plusieurs
langages informationnels et artistiques qui s’inspirent du réel ou de la
subjectivité de chacun.
C’est à travers l’évolution technologique des outils de l’audio-visuel puis
à travers l’évolution technologique du numérique et des logiciels que son
potentiel et son caractère esthétique offrira davantage de possibilités aux
créateurs qui souhaitent utiliser cet outil expressif.
Il va sans dire qu’un capital non négligeable reste nécessaire à certaines
réalisations audiovisuelles, bien que depuis l’ère du numérique, le capital
du savoir-faire puisse être suffisant à une réalisation cinématographique,
ceci exprimant ainsi une extrême démocratisation de ce domaine.
En effet, les caméras numériques coûtent aujourd’hui suffisamment
peu cher pour que presque toutes classes sociales puissent un jour s’en
procurer une avec plus ou moins d’aisance.
De plus, même les appareils photographiques numériques permettent
aujourd’hui les prises de vues audio-visuelles et peuvent servir d’outil
créatif pour un film expérimental qui ne demande pas de fortes qualités
de rendus.
Reste à dire que ce domaine est une prothèse du regard et de l’oreille,
une intensification des souvenirs, par son caractère sélectif qui dure dans
le temps. C’est donc un outil qui capture et marque certaines facettes
141
de l’existence et de sa romance, à un degré d’émotion et de réflexion
extrême. En effet, le regard de la caméra a la capacité d’intensifier
chez celui qui filme et celui qui est filmé, le rapport de l’observateur/
observé et donc de faire perdurer certains moments de vies à travers
l’enregistrement de la relation complémentaire. L’enregistrement, c’est
l’avènement d’une prothèse pour nos souvenirs subjectifs, mais c’est
aussi autre chose, c’est notre capacité à pouvoir les faire voir à quelqu’un
d’autre et c’est notre capacité à pouvoir sublimer notre vie dans une
fiction comme un trip psychédélique sublime certaines facettes de notre
identité.
Notre capacité à pouvoir distordre l’image enregistrée, l’embellir, la
romancer, l’accompagner d’effets spéciaux et l’agencer à d’autres
prises de vues, montre bien de façon caricaturale la façon dont s’opère
le mental de chacun de nous par rapport à nos souvenirs et à la quête
existentielle qu’ils impliquent pour notre devenir.
Il faut ajouter que le tetraptyque : Observateur/concepteur – Observé/
exhibant, est un rapport lié à l’écoute et à la réception, à l’émission et au
don, au façonnement du réel et à sa résistance ou à sa résonance, sorte
de méta-langage affectif et sexuel, où la séduction y est aussi importante
que lors de la construction d’un couple.
Se surajoute ensuite le partage de ce rapport aux spectateurs dans
l’oeuvre finalisée, qui elle, témoigne de la plus ou moins grande qualité
de cet événement particulier.
C’est donc bel et bien une facette de la vie qui s’exprime de façon
onirique et délirante à travers ce moment qu’est la construction d’une
œuvre audio-visuelle. À travers ce moment, c’est une histoire qui
s’effectue, une histoire proche de celle de l’amour, mais un rapport
amoureux caricatural, car cette schématique s’exprime normalement dans
les deux sens du rapport amoureux. En effet, dans le rapport amoureux et
même dans le rapport amical ou familial, ou encore même dans la vie, ce
sont les deux éléments de l’échange que sont observateurs/concepteurs –
observé/exhibant, qui s’utilisent dans les deux parties.
142
1. Cinéma
Dans le cinéma, il apparaît comme dans le monde du livre, plusieurs
politiques, de la plus commerciale et propagandiste à la plus subtile
et authentique. Ainsi, c’est un ensemble de films qui exprimeront la
tendance politique de ses réalisateurs ou de ses producteurs éditoriaux :
de la politique du commerce à la politique existentielle de l’authenticité
de l’être.
Un film de Jean Rouch n’aura pas la même charge significative que celle
d’un film Blockbuster d’Hollywood. La charge onirique n’y aura pas la
même fonction langagière.
Le cinéma crée lui-même son histoire dans le temps à travers une sphère
virtuelle en exprimant une facette de l’histoire de l’économie capitaliste
et une facette de l’histoire culturelle en recherche d’authenticité et
d’identité face au commerce et ses valeurs travesties de guerres et
d’intérêts.
Un côté cherchera à combler l’envie obsessionnelle des spectateurs de
jouir le plus vite possible (les films commerciaux), l’autre cherchera à
remettre en question l’identité du beau et de la jouissance pour rendre la
beauté et l’esthétique plus subtile et plus nuancée, plus réfléchie et plus
ornée de questionnements philosophiques et politiques (le film qui tend à
l’authentique).
Le cinéma, c’est aussi le film pornographique, où le fantasme sexuel se
caricature et s’intensifie, où la masturbation permet une interactivité avec
le film, simulation virtuelle de l’acte impossible lors de certains moments
x de notre vie. Là, dans cette sphère virtuelle, notre rêve du rapport
sexuel réussi y est fantastique mais frustrant car nous ne sommes pas
dans le film. La femme ou l’homme y est parfait(e), fatal(e), soumis(e)
ou inversement.
Autour du cinéma, c’est aussi le fantasme de certaines facettes de
l’histoire humaine (la mythologie, la guerre, la religion, la police, le farwest, le paranormal, la justice, le politique, l’amour, la mafia etc.) qui
143
s’inspecte et se contemple de façon plus ou moins chirurgicale, se délire,
se caricature, dans l’ironie, le satyrique... Là nous retrouvons alors les
mêmes traits que ceux de l’analyse de la folie et de l’inconscient, des
trips psychédéliques et du rêve éveillé. Une cryptographie des films
cinématographiques pourrait donc bien s’effectuer au cas par cas. Des
rêves dans un rêve.
2. Dessins animés
Existe aussi le dessin-animé et son histoire, où Walt Disney et Looney
Tunes régneront pendant près d’un demi siècle dans le monde occidental
des enfants et même des adultes. Régneront également les animations
japonaises (mangas) avec tous leurs codes oniriques en transfigurant les
fantasmes humains et en représentant le corps humain selon des codes
picturaux bien précis et reconnaissables autour de mille illustrations.
Chez Walt Disney ce sont les contes occidentaux ancestraux qui
régneront dans ses longs métrages avec accessoirement un univers qui
lui sera propre y compris dans ses codes picturaux (Mickey, Minnie,
Donald, etc.). Toute la magie de ces contes ornera l’univers symbolique
de Walt Disney et accompagnera le monde des enfants de toutes origines.
La gloire des USA à travers l’extrême connivence de ce monde animé
avec le pouvoir américain confondra les esprits et leur discernement
entre la gloire légitime de Walt Disney et celle du pouvoir législatif et
géo-politique des USA. S’attaquer aux Etas-Unis ce sera implacablement
s’attaquer aussi à Walt Disney.
Ainsi, bien que les films de Walt Disney nous aient bercés tout le long
de notre enfance et qu’à notre adolescence nous devenions anarchiste
de gauche par exemple, nous serons obligés de reconnaître une certaine
pureté aux Etats-Unis ou obligés de renier une dimension qui nous a
habités lors de l’âge où tout se construit pour notre avenir adulte.
Looney Tunes, lui, se nourrira d’un univers construit de A à Z et
représentera en général des animaux. Cet univers empli de personnages
animaliers illustre étrangement celui des Fables De La Fontaine avec
caricature et légèreté. Puisque les enfants aiment en général beaucoup
les animaux, le choix de mettre en avant des personnages animaliers
144
n’est pas quelque chose d’innocent mais bien quelque chose de séducteur
et d’hypnotique. En effet, les animaux peuvent tous symboliser une
force magique particulière et une capacité que d’autres animaux n’ont
pas (l’oiseau vole, le loup lui est prédateur et court vite etc.). Toutes
les histoires seront faits de gags, de farces et attrapes, de surréalisme
et de rire, dans une légèreté insoutenable, où chaque personnage bien
que parfois blessé est invincible ou encore même intouchable. C’est
l’expression pure du monde des rêves qui s’exprime à travers les mondes
de Looney Tunes, des mondes parfaits, gauches à la fois, mais surtout
paradisiaques et virtuels car déconnectés du réel brut.
Pour les mangas ce sera souvent la mythologie et le combat qui s’y
exprimeront, les histoires y seront plus sombres, plus ténébreuses et
d’une esthétique qui n’emploiera pas du tout le même genre de codes que
ceux employés par les mondes animés américains.
L’honneur et la fierté y feront beaucoup plus surface, à travers une
esthétique particulièrement codée qui connote énormément la mythologie
grecque, judaïque ou asiatique. L’harmonie s’y exprime à travers le
combat et la violence, certaines séries animées s’accompagnent d’une
évolution qui se rythme en crescendo (De Dragon Ball à Dragon Ball Z
par exemple).
Le fantasme des mangas est beaucoup plus habité de lourdeur,
même la légèreté est habitée d’une extrême tristesse et d’une grande
profondeur émotionnelle, car les personnages y sont très affectueux. Le
langage onirique n’y est donc pas du tout analogue à celui des grosses
productions occidentales. Sans doute le japon a-t-il eu une histoire plus
torturée que celle des économistes américains ?
Les fantasmes des mangas japonais ne sont pas du tout faits des mêmes
jouissances et des mêmes délires fantastiques. Ils sont d’ailleurs, ce qui
n’est pas rien de le dire, que très rarement habités d’amour en premier
plan, comparé au monde du combat qui règne de façon quasiment
omniprésente dans ses univers (avec l’univers des mythes, des pouvoirs
et du fantastique).
Viennent enfin les mondes des supers-héros avec les grands méchants
et les grands gentils dans les Comix. Univers plus ou moins tragique
également où, suite à un accident particulièrement fantastique, certains
personnages se dotent ensuite de supers pouvoirs et choisissent enfin
145
de participer à l’ordre et à la justice, sorte d’I Want You de l’armée
américaine en appel à toutes les compétences pour sa gloire et pour
son ordre. La lourdeur tragique du monde des Comix représente
oniriquement les grandes personnalités militaires en plein sacrifice pour
leur pays, comme les agents-doubles ou les agents secrets. N’est-ce pas
là d’ailleurs également l’attente américaine et fanatique du futur messie
(« In God We Trust ») ? Les super-héros sont très souvent des maudits,
des damnés, qui se sacrifient pour la bienveillance de tous et toutes,
obligés de garder une double-identité exprimée symboliquement par le
costume et le masque anonyme.
3. Diverses formes audiovisuelle
Le cinéma se triturera ensuite accessoirement à travers plusieurs
domaines annexes plus ou moins hiérarchisés : Les séries, les courts
et moyens-métrages (comme les nouvelles et les récits pour les livres
romancés), les émissions, les documents audio-visuels artistiques, les
clips musicaux, vidéos amateurs...
Tous ces domaines serviront aux délires humains capitalistes et
artistiques, exploitant l’audiovisuel jusqu’aux os et jusqu’à ce que de
nouvelles technologies lui permettent de l’exploiter davantage.
Le fantasme et le jouissif, la reconnaissance et la séduction, la quête
de soi et des autres, le commerce et ses intérêts. C’est bien là le rêve
capitaliste avec tous ses paradoxes et ses éléments perturbateurs qui
s’exprimeront dans cette sphère virtuelle d’expression.
IV – Numérique et rêves
1. Téléphones portable
Les téléphones portables, ce sont ces prothèses qui permettent de réaliser
approximativement un fantasme assez fantastique, celui de la télépathie.
Oui, relativement car, on ne pense pas à travers lui, on parle.
Un portable, c’est en effet une sorte d’omniscience partielle de son
propre réseau social et communautaire. Réseau d’amis, d’amants,
146
réseaux professionnels, associatifs, politiques etc.
C’est donc bien un fantasme, une sorte de délire éveillé qui nous est
permis grâce au fruit des connaissances historiques accumulées.
À travers le téléphone portable, c’est une distorsion temporelle des
relations sociales et économiques qui s’effectue. C’est notre relation à
l’environnement et à l’intime qui mute, que cela soit positivement ou
négativement, le processus s’effectue et nous sommes quasiment tous
presque obligés d’utiliser cet outil sous peine de se retrouver handicapé
dans la société. Du moins, c’est la sensation que les autres nous
donneront si nous ne le possédons pas et cela nous ne pouvons l’éviter.
Ce processus est donc inévitable et l’homme se familiarise de plus en
plus tôt à cet objet. C’est même à travers les nouvelles générations qui
réfléchissent moins aux conséquences de leurs actes que son avenir
commercial est garantit. C’est en effet là l’argument indestructible qui
justifie l’impossibilité de stopper ce processus commercial et technoscientifique.
Ne pas avoir de téléphone portable, c’est aussi perdre des relations, c’est
même presque ne pas avoir d’amis ou encore de réseau. Ne pas avoir de
téléphone portable, c’est quasiment de nos jours où les réseaux importent
de plus en plus, perdre un de ses membres organiques. La technologie
nous dévorerait elle ? J’ai souvent vu, - moi y compris - des personnes
perdre leur portable avec tous leurs contacts et se morfondre comme l’on
se morfondrait pour son logement détruit suite à un incendie.
Un téléphone portable c’est aussi une personnification du subjectif par le
biais de la sonnerie, du fond d’écran, de la couleur choisie, de l’extrême
diversité de ses designs, mais aussi par la façon dont on peut soi même le
décorer (autocollants, pochette, tags etc.).
Dans les coulisses de notre théâtre sociétal, le téléphone portable c’est
un monde de sueur et de larmes au sein des mines de coltan dans certains
pays africains (le coltan restant sa matière première indispensable à sa
fabrication), où notamment les enfants et parfois les adultes extrairont
cette matière avec une peine et une insécurité garanties...
147
Les I phone, c’est aussi un processus de fabrication très dangereux (au
niveau des produits chimiques utilisés) dans des industries à dimension
inhumaines qui logent en Chine et qui embauchent des enfants de bas
âges.
Le téléphone portable, c’est à travers le numéro de téléphone que l’on
peut garder aujourd’hui presque toute sa vie, une identité numérologique,
identité des nombres et de leur combinaison originale presque musicale
et mystique. Ces nombres qui nous nomment se relient avec affection à la
famille, à l’amour, à la séduction et à la drague, à l’amitié, à la profession
etc.
C’est aussi une culture complexe à travers les textos et ses smileys,
défiant les lois de la linguistique et des langues littéraires. C’est
également des habitudes partagées par tous (ne plus avoir de crédit, ou
de batterie par exemple). C’est donc un nouveau langage dans lequel l’on
peut migrer virtuellement et s’évader de multiples façons même à travers
des services accessoires de jeux vidéos intégrés à l’objet.
Aujourd’hui un téléphone portable est polyvalent, il photographie,
il a une calculatrice intégrée, il peut surfer sur le web plus ou moins
agréablement, il peut très souvent permettre d’écouter sa propre musique
ou encore permettre d’écouter la radio de son choix. Il permet également
d’enregistrer comme un dictaphone ou de chronométrer quelque chose...
Nous arrivons aujourd’hui au stade de l’inquiétude ou du reproche
relativement dictatorial lorsque nous ne pouvons pas joindre des
personnes plus ou moins proches, sorte de nouvelle législation onirique
et anarchique du droit commun, sorte de caprice des dieux du monde du
numérique et de la télécommunication.
Le téléphone portable, c’est aussi la fin des cabines téléphoniques et de
leur charme, où maintenant les conversations téléphoniques s’effectuent
dans les espaces publiques et donc dans l’impolitesse. C’est donc
l’irritation de la perte de l’intimité devant l’exhibitionnisme et de la perte
poétique de la spontanéité. C’est aussi la perte du poétique lorsqu’une
148
conversation très importante a lieu avec un tiers de sa famille et que le
téléphone sonne et stoppe la conversation. C’est parfois l’incapacité à
pouvoir aborder une femme ou un homme qui nous charme dans la rue
parce qu’il ou elle est en train de téléphoner.
Le téléphone portable, dans son processus historique, était auparavant
un fantasme irréalisable pour les possesseurs des simples téléphones
de domicile, puis ce fut ensuite une marque exclusive de frime pour
un employé cadre qui travaille dans sa voiture de fonction, pour enfin
exploser en général dans les commerces avec le même genre d’euphories
que celui que l’on a pu décrire à travers les voitures et les trains.
Ce fut, pour finir, également un commerce intéressant pour les mondes
de la délinquance et du vol dans les milieux populaires avec tous les
codes et les rites oniriques qu’ils comportent.
Le téléphone portable n’a pas fini de créer des mondes oniriques, il en est
à ses tous débuts et deviendra même sans doute très bientôt un ordinateur
miniature qui permettra accessoirement de téléphoner.
2. Internet
La fonction « ovni » d’internet est ce qui fait toute sa force. Internet,
lui aussi garde sa place dans le monde médiatique et occupe de plus
le monde du numérique. Cette fonction « ovni » d’internet, c’est
d’être une sorte de jumelle vide. C’est une fenêtre/véhicule qui s’autoemménage par le biais de tous ses participants (contemplateurs et
acteurs/contemplateurs). Internet, c’est comme un sol, une plate-forme
ou une visée, qui s’offre par le biais d’un moteur de recherche, à toutes
les thématiques immatérielles possibles (audio-visuel, musique, sonore,
inter-activité, information, littérature etc.).
Internet offre alors aux individus une hyper-spécialisation des
subjectivités et leur permet tout ce que la communauté hétérogène
d’internet peut leur offrir. Ainsi, internet est capable d’englober toutes
les dimensions médiatiques (journaux, magazines, radio, télévision...) et
149
même plus encore. Tout le domaine de l’immatériel et du numérique y
passe. Internet devient alors l’incontournable source virtuelle des réseaux
de toutes sortes.
À part le conflit générationnel, internet n’a aucun obstacle à son
développement et à son expansion, car internet n’est rien, il n’est que
ce qui se développe en lui. C’est donc là une véritable sphère virtuelle,
un univers numérique, une fenêtre supplémentaire qui s’additionne
au monde et lui offre un autre angle de lui-même, celui de l’esprit
hétérogène de notre humanité et de nos sociétés.
Bien qu’internet nous offre tout ce que nous lui offrons. C’est le capital
cognitif de son utilisation qui nous permettra d’avoir accès à plus
d’informations à travers lui. De plus Internet ne garantit aucunement la
qualité de ce qu’il partage puisqu’il ne choisit et ne sélectionne pas ce
qu’il contient.
À travers lui, il peut se former un ensemble de fédérations, mais
malheureusement par la prothèse numérique, et donc uniquement par ce
que peut permettre cette même prothèse. Elle ne permet pas le rapport
direct de l’homme à l’homme, mais plutôt celui de ses avatars et de
ses masques les plus séduisants. L’humanité se perd donc au profit de
l’information et de ses échanges directs. L’information pure, ça n’est pas
cela la vie, et je pense que cet outil doit être considéré pour ce qu’il est et
pour ce qu’il permet, non pour ce qu’il nous fait perdre car rien ne nous
oblige à perdre ce que cet outil peut nous enlever.
Internet nous a fait miroiter un espace proprement démocratique
qui pourrait implicitement se troquer à celui que l’on côtoyait
quotidiennement dans l’histoire. Bien que la facette démocratique
d’internet existe bel et bien, il ne faut tout de même pas tout confondre.
Une sphère virtuelle reste une sphère virtuelle qui n’a qu’un faible
pouvoir d’influence sur les réalités politiques qui nous font face, surtout
lorsque des personnes qui ont déjà leurs propres convictions peuvent
voguer sur cette sphère là où elles le souhaitent sans se confronter à la
contradiction des opinions.
Une migration dans la sphère virtuelle pour s’y nourrir, se transformer,
se mettre en réseau, pour ensuite réinvestir les sphères du réel politique
150
n’est tout de même pas quelque chose d’inenvisageable, c’est même
plutôt quelque chose qui nous rappelle à l’espérance.
3. Ordinateurs
Le progrès des potentialités d’un ordinateur évolue dans l’économie et sa
temporalité à une vitesse statistique exponentielle.
Ses capacités permettent donc de plus en plus de choses en un temps de
moins en moins long (vitesse de copie, temps de chargement des logiciels
et du calcul des fichiers lourds, conversion de fichiers...). Savoir cela,
c’est aussi savoir que c’est dans ce contexte de distorsion temporelle
qu’il faut prendre en compte ce monde numérique et l’adaptation des
esprits humains à ce même monde.
Un ordinateur c’est un clone d’internet, mais il est lui, fait uniquement
pour l’individuel. En effet, un ordinateur est avant tout quelque chose
de vide. C’est aussi un sol, ou une jumelle, qui s’habille, du vide au
contenu. Un ordinateur a une structure qui commence à la source par le 0
et le 1. C’est le logiciel d’exploitation qui lui permettra de gérer certains
services virtuels liés au monde de l’immatériel. Ainsi, un ordinateur vous
permettra ce que vous lui permettez dans le paradigme et la place qu’il
occupe selon ses propres capacités polyvalentes.
L’ordinateur est un outil transversal et multi-fonctionnel. Il rentre en
symbiose avec internet et il est aujourd’hui presque impossible de le
séparer de ce réseau numérique. Presque tous les logiciels qui vous
permettront certaines fonctions sont sur cette toile qu’est internet.
Actuellement, le paradigme d’un ordinateur vous permettra d’avoir accès
à presque tout ce qui est du domaine de l’immatériel. Nous citerons la
vidéo, la musique, le son, l’image, le texte, la programmation.
Par le biais du web qui ne se détache jamais de cet outil, nous citerons
l’accès au téléchargement des logiciels et de toutes formes de fichiers liés
au domaine informationnel, à multiples formes de réseaux aux fonctions
économiques et sociales, permettant des interrelations, un échange
d’informations de toutes sortes, des échanges de fichiers et de logiciels
151
multiples (sites internet, peer to peer etc.)...
L’ordinateur est une simulation virtuelle interactive au départ vide liée à
tous les domaines informationnels qui s’offre à notre capital cognitif. Il
permet de créer, de contempler, de distordre, d’échanger, de simuler, de
rêver,... Le rêve d’un ordinateur est tout comme internet, hyper-subjectif
et spécialise notre subjectivité à notre guise. Nous pouvons également
plus ou moins personnaliser son apparence esthétique et son ambiance de
base (couleur du bureau, apparence des fichiers, typographie du texte des
menus etc.). Le rêve d’un ordinateur, c’est donc à travers son paradigme,
le notre, évoluant dans le temps, se construisant une histoire, mémorisant
un ensemble divers de fichiers etc. Son ordre sera plus ou moins le nôtre,
sa cohérence également.
Un ordinateur peut aussi dès à présent être portatif et être donc emporté
avec soi. S’ajoute alors à cet objet une dimension souple et nomade
pour les sédentaires. Son aspect esthétique sera lui aussi multiple et
dépendra du choix de celui qui l’achète, ceci personnifiant également la
subjectivité de son utilisateur, ainsi que sa différentiation aux autres. Se
différencier implique forcément notre rapport à la séduction, à l’attention
et au regard.
Tout comme internet, l’ordinateur englobe aujourd’hui presque tous les
objets qui servaient les domaines de l’immatériel (téléviseur, lecteur
vidéo, lecteur musical etc.). C’est donc un objet transversal, hybride,
proche de la métaphore du fluide et de l’eau, capable de prendre
n’importe quelle forme.
C’est aussi une prothèse hyper subjective, qui s’affranchit du monde de
la matière pour tenter de libérer dans la virtualité toutes les potentialités
créatives de l’esprit. Bien qu’il ne puisse pas remplacer les capacités
humaines subjectives, cet outil est capable de booster son potentiel de
façon incalculable, ce qui explique fortement que notre esprit aliéné par
l’histoire de la politique et du pouvoir cherche très souvent à s’évader à
travers lui.
152
4. Consoles de jeux vidéo
Comme Internet et les ordinateurs, la console de jeux vidéos est vide
mais ne permet qu’un seul paradigme en général, celui de jouer à un
ensemble de jeux interactifs offerts par un ensemble de producteurs de
jeux vidéos.
Jouer à un jeu vidéo, c’est faire migrer son esprit dans un autre univers,
plus ou moins fantastique, qui offre à l’esprit la capacité de réaliser
relativement certains fantasmes de puissance qu’il ne peut pas réaliser
dans le monde réel. Être un héros, un shaolin, un grand combattant, un
homme de guerre hors paire, un aventurier intouchable qui risque sa vie,
un flic ou un espion, un sportif ou même une équipe entière de sport,
c’est ce que peut permettre une console de jeux vidéos.
Parfois, certains jeunes en deviennent dégoûtés de la vie elle-même et
préfèrent vivre dans cette sphère interactive et virtuelle plutôt que dans
la vie où l’aliénation règne. Ce n’est que lorsque l’on ne croit plus en ses
mondes que l’on peut d’ailleurs mieux s’en détacher.
Le jeu vidéo c’est la toute-puissance offerte, de façon ludique, mais
qui lance un défi à la « divinité » qui y joue : celui de « finir » le jeu en
traversant toutes les épreuves qui se présentent à lui.
En fin de compte, le jeu vidéo, c’est bien la vie à travers les paradigmes
que nous offre notre société, transfigurée dans un écran, habillée d’une
autre esthétique et d’une autre fonction, avec des structures politiques
qui diffèrent selon les jeux. Mais le langage est tout de même bien pareil,
c’est celui de la vie de notre système, où les rêves de la victoire et de
la réussite de soi se confronte à la résistance de ce qui lui paraît être
étranger.
L’incapacité de pouvoir apercevoir ce challenge dans l’existence ou
plutôt d’y percevoir son impuissance incalculable, pousse la personne,
selon son degré de croyance envers cette sphère virtuelle, à migrer
dedans en exprimant tous ses besoins dans le processus interactif qui
s’offre à lui.
153
Ainsi, les jeux vidéo sont bien l’expression de notre besoin de s’affirmer
sans véritablement pouvoir le faire dans l’économie capitaliste
contemporaine.
Au dessus du monde de ses usagers, les jeux vidéos, c’est aussi la
guerre commerciale entre ses grandes marques, guerre qui connote la
mythologie des dieux en conflit ou encore les gladiateurs des arènes de
Rome. Fantasme et propagande de la grandeur du jeu capitaliste guerrier,
divertissant les joueurs et leurs supporters, mais aussi les économistes
spécialistes et les dévorateurs d’actualités économiques.
V – Objets de consommation et rêve
Chaque objet de consommation est dû à une histoire qui concerne sa
fabrication et ce que cela peut évoquer culturellement. Là encore, une
fois de plus, nous pouvons affirmer que ce condensé de signifiance
onirique, entre savoir-faire historique et connotation culturelle ne se
dément pas.
Il n’est pas inenvisageable qu’il y ait une dimension relativement
régressive de certains savoir-faire en ce qui concerne la qualité et la
noblesse d’un objet depuis la perte des petits commerçants artisanaux.
En effet, la production de masse dévalorise la qualité de l’objet qui n’est
plus artisanal mais industriel, ce qui lui donne justement une dimension
matérielle plus liée à la virtualité à travers des objets clonés à l’infini
qu’au savoir-faire d’une personne.
Comme il l’a été dit sa dimension rêvée se placera, elle, dans un
condensé de significations lié à son héritage culturel et à son héritage lié
au savoir technique.
Nous placerons donc dans la dimension rêvée de l’architecture
d’un objet, son savoir-faire signifiant, son esthétique relativement
signifiante mais à dominante a-signifiante ou encore abstraite et toutes
les valeurs culturelles qu’elle véhicule. C’est l’ensemble de toutes ces
caractéristiques qui permet de définir des objets matériels comme faisant
partie du domaine des rêves éveillés.
154
Nous étudierons ici à travers la cryptographie Virtualiste des rêves
quelques objets (ou encore produits pour éviter tout quiproquo) habités
d’une valeur moderne très prisée.
1. Les jouets
Les jouets sont des objets ludiques parfois articulés qui revêtent des
formes esthétiques multiples (personnages, voitures, avions, maisons...).
Aujourd’hui ils peuvent être robotisés et équipés de sons ou encore
de lumières, comme les voitures télécommandées par exemple. Les
jouets sont destinés aux enfants de 1 an jusqu’au début de l’adolescence
approximativement.
Les jouets sont sans doute l’incarnation la plus primitive des jeux
occidentaux en général, et qui eux peuvent être pratiqués à tout âge. Les
jouets ne sont pas non plus la condition sine qua non pour faire jouer les
enfants, ils peuvent indépendamment d’eux en inventer à leur guise.
C’est principalement à travers le commerce de certaines industries que
les jouets ont été le plus grand synonyme du jeu en offrant régulièrement
de nouveaux modèles et de nouveaux concepts à leur clientèle.
La difficulté technique pour produire un jouet est en général assez faible,
ce qui permet à son producteur de pouvoir lui faire revêtir n’importe
quelle forme esthétique. Cette même esthétique dépendra souvent de
l’époque à laquelle le jouet appartient et de ce qui est fantasmé lors de
cette même époque, mais elle dépendra aussi de l’avancée technique ou
technologique des industries de cette même époque.
Les industries du cinéma et ses grandes figures, les dessins animés et
leurs héros, les héros de contes de fée également, les véhicules, les
véhicules de science-fiction etc. seront tout autant sources d’inspiration
aux jouets que n’importe quel élément de la nature ou de la vie (la
dînette, le savant fou, l’alchimiste, les fermes, les médecins etc.).
Le monde des jouets c’est un monde où les mondes des adultes se
théâtralisent et entrent en symbiose, tels des chimères avec les mondes
fantastiques de l’imagination enfantine.
155
Pour les industries commerciales, les jouets leur permettent également de
conforter leur univers de marque dans les mondes de l’enfance (voitures,
motos, avions, footballeurs, jouets offerts dans les céréales de petits
déjeuners etc.).
Certains jouets accentueront même avec caricature les sexes opposés et
pousseront les garçons et les filles à se différencier avec antagonisme. En
effet, pour les filles le monde des jouets sera orné de poupées, de bébés,
de contes, de princesses et d’amour, alors que pour les garçons il sera
orné de voitures, de guerre, de super héros masculins etc.
Toutes les industries qui le pourront créeront accessoirement aux
produits et services qu’ils proposent, un monde de jouets afin de préparer
les nouvelles générations à leur univers (Comix, Walt Disney, Bandes
dessinées réputées, marques de voitures et de motos, fast food etc.).
Lors de la manipulation des jouets par les enfants, il se crée une interrelation entre les suggestions qu’offre le jouet à l’enfant, l’imagination de
l’enfant et son univers peuplé de désirs inassouvis.
Tout un univers onirique se crée alors et les fantasmes humains les plus
primitifs du monde occidental ressortent lors du jeu (Voler, faire des
salto sublimes, dire ce que l’on souhaite à l’ennemi, être belle et bien
habillée, s’occuper de son bébé comme on s’occuperait d’un jouet ou
d’un totem...).
C’est bien un univers virtuel qui se recrée de toute pièce à travers les
jouets que les enfants manipulent.
C’est aussi à travers l’objet manipulé, la réalisation par l’enfant de sa
toute puissance. En effet, l’objet ludique est manipulé par l’enfant à sa
guise, comme un Dieu qui aurait tous les pouvoirs sur sa créature. Ainsi,
le jouet devient objet de jouissance, réalisation de tous les fantasmes,
comme lorsque l’on lance des cailloux sur une fourmilière pour se
divertir.
Mais c’est aussi un processus d’identification qui s’effectue sur le jouet
lors de la simulation d’une histoire dans laquelle l’enfant joue un rôle
simultané de créateur, de narrateur et de personnage fictif.
156
Enfin, il faut préciser que le jouet est une sorte d’illusion car c’est un
besoin qui n’est pas forcément nécessaire à l’enfant. En effet, nous
pouvons donner l’exemple des jeunes Africains ou du français pauvre
qui n’aura lui pour jouer, que besoin d’utiliser une roue de vélo avec un
bâton par exemple. À travers les jouets, l’enfant s’initiera donc dès sa
plus tendre enfance à la consommation, à l’imagination toute prête, au
plateau d’or servi sur la table.
2. Vêtements
Pourquoi donc y a-t-il des vêtements et des costumes dans le sens
clownesque du terme ? Le costume trois pièces est utilisé par les hommes
la plupart du temps lors d’un événement particulier tel qu’un mariage. Il
y a une norme culturelle, sociale et même professionnelle pré-établie qui
répond à certains codes relationnels. C’est là les codes vestimentaires.
Suite à la visite d’une exposition, j’ai contemplé des tableaux de
costumes peints par un des artistes dans une galerie. Chaque costume
était la représentation symbolique d’un comportement en société. Par
exemple le tutu de la danse classique connotera un comportement
de danse classique pour son spectateur et ainsi de suite. Une tenue
vestimentaire permet donc à celui qui la porte, le pouvoir de se
comporter d’une certaine manière. Elle le détermine et le libère de
certains codes relationnels et comportementaux.
Dans la propreté d’un vêtement, dans son aspect plus ou moins neuf,
mais aussi dans la façon dont il s’agence avec l’ensemble de la tenue,
le code vestimentaire dévoilera également un trait caractéristique d’une
personne, de son univers social, de sa santé psychologique etc.
Ainsi, chaque vêtement connote bel et bien un ensemble de
significations, lié à la classe sociale, à la communauté culturelle ou
contre-culturelle, à la localité que la personne occupe, à la sexualité donc
à la séduction, à sa fidélité envers un groupe social et affectif, ou encore
au respect des codes d’une situation professionnelle. Les territoires
socio-économiques et socio-culturels offriront à l’individu un certain
panel de choix vestimentaire dont il ne devra en généralité pas dépasser
les frontières, c’est cette frontière établie par le groupe qui définira ce
157
que peut être un costume.
Notre panel de choix reste donc plus ou moins limité selon les lieux, les
groupes, les cultures etc.
Le costume se lie donc obligatoirement à ce qui relate de l’événement,
bien que l’événement ne soit l’unique raison et condition du costume.
Un vêtement peut être chargé d’une signification affective, par exemple
lié à un ami proche ou à une histoire familiale, ou encore à un souvenir,
à une histoire quelconque. Le vêtement, rien que dans les charges
symboliques qu’il représente, peut ne plus être porté avec fierté, et ce
indépendamment de sa force esthétique et séductrice.
Un vêtement c’est aussi une façon d’appréhender, d’exprimer ou de
dévoiler notre rapport au monde, à la politique ou au commerce et à
l’argent. En effet, entre ceux qui loueront les marques de sapes et de
chaussures telles que Nike ou Adidas, et ceux qui loueront les vides
greniers, entre ceux qui aimeront les habits de luxe diversifiés et ceux
qui ne se vêtiront qu’en smokings ternes, il y aura une grande marge
significative.
La construction identitaire, s’effectuera donc aussi dans la façon de nous
dévoiler en public, ce notamment dans les lieux citadins. En effet, à la
campagne un paysan ou un ouvrier ne prêtera au quotidien pas la même
attention à ses habits qu’un homme ou une femme qui travaillera en ville
dans le tertiaire, ou qui fera partie d’une communauté où la tenue joue
un rôle presque primordial. D’ailleurs, le capitalisme cherche à donner
une grande importance à l’apparence vestimentaire jusqu’à la rendre
expressive, profonde et rendre cette même apparence aussi authentique
que l’âme de la personne qui la porte.
Les films, les publicités, la télévision, les communautés culturelles
fortement intégrées dans le capitalisme et tous ceux qui participent
le plus pleinement au maintien de son ordre, ne se gêneront pas pour
entretenir cette dimension de l’identité culturelle, politique, existentielle
et commerciale de l’individu. Cette dimension pourra même chez les
punks, les libertaires, les gens de la rue, dans les cités HLM ou encore
chez les hippies, être un de leur symbole de résistance, une de leur
158
expression vindicative, envers le monde salarial ou socioprofessionnel du
capitalisme.
Les événements tels que les défilés de mode mettront en avant le sexe
féminin et sa parure vestimentaire en vantant son habit comme étant un
outil indispensable à la séduction et à l’image de marque d’une femme.
C’est là d’ailleurs une des promotions principales pour l’entretien
de l’économie textile du capitalisme, mais aussi pour l’entretien du
capitalisme lui-même.
En effet, ce qui évoque le charme évoque chez une femme son couple,
qui évoque un enfant et la construction d’une famille, ceci nécessitant
également la sécurité économique de sa propre famille, donc aussi la
consommation et le travail (salarial ou entrepreneurial).
Les vêtements c’est aussi la présentation, donc l’acceptation du regard
suspicieux, c’est l’ordre d’un surveillant de collège qui dit : « enlève
ta capuche ou ta casquette », ou c’est le compliment d’un ami qui
dit : « elles sont cool tes nouvelles chaussures ». C’est donc aussi une
facette du rapport social très proche de l’entretien d’embauche, bien
qu’il s’exprime sous une forme différente. Mais quel est donc cette sorte
d’entretien d’embauche ? C’est celui des regards, donc des amants, des
couples, du sexe, mais aussi celui de la communauté, du passant étranger
ou celui de la réputation sociale, de la suspicion, de la façon dont on sera
observé par la plupart des gens que l’on côtoie.
Dans un vêtement, il y a aussi le week-end, les fêtes, les bars avec toutes
leurs aventures d’ivresse, d’amitié et d’amour.
Nous dirons encore que le vêtement peut être l’objet d’un cadeau. Dans
le vêtement, il y aura aussi du côté des deux sexes, un jeu amical et
fraternel traditionnel proche du prêt et de l’échange, dans une sorte de
pacte primitif qui sera garant d’une amitié ou même d’une fraternité
fidèle et où l’habit le plus symbolique de chaque personne s’échangera,
sorte d’économie affective et de troc
souterrain.
Un vêtement s’adaptera donc dans notre système forcément à son
contexte, quel qu’il soit (enterrement, mariage, quotidien fade et
ennuyeux, rendez-vous galant etc.).
159
Les vêtements seront aussi l’incarnation des époques historiques
traversées, ils se revendiqueront alors comme des drapeaux et comme
des pays spatio-temporels.
Les vêtements seront aussi faits d’une histoire géo-politique, car ils
seront liés à des intérêts de toutes sortes dont principalement le profit
dans l’économie qui nous loge. Ce phénomène géo-politique, entraînera
donc aussi des conflits de luttes économiques internationales (le coton
par exemple).
Mais ils peuvent aussi être une tentation à la délinquance et au vol, selon
la valeur de l’habit qui est porté par une tierce personne.
Ainsi, là encore une fois, la société telle que nous la vivons s’exprimera
plus ou moins caricaturalement dans ce domaine de l’économie
capitaliste.
3. Bijoux
À travers les bijoux commercialisés, il y a des époques, des traditions et
des cultures qui s’expriment, et dont la valeur symbolique se disloque
ensuite dans le monde du capitalisme.
Le bijou diffère selon les époques mais aussi selon les cultures.
Un spécialiste des bijoux reconnaîtra très facilement à quelle culture
celui-ci appartient. Dans chaque gamme de bijoux traditionnels, il y a
une charge mystique, symbolique et historique qui ornera la culture qu’il
habite.
Un bijou, c’est comme une couronne, car c’est affirmer la sacralité
d’un symbole, d’une culture, d’une histoire et d’une personne. Ce
seront en général, notamment en occident, beaucoup les femmes
qui en seront ornées. Nous pourrons y voir plusieurs signifiances,
l’obsession de l’homme et de la femme envers le sexe, mais aussi la
caractéristique voluptueuse que la femme représente, habite et incarne
dans l’acte sexuel. Ainsi, la femme sera le totem du phallus et de la
virilité masculine, signifiance plus ou moins machiste, mais aussi
paradoxalement très respectueuse, car la femme est aussi la représentante
de la construction d’une famille à travers la grossesse et l’accouchement.
160
Le capitalisme, lui, détruira énormément de codes culturels historiques à
travers la commercialisation des bijoux, car sa fonction reste avant tout
commerciale et intéressée donc manipulatrice et mensongère. Mentir sur
l’histoire et la nature d’un symbole par exemple, c’est mentir aussi sur
son origine et sa culture, sur ses codes culturels... Nous pouvons donc
penser légitimement que ces codes lui sont dérangeants.
En effet, comme le disent si bien Gilles Deuleuze et Félix Guattari, le
capitalisme, par ses mensonges et son obsession envahissante pour le
profit, est une structure destructrice de codes culturels et traditionnels,
surtout lorsqu’il engendre des processus commerciaux de récupération
de ces mêmes codes culturels et traditionnels.
Ainsi, lors de cette récupération commerciale, ces codes s’auto-détruisent
d’eux-mêmes, car ils ne seront alors plus du tout vendus et produits dans
le même contexte traditionnel que celui auquel il appartenait (exemple :
la vierge marie en pendentif touristique produit industriellement,
les T-Shirt ou le paquet de tabac industriel avec une icône de Che
Guevara...).
Le capitalisme ne détruira tout de même pas toutes les sources d’identités
culturelles. La gourmette en argent avec le nom de la personne gravée,
où la chaîne en argent ou en or persistera toujours dans la culture
occidentale. Nous citerons aussi la belle montre et la bague de fiançailles.
Dans le monde capitaliste, le bijou ce sera l’originalité où l’appartenance
à certaines modes et certaines façons de séduire (comme le piercing
sur le nez ou à certains endroits de la bouche). Cela pourra aussi être la
représentation du luxe ou encore des mondes les plus « trash » et les plus
« destroy » dans certains cas.
Chez les femmes, les boucles d’oreilles seront presque une obligation
et même un besoin culturel (connaît-on une seule femme qui n’en
possède pas en occident ?). L’obligation peut d’ailleurs très souvent se
transformer en besoin et même en plaisir, symbole d’appartenance à la
communauté féminine.
Il ne servira pas de rabâcher que ce monde illustrera encore l’histoire du
capitalisme et de sa politique...
161
Pour les hommes, les boucles d’oreilles pourront être un symbole de
rébellion, de luxe (exemple : les anneaux ou les faux diamants), de
masculinité, d’esprit bagarreur, de bad boy etc.
Les bagues, elles, pour les hommes ce sont particulièrement les bagues
chevalières, que l’on trouve portés dans les milieux urbains contresculturels.
Dans les milieux de la musique électronique, des milieux la plupart
du temps relativement « mystiques », les bagues seront par exemple
ornés d’un symbole mystique de l’Hindhouisme, (le 3e œil, un de leurs
symboles tribaux...).
4. Produits de beauté
Les produits de beauté sont très souvent synonymes d’une idéologie
occidentale contemporaine, celle de l’hygiénisme (à travers les crèmes
anti-rides, les pommades contre les peaux sèches etc.).
Sinon, les produits de beauté tels que les parfums, les savons parfumés,
les déodorants etc. évoquent le plus souvent la saison fétiche de la
résurrection, c’est à dire le printemps et toute ses floraisons, autours des
chaleurs passionnelles de l’amour et du sexe.
Les produits de beauté sont le plus souvent utilisés par les femmes
pour plaire aux autres, pour faire remarquer leurs traits de beautés
etc. Le maquillage sera plus ou moins obscène, plus ou moins subtile,
plus ou moins drôle etc. Mais la propreté, c’est bien là, ce qui reste
principalement mis en avant par l’industrie économique des produits
de beauté, par le biais de tout un appareillage médiatique (publicités,
magazines de beauté, télévision, films etc.).
Dans les propagandes capitalistes, la beauté de la femme est forcément
propre, lisse, bien maquillée, où la mise en scène y est parfois si parfaite
qu’elle en devient presque fasciste et fascisante, en promulguant
quasiment au sein de ses médias le règne du Nouvel Homme, l’homme et
la femme mannequin, la beauté que l’on envie indiscutablement. Ainsi, à
travers cette esthétique, le capitalisme devient lui-même indiscutablement
beau et attrayant, séduisant et charmant. Face à la télévision et à la
beauté insolente de ses présentatrices, on se retrouve très souvent
misérable, moche, moins bien entretenu, plus timide, moins sérieux,
162
moins drôle...
Les retouches de photographies publicitaires, effectuées par des grands
professionnels peuvent en témoigner : aucune faute esthétique ne doit
ressortir à travers le symbole d’une belle femme qui orne la publicité
d’une marque de rouge à lèvres.
Ainsi, c’est la dynamique d’une loi sociologique, celle de la mimétique
qui s’instaurera ensuite chez les consommateurs, car qu’on le veuille
ou non, les critères de beauté promulgués à travers les médias, nous les
respectons généralement bien, ils nous sont même irrésistibles. Qu’on le
veuille ou non, il nous est impossible de ne pas reconnaître une beauté
fatale, même celle d’un attardé fini. Cette beauté n’échappera donc à
aucun regard, ni à notre inévitable besoin d’envier l’harmonie de ses
formes, ni à la relative dévalorisation que cette beauté impliquera chez
nous, en lui laissant la place du trône du plus bel imbécile.
Pour certains afro-américains, immigrés noirs de France, ou encore
pour certaines communautés noires issus de l’immigration, les femmes
noires maquillées étaient perçues comme des traîtres envers leur
communauté d’appartenance, trahison liée à l’imitation honteuse des
femmes blanches en reniant par là même leurs propres origines esclaves.
C’est bien là un phénomène dialectique de l’histoire, un engagement
politique existentiel qui se symbolise dans le simple acte du maquillage.
Il en sera de même à notre époque dans certaines communautés contreculturelles politiquement révoltées qui ne sont pas forcément constituées
de personnes à la peau noire et qui peuvent être constituées de toutes les
couleurs de peau, dont celle de la peau blanche.
Ainsi, le maquillage c’est aussi parfois un symbole d’appartenance
communautaire, politique même, qui se relie à l’apparence et à
l’implication de la femme sur un échiquier politique et économique
mondial. Cela peut donc être une critique, une question sur l’économie
du sexe, sur la philosophie politique du sexe dans toutes ses dimensions
existentielles et culturelles.
Pour les hommes, ce sera dans certains cas la honte de la vieillesse
ou l’entretien de la peau fragile avec tout un ensemble de pommades
réparatrices qui cajoleront symboliquement le corps en proie à sa
163
dégradation naturelle. La vieillesse est donc, de façon plus ou moins
implicite, un sujet lié à la moquerie et à la honte, car elle est symbole
du dépérissement du corps mais aussi de notre charme séducteur qui
porte une grande fonction dans la sexualité et dans la volonté de plaire.
En fin de compte, la vieillesse est pourtant naturelle et garde sa part de
beauté et sa part d’horreur, tout comme la beauté quasiment fasciste des
mannequins publicitaires. Apparemment, les gens préfèrent tout de même
le sexe à la beauté, sous toutes ses dimensions possibles. La beauté
sexuelle du corps c’est aussi une ruse naturelle, celle d’un corps masqué
de jeunesse par le temps, pour assouvir le besoin primitif de jouissance,
donc inconsciemment celui de la reproduction.
La beauté c’est enfin l’odeur, où le parfum et le déodorant impliquent
une valeur faussement judéo-chrétienne : celle de la honte des odeurs du
corps, donc du corps brute et de son caractère animalier, naturel, bestial.
La beauté, comme il l’a été dit dans mon ouvrage Du Virtualisme – Les
nouvelles contributions, reste en fin de compte relative à ce qu’elle
a pour fin, mais aussi relative dans le regard ayant la capacité de
transformer ce qui est moche en beau, en tant qu’interprète et auteur de
sa finalité politique et existentielle du beau.
5. Machines à laver
La machine à laver, une révolution technologique au service du temps
disponible et de la fin des contraintes. Le droit de revendiquer sa flemme
de laver son propre linge de ses propres mains, en léguant cette corvée
à un automate qui s’en occupera sans broncher, sans vivre et sans se
plaindre. La machine à laver, la fin de certaines formes bourgeoises
d’esclavage et de dévalorisation du pauvre. Cette dévalorisation du
pauvre, elle migrera ensuite vers ceux qui iront à la laverie, symbole
d’une corvée nouvelle sans la possession de cet engin, qui nous
fera attendre le temps que la machine termine son labeur. La laverie
publique est en effet un symbole de corvée, une corvée irritante, celle
de l’attente. C’est une corvée, oui, mais c’est aussi une méfiance plus
ou moins légitime qui règne entre tous ses usagers. C’est là donc une
conséquence sociale des rapports civils que nous partageons, où se
164
faire voler ses affaires reste quelque chose de plausible, vol effectué
d’ailleurs tragiquement par d’autres pauvres, c’est à dire par ceux qui
nous ressemblent le plus. Sans notre surveillance nous pouvons perdre
nos habits, nos draps etc., l’attente sur les lieux du lavage reste donc une
tache inévitable.
La machine à laver fait partie du monde de l’électro ménager et de
toute ses grandes distributions multinationales. Elle se place comme le
pilier central des mondes confortables de cette industrie. À travers elle,
c’est bel et bien une révolution technologique qui a eu lieu, révolution
industrielle en compagnie de toutes les euphories populaires qui
pensaient encore relativement à tort se libérer des contraintes naturelles
de l’existence.
La machine à laver, cela impliquera ensuite le monde spécialisé de la
lessive et de toutes ses sollicitations publicitaires. Un monde onirique à
travers les marques de lessive fera son apparition, avec leur fonction, leur
tare, leur mascotte (exemple, les lessives 2 en 1, Omo micro, Le Chat,
etc.)... Ce monde de rêve s’affirmera avec obsession et acharnement tout
le long de l’année dans le monde des couches populaires à travers les
grands médias. Se créera alors une atmosphère hypnotique où le rêve
capitaliste des lessives participera à l’ambiance générale du moral de ses
usagers.
La machine à laver questionne donc l’Humanité dans son rapport à la
corvée et à la contrainte, à la subordination naturelle du corps envers
des vêtements sales, au temps qu’ils lui feront perdre dans la vie, une
vie d’ailleurs déjà bien rongée par le monde du travail. La machine à
laver, se lie donc aussi à l’histoire dévalorisante de la corvée ménagère,
effectuée le plus souvent à l’époque par les femmes au foyer ou par
la femme de ménage. C’est en conséquence une vengeance historique
qui s’exprime, envers la chose des habits qui se salissent, mais aussi
envers toutes les connotations politiques et les jugements de valeur
que cela impliquait socialement en société. Dans une machine à laver,
il y a alors aussi le féminisme, la lutte des classes et la problématique
de l’aliénation. Nous n’avons pas cité les inégalités contemporaines
entre les pays du nord et ceux du sud, qui posent la question d’une
165
démocratisation de la machine à laver, avec toute les problématiques
écologiques que cela comporte en conséquence, en cas d’une absence de
mutation de notre système économique.
6. Lave vaisselles
Tout comme les machines à laver, le lave vaisselle est une révolution
technologique récente qui libère d’un bon nombre de corvées
quotidiennes. Encore une fois, c’est un outil qui offre à l’être humain une
revanche sur la contrainte et sur le temps qu’elle nécessite.
Un lave vaisselle, c’est aussi la capacité de pouvoir utiliser sa vaisselle
sans avoir le stress de l’après repas, par exemple pour organiser un grand
dîner avec de nombreux invités, c’est un plus pour celui qui l’organise,
une diminution du stress.
C’est aussi la possibilité pour les restaurants de pouvoir se libérer
également de quelques embauches et cela leur permet donc d’économiser
leur budget. Il en est évidemment de même pour les grandes chaînes de
restauration.
Tout comme les machines à laver, c’est encore une industrie publicitaire
qui sollicite à travers la télévision l’ambiance quotidienne de ses
consommateurs pour la lessive spécialisée des lave vaisselles.
C’est également la représentation glorieuse des connaissances
scientifiques occidentales qui s’additionnent dans l’histoire et qui se
glorifient à travers les industries capitalistes. Ceci s’effectue par le
progrès toujours croissant des capacités qu’offre ce genre de machines.
En effet, ce genre d’engins est donc aussi synonyme de gloire et de
mérite pour ceux qui les produisent et pour ceux qui les distribuent
(distribution, garanties, livraisons...).
Avoir un lave vaisselle, ça n’est pas offert à tous, cela nécessite une assez
grande cuisine, un certain pouvoir d’achat etc. En général, ce sont les
familles de classes moyennes qui en sont équipées.
Une personne ou une famille dotée d’un lave vaisselle c’est aussi
166
une personne ou une famille cataloguée comme plus ou moins petitebourgeoise (bien que cela ne soit pas forcément eux qui en aient).
Le lave vaisselle, ce n’est pas que le confort, c’est aussi la gloire
du progrès technologique, un symbole de la rapidité de l’activité
économique et industrielle capitaliste, c’est aussi le couronnement de
la position de classe de son utilisateur. En effet, celui qui l’utilise est
exempt de cette corvée qu’est la vaisselle et est en conséquence couronné
par cette machine. Son possesseur « ne mérite pas de subir cette peine, il
est plus grand, il vaut plus que cela ». Dans un système méritocratique,
c’est donc aussi un trophée lié au mérite, celui d’avoir un positionnement
socio-économique suffisamment élevé pour être libéré d’une corvée
quotidienne. S’implique alors forcément à travers l’existence de cette
machine, une définition existentielle, mais aussi une définition philosocio-économico-politique de notre condition humaine, de notre
quotidien et de notre rapport au mérite. La machine à laver posait ellemême cette question par rapport aux inégalités nord sud et à l’obligation
pour les gens du tiers monde de ne pouvoir en être doté.
7. Micro ondes
Le micro-onde est une glorification du fait de « manger sans attendre »,
tout comme les « Fast food ». En effet, cet engin permet de réchauffer
des plats, des boissons ou des aliments déjà préparés à une vitesse grand
« V ».
Notre rapport au fait de cuisiner, de réchauffer un plat, d’attendre son
repas, c’est ce rapport là que l’on avait auparavant avec la nourriture, un
rapport lié à la lenteur. Ce rapport à la lenteur n’existera quasiment plus
à travers cet appareil, il induira même un rapport de vitesse et influera
sur toute notre subjectivité qui s’insupportera plus vite de l’attente d’un
repas, un caprice occidental qui est finalement très ordinaire au sein de
toutes les enfances.
La question du temps et de la rapidité se pose de façon très sérieuse dans
une économie industrielle, capitaliste et extrêmement chronométrée, car
elle nécessite de gagner le plus de temps possible pour faire fonctionner
l’économie et les ventes : « Time is money ». Perdre du temps dans
167
l’économie, c’est aussi perdre de l’argent et donc perdre du pouvoir
d’achat, c’est alors aussi perdre du pouvoir ou encore de la liberté d’être.
Ainsi, l’avènement de ce genre d’appareil qui reste au service du gain de
temps, n’est-il pas en fin de compte une conséquence mystérieuse de la
volonté abstraite, obsessionnelle et effrénée de notre système capitaliste,
qui ne laisse au temps de chacun que le règne de l’argent ? Aurions-nous
inventé ce genre de machines dans une structure économique différente,
qui aurait un autre rapport à l’organisation et au temps ?
Le micro onde, c’est aussi l’avènement d’une nouvelle communauté
sociale, celle du jeune adulte déprimé, qui joue sans cesse aux jeux
vidéos ou qui regarde sans cesse des films Hollywoodiens, en réchauffant
ses plats « déjà » cuisinés dans les micro-ondes. C’est l’ère américaine
du fast food et de la nourriture « funny ». La nourriture et la lenteur des
cuisines d’antan sont considérées par cette culture comme un handicap
de vie, celle-ci n’étant qu’un accessoire au divertissement croissant du
consommateur dans les sphères virtuelles.
C’est secrètement l’apologie de la vitesse industrielle et croissante du
capitaliste qui se loue dans le micro-onde. Le micro-onde, c’est aussi
l’industrie de tout un ensemble de plats déjà cuisinés, plats à l’emballage
« flashy » et « fashion » dans les supermarchés.
Mais c’est aussi la possibilité de réchauffer facilement ses plats dans son
lieu de travail et de réchauffer également sans peine son café, un gain de
temps pour l’activité professionnelle.
C’est donc une révolution socio-culturelle au sein de notre traditionnelle
et naturelle alimentation quotidienne.
Aujourd’hui, ne pas être doté d’un four à micro-onde, c’est quelque
chose d’assez étonnant pour la plupart des personnes qui seront invités
chez vous. Ce sera pour une personne invitée l’occasion de dire : « tu
n’as pas un micro-onde pour réchauffer le café ? Il a refroidi... Sérieux ?!
T’en as pas ?! Achète t’en un ça coûte rien ! ». Lorsque l’on a pas de
micro-onde, on se fait donc un peu remarquer.
Le micro onde c’est aussi le fantasme culturel de la peur d’une explosion
potentielle lorsqu’on ouvre ou lorsqu’on y met par inadvertance du
168
métal. La possibilité qu’un micro onde puisse exploser engage chez les
gens un ensemble d’anecdotes ludiques sur les dangers de cet engin, tout
comme le gaz qui sort des cuisinières le permet.
Un bon repas cuisiné, il mijote en général pendant beaucoup de temps,
plus il cuit, meilleur il est. La glorification du micro-onde, c’est donc
aussi le dénie de cette règle culinaire et l’introduction relativement
affirmée de la malbouffe.
VI – Alimentation et rêve
L’alimentation à l’heure de la mondialisation, notamment en ville
occidentale, c’est deux choses : Tout d’abord c’est l’expression de la
culture culinaire d’un pays ou de la culture culinaire locale d’un pays.
Ensuite c’est l’expression glorieuse de la mondialisation économique
du culinaire où le métissage a lieu. En effet, n’importe quelle origine
culturelle peut ouvrir un commerce de sa propre culture culinaire
ou même d’une autre culture culinaire. Mais c’est aussi l’avènement
de l’industrialisation et de la commercialisation massive du monde
culinaire, comme les chaînes de restauration, les grandes marques
alimentaires ou les fast food. C’est enfin la possibilité de consommer des
fruits et des légumes qui ne se cultivent pas sur notre propre terre grâce
au monde du transport.
Dans une ville, l’alimentation est proposée aux consommateurs au sein
d’une gamme d’arc en ciel, avec des teintes et des contrastes de saveurs
qui peuvent aller des légumes les plus diversifiés aux plats déjà préparés,
ou encore du restaurant haut de gamme aux restaurants les plus rapides,
les moins chers et les moins fins qui soient.
L’alimentation c’est aussi la retouche agricole de l’industrialisation des
légumes et des fruits, dopés pour être embellis, afin que la vitrine soit
alléchante et proche d’un parc d’attraction séduisant comme peuvent
l’être les produits de beauté. Il en sera de même pour la viande. Un
légume fait naturellement (sans pesticides, ou autres produits chimiques)
est d’ailleurs moins beau, moins symétrique, moins gros, plus coriace à
169
la bouche (pour certaines pommes par exemple), mais habité de plus de
saveurs, de force et de subtilité. Dans l’alimentation qui nous est offerte
en ville, il se cultive donc aussi l’ignorance de la nature des choses,
ceci allant jusqu’à la culture de notre ignorance de la nature esthétique
véritable d’un fruit ou d’un légume.
C’est aussi la diversité des cultures agricoles possibles, sur une terre
et un climat local x ou y, qui ne peut se faire au profit d’un commerce
plus simplifié, plus quantitatif, mais aussi plus séducteur car plus
spectaculaire et évident pour l’esprit des consommateurs. En effet,
l’alimentation c’est aussi la sélection de certains légumes et fruits
plutôt que d’autres, impliquant chez celui qui l’ignore la croyance
en l’existence exclusive de certaines légumineuses par exemple. Il
existe en fait une diversité surprenante d’oranges ou de pommes qui
ne se commercialiseront jamais par exemple, il en est de même pour
la plupart des fruits et des légumes offerts en supermarchés. Il existe
en plus aussi des légumes et des fruits non cultivés et dont on ignore
l’existence. N’est-ce donc pas là une construction virtuelle et onirique de
l’alimentation ?
L’alimentation, c’est malheureusement de nos jours aussi la perte
du « savoir cultiver une terre », donc le paternalisme et le monopole
industriel du monde de la nourriture. Se réapproprier ce domaine, ce
serait aussi faire face à son ignorance et donc à la peur et au manque
de confiance en soi face à l’épreuve du fait de ré-apprendre. Léguer ce
pouvoir à un tiers, cela reste donc plus évident que de tenter de maîtriser
quelque chose que l’on ne connaît même pas (l’agriculture), qui demande
en plus un effort physique, contrairement aux marques et aux publicités
qui se familiarisent quotidiennement à nous.
Sinon, les restaurants locaux, incarnent l’identité d’un territoire, son art
culinaire est une de ses fiertés historiques, sorte de musée interactif qui
n’apporte très souvent que du plaisir au client.
Il en est de même, mais plus humblement pour les restaurants d’origines
culinaires étrangères (c’est comme une équipe de football qui ne serait
pas sur son propre terrain avec son propre public).
170
Les grandes chaînes de restaurants, c’est aussi une économie
monopolistique de la restauration, avec ses fasts foods, son identité de
marque proche de celle des marques de voiture, son propre univers etc.
C’est un pôle culinaire qui offre sa propre cuisine, sa propre identité, qui
crée donc sa propre culture artificielle en récupérant de façon chimérique
certains codes de toutes les autres cultures historiques (exemple : le Mc
Donald et son sandwich Mc Indian).
À travers ce genre de chaînes, c’est un monde de mode à tradition
capitaliste qui se construira auprès des masses populaires, avec leur
propre culture, en les rassurant par là même de l’absence flagrante d’une
culture véritable, culture déléguée aux mondes virtuels et politiquement
impuissants.
Les petits commerces indépendants exploiteront eux très souvent des
petits filons de survivance, et se sur-multiplieront avec mimétisme
lorsqu’une idée commerciale fonctionne. Nous citerons l’exemple des
traiteurs asiatiques ou des fast foods grecs américanisés.
Pour les enfants, l’alimentation ce sera aussi le monde des friandises
industrielles diverses, les goûters et les petits déjeuners gourmands. Ce
sera aussi toute une propagande quasiment inquiétante, accompagnée
de mascottes publicitaires animées très influentes. L’enfant se construira
devant ce genre de nourritures artificielles de la même manière qu’il le
fera avec les jouets. Les friandises habitent alors un univers fantastique
qui rentre en résonance avec l’univers de l’enfance.
Pour les enfants, l’alimentation c’est aussi des contes à travers des
légumes ou des fruits, comme par exemple « le haricot magique » qui
monte dans le ciel dans le conte de Jack et le haricot magique. Cela peut
aussi être des légumes animés dans certains dessins animés, dans certains
livres illustrés, mais aussi dans certaines bandes dessinées.
Il existera aussi le monde de l’école publique ou privée, où la cantine
sera un des moments les plus importants pour les enfants, avec des repas
d’exception lors des moments de fêtes, comme par exemple Pâques ou
Noël.
Certains aliments symboliseront une identité lié à un super héros de film
d’animation ou de bandes dessinées (le sanglier d’Asterix et Obelix, la
pizza des tortues ninjas, les épinard de Popeye etc.).
171
Pour les adultes, ce sera aussi à travers les mythologies que la nourriture
sera mise en valeur comme par exemple dans les Evangiles avec le
pain et le vin de Jésus, à travers la corne d’abondance des mythologies
grecques etc. Ce sera la pomme de la connaissance du Bien et du Mal
illustrée dans la Genèse Biblique qui sera ensuite récupérée dans le
conte initiatique de Blanche Neige ou encore même par la multinationale
Apple. Pour certaines figures du Bouddhisme, l’abondance en
nourriture sera un symbole de vertu et de joie avec des représentations
iconographiques de gros bouddhas entourés de nourriture et de vin.
Ce pourra aussi être les natures mortes et les portraits surréalistes
d’Arcimboldo. Ce sera alors en conséquence l’évocation historique des
artistes de tous bords, qui se sont intéressés à cette facette humaine de la
vie. La nourriture sera souvent un sujet poétique, que cela soit dans sa
dimension qui la relie à l’ivresse ou dans sa dimension frugale. Ce pourra
aussi être le repas galant, les repas de familles ou d’amis qui serviront
de plate-forme aux rapports conviviaux. Ce sera aussi les banquets de
Socrate ou ceux de Jésus qui symboliseront la réunion.
Il existera également le monde des repas d’affaires qui se rallieront à des
accords commerciaux et à des entretiens d’embauches.
Existeront enfin les grands repas de fêtes comme ceux de Noël et du
nouvel an, ou encore comme ceux des mariages, des enterrements et
des anniversaires. Dans ces repas, il émergera en même temps toutes
les histoires et les potins des familles, des amis, des couples mariés etc.
Certains événements auront selon toutes ces histoires particulières des
charges symboliques plus ou moins prononcées.
Certains aliments symboliseront des moments de fête (le foie gras, la
bûche de noël, le gâteau d’anniversaire, la dinde farcie, les œufs de
pâques, champagne du mariage et des moments exclusifs, tapas et toast
des vernissages etc.). Cela sera aussi les moments festifs ponctuels,
traditionnels ou même officieux, tels que les pique-niques ou les
barbecues, sortes de glorification du printemps et de l’été.
Sinon, ce sont les repas des mondes politiques, associatifs, de quartier ou
d’entreprises qui symboliseront l’union d’une communauté particulière
de la société.
172
Nous citerons aussi les repas de soutien destinés à aider un individu, une
communauté ou un peuple en difficulté.
L’alimentation, ça peut aussi être la peur, car c’est la possibilité qu’il
puisse exister la famine et donc l’insécurité, la faiblesse et la mort.
Dans le monde de la grande distribution et de l’agro-alimentaire, tous les
univers publicitaires de la télévision se retrouveront au supermarché, si
ce n’est dans les supermarchés pour les pauvres (faisant en fait souvent
partie des mêmes chaînes de distribution), qui eux n’auront aucunement
droit au packaging publicitaire fidèle au monde des publicités ambiantes.
Là encore, c’est un nouveau tableau des classes sociales qui fait son
apparition, avec toute son histoire économique et politique.
Des grandes distributions de toutes sortes feront donc leur apparition
selon les tendances politiques et les niveaux de classe, de la plus
écologique, à la plus capitaliste, jusqu’à la classe plus bas de gamme.
Le packaging lui, représentera un rêve pour le consommateur au travers
de l’emballage et de la publicité paternaliste qui l’habite, sans pour
autant que cela soit garant de la qualité culinaire du produit consommé.
Ce monde de l’emballage inclura le monde des graphistes et des créatifs,
qui ne sont aucunement cuisiniers, ni artistes d’ailleurs, car au service
d’une industrie intéressée et travestie par l’argent (selon la définition des
surréalistes fidèles au monde le plus authentique de l’art, l’art brut). Les
créatifs et les graphistes, incarnent aussi le monde des ordinateurs et des
logiciels, ou encore le talent de plusieurs illustrateurs, de divers peintres,
ou de retoucheurs de photos. C’est donc encore une multi-signifiance qui
s’additionne encore à celles citées précédemment.
Bien évidemment, il ne sert à rien de tout énumérer pour démontrer la
thèse défendue par cet ouvrage, celle que nous vivons relativement dans
un rêve éveillé.
VII – Services et rêve
Les mondes des services (le secteur tertiaire) au sein du capitalisme
sont des mondes aux offres extrêmement diversifiées. Presque toutes les
propositions des mondes du service sont relativement complémentaires à
173
la commercialisation des biens capitalistes, c’est-à-dire complémentaires
à ses produits de tous genres, comme ceux qui ont été précédemment
soumis à la cryptographie virtualiste des rêves.
Nous citerons ici quelques exemples de services tels que : les réparateurs
d’automobiles, les réparateurs de vélos, les réparateurs de téléphones
portables, les réparateurs d’ordinateurs, les trafiqueurs de consoles pour
jeux vidéos, les couturières, les services à la personne de toutes sortes...
Le monde des services, c’est en partie la capacité d’avoir accès à ce
dont on n’a pas accès d’habitude, comme par exemple les voitures, les
camionnettes et les camions de location, les vélos de location, certains
appareils qui servent à des travaux liés au monde du bâtiment (karcher,
pistolets à peintures etc.), les salles de sports avec leurs engins de
musculation sur mesure...
Les services peuvent aussi nous dédouaner de certaines corvées
insupportables ou nous offrir un savoir faire que nous n’avons pas nousmêmes, comme par exemple, l’entretien de son jardin, les séances de
massage, les cours de sport dont les sports de combat, les infirmières du
privé et du public, les assistances pour personnes âgées, les hommes ou
les femmes de ménage,..
Il existe aussi tout un ensemble de services offerts au monde des
entreprises en général, comme l’entretien du matériel informatique, la
mise en réseau des ordinateurs d’une entreprise, la mise en service et
l’entretien d’un distributeur de café, la possibilité d’avoir accès à un
coursier très rapide pour transporter des documents professionnels,...
Tous les services que nous venons de citer, montrent bien l’extrême
complémentarité qu’ils entretiennent avec les produits de l’économie
capitaliste, mais aussi l’extrême inter-dépendance que les individus ont
les uns envers les autres.
Ne pas savoir jardiner ou entretenir un jardin, c’est avoir besoin de
quelqu’un qui puisse le faire, il en est de même pour tout autre savoirfaire. Cette interdépendance est garante des inter-relations en société.
Sans elles nous constaterions, comme il l’a été dit plusieurs fois dans
ce livre, une société occidentale disloquée et dénuée de traditions et
cultures véritablement fédératrices.
174
Nous pourrons également citer un ensemble de services plus ou moins
ludiques, tels que les services associatifs qui offrent des ateliers
d’écriture, de tricot, de musique et de chant, etc.
Les services purement commerciaux que l’on pourrait cataloguer
d’hostiles ne s’effectueront eux que dans un cadre purement commercial,
comme toutes ces agences de location, ces taxis, ou ces grosses
entreprises de services à la personne,...
Ces deux secteurs, c’est à dire ceux des services ludiques et ceux des
services commerciaux dits hostiles, sont habités d’une fonction éthique
et politique totalement différente, l’un a la capacité de créer de véritables
liens affectifs, humains et sociaux, tandis que l’autre restera fait de
rapports plus froids à travers un échange purement commercial.
Nous trouverons également au sein du monde des services, une peinture
des hiérarchies socio-économiques et socio-professionnelles très fidèles
à ce qu’elles incarnent véritablement : les bourgeois seront accompagnés
d’un chauffeur et d’une voiture de fonction, certains grands hommes
seront accompagnés de gardes du corps, la petite bourgeoisie aura un
appartement entretenu par une ménagère, les pauvres iront eux dans les
cyber café sans posséder d’abonnement internet ou d’ordinateurs,...
Beaucoup de pauvres ou de personnes appartenant à la classe moyenne
devront elles-mêmes s’occuper de la décoration de leur nouvel
appartement, tandis que ceux qui auront plus de moyens pourront faire
appel à des décorateurs spécialisés dans l’intérieur (peintures, sols,
carrelages etc.).
Souvent, être servi sera un synonyme de pouvoir d’achat, si ce n’est au
sein des services associatifs ludiques, ou si ce n’est au sein des réseaux
et des collectifs solidaires (qui sont souvent faits de très bons amis, de
communautés politiques etc.) qui seront eux synonymes de liens affectifs
et sociaux véritables.
Beaucoup de rêves apparaîtront dans le monde des services : les
sports de combat et toutes les connotations que cela peut impliquer,
les ateliers d’écriture et toutes leur charge symbolique, les massages
et les manucures sources de bien être, de beauté et de charme, les UV
175
et l’apparence des peaux bronzées en automne, les salles de sport et
le façonnement du corps, les hommes et les femmes de ménage qui
permettent de se sentir servi chez soi et d’être dédouané de certaines
corvées...
Mais ce que le service implique, c’est la reconnaissance de notre
interdépendance et donc la reconnaissance de notre insuffisance en
société, donc de notre handicap qui s’exprime par le besoin des autres.
C’est en conséquence, approuver implicitement que l’on ne se suffit
pas à soi-même et donc, c’est aussi déconstruire l’idée stéréotypée de
« la personne qui s’en serait sortie tout(e) seul(e) dans la vie » et sans
aucune assistance d’autrui. C’est en conséquence réfuter l’idéologie
méritocratique et poser multiples questions philosophiques et politiques
sur l’interdépendance des humains envers leur prochain.
VIII – Marchés noirs et rêve
Lorsque l’on témoigne de multiples coups d’états organisés par des
états dits de droit, lorsque l’on témoigne de multiples corruptions qui se
répètent chez beaucoup de politiciens tout au long de l’histoire, lorsque
l’on témoigne des paradis fiscaux et des multinationales qui profitent
des états de non-droits, lorsque l’on voit la non-ratification de plusieurs
protocoles très importants pour le réchauffement climatique, lorsque l’on
témoigne que les droits de l’homme ne sont que très rarement respectés,
peut-on alors s’étonner du miroir inverse du capitalisme et de ses
législations étatiques, celles que sont les mafias et les marchés noirs ?
Que peut nous permettre l’argent ? Des vols de tous genres, du deal, de
la délinquance, des crimes, des viols, de la prostitution... Tout autant
de sujets qui introduisent au monde des marchés noirs. Beaucoup de
personnes passeront par ce genre de marchés pour pouvoir se procurer
ce à quoi ils n’ont pas accès dans l’économie de marché. Nous citerons
en priorité la drogue, puis la prostitution, et enfin les commerces de tous
genres (voitures, motos, téléphones portables de valeur, bijoux,...). Il
existe même des commerces d’objets d’art très rares qui sont volés dans
les musées, donc des marchés noirs pour la grande bourgeoisie.
176
Ce que connoteront les marchés noirs, c’est bien le constat de l’injustice
flagrante du système capitaliste et la reproduction vengeresse de ce
même schéma dans les domaines où les commerces de bon droit n’ont
pas accès.
Ce sera aussi le détournement de la législation pour se procurer ce que
cette législation ne nous permet pas.
Ce sera aussi s’approprier une contrebande de la violence légitime, en
défiant avec rébellion la législation établie et ce, jusqu’à créer dans les
mafias un impôt aux ressortissants de « ses » terres. Un second état de
non-droits fera alors symétriquement apparition dans le monde, celui des
marchés noirs, ombres du capitalisme et de ses fautes.
Certains deals ou même certains crimes serviront les états de droit et les
grands commerces dans une symbiose ambiguë entre les deux mondes
commerciaux (payer un tueur pour faire taire quelqu’un, se procurer une
drogue indisponible dans le marché de droit etc.).
Nous pourrons remarquer des germes d’une discrète symbiose avec
par exemple la vente des longues feuilles à rouler pour les joints de
marijuana, les téléphones portables à double puce pour la surveillance
policière, la commercialisation de musiques qui exhibent les profanations
législatives de l’état etc.
Dans beaucoup de films, ces marchés noirs seront d’ailleurs sources
de fantasme et de gloire, tels que dans Las Vegas Parano, Le Parrain,
Scarface ou encore certains films de tueurs à gages tels que Léon, ou de
cambriolages et de braquages tels que Ocean eleven etc.
Finalement l’état de droit ne serait-il qu’un semblant de justice dans un
monde de barbarie et d’anarchie de droite ? Nous le constaterons dans
la difficulté de pouvoir condamner les corruptions de grands hommes à
travers les tribunaux et la facilité à pouvoir condamner un pauvre qui a
volé et/ou frappé quelqu’un pour lui voler son sac.
Le milieu des marchés noirs sera lui-même habité de codes, dans son
propre argot et de lois très précises à respecter. Ces marchés créeront
donc leur propre législation sous peine de règlements de comptes,
de tortures ou même de crimes. Dans ce monde, l’arnaque peut être
177
très facile si l’on ne connaît pas ses codes, d’ailleurs, même si nous
les connaissons, celle-ci rodera toujours lors de certaines transactions
illicites, et ce surtout si le vendeur n’a pas vraiment ce qui doit être
prétendument vendu.
En France et dans beaucoup de pays occidentaux, les marchés noirs
sont synonymes d’immigration, de blacks-blanc-beurres et donc d’une
certaines forme de racisme et de néo-apartheid, alors que nous le
constatons pourtant bien, les mafias existent dans tous les pays et donc
dans toutes les couleurs de peau.
Ce seront pourtant bel et bien eux qui seront souvent contrôlés et qui
feront l’objet de soupçons : les jeunes des quartiers populaires, des cités
dortoirs, les jeunes issus de l’immigration pauvre.
Nous ne serons donc pas surpris que la majorité des détenus des prisons
seront les plus petits sous-traitants de ce grand marché de non-droit et
qu’il seront très souvent issus de l’immigration pauvre.
Pour l’ensemble des citoyens en règle, ces milieux inspireront la crainte,
un besoin pulsionnel de faire appel à la sécurité policière à travers de
la méfiance, du racisme plus ou moins dévoilé, mais aussi à travers un
regard subjectif sur les populations pauvres d’origine étrangère, souvent
salis par ce que les médias en auront dit.
178
En conclusion – Tromper en s’affichant trompeur
Le capitalisme s’affiche tel qu’il est dans toutes les dimensions que
nous avons abordées. Il trompe ouvertement sans que nous puissions
véritablement l’affirmer devant son masque de paix et de droiture. Ainsi,
c’est bien à une sorte de racket ou à une sorte de duperie évidente à
laquelle nous faisons quotidiennement face.
Inconsciemment, c’est à travers des fuites oniriques un peu gauches, que
nous nous évadons avec plus ou moins de brio, en reconstruisant une
culture populaire sur la culture commerçante de cette économie.
Ce qui n’est pas dit, ce qui reste dans le silence, c’est bien le rêve
que nous savons tous et qui nous rend si malheureusement hypocrite
et théâtral. Cette comédie s’oblige sans pouvoir trouver une autre
échappatoire politique où l’on ne risquerait pas sa propre vie. La rumeur
du silence social et économique a quelque chose de cauchemardesque,
d’inavouable, où le théâtre s’obligera inévitablement : nous ne sommes
pas ensemble, ne pouvons pas l’être, car la structure de notre système ne
nous le permet pas et nous ne le permettra jamais sans une alternative
politique et un accord plus ou moins partagé sur ce point.
Quand à la caractéristique rêvée du capitalisme, elle est plus ou moins
claire, je vous offre la sécurité et un relatif confort en échange d’un
théâtre et de certaines règles d’obéissance, de toute façon vous avez peur
et ne pouvez vous gérer vous-mêmes et vous le savez.
Le capitalisme c’est aussi la culture de l’ignorance lorsque l’on sait que
les choses les plus érudites y restent en marge dans tous les domaines de
cette économie.
En ce qui concerne sa dimension rêvée, le capitalisme dira aussi :
« je vous aime, que vous m’aimiez ou non, vous me trouvez beau et
vous avez besoin de m’aimer, sous peine de ne pas savoir ce que vous
trouverez à ma place. ». On sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce
qu’on retrouve.
Ainsi, le capitalisme aura le brio de s’affirmer comme un moindre mal
alors qu’il est responsable de presque toutes les guerres du XXe et du
XXIe siècle, y compris responsable de la naissance des totalitarismes de
39/45, nous ne citerons pas la crise écologique de notre époque.
179
Dans ses produits et ses services, c’est toute son histoire que l’on peut
y déceler, y compris la nôtre, malgré ses masques, c’est bien une multisignifiance qui ne peut nous échapper qui en ressortira. Plus d’artistes
et de personnes utiliseront la cryptographie Virtualiste des rêves
pour décoder ce qu’il y a derrière les ventes, et moins le peuple sera
manipulé par des offres plus ou moins dangereuses pour l’avenir humain
(écologique, sanitaire, climatique, social,...).
Bien évidemment la vie n’est pas un rêve mais il a toutes les
caractéristiques du rêve tel qu’il est défini par Freud, le seul et unique
fait qui se détache du monde des rêves de Freud c’est bien la douleur et
la mort (Dites-moi que je rêve ! Pince-moi, pince-moi fort stp!).
180
Conclusion
La cryptographie Virtualiste des rêves, a bel et bien je pense, fait ses
preuves dans son domaine. Il est un traducteur de langues oniriques ou
plutôt de langages subjectifs imbriqués les uns dans les autres comme
peut l’être une pelote de laine.
Traduire les rêves, c’est aussi les contextualiser. Plus on connaît le
contexte de son langage étranger et ses multiples facettes, mieux il est
possible d’en parler.
Est-ce donc alors le réel masqué du capitalisme qui est un rêve dans
le sens illusoire du terme, est-ce le rêve crypté qu’il habite qui est
réel ? En est-il de même pour les délires et les trips psychédéliques des
témoignages de la seconde partie de cet ouvrage ?
Pour les œuvres pirates du Virtualisme, il va sans dire que ce livre sera
une véritable arme de défense face aux manipulations que les ventes du
capitalisme et que ses médias nous véhiculent.
Une arme, mais aussi un outil de travail et de recherche qui pourra
compléter les études préliminaires présentées ici-même.
Outil de déconstruction, analyse empirique des rêves promulgués
par ses masques commerciaux, cryptographie traductrice des trips
psychédéliques et des délires qui peuvent mener les personnes à plus
de ténèbres et de perdition, reconnaissance de la vérité du langage du
rêve sous toutes ses formes, reconnaissance de sa dimension ordinaire,
élaboration d’une esquisse théorique de la cryptographie Virtualiste des
rêves, c’était bien là le but et le défi de cet ouvrage.
Nous en arriverons finalement à la conclusion que la seule chose qui
séparera le monde des rêves du monde réel sera la mort et la douleur.
Une raison qui nous poussera à nous inquiéter d’une des dimensions
occidentales, celle de sa société de consommation à l’heure d’un
plausible complot de pouvoir lié au contrôle des peuples, thèse défendue
par Naomi Klein, dans La stratégie du choc.
Car lorsque règnent principalement les rêves dans une société (tel le
Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley), l’avènement de la douleur et
de la mort peut être si choquant, qu’il pourrait permettre une dictature
185
internationale de grande urgence octroyé par un peuple dépossédé de sa
connaissance, de sa culture et de ses savoir-faire.
À l’heure du réchauffement climatique et de tous ses dérèglements, à
l’heure de la fin énergétique et aussi de la biodiversité en général, avec
le constat d’une réaction plus que fébrile du pouvoir, cette thèse ou
hypothèse reste quelque chose de tout à fait envisageable.
De plus, lorsqu’Hannah Arendt affirme dans Les origines du
totalitarisme que le rêve de tous les pouvoirs dans l’histoire fut celui de
son expansion, jusqu’à l’avènement d’un état mondial.
Dans l’ignorance de la psychologie des pouvoirs en exercice, que l’on
surprend déjà en occident d’actes de corruption, il s’avère inévitable
au principe de précaution, de prendre cette hypothèse en compte et de
l’anticiper le mieux possible en avertissant les peuples de ce qui reste
plausible.
Aider le peuple à refuser de déléguer la totalité de son pouvoir en
l’informant que cela peut s’avérer possible, cela reste inévitablement
légitime, surtout lorsque l’on témoigne du fait que l’Europe a ratifié
un texte sur ses pleins pouvoirs envers les états nations qui l’habitent,
lors d’un état d’urgence extrême, et ce à l’heure d’une crise systémique
clairement entamée.
Enfin, Il reste à insister que cet ouvrage rentre en arborescence avec
l’ensemble de mes œuvres Virtualistes et qu’étudier mon Virtualisme
dans sa globalité est assez indispensable à la compréhension de
l’ensemble du travail effectué.
186
SOMMAIRE
______________________
INTRODUCTION.............................................................................7-13
Cryptographie Virtualiste des rêves
PARTIE I : La cryptographie Virtualiste des rêves..........................17-36
I - Le rêve, entre hasard et nécessité................................................21-24
II - Le rêve, entre liberté, désir, aliénation et contrainte...............24-27
III - Le rêve, l’existentialisme, l’histoire et le capitalisme..............27-30
IV - Instinct analogique et sens de la métaphore...........................30-31
V - Existentialisme, capitalisme, rêve, crise systémique et nécessité 31-33
Conclusion – La stratégie du choc de Naomi Klein.......................34-36
PARTIE II : Témoignages et cryptographie Virtualiste des rêves...39-65
I - Olivier et les drogues psychédéliques........................................43-47
1. Un trip psychédéliques sous LSD....................................................43-44
2. Le pouvoir de l’esprit et le LSD...........................................................45-46
3. Les confusions visuelles......................................................................46-47
II - Mon oncle et la paranoïa..........................................................47-49
III - Ursule......................................................................................49-52
IV - Ibrahim.....................................................................................52-54
V - Baz..............................................................................................54-58
VI - Valérie.....................................................................................58-59
VII - Djomo....................................................................................59-60
VIII - Joseph....................................................................................60-61
IX - La part médium des délires et des rêves éveillés....................61-62
Conclusion - Un duo de rêve, une complicité maudite.................63-65
PARTIE III : Capitalisme et cryptographie Virtualiste des rêves 67-180
L’Argent, matière première des rêves capitalistes.......................74-77
I - Environnement et rêve..............................................................78-129
1. Urbanisme ............................................................................................82-100
A/ Cryptographie du commerce immobilier.......................................82-88
B/ Cryptographie du monde urbain......................................................88-98
C/ Cryptographie du logement...............................................................98-100
2. Transports.......................................................................................100-129
A/ Transports en commun : Métro, Bus, Tramway...........................104-106
B/ Trains.............................................................................................106-111
C/ Bateaux touristiques.........................................................................111-112
D/ Avions..............................................................................................112-114
E/ Caravanes.....................................................................................114-116
F/ Camions, camionnettes.................................................................116-117
G/ Voitures...........................................................................................117-120
H/ Motos, scooters, mobylettes, vélos..................................................120-125
I/ Skates, rollers, trottinettes...............................................................125-127
J/ Transports militaires........................................................................127-129
K/ Alors quoi ?.............................................................................................129
II - Médias et rêve........................................................................129-140
1. Journaux, magazines, livres...........................................................130-136
A/ Journaux.........................................................................................130-133
B/ Magazines.......................................................................................133-134
C/ Livres (entre commerce et politique éditoriale).............................134-136
2. Télévision........................................................................................137-140
3. Radio........................................................................................................140
III – Audiovisuel et rêve..............................................................141-146
1. Cinéma..............................................................................................143-144
2. Dessins animés.................................................................................144-146
3. Diverses formes audiovisuelles............................................................146
IV – Numérique et rêve...............................................................146-154
1. Téléphones portable........................................................................146-149
2. Internet.............................................................................................149-151
3. Ordinateur.......................................................................................151-152
4. Consoles de jeux vidéo...................................................................153-154
V – Objets de consommation et rêve...........................................154-169
1. Les jouets............................................................................................155-157
2. Vêtements..........................................................................................157-160
3. Bijoux................................................................................................160-162
4. Produits de beauté...........................................................................162-164
5. Machines à laver...............................................................................164-166
6. Lave vaisselles.................................................................................166-167
7. Micro ondes.......................................................................................167-169
VI - Alimentation et rêve.............................................................169-173
VII - Services et rêve....................................................................173-176
VIII - Marchés noirs et rêve.......................................................176-178
En conclusion - Tromper en s’affichant trompeur......................179-180
CONCLUSION............................................................................183-186
BAZ 2014
VIRTUALISME.ORG
Benny Aguey-Zinsou
2014
Cryptographie Virtualiste des rêves
Capitalisme
Décrypter la part des rêves du capitalisme et du réel contemporain cela
revient à dévoiler ses réalités sous-jacentes et donc à pirater les ambitions
manipulatrices et hypnotiques de leurs masques, si l’on peut les définir
comme tels.
La seule chose qui nous permet de les définir comme étant des masques
et non comme étant des mondes à part entière, c’est l’incompréhension
générale que les occidentaux ont de ces mondes et donc la prééminence du
langage du réel dit ordinaire par rapport à celui du langage du rêve et du
rêve éveillé. En d’autres termes, les occidentaux ne parlent pas la langue
des rêves qui habite pourtant toute notre quotidienneté.
S’ils ne parlent que le langage du réel, une cryptographie du rêve s’avère
nécessaire pour ne pas confondre des dimensions langagières qui n’ont
rien à voir les unes avec les autres.
Baz, 2014

Documents pareils