Cryptographie Virtualiste des rêves
Transcription
Cryptographie Virtualiste des rêves
Benny Aguey-Zinsou 2014 Cryptographie Virtualiste des rêves Capitalisme Benny Aguey-Zinsou 2014 Cryptographie Virtualiste des rêves Capitalisme « Maintenant je ne sais plus si je suis un homme qui a rêvé qu’il était un papillon ou si je suis un papillon en train de rêver qu’il est un homme. » Le rêve de Tchouang-Tseu Introduction Jusqu’où se place la dimension rêvée au sein de la virtualité occidentale ambiante suite à l’avancée des nouvelles technologies et des technosciences ? Transport, urbanisme, devantures commerciales, produits et services de toutes sortes, emballages mis en valeur (packaging), publicités, télévision, séries télévisées, émissions télévisées, films de toutes sortes, cinéma, jeux vidéo, musées, expositions, musique, concerts, ordinateurs et internet, lecteurs mp3, téléphones portables, netbooks, journaux, magazines, bandes-dessinées, livres de toutes sortes... C’est au sein de tous ces domaines considérés par le Virtualisme comme étant virtuels que s’implante par la même, selon cet essai, une dimension rêvée qui est loin d’être négligeable. C’est au sein du premier essai expérimental, littéraire, philosophique, poétique et délirant Du Virtualisme et au sein du premier recueil de poésie Intersections chez les éditions Alfabarre, que j’y désigne plusieurs dimensions liées aux rêves éveillés. Que cela soit à travers Ursule (dans Intersections et Du Virtualisme) ou encore à travers Thalia et Fanny (dans Du Virtualisme), la thématique de la folie et des trips psychédéliques (suite à la prise de drogues hallucinogènes) démontrent que l’Interprétation des rêves de Sigmund Freud peut être mise en pratique au sein du réel dans certains cas bien précis. Car ce sont bien des rêves éveillés auxquels j’ai témoigné à travers les trois rencontres citées précédemment. Il a également été dit au sein du petit essai littéraire Le Virtualisme, une définition, mais aussi au sein de l’essai Du Virtualisme, que les délires au sein de la psychose, de la paranoïa et des “trips” psychédéliques, avaient une fonction cryptée dans son caractère hallucinatoire. Les rêves en plein éveil permettent de comprendre - lorsqu’on décrypte correctement leur forme caricaturale et extravagante - des phénomènes comportementaux et subjectifs qui se manifestent chez nous tous à des degrés plus ordinaires. En effet, l’intensité émotionnelle des “trips” et des délires s’éloignent en général du réel classique et le traduisent plus brillamment par des 9 interprétations oniriques, métaphoriques, créatives et originales. Il ne s’agit pas de ce fait de dire que la même chose se passe dans ces deux phénomènes comparés et mis en analogies (phénomènes ordinaires et phénomènes hallucinatoires), mais plutôt de dire que la base comportementale subjective reste analogue au niveau du sens rationnel qu’ils évoquent. Ainsi, un sens dominant persiste dans les deux cas et dans ce qu’ils impliquent de façon existentielle chez leurs percepteurs. Dans l’essai Du Virtualisme - Les nouvelles contributions (Tome II de Du Virtualisme) chez les éditions Alfabarre, il a été montré que l’inconscient, ce producteur d’intensités émotionnelles et d’intensités pulsionnelles, est un dé-constructeur de la conscience et de sa logique rationnelle civilisée de névroses socioculturelles. Il a été aussi montré que l’inconscient représente un monde de l’être qui fonctionne par a-signifiance (de par son anarchie multi-langagière), mais aussi que son dialogue avec la conscience vêtue de signifiance nous permettrait dans la vie quotidienne, de réguler notre conscience rationnelle à nos propres désirs existentiels, incontrôlables et cachés. Ceci nous servirait à éviter un trop plein de refoulements (les inhibitions sont sources de pathologies et de mal-être), mais aussi à comprendre grâce à notre sommeil hanté de rêves complices et conseillers, ce qui a déjà été refoulé. Ce dialogue permettrait également à la conscience de stimuler son rapport au monde imaginaire et créatif. Enfin, cette inévitable inter-relation permettrait à la conscience d’éprouver sa rationalité et de la rendre plus souple, plus humble, moins psycho-rigide, mais aussi plus habitée de dialectique. C’est tout ce cheminement réflexif qui introduit une nécessaire cryptographie Virtualiste des rêves. Suite à cela, précisons aussi que dans l’essai Du Virtualisme - Les nouvelles contributions, il a été montré de façon créative que les visages (c’est à dire les faciès) des individus que nous côtoyons quotidiennement et et qui nous sont familiers se retrouvaient plus ou moins suggérés par les visages de passants inconnus. Ces visages inconnus croisés par 10 exemple dans la rue ou le métro, peuvent ainsi représenter un condensé de plusieurs personnes que l’on a déjà connues, tels ces personnages fantasmatiques qui habitent nos rêves lors de notre sommeil (et qui ont été décrits par Freud dans L’interprétation des rêves). Dans le petit essai Le Virtualisme : une définition, il a donc été émis de façon déductive une hypothèse : le réel, serait-il un condensé multisignifiant de tous les réels antécédents, par l’addition de l’héritage naturel et par l’addition de l’héritage de l’histoire de l’Humanité ? Si tel est le cas, ce condensé de multi-signifiances, pourrait-il en conséquence avoir un caractère analogue à celui des rêves tels qu’ils ont été définis par Sigmund Freud dans son Interprétation des rêves ? Toutes ces hypothèses m’amèneraient à croire que notre époque contemporaine qui est submergée d’architectures virtuelles de toutes sortes, est elle-même imprégnée de rêves, de mythes et donc aussi de fantasmes, de désirs. La critique écologiste du confort consumériste, qui reste impossible sur une planète aux ressources plus ou moins limitées en est un exemple flagrant : Un ensemble d’hallucinations subjectives et collectives s’effectuent en dépit des ressources planétaires, mais aussi pour d’autres cas, en dépit du bien-être social etc. Reste à ajouter que ma capacité à décrypter les trips délirants des tierces personnes rencontrées est sans doute due à l’existence d’un inconscient collectif occidental, car l’Interprétation des rêves de Sigmund Freud ne devrait normalement fonctionner de façon optimale que pour la personne qui vit son propre rêve, mais il n’en est apparemment pas ainsi. L’hypothèse de l’existence d’un inconscient collectif se certifie au sein d’une seule et même culture, car les codes socioculturels sont partagés par toutes les consciences de cette même culture, l’inconscient utilisant donc forcément son langage et ses codes pour se manifester à la conscience. Les premières expériences Virtualistes du décryptage des rêves dans les essais précédents sont une réussite non négligeable et implique 11 indiscutablement une mise en pratique plus poussée de cette étude, ce qui impliquerait l’avènement officiel d’une cryptographie Virtualiste des rêves applicable par tous et toutes. C’est bien l’objet de ce livre qui suite à la définition de la nature des cryptographies Virtualistes du rêve en partie I, passera à l’étude cryptographique des folies et des trips psychédéliques de multiples témoignages en partie II, pour enfin traverser le monde des architectures virtuelles de l’économie capitaliste sous toutes les formes de ses parts rêvées, qui pourraient bien déconstruire ses propres prétentions et qui pourraient démystifier ses magies mensongères, garantes de son image de marque et donc de sa pérennité (partie III). Décrypter la part des rêves du capitalisme et du réel contemporain cela revient à dévoiler ses réalités sous-jacentes et donc à pirater les ambitions manipulatrices et hypnotiques de leurs masques, si l’on peut les définir comme tels. La seule chose qui nous permet de les définir comme étant des masques et non comme étant des mondes à part entière, c’est l’incompréhension générale que les occidentaux ont de ces mondes et donc la prééminence du langage du réel dit ordinaire par rapport à celui du langage du rêve et du rêve éveillé. En d’autres termes, les occidentaux ne parlent pas la langue des rêves qui habite pourtant toute notre quotidienneté. S’ils ne parlent que le langage du réel, une cryptographie du rêve s’avère nécessaire pour ne pas confondre des dimensions langagières qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Il s’agit alors de mettre à terme une véritable cryptographie Virtualiste des rêves, sorte de cartographie du mouvement Virtualiste, capable de décrypter à tout moment le monde des rêves émis par le système capitaliste et émis par chacun de ses ressortissants, quels qu’ils soient. Ce livre sera donc un outil Virtualiste de piratage des rêves impossibles du capitalisme, selon les contraintes écologiques, sociales et existentielles du monde, mais aussi l’outil cartographique des rêves éveillés de chacun pouvant leur permettre de ne jamais se perdre dans l’ensemble de ceux-ci, car parfois si dangereux et si sources de conflits 12 ou de paranoïa. En d’autres termes, il s’agira d’apprendre à maîtriser la langue des rêves produits par l’inconscient collectif occidental, peuple que j’occupe. Voici donc ici la naissance de la cryptographie Virtualiste des rêves. 13 Cryptographie Virtualiste des rêves PARTIE I __________________________ La cryptographie Virtualiste des rêves Un rêve n’est jamais sans loi aucune, ni même l’imaginaire d’ailleurs, bien que l’on puisse croire le contraire. L’imaginaire volontaire, combine de façon originale les souvenirs emmagasinés par exemple... Sans souvenir et désir d’agencement original de ceux-ci, pas d’imagination. Qui dit n’est jamais sans loi aucune, dit aussi qu’il n’est jamais sans signification. Un rêve est soumis aux contraintes corporelles, à la santé, aux émotions diverses qui le traversent, à sa libido, à sa sexualité etc. Les rêves sont également soumis aux souvenirs de vie en famille, de vie en société, à la psycho-généalogie et aux traumas qui en ressortent, mais aussi aux désirs et ses quêtes existentielles, sociales, politiques... Ainsi, il est impossible de définir le rêve comme étant purement dénué de significations ou encore comme étant absolument libre et dénué de toute contrainte ou influence, bien au contraire, il est l’incarnation (ou encore l’émergence) de ce trop plein de facteurs déterminants, ceux que la conscience même a du mal à gérer en une seule et unique fois. Le rêve est donc, tout comme le réel, constitué de contours et de sens. C’est bien un récit structuré, mais cette fois-ci d’une façon anarchique. Il est vêtu de ses propres lois et de sa propre façon d’envisager la signification des choses. Voilà donc un argument qui s’additionne aux autres pour tenter dans cette seconde partie de définir une véritable cryptographie Virtualiste du rêve : Le rêve regorge de significations éludées par la conscience, mais pourtant nécessaires à son développement propre. La majeure partie des réalités subjectives manquées se retrouve dans les rêves. C’est ce qu’il fait qu’il est toujours habité de multi-significations. Nous pourrions même dire que les rêves seraient un symbole indiscutable de la transversalité dans son approche et sa nature qui fusionne en son sein tout un ensemble de dimensions humaines évincées. Cette transversalité est anarchique, pulsionnelle, instinctive, quasiment animale, primitive et sauvage donc, car dénuée des normes académiques et intellectuelles établies par les socio-cultures. Lorsque le rêve se déploie dans cette transversalité, il y est tout puissant dans la limite des capacités expressives qui lui sont offertes. C’est l’inévitable manifestation du chaos complexe de la condition humaine et de ses 19 multiples dimensions tiraillées au sein des différents contextes dans lesquelles elle se situe. Comprendre comment la cryptographie du rêve fonctionne, c’est mieux comprendre et aussi mieux déceler la part délirante de la société, occidentale en majeure partie, bien que pas uniquement. Nous citerons ici d’ailleurs une des grandes carences de cette même société : c’est celle de confondre les langages (entre celui du rêve et du délire, et celui du réel et du langage ordinaire) et donc de confondre les territoires et les rôles respectifs de chaque niveau d’expression. Un rêve éveillé n’a pas de grande différence avec les rêves du sommeil, si ce n’est le fait que la conscience, à l’état d’éveil, prédomine en apparence sur le règne anarchique du langage inconscient. Un rêve éveillé permet à celui qui le vit ou le subit lors d’une transe momentanée, d’affirmer intensément sa subjectivité dans son quotidien ordinaire, à travers un langage original et créatif. Quels qu’ils soient, les rêves éveillés nous déstabilisent un temps, nous choquent émotionnellement, et nous permettent de prendre conscience des dimensions intérieures refoulées qui s’y manifestent. Afin de mieux comprendre leur importance il est nécessaire qu’ils soient ensuite soumis à une méditation réflexive sur leur sujet. Ceux-ci sont souvent mis à l’écart au sein des socio-cultures trop normées, bien que leur nature brute et sauvageonne pourrait pourtant leur être de profond conseil. Paranoïas anxieuses, sur-interprétations, projections, colères irrationnelles, irritabilités inexplicables à une trop simple logique etc. Tout autant d’états émotifs qui sont signes du refoulement de certaines dimensions humaines encore inacceptables pour la majeure partie de notre système soit disant moderne, en passant. Beaucoup d’ethnies ont pourtant auparavant, pour leur part, développé ces dimensions intérieures sans pour autant en avoir honte. Mais c’est bien notre peuple moderne, si malade et si dangereux pour la nature, qui s’est proclamé envahisseur et « supérieur » à ces peuples, sans s’imaginer une seule seconde une « quelconque » hypothèse de partage 20 et de métissage. Nous montrerons tout d’abord en Partie II, suite à l’élaboration théorique de la cryptographie Virtualiste des rêves, les réalités manquées qui s’expriment à travers multiples témoignages individuels. Puis ensuite, c’est au sein du système capitaliste lui-même que nous tenterons d’y déceler une part rêvée. Nous essaierons donc pour le moment d’élaborer une charte de ce que peut être la nature théorique d’une cryptographie Virtualiste du rêve. En effet, nous tenterons de décrire théoriquement cette pratique et nous esquisserons donc sa définition dans une sorte de cartographie, structurelle, paradigmatique. Les divers niveaux de signification au sein des rêves seront consolidée par cette structure et cette méthode analytique proprement Virtualiste, qui n’engage donc pour le moment que ce mouvement et son auteur. Cette cryptographie se basera relativement sur l’Interprétation des rêves de Freud comme il l’a déjà été dit précédemment et avec insistance. I – Le rêve, entre hasard et nécessité Le rêve, comme il l’a été dit précédemment, fonctionne de façon transversale, mais contrairement au monde logique, d’une manière chaotique, parfois contingente et surtout anarchique, entre tout d’abord, le hasard et la nécessité de l’existence. Une trop grande quantité d’expériences vécues par un individu reste une chose ingérable pour une simple conscience humaine. Elles explosent et se libèrent alors à travers le rêve qui se déploie pendant le sommeil, mais elles s’expriment aussi avec discrétion lors de notre quotidien éveillé. La première particularité qui paraîtra évidente sur la structure multisignifiante du rêve sera donc de savoir que, quelle qu’elle soit, la structure des rêves restera contextualisée et influencée par les forces accidentelles du hasard et par les forces déterminées de la nécessité. Ces forces agissent sur l’inconscient (extériorité) ou viennent de l’inconscient lui-même (intériorité). Ces forces chaotiques rentrent implacablement en 21 résonance et en dissonance avec le hasard et la nécessité (intérieure et extérieure) rationnelle, existentielle et logique de la conscience civilisée, très souvent aliénée. Tout en sachant qu’il reste impossible de tout décrire, il faut bien savoir que tout ce qui sera cité ici se trouvera à la fois vêtu de hasard et de nécessité suivant l’angle d’approche par lequel on abordera le phénomène observé. Dans le réel du quotidien de chacun nous définirons : Hasard, par l’imprévisibilité ou même l’accident que provoquent certains facteurs déterminés, inenvisagés et déterminants pour une existence et donc un rêve. Nécessité par opposition à l’existence même de ces facteurs contingents, accidentels et à leur influence exercés sur nos projections, nos finalités existentielles, pulsionnelles, politiques, sexuelles, affectives, c’est à dire anarchiquement transversales dans la dimension du monde des rêves. Nous pouvons ainsi affirmer qu’une influence est exercée par l’imprévisibilité du réel, sur le résultat de la nécessaire projection dans l’avenir que s’imagine un individu pour agir et réaliser ses projets propres. Un premier type de rêve éveillé se déduit donc de cette analyse : celui du rapport plus ou moins conflictuel entre une projection imaginée sur l’avenir, dans le réel et l’expérience qui ressort de ce dialogue instable et chaotique. Rêve éveillé entre deux phénomènes hétérogènes, le hasard et la nécessité, le réel et la volonté projetée, l’accident et le destin. Toute forme de rêves restera donc habitée par cette problématique existentielle et paradigmatique. Il faut aussi dire que le terme hasard implique aussi une relative capacité de choix, d’indépendance indéterminée, donc une part de contingence véritable sur notre part d’autonomie. Celle-ci reste un désir indéterminé face aux forces hostiles ou plus ou moins favorables qui l’environnent. Mais affirmer légitimement l’existence de cette forme de hasard relève 22 du domaine de la croyance, de la foi, ou encore de l’hypothèse, car pour notre si petite conscience, savoir si tout est déterminé ou non lui reste pour le moment un calcul impossible. Toujours est-il que la conscience a une capacité relativement grande, selon les contextes dans lesquels elle baigne, pour se positionner de façon autonome sur certains axes d’approche et de contemplation plutôt que d’autres et ne fait pas que subir ses forces intérieures ou les forces qui lui sont totalement étrangères. Un acte prémédité peut donc lui être possible, une élaboration construite sur le monde extérieur également, car le choix autonome de sa position peut l’introduire à l’action et au projet. Le hasard et la nécessité ne sont-ils d’ailleurs pas trop soumis à l’étroite interprétation verbale et subjective que les mots nous permettent ? Ces deux phénomènes, restent-t-ils également soumis à l’instinct interprétatif et analogique de la personne qui les aborde ? Cet abord n’est-il pas d’ailleurs lié à la quête existentielle et politique du désir ? Nous ne verrons, en tous les cas parfois ici, pas de différences véritables entre le hasard et la nécessité qui habitent un rêve et ceux qui habitent le réel, car ces deux fonctions habitent le même domaine : celui de l’existence. Le hasard et la nécessité se placent juste sur des terres différentes (rêve ou réel), ils y auront, selon la sphère que l’on abordera, une fonction et une structure différente. Une seule chose, qui reste tout de même primordiale, différera dans la définition du rêve par rapport au réel : c’est la transversalité et l’anarchie de l’inconscient qui prédominera sur la conscience dans un rêve et ce sera l’inverse pour l’abord subjectif du réel par la conscience logique. La conscience est en ce qui la concerne, dotée de culture, d’une raison considérablement ordonnée avec tout l’héritage disponible de l’existence humaine. Mais la conscience garde tout de même à sa manière, un langage onirique, subjectif et fantasmé qui fonctionne en partie sous le règne de l’inconscient et inversement. 23 Nous pourrions par conséquent considérer qu’un rêve éveillé existe lorsque le fantasme inconscient d’un ou plusieurs individus prédominera sur l’existence des contraintes limitées du réel sensé et qui forme la conscience à une interrelation de plus en plus harmonieuse avec lui. Si nous devions établir une liste synthétique des sources de rêves qui logent entre hasard et nécessité, nous définirions tout d’abord l’imprévisibilité du rapport qu’un individu entretient avec l’extérieur et ce qu’il en mémorisera. Nous pourrions ensuite définir nos aléas émotifs, les aléas de notre condition affective en général, de notre condition sexuelle, de notre état de santé... Nous pourrions continuer cette liste par le passif familial et social d’un individu et tous les souvenirs qui l’accompagnent avec ses plus ou moins grands traumas. Nous citerions enfin, la quête existentielle et parfois même politique qui ressort de ce passif, mais qui ressort aussi du contexte historique de la société dans laquelle il se trouve. Nous pourrions aussi définir le hasard et la nécessité des rêves comme ceci : Nous dirions que le hasard, c’est le résultat et le cheminement expérimental des tentatives de projections de la conscience et que la nécessité, c’est celle de l’existence indiscutable du moi et de ses projections mais aussi celle de l’existence indiscutable mais étrangère du réel qui l’environne et lui fait face. Nous irions enfin plus loin en confirmant qu’un savoir-faire, c’est réduire le hasard des projections de la conscience sur la nécessité du réel et que le savoir-faire s’acquiert en général avec le temps et l’expérience. Ainsi, décrypter un rêve c’est prendre en compte le contexte significatif de ce tiraillement transversal et bipolaire auquel il est exposé et qui l’influence. II – Le rêve, entre liberté, désir, aliénation et contrainte Le rêve pose aussi une question importante à la conscience, celle de la responsabilité qu’elle porte sur son avenir, sur son devenir, sur ses contraintes, ses fardeaux et sur ce qui l’aliène. 24 Lorsque le rêve s’effectue, il avertit de certains facteurs refoulés à l’habitude mais pourtant si importants pour sa quête d’accomplissement. Une quête existentielle et un rêve importent car l’existence d’une personne avance vers la fin de son horloge biologique, c’est à dire vers la fin de son existence : la mort. C’est à travers ce déséquilibre flagrant, imminent, oui à travers ce sentiment instinctif, inconscient, sauvage, anxieux, mais aussi conscient et lucide de notre fatale vulnérabilité, que tous ces processus pulsionnels et anarchiques s’effectuent, notamment dans l’univers des rêves. La question de l’expérience d’être, c’est aussi la question de l’expérience d’être unique et éphémère, d’être donc particulier et particulièrement fragile, d’être momentanément très important puisque voué à disparaître, et d’être doté de sa propre raison et de sa propre conscience pour s’accomplir avant de ne plus être. C’est bien une question ultime et même inévitable pour l’être humain qui naît dans le monde et son histoire humaine. C’est un problème, une solution, un fantasme, une liberté, un fardeau, une contrainte, c’est un rêve, car fait de multiples saveurs, parfois paradoxales, c’est un condensé de sa propre intériorité et un condensé de l’espace-temps qu’il habite et qui l’environne. L’existence permet au corps et à l’esprit humain tout un ensemble d’expériences sensorielles mais aussi tout un ensemble d’expériences effectuées par le fait d’agir sur le réel, de s’y cogner, de pouvoir parfois le conquérir, de se confronter inévitablement à l’altérité etc. C’est une expérience unique en son genre. Elle permet un ensemble d’interrelations avec les autres et avec ce qui nous environne. C’est au sein de tout un spectre sensoriel aux infinies teintes et aux infinis contrastes que l’expérience de la vie garde sa valeur unique, et ce pour tout être et pour tous organismes, quelle qu’en soit la sauvagerie ou la dureté. L’expérience de l’être, c’est se placer dans un océan de désirs hétérogènes, aux courants agités, avec la liberté ou les dures épreuves qui s’offrent à nous. C’est être aliéné par celui-ci et donc torturé. C’est subir les contraintes impliquées par l’époque que l’on traverse (où manger, 25 boire, se reproduire, s’entretenir et s’accomplir n’incarnent pas la même forme). Le processus de l’existence implique un ensemble de conditions, ces conditions nous les incarnons tout autant que nous en sommes étrangers et victimes. Étranger à soi et fidèle à ses désirs, étranger à ses désirs et fidèle à soi, adapté au réel et loin de ses rêves... Anxieux de la mort mais fidèle à son caractère d’exception, au point que, lui faire face engendre, chez nous et chez les autres, une certaine intensité émotionnelle et poussée d’adrénaline. C’est un ensemble de jouissances et de tortures multiples qui s’impose à la condition de l’être. C’est à travers tout ce chaos que s’exprimeront également le rêve, le délire, la folie et le rêve éveillé. C’est donc à travers ce tetraptyque que doivent s’analyser les rêves sous toutes leurs formes, dans notre culture occidentale. Le désir, c’est selon Gilles Deleuze l’agencement de plusieurs éléments qui forment un contexte structurel fidèle à ce que l’on peut fantasmer. La liberté, c’est la capacité de pouvoir réaliser ce que l’on souhaite quand on le souhaite. L’aliénation, c’est tout ce qui nous empêche de développer ce que l’on souhaite épanouir chez soi pour s’accomplir. La contrainte, c’est s’adapter dans l’effort à un ensemble de conditions qui nous sont nécessaires mais aussi étrangères. Dans le rêve, le délire et le rêve éveillé c’est aussi la question existentielle du conflit entre ces quatre corps qui s’exprime généralement très clairement au travers de métaphores, de paranoïas délirantes, de scénarios psychotiques imaginaires, de trips psychédéliques hallucinatoires, ou encore lors du quotidien ordinaire de chacun où la part rêvée est loin d’être négligeable. À la bipolarité du hasard et de la nécessité, s’ajouteront les nuances et les teintes de ces quatre pôles. Nous insisterons sur le fait que la dimension du rêve sous toutes ses formes est à notre époque intensifiée par l’addition de l’héritage des connaissances humaines dans l’histoire, cela rend celui-ci beaucoup plus 26 inédit, plus subtil, plus psychologique et donc sans doute bien plus habité de complexité. III – Le rêve, l’existentialisme, l’histoire et le capitalisme Le rêve est constitué de l’intériorité d’un individu, mais aussi des valeurs et des éléments de l’époque qu’il habite. Ainsi, les préoccupations existentielles, religieuses, philosophiques et politiques qui habitent cette époque historique, seront les ingrédients inévitables à la représentation de ses rêves sous toutes leurs formes (éveillés, délirants, paranoïaques etc.). Il n’y a qu’à voir par exemple les délires de prédictions apocalyptiques judéo-chrétiennes du peuple occidental qui tout au long des vingt derniers siècles a attendu l’imminent retour du Christ. C’est pendant un peu moins de deux millénaires qu’une attente des masses s’est manifestée. Le troisième millénaire est entamé et l’on peut lire encore sur le web certains sites internet nous annonçant l’imminence de sa venue avec toutes les connotations politiques que cela comporte. Ainsi, toute une part de valeurs politiques et culturelles s’imprégnera inévitablement dans les rêves et les délires. Les codes sociaux d’une époque pourront habiter les rêves de toutes les personnes qui en usent ce qui justifie l’hypothèse de l’existence de symboliques et de métaphores collectives, donc également d’hallucinations collectives et de l’existence d’un inconscient collectif, l’inconscient de chacun utilisant les mêmes codes socioculturels que ceux de la communauté sociale et culturelle qu’il occupe. Ceci encourage donc tous les artistes Virtualistes à pouvoir utiliser cette cryptographie Virtualiste des rêves. Le contexte politique, historique et culturel d’une époque reste donc préalable au développement cryptographique du rêve que l’on doit aborder. Aujourd’hui, c’est bien à travers le contexte du capitalisme que l’abord des rêves doit s’effectuer. Comme il a été dit, l’addition de l’héritage culturel dans l’histoire, rend le langage des rêves plus complexe et plus 27 subtil que ceux d’auparavant, car cet héritage est de plus en plus riche et abondant à mesure que le temps passe et donc de plus en plus habité de sens. L’absence de codes et de valeurs clairs à travers l’économie capitaliste rend également le langage des rêves et des délires plus complexe, plus hétérogènes et plus parcellisés, bien que, tout un ensemble de codes sociaux puissent être préservés à travers les différentes communautés sociales qui l’habitent. En effet, le capitalisme dans son apologie américanisée de la liberté, défend en fin de compte l’anarchie de l’argent, c’est à dire la capacité de tout pouvoir acheter avec un capital élevé, c’est bien là une anarchie bourgeoise de droite. La législation n’est en fait qu’une devanture plus ou moins régulatrice de la corruption anarchique libérale permise par une forte somme d’argent ou par une place privilégiée dans l’échiquier de ce même système. Ainsi avec une très forte somme d’argent, nous pouvons acheter de la drogue, des diamants volés, des armes, des armées, un tueur, une prostituée de luxe etc. Mais nous pouvons aussi investir cette même somme pour orienter la législation économique d’un pays ou d’un ensemble de pays, d’une législation économique inter-étatique etc. Ce qui a permis un coup d’état sous le règne d’Allende, ou encore sous le règne de Patrice Lumumba, c’est avant tout le pouvoir octroyé par l’argent pour acheter leur armée. L’argent est donc en général très sale et c’est bien connu. Le capitalisme donne d’ailleurs à l’argent et à la monnaie un pouvoir exorbitant qui est plus qu’inquiétant. C’est d’ailleurs l’argent qui reste aujourd’hui le seul lien véritable entre les gens avec le sexe, l’amour et l’affectivité. Mais l’argent est-il véritablement une valeur culturelle (valeur, oui, mais culture) ? Faire une analyse des éléments qui constituent le capitalisme ou plutôt considérer ses valeurs primordiales c’est également contextualiser à notre époque l’ensemble des rêves qui y sont baignés et le rêve de la structure même de ce système. 28 Nous citerons donc ici : Le salariat et ses contraintes d’obéissance aliénantes ; les classes sociales misérables et leurs ses prolétaires en situation précaire ; les intérimaires dans la même situation pour la plupart ; le chômage omniprésent qui sert en général de réserve de main d’œuvre latente et disponible ; des amours et des familles gâchées par des situations sociales difficiles ; une pauvreté qui influe sur l’ambiguïté morale de l’individu à travers l’acte de délinquance ; l’essor d’une classe moyenne, classe de confort hyper-consumériste, notamment en occident ; l’avènement d’un capitalisme numérique lié aux nouvelles technologies, générateur de nouvelles sphères professionnelles et civiles qui favorisent la perte des repères identitaires dans toutes les dimensions que ce terme comporte ; des médias capitalistes qui dominent sans complexes la construction des réalités dites « actuelles » où l’ensemble de la presse marginale et déviante n’a pas pied ; l’apologie moderne du déplacement, de la circulation et de ses transports ; l’apologie du tourisme et du voyage consumériste qui l’accompagne ; la dévalorisation des disciplines scientifiques et culturelles tant que ses recherches et ses études ne nourrissent pas le commerce capitaliste (La philosophie, la sociologie, l’ethnologie, la biologie etc.), sa méritocratie, ses professions et les carriérismes qui en ressortent ; la marginalisation des communautés politiques et culturelles subversives, novatrices ; la finalité unilatérale et indétrônable du profit capitaliste, qui régit tout - y compris par la violence , jusqu’aux hauteurs pyramidales les plus élevées, les plus intouchables - l’ensemble des comportements humains sans chercher à prendre en compte ce qui en eux ne peut fonctionner que par la seule et unique logique commerciale... C’est dans un contexte historique tel que celui-ci qu’il faut positionner une cryptographie Virtualiste des rêves et je n’ai pas cité ici les problèmes écologiques et sanitaires... Ces contextes devront donc être relativement pris en compte au sein des deux sujets d’études séparés en deux parties distinctes et qui suivront cette démonstration théorique. 29 Il faut pouvoir envisager la définition paradigmatique de la cryptographie Virtualiste des rêves, autant du point de vue du capitalisme, de ses règles et de ses lois économiques, des réalités socio-économiques qui en émergent, que des rêves et des délires d’une personne qui côtoie quotidiennement ce système au sein d’une communauté qui occupe une place dans sa structure. Une cryptographie Virtualiste des rêves doit prendre en compte la subtilité de tous ces éléments, car l’inconscient s’en imprègne de façon conséquente avant d’exprimer dans l’explosion créatrice des rêves ce qu’il a à dire à la conscience. Une quête existentielle, c’est une quête pour la dignité et l’authenticité de sa propre identité. Tous les délires et tous les rêves éveillés restent donc souvent excessivement liés à cette quête existentielle individuelle de soi à travers les autres et de soi par rapport à soi. Cette quête rejoint inévitablement celle des mythologies grecques, des contes initiatiques africains ou des contes enchantés pour enfants. Le héros prend la place symbolique de la réalisation de soi à travers la virtuosité et le brio du courage et de la persévérance. Malgré tous les obstacles et dangers, celui-ci affirme ce qu’il est, coûte que coûte, et quitte à se sacrifier et devenir le récit tragique d’une triste fin. Il s’éternisera alors par la mémoire des récits sur son courage. Contextualiser le rêve ou le délire dans les préoccupations existentielles (héroïques dans les mythologies) de son interlocuteur ou de son sujet d’étude c’est donc un outil important pour une cryptographie Virtualiste des rêves. La préoccupation principale ou dominante d’une personne, c’est en général le pilier du délire et du rêve éveillé. C’est la colonne vertébrale de sa structure onirique. IV – Instinct analogique et sens de la métaphore Le sens instinctif, sauvage et sensible, le sens de la poésie et de la métaphore sont également des outils indispensables pour effectuer une interprétation des rêves selon les méthodes de Sigmund Freud, mais là, dans les domaines du rêve éveillé et de la folie. 30 Une personne qui utilise la cryptographie Virtualiste des rêves doit être suffisamment informé et documenté sur le contexte du sujet analysé, doit bien connaître le sujet qu’il aborde mais surtout doit laisser son instinct analogique, sauvage, instinctif et spontané agir avec assurance et virtuosité. Ce sont comme des sortes de devinettes, de déductions logiques, de jeux de mots, de métaphores, de subtilités, propres au sujet onirique qui sont abordées dans l’étude et l’analyse. Comprendre quelqu’un ou quelque chose que l’on souhaite décrypter reste donc préliminaire à la pratique cryptographique. Ainsi, des exercices de désinhibition, de libération de l’inconscient, donc aussi de notre inconscient collectif, par exemple par le biais de l’écriture automatique d’André Breton dans le Surréalisme, peut être une préparation à la pratique de la cryptographie Virtualiste des rêves. C’est dans la spontanéité et la pulsion que l’inconscient s’exprime le plus et donc c’est aussi dans celle-ci que son langage peut être abordé avec aisance. Il ne faut toutefois pas négliger pour autant la dimension rationnelle de la conscience logique, car c’est elle qui contextualise logiquement le langage inconscient du rêve. V - Existentialisme, capitalisme, rêve, crise systémique et nécessité Entre l’existentialisme des quêtes de chacun et la politique qu’elles impliquent, entre le rêve éveillé effectué par chacun pour cette même quête et les coercitions législatives, entre le capitalisme et son rapport assoiffé de pouvoir, entre le capitalisme et son rapport à la dimension des rêves, entre la nécessité des contraintes matérielles, naturelles, et le mythe progressiste des technologies capitalistes industrielles, c’est un vrai cocktail chaotique, déséquilibré et explosif qui se dépeint devant nous. À l’horizon, c’est à un des plus grands défis du réel auquel se confronte l’Humanité à notre époque. Nous récoltons bien les semences de nos 31 ancêtres et nous ne savons pas véritablement ce qui s’est passé lors de leur passage. Connaître les lois qui régissent notre subjectivité grâce à l’héritage des connaissances de l’histoire humaine et grâce à notre propre talent, cela devient primordial. Une vrai lutte contre l’ignorance doit s’effectuer, car le plus grand danger reste bel et bien nous-mêmes lorsque nous ignorons la loi des facteurs qui nous déterminent (Henri Laborit le disait déjà des années 60 jusqu’à la fin des années 90). Comme il a été dit dans Le Virtualisme : Une définition, nous sommes tous confrontés aux fruits de notre histoire passée. C’est une histoire de fracas, de guerre, de colonisation, d’éradication des traditions et des cultures, c’est une histoire malade où l’on se demande si l’on peut appeler notre espèce Humanité. En effet, l’extrême division des peuples a été cultivée et entretenue par les pouvoirs. Cela nous prête plus à croire en l’étrangeté de l’homme vis à vis de l’homme qu’en sa fraternité partagée. Cela nous prête plus à croire en un cauchemar éveillé incompris et constant, qu’à une lucidité philosophique et empirique qui nous libérerait de nos tares. Heidegger, un des plus grands philosophes du XXème siècle est lui même devenu partisan de la plus grande barbarie intellectuelle de ce même siècle : le nazisme et son totalitarisme morbide. C’est pourtant dans les sphères virtuelles et l’hypnose que nous occupons la majeure partie de notre temps. Je vois des personnes partir dans les transports en commun de ma ville. Ils sont usés et habitués à la routine d’un travail harassant en scrutant et en fuyant leur vie à travers leur téléphone portable, leur livre, leur lecteur mp3,... Je les vois se nourrir aveuglement de journalisme indigent et presque absolument travesti par les grands commerces. Je les vois s’enivrer de la coupe du monde de Football comme pour saluer un événement historique qui représente presque 10 000 fois leur budget annuel, et qui pourrait leur permettre de développer des projets pour leur propre vie. Nous sommes bien dans Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, où le suave calme avant l’hypothèse d’une tempête presque confirmée par tous 32 les spécialistes de notre époque reste à venir. Ne pas en prendre conscience, c’est vivre dans un rêve virtuel, bien que dès à présent le virtuel restera toujours notre condition subjective quotidienne. Du capitalisme et de ses berceuses démoniaques, nous vivons bien dans le bide mensonger et séducteur de La Beauté du Diable. Ainsi, dans l’ambiance hypnotique et mensongère du quotidien, de ses horloges, de ses réveils et de toutes ses cadences militaires, dans l’ambiance de ses spectacles et de ses divertissements télévisuels, de ses publicités qui arnaquent et de ses commerces qui tentent, il rôde l’hypothèse de plusieurs scénarios inquiétants. Imaginer l’avènement et le développement d’un ensemble de gouvernances inter-étatiques occidentales basées sur les grands commerces et la finance ne rassure pas, surtout lorsque le rêve de la gouvernance mondiale a existé dans l’histoire à travers le nazisme et que les États-Unis refusent en toute conscience et connaissance de cause avec d’autres pays de signer l’ensemble des protocoles sur la limitation des rejets de gaz à effets de serre. Pourquoi refusent-ils ces protocoles internationaux ? Je ne suis pas un partisan de la théorie du complot, mais le monde des grands pouvoirs, quels qu’ils soient, je ne les connais pas, je ne connais pas leur culture, leur valeur, leur vision, leurs traditions et leur opinion subjective sur les peuples. Je ne suis clairement pas de leur monde. Presque aucun livre analytique n’existe sur la psychologie des hommes qui ont de grands, de très grands pouvoirs tels que ceux des multinationales, ou encore des USA. Je me permets donc en tant que partisan du principe écologiste de précaution de prendre en compte l’analyse de Naomi Klein sur La stratégie du choc. 33 Conclusion – La stratégie du choc de Naomi Klein Une gouvernance plus coercitive pourrait illusoirement s’avérer être légitime à notre période historique. À l’aube d’une crise systémique où aucune réaction véritable par les pouvoirs n’a été effectuée, alors qu’ils sont les premiers à être informés et conseillés de l’actualité de celle-ci, c’est assez inquiétant. Dire que le monde onirique, suave et virtuel que j’arpente dans ma ville quotidiennement a quelque chose d’assez diabolique dans sa schizophrénie face au danger imminent d’un réel aux équilibres naturels vivement amochés, c’est inquiétant. Avoir l’impression de se retrouver dans Le meilleur des mondes D’Aldous Huxley, à l’aube de grandes catastrophes démographiques et écologiques, c’est inquiétant. Savoir que les discours de certains chefs d’états américains prônaient à une époque très récente une stratégie militaire et politique de contrôle autoritaire des peuples à travers une culture de la catastrophe et de la peur qui en ressort, c’est également très inquiétant, surtout lorsque l’on constate une incompréhensible répétition en chaîne du refus américain de ratifier les protocoles internationaux, non seulement ceux liés à la limitation des émissions de gaz à effet de serre, tel qu’évoqué précédemment, mais aussi de nombreux autres. Percevoir un si triste tableau, autour de l’abondant héritage des connaissances humaines et des capacités techno-scientifiques actuelles, voir un tel pronostic sur le futur de l’Humanité auprès des nouvelles technologies numériques et de ce qu’elles peuvent nous apporter, n’estce pas là le comble des suicides collectifs involontaires de masse ? Savoir que les politiciens représentent en général un monde bien à part, que les patrons de grandes entreprises également, que les grands bourgeois et les financiers de toutes sortes n’habitent pas les bidonvilles ou les quartiers populaires, ne favorise aucune confiance aveugle de ma part. 34 Se documenter sur le livre de Naomi Klein, La stratégie du choc, cela appelle nécessairement à la préparation et à l’anticipation d’une hypothétique et future résistance à venir. La cryptographie Virtualiste des rêves en est un des outils intellectuels. Savoir que le contrôle des peuples est de plus en plus possible grâce à l’avancée des sciences et grâce à ce qu’elles permettent aux pouvoirs, c’est aussi prendre conscience des hypothétiques stratégies de contrôle des masses par ceux-ci (exemple : toute personne en garde à vue, quel que soit le motif de son interpellation, doit être fiché génétiquement depuis la gouvernance de Nicolas Sarkozy). Pour produire un choc psychologique conséquent, il faut que l’hypnose soit assez conséquente et donc que l’état de sommeil éveillé soit assez significatif afin qu’un choc conséquent se produise. Certaines pages du livre de Naomi Klein parlent de la guerre politique et militaire moderne des USA qui est devenue une guerre plus commerciale et psychologique que dictatoriale. La servitude volontaire est une des analyses qui légitime la dimension infantilisée des citoyens et des travailleurs sous le joug ambiant de la peur. Que penser alors de l’infantilisme sous le joug constant de la catastrophe ? Ainsi, qu’est-ce qu’un peuple accepterait, s’il devait faire face à des propositions démagogiques des pouvoirs, lors de graves catastrophes écologiques, démographiques etc. ? Quel prix le pouvoir est-il prêt à payer pour un contrôle clairement légitimé des populations à la fin de l’échec du communisme ressuscité sous le spectre de l’altermondialisme. Je me rappelle encore la répression ultra-violente qui a eu lieu à Gênes et du meurtre policier d’un jeune adulte italien. Je revois la faible médiatisation télévisuelle et journalistique de ces mouvements subversifs, mais aussi l’étouffement du seul germe d’une gauche moderne et ressuscité de ses cendres trahie par l’histoire. Un système quel qu’il soit, est fait pour préserver sa structure (Henri Laborit). Ainsi, quel prix ce système dévorateur d’hommes est-il prêt à 35 payer pour préserver son idéologie ? Car ce système, c’est une Bête. Bien que tout ceci reste hypothétique, c’est tout de même une hypothèse suffisamment plausible pour appliquer un principe de précaution en se préparant à la résistance à travers ce qui nous reste pour l’instant : les armes culturelles, la lutte contre l’ignorance, l’union populaire et la mise en réseau des communautés alternatives, la mise en avant du partage interculturel et la promotion des valeurs du métissage. Le métissage sera d’ailleurs notre avenir, car en fait, comme l’a si bien montré Claude Levi Strauss dans Tristes tropiques les traditions ont été presque entièrement éradiquées. La suite de cet essai, nous la commencerons par l’étude cryptographique de certains témoignages auquel j’ai pu assister dans ma vie grâce aux multiples rencontres que la vie m’a accordées. Ces témoignages sont liés à la folie donc au délire. Un délire est une hallucination en plein éveil, donc un rêve éveillé, car on y croit bien que cela n’existe que dans l’intériorité de la personne qui le subit. Pour nuancer, nous pourrions dire que le rêve éveillé s’effectue d’avantage dans l’intériorité de la personne que dans l’extériorité, tel un véhicule (le corps), qui pourrait plus ou moins fluctuer entre l’empirisme objectif d’une analyse perceptive de l’extériorité ou plonger dans les méandres psychologiques de son intériorité. L’un ou l’autre pôle ayant des fonctions différentes dans la vie du percepteur. Ces délires ont été soit provoqués par le handicap d’une folie (psychose, paranoïa...) quotidienne, soit par l’ingurgitation d’une drogue psychotrope amenant son consommateur à un « trip » psychédélique proche de ce que peuvent vivre les fous. Pour finir ce manuscrit, j’étudierai les rêves éveillés de certains domaines virtuels du capitalisme, leur signification oniriques sous-jacentes à travers cette grille de lecture, la cryptographie Virtualiste des rêve que je viens de vous décrire ici. Ce sera donc la dernière démonstration de la potentialité pirate de cet outil cryptographique. 36 PARTIE II _____________________________ Témoignages et cryptographie Virtualiste des rêves Ce sont de réels témoignages qui sont ici publiés et c’est par la méthode de la cryptographie Virtualiste des rêves et celle de l’Interprétation freudienne des rêves que nous allons tenter de les décrypter. L’ensemble de ces témoignages est décrit avec l’accord de ceux qui les ont vécu et si tel n’est pas le cas, leur identité reste de toute façon voilée sous l’anonymat d’un pseudonyme. Vous verrez ici tout un ensemble de témoignages et d’interviews qui réhabilitent, par la force de leur récit, l’hypothèse non-négligeable de la présence constante des rêves dans notre quotidien soi-disant absolument réel et « éveillé ». Déjà, la démonstration flagrante des limites subjectives de l’homme dans l’essai Du Virtualisme confirmait le relatif aveuglement de sa conscience et de ses connaissances des réalités extérieures. S’ajoute maintenant à l’indiscutable constat de nos limites perceptives et cognitives, au profit de notre dynamique créatrice, celui d’un langage oublié et même très refoulé en occident, celui du monde des rêves, et en plein éveil. Cette analyse pose également à l’être humain la question de sa fonction ou de sa place au sein de la nature et de ses écosystèmes. Est-il davantage fait pour créer, pour rêver, pour penser, réfléchir, ou encore pour fabriquer ? Est-il fait pour préserver et sublimer la nature ? A-t-il la véritable capacité de maîtriser les éléments naturels par l’avancée de ses connaissances techno-scientifiques ? Cela n’est-ce pas en fin de compte qu’un rêve effectué par une créature de la nature qui restera en fait toujours handicapé par ses perceptions limitées, par sa fonction naturelle propre, cette nature si créatrice et avant tout si créatrice de soi ? N’avons-nous pas en général les « yeux plus gros que le ventre » en ce qui concerne nos capacités de domination sur un environnement qui nous est extérieur et relativement étranger ? Avonsnous du mal à accepter que le « lieu » qui reste destiné au monde des fantasmes n’est peut-être pas celui du monde matériel ? Quelle sphère d’épanouissement pourrait donc être léguée à notre volonté de contrôle qui souhaite tout façonner à sa guise ? Quel espace lui est réellement disponible ? Quel est en fin de compte son territoire propre, son pays, ses 41 frontières, son infini ? Le fantasme : Savons-nous même quelle peut être sa fonction véritable ? Le but n’est pas ici de chercher à tout définir, à tout rationaliser dans des représentations et des fonctions symboliques remplies de significations obsessionnelles, causes d’une impuissance pour trouver un sens à une existence perdue d’avance. Le but serait plutôt de réussir à définir ce qui reste possible aux rêves humains et ce qui leur reste impossible au sein des limites de son écosystème naturel, ce serait donc reconnaître une loi naturelle à respecter, et donc reconnaître les frontières qu’elle nous a implicitement imposées. Une part de limites existerait donc et s’imposerait aux passionnelles hallucinations humaines. Le récit mythologique d’Icare nous donne déjà l’exemple d’une sagesse très ancienne qui comprenait déjà l’indiscutable existence des limites, lors d’un âge où l’homme n’avait même pas un tel pouvoir destructeur sur son environnement naturel. Reconnaître des limites aux actes humains, à ses rêves éveillés, ses délires etc., ce n’est pas rejeter la dimension infinie de l’existence, bien au contraire, c’est plutôt chercher à savoir où l’infini peut-il sainement se déployer dans les multiples dimensions de l’existence naturelle. C’est donc aussi apprendre à se connaître soi même ou plutôt chercher à prendre conscience de soi afin de trouver sa place au sein de tout ce qui nous environne. Les contours du réel nous disent une évidence : bien que l’existence soit infinie elle reste habitée par une loi, et une loi a des limites à respecter. Si l’existence était sans loi aucune, nous n’aurions pas besoin de faire le moindre effort pour réaliser un vœu, ou nous n’aurions sans doute pas de contours relativement clairs du réel perçu que l’on traverse. Cette loi garde tout de même un caractère libre et absolument infini lorsqu’elle est admise et généralement respectée. Mais pour cela, il faut donc avant tout admettre que nous sommes des êtres limités dans certains domaines et des êtres illimités et infinis dans d’autres, infinis, oui mais dans les mondes et les territoires de nos capacités propres. Certaines choses nous seront donc impossibles, comme par exemple notre toute puissance 42 sur les éléments qui nous environnent. Sommes-nous des dieux ou ne sommes-nous que des créatures mortelles ? La réponse me paraît sur ce sujet relativement claire... Tout ce développement pour en conclure qu’une cryptographie Virtualiste des rêves, c’est en partie la compréhension de la place du rêve éveillé dans le quotidien de chacun, en comprenant sa langue et sa problématique et l’importance qu’il peut prendre en tant que conseiller existentiel pour la conscience de l’individu qui le vit. Suivra donc ici une succession de témoignages qui ne sont pas dénués d’importance dans ce qu’ils impliquent philosophiquement et politiquement pour notre société contemporaine. C’est à travers une démonstration de décryptage que nous verrons ce que peut impliquer la prise de conscience d’un autre langage au sein du réel, celui du langage des rêves. Enfin, reste à affirmer que décrypter un délire ou un trip psychédélique qui dévoile un autre langage que celui de l’état ordinaire, c’est, s’il s’avère explicable dans le langage ordinaire et qu’il traduit l’état ordinaire du subjectif, aussi affirmer que le langage ordinaire du subjectif est une sorte de délire et de rêve éveillé. Je parle là bien du langage subjectif et non pas du réel qui lui, est bel et bien fait de chair et de sang, de poussière et de roc, de vie et de mort. I – Olivier et les drogues psychédéliques 1. Un trip psychédéliques sous LSD Olivier est un de mes amis. C’est une personne qui a toujours eu un regard profond et lucide sur les gens qu’il côtoie. Par « profond » je veux dire qu’il a une vision assez Baudelairienne du rapport social, où certaines choses ne sont pas dites. Il a souvent l’habitude d’essayer de débusquer les non-dits de ses amis, par le biais d’insinuations plutôt conviviales, afin de ne pas « avaler » leur comédie sociale et afin d’être le plus proche des vérités intimes 43 et voilées de leur véritable nature. C’est une personne qui est donc en constante lutte contre les illusions afin de ne pas devenir l’apparence des choses mais bien de rester proche de ce qui s’y cache. Pour lui, croire aux illusions c’est se perdre comme perdre son humanité. C’est là pour lui un engagement de fidélité envers la vérité et un dégoût évident du mensonge et de ses envoûtements, garants de la solitude de chacun. C’est une personne qui a un rapport sceptique dans les rapports sociaux. Il joue constamment une sorte de double jeu sans être pour autant hypocrite. Deux niveaux s’effectuent (à mes yeux) à travers ses échanges : le niveau du rapport social apparent et purement conscient du moi, et le niveau pulsionnel de l’inconscient, des frustrations, des vices cachés, des rancœurs non avouées etc. Un jour, alors qu’il avait pris un LSD lors de ses vacances, il eut une vision cauchemardesque qui le terrifia (ce que l’on pourrait nommer un bad trip). En effet, il vit une sorte de flux de « méchanceté pure, selon ses termes, qui se condensait et s’intensifiait de plus en plus en face de son visage, comme une sorte de spectre qui soudain, après lui avoir fait face de façon hostile, lui sauta au visage d’un seul coup. ». Effrayé, il eut un hurlement d’effroi à la surprise de ses amis présents. Entre sa vie quotidienne dans le rapport social et ce trip, l’évidence analogique est claire, surtout pour un Baudelairien de son envergure. Cette noirceur, il la voyait ordinairement chaque fois qu’il avait des relations sociales, et le fait de refouler partiellement l’importance existentielle de ce phénomène, obligea son désir inconscient à produire cette hallucination. Son inconscient avait besoin de migrer dans une vision hallucinatoire choquante pour qu’il puisse comprendre cette part rêvée. Tout ce que la traduction rêvée de cette vision impliquerait pour lui philosophiquement le concerne lui uniquement et je n’ai pas à y mettre mon nez. J’arrêterai donc ici mon développement cryptographique. 44 2. Le pouvoir de l’esprit et le LSD Olivier a donc un rapport à la vérité très intime, son côté Baudelairien le confirme d’ailleurs très bien. En effet, il est persuadé que dans ce monde, la diversité des valeurs de chaque communauté occidentale, démontre une sorte d’annulation des valeurs communes. Il définit cette diversité comme étant plus néfaste que vertueuse, car il y perçoit la manifestation choquante d’une fragmentation entre ces mêmes valeurs, qui s’affirment toutes malgré cela comme vérités évidentes, ce qu’il considère comme étant un grossier mensonge. Ainsi, son rapport aux traditions occidentales s’en retrouve troqué par un nihilisme des réalités humaines affirmées. Nous avons de plus tous les deux, en tant que jeunes adultes, été troublés par le fait que nos perceptions étaient limitées et ne voyaient pas l’invisible du microscopique et du macroscopique. Henri Laborit et sa notion de niveaux d’organisation témoignait également d’une réalité complexe presque indéterminable. Je me rappelle une de ses lettres par mail qui dépeignait tout un peuple de microbes au sein de son morceau de pain qu’il comparait à la vision tronquée et illusoire que l’on a ordinairement du pain. Selon lui, une vision plus juste des choses devrait impliquer un comportement politique et philosophique différent chez une personne, ce qui est loin d’être négligeable en soi. C’est lors d’un trip sous LSD dans l’appartement de certains de ses amis, qu’il vit à travers les enceintes qui passaient de la musique, un flux sonore qu’il pouvait « voir » et interpréter de multiples façons à sa convenance. Il me raconta que « s’il voulait voir des moutons qui s’échappaient de ce flux d’ondes, il y voyait des moutons, s’il voulait y voir autre chose, un autre quelconque motif, il le voyait. ». Les moutons c’est d’ailleurs quelque chose de symboliquement très parlant pour sa vision de vie... 45 Ce qui est intéressant, c’est que le flux était le même, mais son interprétation picturale pouvait diverger selon ses propres désirs. Il y avait là une part de liberté que le pouvoir de son esprit sous LSD lui permettait et une part de contraintes inévitables liées aux contours de ce flux sonore. Ainsi, les contours du réel nécessitent une part de contrainte dans l’interprétation subjective des choses, mais aussi une part infinie de liberté interprétative, par rapport aux suggestions que le réel permet. Plus la contrainte des contours du réel est floue, et plus l’interprétation subjective est libre. Cela pouvant sans doute également diverger selon les doses de psychotropes que l’on ingurgite... 3. Les confusions visuelles Mon ami et moi étions avec d’autres amis en vacances dans le sud ouest, et sous la prise de MDMA nous partagions nos affects et nous nous lancions des compliments que nous n’avions pas l’habitude de nous dire sans l’effet de cette drogue. La facette Baudelairienne d’Olivier m’a toujours mis mal à l’aise et toutes mes ténèbres avaient tendances à ressurgir en sa présence. J’avais une sensibilité forte de cette dimension qui l’habitait et cela me gênait très souvent. Ainsi, assis tous ensemble dans une pièce, Olivier me prit la main suite à quelques confessions partagées et en me la tenant me la pressait de manière répétée. Sous mon état constant de malaise au sein de sa présence, j’interprétai de façon paranoïaque ce geste (Toute interprétation subjective est due à la suggestion des contours du réel perçu) et crus qu’il me disait que le temps passait et que tout cela n’était qu’illusion avant la mort. Sans savoir comment lui faire part de cette paranoïa je lui racontai maladroitement une histoire métaphorique avec pour support du récit les boîtes de bonbons Tic Tac (pour le temps qui passe). Bien évidemment, il ne comprit pas mes dires et c’est à ce moment qu’il eut une confusion visuelle. Il vit à la place de mon téléphone portable, une boîte de Tic Tac, mais la marque apparaissait en écriture étrangère et incompréhensible à 46 la place de sa marque habituelle. Il me fit alors part de cette confusion visuelle, ce qui me surprit. Son désir incontrôlable de dire ce qu’il ne pouvait pas dans le contexte partagé, migra par le biais d’une confusion visuelle quasi-hallucinatoire qui se traduisit alors dans un autre langage créatif original, et ce juste pour me dire : « Je ne comprends pas pourquoi tu m’as dit cela, je n’ai même pas compris le sens de ton intention ». Ainsi, ces premiers exemples de divers trips psychédéliques s’interprètent bel et bien selon la méthode de Sigmund Freud au sein de son ouvrage L’Interprétation des rêves. Ma capacité à pouvoir interpréter ces trips reste bien sans doute également due à la présence d’un inconscient collectif des cryptographies rêvées, mais aussi grâce au fait que je connais le contexte de vie de la personne concernée. II - Mon oncle et la paranoïa Mon oncle Béninois est une personne qui a un tempérament très paranoïaque. Par exemple, lorsqu’il se douche, il brûle ses cheveux tombés après les avoir enlevés de la douche, pour que personne ne fasse de prélèvements de ceux-ci. Il ne donne également jamais la date de ses départs en voyage. Encore, il crache dans les toilettes après avoir uriner pour la même raison que celle de ses cheveux. Il faut savoir que mon oncle est un migrant qui a grandi au Bénin (berceau du Vaudou) et qu’il a vu certaines pratiques protectrices liées aux plausibles attaques que des sorciers Vaudou pouvaient entreprendre contre ses proches. Ce langage superstitieux et paranoïaque s’est donc additionné à son engagement libertaire de Rastaman contre « Babylone », nomination Rastafarienne du capitalisme et de ses injustices. Un Rastaman qui souhaite entreprendre une contestation du système à travers la musique Reggae prend forcément, selon mon oncle, des risques liés à une surveillance hostile, à de la censure, ou à un assassinat. Il a d’ailleurs même été persuadé qu’un de ses meilleurs amis était un policier des services secrets suite à leur conflit amical. Il est tout comme moi, doué 47 d’une très grande imagination qui frise le délire sans tout de même que cela l’empêche de vivre. Il est tout d’abord important d’expliquer que les rapports paranoïaques qu’il entretient avec le réel restent tous habités de connotations politiques et existentielles. Ces connotations sont liées à la problématique du racisme, de l’exclusion, donc du métissage, mais aussi liées aux problèmes géopolitiques post coloniaux et impérialistes qui attisent et entretiennent les inégalités de toutes sortes en Afrique et ailleurs. En effet comme il a été dit, mon oncle est un migrant Béninois qui a eu un rapport à la migration en France très difficile. C’était lors d’une époque post coloniale où les discriminations raciales étaient assez significatives et où la complexité identitaire pour les migrants africains était loin d’être négligeable. Ainsi, à force de subir ce rapport constant de discrimination, mon oncle se baptisa en France de l’eau bénite des contre-cultures Rastafariennes et de son interprétation subversive du judéo-christianisme qui radicalisait peu à peu son identité politique, existentielle et religieuse. Mon oncle décida un jour de faire de la musique et abandonna ses études universitaires pour ensuite se vouer totalement à son art, ce qui impliquait également les difficultés financières que tous les artistes rencontrent en général. Ainsi, mon oncle se plaçait politiquement, religieusement, « racialement », ou encore professionnellement en marge et même en opposition avec le système dominant établi. Les dreadlocks qu’il portait en conséquence étaient le symbole Rastafarien de sa rébellion face à la corruption de « Babylone », cette image Biblique et poétique de l’occident et des colons mafieux. Ne pas vouloir que l’on prélève un échantillon de ses cheveux symbolise d’ailleurs assez drôlement sa fidélité occulte entretenue avec ses dreadlocks, source symbolique et sociale de sa révolte. Il en est de même pour ses crachats sur ses propres défections, acte pratiqué afin d’éviter tout prélèvement génétique, car mon oncle avait un régime alimentaire 48 particulier par le seul fait de sa religion subversive (nourriture Ital : proche du Cacher ou encore du Hallal) qui imageait son engagement, son étrangeté et son rejet de Babylone. De plus, il fumait de la Marijuana comme tout Rastaman qui se respecte et cette illégalité pouvait être une source de conflit avec la loi française, à l’heure de la discrimination et du racisme. Il lui arrivait même à une certaine époque d’en vendre un peu pour arrondir ses fins de mois, ce qui intensifia son sentiment de marginalité. Bien que ses délires soient totalement paranoïaques, la raison de ses rêves anxieusement éveillés parait plutôt très claire et même très cohérente : Elle était due à l’ignorance de ce que pourraient tramer les pouvoirs occidentaux, au messianisme révolutionnaire Rastafarien qui représenterait un danger pour le pouvoir établi, à la marginalité de sa position d’artiste face à la loi française et à ses jugements de valeurs socioprofessionnelles préétablies, enfin à la discrimination ambiante qui y régnait à cette époque envers les noirs. Il n’est de plus pas impossible, à l’heure du Sarkozysme, de prendre le genre de délires de mon oncle pour une caricature de la structure véritable de l’ordre policier autoritaire que l’on côtoie, car aujourd’hui, la police prélève le génome de ses détenus lors de toutes sortes de gardes à vues, des plus graves aux plus insignifiantes. III - Ursule Pour ceux qui n’ont lu ni Intersections, ni Du Virtualisme, il faut savoir qu’Ursule est une amie très proche de ma famille africaine Béninoise et qu’elle est devenue psychotique et paranoïaque suite à un viol qui l’a fait enfanter en France. J’ajouterais une fois de plus en aparté, que les rêves, qu’ils soient éveillés ou endormis, sont des condensés de signifiances et d’a-signifiances où s’effectuent des inter-relations plus ou moins chaotiques entre 49 l’inconscient et la conscience. Cet article, suite à mes études passées des délires paranoïaques d’Ursule, ajoutera d’autres significations découvertes au sein du prisme de ses rêves éveillés. Ce sera donc une mise à jour des analyses précédentes Je vais commencer par décrire de manière brute les témoignages dont elle m’a fait part : Ursule a constamment l’impression d’avoir le visage noirci par certains passants qu’elle croise dans la rue. Cela peut aussi bien être des personnes à peau noire que des personnes à peau blanche. Ursule est une femme très catholique qui soigne principalement ses délires paranoïaques par un suivit médical psychiatrique, mais avant tout selon elle par des prières incessantes et par le catholicisme. Ces passants de rue qu’elle croise inévitablement et qui lui noircissent le visage sont pour elle des sortes de sorciers malfaisants qui lui veulent du mal et qui veulent la persécuter. Il faut préciser que lors de l’accouchement de son enfant suite à la tragédie du viol, Ursule a fait une décompensation qui l’amena en hôpital psychiatrique. Une des multiples causes de cette arrivée dans la folie est due à sa famille qui lui refusa la garde de son enfant à cause de son origine dévalorisante, sa naissance étant le fruit de l’acte criminel dont elle était en fait la victime. Vu que ses grands frères étaient des aînés et que dans la plupart des traditions africaines l’aîné a tous les droits sur la génération cadette, elle ne put garder l’enfant et il fut donné à la justice française qui le plaça dans une autre famille. Ainsi, elle ne connaîtra jamais son enfant pour diverses raisons législatives que j’ignore. Il faut savoir qu’en France catholique le blanc et le noir symbolisent, le bien et le mal, Jésus et les démons, Dieu et Satan, mais aussi culturellement, la peau blanche considérée comme représentant le pouvoir et la richesse est valorisée et légitimée, tandis que la peau noire signifierait la misère et la soumission et donc est méprisée et qualifiée d’illégitime, etc. Ursule étant profondément catholique en France et Jésus étant représenté avec les anges du ciel, comme des blonds aux yeux bleus dans toutes 50 les cathédrales, les blonds aux yeux bleus deviendront pour elle le type d’homme parfait dont elle peut tomber amoureuse. Reste à ajouter que pour elle, sa famille avait tort en ce qui concerne son enfant qu’elle souhaitait garder et qu’elle ne l’a donc pas supporter. Lorsque l’on mixe la signification des valeurs françaises de l’époque qu’elle fantasme, les valeurs africaines de sa famille noire de peau qu’elle exècre suite au vol de son enfant, mais aussi les discriminations qui règnent lors de cette période, on comprendra alors que des noirs ou des blancs qui passent dans la rue, selon l’allure des regards posés sur elle, lui noircissent le visage et la persécute, elle, Ursule, qui s’habille toujours en blanc. Reste à prendre en compte le pouvoir psychosomatique de sa psyché qui regorge de puissance imaginative et qui peut indéniablement être capable de lui noircir plus ou moins la peau. La symbolique du regard peut signifier chez elle la représentation maléfique des autres sur la perte de son enfant et sur la honte du viol, le regard interprétatif porté sur elle par sa famille africaine est un regard « noir » dans tous les sens du terme ; le regard malveillant de sa famille et celui du violeur lui sont hostiles. Il faut ajouter que ceci aurait très bien pu provoquer chez elle, suite au trauma, une hyper-sensibilité médiumnique sur les regards qui la scrutent, cette hyper-sensibilité étant capable de déceler les regards accusateurs qui sont fortement imprégnés de suspicion et de négativité. Le fait que des noirs puissent également avoir ce genre de regard pourrait être dû, non seulement aux jugements de valeur, mais aussi à la discrimination qui règne quotidiennement dans le pays, à leur aliénante pauvreté généralement inévitable, ceci engendrant un regard particulier sur les personnes de couleur de peau analogue ou différente. Souvent les noirs musulmans ont presque tout le temps ce regard néfaste au sein de ses délires. Peut être cela est-il dû à la position de la femme au sein d’un islam fanatique, ou encore dû au regard méfiant et hostile que les gens ont sur les musulmans, ceci intensifiant l’esprit négatif des musulmans où leur masque s’y assombrit socialement par besoin et autoprotection... Ou encore peut être cela est-ce dû aux valeurs traditionnelles pieuses, si sévères et violentes dans les préceptes musulmans. En tous 51 les cas, il se pourrait bien qu’Ursule soit capable de ressentir l’état d’âme négatif des individus par leur regard. Il est d’ailleurs souvent dit que le regard ne ment jamais. Il ne s’agit là d’émettre aucune dévalorisation de l’islam, moi-même me passionnant pour les pratiques du soufisme et de leur haute philosophie. Enfin, Ursule délire également sur les emballages qu’elle consomme en les brûlant à sa fenêtre pour éviter que l’on note ce qu’elle consomme quotidiennement à son supermarché lorsqu’elle les jette. Ceci fait d’ailleurs penser aux délires de mon oncle, tous deux ayant vécu dans leur enfance au Bénin, le berceau du Vaudou. Ursule a un rapport à la consommation très prononcé, en tant que femme radicalement isolée, c’est même avec la religion catholique sa seule occupation. Ajoutons à cela ses paranoïa antécédentes et l’imagination extravagante, très fréquente dans les psychoses, le tableau devient alors très clair. La solitude n’arrangera d’ailleurs là-dessus aucunement les choses dans son sentiment d’étrangeté devant l’altérité. Sa volonté à vouloir rester en France témoigne également de sa préférence pour le monde français que pour le monde des africains. Cela témoigne donc de son envie de ressembler aux français, d’être acceptée par eux, la plupart étant « blancs » de peau. IV - Ibrahim Ibrahim est un gros fumeur de Marijuana, mais c’est aussi un néo-Hippie qui vit un quotidien orné par les drogues psychédéliques de toutes sortes. Bien que nous soyons amis, nous n’avons que très peu échangé sur le sujet et je ne peux que témoigner grâce à lui d’un trip sous LSD qu’il fit dans sa douche. Oui, cela peut paraître très hors norme - quoique, pour un néo-Hippie - mais il a bel et bien fait ça... C’est un trip psychédélique assez simple : il voyait son corps se métamorphoser en plante de Marijuana. Ses pieds étaient des racines, ses bras des branches etc. Il avait la sensation de ressentir très lucidement l’âme de la plante et même d’être la plante. Il va sans dire que Ibrahim considère la Marijuana comme compagnon de route, ou même plus clairement, qu’il est en symbiose avec la 52 consommation quotidienne de ce produit. Pour un néo-Hippie qui se considère, malgré ses origines du Maghreb, comme étant proche des indiens, cela ne paraît pas très étonnant... Le fait d’être sous une douche et de « s’arroser », cela symbolise sans aucun doute qu’il entretient « proprement », c’est à dire bien son rapport avec cette plante, qu’il en prend soin, et même qu’il a une relation fusionnelle avec celle-ci. Cela connote aussi un engagement intime pour la mise en valeur de la consommation de cette plante. Ibrahim n’hésiterait en aucun cas d’ailleurs, si l’occasion s’offrait à lui, de cultiver sa propre herbe. Je pense que la cryptographie Virtualiste de ce trip sous LSD, qui était pour Ibrahim, selon ses affirmations, « profondément réel », persuadé de bien être la plante et de vraiment ressentir sa nature, est à présent bien traduite au sein de notre langue habituelle du réel ordinaire. Il ne s’agit donc pas là de remettre en question ce qu’il a vécu, mais bien d’en décrypter les signifiances sous-jacentes. Comme pour Olivier, toute la signification fantasmée de ses désirs et toute la signification existentielle qui le concerne lui et rien que lui, pourrait en dire beaucoup plus, le rêve étant un condensé de signification, mais cela ne concerne que lui et ses problématiques de devenir. Il faudrait aussi dire en parallèle de ce récit, que l’inconscient est une sorte de singe très malicieux et qu’il a aussi un rapport moqueur et sarcastique avec la conscience et le moi, surtout lorsqu’il se manifeste fortement à la conscience et qu’il éveille chez elle des délires ou des hallucinations : J’invite le lecteur intéressé à lire la préface du premier livre d’écriture automatique d’André Breton et de Philippe Soupault, Les champs magnétiques. En effet, cette préface raconte brièvement comment l’inconscient des deux artistes s’était moqué d’eux avec violence mais aussi avec humour, lors de leur conduite obsessionnelle et ininterrompue d’écriture automatique qui avait déclenché chez eux un état hallucinatoire extrême. En effet, l’écriture automatique lorsqu’elle est sincèrement effectuée et qu’elle reste ininterrompue dans un laps de temps très long, peut provoquer un état de transe et d’hallucination chez son expérimentateur. 53 André Breton et Philippe Soupault ne se reconnurent pas eux-mêmes, car leur état second fut tel qu’il désirèrent sérieusement se suicider ensemble. Ce fut bien là, une représentation symbolique de leur inconscient mutuel qui s’expliquait à la conscience de Breton et de Soupault par l’acte sarcastique et critique de la symbolique du suicide. Un suicide métaphorique qu’ils effectuèrent temporairement d’ailleurs contre leur propre rationalité et leur propre logique consciente, les deux artistes autodétruisant leur maîtrise d’eux-mêmes en se laissant traverser par n’importe quelle force. C’était aussi un suicide car c’était là historiquement la première véritable expérimentation surréaliste d’écriture automatique. Traumatisé par cette expérience, Breton n’en parla jamais tout au long de sa vie, ce secret ne se dévoila qu’à son lit de mort avant qu’il rende cette fois-ci véritablement l’âme. Je tiens à préciser aussi de façon relativement indépendante à cet article, pour conclure et nuancer ces propos, que les trips psychédéliques et les délires psychotiques de toutes sortes, gardent une dimension d’hypersensibilité médiumnique et mystique dont je ne pourrais en aucun cas renier l’existence, ni totalement expliquer sa part de mystère. Non seulement la part a-signifiante et inconsciente décuple notre part d’ignorance sur les phénomènes, mais en plus, l’intensification exacerbée de notre sensibilité lors de la prise de LSD par exemple, garde une part de connexion naturelle et instinctive chez la personne en train de vivre le trip. Celui-ci se révèle alors parfois capable de recevoir un ensemble de visions presque supra-naturelles pour des raisons inconnues, d’un caractère imaginatif aux potentialités primitives presque étrangement mathématiques (selon certains témoignages de documentaires sérieux sur le sujet tel celui de Jan Kounen sur le chamanisme : D’autres mondes). Ainsi, le fait de faire partie intégrante de la nature, pourrait permettre parfois à un sujet sous drogue, selon un certain degré de sensibilité, de recevoir des informations habituellement invisibles lors de l’état ordinaire de la psyché. Mais ce n’est pas là le sujet traité au sein de cet ouvrage et ce n’est en fin de compte qu’une hypothèse. V - Baz Ayant moi-même été victime d’une psychose et subissant toujours actuellement ses séquelles, je peux témoigner d’un de mes délires très explicable selon la technique d’interprétation Freudienne des rêves : 54 Suite à mon arrivée dans la psychose à l’âge de mes 20 ans, j’eus la sensation lorsque je dormais que l’on me volait une « émotion importante » dans « le ventre ». C’était pour moi, la représentation symbolique de mes sentiments amoureux envers ce qui m’environne et la représentation de mon lien inséparable à lui. Cet enlèvement, ce « vol » de cette sorte de chakra, s’était effectué selon moi par un spectre malveillant. Ce fut là un véritable rêve éveillé. J’eus ensuite, dans le même registre, la sensation d’être constamment touché par des fantômes contre qui je ne pouvais rien. C’était à chaque moment avant de m’endormir. Lors de ces moments, une angoisse et un sentiment d’impuissance m’accompagnaient de façon rituelle. Jusqu’à aujourd’hui ce problème ne s’est pas résolu mais le fait de le comprendre partiellement m’a permis de limiter mes sentiments d’angoisse, mais aussi de prendre conscience de quelques unes de mes préoccupations existentielles. Tout d’abord, l’enlèvement de cette sorte d’étincelle amoureuse qui habitait mon ventre par un spectre, cela peut représenter plusieurs choses très claires : Avant mon arrivée dans la psychose, j’avais pris beaucoup de drogues et j’avais énormément maigri. Je n’arrivais plus à regarder ma mère ou à être en sa présence. D’ailleurs, lorsque je la voyais, une image me survenait à l’esprit, celle d’un démon qui m’interdisait de façon menaçante d’être en sa présence. Ce démon pouvait représenter la drogue et ma culpabilité de trahir le rapport de confiance que j’avais toujours eu avec ma mère. Avant cela, plus jeune, j’adorais la nourriture et j’aimais particulièrement manger, c’était même un de mes passe temps favoris. Ma conscience écologique en relation intérieure avec mes prises de psychotropes me poussait à ne plus regarder la nourriture de la même façon, j’avais l’impression d’être élevé comme une bête à qui l’on donne sa dose de nourriture « dégueulasse et industrielle ». 55 Lors de cette crise de folie qui m’emmenait en hôpital psychiatrique, je n’étais plus le même car j’avais « trahi » le pacte parental, mais surtout j’avais trahi une partie de moi-même qui s’identifiait avec amour à ce pacte parental. Je ne méritais plus de ressentir ce sentiment amoureux qui me venait du ventre. Comme je l’ai dit précédemment, cette émotion au ventre représentait, mon lien le plus pur avec la vie qui m’environnait, et ce lien avait été profondément trahi par mes actes. Mon heureux appétit en faisait partie avec la joie de vivre qu’il m’apportait. En effet, l’appétit me fuyait, moi qui aimais tant manger auparavant. L’amour pour la nourriture, symbolise également pour moi l’amour de vivre et est un inévitable lien avec le ventre. Lorsque je ressentais cette émotion amoureuse dans le ventre, j’avais obligatoirement le sourire, c’était comme le symbole de mon innocence, de ma virginité et de ma fierté. Me l’enlever, c’était pour moi m’enlever ma plus grande part d’humanité. Je me prenais d’ailleurs après mon arrivée dans la psychose pour le Diable, ce qui symbolise clairement l’ennemi de l’Homme. Ce spectre qui m’aurait volé cette émotion serait selon les hypothèses angoissées de mes délires, de la même « famille » que celui qui m’empêchait d’être en présence de ma famille et de ma mère. Il est donc lié à toutes mes trahisons non dites, à toutes mes trahisons secrètes de ma famille, il pourrait même être la représentation de cette trahison symbolique de la famille, où l’impossibilité de rejoindre les êtres qui me sont chers s’incarne par la barrière démoniaque de sa présence. Impossibilité de rejoindre ma famille, car impossibilité de lui confesser le lieu spirituel dans lequel je me trouve et dans lequel je culpabilise de mes fautes sans aucune solution rédemptrice pour les retrouver aussi sainement qu’auparavant. Me sentir ensuite « touché » et profané par des fantômes diaboliques dans mon lit avant de dormir (qui pratiquent sur moi des attouchements sexuels contre ma volonté) est lié à plusieurs conditions de ma vie : Être allongé et touché quoique je fasse avant de dormir, c’est une métaphore claire d’impuissance. Ne me sentir touché qu’aux moments 56 où je me couche, cela représentait mon impression de n’être qu’une personne inutile pour un monde injuste où des victimes sont dans le besoin. Un besoin d’aide auquel je n’ai pas la capacité de répondre, traumatisé suis-je moi même par celui-ci. Je n’ai pas prise sur ce monde que je ne perçois pas véritablement et qui me reste « fantomatique », « spectral », et hypothétiquement « diabolique » de par son injustice. Ce délire, c’est aussi un sentiment de faiblesse inavouable, par rapport à ce démon d’apparence invincible qui attendrait selon moi ma mort, dans ma peur de devoir me confronter un jour sans aucune protection et dans un autre monde à son inégalable puissance démoniaque. C’est bien là, la représentation spectrale de ma culpabilité inavouable, autoaccusatrice, futur maléfice pour mes fiertés et mes honneurs, qui devront un jour combattre dans l’impartialité de la mort, le jugement dernier et inévitablement vrai de la puissante présence de ce spectre qui me cite coupable, moi et mes actes, de trahison envers mon ombre morale et celle de ma famille. Pour revenir à d’autres explications parallèles de ce délire angoissant, bien que je sois inutile au monde, ce monde me « touche », me profane, me « viole » même, tout aussi bien mentalement que sexuellement. Ainsi, c’est du désir de ce monde souillé, mais aussi de celui des femmes aimées à qui je n’arrivais pas à exprimer mes sentiments amoureux que ces profanations fantomatiques et anonymes s’effectuaient. Je me faisais donc « enculer » par les anonymes producteurs des injustices et par les criminels masqués du monde. Comme je l’ai dit, je ne plaisais pas vraiment aux femmes, mais elles me plaisaient que je le veuille ou non, et là encore était une profanation de mes envies et de mes sentiments, un attouchement fantomatique, un viol, un déséquilibre, où l’accusation de l’autre sexe restait rationnellement impossible. Être allongé et touché au moment du sommeil, donc de l’inadvertance et de l’absence de force, c’est aussi l’angoisse de devoir faire sans ce qui m’aide à tenir le coup, c’est à dire être suffisamment fort et assez vif pour ne pas perdre la face dans les rapports sociaux. Nous citerons ici, le 57 mensonge à ma mère sur les drogues, les drogues, les masques sociaux, les comédies sociales du paraître... Sans cette armature et cette carapace, je deviendrais en fin de compte impuissant, « touchable » et même très vulnérable, car sujet à la honte et même à la moquerie. Reste à rajouter que mon impossibilité à pouvoir désigner un coupable, un responsable à ma condition impuissante d’inutile au monde ne pouvait que s’exprimer dans l’exacerbation de ces désirs refoulés et dans le flou spectral de ces attouchements paranormaux. VI - Valérie J’ai revu Valérie dernièrement, une ancienne amie. À l’époque où je la fréquentais elle suivait une formation dans école d’infirmière. A l’issue de ses trois années d’études elle devait passer un examen qui validerait sa formation. Lorsque je la revis, elle me raconta brièvement qu’elle eut un accident le jour de ses examens, ses jambes étaient paralysées, elle ne put donc plus en faire usage. Suite à son récit et à mes quelques questions préoccupées, je me ,suis mis à rigoler car j’étais justement en train d’écrire cette cryptographie Virtualiste des rêves. En effet, cela avait véritablement l’air d’être un rêve éveillé, mais cette fois-ci bel et bien réel, car provoqué psycho-somatiquement par son angoisse inconsciente de se confronter à ses derniers examens. Valérie a toujours été une personne très anxieuse sur son avenir et son devenir, notamment en ce qui concerne son avenir professionnel et sa situation financière. Le regard des autres et ce qu’on pense d’elle, c’est aussi chez elle quelque chose qui importe énormément et à un point tel, que cela peut provoquer chez elle des états délirants lors de grosses crises d’angoisses. Elle devait sans doute avoir pris cela de sa mère qui était elle-même une personne très angoissée. J’imagine ce que ce regard définitif, ce que ce jugement impartial, celui de ces examens décisifs pour sa titularisation d’infirmière professionnelle ont dû créer chez elle : une angoisse d’une intensité telle, que la puissance inconsciente de sa psyché aurait paralysé momentanément l’usage de ses jambes pour qu’elle ne puisse se déplacer 58 au lieu de l’examen. « Paralysée par la peur la veille des examens », « pétrifiée d’angoisses sans pouvoir réagir »... Ne pas pouvoir faire usage de ses propres jambes « le jour d’un de ses derniers examens », ce n’est pas quelque chose d’anodin, surtout lorsque la paralysie dura plusieurs jours suite à la période d’examens), c’est très significatif d’une construction psychosomatique d’un rêve métaphorique qui s’exprime par la dimension physiologique. C’est là une représentation rêvée et un fait inconsciemment provoqué, celui de ne pas pouvoir se déplacer vers le lieu des examens et d’être paralysé « quoi que l’on fasse » car l’heure de l’examen est « inévitable » « quoi que l’on fasse », oui quoi qu’elle fasse, Valérie est « coincée », « paralysé », elle ne peut « ni s’échapper, ni fuir » ce moment crucial d’une période importante de sa vie professionnelle. Le fait qu’elle ait guérit très peu de temps après et que les médecins eux mêmes ne purent comprendre qu’elle avait été la cause de cette paralysie est également significatif d’un fait déclenché par une force psychosomatique. J’ajouterai enfin que le monde des examens et le monde des carrières professionnelles sont très stressants et que l’expérience de Valérie témoigne en faveur d’un monde plus humaniste psychologiquement en ce qui concerne ces deux milieux. VII - Djomo Djomo est un de mes cousins de ma famille béninoise. Il a 15 ans et depuis qu’il est tout jeune, il a un rejet inné de la nourriture à chaque repas. Il mange bien évidemment, mais il a une grande difficulté à terminer ses repas sans les rappels à l’ordre autoritaires de ses parents. Depuis que je le connais, c’est à dire depuis son plus tendre âge, il a toujours refusé ses repas et c’est pour ses parents un véritable parcours du combattant pour réussir à le faire manger. Il s’est fait d’ailleurs depuis à ce sujet, une forte réputation familiale. 59 Cette année, lors de son examen de fin de scolarité collégienne (Brevet des collèges, anciennement BEPC), Djomo avait constamment des envies de vomir à cause du stress que générait la période d’examen. Dans les jeux de mots inconscients, manger, c’est aussi « manger » péjorativement dans le langage populaire de l’argot français. Un examen qui doit être générateur de stress, est sans doute pour Djomo synonyme de repas, car c’est un moment qu’il souhaiterait rejeter. Dans les nausées, c’est l’image du rejet qui s’exprime catégoriquement. Avoir la nausée, c’est métaphoriquement rejeter avec dégoût quelque chose que l’on n’aime pas avaler. Ainsi, pour un enfant qui est réputé dans sa famille comme étant « dur à la détente » pour finir ses repas, c’est indiscutablement par le biais de ce langage psychosomatique et onirique qu’il exprime son rejet de ce phénomène social stressant, celui de sa mauvaise réputation, le rejet des repas, donc la nausée. Le fait de ne pas avoir le choix, de se confronter ou non à cet examen de fin d’année, il fallait alors pour Djomo, une façon d’exprimer cette volonté de rejet qu’il ne pouvait exprimer de façon directe face à la morale socioculturelle et familiale. Cela restait inconsciemment produire de façon psychosomatique ces envies nauséeuses. C’est bien là une provocation inconsciente de sa psyché qui a produit chez lui ces envies chroniques de nausées, migration de l’expression langagière de son rejet catégorique mais impossible en société de cet examen dans un phénomène symbolique, physiologique et onirique. VIII – Joseph Joseph est quelqu’un d’incroyablement introverti. Il n’a presque pas d’amis si ce n’est ceux de sa femme et ses voisins. Il se cantonne à son travail de scientifique au sein d’un centre de recherche sur la mécanique des fluides. C’est un homme qui a beaucoup de mal à passer à l’acte en général dans tous ses projets de vie. En effet, il a un tempérament proche des enfants, c’est à dire extrêmement conservateur qui n’aime se projeter dans l’avenir que très rarement. On pourrait dire qu’il n’aime pas s’étendre et aime son cocon familial. Ainsi, il ne fréquente que sa femme et sa famille, reste très silencieux, garde un dégoût de l’autorité etc. 60 Lorsqu’une étape de sa vie est importante, Joseph a un ventre en boule. Il appelle cela avec ironie une « grossesse ». Nous pouvons voir dans cette définition un enfantement, celui de sa nouvelle étape de vie, mais aussi l’angoisse de « s’étendre » et de « grossir » dans la vie. Joseph fait d’ailleurs très souvent attention à sa ligne corporelle (sport, régime alimentaire etc.). Il n’aime donc pas « grossir » dans la vie ou encore « s’étendre » au sein de la vie, d’ailleurs le sport, il le fait souvent aussi pour se « calmer les nerfs » et ne pas « s’étendre » sur un quelconque sujet. Dans « grossesse » il y a aussi « gros-cesse ». En effet, cette obsession à vouloir faire attention à sa ligne et ne pas trop manger a une dimension multi-significative indéniable. Ainsi dans ces comportements rituels, se trouve aussi chez Joseph tout un ensemble de symboles et de métaphores oniriques existentielles. Nous pouvons appuyer ces arguments par l’exemple que Joseph ne s’exprime uniquement que par des faits et ne donne que très rarement son avis sur les choses du monde. On voit bien là-dedans une très grande anxiété quand à l’engagement de sa personne politique dans le monde. Il se veut à côté du monde, et ne participer à quasiment aucun conflit. IX – Hypothèses sur la part médium des délires et des rêves éveillés Suite à ma lecture du rituel du serpent d’Aby Warburg, puis au témoignage de Gaëlle Hermant dans Du Virtualisme – Les nouvelles contributions, je peux tout à fait me permettre d’émettre l’hypothèse que les délires des fous et que les trips psychédéliques peuvent être dotés d’une part médiumnique. En effet, Aby Warburg, ethnologue, s’est retrouvé en hôpital psychiatrique, délirant de façon médiumnique dans la fin des années 1800 sur l’avènement du massacre des juifs auquel on a assisté ensuite dans les années 1930/1940. Un phénomène médiumnique du même genre, c’est à dire dans une transe délirante liée à la folie apparaît encore, selon mes hypothèses, lors de l’un des délires de Nikolaï Gogol. Ce délire eut lieu approximativement lors de la même période que celle d’Aby Warburg et sur la même thématique, qui sera théorisée et mise en œuvre par les nazis, car selon le témoignage de Gaëlle Hermant, Gogol 61 aurait cru que le « Diable lui avait ordonné de brûler ses manuscrits et de tout recommencer » comme ce fut le cas lors de l’époque nazi avec tout un ensemble de livre brûlés. Il est donc tout à fait possible que des délires tels que ceux d’Ursule qui brûle ses emballages de consommation par peur que l’on fouille sa poubelle pour savoir ce qu’elle achète, puissent être habités d’une part médiumnique qui anticiperait les comportements de surveillance ou encore de techniques commerciales du capitalisme. Il en est d’ailleurs de même en ce qui concerne le recueil des cheveux brûlés et les crachats dans l’urine de mon oncle. Dans l’essai Du Virtualisme – Les nouvelles contributions, il est également souligné que les délires complotistes et négationnistes collectifs sont des manifestations naturelles de l’inconscient collectif qui avertiraient par le biais d’un langage onirique des dangers et des déséquilibres sociaux graves causés par l’homme et le pouvoir. Ainsi, dans tous ces délires, une part de vérité philosophique profonde avertirait l’Humanité de ses fautes graves. Un dernier témoignage qui peut nous permettre d’appuyer ce genre d’hypothèse sur les phénomènes médiumniques est celui des prophéties chamanes amérindiennes relatées dans le livre de Chilam Balam, qui a anticipé la venue du peuple occidental en Amérique et qui a prédit même jusqu’au nom de certains capitaines colons. Une cryptographie Virtualiste des rêves doit donc également prendre en compte l’art des fous et leurs témoignages et tenter de les décrypter afin de pouvoir peut-être anticiper les erreurs futures des Mondes humains. 62 Conclusion - Un duo de rêve, une complicité maudite Pour conclure cette partie, je tiens à souligner que l’échec anecdotique de la cryptographie Virtualiste des rêves pour décrypter les délires ou les trips psychédéliques, alors que celui qui décrypte connaît suffisamment le contexte de vie de la personne qui en témoigne, mais connaît aussi sa personnalité, reste quelque chose de tout à fait possible. Effectivement, cet échec reste souvent principalement dût au fait que parfois, dans un trip ou un délire, la conscience s’éloigne de ses terres logiques originaires avec beaucoup trop de brutalité, c’est à dire d’une façon si prononcée, qu’elle se perd alors dans les méandres et les profondeurs a-signifiantes de son inconscient, elle n’a alors plus accès à la sécurité logique de ses propres codes (conscience logique déjà très déstructurée dans un trip psychédélique « ordinaire » qui s’éloigne raisonnablement dans l’inconscient de sa propre terre). C’est la raison qui fait que certains trips peuvent être intraduisibles, car ne fonctionnant plus sur les terres harmonieusement mariées entre la conscience et l’inconscient. Ce genre d’expériences peut d’ailleurs être parfois très dangereux et traumatisant pour la conscience humaine et pour des relations sociales saines, car, en dépit de sa petitesse, la conscience peut alors tomber très malade (paranoïa, folies incurables etc.). En effet, ce qui n’a en fait pas de sens pour le sens commun de la conscience, c’est juste ce dont nous n’avons pas acquis le langage. S’aventurer n’importe où n’importe comment et sans sécurité, cela n’a jamais été quelque chose de très conseillé. Ainsi, dans l’impossibilité de comprendre quoi que ce soit de son expérience, la conscience peut se mettre à délirer gravement, car elle n’est plus du tout chez elle et se perd alors. Elle ne peut malheureusement plus, suite à ce genre de trips kamikazes, bien appréhender le sens de ce qui est perçu ordinairement de la même manière qu’auparavant, elle ne peut donc plus être totalement ce qu’elle était auparavant. En effet, la signifiance ne vient tout d’abord que de la conscience et du verbe qui l’accompagne. Lorsque la conscience ne maîtrise plus rien face à l’inconscient, c’est alors que plus aucune signifiance n’est possible, 63 en tous les cas plus aucune signifiance verbale. C’est ce que l’on pourrait appeler un point de non retour pour une possible cryptographie Virtualiste. Mais il faut aussi ajouter que si l’éloignement de la conscience s’effectue étape par étape, et donc petit à petit, le déplacement pour la conscience, n’étant pas trop brutal, la compréhension de multiples états de conscience qui auraient put être pour elle incompréhensibles peut alors devenir sens et même la renforcer des aléas extérieurs de la vie. Devenir sens, c’est en partie dompter un univers que l’on aborde et que l’on traverse, c’est donc voyager avec prudence. Cela voudrait dire que l’inconscient aurait bel et bien, tel que le dit avec virtuosité Lacan, même si je pense ne pas avoir la même définition que lui de l’inconscient, un langage inconnu par la conscience. Dans ma définition, c’est un langage pluri-dimensionnel et plurisignifiant, et c’est même si l’on va plus loin que cela, l’univers baroque et infini de l’intériorité dans l’infini qui l’englobe. Notre sensibilité peut s’accroître dans l’accroissement de notre prise de conscience de ce qui était avant cela inconscient et en lien avec les multiples éléments extérieurs pour devenir hyper-sensibilité. Ma définition de l’inconscient est tout de même plus proche de celle de Gilles Deleuze, même si je ne revendique pas la même chose que lui et ne l’aborde pas de la même manière. En effet, Gilles Deleuze et Felix Guattari revendiquent politiquement l’asignifiance et les intensités émotionnelles, alors que je pense devoir rester fidèle à la vertu du verbe et de son histoire. Selon moi, l’inconscient et la conscience sont un couple inséparable dans la vie. L’un et l’autre forment selon moi un couple à hiérarchies fonctionnelles (selon le vocabulaire de Henri Laborit), véhicule polaire du vivant et de la délectation de soi dans l’existence. Ce n’est donc aucunement un couple aux valeurs totémiques hiérarchisées où l’inconscient serait une sorte de star dominatrice sur la pauvre et indigente conscience soumise à son tout a-signifiant. L’inconscient étant presque absolument, selon ma propre expérience, a-signifiant (car d’une multi-signifiance trop complexe et incalculable pour la conscience humaine), lorsque la conscience est submergée par celui-ci, il n’y a plus aucune raison de trouver une signification claire 64 au trip ou au délire, si ce n’est celui de la cause de cet éloignement brutal causant un déséquilibre et une trop grande prédominance de l’inconscient. C’est souvent par ce déséquilibre que se forme l’idée comparatrice et duale du bien et du mal interne et donc de la guerre avec son environnement social (Tour de Babel). La définition du Bien et du Mal serait selon moi, l’affirmation d’une identité en dépit d’une autre, ceci causant un état de division, donc de douleur (telle une blessure du corps, la division cause la souffrance, la souffrance provoque l’état de Bien et de Mal). Nous pourrions nuancer en citant les ascètes qui supportent mieux la douleur que les autres, mais dans ce cas je mettrais le bien et le mal au niveau de la guerre et de la mort causée à autrui, le tueur s’affirmant Bien sur l’autre considéré au moment du crime comme Mal. Nous pourrions donc confirmer qu’un choc brutal pourrait causer un mal significatif par le déséquilibre qu’il provoquerait entre le réel ordinaire de la conscience, et celui anarchique et délirant du trip ou du délire par de l’inconscient. 65 PARTIE III _______________________________ Capitalisme et cryptographie Virtualiste des rêves Quels rêves et à travers eux, quelles valeurs nous sont généralement imposés par la production des biens et des services monopolistiques du capitalisme ? Quelles influences ces rêves travestis par l’argent, l’intérêt et le profit ont-ils sur notre comportement et sur notre conception du monde ? Quelles influences ont-ils sur la structure de nos propres rêves et de nos propres conceptions du réel ? Quels rêves produisons-nous donc à travers ceux du commerce capitaliste ? Capitalisme monopolistique ? oui, car la quasi-totalité des commerces qui nous sont accessibles, ne représentent et ne distribuent presque que des marques de multinationales et de grands groupes commerciaux, ce y compris dans les petits commerces de quartier qui ne restent en fin de compte, que de piètres distributeurs soumis aux valeurs commerciales de ces mêmes monopoles. Nous citerons donc des sujets d’étude abordables pour une cryptographie Virtualiste du rêve dans le réel capitaliste : l’agro-alimentaire, l’urbanisme, le mobilier, la grande distribution, l’immobilier, les télécommunications, l’internet, sa culture de réseau et ses sites internet de toutes formes, les ordinateurs (hardware, software), l’agroalimentaire, le textile, la publicité, l’audiovisuel, les médias, le cinéma, la culture télévisuelle, le cinéma sous tous ses aspects, le tertiaire et ce qu’il implique oniriquement, les jeux vidéos, la musique... Tout autant de matière propice à une chirurgie des rêves capitalistes et au décryptage de la signification sous-jacente qu’ils induisent. Certes, nous ne pouvons pas voir les hommes de pouvoir, ni les atteindre, mais nous pouvons voir ce qui manifeste leur présence oppressante et ce qu’ils produisent au sein de nos communautés d’un point de vue sociopsychologique. Les intellectuels critiques et suffisamment modernes qui se penchent avec justesse et qualité sur l’économie productiviste et capitaliste contemporaine, peuvent nous permettre de bien contextualiser la part rêvée que ce système émet sur les terres des couches populaires. Il faut donc savoir que le capitalisme agit aujourd’hui principalement et très subtilement sur la dimension psychologique des couches sociales 69 populaires, afin d’influencer majoritairement son opinion et sa croyance envers l’indiscutable, évidente et incontournable présence de ses monopoles. Nous définirons avant tout ici la nature des couches populaires par une interprétation politique, subjective clairement révolutionnaire et unitaire, qui bien que choisie, reste plus légitime, démontrable et argumentée, que purement contingente, intéressée et arbitraire. Ainsi, la nature des couches populaires se limitera selon le Virtualisme jusqu’à la frontière qui inclue la petite bourgeoisie. En effet, là où se justifie cette définition polémique que j’accorde au monde de la classe populaire, c’est de par ce constat évident d’une seule et unique frontière véritablement criante entre les couches de revenus de la population globale, entre classe bourgeoise et classe populaire. Il se manifeste en effet une cassure incomparablement radicale par rapport aux autres. Cette cassure, cette frontière se remarque statistiquement entre la somme d’un revenu et la quantité de personnes qui le touchent au sein de la population globale d’un ou de plusieurs territoires. Ainsi, suite aux légères fluctuations inégalitaires entre les différentes classes et leurs revenus, des plus miséreux aux plus aisés, vient alors après celle de la petite bourgeoisie, une radicale frontière statistique qui sépare « le peuple » de la classe bourgeoise. C’est « ce peuple » plus ou moins hétérogène que l’on pourra définir comme étant la classe populaire du monde. Une classe populaire massive existe donc bel et bien si nous décidons politiquement de la reconnaître. Son interprétation subjective argumentée et empiriquement construite, pourrait même se permettre de rejeter dans un engagement dénué de préjugés, les autres concepts modernes de classes, source de divisions au sein de celles-ci tels que ceux de bobos ou de classes moyennes. Après la petite bourgeoisie et ses cadres, le taux de revenu des autres riches que nous pourrions qualifier de classe bourgeoise, se marque d’une différentiation inégalitaire beaucoup trop criante pour pouvoir les unir aux autres couches populaires. En effet, il apparaît entre ces deux compartimentations une cassure flagrante trop forte dans la quantité de richesses perçue : les couches populaires touchent approximativement 70 entre 450 euros et 20 000 euros par mois, tandis que la bourgeoisie garde quotidiennement son statut de millionnaire ou encore même de milliardaires. Après l’ensemble des cadres ou des petits bourgeois et leurs revenus raisonnablement aisés, nous passons donc radicalement à une cassure statistique flagrante, celle effectuée par la richesse exorbitante de la bourgeoisie, qui représente une quantité de revenus qui ne peut plus avoir le même genre d’intérêt socio-économique et financier que le reste des couches qui la précèdent. La quantité de revenu de cette classe bourgeoise est tellement différenciée en pourcentage par rapport à celle de la couche populaire précédemment définie, que la vie qu’elle occupe ne peut plus du tout avoir la même forme que celle-ci. Ainsi, son comportement restera aussi habité et déterminé par d’autres préoccupations et par d’autres formes d’intérêt socio-économique et financier que celles de la majeure partie des couches populaires précédemment définies. Le rêves capitaliste sous toutes ses formes, comme cela a été montré dans le Manifeste pour le Virtualisme (au sein de l’essai Du Virtualisme), est forcément soumis à la règle inévitable de la sur-interprétation des distorsions subjectives de libre esprit et de libre désir des classes populaires. Bien évidemment, le capitalisme se joue bien de l’autonomie subjective des consciences populaires, car dans les mondes subjectifs, il existe aussi celles des subjectivités empoisonnées, qui peuvent rendre les esprits malade. Le capitalisme gardera donc grâce à cela une maîtrise parfaite, prête à tout instant à une guerre psychologique et commerciale dénuée de compassion (exemple : les suicides répétés des salariés de chez Orange suite au harcèlement moral, ou encore les publicités mensongères qui vendent des produits néfastes...). Ce sera surtout à notre époque contemporaine, que la maîtrise de l’art magique du subjectif restera pour le capitalisme un de ses plus grands domaines de prédilection. C’est à travers lui d’ailleurs, que se pratique également un art pervers, celui de la manipulation et de la récupération de ceux qui s’opposent naïvement à ses valeurs politiques. 71 En effet, le constat de l’hétérogénéité inaltérable des subjectivités humaines permet implacablement au capitalisme de dominer les masses en infantilisant une tranche presque parfaitement malléable de gens ordinaires et très ignorants, car n’ayant pas accès aux connaissances émancipatrices. Cette partie de la masse populaire sera ironiquement majoritaire. Ainsi, c’est la sociologie, la neurologie, la communication, la biologie comportementale, la socio-psychologie, qui seront tout autant de disciplines scientifiques déterminantes à connaître et qui resteront principalement au service de la récupération de cette part fortement malléable des couches populaires. Fortement malléables par le grand capital, oui, mais très peu influençables par les peuples résistants qui proposent des alternatives au capitalisme, hétérogénéité subjective oblige... C’est bien dans ce domaine que le capitalisme émettra de façon massive des données subjectives faussées (magie noire : lorsque les promesses sont moins bonnes que les actes et les faits occultés), c’est-à-dire des mensonges commerciaux et médiatiques, que la partie la plus majoritaire et la plus malléable des couches populaires réceptionnera. Ces données falsifiées et publiées massivement par le capitalisme, seront réceptionnées par cette masse ignorante mais majoritaire, leur subjectivité étant dupée, toutes les réflexions subjectives qui accompagneront ces données reçues s’en trouveront elles aussi forcément faussées, créant ainsi au sein du système social une illusion massive, un réel factice, une matrice des esprits presque impossible à pirater par les couches subversives et politiquement résistantes. Le résultat ? Il n’y a qu’à voir l’état de notre monde... ! Ainsi, tout calcul qui commence par une donnée erronée aboutit forcément à une erreur qui résulterait de la donnée de départ, d’où l’importance cruciale de ne jamais rejeter le concept de vérité dans les relations socioculturelles et dans le verbe. Comme il a été dit précédemment, la classe populaire surajoute sur les rêves capitalistes ses propres constructions rêvées et sa propre culture de masse, comme par exemple sur l’esthétisme symbolique des Mc Donald et des Fast Food en général, ou encore sur certaines marques 72 vestimentaires, etc. C’est d’ailleurs par ce biais que les instances capitalistes interagissent et rétroagissent indirectement sur les couches populaires afin de favoriser chez elles la consommation à outrance. Ceci permet également à ce même système économique de mettre à jour sa culture, sa modernité, mais aussi d’accroître son capital, le potentiel de son pouvoir tentateur, et de sa légitimité au regard de cette même couche. Un bon exemple qui illustrerait métaphoriquement cette règle psychique, ce serait la contre-culture urbaine des tags et des graffitis qui surajoutent leur propre subjectivité vandale et multi-signifiante sur les immeubles des villes et ses toits, dans les bars populaires et sur tous les territoires des transports en communs. L’histoire de la ville avait bien avant cette contre-culture sa propre signification historique, existentielle, identitaire, économique, locale et politique. Cette contre-culture surajoutera sur les parois urbaines des villes son propre sens lui même condensé de multiples sens oniriques et existentiels. C’est donc au sein d’un tourbillon de croissance ou dans un cercle de ventes stables que le capitalisme s’enrichira ou entretiendra sa structure basée sur une seule finalité dominante : celle du profit. Il y a donc un dialogue indirect, cyclique et constant entre la créativité culturelle du peuple et la créativité onirique, manipulatrice et mensongère des commerces du Capital (c’est ce que d’autres pourraient appeler par exemple la mode). C’est grâce à cette interrelation indirecte que le peuple se fait la plupart du temps duper, manipuler, notamment à notre époque, et que son impuissance politique s’accroît en même temps que sa puissance subjective est devenue super-subjective, c’est à dire virtuelle. Cette virtualité, divertissante en général, se développe symétriquement et suffisamment grandement dans le capitalisme, pour préserver chez les couches populaires un comportement pacifique, qui si hypnotisé par son quotidien, somnole illégitimement et dangereusement dans l’immobilisme politique (qui se manifeste très souvent par les forts taux d’abstention lors des élections ou par les faibles participations aux manifestations). 73 Le but du pouvoir c’est de déléguer comme dans le conte de Pinocchio, le plus de divertissement possible aux couches populaires, de travestir l’information et sa diversité médiatique, afin que le peuple délègue la majeure partie de sa responsabilité aux pouvoirs économiques et aux pouvoirs étatiques. C’est ainsi que le système qui peut être représenté de façon abstraite car dénué de chef unique, préserve sa structure. L’avènement de structures économiques transnationales qui s’affirment clairement en faveur du capitalisme forment un pouvoir indiscutablement influent. En effet, la grande majorité des états nations du monde ont pour principale fonction économique et politique de leur obéir et de s’adapter à leurs lois, ce pour le bon déroulement de ses structures économiques monopolistiques. Suite à cette analyse critique préliminaire, c’est toute une part de l’ambiance hypnotique et onirique qui sera ici dépeinte, suggérée, grâce à un certain nombre d’exemples de rêves profondément capitalistes, puis par un certain nombre d’exemples de rêves exercés par les couches populaires qui se surajoutent sur les architectures de cette même économie. S’effectuera sur ces deux sujets d’étude une tentative de décryptage des significations qui en résultent et ce, grâce à la cryptographie Virtualiste des rêves élaborée précédemment. L’Argent, matière première des rêves capitalistes On en revient souvent au même point, donc commençons à introduire cette cryptographie Virtualiste des rêves par celui... de l’argent. L’argent est un fétiche, une idole subjective, qui comme le dit si bien Jean Zin (http://jeanzin.fr) est accepté et légitimé par tout l’ensemble de la société comme valeur d’échange. Sans cela, ce ne serait qu’un bout de papier avec de l’encre ou un bout de métal inutile. Nous n’analyserons pas ici toutes les caractéristiques économiques qui peuvent elles-mêmes demander un manuscrit à part entière, mais plutôt quelques rêves qui se produisent à travers lui. 74 L’argent est garant du pouvoir d’achat selon sa quantité. La possession de l’argent dépend d’un ensemble de lois économiques, législatives, culturelles, mais aussi de notre capital qui peut être représenté, soit par l’ensemble de nos savoir-faire, de nos connaissances et de notre potentiel créatif, soit par la quantité d’argent que l’on possède au départ grâce à l’histoire de notre famille. L’argent peut aussi se posséder par la transgression de l’ordre, la délinquance, la corruption etc. À travers l’argent, c’est toute une culture intéressée qui se construira dans la convoitise, car l’argent, lorsqu’on le possède à un certains degré quantitatif, peut quasiment et anarchiquement permettre d’avoir tous les pouvoirs (le droit au crime, à l’exploitation, au sexe à outrance, à tous les privilèges matériels et épicuriens etc.). Nous pouvons donc considérer l’argent, bien que très peu de personnes en possède en très grande quantité, comme étant représentatif d’un monde sans foi ni loi. Nous donnerons l’exemple des multiples corruptions récidivistes de tout un ensemble de réseaux politiques, économiques et financiers qui restent encore jusque là relativement impunis en comparaison de la grandeur de leur trahison envers leur propre humanité. Nous citerons également certains grands groupes commerciaux et internationaux qui ne se gêneront pas pour exploiter les peuples des états de non-droits (allant même jusqu’aux enfants) en brandissant publiquement un humanisme factice pour justifier la bienveillance de leurs embauches néo-colonialistes au sein de ces mêmes terres. C’est donc en possession d’un très fort capital, donc en possession d’une forte épargne que notre pouvoir anarchique peut s’exprimer à travers l’argent en défiant quasiment toutes les lois étatiques qui lui font face. Il est important de préciser que les lois ne s’effectuent jamais sur la monnaie elle-même, donc sur l’argent, elles s’effectuent autour de lui. En conséquence, les lois n’ont aucun véritable pouvoir sur lui si ce n’est par celui des prélèvements obligatoires qui n’empêcheront jamais son pouvoir en redistribuant juste faiblement sa quantité. C’est aussi à travers les mafias, miroirs inversés et symétriques du monde 75 légiféré de l’économie que l’on peut percevoir le résultat de ce que peut créer en société un tel pouvoir anarchique rentrant dans une symbiose ambiguë avec les violences les plus ouvertement criminelles. Les communautés artistiques et musicales en connivence pure avec le commerce, les émissions télévisuelles ou radiophoniques divertissantes, ou encore les mondes de Las Vegas ou de la Française des jeux, illustrent brutalement et sans gêne le fantasme généralisé de notre société, vouloir posséder une richesse exacerbée, opulente, qui offrirait à son possesseur une sorte de plein pouvoir. L’argent devient alors, à travers une mise en avant ludique et ouvertement délirante, l’objet totémique et fétichiste du pouvoir, de la gloire, du prestige, mais aussi de l’indiscutable reconnaissance économique, et ce quels que soient notre posture et notre comportement social dans le monde. C’est d’ailleurs à travers les caricatures les plus scandaleuses que l’on peut percevoir l’importance de l’argent dans le monde (comme dans le dicton américain, sex, drug and money ou encore dans le billet de 500 francs brûlé devant les médias par Serge Gainsbourg). Posséder beaucoup d’argent c’est aussi pouvoir tout traverser dans le monde de l’économie et des marchés noirs. On peut d’ailleurs bien traverser le monde grâce à lui, c’est à dire le monde du pouvoir consumériste sous toutes ses formes plus que les mondes, c’est à dire les communautés habitées de valeurs sociales et culturelles, habitées d’amour, d’affection, d’histoire et de politique. Cet outil permet donc de posséder le monde économique et non pas véritablement les mondes socioculturels, qui exècrent en général bien souvent la bourgeoisie, soit par conviction, soit par dégoût ou soit tout simplement par jalousie. L’argent ne permet pas tout donc, puisqu’il ne permet pas l’amour, mais permet à son possesseur un pouvoir anarchique relativement absolu octroyé par les mondes commerciaux de tous genres sur les mondes d’un point de vue lié à la coercition de la force illégale, de la législation, des richesses matérielles, sexuelles... Il peut également acheter beaucoup de politiciens en corrélation avec le pouvoir étatique donc influer sur la vie quotidienne des peuples. 76 L’argent, c’est aussi une des premières thématiques abordée dans les thrillers, les romans, les polars, les films d’actions, ou le monde d’Hollywood et ce largement avant la culture, la science et la politique ! Nous pourrions donc dire que c’est un fétiche doté d’une aura extrêmement tentatrice et hypnotique possédant et modifiant l’ensemble des comportements en société. Son pouvoir magnétique a la capacité de briser des familles (à travers les moments du partage d’un héritage par exemple) ou même de briser un couple fortement amoureux (à cause du stress de la misère par exemple). L’argent est aussi très présent dans l’histoire, l’histoire des guerres, de la colonisation, du racisme, des guerres de religions, des mafias, des familles, des ouvriers et des paysans, des communards etc. L’anarchie de l’argent, dénué de législation véritable sur son propre corps, c’est donc aussi la convoitise et la comparaison avec celui qui est doté de plus de droit, mais c’est aussi l’ego, la guerre et l’orgueil de son possesseur. On pourrait même dire que l’argent illustre assez bien en tant que tentateur, le degré d’amour qui habite une société, une personne miséreuse ou une personne riche. L’opposition entre l’amour et l’argent a jalonné toute l’histoire tant politique qu’économique (nous pouvons citer nombre de films qui montrent l’antagonisme flagrant entre ces deux pôles). L’exemple de Roméo et Juliette illustre bien ce thème, mais aussi avec La Belle et le Clochard ou bien encore Cendrillon : on voit que le mythe, la légende et le conte entre l’amour et l’argent existe de tout temps, en fait depuis sa naissance. Bien évidemment, les choses sont bien plus complexes et nuancées que cela, mais voir l’extrême signifiance de ce thème, c’est voir aussi tout ce qu’il permet, c’est voir son caractère infiniment onirique, notamment dans ce que nous allons aborder dans ce qui suit. Que l’on nomme la finalité du capitalisme comme étant le profit ou l’argent, il restera à l’origine du processus historique des pouvoirs dans lequel nous nous trouvons actuellement, surtout lorsque nous l’observons dans la dimension cryptographique des rêves. 77 I - Environnement et rêve Comme cela a été dit dans la seconde partie de cet essai, les rêves éveillés, les délires et les rêves sont eux aussi soumis, comme dans le monde du réel, au facteur dual du hasard et de la nécessité. Ce facteur dual, selon les analyses précédentes, condense dans le rêve les expériences de l’individu dans un ensemble transversal et anarchique de significations et d’a-signifiances multiples. Nous pourrions même oser dire que c’est le concentré de signifiance au sein des rêves qui produit dans la conscience son sentiment d’asignifiance du rêve ou des choses, mais cela reste tout de même hypothétique. Dans un environnement très façonné par les hommes, comme par exemple la ville, la transformation environnementale reste elle aussi soumise à ces deux principaux facteurs (hasard et nécessité). Bien qu’une ville ne soit pas un rêve en premier abord, elle comporte à notre époque toutes les constituantes qui définissent selon Freud ce que peut être un rêve et ce, notamment grâce à la richesse de l’héritage de son histoire passée et de celle de l’histoire humaine. Ce concentré de signifiances et d’a-signifiances s’incarne dans notre époque, au sein de son aspect esthétique ancien, au sein de celui de ses architectures modernes, ou encore de par l’ambiance subjective et quotidienne omniprésente créée par l’histoire et par ses habitants. Dans une ville, nous pouvons, avoir conscience de son histoire globale, ou avoir plus ou moins conscience du rêve même de cette ville et de son identité historique, dans la symbiose que ses parois partagent avec la vie de ses occupants, d’hier à aujourd’hui. Mais cela ne suffit pas à démontrer totalement ce que je prétends dans cet essai : le fait qu’elle soit habitée d’une très forte part onirique dans le réel. Une des lois fondamentales qui régit tout pragmatisme pour façonner relativement un environnement à son image, c’est celle d’une relation dialectique incessante entre sujet et objet, entre la projection intéressée des humains et les contraintes qu’ils rencontrent lors de la réalisation de 78 leur projet dans le réel. Ceci leur permet à terme, d’acquérir un savoirfaire plus habile et une connaissance plus claire sur les choses du réel. C’est à travers les vices et les vertus du temps, qui portent nos erreurs pragmatiques si instructives, que notre apprentissage pour savoir transformer correctement notre environnement devient de plus en plus facile et aisé. L’accroissement de notre apprentissage et donc des connaissances dont nous héritons du passé pour transformer notre environnement comme nous le souhaitons nous offre aujourd’hui une bien plus grande liberté sur celui-ci, nous permettant de lui donner une dimension esthétique bien plus libre et donc aussi beaucoup plus liée au monde des rêves. Ce serait donc grâce à l’héritage transmis de génération en génération que nous pouvons aujourd’hui affirmer davantage que notre environnement physique reste plus rêvé que réel. Bien que les contraintes existent au sein des règles de l’architecture urbanistique par exemple, il existe toujours l’avancée historique de ses connaissances qui sont devenues présentement telles, que nous sommes maintenant capables de réaliser n’importe quelle architecture esthétique, ou encore des architectures d’industrie à la chaîne, dans un délai et une vitesse de réalisation qui nous étaient auparavant inenvisageables par rapport à la complexité de sa structure. Notre capacité à pouvoir fabriquer esthétiquement plus ou moins ce que l’on souhaite dans le monde de la matière est dès à présent pour nous de plus en plus simple. Ainsi, notre savoir-faire architectural est aujourd’hui d’une telle virtuosité que son expression esthétique et onirique en libère son potentiel, même s’il peut ne pas être utilisé dans le contexte économique actuel (Voir par exemple sur ce fait Hundertwasser) qui met plus en avant l’aspect économique que l’aspect esthétique et artistique de la construction. En effet, l’urbanisme est aujourd’hui plus fait pour faire de l’argent que pour développer une vie qualitative à ses habitants. Cette aisance moderne pour effectuer les constructions urbaines, quelles qu’en soient les contraintes fonctionnelles, architecturales et physiques, nous offre ce légitime constat, celui de pouvoir définir l’urbanisme 79 comme étant plus onirique que prosaïque, plus virtuel et créatif que lié aux travaux concrets du bâtiment et ce, bien qu’ils fassent partie intégrante du processus de réalisation matérielle de sa modélisation antécédente. En ce qui concerne les architectures du bâtiment, il existe un rapport à la nécessité des lois architecturales et physiques qui influent relativement sur son esthétique onirique et apparente car, pour qu’un immeuble tienne debout, il faut respecter inévitablement certaines règles, certaines lois. Pour permettre également à un occupant de jouir de toutes les fonctions qui sont généralement attribuées à l’offre d’une habitation (électricité, gaz, eau, chauffage, téléphonie, isolation etc.), apparaît alors la contrainte empirique des nécessités techniques et scientifiques qu’elles demandent. Ainsi, tout un ensemble de contraintes économiques et matérielles existent et travestissent relativement les projets purement créatifs de l’architecte. Nous pouvons citer plus précisément ses obligations qui se contextualisent dans l’économie de l’urbanisme et dans la politique qu’elle défend : les délais de construction, le coût de la main d’œuvre, les impératifs de rentabilité financière, la quantité de capital qui est investie etc. Mais au sein de toutes ces architectures urbaines, il existe également un sens onirique clair, qui reste profondément en lien avec les intérêts capitalistes et en lien avec la continuité de l’histoire. Il existe une grande part d’inconscient, de fantasmes, de séduction et de désirs, surtout dans les détails et les subtilités séductrices de l’offre immobilière. Notamment lorsque le logement présenté au client intéressé mettant en exergue certains de ces détails (le sol et son aspect, la peinture, l’éclairage, les éléments fonctionnels et confortables des pièces comme par exemple un placard etc.), vient alimenter ses fantasmes et exciter ses désirs auxquels cette proposition semble répondre. De toutes ces facettes séductrices, beaucoup de signifiances cryptées et condensées en émergent, comme lors d’un rêve. 80 Une cryptographie Virtualiste des rêves de l’urbanisme, de ses façades extérieures, intérieures et des commerces immobiliers qui en émergent reste donc envisageable avec prudence et nuance, autours des nécessités physiques et financières qui travestissent ses significations apparentes bien que, toutes ces contraintes, notamment celles de la rentabilité, puissent induire un ensemble de signifiances oniriques idéologiques. Le contexte subjectif de l’urbanisme reste sans doute plus à prendre en compte au sein du capitalisme pour comprendre sa dimension onirique sous-jacente que son aspect esthétique apparent, mais cela devra se vérifier plus loin dans ce qui va suivre. Dans l’environnement humain, en ce qui concerne les transports, il se passe le même genre de rapports bipolaire entre les lois techniques, scientifiques et architecturales, et les lois oniriques, contingentes, créatives, artistiques, commerciales et esthétiques. Là est la base du fondement qui permet aux grandes entreprises de produire, respecter les règles architecturales, technologiques et commerciales pour ensuite y ajouter toute une dimension onirique, symbolique, fantasmée et attrayante. Ce sont ces lois qui serviront de support et de squelette, à l’expression esthétique et onirique de l’offre proposée. Tout ceci est précisé afin de mieux comprendre le contexte effectif du rêve au sein de ces deux cas liés aux commerces capitalistes, le transport et l’urbanisme, ce afin d’admettre un ensemble de conditions préalables à la création d’un univers onirique et symbolique pur, qui reste impératif pour l’ensemble de ses offres modernes. Il me reste à ajouter que vu que le contexte de l’urbanisme prédomine dans le capitalisme sur son esthétique matérielle, l’analyse de son aspect apparent dénué des raisons les plus véridiques de cet aspect, serait une analyse faussée et hallucinée. Il faut préciser d’ailleurs que cette même analyse faussée et hallucinée peut très bien apparaître dans certaines interprétations subjectives des couches populaires ou même bourgeoises 81 qui se surajoutent aux signifiances préliminaires (dire par exemple que « cela a été fait exprès et librement. »). Une analyse cryptographique s’effectuera d’ailleurs sur ce genre de phénomènes (c’est à dire sur les interprétations subjectives et oniriques relativement faussées). Il ne s’agira donc tout de même pas de ne pas prendre en compte la culture citoyenne des villes et sa part rêvée qui s’ajoute à l’a-signifiance originelle de son esthétique pure. L’urbanisme, les transports et leur esthétique aux signifiances indirectes sont donc bel et bien, suite au contexte de leur réalisation, réinterprétés par les personnes qui occupent leurs espaces. Enfin, si c’est ici l’urbanisme des villes et des transports qui ont été ici choisis comme exemples environnementaux, c’est que ce sont bien ces deux aspects fonctionnels du capitalisme qui représentent les plus grands appareils de pouvoir onirique du capitalisme dans l’environnement, car avant d’être un lieu de rencontres citoyennes, les villes et les transports sont bien avant cela des outils primordiaux pour le développement du commerce capitaliste et mondial dominant. 1. Urbanisme A/ Cryptographie du commerce immobilier Ce qui doit être affirmé malgré l’évidence du constat, c’est que les rêves qui s’expriment à travers les offres immobilières sont liés à un rapport d’offres et de demandes commerciales préliminaires, donc à un rapport intéressé par le bénéfice qui est apporté aux deux parties bien qu’il soit déséquilibré, car la faiblesse est en général majoritairement du côté de la demande. L’accord préalable est donc commercial et effectué à travers un bail de location ou une vente définitive du bien. Ce rapport commercial déséquilibré connote un rapport de force lié au pouvoir séducteur des deux parties concernées, où le rôle principal qui domine en général reste plutôt attribué comme il l’a été dit à celui qui offre l’objet de désir, c’est à dire au propriétaire (de l’appartement, du pavillon etc.). La plupart du temps, le commerce de l’immobilier passe par un 82 médiateur spécialisé du côté de l’offre, les agences immobilières, qui incarnent un statut symbolique renforçant le pouvoir législatif et commercial du propriétaire. Ce symbole de médiation entre le propriétaire et le demandeur a plusieurs significations. Nous citerons le confort de la délégation des contraintes administratives des responsabilités offertes au propriétaire, la sécurité octroyée au propriétaire dans le rapport de force pour que le locataire honore sa part d’engagement, la possibilité pour le propriétaire de rester anonyme et de ne passer par aucun rapport commercial lié à l’affectivité, la possibilité de jouir de tout le savoir-faire commercial de l’agence immobilière. Une agence immobilière est de plus une entreprise commerciale. En occident, une entreprise commerciale ne négocie, par son statut juridique, et que très rarement les conditions préalables à la signature de l’accord commercial. Elle représente donc, suite à ces observations, de façon imagée, un groupe de personnes qui joue un rôle onirique de tribu guerrière formée et même supérieure à toute autre tribu au sein de leur domaine de commerce de guerre, l’immobilier. Ces entreprises sont des entités commerciales quasi-militaires, imposant chez la plupart des demandeurs intéressés le respect, mais aussi la peur. En effet, ces entités paraissent plus protégées par la loi de par le pouvoir économique qu’elles représentent que ne l’est le demandeur, ne représentant que sa citoyenneté et son statut socio-économique. Les préliminaires des rêves permis par les mondes du commerce de l’immobilier, suite aux travaux ouvriers, passent donc par un rapport de force commercial plus ou moins mis en scène, afin que la part intéressée par l’offre puisse posséder son propre appartement, par le biais d’une location ou d’un achat. Cet accord commercial théâtralement mis en scène, nécessite pour l’intéressé un statut socio-économique d’une valeur équivalente ou supérieure à celle de l’offre proposée, condition préalable à la signature définitive du contrat commercial, donc à la fin du rapport de force pour un achat et à la fin du premier rapport de force pour une location. Les rôles attribués à chaque partie au sein de l’échange du produit immobilier, prétendent dans les deux camps à un rapport de force 83 commercial assez équilibré. Une dimension symbolique, mais surtout onirique et théâtrale émerge alors comme au sein d’une transe primitive. L’être humain et ses rapports conviviaux ordinaires se mettent un moment de côté et se troquent à travers des armures symboliques et ritualisées, guerrières et tribales, où se négocie l’objet de désir, si important pour les deux camps dans ce qu’il leur apporte. Le rapport de force est codé, mythifié et placé dans un contexte législatif, celui de l’état, second médiateur entre les deux forces intéressées par l’objet de désir. Là où une part rêvée se place encore bel et bien, c’est dans ce rapport théâtral, celui de l’hypothétique accord commercial. Les intérêts des deux parties de l’échange se travestissent à travers un ensemble de comédies, de bluffs, de ruses, parfois de mises aventurières proches du poker etc., et ce selon la qualité de l’appartement, selon ses défauts plus ou moins visibles ou encore selon le statut du demandeur qui a plus ou moins falsifié la nature de sa condition sociale véritable. Ils travestissent également leur humanité par tout un ensemble de masques et même de « costumes » qui accompagnent le rapport commercial. C’est donc un rapport social particularisé et totalement « surjoué », où la nature véritable et ordinaire des deux parties se transforme à travers le pouvoir d’un rôle (la propriété, le pouvoir d’achat). Celui-ci se masque et prétend dans les deux cas à une image esthétique qui ne les habite en fait sans doute pas véritablement. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la figure des agents doubles fascinent avec autant d’intérêt la culture occidentale, que cela soit dans la vie de tous les jours ou dans les films, car c’est bien cette condition à laquelle est exposé tout acteur de la vie économique travestie par l’argent et le profit. Au sein de cette rencontre commerciale, il se passe donc bien un jeu social onirique, rêvé, multi-signifiant où chacune des parties croit en général à l’apparence costumée de l’autre et à sa ruse secrète. Ce visage tronqué et maquillé, c’est l’apparence, l’illusion d’un rôle où chacune des parties concernées se dupe mutuellement. Le rapport commercial, bien que réel, reste dans son processus ritualisé, 84 relativement fictif et étranger à lui-même, relativement rêvé. C’est aussi un événement ponctuel marqué d’hypocrisie froide, de jouissance également de par l’intérêt mutuel accordé aux deux parts, grâce à l’objet d’échange. C’est un moment où le rapport social ordinaire reste presque absolument absent et où seul le rapport à l’argent existe. Ce rapport est imbibé de méfiance, de sécurité législative et commerciale, d’histoire, de conjoncture, donc de peur et d’ambiguïté entre amitié théâtralisée et ennemis, relation génératrice potentielle de soupçon, de méfiance et de stress. Accepter ces faits, c’est accepter une inter-relation qui n’a pas véritablement lieu et qui en fin de compte n’a lieu que dans un rêve, ou encore un délire ritualisé et éveillé, dans un langage onirique, dans un fantasme où seul l’échange monnayé a en apparence réellement lieu. Ainsi, seul le domaine de la transaction commerciale a véritablement lieu, et c’est dans ce simple cercle que toutes les multi-signifiances s’effectuent par les deux parties, qui ne sont en fin de compte que des éléments masqués au service de celles-ci, en passant par une mise en scène plus ou moins théâtrale, séductrice et onirique, les rôles commerciaux deviennent finalement esclaves d’eux-mêmes. C’est en conséquence un rapport de force basé sur la séduction, où l’opposition entre l’offre et la demande est aussi paradoxalement à sa dimension guerrière sexuelle, où la jouissance et l’acte sexuel raté correspondraient à l’accord réussi et l’accord contractuel en échec. C’est aussi un rapport lié à l’esthétisme du pouvoir, qui par l’aspect théâtral de sa posture impressionne l’autre partie. Un ensemble de symboliques oniriques jouent dans ce rituel un rôle qui certifie dans chacun des camps une légitime image phallique, qui cherche à être interprétée comme étant indiscutablement désirable et même virilement inviolable. Un logement, dans un immeuble, dans une résidence, dans un quartier, dans un secteur de la ville à réputation particulière a ensuite toute une part symbolique et rêvée dans ce qu’il peut représenter subjectivement chez autrui. Tout un monde rêvé et condensé de significations symboliques qui se relie aux fonctions esthétiques et à l’emplacement 85 local de l’appartement que l’on pourrait occuper. Ainsi, l’appartement peut très bien représenter symboliquement notre fonction et notre positionnement social au sein d’une société. C’est un indicateur souvent arbitraire et onirique sur notre place en société et sur notre valeur en communauté. L’ensemble des décors et de tous les détails d’une habitation (entretien, propreté, ornement décoratifs, grandeur de l’espace habité etc.), déterminera relativement l’image onirique qui nous représentera métaphoriquement et symboliquement face aux autres. L’acte juridique définissant le statut de propriétaire ou de locataire d’un logement, garde aussi une dimension purement rêvée, autant par la façon dont l’on peut soi-même se représenter que dans la façon dont l’autre nous représentera. Tout un ensemble de signifiances et de suggestions s’effectue à travers le fait de se déclarer publiquement locataire ou propriétaire. Un immeuble ancien n’aura également pas la même signification onirique qu’un immeuble résidentiel ou qu’un pavillon, ou encore qu’un HLM au sein d’une cité morbide. Tout l’historique passé de ces emplacements urbains se condense en plus à travers des symboles de classes sociales, des symboles de rôles plus ou moins bien vus, des rôles attribués par la réputation historique, contemporaine et locale d’un quartier etc. Aujourd’hui, l’habitation d’un lieu, c’est également un rôle attribué à son occupant, c’est aussi une réputation, celui-ci se plaçant dans le condensé historique et même culturel de ses significations. Au sein d’une grille d’analyse manichéenne (valorisée par exemple par Hollywood, l’industrie cinématographique américaine) inconsciemment très utilisée par la plupart des couches populaires ; le quartier, la taille de l’appartement, son prix, l’esthétique de son immeuble etc. serviront tous d’indicateurs à l’image bonne ou mauvaise rêvée par autrui et par son occupant. Dans toute l’histoire d’un rapport social, toutes les signifiances de ce rapport seront influencées par ces facteurs précédemment cités. Ces 86 facteurs sont rêvés autant dans la riche histoire qui forme notre époque, condensé complexe de notre passé, que dans les symboliques et les métaphores modernes qui s’exercent à travers les valeurs du logement que l’on occupe. Le locataire d’un HLM de banlieue, n’aura par exemple pas les mêmes significations inconscientes face aux autres, avec toute l’histoire qui imprègne ce genre de lieu, que le propriétaire d’un quartier discret et tranquille oublié de tous. Ainsi, dans une ville, il y a tout un ensemble de constructions mentales oniriques, souvent concrètement et rationnellement infondées, qui régissent les comportements sociaux de tous ses habitants. Les erreurs urbanistiques de l’histoire ont aussi parfois semé dans certains quartiers des agencements aux ambiances architecturales néfastes pour la sérénité de ses habitants, celles-ci influençant dans le long terme leur moral quotidien ainsi que leur conception subjective des choses. Cette influence est relativement symbolique et interprétative, elle est liée en grande partie à l’interprétation dévalorisante qui est mise en avant par la plupart des gens sur ce genre de construction. Cette influence est également esthétique, c’est à dire liée à la structure onirique conçue par son architecte et par l’investissement plus ou moins fort de celui qui permit la réalisation du projet architectural. Ainsi, tout un ensemble de valeurs et d’habitudes de quartier se construira à travers le rêve antécédent de ses réalisateurs (architecte, ouvriers, financiers et propriétaires). Pour apporter enfin une nuance importante sur ce qui distingue ces trois termes : subjectif, onirique et virtuel, c’est le contexte dans lequel se place la subjectivité elle-même dans ses interprétations. Dans le terme subjectif, nous engloberons toutes les formes d’interprétations dont la subjectivité rêvée et la subjectivité virtuelle. Une subjectivité rêvée s’approchera plus de la métaphore, du symbole, du poétique, de la multi-signifiance et du délire, tandis que la subjectivité virtuelle se placera davantage dans un contexte historique où la techno-science prédominera au sein de l’environnement qu’elle habite. Compartimenter 87 absolument ces deux formes de subjectivités reste aujourd’hui impossible et c’est pourquoi c’est bien une cryptographie Virtualiste des rêves qui s’effectue dans ce livre. La subjectivité rêvée reste plus ancienne que la subjectivité virtuelle, elle a donc de par son degré d’ancienneté une caractéristique fonctionnelle qui englobe la subjectivité virtuelle. La subjectivité virtuelle, elle, est la cadette, la nouvelle mutation historique des phénomènes subjectifs. L’évolution de la subjectivité humaine représente, elle, le commencement de l’histoire humaine par l’avènement du verbe et de l’héritage de son savoir. B/ Cryptographie du monde urbain Nous citerons ici les domaines que nous aborderons dans l’urbanisme, avant de commencer son analyse cryptographique : La dénotation et la connotation de l’esthétique urbanistique ; le contexte multidimensionnel dans lequel se trouve cette esthétique ; la culture citoyenne, ses valeurs et ses rêves au sein de cet environnement ; la culture socio-économique professionnelle, ses valeurs et ses rêves au sein ce même environnement urbain. - La dénotation et la connotation de l’esthétique urbaine : Dans l’esthétique urbaine, il y a un territoire, d’une plus ou moins grande superficie, emplie de bâtiments et d’immeubles de différentes époques, de grands ensembles commerciaux, de devantures publicitaires, d’espaces de circulation, d’espaces de repos, où s’effectue avant tout l’activité économique capitaliste, ainsi que celle de l’état. L’esthétique urbaine est donc inséparable des appareils de pouvoir, elle en est même relativement l’outil. En son sein, un aspect s’y retrouve inévitablement : C’est celui de la proximité si ce n’est de l’étroitesse des habitations, des bâtiments, des résidences, des grands centres de distribution, des petits commerces distributeurs, des bureaux, des restaurants de tous genres etc. Cette étroitesse si nous pouvons la nommer ainsi, connote dans la dimension des rêves, chez ses occupants - avec le constat du succès des mondes urbains - un sentiment sous-jacent d’insécurité, de peur de l’abandon, de besoin de reconnaissance et de partage social. En effet, dans la densité urbaine générale, nous pouvons ressentir chez 88 ses habitants une sorte de besoin de rapports fusionnels exacerbés, où règne une envie pour chacun de se blottir les uns contre les autres, comme pour éviter un danger hypothétiquement imminent de solitude, celle-ci évoquant le danger et l’exposition désarmée de celui qui la subit face à l’inconnu, sous toutes ses formes. Paradoxalement, l’ambiance socioprofessionnelle et économique généralisée dans la cité, première véritable raison du règne impérial des univers urbains dans le monde, rend ses habitants très irrités les uns envers les autres, car soumis à l’aliénation de l’obéissance aux pouvoirs et à ses contraintes de tous genres (loyer, salariat, temps de travail trop éprouvante etc. générant du stress et de la pression, ainsi que des pathologies mentales diverses, les cas extrêmes étant eux en proie au suicide). Cette ambivalence ou encore ce paradoxe torturé, peut rendre les rapports de proximités très travestis et peut aussi générer un sentiment d’hostilité partagé. Nous n’avons ici pas cité l’abus de ce permis de proximité par certaines couches populaires qui transgressent l’ordre du pouvoir et accentuent le sentiment d’aliénation, de méfiance et d’hostilité ambiante entre les habitants (délinquance lié aux inégalités sociales, marchés noirs, corruption des marchés légaux ainsi que corruption des pouvoirs en général...). Nous pouvons ensuite constater que chaque immeuble ou groupe d’immeubles, connotent selon l’esthétisme de leur époque de construction, des codes et des valeurs contemporaines différentes, dans l’estimation de la valeur de l’habitat et dans la conceptualisation des occupants du territoire urbain. Les anciens immeubles de Paris seront par exemple le plus souvent habités par des classes moyennes ou des cadres, tandis que les immeubles modernes tels que les HLM seront habités par des pauvres et des communautés migrantes. En général, les immeubles modernes à l’esthétique bâclée sont souvent moins respectés que ceux qui ont une esthétique moderne plus entretenue (par exemple par des digicodes, des caméras etc.). Leurs esthétiques urbaines symboliseront selon leur ancienneté plus l’histoire d’une ville chez les touristes par exemple que son histoire contemporaine. L’histoire d’une ville occupe même parfois plus d’espace dans la subjectivité des personnes que sa situation historique 89 contemporaine, ceci pouvant être d’ailleurs une interprétation plus rêvée que bel et bien réelle, plus divertissante que politique. Sinon, une résidence moderne propre et régulièrement entretenue, avec des ascenseurs classieux connotera en général une autre forme de statut social, un peu plus proche du monde populaire mais s’en détachant tout de même en comparaison des cités HLM ou des appartements insalubres dans les quartiers populaires. Il est dit à travers un immeuble, sa façade extérieure, sa couleur, sa localité, ses commerces environnants etc. un condensé de signifiances presque incalculable, vertigineux même ! Par exemple, un immeuble raté par un architecte va influer sur le moral de ses occupants et sur ceux qu’ils invitent ou reçoivent, comme cela a déjà été dit précédemment. Le regard de chacun aura de plus une symbolique tout à fait différente, avec ses propres histoires oniriques mais aussi avec des codes partagés par l’ensemble dans le langage onirique utilisé par tous ces rêves hétérogènes. Un immeuble très clôturé et abondamment habillé de caméra pourra par exemple symboliser l’hostilité envers les inconnus qui y pénétreront et qui se sentiront en dehors des règles législatives, ou encore connotera un sentiment de méfiance et de psycho-rigidité, de peur du cambriolage etc. Ces caméras impliqueront dans les deux sens (habitants et étrangers à l’immeuble) une ambiance qui flirtera avec la division, la peur, la guerre voilée, la méfiance, le soupçon etc. Ces dispositifs de sécurité connoteront également que les étrangers à l’immeuble sont représentatifs d’un danger potentiel et rassureront de façon ambiguë ses habitants entre méfiance, protection et réconfort. L’installation de ces mêmes dispositifs considérera relativement l’habitant comme pouvant lui-même être hostile à son voisinage où à la propriété collective des lieux, ce qui pourrait entretenir un sentiment de culpabilité et de soupçons partagés imperceptibles au sein du voisinage. Un immeuble aux murs sales et tagué connotera le règne du laisseraller, de l’anarchie, mais aussi le règne de certaines choses occultes et délinquantes qui ne sont pas totalement « clean » (deal, agressions, 90 consommation de stupéfiants etc.). Les lumières d’un immeuble et de ses escaliers seront plus ou moins mis en avant selon l’ancienneté de l’interrupteur et selon son esthétisme, l’immeuble sera plus ou moins prétentieux, plus ou moins fonctionnel, plus ou moins classe ou ridicule selon ses formes architecturales... Une lumière de couloir en panne symbolisera peut-être pour un ouvrier qui rentre chez lui un signe d’ironie du sort ou encore un signe de handicap à durée indéterminée. Car l’ouvrier, lors de son passage dans ce couloir se sentira symboliquement lui-même « handicapé » par la pénombre et créera une analogie interprétative avec sa situation ténébreuse de smicard. En effet, d’un point de vue analogique il pourra peut-être se dire les « ouvriers sont des handicapés, je suis un handicapé, même mon immeuble me le dit, ma vie est très souvent sombre ». Une belle ville ou un beau quartier la nuit, cela peut être aussi avec ses lumières, sa beauté urbaine etc, des panoramas à connotation de gloire de l’histoire humaine, de richesse, ou de beauté liée au cheminement historique du lieu. Le scintillement et les brillances des lampadaires dans la nuit de ce lieu pourront également évoquer la poésie urbaine du monde. Elle cajolera ses contemplateurs, connotera parfois avec hypnose le paternalisme de cette même entité urbaine et l’infantilisme de son spectateur ou de son habitant. Une ville et ses anciennes façades urbaines symboliseront aussi un côté baroque et mystérieux, où tout ne peut être vu si ce n’est l’évocation de son histoire passée et le mystère sur l’identité de ses occupants présents, mais où leurs fenêtres éclairées rassureront, attiseront le voyeurisme... Voir les fluctuations lumineuses d’une télévision par le biais d’une fenêtre d’immeuble la nuit, cela pourra aussi créer une ambiance poétique pour son observateur extérieur lié au réconfort et à la paix nuptiale. Le mystère d’une nuit citadine pourra pour les jolies femmes créer un ensemble de sentiments de peur et d’hypothèses paranoïaques dans certains de ses lieux. À travers cette peur et cette paranoïa, toute l’histoire politique des femmes en société émergera furtivement en son esprit. Autant d’exemples qui restent eux-mêmes habités d’une profusion de 91 signifiances et d’a-signifiances définissant encore avec empirisme la nature structurelle et anarchique des rêves. - Le contexte pluridimensionnel de cette esthétique : En coulisse de tout cela, nous trouverons les contraintes financières telles que le loyer, les courses pour l’alimentation, le travail salarié, les entreprises et leur business, les marchés noirs, les actes de délinquance, la routine des chômeurs ou des travailleurs etc. Mais cette routine n’est-elle pas relative, subjective ? N’est-elle pas sur-interprétée ? Où se place le condensé de signifiances rêvées dans tout ça ? Il se trouve dans l’ensemble des contraintes législatives, économiques, financières, bureaucratiques, fruits de l’histoire. Mais que connotent-elles ces contraintes ? Elles connotent quelque chose qui reste insupportablement étranger à soi, quelque chose qui nous contrôle en plus relativement, qui nous impose sa cadence, comme un fantôme qui nous menace de son bâton pour que nous avancions vers notre survie à travers lui. Tout cela devient alors autre chose. Oui, la ville devient alors autre chose, elle devient le lieu où se pratique tout cet ensemble d’actes quotidiens soumis à la coercition. Cela devient alors un lieu étranger à soi-même, un lieu où plus rien ne nous habite et où tout circule indépendamment de nous. Le loyer te dira, tu n’es chez toi que si tu payes ! Sinon, je te mets la pression, si ce n’est même dehors ! Tu m’appartiens tant que tu ne paieras pas, tu mangeras si tu as de l’argent. Tu obéiras à la peur devant certaines communautés etc. Ou encore, cette ville pourra nous faire dire : « mon sale travail, c’est à cause des gens qui volent que je suis obligé de le faire ! » La mairie passera elle pour un bourreau à travers les attentes administratives qu’elle engendre et où tout le monde se dégradera les nerfs dans la patience. Le salarié fonctionnaire, obéissant aux devoirs de son métier, sera relativement fidèle à celui-ci à travers la traditionnelle déclamation d’un : « au suivant ! ». Les hommes forts de la sécurité qui surveilleront et protégeront les instances administratives, connoteront à ceux qui les sollicitent une impossibilité de pouvoir trop s’énerver et trop se révolter. La carrure impressionnante de ces hommes de l’ordre évoquera le vécu des « durs » qui n’ont « plus rien à perdre », ils seront ironiquement très souvent « black », suggestion du racisme historique du 92 passé colonial occidental. - Les cultures citoyennes, leurs valeurs et leurs rêves en environnement urbain : Nous citerons tout d’abord qu’il existe un inconscient collectif global au sein d’une ville. Il faut dire en aparté qu’il existerait selon moi aussi un inconscient collectif au sein de l’ensemble des nations possédées par le capitalisme, par ses valeurs et ses monopoles commerciaux. L’inconscient collectif d’une ville participerait apparemment au bon fonctionnement de ce même monde urbain et de son rôle au sein de l’économie capitaliste. L’auto-compartimentation des communautés urbaines reste inconsciente, fonctionnelle et se facilite par le biais des jugements de valeur conscients et des automatismes inconscients. Un étiquetage constant permettrait aux communautés hétérogènes de se protéger des autres communautés vivant à proximité de la leur, ce afin de préserver leur fonction actrice au sein de la ville. Cette même compartimentation permettrait également à chaque communauté de réduire son ressenti trop criant de l’altérité subjective et donc de protéger ses concepts subjectifs et préétablis du réel. Elle permettrait aussi à chaque individu de se construire affectivement ou même intimement dans la vie d’une façon apparemment plus stable. Nous pourrons citer ici quelques exemples de la compartimentation de l’inconscient collectif d’une ville ainsi : Les commerces quotidiennement fréquentés par certaines communautés sociales ; les communautés qui existent grâce à leurs écoles passées (maternelle, école primaire, collèges, centres de formation, universités etc.) ; les communautés des mondes professionnels (entreprises, associations, etc.) ; les communautés liées aux tendances politiques ; les communautés de quartier (activités locales, associatives, cités HLM etc.) ; les communautés créées par des tendances culturelles (musiques, littérature, peintures, arts etc.) ; les communautés des mondes de la famille ; les communautés formées par des activités associatives (atelier d’écriture, de danse, de sports divers, de musique etc.) ; les communautés construites selon les tendances générationnelles ou encore sexuelles... 93 La plupart des habitants d’une ville se placent dans l’histoire collective d’une ou plusieurs de ces communautés et autour de toutes les autres communautés. Ils ont inconsciemment conscience de la présence de chacune d’elles, pensent et agissent en fonction de leur propre appartenance communautaire. Cela se passe aujourd’hui aussi comme au sein de différentes tribus. Selon le positionnement social de chaque personne au sein d’une ou de plusieurs communautés urbaines, des fonctions et des jugements de valeur s’établiront sur elles. Elles leur donneront un rôle spécifique, à travers une compartimentation plus ou moins déterminée, qui leur léguera également un ensemble de fonctions pour entretenir la structure capitaliste de la ville. Un jeune de cité HLM n’ira par exemple pas construire sa relation sexuelle ou amoureuse de la même manière qu’un jeune de famille petite bourgeoise. Il ne fréquentera pas les mêmes commerces, ni les mêmes divertissements virtuels. Il construira son devenir autrement et aura pour les autres communautés une fonction rêvée différente que celle d’un passant plus ou moins discret. La couleur de peau connotera un ensemble de jugements préétablis pour chacune des appartenances à chaque communauté. Le comportement apparent et l’apparence vestimentaire ne seront également pas les mêmes. L’ouverture d’esprit sera toute différente, etc. Dans l’histoire citoyenne et collective de la ville, la plupart des jugements de valeur et des fonctions apparentes de chacun habite bel et bien tous ses habitants au sein d’un langage inconscient et collectif très proche du rêve. Celui-ci déterminera souvent notre manière d’appréhender notre propre histoire au sein de ce même environnement urbain. C’est un condensé de signifiances et d’a-signifiances qui se combineront dans cette histoire vécue et partagée, tout comme dans les rêves. Chaque élément citoyen de la ville commande à l’autre élément citoyen, de par ses réactions et son comportement quotidien une ambiance onirique particulière, mais aussi un statut pour chacune de ces parties s’entretiendra, s’actualisera et régénérera. 94 Lors de la coupe du monde de football ou lors d’un mariage, la capacité comportementale offerte à chaque communauté ne sera pas la même pour tous et en même temps sera très analogue dans son paradigme. Des sortes de commandes comportementales s’induisent chez les autres par notre propre comportement, ces commandes sont non dites, acceptées de tous et toutes, irréfléchies et presque inconscientes. Elles sont rêvées multifonctionnelles, multi-signifiantes et hypnotiques. Elles peuvent même provoquer, à force d’habiter ce bain comportemental citadin des sortes de barrières mentales et emprisonner le comportement humain. Elles peuvent générer du stress, du mensonge, une incapacité d’expression etc. C’est à ce moment là que nous pouvons dire être un élément du rêve de notre ville. Il ne s’agit pas là de faire une cryptographie chirurgicale de ces rêves citadins, car elle s’avère être diverse selon chacune des villes que l’on aborde. Ce genre de cryptographie s’effectuera plutôt au sein de certaines œuvres poétiques ou picturales futures. Nous pourrons tout de même citer un exemple : Le KFC, fast food qui cuisine surtout du poulet. Il apparaît étrangement que cela soit des fils d’immigrés qui fréquentent ce lieu, notamment des antillais, que leur tendance musicale reste le Hip Hop, le Zouc, le Dance Hall, le Ragga et le Reggae, que le poulet connote dans l’argot populaire « la police », que ces fils d’immigrés viennent pour la plupart du temps de cités HLM. Pourquoi donc ce lieu est-il le symbole des communautés antillaises ? Pourquoi les autres communautés respectent généralement ce territoire et ne le fréquentent-elles pas ? Il a l’air extrêmement clair que ce territoire reste inconsciemment respecté par l’ensemble des autres communautés. Au sein de ce fast food apparaîtra tout un ensemble de signifiances, l’appartenance à la communauté noire et une partie de sa musique contre-culturelle, une rébellion adolescente plus ou moins récupérée par le monde de l’argent, un rapport aux femmes bien particulier, un rapport aux blancs et à la police également particularisé... S’ajoute à cela l’histoire de chaque individu qui fréquente ce lieu régulièrement et qui s’additionne de signifiances et d’a-signifiances avec le temps. Le 95 poulet symbolise, dans sa cuisine et sa préparation un symbole lié au rap américain mais aussi aux valeurs commerciales américaines du « manger fun » qui se lie extrêmement aux populations ghettoïsées et adolescentes. - Les cultures socio-économiques, ses valeurs et ses rêves dans l’environnement urbain : Bien que ce secteur soit principalement la fonction dominante des villes, il ne représente généralement que son annexe dans la subjectivité des gens. En effet, c’est par cette activité socioprofessionnelle que tout se construit dans une ville, mais parallèlement, il se construit ce fameux monde virtuel du divertissement qui symbolise à travers le jeu et l’amour bien plus l’individu en société que le monde hostile de l’économie. Généralement, lorsque l’on demande à quelqu’un ce qu’il fait comme métier dans la vie, cela ne lui plaît pas particulièrement de répondre. Bien que cela puisse lui permettre de vivre, il préférera faire des blagues, parler de feuilletons ou de culture etc. Ainsi la vie très souvent, ne se définit pas subjectivement dans l’inconscient collectif des individus et des communautés par le travail et son mérite, mais plutôt par l’amour, l’affection, l’amitié et le divertissement, bien que cela soit par lui que l’on construit plus ou moins décemment sa vie de tous les jours. Nous pouvons émettre l’hypothèse suite à ce constat que cela reste dû à la grande impuissance que la plupart des couches populaires gardent au sein de ce monde coercitif. En effet, le monde socioprofessionnel est un monde habité d’autorité, d’obéissance et de contraintes qui ne représente guère les fantasmes et les désirs des travailleurs d’une ville en général. De plus, la plupart des travailleurs, effectuent souvent une profession qui n’a pas vraiment de lien avec le sens de leur propre existence, ce qui ne facilite pas leur esprit à pouvoir interpréter le monde de la ville dans cette dimension. Nous pouvons donc avancer l’hypothèse que le monde contraignant des villes, c’est-à-dire le monde des lois, et les mondes socioprofessionnels restent plutôt des mondes qui appartiennent à ses dirigeants et à ses supérieurs hiérarchiques, qui eux y trouvent de véritables intérêts jouissifs. 96 En effet, selon le confort offert par ses différents positionnements hiérarchiques, un monde professionnel peut être vécu d’une toute autre manière. Pour la plupart des habitants d’une ville, les secteurs socioprofessionnels sont des lieux détestés, considérés comme étant fades et moroses, l’ambiance du sérieux et des médisances y règne dans une fatigue quotidienne emplie de plaintes. Ce monde socioprofessionnel connote de façon sous-jacente plusieurs sens clairs : les couches populaires ne peuvent se divertir sans le monde socioprofessionnel et ne peuvent se divertir dedans ; le monde socioprofessionnel, bien qu’éludé par ses oppressés reste la condition de leur bonheur relatif, les supérieurs hiérarchiques le savent et en jouent ; sans le monde des dominants, le monde des couches populaire n’existerait pas, ce qui leur donne certains droits privilégiés dont celui de l’autorité paternaliste et même parfois de l’abus de pouvoir (harcèlement moral par exemple) ; il est impossible pour les couches populaires qui s’asservissent pour le confort matériel et sécuritaire de dire véritablement ce qu’elles pensent véritablement au sein de leur activité en entreprise, elle doivent donc jouer un rôle subalterne et docile ; le supérieur hiérarchique est un symbole de virilité et de peur avant tout et ce, quelle que soit sa catégorie sexuelle ; le supérieur hiérarchique jouit de certains privilèges dans l’entreprise qui ne sont aucunement accordés aux inférieurs hiérarchiques ; seule la vérité du milieu socioprofessionnel règne au sein des périodes de son activité économique même si cette vérité travestit la vérité de ses éléments ; la personnalité du supérieur hiérarchique sera forcément plus libre que celle du salarié lorsqu’ils se confronteront directement dans un rapport professionnel et même en dehors du milieu professionnel ; l’identité communicationnelle et historique de l’entreprise jouera sur sa posture en société et influera sur la façon de la conceptualiser ; c’est grâce au milieu socioprofessionnel et économique que l’habitant de la ville mange et paye son loyer ; c’est grâce à lui qu’il jouit de certains privilèges consuméristes également ; le milieu socioprofessionnel implique selon sa nature certains codes vestimentaires, une certaine ponctualité et une certaine hygiène de vie ; il implique une conduite disciplinée qui reste liée au contexte de son 97 entreprise... Est-il ici suffisamment de signifiances pour voir au sein de ce milieu une dimension rêvée ? Car c’est au sein de tous les instants des activités socioprofessionnelles que toutes ces signifiances règnent plus ou moins consciemment. Elles nourrissent quotidiennement notre conception même de la vie. La ville devient alors dans cette même dimension une sorte de tabou, celui de constater la brutalité d’un cauchemar : La ville, bien que divertissante, attrayante, séductrice et tentatrice, où y règne un ensemble incalculable de plaisirs et d’activités est bien avant tout et presque secrètement aujourd’hui, un appareil et un outil au service des pouvoirs économiques oppresseurs. Il en a d’ailleurs été ainsi lors de toutes les époques de l’histoire humaine, y compris lors de celles de la royauté et des empires. Ne sommes-nous pas nous-mêmes au sein d’un nouvel empire au visage inédit ? C/ Cryptographie du logement Un logement c’est avant tout le symbole de l’indépendance et du territoire intime d’une personne. C’est le lieu de tous les secrets d’un sédentaire, de toute son intimité, sexuelle, amicale ou familiale. À travers son agencement et son entretien, il peut se révéler une partie de la personnalité ou de l’état moral de quelqu’un. Toute son esthétique et son entretien peuvent symboliser, par exemple le relâchement dans la vie et la paresse (appartement mal rangé), la coquetterie (salle de bain emplie de produits de beauté), l’intérêt porté à l’actualité ou à la connaissance (bibliothèque, décors etc.), le niveau de maturité de son habitant (choix des symboliques de l’appartement) etc. Le logement et sa superficie, c’est aussi la représentation de sa plus ou moins grande richesse donc de sa classe sociale, avec tous les préjugés subjectifs auquel cela expose. Cela peut participer au jugement de la potentialité d’un couple amoureux, ou encore relativement participer aux représentations que nos amis ou nos proches ont de nous. 98 L’appartement c’est aussi la garantie d’un statut symbolique de reconnaissance dans notre société assez fort. Lorsque l’on a un appartement, nous avons aussi la capacité d’inviter autrui, d’organiser des dîners de toutes sortes ou encore des fêtes, de voguer librement sur internet, de se reposer sans l’inquiétude de déranger les autres ou d’être déranger etc. Parfois l’agencement architectural de l’appartement peut être modifié par son occupant en fonction de ce que peut lui permettre le propriétaire (destruction des murs, refonte de la cuisine etc.). Ceci intensifiera d’ailleurs avec clarté le tempérament de son ou ses occupants. L’appartement c’est aussi l’endroit où pouvoir effectuer des comportements socialement inadmissibles et donc de se déshabiller métaphoriquement de l’univers des morales socioculturelles qui nous possèdent. C’est donc une véritable frontière conceptuelle, matérielle, psychique, onirique, qui symbolisera l’accord d’une permission plus ou moins grande selon les personnalités du libre et secret dévoilement de soi au sein d’un territoire impénétrable. Le logement, c’est aussi toute la mise en place d’un ensemble d’appareils ou d’objets relativement fonctionnels. Tous seront producteurs de virtualités diverses au quotidien (c’est à dire producteurs de supersubjectivités). Ces appareils ont pour fonction de permettre les agencements oniriques et virtuels souhaités à ses possesseurs. Nous pourrons citer ici quelques exemples évidents : - La chaîne Hi-fi : peut être dotée d’une capacité de captation radiophonique, de lecture de divers formats audio (cassettes, cd, mp3,...). - La télévision : Elle offre un ensemble de chaînes télévisuelles de plus en plus nombreuses au fil du temps. - La console de jeux vidéo : Qui permet de se plonger dans des simulations ou des univers fantasmés... - La bibliothèque : Habitée de livres et de bandes-dessinées de tous genres, qui peuvent nous permettre une évasion liée à la lecture, à 99 la méditation et à la contemplation. L’existence de cet univers est également virtuel car les livres existent grâce aux nouvelles technologies d’impression qui permettent une production hyper-quantitative en un laps de temps très court. - L’ordinateur et l’internet : Qui nous offrent un ensemble de possibilités quasi infinies dans tous les domaines de l’immatériel et qui permettent de spécialiser de façon extrêmement détaillée notre subjectivité dans ceux-ci. Ces deux outils nous permettront également en préservant notre intimité de rester connecté aux autres par une mise en réseau optimale (Facebook, Twitter, E-mail, Skype etc.). Cet outil peut même nous permettre de commander un ensemble de produits et de services capitalistes à domicile. Je ne cite ici qu’une petite partie de ce qu’un appartement peut permettre à son possesseur grâce au libre agencement qu’il lui procure. Ainsi, le logement n’est plus uniquement un simple lieu d’intimité aux décorations personnelles, il devient également un véhicule virtuel d’hyper-personnalisation de la subjectivité pour son occupant, un temple de la consommation capitaliste et de la culture mondiale. L’appartement devient une bulle, un cosmos subjectif où il devient possible de construire un ensemble d’univers fantasmé pour soi seul, tout en restant quotidiennement connecté à l’ensemble de ses proches. Le logement n’est plus vraiment une simple prothèse qui nous protège des intempéries, des températures etc. Il devient une sorte de machine subjective dotée de capacités polyvalentes extrêmement développées. 2. Transports Comme il l’a été dit en introduction de cette partie, les multiples contraintes architecturales sont nécessaires et influencent la dimension esthétique et rêvée d’un appareil de transport. Il a aussi été dit que l’héritage des connaissances humaines permet aux grands groupes commerciaux d’avoir plus de liberté dans la dimension rêvée et la dimension esthétique de la transformation de la matière. Il reste maintenant à affirmer un ensemble de vérités et de valeurs sur la fonction 100 des transports qui sont bels et bien rêvées mais non dites. Dans les villes, les transports peuvent évoquer plusieurs choses : Une culture, des valeurs, des statuts sociaux, un esprit collectif en faveur de la « circulation », un sentiment lié à l’asphyxie dans les milieux urbains (paradoxes du besoin de proximité). Les transports en communs auront une image symbolique bien plus différente pour ses usagers que pour ceux des transports privés et individuels. Ces différentiations induiront des comportements et des rapports au déplacement qui fluctueront selon leurs types etc. Les transports citadins sous toutes leur formes n’auront pas la même charge onirique, ni les mêmes signifiances, ni les mêmes valeurs que celles des transports de campagne ou encore que celles des déplacements à longue distance. Par exemple, l’avion qui a pour destination un pays lointain induira de manière implicite le statut des « grands » voyageurs avec toutes les interprétations valorisantes de ce même statut. Un voyage suscitera davantage d’intérêt et d’attention chez un interlocuteur, quel qu’il soit, qu’une routine quotidienne liée à une activité salariale quelconque. Ce genre de voyages n’est-il pas d’ailleurs habité de cette même signification, avec d’autres bien sûr : celle d’attirer intensément l’attention chez les autres et de se sentir plus important(e), moins seul(e), et ce autant lors de la traversée et du voyage, qu’avant ou après l’escapade ? Nous pouvons tout autant qualifier notre époque comme virtuelle, que comme une ère se reposant sur l’esprit de la circulation. De pays en pays, de continents en continents, de villes en villes, la circulation reste incessante, inaltérable, inlassable, effrénée... En effet, le transport offre aux personnes un sentiment de liberté tel par rapport aux déterminations auparavant éprouvantes, car si gigantesques de l’espace, que rien ne peut véritablement stopper cette soif du déplacement. De plus, l’économie, le travail et la mondialisation n’arrangent là-dessus pas du tout les choses. Il faut prendre conscience que l’espace était très peu de temps avant 101 cela, une entité hostile qui défiait les déplacements humains à travers une longue aventure nomade. Elle est devenue dès à présent un divertissement quasiment ludique, presque aucunement fatiguant où l’on ne risque que très rarement sa vie, cela étant considéré comme un événement surprenant (par exemple le crash d’un avion fait très souvent la une d’un journal télévisé, comme pour s’étonner avec stupeur de la part évidemment chaotique, accidentelle, de la vie et de tous ses potentiels risques). Prendre un avion ? Sans le savoir ou s’en étonner d’ailleurs, nous ne sommes qu’approximativement 2% de la population mondiale à l’avoir déjà pris ! N’y a-t-il pas là une sorte de délire évident de cette toute petite part de l’humanité ? Le capitalisme ne l’alimente-t-il pas à travers ses appareils de communications en rétroagissant sur cette psychose occidentale ? En tous les cas, une chose reste claire, le territoire local est en général, au sein des villes, disloqué, et le monde de la circulation et de ses transports compense un sentiment collectif d’asphyxie. Ce qui est si tragique c’est que l’aménagement des routes au service des transports participe à cette même asphyxie en réduisant l’espace public local de repos et de relaxation en l’annulant même presque totalement, le bruit des moteurs jouant également un rôle fort sur ce triste résultat. Percevoir sans cesse la circulation en ville, c’est aussi percevoir une agitation journalière mariée au monde de l’activité socioprofessionnelle, mais c’est aussi sentir que l’on a un devoir de circulation même s’il devient absurde. C’est donc aussi mettre le citadin dans une ambiance frénétique liée au sentiment impératif de l’activité professionnelle ou du mouvement. C’est comme si la circulation des transports citadins nous disaient sans cesse « nous allons travailler, et toi ? » ou encore « il faut se bouger là, il y a le feu au lac ! ». La circulation ne nous dira jamais « je me pose dans la rue sans rien faire pour contempler les choses de façon sereine », elle nous dira « je vais acheter », « je pars faire des courses fatigantes », « j’ai un truc important à faire » etc. Nous citerons quelques fonctions claires dans le monde des transports : la nécessité d’aller à son lieu de travail ; le besoin de se déplacer 102 d’un point à un autre pour des raisons plus ou moins intimes, plus ou moins intéressées ; pratiquer une profession liée à la circulation et au transport de diverses choses, tel que les coursiers, les camionneurs etc. ; pratiquer la fonction de conducteur dans certaines activités ou missions, comme le samu, les pompiers, la police, l’armée, mais aussi les taxis, les chauffeurs attitrés etc. Être possesseur d’un véhicule personnel (moto, scooter, mobylette, voiture...), c’est aussi être possesseur d’un statut social et un statut professionnel particuliers. La marque et la qualité du véhicule ainsi que son ancienneté, cela connotera des significations différentes, plus ou moins bien vues selon les communautés citadines. Certaines marques et certains modèles seront habités d’une histoire aux multiples signifiances très valorisantes, contrairement à d’autres. En général tout de même, posséder un véhicule quel qu’il soit cela représente, si ce n’est pour les écologistes radicaux, une valeur sociale et symbolique très gratifiante qui confirme une certaine assise au sein de notre système économique. Les auto-tamponneuses sont des manèges qui sont pour tous les âges, elles ont toujours eu un succès retentissant, ce qui montre bien le côté ludique et amusant de la conduite d’un véhicule. Malgré sa dangerosité, c’est une forme de toute puissance qui nous est permise par un véhicule, on le commande à notre guise, presque sans effort physique en général, il nous écoute en plus généralement sans broncher. C’est comme s’il s’exprimait à travers les transports chez l’être humain, une sorte de vengeance, revanche envers la dureté de l’existence matérielle et des efforts corporels et envers ses espaces sauvages triomphants auparavant de l’humanité. Cette grande libération de l’homme, envers l’aliénation et l’oppression naturelle de l’espace devait donc être une chose profondément fantasmée dans son histoire. Le mythe de la tour de Babel, témoigne d’ailleurs assez brillamment de ce besoin pulsionnel chez l’homme « d’aller voir ailleurs, de découvrir d’autres lieux » mais aussi de renier capricieusement les altérités physiques étrangères pour affirmer sa propre toute-puissance jouissive. Cette toute-puissance s’exprimait auparavant 103 plutôt dans le monde explosif des rêves suite au refoulement de nos désirs incontrôlables. Nous pouvons malheureusement dès à présent affirmer que ce besoin frénétique de déplacement se retourne contre nous-mêmes à travers les limites écologiques et énergétiques de notre planète. Les transports sont maintenant devenus la manifestation délirante et caricaturée du déni de réalité qui reste quotidiennement éludée par les forces capitalistes dominantes et par ses éléments, addictes mais aussi apeurés par la surveillance de son ordre policier. Les fautes du Grand Capital, en général, nous les connaissons tous, mais la raison de ce refoulement constant des contraintes du réel , nous ne la comprenons pas, ne serait-elle pas liée au monde pulsionnel, irrationnel du caprice, de la peur et de son opulence infiniment maladive ? Nous ne portons, pas le même degré de responsabilité au sein de cette économie, mais nous sommes bien tous habités de ce besoin de rêver, ce besoin qui chez nos ancêtres se produisait dans le monde du sommeil et des rêves ou dans celui des délires et des transes. A/ Cryptographie des transports en commun : Métro, Bus, Tramway Les transports en commun, un monde de collectivité citoyenne qui appartient souvent au service publique donc au partage. Ce type de transports s’accompagne souvent d’une culture et d’une éthique quotidienne, d’un esprit de discipline plus ou moins respecté selon les humeurs de chacun, de politesses anonymes au silence partagé... S’accompagne aussi au sein de ces lieux communs une aliénation quotidienne qui s’oblige dans le partage étroit d’un véhicule, d’une extrême proximité, souvent devenue la corvée d’un besoin de déplacements, pour nos contraintes ou nos divertissements (manque de places assises lors des heures de pointe et corps serrés les uns contre les autres parfois). Les transports en commun sont souvent des lieux très mixtes où des communautés hétérogènes se côtoient dans un silence relativement gêné. C’est d’ailleurs bien à travers ce silence constamment anonyme que l’on peut percevoir chez chacun la peur de ne pas réussir à 104 assumer un échange face à l’altérité à laquelle tous se confrontent. Le silence des transports en communs, tous modes confondus, induit donc inévitablement cette connotation : celle de la peur collective de l’étrangeté et celle de la peur de l’altérité. C’est donc également l’intimité secrète et cachée, la peur de soi et l’incapacité à pouvoir affirmer publiquement son identité subjective. L’évidence d’être forcément accepté de tous en face d’une si forte diversité subjective, n’existe en fait pas du tout, si ce n’est dans le non-dit, fatale expression d’un inavouable éloignement difficilement rattrapable. Précisons que le contexte englobe les individus et favorise certains comportements. Il va sans dire qu’une ville absorbée par une structure disloquée, à travers un salariat déterritorialisé, par la circulation à tout prix, risque forcément d’engendrer un handicap relationnel. Reste à savoir quelles seront les conséquences de ce processus lorsque nous chercherons à intervenir sur lui, c’est-à-dire quelles pourront en être les séquelles. Elles risquent malheureusement d’être graves, à moins que nous puissions développer par la culture artistique une pédagogie de la métamorphose écologique et sociale implacablement nécessaire. Enfin, ce mensonge est paradoxal : partager un lieu collectivement sans vraiment pouvoir partager, échanger ou avoir une quelconque relation fraternelle. C’est un véritable chaos subjectif et très hétérogène auquel tous se confrontent dans le métro, ou encore dans le tramway et le bus. Seuls les rapports de politesse, de silence et de stress s’échangent la plupart du temps. Le but principal reste pour chacun : le déplacement d’un point a à un point b, c’est un moment qui reste lié au déplacement mais qui implique aussi un certain laps de temps partagé au sein d’une communauté anonyme, où n’y règne le plus souvent qu’un silence dans l’attente de l’arrivée. Ce silence est bien un symbole d’éloignement inavouable de soi aux autres, il s’exprime par la lecture d’un livre, la consultation d’un téléphone portable, la lecture d’un journal, dans les regards évasifs etc. Lorsque les citoyens sont dans le métro, ils n’y sont pas vraiment, sorte de schizophrénie inconsciente de la présence qui ne fait qu’attendre impatiemment la sortie. Les transports en commun c’est aussi la sécurité et la peur, c’est aussi le plan Vigipirate, ou encore des déclarations publiques au mégaphone 105 anonyme des murs qui avertissent des pique-pockets, c’est la menace imprévisible d’un contrôle pour les pauvres qui ne peuvent se déplacer autrement que par la fraude. C’est donc un rapport à la coercition paternaliste de l’ordre de la RATP et de la justice étatique. Dans le métro parisien, c’est aussi faire face constamment à la mendicité des SDF, c’est se confronter aux enseignes commerciales et publicitaires de façon presque asphyxiante, c’est rencontrer parfois la perversion ou la folie... Le métro, le bus et le tramway, ce sont aussi des véhicules plus ou moins qualitatifs selon les lignes utilisées qui ont une plus ou moins grande cohérence avec le monde touristique, ils impliquent donc aussi la représentation d’une vitrine commerciale pour impressionner le touriste. En effet, à Paris, les plus beaux métros traversent généralement les quartiers les plus reconnus par le monde du tourisme et par le monde en général. Nous citerons la ligne 2 pour le sacré cœur, la ligne 1 pour Hôtel de ville, Châtelet, le Louvre etc. Le métro se reconnaît aussi à sa fréquentation hebdomadaire : les heures très matinales (5h/6h) sont celles, à part le week-end, où l’on croise souvent une majorité de travailleurs immigrés, plus pauvres et plus exposés à l’insécurité du fait de leur faible pouvoir d’achat, contrairement aux heures plus journalières (9h/17h), qui elles sont plutôt celles où l’on rencontre des assistés, des salariés du tertiaire, des étudiants, des écoliers etc. C’est donc aussi un tableau citadin de l’état de l’économie quotidienne d’une ville. B/ Trains Le train est une représentation symbolique du progrès techno-scientifique occidental et de l’histoire des transports de longue distance. Lors de sa première grande apparition au sein de cette société (XIX ème siècle), c’est bel et bien une révolution culturelle et économique qui a pu s’effectuer à travers ce mode de transport . Il fut générateur de travaux ouvriers incalculables pour la construction 106 des réseaux de voies ferrées et donc aussi générateur de rémunération pour les prolétaires. Suite à l’apparition des chemins de fer et de ses trains à fonctions multiples (transports de marchandises, de soldats et d’armes, de migrants, de commerçants et de business man, de la haute bourgeoisie...), la conception subjective de la population occidentale sur l’espace ne fut plus du tout la même. Presque du jour au lendemain, l’espace entre les pays se rétrécissait et même de plus en plus au fil des progrès technologiques de ce moyen de transport. Le commerce, grâce aux trains de marchandises se métamorphosa luimême fortement. En effet, pour la première fois il était possible de mettre en place des commerces internationaux de façon rapide et optimale (contrairement aux commerces mondiaux du XVII ème siècle qui furent handicapés par la primitivité des transports de l’époque). L’espace devint de moins en moins handicapant, il devint même un moyen de s’enrichir plus fortement, c’est à dire qu’il devint un véritable allié de l’homme. Ainsi, les lignes ferroviaires représentent symboliquement avec l’énergie fossile qui l’accompagne, une ère de domination et de supériorité de l’homme sur l’espace. La croissance des pouvoirs économiques et financiers dotés de forts capitaux profitent, grâce à l’héritage de l’histoire humaine, de la virtuosité et de la potentialité de cet engin. S’ajoute suite à l’apparition du train, à part l’intérêt qu’il suscite chez toutes les couches sociales (bourgeoises et populaires), une culture, une inspiration artistique diversifiée, des mutations économiques qui interagissent avec la population etc. Mais il est également apparu à travers cette nouvelle machine toutes les erreurs historiques de l’humanité, de ses pouvoirs et de ses guerres qui l’instrumentalisèrent par : la compartimentation des trains en trois classes sociales distinctes (accompagnées d’esthétismes plus ou moins confortables, d’architectures et de décorations intérieures plus ou moins léchées...), au traitement discriminatoire de la clientèle selon des critères 107 plus ou moins fascistes et sectaires, à l’utilisation du véhicule pour le transport des soldats et des armes, le commerce etc. L’avènement du train a bel et bien été une révolution en même temps qu’il a été un support d’expression caricatural de l’état historique de la société occidentale. En effet, c’est un vrai délire onirique qui s’est déployé à travers le train lors de son émergence en société, c’est donc aussi une peinture, un tableau qui traduisait la société occidentale et ses réactions comportementales face aux grands progrès techniques. C’est également une caricature tragi-comique, infâme et déconcertante pour les assoiffés de progrès véritable d’un point de vue économique et social. Nous pouvons remarquer qu’au fil des années, cette révolution technique et cette explosion onirique délirante, provoquée chez tous les acteurs et toutes les couches de la société occidentale, s’atténuera peu à peu à cause de l’habitude de la population d’utliser ce type de transport. Le train devint peu à peu un élément évident de la société occidentale, c’est-à-dire un élément presque comme tous les autres. Les masses ne portèrent alors plus vraiment d’attention ou plutôt d’intérêt exclusif à son existence. Nous dénoterons alors suite à cette analyse une loi du délire et de l’onirisme éveillé en général : Lors d’une cassure conceptuelle criante sur les traditions et les cultures (exemple : le train), une réaction explosive, subjective, onirique et délirante se manifeste chez les masses à travers celle-ci puis s’atténue ensuite peu à peu par leur habitude à la côtoyer quotidiennement. Ce qui s’opère lors de cette explosion conceptuelle et délirante, c’est une sorte de réaction comportementale brutale au caractère conquérant qui souhaite intégrer, englober l’objet nouveau source de cassure au sein de son propre territoire subjectif et culturel traditionnel. Connaître un déterminisme, c’est pouvoir s’en libérer et c’est ne plus se laisser duper par certains de ses mécanismes manipulateurs. La nouveauté et l’exclusivité par exemple, sont des outils commerciaux du capitalisme pour nous inciter à le louer, à l’adorer, à l’idolâtrer, mais 108 c’est aussi un outil pour enrichir la bourgeoisie et les détenteurs des grands groupes industriels. Le progrès technique et le savoir-faire de la fabrication des trains ont de plus, au fil du temps progressé de façon plus qu’impressionnante, leur esthétique est plus moderne, plus subtile, plus « tonique », leur confort est à tout point plus agréable et la réalisation de ce confort est presque automatique. Nous n’avons pas cité la vitesse de l’appareil qui s’est accrue de façon spectaculaire. Il n’y a à notre époque pour les producteurs de ces véhicules, plus qu’à appliquer les lois des sciences physiques, les lois esthétiques et architecturales des designers, les lois des créatifs et des graphistes, le savoir faire des ouvriers dans les diverses étapes de l’assemblage etc. Le train à notre époque s’aborde à des prix qui fluctuent plus en fonction de la vitesse pour arriver à destination et du confort qui accompagne le voyage, qu’au niveau de la compartimentation des classes sociales. La bourgeoisie, elle, se déplace maintenant plutôt dans l’anonymat avec un chauffeur attitré, un avion privé, ou encore un hélicoptère, en compagnie de gardes du corps qui lui garantissent une grande sécurité. Le train lui, est maintenant représentatif des classes pauvres, des classes moyennes, ou encore des cadres. Le train est à présent également devenu accessoire et ordinaire. Les voyageurs arrivent même à légitimer subjectivement leur statut de consommateur comme étant royal lors de leur voyage en pouvant se plaindre capricieusement d’un retard d’une heure à cause d’une erreur technique ou une défectuosité de l’appareil. L’hyper mobilité que peut offrir cet appareil engendre aussi, pendant son déplacement d’une rapidité monstrueuse (450 km/h pour un TGV avec un bruit quasi absent à l’intérieur du véhicule), des plaintes irritées, l’impatience aigrie des usagers, et ce malgré la ponctualité générale et les capacités invraisemblables de l’appareil. En effet, un client peut aller se plaindre au près du contrôleur de transport (représentant de l’ordre dans le train) sur une quelconque défectuosité du service fourni, il peut l’engueuler, mais aussi lui revendiquer certains droits qui n’ont pas été 109 tenus par le service proposé (nourriture avariée, retards, climatisation trop forte, grèves imprévues, pannes du train,...). Le train représente aussi aujourd’hui lors du voyage, une maison, le client ne doit pas se sentir dépaysé. Des repas lui sont accessibles, une voix plus ou moins doucereuse l’informe de l’actualité du voyage, les sièges sont agréablement décorés bien que synthétiques, tout reste fonctionnel, comme le dos des sièges habillés de tablettes pour le passager qui lui fait face, comme une petite poubelle pour les déchets consommés, comme un socle pour y déposer son verre ou sa canette de soda, comme une pochette accessible disponible au bas du siège pour y ranger ses livres et ses revues... Ce que dit le train à ses clients, c’est que même le nomadisme et le déplacement longue distance peut rester sédentaire et se doit de respecter le confort du sédentaire, même l’espace international et ses migrations sont sédentaires. L’immobilité sédentaire peut aussi être en mouvement, tout lui appartient. Ainsi, le train connote un service presque hôtelier, où le défi d’antan d’un espace à traverser dans l’aventure est rejeté avec mépris et dénié, comme une sorte de snobisme ou encore de caprice enfantin, caprice presque divin. Le train est devenu, suite à la vengeance qu’il accordait à l’homme sur l’espace terrien et ses distances inexplorables, un élément de plainte, de dénie et de mépris. Vient alors suite à ça des prix proposés parfois trop chers, des cheminots qui font grève pour des raisons diverses, généralement économiques et sociales, mais aussi parfois politiques, et qui se font insulter par certaines franges de la clientèle. Vient alors aussi une frénésie chronométrée du déplacement de chacun pour diverses raisons plus ou moins justifiées (travail déterritorialisé, rendez-vous d’embauche, événement...) où l’on ne supporte plus l’attente et les légitimes imprévus qui ne peuvent pas respecter les horaires convenus. 110 Mais le monde de l’offre commerciale pour le service de ce type de transport rentre lui-même dans le même jeu : celui de la promesse de performance, de vitesse et de confort, celui de la ponctualité qui insinue elle-même l’obéissance et la droiture envers la loi du temps, celui de l’obéissance à l’impatience du client, à la loi de l’autorité professionnelle du commerce occidental, à la subtile loi de l’hygiène (avec l’alimentation vendue sous plastique, des toilettes où l’eau presque potable ne peut être bue, des consignes paternalistes quand à l’utilisation des toilettes)... C’est bien une offre commerciale qui prétend le plus souvent à ce qui n’existe pas vraiment dans le monde et son existence (des bugs et des pannes de trains arrivent très fréquemment, prétendre à la ponctualité inévitable et prévue par avance est bien un mensonge commercial sur la nature des choses). Ainsi le tyran devient le consommateur, le vendeur devient lui aussi tyrannique, l’aliénation s’entre-partage, tandis que le désir et la jouissance restent toujours tout de même frustrés, insatisfaits. Finalement, cette révolution qui fit tant jouir les peuples et les masses, devint ensuite un objet de confort aliénant. L’homme n’en a jamais assez, même après le progrès incalculable de notre époque, il n’est point heureux. Mais que lui manque-t-il donc en fin de compte ? Est-ce sa vie ? C/ Bateaux touristiques Les bateaux touristiques qui naviguent le long des fleuves et des rivières citadines, sont des bateaux qui peuvent servir à visiter une frange de la ville, mais aussi qui peuvent servir de restaurant en flattant les ego. Là, le risque originaire de la navigation n’y règne aucunement, ce qui est surtout mis en avant, c’est le confort et le couronnement de la conquête touristique, sorte de manège, de musée de la ville et d’exposition du monde de la navigation. Là, le bateau n’est que le socle d’un partage touristique familial ou lié au couple amoureux. Le soir le bateau est illuminé, on peut parfois y danser, des personnes peuvent être employés pour présenter aux clients l’histoire de certains quartiers etc. Le nomadisme devient tourisme et consumérisme, il devient sécuritaire, sédentaire et accueillant, mais il devient aussi une source de revenus pour 111 les commerces divers de la ville (restaurants, objets de consommation touristique, musées, hôtels etc.). Le voyage est maintenant un secteur lié à la marchandise et au capitalisme dans la plupart des cas. Le bateau ne symbolise que le règne d’un romantisme plutôt surfait, kitsch et petit bourgeois, à la limite de l’esprit colonial naïf. Les réalités sociologiques contemporaines de la ville n’y paraissent pas, n’y paraît en fin de compte qu’une sorte de parc d’attraction, qu’un temple de consommation et de confort snob. L’univers culturel de la ville visitée se troque en un rêve touristique onirique naïf, qui tellement décontextualisé de sa réalité traditionnelle devient presque factice et fantôme, inhabité et virtuel. Très souvent c’est le sourire qui règne dans ce genre de lieu, proche des sourires télévisuels et artificiels. D/ Avions La domination du ciel, de la peur de l’altitude, de l’espace et de la distance. L’avion c’est un véhicule capable de transporter un très grand nombre de marchandises, de personnes etc. Pour les USA, c’est même l’outil le plus commun des commerciaux et des businessman de tous genres qui voguent sur cette gigantesque superficie, d’états en états. Ce véhicule est bien le premier qui permet de traverser les océans et les mers à une vitesse grand V afin d’atteindre des terres jusqu’alors inaccessibles à la plupart (publiquement depuis les années 1950, ce qui est très jeune !). Mais ce qu’il y a de plus étonnant encore, c’est que ce véhicule qui d’apparence est démocratisé, ne représente en fait le déplacement que de 5% de la population mondiale (et même moins car les 5 % représentent ceux qui ont déjà pris l’avion une fois dans la population mondiale) ! C’est là d’ailleurs une des plus grandes illusions que j’ai pu connaître dans ma vie. On entendra partout en occident : « j’ai voyagé en avion » alors que pourtant c’est bien juste 5 % qui l’ont déjà utilisé... Comme il l’a été montré dans le chapitre des trains, l’avion est lui-même un outil nomade qui sédentarise le nomadisme par l’ensemble de services 112 qu’il propose en son sein : Repas, boissons, boissons alcoolisées, boissons chaudes, choix de films, de chaînes radiophoniques de tous genres, des toilettes etc. C’est aussi le rêve de voir ce qui n’est jusqu’alors jamais vu par la plupart, la terre vue du ciel. Le décollage et l’atterrissage sont des moments de crainte où le risque d’accident est plus fort, où l’on applaudit également le conducteur en tant que passager, sorte de manège proche d’une doucereuse roulette russe où l’on lègue sa vie et sa confiance à un expert de l’aviation et à une compagnie généralement chargée de connotations paternalistes dans le domaine qu’elle maîtrise. La peur et le risque du voyage est présentée agréablement par une hôtesse ou un hôte de l’air assez sexy qui montre au voyageur toutes les mesures de sécurité à suivre en cas de défectuosité de l’appareil. L’assurance et la douceur avec laquelle est présenté le mode d’emploi des mesures à prendre en cas de risques, connote la grande rareté des accidents et l’efficacité professionnelle de la compagnie de voyage. La beauté des hôtesses et des hôtes de l’air connote également une image symbolique séductrice et harmonieuse de l’entreprise qui invite le passager à bord de l’engin. Régulièrement lors de turbulences par exemple, des commentaires plutôt agréables préviennent les passagers que le véhicule risque d’être secoué afin qu’aucune inquiétude ne règne chez eux, car ce sont eux la source de revenus pour la compagnie. L’avion, c’est aussi pour les touristes une sorte de transition consumériste entre deux mondes radicalement différents car représentant en général deux états et deux cultures différentes (par exemple la France et le Mexique). Transition plus ou moins agréable mais qui n’a en tous cas rien à voir avec les voyages d’une époque sans avion, qui n’est en fin de compte pas si éloignée que ça. Un voyage d’une très grande distance ne pouvait s’envisager auparavant qu’en l’espace de 6 mois aller-retour minimum, alors qu’à présent elle peut être envisagée dans une moyenne de 1 à 2 semaines aller et retour ! 113 L’avion c’est aussi très souvent, la condition inévitable du déplacement d’un pays très éloigné à un autre, car le temps disponible aux voyages pour les individus s’est lui-même extrêmement rétréci avec celui de l’espace. L’économie s’étant adaptée à la mutation de l’espace, elle a également rétréci la disponibilité au voyage. Ce véhicule est donc bien un médiateur entre deux terres très éloignées. L’avion c’est aussi le symbole du commerce mondial, car c’est l’outil qui permet de transporter des marchandises périssables, jusque là intransportables à cause de la longue durée des anciens trajets passés. L’avion démocratisé et généralisé, c’est aussi une hallucination, car c’est une extrême pollution ingérable pour notre climat, ainsi qu’une consommation énergétique quasiment barbare, à l’heure de la fin des réserves d’énergies fossiles. Finalement, bien que les lois physiques qui permettent à un objet de voler soit comprises par l’homme et applicables, celles-ci restent hallucinatoires et oniriques car elles déséquilibrent l’environnement naturel (notamment le climat à travers une consommation énergétique barbare). Nous ne citerons enfin pas tout ce que l’avion a inspiré chez les réalisateurs cinématographiques et chez les créateurs de tout bord, leurs œuvres étant représentantes de l’ensemble des rêves possibles à travers cet engin. Tout comme le train, cet engin esquissera aussi l’état multidimensionnel de notre société (avions de guerre, de tourisme, de marchandises, charters pour les pauvres etc.). E/ Caravanes Les caravanes sont très souvent symbole des peuples nomades relativement occidentalisés et sédentarisés, notamment celui des gitans. Ce véhicule représente pour ce genre de peuple sa seule habitation, son seul refuge, habitations nomades qui leur permettent de se déplacer de terre en terre. La caravane est un véhicule chimère habité de deux facettes, celui de la 114 maison sédentaire et celui de la camionnette ou encore de la charrette tirée par une voiture ou une camionnette. Les caravanes les plus anciennes sont tirées par une voiture ou une camionnette, les caravanes les plus modernes sont elles, des véhicules à part entière qui ressemblent aux camionnettes. Les caravanes modernes sont très souvent utilisées par des voyageurs occasionnels de classe moyenne ou petite bourgeoise lors des moments vacanciers, contrairement aux anciennes caravanes qui sont elles rarement déplacées par les peuples gitans et qui existent sans doute depuis plusieurs générations. C’est d’ailleurs une charge familiale et culturelle qui s’ajoute alors à l’ancienneté de leur véhicule. La caravane qu’elle soit ancienne ou moderne, est une chimère très proche des toiles surréalistes, tout autant pour un nomade que pour un sédentaire. Elle combine le transport, l’habitation plus ou moins confortable, la cuisine, le rangement et le stockage. Pour un gitan, c’est un objet de survie tandis que pour les classes moyennes et la petite bourgeoisie c’est un objet de relaxation et de divertissement ludique accessoire. Chez les gitans nomades et miséreux cet objet est presque devenu traditionnel alors que pour les vrais sédentaires il n’est utilisé que très rarement et représente une exception conviviale. La charge symbolique et onirique dans ces deux cas, n’est pas du tout la même et n’a pas du tout la même importance. D’un côté elle est traditionnelle, culturelle et même chargée d’histoire, de l’autre, elle est avant tout liée au confort, à l’agréable et au divertissement ludique. Entre une caravane moderne et une caravane ancienne, l’esthétique est très significative de l’époque où elle a été conçue. L’ancienne aura des traits esthétiques plus « bruts » tandis que le design de l’engin contemporain sera plus futuriste, léché et séducteur, en connotant la précision et la virtuosité du nouveau. D’ailleurs, le but des nouveautés capitalistes, c’est de rendre ses produits révolutionnaires à travers ses nouvelles fonctions et son design neuf, ceci impliquant forcément une esthétique moderne révolutionnaire ni trop choquante pour notre temps et ni trop fidèle aux tendances de celui-ci. 115 C’est ensuite selon les marques des véhicules et leurs modèles que l’esthétisme différera pour répondre à plusieurs attentes et plusieurs budgets de consommateurs. Ainsi, les esthétismes pourront avoir des connotations plus ou moins intimistes, plus ou moins familières, plus ou moins aventurières, plus ou moins futuristes et arrogantes, plus ou moins luxueuses, avec peut être des vitres teintées. Les couleurs de la carrosserie joueront également leur rôle sur ce que pourra connoter le véhicule. C’est pourtant bien ce genre de question qui ne se pose presque pas du tout dans le monde gitan, peuple plutôt occupé par d’autres questions quotidiennes, notamment celles de sa survie dans les jungles urbaines occidentales ou dans les sauvages brousses citadines des pays de l’est. Nombre de chansons et de films (par exemple les Oiseaux de passage de Georges Brassens ou encore Emir Kusturica et Goran Bregovic) rendront hommage à ce peuple, à ce véhicule et à ses traditions nomades. La caravane est d’ailleurs un terme très souvent utilisé dans les milieux de la poésie et de la chanson bohémienne (aujourd’hui, dans les chansons et poèmes de La Rue Kétanou par exemple). La caravane est alors pour le poète inspiré, le fétiche des voyages définitifs et des traversées romantiques qui voguent de monde en monde en refusant le conservatisme et en prêchant le métissage, le partage, l’accueil, l’ivresse et la fête, mais aussi le nomadisme politique, c’est à dire la fuite en avant vers l’espoir d’une révolution constante et conviviale. Nous verrons ainsi la caravane comme un véhicule chimère qui peut être chargé de plusieurs images et métaphores qui différeront selon les communautés et les cultures qu’elles habitent. F/ Camions, camionnettes Les camions et les camionnettes représentent avant tout un monde professionnel. Celui du transport des marchandises ou du matériel ouvrier encombrant dans les deux cas ce sont la plupart du temps des véhicules de coulisse, car ils ne servent qu’à transporter ce qui sera mis dans les commerces et ses alléchantes vitrines ou dans d’autres domaines comme les concerts ou l’industrie cinématographique en vitrine 116 également. Malgré leur taille et leur impressionnante masse, ce sont donc des véhicules discrets, habités d’une esthétique repoussante, inquiétante sur les autoroutes pour les autres véhicules (surtout les camions). Leur lenteur participe également au désintérêt que ce genre de véhicules suscite chez les personnes. Leur rôle dans les films s’illustre d’ailleurs en général assez fidèlement, bien que caricaturalement, à celui qu’ils tiennent en société (dans les films d’actions par exemple, ils ne sont qu’accessoires et ne peuvent que symboliser le transport ou un angoissant potentiel destructeur, exemple : Duel de Steven Spielberg). Le camion et la camionnette restent tout de même pour les personnes en général des engins relativement ludiques à travers les jouets des enfants et à travers le confort qu’ils procurent lors des grands déménagements. Pour certaines communautés, punks, hippies ou néo-nomades, ils peuvent remplacer le monde des caravanes et être aménagés pour la « route » et les rêves de « teufeur ». Ce type de véhicule est alors dans ces communautés un engin extrêmement valorisé et très aimé, symbolisant même encore une fois de plus un grade d’engagement dans les valeurs de ces communautés. Il est alors dans ce cas, transfiguré par des décorations de toutes sortes, ce qui le distingue des camions ou des camionnettes ordinaires. Il se passera alors dans cet engin, tout un ensemble d’histoires et se chargera encore plus de symboles et de souvenirs, donc de rêves et de significations multiples. G/ Voitures La voiture était, lors de sa toute première parution dans le monde occidental, plutôt destinée à la classe bourgeoise. Les autres citadins se déplaçaient sinon à pied, en compagnie d’un animal transporteur. Ce véhicule était une marque de grande richesse et donc de supériorité de classe. C’est lors de sa démocratisation qui se développa à un rythme proche du crescendo, jusqu’à même atteindre les pays les plus miséreux que ce 117 véhicule se mit à illustrer d’une façon quasi paranormale notre société économique avec tous ses défauts, toutes ses caricatures et toutes ses nuances. Aujourd’hui, l’industrie automobile est elle-même une référence pour l’économiste moderne, qui ira jusqu’à définir certains modes de production par le nom des marques de certaines voitures, industries inventrices de cette organisation productrice (fordisme, toyotisme). L’automobile est le symbole le plus parfait du monde moderne des transports et de la circulation. Les écoles qui permettent d’obtenir le permis de conduire, sont des véritables mines d’or. Le permis de conduire est d’ailleurs devenu un passage traditionnel qui illustre celui du passage à l’âge adulte. La voiture est le véhicule qui possède d’ailleurs la plus grande diversité de modèles et qui sont constamment remis à jour à la cadence la plus rapide que l’on puisse connaître. Posséder sa première voiture et la conduire symbolise même pour beaucoup un stade de l’âge adulte tout aussi important que l’arrivée à l’adolescence de l’âge symbolique des 18 ans. La voiture, depuis sa démocratisation provoque chez tous les âges et toutes les époques, contrairement aux trains par exemple, une euphorie quotidienne. La conduire de façon journalière c’est connaître deux mondes distincts, celui qui est dans le véhicule et celui qui est en dehors (conducteurs et piétons). Lors de la conduite, le comportement de l’individu se transforme, mute, il parle alors un langage différent, très souvent plus agressif, le code de la route remplace alors le monde des bars, de la politique et des livres ou encore le monde des clubs, du travail et des couples. En ville, la voiture c’est aussi la difficulté pour se garer, ce sont les feux rouges, les embrouilles avec les autres conducteurs, les heures de pointes et les embouteillages harassants. Dans un véhicule, il y a aussi le monde radiophonique ou encore le monde de la musique qui représente un monde subjectif pour chaque conducteur, il y a les voitures de fumeurs et de non-fumeurs, les voitures 118 qui transportent des bébés etc. Un possesseur de véhicule est aussi exposé à devoir rendre des services à ceux qui n’en possèdent pas, comme par exemple transporter quelque chose de très encombrant ou raccompagner des amis après une soirée tardive... La voiture a aussi une vie à travers les points du permis de conduire et les contrôles techniques obligatoires, mais aussi à travers ses assurances etc. La voiture peut aussi n’exister que pour elle-même, comme par exemple la voiture de collection telle la Coccinelle ou la Lamborghini, la Ferrari F40 ou la Porsche décapotable. Dans certaines communautés, elles peuvent représenter comme pour certaines motos un statut presque représentatif des podiums de la possession de l’objet de collection. Elles peuvent aussi représenter un stade d’évolution dans le pouvoir d’achat, comme par exemple dans le monde des communautés mafieuses ou délinquantes. L’euphorie engendrée par ce genre de véhicules c’est aussi pour les constructeurs l’opportunité d’aller jusqu’à porter l’invention des voitures les plus rapides qui ne peuvent exister qu’à travers un sport comme celui des Formule 1 ou encore comme celui des voitures de Rallyes. Posséder une voiture plus ou moins belle ou plus ou moins confortable illustrera relativement son appartenance à certaines classes sociales. La voiture ce sera aussi l’euphorie de l’ordre public et de ses contraventions à outrance, avec le monde des accidents liés à l’ivresse ou au non respect de la vitesse à ne pas dépasser. Ce sera encore le monde des publicités surabondantes, informant constamment des nouveaux modèles et ce sera donc un business publicitaire de premier ordre. Enfin, les voitures, ce sont les fantasmes culturels, à travers les films, les jeux vidéos, les dessins animés, les jouets (aujourd’hui symbole principal de jouet pour petits garçons)... Cela ira jusqu’à mettre sa thématique en première ligne d’un scénario, en second plan ou en décors principal. Ce véhicule a inspiré tous les domaines de création, de la science-fiction 119 au romantisme le plus kitsch. La voiture a exploité presque tous les designs qui puissent lui être accordés, donc toutes les connotations possibles que ces designs permettent à ses consommateurs et à ses contemplateurs. Le fantasme de l’acte sexuel dans la voiture est un des désirs les plus partagés dans l’inconscient collectif de chacun de nous, c’est même peut être une marque d’accomplissement chez les jeunes adultes. À l’heure de la fin énergétique et de la crise écologique, nous pouvons considérer la voiture comme l’avènement d’un véritable délire psychotique généralisé qui restera plus qu’intéressant car traduisant avec brio tous les mondes du capitalisme. Ainsi, la relation partagée de tous ces mondes s’appliquera « sur la route » dans la vitesse, l’inattention et les engueulades au sein d’une circulation constante et effrénée, tel le processus chronométrique insatiable de la production quotidienne de notre système. La moindre erreur de conduite sera très souvent pointée du doigt d’un ton pressé et irrité, les croches pattes appelés « queues de poissons » s’effectueront avec fantasme dans les films et de temps à autres sans remords dans le réel, la tendance aux bastonnades également. Nous ne citerons pas la convoitise et les vols des véhicules des plus pauvres à l’encontre des plus riches. Nous conclurons enfin ce point en surlignant le symbole rebelle de la voiture brûlée lors des manifestations qui dégénèrent ou lors des émeutes, aussi bien dans les banlieues que dans les mondes libertaires et révolutionnaires, symbole inconscient du monde capitaliste que l’on détruit par les flammes : Burn Babylon Burn ! H/ Motos, scooters, mobylettes, vélos - Les motos : Les motos, ces véhicules à deux roues connotent beaucoup de choses. Il y a une multitude de signifiances au sein de ce genre d’engins qui est extrêmement condensée. Il y a aussi un ensemble de symboles et de métaphores qui restent extrêmement significatifs. La moto connote avant tout chez la plupart des gens (hommes ou 120 femmes) un symbole lié à la virilité. Sa forme reste d’ailleurs très proche de l’imagerie phallique. Nous pouvons donner pour exemple l’évidente expression virile de cet engin par les bandes de bikers telle que celle des Hells Angels. Le fait que la moto ne puisse permettre que deux passagers et que dans les traditions culturelles occidentales ce soit souvent la femme qui est imagée au dos de l’engin est indiscutablement un symbole modernisé du chevaleresque. En effet, l’héroïque chevalier sur son noble cheval porte derrière lui dans beaucoup de contes une princesse en la protégeant des enfers et des dangers de la guerre. L’homme garantit donc symboliquement à la femme en possédant ce genre de véhicule sa capacité virile, guerrière et de pouvoir la protéger des « méchants et des dangers du monde extérieur ». Lorsque l’homme se trouve seul sur l’engin, il est alors par le biais de ce véhicule un conquérant de l’espace et de la vitesse autour du risque des accidents. Le fait de rouler parfois, rien que pour le style sur une seule roue, cela métaphorise la maîtrise de l’engin, l’équilibre, mais aussi la force car l’engin est lourd. Cela métaphorise également l’érection et la séduction violente, brutale, certaine et virile du mâle. Autour d’une moto il existe également souvent selon les modèles différentes connotations particularisées : Nous citerons les motos de rallyes, les Harley Davidson, les motos sportives, les motos de luxe etc. Chacune d’elles traduit des langages bien différents et une appartenance à des communautés très différentes. Le rallye symbolisera l’équilibre autour du chaos et de l’incertitude du terrain traversé, il connote des valeurs sportives extrêmes proches des kamikazes, mais aussi des valeurs liées à l’aventure dans des traversées de vitesse et d’endurance. La Harley Davidson est un totem, une mascotte, pour les communautés habitées par les valeurs du Rock’n’Roll. Posséder ce genre d’engin, c’est aussi se confirmer tout en haut du podium des certitudes sur sa propre appartenance culturelle, communautaire et donc identitaire. L’absence de doute et l’assurance de son appartenance à une communauté a toujours été un symbole combatif, héroïque et phallique très prisé etc. 121 Posséder une « vraie » moto, cela demande aussi, contrairement aux mobylettes, un permis moto. C’est donc représenter une catégorie sociale qui est autorisée à utiliser cette gamme de véhicules plus ou moins occulte. C’est être en conséquence plus rare que l’ensemble des personnes qui ne possèdent pas ce « titre ». Ainsi, avoir accès à ce genre de véhicule symbolise, par le fait que peu de personnes l’utilisent, une particularisation renforcée de l’identité sociale qui peut être source d’un surplus d’attention de l’autre, d’un surplus de reconnaissance et donc aussi de gratification. Un conducteur de moto aimera donc sans vraiment l’affirmer, se différencier, se faire remarquer, et aimera également représenter l’ensemble des valeurs impliquées par la maîtrise et la possession de ce genre de véhicule. Déjà lorsque l’on est enfant, un vélo qui porte relativement la même structure que la moto, est un symbole de risque lié à l’équilibre. Le fait de l’habiller ensuite d’un moteur qui émet une certaine quantité de bruit et qui manifeste une vitesse conséquente c’est aussi confirmer le goût du risque à l’âge adulte, c’est un diplôme de maîtrise de cette même pratique, c’est en quelque sorte une « ceinture noire de karaté ». Avoir une moto et affirmer sa virilité, que l’on soit femme ou homme, cela connote aussi une certaine maturité et une certaine expérience de la vie plus ou moins dure. C’est se confirmer comme étant un adulte mature, mais pas n’importe lequel, celui qui n’arpente pas véritablement de psychorigidité et de névrose, celui qui est plutôt décomplexé et sur de lui. Affirmer ce genre de valeur ce n’est pas forcément les incarner, c’est s’habiller de ses rêves et de ses fantasmes, « l’habit ne fait donc pas forcément le moine, si ce n’est au travers de certains regards extérieurs plus ou moins dupés ». Une moto c’est aussi une souplesse qui se compare à celle des voitures lors des embouteillages en se serpentant entre les véhicules bouchonnés. C’est donc un symbole lié à la subtilité féline ou encore à la vivacité du serpent. 122 Lors des intempéries ou des temps hivernaux c’est aussi l’acceptation d’un surplus d’inconfort comparé au caractère sédentaire de la voiture. Il y a donc à travers la moto un côté lié au goût de l’aventure et à celui du challenge. Pour ceux qui sont très étrangers à ce véhicule, c’est un symbole subjectif très relatif. Il est alors habité de jugements de valeur contradictoires selon les personnes. Ce véhicule peut être moqué, porté à dérision ou encore impressionner son spectateur. Être invité à monter dessus en compagnie de son conducteur, c’est aussi une invitation au risque, au spectacle, à la peur, donc à un rapport lié à la confiance et à la délégation de sa sécurité propre. C’est donc une sorte de paris et une sorte d’abandon momentané de soi au sein de l’impuissance lors de toute la durée du trajet. L’infantilisation et le paternalisme sont donc inévitables lors de ce genre de « croisements ». Le caractère relativement exclusif de ce genre d’engin offre à une personne relativement étrangère à ce genre de monde un support créatif pour ses critiques, ses analyses ou encore plus grossièrement pour ses jugements de valeur, car se confronter à celui-ci c’est se confronter à une forte altérité. Posséder ce véhicule cela peut aussi être un outil de séducteur car il apporte un statut particulier à son possesseur. Du côté des producteurs et des distributeurs de ce genre d’engins, leur appartenance aux communautés tribales qui achètent leur production n’est pas du tout affirmée. Les grands groupes qui fabriquent ces véhicules représentent une identité professionnelle à part entière et confirmée par l’histoire de l’entreprise. Les marques de motos, leurs entreprises et leurs salariés, ne font donc que très rarement partie des tribus ou des individus qui en font usage, mais ils se documentent par contre énormément sur leur valeur culturelle et les utilisent pour l’inspiration du design des engins, pour le dialogue avec les acheteurs et pour la créativité de leur image de marque à travers la publicité. 123 - Les scooters : Les scooters sont habités de connotations plus citadines et plus adolescentes. C’est un objet d’un niveau qualité/prix très abordable en général et de plus très fonctionnel. Il est habité d’un esprit plus bohémien et plus proche des jeunes adultes. Beaucoup de jeunes des couches populaires aiment ce genre de véhicules. Une certaine convivialité habite ce véhicule au siège confortable, à la vitesse en général moyenne (si ce n’est certains scooter haut de gamme qui ont un moteur hyper performant et qui demandent un permis moto). La sécurité s’y ressent davantage, les couples qui sont sur ce genre de véhicules paraissent en général plus fréquentable ou encore moins hostiles aux personnes qui leur sont étrangères. Le bruit des moteurs de ce genre d’engin est plus supportable que celui d’une grosse moto, ce qui participe à son aspect convivial. Mais c’est aussi son apparence qui connote plus de confort et de sédentarisation, ce qui le rend plus « pacifique », plus jeune, plus citadin et plus fonctionnel. Il exprime davantage le déplacement en ville que le voyage à longue distance, le risque s’amoindrit donc à travers lui. Pour les jeunes adultes, c’est un outil de liberté spatiale agréable pour partir faire la fête ou pour rejoindre les amis et la famille. C’est un véhicule qui connote la discrétion et qui ne prétend à aucune communauté sociale si ce n’est en général celle de l’esprit juvénile et adolescent confirmé. Certains modèles s’approchent un peu des véhicules « collectors » et « classes » mais d’une façon plus humble, comme par exemple le scooter Vespa. Ce genre de véhicule collectors fait d’ailleurs énormément penser à la prétention du statut que peut apporter la possession d’une Coccinelle et d’une Deux Chevaux (anciennes voitures des années 30/50). Le scooter a donc un esprit fonctionnel, adolescent, cool, citadin, festif, convivial, humble, discret etc. - Les mobylettes : Les mobylettes sont en général plus rares à notre époque et c’est pourquoi elles connotent l’exception et la particularisation amusée de l’esprit de son possesseur. C’est un engin qui ne nécessite en général presque aucune contrainte administrative et donc c’est un engin en tous sens « léger ». Il connote donc la légèreté du rapport de dépendance que l’on peut avoir envers les véhicules 124 individuels de transport. C’est tout de même un engin qui aime se faire remarquer, mais qui ne connote pas forcément un rapport de séduction homme femme, car c’est un véhicule individuel qui ne peut porter qu’une personne. Ce genre de véhicule, malgré sa particularisation affirmée par celui qui le choisit, est en fin de compte discret dans le milieu des transports, humble, pratique et « rigolo ». Mais c’est une discrétion habillée de ruse car suscitant chez l’autre un intérêt sous-jacent assez prononcé. En général, la personne qui souhaite conduire une mobylette a beaucoup de choses à dire à la société, ou encore beaucoup de choses à dire sur la vie, mais elle garde sa place de façon pacifique et discrète dans l’attente des rencontres et de ses échanges. - Les vélos : Les conducteurs de vélos sont en général des personnes engagées, au service de la santé et de la bienveillance envers la nature et les gens. Ce sont très souvent des écologistes ou des sportifs qui souhaitent « entretenir » dans tous les sens du terme. Se montrer à vélo, c’est en même temps faire une manifestation politique écologiste contre le réchauffement climatique et la fin de l’énergie fossile. Car lorsqu’une personne roule d’un point à un autre à vélo, il s’expose aux regards. Les belles femmes à bicyclette connotent l’intelligence et la beauté, mais aussi la beauté de l’intelligence et l’intelligence de la beauté. Il en est de même pour les hommes. Le vélos, si ce n’est les vélos très sportifs, connotent aussi bien la sexualité, la séduction, que l’esprit féminin ou encore l’esprit androgyne. Le vélo, c’est aussi l’équilibre facile et la fragilité autour de la monstruosité des autres véhicules citadins. C’est la flexibilité, la souplesse, la rapidité naturelle et la capacité de pouvoir en sortir très facilement car c’est un objet qui demande l’effort et non le confort. L’ambivalence entre le confort et l’effort de cet engin le rend peu fréquentable par les assoiffés du confort. L’esthétisme diversifié des vélos connotent plus ou moins l’esprit sportif ou l’esprit citadin et bohémien. Ce sont souvent les vélos toutterrains qui sont plus habités par le sport et la virilité que les vélos sans « vitesses » connotant plutôt l’amour, le romantisme du naturel et la paix. 125 I/ Skates, rollers, trottinettes S’il n’existe pas de rêves à travers les rêves des produits du capitalisme, alors pourquoi les skates, les rollers et les trottinettes, véhicules très souvent utilisées ne connotent-ils pas, tout comme le vélo, l’écologie et la préservation de l’environnement ? N’en est-il pourtant pas de même ? Pourquoi les femmes utilisent-elles principalement le vélo pour connoter l’écologie plutôt que les rollers par exemple ? En effet, à travers le véhicule choisi, il n’y a pas uniquement la fonctionnalité de l’appareil qui joue, mais aussi tout ce qu’il connote socialement chez soi et chez les autres. Ainsi, les skates et les rollers connoteront un monde lié à l’adolescence ou à un élitisme sportif de jeunes adultes à travers les sports d’équilibre considérés comme extrêmes car risqués (rampes, « slides », etc.). Ils serviront à travers des sports équilibristes extrêmes à effectuer certaines figures et certaines prouesses liées à la maîtrise de ces engins, ou ils serviront à se déplacer de façon « fun », jeune et branchée à travers la ville qu’ils habitent. Pour tout un ensemble d’adolescents et de jeunes adultes, ces véhicules sont aussi, lorsqu’on les maîtrise très bien, des moyens de séduction et d’ego, garants d’un statut qui se particularise de celui des autres lors de leur utilisation. Très peu d’adultes utiliseront ce genre de déplacements, non parce qu’ils ne le connaissent pas, mais parce que dans le rêve collectif de la société occidentale, ce n’est qu’une certaine communauté bien définie qui en fait usage, avec toutes les significations socioculturelles que cela comporte. Pratiquer ou transporter ce genre d’engin si l’on ne fait pas partie de cette communauté, pourra donc paraître chez celui qui nous observe comme quelque chose de « bizarre ». Ce sera également pour nous même quelque chose d’indiscret. Pourtant, aucune réflexion véritablement rationnelle, si ce n’est l’étude sociologique de terrain, qui n’est en fait qu’une observation, .ne sera vraiment capable de l’expliquer logiquement. La trottinette, elle, étrangement, sert aux plus jeunes et aux adultes d’une façon beaucoup moins sectaire. Traditionnellement limité au monde de 126 l’enfance, Son arrivée dans le commerce pour adultes est assez récente et a fait une sorte de « buzz » inattendu, qu’aucune communauté n’a véritablement réussi à s’approprier. Cet engin reste encore aujourd’hui pour la plupart, une sorte d’ovni que nul ne peut vraiment étiqueter, cela restant sûrement dû à sa venue nouvelle dans les commerces et à l’absence de récupération de l’objet par une des communautés sociales qui habitent notre économie. La trottinette connote tout de même la drôlerie et le ludique, sans passer par la caricature et le rire, mais aussi la flexibilité, la souplesse, le déplacement pratique et peu encombrant. Avec ce genre de véhicule, on peut occuper tous les territoires de la ville (c’est-à-dire le trottoir des piétons, la piste cyclable et la route des voitures sur le côté droit), ce qui connote une dimension anarchique qui ne transgresse aucunement l’ordre établi. Pour les enfants, c’est un objet de jeu, le déplacement devient un divertissement, un événement proche de celui du tour de manège. J/ Transports militaires Pour un peuple en général, l’armée, c’est d’abord la guerre, puis, à l’heure d’une nation ou d’un continent soi-disant en paix (car parfois en guerre sur d’autres terres ou encore en guerre économique quotidienne), c’est l’étrangeté. L’ensemble des véhicules militaires sont inapprochables, si ce n’est les anciens véhicules au sein des musées d’histoire. Un véhicule militaire, nous ne le voyons ou ne le verrons que très rarement, il est donc de plus exclusif. Très souvent il va être fantasmé dans un jeu vidéo ou encore dans un film, mais en vérité, tout le monde sait pertinemment que ce dont l’armée est dotée reste profondément occulte, si ce n’est lors de l’achat d’énormes engins de guerre où les grands médias informeront les masses sur l’investissement de l’état car il représente l’argent du peuple luimême (achat d’un sous-marin moderne par exemple). Ce que l’avancement des technologies permet aux armées des états riches, nous ne le savons en général pas vraiment, car c’est un domaine très peu médiatisé. Autour des véhicules de l’armée, c’est l’occultisme et les ténèbres, à moins de faire avec peine sa propre enquête sur le sujet. 127 Les transports militaires, c’est aussi la brutalité et toute la monstruosité de ses véhicules, c’est tout leur potentiel destructeur poussé au maximum avec toute l’autorité qui accompagne cette violence. Nous pourrons citer les avions de chasse qui se déplaceront à une vitesse extrême et qui sont équipés d’un ensemble d’armes à forte capacité destructrice. Nous citerons aussi les tanks qui seront extrêmement protégés par des blindages quasiment invincibles avec une capacité destructrice proche de celle d’un Bazooka. Nous pourrons également citer les hélicoptères, véhicules accessibles à une rare minorité de la population, qui se déplacent dans les airs d’une manière totalement différente des avions et qui peuvent aussi être dotés d’armes ou déposer une troupe de soldats sur des terres étrangères... Le progrès technologique accompagne celui des capacités de l’équipement militaire qui n’égale que le progrès dans les stratégies de guerre. C’est donc aussi le « progrès » de l’augmentation potentielle de la destruction, de l’augmentation de ses victimes, de ses morts et de ses drames, de l’accroissement de la force et de l’autorité des états dans l’histoire du pouvoir. C’est également la concentration de toutes les connaissances scientifiques et historiques qui profitent au pouvoir militaire à notre époque, même si elles n’ont pas forcément d’origines et de liens véritables avec ses forces armées (exemples : la caméra, l’appareil photo, le micro, la génétique...). Ce qui sera donc très connoté à travers les véhicules armés, c’est : La primauté des capacités destructrices et guerrières du véhicule sur celle de son esthétique ; l’étrangeté du caractère occulte du monde militaire pour la population qui lui finance ses équipements armés (par les impôts, les taxes etc.) ; l’exclusive utilisation des équipements armés par les militaires engagés ; le fantasme de toute-puissance que ce genre d’engins crée chez certaines franges de la population à travers les sphères virtuelles (jeux vidéo, films, bandes dessinées etc.) ; la virilité barbare et subtile car stratégique que ces véhicules suggèrent ; le symbole ultime de l’autorité législative de l’état-nation (la menace la plus radicale) qu’ils représentent... 128 Tout autant de suggestions à travers les transports militaires que de possibles manipulations à travers l’évidence des rêves qu’ils suggèrent. K/ Alors quoi ? Alors nous aurions encore beaucoup de mondes oniriques à citer et à décrypter plus ou moins partiellement, comme celui des voitures de fonction, des taxis, des véhicules de secours et des transports de l’ordre public (police nationale), comme celui des cars de voyage à longue distance ou encore celui des véhicules agricoles. Mais ce que nous appuierons ici, c’est tout l’ensemble des significations sous-jacentes que nous pouvons déceler à travers l’ensemble de ces véhicules et les univers capitalistes qu’ils évoqueront avec les univers de ses usagers. C’est aussi une critique spontanée du capitalisme qui s’effectue automatiquement par les analyses de cet ensemble de rêves qui s’occultent pour se préserver. Ainsi, c’est donner, ou plutôt ouvrir la voie de notre regard à l’ensemble du prisme onirique (voir dans l’ouvrage Du Virtualisme l’article Prisme) que peut symboliser un véhicule en général dans notre société, afin de permettre des élaborations plus détaillées et plus poussées de ce genre de monde. Particulièrement, ce décryptage servira relativement notre vue onirique à acquérir une plus ou moins grande lucidité et donc une plus ou moins grande autonomie sur notre participation inconsciente, politique et existentielle aux rêves construits à travers ce genre de monde. Je pense que la démonstration reste assez conséquente pour cela, non ? II - Médias et rêve Comme il l’a été dit précédemment, il existe pour les valeurs du commerce une interaction régulière entre ceux qui apportent l’offre et ceux qui la demandent (à savoir que certains produits ou services ne sont pas toujours demandés mais plutôt imposés par le monde du commerce). Cette relation constante s’effectue indirectement entre les producteurs et les consommateurs par les conceptions subjectives et créatives de chacune de ces deux parties. 129 Lorsqu’une offre commerciale est produite et mise sur le marché, il se surajoute ensuite sur cette même offre, par le biais des couches populaires qui la consomment, une nouvelle interprétation subjective et culturelle qui chargera plus ou moins de symboles et d’onirisme populaire l’objet commercial. Ainsi, les diverses productions monopolistiques du capitalisme peuvent très bien devenir, suite à leur parution officielle au sein des marchés, plus ou moins traditionnelles ou même culturelles, grâce à l’interprétation subjective et créatrice de ses usagers (voir sur ce sujet les œuvres d’Andy Warhol). C’est grâce à cette construction subjective de masse, que le capitalisme peut, suite à l’observation de ce phénomène populaire, régulièrement se régénérer « culturellement », interagir avec les tendances populaires plus ou moins chaotiques et mettre à jour l’évolution de ses offres. Cette règle s’effectue également à travers l’ensemble des médias dominants car leur but principal n’est pas l’information ni le divertissement, mais plutôt le profit, s’effectuant la plupart du temps dans ces mondes à travers la publicité. C’est un monde donc qui malgré son éthique journalistique, applique avant tout une politique commerciale liée au profit, donc à une politique tentatrice, démagogue, récupératrice et séductrice. L’innovation n’a que pour unique fonction le succès, ayant lui-même pour finalité le profit. Seuls quelques rares médias, marginaux et déviants, à l’éthique politique et journalistique radicale ne suivent pas cette finalité commerciale qu’est le profit. 1. Journaux, magazines, livres A/ Les journaux Les journaux sont sectorisés en classes non pas sociales, mais en classes politiques. Très peu de personnes n’ont encore osé définir ce genre de classes. Appartenir à des classes politiques, c’est appartenir, quelle que soit notre richesse ou notre pauvreté, à des convictions, des analyses, des paradigmes et des valeurs, en majorité partagés par l’ensemble de sa classe politique. 130 Ainsi nous pourrons citer des journaux de la gauche de la gauche (l’Humanité, Politis, le Canard Enchaîné, Le Monde Diplomatique...), des journaux plus proches de la gauche sociale-démocrate (Libération, le Nouvel Observateur, Télérama, Le Monde...), des journaux proches du milieu et de la droite (Le Monde, Le Figaro,...), mais aussi des journaux très peu acceptés par la distribution et plus radicaux, comme les journaux libertaires ou altermondialistes (Le Monde Libertaire, CQFD, One, Ecorev’...). Nous citerons enfin dans certaines villes des journaux purement commerciaux, en général pour les ignorants, les misérables et les petites gens qui regardent le « 20 heures » et partent tous les jours au travail (à Paris : Direct Matin, Direct Soir, 20 minutes,...). Moins les journaux affirment leur politique éditoriale de façon directe et plus ses lecteurs (en tous les cas très souvent) acceptent le Monde et le définissent comme ayant une caractéristique « ordinaire » dont on peut avoir « l’habitude ». Plus les journaux se disent « neutres » de façon sous-jacente et plus ses lecteurs gardent avec certitude l’évidence politique des choses du monde sous tous ses aspects. Ainsi, c’est suite à la chute du mur de Berlin et donc suite à l’échec du communisme, que les journaux prennent davantage un rôle divertissant dans les médias dominants plutôt qu’un rôle historique lié à l’influence politique qu’ils provoquent. Cela n’est pas qu’une façade, car même si un journal défend davantage une politique plutôt qu’une autre, c’est depuis les années 80 que le bipartisme règne sans aucun espoir de Révolution ou de réforme radicale pour notre système établi. Les débats, bien qu’intenses au sein des médias concernés, ne sont en fin de compte que de faux débats, car ils ne remettent presque jamais en question ce qui leur paraît, suite à la victoire du capitalisme, comme étant lié à l’évidence, le règne indiscutable de l’économie de marché. Lire certains journaux plutôt que d’autres, c’est donc, soit être engagé, soit s’intéresser à une actualité sur laquelle nous n’avons aucun pouvoir et ne souhaitons pas en avoir, soit ne pas savoir ce qui se passe et être 131 infantilisé lors de notre lecture sur la nature de ce qui est réel, soit se divertir et occuper le temps, soit accepter le monde tel qu’il est et tel qu’on nous le montre (voir l’article La réalité médiatique dans l’ouvrage Du Virtualisme – Les nouvelles contributions). Un journal, c’est aussi un constructeur de réalités, d’univers, par l’agencement des sujets qu’il sélectionne et aborde, par la manière dont il en parle, par la quantité de texte qu’il concède à tel ou tel article, par sa politique commerciale (publicité ? Autonomie?), par les connivences et les intérêts que ses éléments auront avec d’autres acteurs de l’histoire de la nation etc. Mettre une publicité dans son quotidien, c’est accepter l’entreprise qui est publiée comme relativement légitime et indiscutable, c’est même implicitement être partisan de son activité économique. Un constructeur de réalités, qui paraît dans les kiosques tous les jours et dont tout le monde parle en général, c’est aussi être responsable de la façon dont on analyse les choses, de la façon dont on les observe, de la façon dont on s’orientera dans nos décisions politiques etc. S’intéresser à un sujet c’est aussi en renier un autre. Rejeter une thématique au profit de celle d’un journal, ce n’est donc pas une chose à prendre à la légère car c’est cela qui orientera dans le temps notre comportement et notre vision du monde. C’est un choix inévitablement politique doté de lourdes conséquences. C’est pourquoi la frénésie des journaux et leur rythme sur-accéléré ont quelque chose d’inquiétant. La surabondance informationnelle quotidienne, mais aussi de faible qualité, empêche également de voir et de savoir l’existence de certains manuscrits qui pourraient expliquer plusieurs décennies de parutions quotidiennes d’un média tel que Le Monde par exemple. Est on alors forcé de lire obsessionnellement et journellement les moindres détails journalistiques montrés du doigt par ce genre de médias, qui sont de plus souvent répétitifs ? C’est parfois trente années d’informations qui disent la même chose en montrant les mêmes mécaniques historiques, économiques etc. et que nous lisons sans cesse avec fatigue et acharnement. 132 Cette frénésie de l’information est donc elle-même due à la frénésie cyclique des étapes répétitives de la production capitaliste de ses biens et de ses services constamment mis à jour et régénérés. C’est donc comme un de ses miroirs politiques. B/ Les magazines Les magazines connotent eux un service supplémentaire proposé par la société économique, celui de la spécialisation généralement mensuelle d’un journal à travers diverses thématiques plus ou moins importantes. Nous citerons ici l’art, la culture, la science, les sciences humaines, la philosophie, la psychologie, mais aussi, les sports, les jeux vidéos, la mode, la musique sous toutes ses formes, le divertissement pur (Entrevue par exemple), la pornographie, l’érotisme... Il ne servirait à rien d’énumérer chacun de ces mondes oniriques, ce qui représenterait en plus une retranscription et une lecture plus vertigineuse qu’utile à cette cryptographie. Nous analyserons donc le phénomène des magazines en général et ce qu’ils peuvent connoter. Tout d’abord, c’est l’identification d’une personne à un domaine de l’économie ou du divertissement qui s’affirmera selon la façon dont le magazine est acheté (abonné, achat régulier, rare, ponctuel). Le magazine est également souvent un objet de voyage qui occupe lors du trajet son lecteur, le quotidien ne lui permettant pas de s’y plonger plus. Chez un médecin, ce genre de magazines connotera, tout comme lors des voyages, l’attente de quelque chose. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les librairies Le Relay pullulent dans les gares. Le magazine, étant la plupart du temps mensuel, il représente aussi un objet plus précieux où la qualité du papier est plus classieuse, en couleur, doté de multiples photos et d’une plus belle mise en page. Son identité graphique est tout autant spécialisé que sa thématique. C’est un objet que l’on ne jette que très rarement ou que l’on jette beaucoup de temps après utilisation. Ils peuvent d’ailleurs servir à orner ses toilettes pour attendre la fin de la défection. 133 Un grand nombre de nouveaux magazines paraissent annuellement mais ne réussissent pas à s’imposer à cause du très grand nombre de prétendants. Ainsi, il n’y a que très peu de magazines qui survivent dans le commerce par rapport à tous ceux qui le souhaiteraient malgré leur très grand nombre déjà présents sur le marché. Il est tout à fait envisageable que le commerce et l’impératif de rentabilité que ces publications nécessitent, empêchent le plus grand nombre d’entre eux de pouvoir exister et de pouvoir être diffusés. Enfin, ce que connote cette surabondance informationnelle, c’est l’opulence ou encore la richesse de la diversité médiatique et donc la richesse des divertissements offerts par le grand Capital. Une richesse d’ailleurs aussi large que les contraintes législatives qui l’accompagnent, aussi large que les contraintes matérielles qu’il impose (nous ne citerons pas ici l’ensemble des inégalités et des barbaries écologiques qu’il génère dans le monde). C/ Les livres (entre commerce et politique éditoriale) Je me souviens d’une peinture surréaliste qui représentait une rangée de passants, le visage caché par un livre ouvert qui flottait et couvrait leur tête. Ceci symbolise « La » fenêtre sur le monde qui cache « la » fenêtre la plus directe sur celui-ci mais aussi la plus ombragée, celle de ses propres sens. Chaque livre est un univers à part entière. Chaque livre est très souvent le fruit de l’histoire que l’humanité a traversée à travers son auteur, mais aussi le fruit de ce que la littérature ou la science a apporté à l’Humanité (selon le type d’ouvrage : essai ou roman, recueil de poésies ou nouvelles et récits etc.), c’est-à-dire de ce que la culture en général a traversé. Le livre a depuis longtemps été traversé des plus grands titres de noblesses, car c’est lui seul qui transmet aux futures générations l’ensemble des connaissances dont il est le fruit (seul, si ce n’est aussi la transmission orale qui a la même fonction historique, l’héritage culturel pour la construction de soi). Très souvent, un livre s’impose chez le lecteur ou chez l’écrivain 134 comme une nécessité existentielle. Il n’est que très rarement objet pur de divertissement léger, car il est très souvent représentatif d’une forte demande de concentration, de temps, de calme et d’intérêt qui doit perdurer dans la longueur du temps de lecture. Un livre qui s’impose nécessaire et donc qui se prétend inévitable, c’est aussi le symbole d’un problème qui s’impose implacablement à l’existence du lecteur et de l’écrivain. C’est alors forcément une date historique sacrée, qui concerne un ensemble de lecteurs et d’auteurs au fil de l’histoire, et même après la mort de l’auteur. Il a un rôle mystérieux et complexe, lié à la fonctionnalité historique et à la régénérescence de la culture humaine dans toutes ses dimensions. Un livre c’est aussi un trophée qui orne un logement, car c’est la représentation d’un intérêt intense que l’on a porté sur une facette du monde. Nous verrons ainsi, certains films représenter des personnages bourgeois intellectuels accompagnés de nombreux livres pour symboliser leur gigantesque capital de connaissances et d’érudition. Ce n’est pas pour rien si la combustion de toute une quantité de livres par les nazis a choqué nombres d’âmes et en choque encore aujourd’hui de la même manière. Être un grand lecteur, c’est forcément être relativement érudit et relativement savant, c’est être aussi quelqu’un de persévérant et de très curieux car il faut être très insistant pour lire entièrement un manuscrit de plus de 300 pages. Le livre c’est aussi parfois pour ses possesseurs une charge symbolique illustratrice de la quête de toute une vie, de toute la problématique philosophique ou existentielle de son lecteur, c’est un fétiche. C’est donc un totem à brandir lors de tout échange et partage social, car c’est notre volonté de connaître très intimement la couleur et les nuances de l’âme d’autrui. Le livre c’est donc le symbole le plus évident de la profondeur et des nuances des âmes humaines, de ses ténèbres et de ses lumières, de ses fantasmes et de ses raisons, de ses logiques et de ses folies, de toutes les 135 étapes de ses vies et de ses morts. Un livre c’est un condensé de rêve, aussi bien à travers la science qu’à travers une histoire ou une romance, c’est un moment de raison intense, car sa construction littéraire est très souvent presque inébranlable. Sa vieillesse peut aussi connoter un passé révolu et une mémoire, l’odeur des pages peut évoquer la poésie de la vieillesse et de l’ancienneté. Entre la sacralité des livres et le commerce du capitalisme, nous trouverons une médiation, celle des livres commerciaux, tels que ceux d’Harry Potter, ou encore ceux du Da Vinci Code etc. Ici règne tout un ensemble de livres à qualité littéraire divertissante et édité par une ligne éditoriale profondément commerciale. À part cette facette du monde de l’édition, nous pouvons considérer les maisons d’édition comme plus proches de l’éthique littéraire que du monde du commerce, ce bien que nous sachions pertinemment que les très grands éditeurs privilégient avant tout les élites intellectuelles médiatisées en dépit de certains écrivains dont nul ne pourrait renier la qualité intellectuelle ou stylistique. Ainsi, bien que le monde des grandes maisons d’édition soit habité d’une éthique éditoriale, celle-ci n’échappe pas à la dimension du commerce et de ses valeurs d’idolâtrie méritocratique. Le monde des petites maisons d’édition sont elles plus politiques, moins commerciales, bien qu’elles doivent vivre et trouver tout de même dans toutes les nébuleuses de l’argent, des distributeurs et des médias, une place légitime plus ou moins indiscutée. Le livre c’est paradoxalement l’objet le moins prisé par le capitalisme en général, car c’est celui qui le remet le plus sérieusement en question, bien que les masses populaires lui laisse une place plus importante que les autres et bien qu’il puisse représenter une source de profit très conséquente pour certaines grandes maisons d’édition, il n’est que rarement mis en valeur. Mais le capitalisme le sait bien : entre lire une remise en question de son système et l’appliquer, il y a pour le lecteur une distance beaucoup trop fatigante à traverser. 136 2. Télévision Inconsciemment, nous le savons. Nous le pressentons plus ou moins. La société capitaliste est absente. Elle n’existe pas vraiment. Elle se fonde sur des subjectivités hétérogènes par le biais de quelques codes sociaux superficiels partagés. La société capitaliste se construit autour d’activités professionnelles relativement disloquées. Les réseaux et les interrelations de ses éléments s’effectuent sans culture ni tradition aucune, autour d’intérêts de survie et de profits économiques. Les seuls liens du capitalisme qui existent sont les échanges économiques basés sur des rapports déséquilibrés d’exploitation où l’humanité n’y transparaît que très rarement. Si la société est en fin de compte absente, elle s’incarne par contre principalement à travers les médias, dont la télévision, constructeurs d’un réel spectaculaire plus ou moins cohérent, fait de joie et de divertissements, fait d’actualité brute et de brouillard. Que l’on soit en famille, avec des amis, en couple, ou seul, lorsque l’on regarde la télévision, l’on cherche en fait une fenêtre sur le monde. Un monde dont nous sommes éloignés et qui nous fait signe de l’autre bout de l’horizon, de l’autre bout de l’écran. La solitude, elle, nous la ressentons, la pressentons à chaque moment, nous en avons même peur, lors de nos relations sociales amochées à travers une angoisse qui happe les souterrains de sentiments inexprimés. L’angoisse de ne pouvoir être reconnu et accepté dans une famille économique qui n’existe quasiment pas. L’absence de traditions véritables. C’est ce que nous pressentons et c’est ce que nous guettons à chaque fois que l’on active cette boîte à images sonores. Elle nous console, mais elle ne nous répond jamais totalement sur ce sujet : L’identité humaine. Car c’est bien, indépendamment des échanges commerciaux dénaturés d’humanité, les objets médiatiques tels que la télévision et ses programmes qui nous relient à ce quelque chose auquel nous n’avons jamais véritablement accès, notre humanité. Là, nous y observons des réalités maquillées ou des scénarios fictifs, des valeurs et des débats auquel nous ne participons pas, des émissions festives qui font miroiter des cagnottes d’argent à ses participants, des publicités aux réalisations superbement léchées 137 qui scintillent pour nous rappeler sans cesse leur omniprésence et leur omniprestence. Sans ces deux dimensions (échanges commerciaux et médias), il ne nous reste plus sinon qu’à voter dans une urne en moyenne 0,6 fois par an, pour représenter une goutte au sein de l’océan de l’opinion publique. Tenter de se construire sans la politique à travers des communautés qui la plupart du temps la critiquent et s’en détachent, c’est en général le quotidien de tout un chacun, car la démocratie représentative n’a presque jamais tenu parole suite aux élections. Elle n’a fait que tromper son peuple et le trahir. Oui, c’est bien en fin de compte aux communautés de toutes sortes auxquelles nous appartenons et ce sont elles qui essayent tant bien que mal de nous sortir de ce marasme solitaire et sans culture. C’est à travers les communautés familiales, amicales, associatives, de quartier, ou encore parfois en coulisse de sa profession, que des valeurs culturelles, traditionnelles ou relativement contre-culturelles se forment dans le temps lors des histoires relationnelles qui en émergent. C’est même de ces communautés que les médias ne parlent en fin de compte que très peu. La télévision, c’est peut être le symbole parfait de l’angoisse de devoir se construire seul grâce aux communautés que l’on côtoie, mais c’est aussi peut être l’image de notre fuite face à ce défi qui nous invite à créer notre propre histoire autour d’un vide apparent. En effet, avant toute chose, la télévision est là pour habiller, voiler le vide, cacher et aménager à notre place ce que nous avons perdu année après année suite à l’envahissement des grands groupes commerciaux et multinationaux, suite à l’accroissement des sphères virtuelles. La télévision est un créateur d’univers hypnotiques suffisamment puissants pour nous faire oublier ce à quoi nous devons tous faire face, la reconstruction de notre humanité et de son identité métissée, qui a été déstructurée et démontée par l’histoire de l’économie capitaliste et par ses guerres, jusqu’à la chute du mur de Berlin, introducteur de notre époque moderne. 138 Ainsi, ce n’est plus la vie de village ou de quartier qui représente notre histoire et nos traditions dans la nation, c’est plutôt à travers la télévision que nous ressentons la présence de notre actualité identitaire. Nous sommes sans elle, mais elle est faites pour nous, nous ne voyons jamais ce dont elle témoigne, ni la vie de ceux dont elle parle, mais elle est faites pour nous. C’est grâce à nous que cette culture en boîte existe, grâce à notre regard, et c’est aussi ce qui nous offre de l’importance et de la gratification. Avec la télé-commande, nous commandons pendant qu’elle nous alpague et nous oblige. Nous voyons ce qu’elle désire et nous rions sur ce qu’elle trouve drôle (séries de sitcom par exemple où les rires sont téléguidés). La télévision sera donc, la garantie de l’absence de l’ennui, des exclusivités en moments de fête, la décoration de l’absence et de la solitude de ce qui a été détruit par le commerce, le consolateur des misérables solitudes. Le sentiment de solitude, c’est bien là l’expression de ce qui est absent, ce qui est absent c’est l’être-ensemble, c’est le construire ou détruire ensemble, c’est l’histoire de l’Humanité, c’est ce que nous devons revisiter de fond en comble et refonder, une humanité, cela a de quoi faire peur. Alors, de par notre lâcheté et notre impuissance, la télévision proposera tout comme toutes les sphères virtuelles davantage d’offre (un bouquet de chaînes qui enchaîne davantage, sans bouquet de fleur sur la tombe de notre être ensemble) et la personnalisation de notre être subjectif, notre unique pouvoir. Cette production de soi déracinée, racine après racine lors de chaque seconde qui passe, dans les révolutions commerciales du capitalisme, sera comme celle des nouvelles cultures numériques, hantée de monopoles qui oublient les origines et la culture humaine. La télévision, c’est enfin sa forme architecturale comme l’écran extra plat et vaste de superficie qui prendra la place d’un tableau dans l’appartement, qui donc n’envahira pas mais s’affirmera avec modernité et classe, accompagné parfois d’un arsenal sonore qui défierait s’il le pouvait notre envie d’aller au cinéma. 139 La télévision donc, derrière son masque ludique affirme une chose tragique, la fin de la relation sociale et des relations humaines évidentes et spontanément harmonieuses. Elle s’annonce davantage consolatrice que spectaculaire. Son paternalisme est hypocrite et sait pertinemment comme nous qu’il ne se sent que lui-même, il est juste l’incarnation d’un mensonge qui s’oblige, par peur de devoir se confronter au résultat de notre absence à nous même et de notre absence aux autres. C’est enfin tout un ensemble de rêves qui s’effectueront à travers cet objet et tout un ensemble d’histoire qui se créeront avec certains de ses programmes. Le zapping par exemple, ou les best of (meilleurs moments de la télévision) seront l’incarnation d’un bilan léger de l’histoire annuelle de la télévision. Son histoire devient également la notre, la suite relative de l’absence des mondes humains. 3. Radio La radio, elle, tient une fonction analogue à celle de la télévision mais de façon plus légère, plus ludique, plus éloignée. Son éloignement correspond à sa cohérence de laisser le trône médiatique au monde de la télévision et de se placer stratégiquement là où celle-ci pourrait créer un manque. Dans l’univers médiatique du capitalisme, la radio a sa place, l’accepte et participe comme un élément de sa structure. Le corps médiatique est très cohérent dans son agencement et très peu de personnes n’ont de choses à lui revendiquer si ce n’est les marginaux et les révoltés clairs envers le monde du capitalisme. Tout comme la télévision, la radio à sa manière, offrira ce que peuvent offrir ses compétences, dans un panel de choix qui lui est propre (art, culture, politique, sport, humour, musique de tous les styles...). La radio offrira donc elle aussi la possibilité à l’individu de personnaliser et de spécialiser sa subjectivité virtuelle. 140 III – Audiovisuel et rêve L’audiovisuel, c’est d’abord une révolution technologique à travers l’arrivée de la camera, suite à celle de la photographie. C’est à travers sa commercialisation, qu’une nouvelle industrie fera apparition, celle d’un nouveau domaine artistique qui fonctionne par prise de son et d’image en mouvement dans un ensemble de séquences. Ce même ensemble de séquences sera agencé d’une certaine manière, à travers un certain esthétisme et formera une histoire, une ambiance, un univers particulier. L’adaptation en film de romans, de livres ou de bandes dessinées le montre bien, l’audiovisuel, c’est bien la représentation visuelle et auditive de ce que peut être une œuvre manuscrite ou un ensemble d’œuvres picturales. C’est un langage qui peut traduire plusieurs langages informationnels et artistiques qui s’inspirent du réel ou de la subjectivité de chacun. C’est à travers l’évolution technologique des outils de l’audio-visuel puis à travers l’évolution technologique du numérique et des logiciels que son potentiel et son caractère esthétique offrira davantage de possibilités aux créateurs qui souhaitent utiliser cet outil expressif. Il va sans dire qu’un capital non négligeable reste nécessaire à certaines réalisations audiovisuelles, bien que depuis l’ère du numérique, le capital du savoir-faire puisse être suffisant à une réalisation cinématographique, ceci exprimant ainsi une extrême démocratisation de ce domaine. En effet, les caméras numériques coûtent aujourd’hui suffisamment peu cher pour que presque toutes classes sociales puissent un jour s’en procurer une avec plus ou moins d’aisance. De plus, même les appareils photographiques numériques permettent aujourd’hui les prises de vues audio-visuelles et peuvent servir d’outil créatif pour un film expérimental qui ne demande pas de fortes qualités de rendus. Reste à dire que ce domaine est une prothèse du regard et de l’oreille, une intensification des souvenirs, par son caractère sélectif qui dure dans le temps. C’est donc un outil qui capture et marque certaines facettes 141 de l’existence et de sa romance, à un degré d’émotion et de réflexion extrême. En effet, le regard de la caméra a la capacité d’intensifier chez celui qui filme et celui qui est filmé, le rapport de l’observateur/ observé et donc de faire perdurer certains moments de vies à travers l’enregistrement de la relation complémentaire. L’enregistrement, c’est l’avènement d’une prothèse pour nos souvenirs subjectifs, mais c’est aussi autre chose, c’est notre capacité à pouvoir les faire voir à quelqu’un d’autre et c’est notre capacité à pouvoir sublimer notre vie dans une fiction comme un trip psychédélique sublime certaines facettes de notre identité. Notre capacité à pouvoir distordre l’image enregistrée, l’embellir, la romancer, l’accompagner d’effets spéciaux et l’agencer à d’autres prises de vues, montre bien de façon caricaturale la façon dont s’opère le mental de chacun de nous par rapport à nos souvenirs et à la quête existentielle qu’ils impliquent pour notre devenir. Il faut ajouter que le tetraptyque : Observateur/concepteur – Observé/ exhibant, est un rapport lié à l’écoute et à la réception, à l’émission et au don, au façonnement du réel et à sa résistance ou à sa résonance, sorte de méta-langage affectif et sexuel, où la séduction y est aussi importante que lors de la construction d’un couple. Se surajoute ensuite le partage de ce rapport aux spectateurs dans l’oeuvre finalisée, qui elle, témoigne de la plus ou moins grande qualité de cet événement particulier. C’est donc bel et bien une facette de la vie qui s’exprime de façon onirique et délirante à travers ce moment qu’est la construction d’une œuvre audio-visuelle. À travers ce moment, c’est une histoire qui s’effectue, une histoire proche de celle de l’amour, mais un rapport amoureux caricatural, car cette schématique s’exprime normalement dans les deux sens du rapport amoureux. En effet, dans le rapport amoureux et même dans le rapport amical ou familial, ou encore même dans la vie, ce sont les deux éléments de l’échange que sont observateurs/concepteurs – observé/exhibant, qui s’utilisent dans les deux parties. 142 1. Cinéma Dans le cinéma, il apparaît comme dans le monde du livre, plusieurs politiques, de la plus commerciale et propagandiste à la plus subtile et authentique. Ainsi, c’est un ensemble de films qui exprimeront la tendance politique de ses réalisateurs ou de ses producteurs éditoriaux : de la politique du commerce à la politique existentielle de l’authenticité de l’être. Un film de Jean Rouch n’aura pas la même charge significative que celle d’un film Blockbuster d’Hollywood. La charge onirique n’y aura pas la même fonction langagière. Le cinéma crée lui-même son histoire dans le temps à travers une sphère virtuelle en exprimant une facette de l’histoire de l’économie capitaliste et une facette de l’histoire culturelle en recherche d’authenticité et d’identité face au commerce et ses valeurs travesties de guerres et d’intérêts. Un côté cherchera à combler l’envie obsessionnelle des spectateurs de jouir le plus vite possible (les films commerciaux), l’autre cherchera à remettre en question l’identité du beau et de la jouissance pour rendre la beauté et l’esthétique plus subtile et plus nuancée, plus réfléchie et plus ornée de questionnements philosophiques et politiques (le film qui tend à l’authentique). Le cinéma, c’est aussi le film pornographique, où le fantasme sexuel se caricature et s’intensifie, où la masturbation permet une interactivité avec le film, simulation virtuelle de l’acte impossible lors de certains moments x de notre vie. Là, dans cette sphère virtuelle, notre rêve du rapport sexuel réussi y est fantastique mais frustrant car nous ne sommes pas dans le film. La femme ou l’homme y est parfait(e), fatal(e), soumis(e) ou inversement. Autour du cinéma, c’est aussi le fantasme de certaines facettes de l’histoire humaine (la mythologie, la guerre, la religion, la police, le farwest, le paranormal, la justice, le politique, l’amour, la mafia etc.) qui 143 s’inspecte et se contemple de façon plus ou moins chirurgicale, se délire, se caricature, dans l’ironie, le satyrique... Là nous retrouvons alors les mêmes traits que ceux de l’analyse de la folie et de l’inconscient, des trips psychédéliques et du rêve éveillé. Une cryptographie des films cinématographiques pourrait donc bien s’effectuer au cas par cas. Des rêves dans un rêve. 2. Dessins animés Existe aussi le dessin-animé et son histoire, où Walt Disney et Looney Tunes régneront pendant près d’un demi siècle dans le monde occidental des enfants et même des adultes. Régneront également les animations japonaises (mangas) avec tous leurs codes oniriques en transfigurant les fantasmes humains et en représentant le corps humain selon des codes picturaux bien précis et reconnaissables autour de mille illustrations. Chez Walt Disney ce sont les contes occidentaux ancestraux qui régneront dans ses longs métrages avec accessoirement un univers qui lui sera propre y compris dans ses codes picturaux (Mickey, Minnie, Donald, etc.). Toute la magie de ces contes ornera l’univers symbolique de Walt Disney et accompagnera le monde des enfants de toutes origines. La gloire des USA à travers l’extrême connivence de ce monde animé avec le pouvoir américain confondra les esprits et leur discernement entre la gloire légitime de Walt Disney et celle du pouvoir législatif et géo-politique des USA. S’attaquer aux Etas-Unis ce sera implacablement s’attaquer aussi à Walt Disney. Ainsi, bien que les films de Walt Disney nous aient bercés tout le long de notre enfance et qu’à notre adolescence nous devenions anarchiste de gauche par exemple, nous serons obligés de reconnaître une certaine pureté aux Etats-Unis ou obligés de renier une dimension qui nous a habités lors de l’âge où tout se construit pour notre avenir adulte. Looney Tunes, lui, se nourrira d’un univers construit de A à Z et représentera en général des animaux. Cet univers empli de personnages animaliers illustre étrangement celui des Fables De La Fontaine avec caricature et légèreté. Puisque les enfants aiment en général beaucoup les animaux, le choix de mettre en avant des personnages animaliers 144 n’est pas quelque chose d’innocent mais bien quelque chose de séducteur et d’hypnotique. En effet, les animaux peuvent tous symboliser une force magique particulière et une capacité que d’autres animaux n’ont pas (l’oiseau vole, le loup lui est prédateur et court vite etc.). Toutes les histoires seront faits de gags, de farces et attrapes, de surréalisme et de rire, dans une légèreté insoutenable, où chaque personnage bien que parfois blessé est invincible ou encore même intouchable. C’est l’expression pure du monde des rêves qui s’exprime à travers les mondes de Looney Tunes, des mondes parfaits, gauches à la fois, mais surtout paradisiaques et virtuels car déconnectés du réel brut. Pour les mangas ce sera souvent la mythologie et le combat qui s’y exprimeront, les histoires y seront plus sombres, plus ténébreuses et d’une esthétique qui n’emploiera pas du tout le même genre de codes que ceux employés par les mondes animés américains. L’honneur et la fierté y feront beaucoup plus surface, à travers une esthétique particulièrement codée qui connote énormément la mythologie grecque, judaïque ou asiatique. L’harmonie s’y exprime à travers le combat et la violence, certaines séries animées s’accompagnent d’une évolution qui se rythme en crescendo (De Dragon Ball à Dragon Ball Z par exemple). Le fantasme des mangas est beaucoup plus habité de lourdeur, même la légèreté est habitée d’une extrême tristesse et d’une grande profondeur émotionnelle, car les personnages y sont très affectueux. Le langage onirique n’y est donc pas du tout analogue à celui des grosses productions occidentales. Sans doute le japon a-t-il eu une histoire plus torturée que celle des économistes américains ? Les fantasmes des mangas japonais ne sont pas du tout faits des mêmes jouissances et des mêmes délires fantastiques. Ils sont d’ailleurs, ce qui n’est pas rien de le dire, que très rarement habités d’amour en premier plan, comparé au monde du combat qui règne de façon quasiment omniprésente dans ses univers (avec l’univers des mythes, des pouvoirs et du fantastique). Viennent enfin les mondes des supers-héros avec les grands méchants et les grands gentils dans les Comix. Univers plus ou moins tragique également où, suite à un accident particulièrement fantastique, certains personnages se dotent ensuite de supers pouvoirs et choisissent enfin 145 de participer à l’ordre et à la justice, sorte d’I Want You de l’armée américaine en appel à toutes les compétences pour sa gloire et pour son ordre. La lourdeur tragique du monde des Comix représente oniriquement les grandes personnalités militaires en plein sacrifice pour leur pays, comme les agents-doubles ou les agents secrets. N’est-ce pas là d’ailleurs également l’attente américaine et fanatique du futur messie (« In God We Trust ») ? Les super-héros sont très souvent des maudits, des damnés, qui se sacrifient pour la bienveillance de tous et toutes, obligés de garder une double-identité exprimée symboliquement par le costume et le masque anonyme. 3. Diverses formes audiovisuelle Le cinéma se triturera ensuite accessoirement à travers plusieurs domaines annexes plus ou moins hiérarchisés : Les séries, les courts et moyens-métrages (comme les nouvelles et les récits pour les livres romancés), les émissions, les documents audio-visuels artistiques, les clips musicaux, vidéos amateurs... Tous ces domaines serviront aux délires humains capitalistes et artistiques, exploitant l’audiovisuel jusqu’aux os et jusqu’à ce que de nouvelles technologies lui permettent de l’exploiter davantage. Le fantasme et le jouissif, la reconnaissance et la séduction, la quête de soi et des autres, le commerce et ses intérêts. C’est bien là le rêve capitaliste avec tous ses paradoxes et ses éléments perturbateurs qui s’exprimeront dans cette sphère virtuelle d’expression. IV – Numérique et rêves 1. Téléphones portable Les téléphones portables, ce sont ces prothèses qui permettent de réaliser approximativement un fantasme assez fantastique, celui de la télépathie. Oui, relativement car, on ne pense pas à travers lui, on parle. Un portable, c’est en effet une sorte d’omniscience partielle de son propre réseau social et communautaire. Réseau d’amis, d’amants, 146 réseaux professionnels, associatifs, politiques etc. C’est donc bien un fantasme, une sorte de délire éveillé qui nous est permis grâce au fruit des connaissances historiques accumulées. À travers le téléphone portable, c’est une distorsion temporelle des relations sociales et économiques qui s’effectue. C’est notre relation à l’environnement et à l’intime qui mute, que cela soit positivement ou négativement, le processus s’effectue et nous sommes quasiment tous presque obligés d’utiliser cet outil sous peine de se retrouver handicapé dans la société. Du moins, c’est la sensation que les autres nous donneront si nous ne le possédons pas et cela nous ne pouvons l’éviter. Ce processus est donc inévitable et l’homme se familiarise de plus en plus tôt à cet objet. C’est même à travers les nouvelles générations qui réfléchissent moins aux conséquences de leurs actes que son avenir commercial est garantit. C’est en effet là l’argument indestructible qui justifie l’impossibilité de stopper ce processus commercial et technoscientifique. Ne pas avoir de téléphone portable, c’est aussi perdre des relations, c’est même presque ne pas avoir d’amis ou encore de réseau. Ne pas avoir de téléphone portable, c’est quasiment de nos jours où les réseaux importent de plus en plus, perdre un de ses membres organiques. La technologie nous dévorerait elle ? J’ai souvent vu, - moi y compris - des personnes perdre leur portable avec tous leurs contacts et se morfondre comme l’on se morfondrait pour son logement détruit suite à un incendie. Un téléphone portable c’est aussi une personnification du subjectif par le biais de la sonnerie, du fond d’écran, de la couleur choisie, de l’extrême diversité de ses designs, mais aussi par la façon dont on peut soi même le décorer (autocollants, pochette, tags etc.). Dans les coulisses de notre théâtre sociétal, le téléphone portable c’est un monde de sueur et de larmes au sein des mines de coltan dans certains pays africains (le coltan restant sa matière première indispensable à sa fabrication), où notamment les enfants et parfois les adultes extrairont cette matière avec une peine et une insécurité garanties... 147 Les I phone, c’est aussi un processus de fabrication très dangereux (au niveau des produits chimiques utilisés) dans des industries à dimension inhumaines qui logent en Chine et qui embauchent des enfants de bas âges. Le téléphone portable, c’est à travers le numéro de téléphone que l’on peut garder aujourd’hui presque toute sa vie, une identité numérologique, identité des nombres et de leur combinaison originale presque musicale et mystique. Ces nombres qui nous nomment se relient avec affection à la famille, à l’amour, à la séduction et à la drague, à l’amitié, à la profession etc. C’est aussi une culture complexe à travers les textos et ses smileys, défiant les lois de la linguistique et des langues littéraires. C’est également des habitudes partagées par tous (ne plus avoir de crédit, ou de batterie par exemple). C’est donc un nouveau langage dans lequel l’on peut migrer virtuellement et s’évader de multiples façons même à travers des services accessoires de jeux vidéos intégrés à l’objet. Aujourd’hui un téléphone portable est polyvalent, il photographie, il a une calculatrice intégrée, il peut surfer sur le web plus ou moins agréablement, il peut très souvent permettre d’écouter sa propre musique ou encore permettre d’écouter la radio de son choix. Il permet également d’enregistrer comme un dictaphone ou de chronométrer quelque chose... Nous arrivons aujourd’hui au stade de l’inquiétude ou du reproche relativement dictatorial lorsque nous ne pouvons pas joindre des personnes plus ou moins proches, sorte de nouvelle législation onirique et anarchique du droit commun, sorte de caprice des dieux du monde du numérique et de la télécommunication. Le téléphone portable, c’est aussi la fin des cabines téléphoniques et de leur charme, où maintenant les conversations téléphoniques s’effectuent dans les espaces publiques et donc dans l’impolitesse. C’est donc l’irritation de la perte de l’intimité devant l’exhibitionnisme et de la perte poétique de la spontanéité. C’est aussi la perte du poétique lorsqu’une 148 conversation très importante a lieu avec un tiers de sa famille et que le téléphone sonne et stoppe la conversation. C’est parfois l’incapacité à pouvoir aborder une femme ou un homme qui nous charme dans la rue parce qu’il ou elle est en train de téléphoner. Le téléphone portable, dans son processus historique, était auparavant un fantasme irréalisable pour les possesseurs des simples téléphones de domicile, puis ce fut ensuite une marque exclusive de frime pour un employé cadre qui travaille dans sa voiture de fonction, pour enfin exploser en général dans les commerces avec le même genre d’euphories que celui que l’on a pu décrire à travers les voitures et les trains. Ce fut, pour finir, également un commerce intéressant pour les mondes de la délinquance et du vol dans les milieux populaires avec tous les codes et les rites oniriques qu’ils comportent. Le téléphone portable n’a pas fini de créer des mondes oniriques, il en est à ses tous débuts et deviendra même sans doute très bientôt un ordinateur miniature qui permettra accessoirement de téléphoner. 2. Internet La fonction « ovni » d’internet est ce qui fait toute sa force. Internet, lui aussi garde sa place dans le monde médiatique et occupe de plus le monde du numérique. Cette fonction « ovni » d’internet, c’est d’être une sorte de jumelle vide. C’est une fenêtre/véhicule qui s’autoemménage par le biais de tous ses participants (contemplateurs et acteurs/contemplateurs). Internet, c’est comme un sol, une plate-forme ou une visée, qui s’offre par le biais d’un moteur de recherche, à toutes les thématiques immatérielles possibles (audio-visuel, musique, sonore, inter-activité, information, littérature etc.). Internet offre alors aux individus une hyper-spécialisation des subjectivités et leur permet tout ce que la communauté hétérogène d’internet peut leur offrir. Ainsi, internet est capable d’englober toutes les dimensions médiatiques (journaux, magazines, radio, télévision...) et 149 même plus encore. Tout le domaine de l’immatériel et du numérique y passe. Internet devient alors l’incontournable source virtuelle des réseaux de toutes sortes. À part le conflit générationnel, internet n’a aucun obstacle à son développement et à son expansion, car internet n’est rien, il n’est que ce qui se développe en lui. C’est donc là une véritable sphère virtuelle, un univers numérique, une fenêtre supplémentaire qui s’additionne au monde et lui offre un autre angle de lui-même, celui de l’esprit hétérogène de notre humanité et de nos sociétés. Bien qu’internet nous offre tout ce que nous lui offrons. C’est le capital cognitif de son utilisation qui nous permettra d’avoir accès à plus d’informations à travers lui. De plus Internet ne garantit aucunement la qualité de ce qu’il partage puisqu’il ne choisit et ne sélectionne pas ce qu’il contient. À travers lui, il peut se former un ensemble de fédérations, mais malheureusement par la prothèse numérique, et donc uniquement par ce que peut permettre cette même prothèse. Elle ne permet pas le rapport direct de l’homme à l’homme, mais plutôt celui de ses avatars et de ses masques les plus séduisants. L’humanité se perd donc au profit de l’information et de ses échanges directs. L’information pure, ça n’est pas cela la vie, et je pense que cet outil doit être considéré pour ce qu’il est et pour ce qu’il permet, non pour ce qu’il nous fait perdre car rien ne nous oblige à perdre ce que cet outil peut nous enlever. Internet nous a fait miroiter un espace proprement démocratique qui pourrait implicitement se troquer à celui que l’on côtoyait quotidiennement dans l’histoire. Bien que la facette démocratique d’internet existe bel et bien, il ne faut tout de même pas tout confondre. Une sphère virtuelle reste une sphère virtuelle qui n’a qu’un faible pouvoir d’influence sur les réalités politiques qui nous font face, surtout lorsque des personnes qui ont déjà leurs propres convictions peuvent voguer sur cette sphère là où elles le souhaitent sans se confronter à la contradiction des opinions. Une migration dans la sphère virtuelle pour s’y nourrir, se transformer, se mettre en réseau, pour ensuite réinvestir les sphères du réel politique 150 n’est tout de même pas quelque chose d’inenvisageable, c’est même plutôt quelque chose qui nous rappelle à l’espérance. 3. Ordinateurs Le progrès des potentialités d’un ordinateur évolue dans l’économie et sa temporalité à une vitesse statistique exponentielle. Ses capacités permettent donc de plus en plus de choses en un temps de moins en moins long (vitesse de copie, temps de chargement des logiciels et du calcul des fichiers lourds, conversion de fichiers...). Savoir cela, c’est aussi savoir que c’est dans ce contexte de distorsion temporelle qu’il faut prendre en compte ce monde numérique et l’adaptation des esprits humains à ce même monde. Un ordinateur c’est un clone d’internet, mais il est lui, fait uniquement pour l’individuel. En effet, un ordinateur est avant tout quelque chose de vide. C’est aussi un sol, ou une jumelle, qui s’habille, du vide au contenu. Un ordinateur a une structure qui commence à la source par le 0 et le 1. C’est le logiciel d’exploitation qui lui permettra de gérer certains services virtuels liés au monde de l’immatériel. Ainsi, un ordinateur vous permettra ce que vous lui permettez dans le paradigme et la place qu’il occupe selon ses propres capacités polyvalentes. L’ordinateur est un outil transversal et multi-fonctionnel. Il rentre en symbiose avec internet et il est aujourd’hui presque impossible de le séparer de ce réseau numérique. Presque tous les logiciels qui vous permettront certaines fonctions sont sur cette toile qu’est internet. Actuellement, le paradigme d’un ordinateur vous permettra d’avoir accès à presque tout ce qui est du domaine de l’immatériel. Nous citerons la vidéo, la musique, le son, l’image, le texte, la programmation. Par le biais du web qui ne se détache jamais de cet outil, nous citerons l’accès au téléchargement des logiciels et de toutes formes de fichiers liés au domaine informationnel, à multiples formes de réseaux aux fonctions économiques et sociales, permettant des interrelations, un échange d’informations de toutes sortes, des échanges de fichiers et de logiciels 151 multiples (sites internet, peer to peer etc.)... L’ordinateur est une simulation virtuelle interactive au départ vide liée à tous les domaines informationnels qui s’offre à notre capital cognitif. Il permet de créer, de contempler, de distordre, d’échanger, de simuler, de rêver,... Le rêve d’un ordinateur est tout comme internet, hyper-subjectif et spécialise notre subjectivité à notre guise. Nous pouvons également plus ou moins personnaliser son apparence esthétique et son ambiance de base (couleur du bureau, apparence des fichiers, typographie du texte des menus etc.). Le rêve d’un ordinateur, c’est donc à travers son paradigme, le notre, évoluant dans le temps, se construisant une histoire, mémorisant un ensemble divers de fichiers etc. Son ordre sera plus ou moins le nôtre, sa cohérence également. Un ordinateur peut aussi dès à présent être portatif et être donc emporté avec soi. S’ajoute alors à cet objet une dimension souple et nomade pour les sédentaires. Son aspect esthétique sera lui aussi multiple et dépendra du choix de celui qui l’achète, ceci personnifiant également la subjectivité de son utilisateur, ainsi que sa différentiation aux autres. Se différencier implique forcément notre rapport à la séduction, à l’attention et au regard. Tout comme internet, l’ordinateur englobe aujourd’hui presque tous les objets qui servaient les domaines de l’immatériel (téléviseur, lecteur vidéo, lecteur musical etc.). C’est donc un objet transversal, hybride, proche de la métaphore du fluide et de l’eau, capable de prendre n’importe quelle forme. C’est aussi une prothèse hyper subjective, qui s’affranchit du monde de la matière pour tenter de libérer dans la virtualité toutes les potentialités créatives de l’esprit. Bien qu’il ne puisse pas remplacer les capacités humaines subjectives, cet outil est capable de booster son potentiel de façon incalculable, ce qui explique fortement que notre esprit aliéné par l’histoire de la politique et du pouvoir cherche très souvent à s’évader à travers lui. 152 4. Consoles de jeux vidéo Comme Internet et les ordinateurs, la console de jeux vidéos est vide mais ne permet qu’un seul paradigme en général, celui de jouer à un ensemble de jeux interactifs offerts par un ensemble de producteurs de jeux vidéos. Jouer à un jeu vidéo, c’est faire migrer son esprit dans un autre univers, plus ou moins fantastique, qui offre à l’esprit la capacité de réaliser relativement certains fantasmes de puissance qu’il ne peut pas réaliser dans le monde réel. Être un héros, un shaolin, un grand combattant, un homme de guerre hors paire, un aventurier intouchable qui risque sa vie, un flic ou un espion, un sportif ou même une équipe entière de sport, c’est ce que peut permettre une console de jeux vidéos. Parfois, certains jeunes en deviennent dégoûtés de la vie elle-même et préfèrent vivre dans cette sphère interactive et virtuelle plutôt que dans la vie où l’aliénation règne. Ce n’est que lorsque l’on ne croit plus en ses mondes que l’on peut d’ailleurs mieux s’en détacher. Le jeu vidéo c’est la toute-puissance offerte, de façon ludique, mais qui lance un défi à la « divinité » qui y joue : celui de « finir » le jeu en traversant toutes les épreuves qui se présentent à lui. En fin de compte, le jeu vidéo, c’est bien la vie à travers les paradigmes que nous offre notre société, transfigurée dans un écran, habillée d’une autre esthétique et d’une autre fonction, avec des structures politiques qui diffèrent selon les jeux. Mais le langage est tout de même bien pareil, c’est celui de la vie de notre système, où les rêves de la victoire et de la réussite de soi se confronte à la résistance de ce qui lui paraît être étranger. L’incapacité de pouvoir apercevoir ce challenge dans l’existence ou plutôt d’y percevoir son impuissance incalculable, pousse la personne, selon son degré de croyance envers cette sphère virtuelle, à migrer dedans en exprimant tous ses besoins dans le processus interactif qui s’offre à lui. 153 Ainsi, les jeux vidéo sont bien l’expression de notre besoin de s’affirmer sans véritablement pouvoir le faire dans l’économie capitaliste contemporaine. Au dessus du monde de ses usagers, les jeux vidéos, c’est aussi la guerre commerciale entre ses grandes marques, guerre qui connote la mythologie des dieux en conflit ou encore les gladiateurs des arènes de Rome. Fantasme et propagande de la grandeur du jeu capitaliste guerrier, divertissant les joueurs et leurs supporters, mais aussi les économistes spécialistes et les dévorateurs d’actualités économiques. V – Objets de consommation et rêve Chaque objet de consommation est dû à une histoire qui concerne sa fabrication et ce que cela peut évoquer culturellement. Là encore, une fois de plus, nous pouvons affirmer que ce condensé de signifiance onirique, entre savoir-faire historique et connotation culturelle ne se dément pas. Il n’est pas inenvisageable qu’il y ait une dimension relativement régressive de certains savoir-faire en ce qui concerne la qualité et la noblesse d’un objet depuis la perte des petits commerçants artisanaux. En effet, la production de masse dévalorise la qualité de l’objet qui n’est plus artisanal mais industriel, ce qui lui donne justement une dimension matérielle plus liée à la virtualité à travers des objets clonés à l’infini qu’au savoir-faire d’une personne. Comme il l’a été dit sa dimension rêvée se placera, elle, dans un condensé de significations lié à son héritage culturel et à son héritage lié au savoir technique. Nous placerons donc dans la dimension rêvée de l’architecture d’un objet, son savoir-faire signifiant, son esthétique relativement signifiante mais à dominante a-signifiante ou encore abstraite et toutes les valeurs culturelles qu’elle véhicule. C’est l’ensemble de toutes ces caractéristiques qui permet de définir des objets matériels comme faisant partie du domaine des rêves éveillés. 154 Nous étudierons ici à travers la cryptographie Virtualiste des rêves quelques objets (ou encore produits pour éviter tout quiproquo) habités d’une valeur moderne très prisée. 1. Les jouets Les jouets sont des objets ludiques parfois articulés qui revêtent des formes esthétiques multiples (personnages, voitures, avions, maisons...). Aujourd’hui ils peuvent être robotisés et équipés de sons ou encore de lumières, comme les voitures télécommandées par exemple. Les jouets sont destinés aux enfants de 1 an jusqu’au début de l’adolescence approximativement. Les jouets sont sans doute l’incarnation la plus primitive des jeux occidentaux en général, et qui eux peuvent être pratiqués à tout âge. Les jouets ne sont pas non plus la condition sine qua non pour faire jouer les enfants, ils peuvent indépendamment d’eux en inventer à leur guise. C’est principalement à travers le commerce de certaines industries que les jouets ont été le plus grand synonyme du jeu en offrant régulièrement de nouveaux modèles et de nouveaux concepts à leur clientèle. La difficulté technique pour produire un jouet est en général assez faible, ce qui permet à son producteur de pouvoir lui faire revêtir n’importe quelle forme esthétique. Cette même esthétique dépendra souvent de l’époque à laquelle le jouet appartient et de ce qui est fantasmé lors de cette même époque, mais elle dépendra aussi de l’avancée technique ou technologique des industries de cette même époque. Les industries du cinéma et ses grandes figures, les dessins animés et leurs héros, les héros de contes de fée également, les véhicules, les véhicules de science-fiction etc. seront tout autant sources d’inspiration aux jouets que n’importe quel élément de la nature ou de la vie (la dînette, le savant fou, l’alchimiste, les fermes, les médecins etc.). Le monde des jouets c’est un monde où les mondes des adultes se théâtralisent et entrent en symbiose, tels des chimères avec les mondes fantastiques de l’imagination enfantine. 155 Pour les industries commerciales, les jouets leur permettent également de conforter leur univers de marque dans les mondes de l’enfance (voitures, motos, avions, footballeurs, jouets offerts dans les céréales de petits déjeuners etc.). Certains jouets accentueront même avec caricature les sexes opposés et pousseront les garçons et les filles à se différencier avec antagonisme. En effet, pour les filles le monde des jouets sera orné de poupées, de bébés, de contes, de princesses et d’amour, alors que pour les garçons il sera orné de voitures, de guerre, de super héros masculins etc. Toutes les industries qui le pourront créeront accessoirement aux produits et services qu’ils proposent, un monde de jouets afin de préparer les nouvelles générations à leur univers (Comix, Walt Disney, Bandes dessinées réputées, marques de voitures et de motos, fast food etc.). Lors de la manipulation des jouets par les enfants, il se crée une interrelation entre les suggestions qu’offre le jouet à l’enfant, l’imagination de l’enfant et son univers peuplé de désirs inassouvis. Tout un univers onirique se crée alors et les fantasmes humains les plus primitifs du monde occidental ressortent lors du jeu (Voler, faire des salto sublimes, dire ce que l’on souhaite à l’ennemi, être belle et bien habillée, s’occuper de son bébé comme on s’occuperait d’un jouet ou d’un totem...). C’est bien un univers virtuel qui se recrée de toute pièce à travers les jouets que les enfants manipulent. C’est aussi à travers l’objet manipulé, la réalisation par l’enfant de sa toute puissance. En effet, l’objet ludique est manipulé par l’enfant à sa guise, comme un Dieu qui aurait tous les pouvoirs sur sa créature. Ainsi, le jouet devient objet de jouissance, réalisation de tous les fantasmes, comme lorsque l’on lance des cailloux sur une fourmilière pour se divertir. Mais c’est aussi un processus d’identification qui s’effectue sur le jouet lors de la simulation d’une histoire dans laquelle l’enfant joue un rôle simultané de créateur, de narrateur et de personnage fictif. 156 Enfin, il faut préciser que le jouet est une sorte d’illusion car c’est un besoin qui n’est pas forcément nécessaire à l’enfant. En effet, nous pouvons donner l’exemple des jeunes Africains ou du français pauvre qui n’aura lui pour jouer, que besoin d’utiliser une roue de vélo avec un bâton par exemple. À travers les jouets, l’enfant s’initiera donc dès sa plus tendre enfance à la consommation, à l’imagination toute prête, au plateau d’or servi sur la table. 2. Vêtements Pourquoi donc y a-t-il des vêtements et des costumes dans le sens clownesque du terme ? Le costume trois pièces est utilisé par les hommes la plupart du temps lors d’un événement particulier tel qu’un mariage. Il y a une norme culturelle, sociale et même professionnelle pré-établie qui répond à certains codes relationnels. C’est là les codes vestimentaires. Suite à la visite d’une exposition, j’ai contemplé des tableaux de costumes peints par un des artistes dans une galerie. Chaque costume était la représentation symbolique d’un comportement en société. Par exemple le tutu de la danse classique connotera un comportement de danse classique pour son spectateur et ainsi de suite. Une tenue vestimentaire permet donc à celui qui la porte, le pouvoir de se comporter d’une certaine manière. Elle le détermine et le libère de certains codes relationnels et comportementaux. Dans la propreté d’un vêtement, dans son aspect plus ou moins neuf, mais aussi dans la façon dont il s’agence avec l’ensemble de la tenue, le code vestimentaire dévoilera également un trait caractéristique d’une personne, de son univers social, de sa santé psychologique etc. Ainsi, chaque vêtement connote bel et bien un ensemble de significations, lié à la classe sociale, à la communauté culturelle ou contre-culturelle, à la localité que la personne occupe, à la sexualité donc à la séduction, à sa fidélité envers un groupe social et affectif, ou encore au respect des codes d’une situation professionnelle. Les territoires socio-économiques et socio-culturels offriront à l’individu un certain panel de choix vestimentaire dont il ne devra en généralité pas dépasser les frontières, c’est cette frontière établie par le groupe qui définira ce 157 que peut être un costume. Notre panel de choix reste donc plus ou moins limité selon les lieux, les groupes, les cultures etc. Le costume se lie donc obligatoirement à ce qui relate de l’événement, bien que l’événement ne soit l’unique raison et condition du costume. Un vêtement peut être chargé d’une signification affective, par exemple lié à un ami proche ou à une histoire familiale, ou encore à un souvenir, à une histoire quelconque. Le vêtement, rien que dans les charges symboliques qu’il représente, peut ne plus être porté avec fierté, et ce indépendamment de sa force esthétique et séductrice. Un vêtement c’est aussi une façon d’appréhender, d’exprimer ou de dévoiler notre rapport au monde, à la politique ou au commerce et à l’argent. En effet, entre ceux qui loueront les marques de sapes et de chaussures telles que Nike ou Adidas, et ceux qui loueront les vides greniers, entre ceux qui aimeront les habits de luxe diversifiés et ceux qui ne se vêtiront qu’en smokings ternes, il y aura une grande marge significative. La construction identitaire, s’effectuera donc aussi dans la façon de nous dévoiler en public, ce notamment dans les lieux citadins. En effet, à la campagne un paysan ou un ouvrier ne prêtera au quotidien pas la même attention à ses habits qu’un homme ou une femme qui travaillera en ville dans le tertiaire, ou qui fera partie d’une communauté où la tenue joue un rôle presque primordial. D’ailleurs, le capitalisme cherche à donner une grande importance à l’apparence vestimentaire jusqu’à la rendre expressive, profonde et rendre cette même apparence aussi authentique que l’âme de la personne qui la porte. Les films, les publicités, la télévision, les communautés culturelles fortement intégrées dans le capitalisme et tous ceux qui participent le plus pleinement au maintien de son ordre, ne se gêneront pas pour entretenir cette dimension de l’identité culturelle, politique, existentielle et commerciale de l’individu. Cette dimension pourra même chez les punks, les libertaires, les gens de la rue, dans les cités HLM ou encore chez les hippies, être un de leur symbole de résistance, une de leur 158 expression vindicative, envers le monde salarial ou socioprofessionnel du capitalisme. Les événements tels que les défilés de mode mettront en avant le sexe féminin et sa parure vestimentaire en vantant son habit comme étant un outil indispensable à la séduction et à l’image de marque d’une femme. C’est là d’ailleurs une des promotions principales pour l’entretien de l’économie textile du capitalisme, mais aussi pour l’entretien du capitalisme lui-même. En effet, ce qui évoque le charme évoque chez une femme son couple, qui évoque un enfant et la construction d’une famille, ceci nécessitant également la sécurité économique de sa propre famille, donc aussi la consommation et le travail (salarial ou entrepreneurial). Les vêtements c’est aussi la présentation, donc l’acceptation du regard suspicieux, c’est l’ordre d’un surveillant de collège qui dit : « enlève ta capuche ou ta casquette », ou c’est le compliment d’un ami qui dit : « elles sont cool tes nouvelles chaussures ». C’est donc aussi une facette du rapport social très proche de l’entretien d’embauche, bien qu’il s’exprime sous une forme différente. Mais quel est donc cette sorte d’entretien d’embauche ? C’est celui des regards, donc des amants, des couples, du sexe, mais aussi celui de la communauté, du passant étranger ou celui de la réputation sociale, de la suspicion, de la façon dont on sera observé par la plupart des gens que l’on côtoie. Dans un vêtement, il y a aussi le week-end, les fêtes, les bars avec toutes leurs aventures d’ivresse, d’amitié et d’amour. Nous dirons encore que le vêtement peut être l’objet d’un cadeau. Dans le vêtement, il y aura aussi du côté des deux sexes, un jeu amical et fraternel traditionnel proche du prêt et de l’échange, dans une sorte de pacte primitif qui sera garant d’une amitié ou même d’une fraternité fidèle et où l’habit le plus symbolique de chaque personne s’échangera, sorte d’économie affective et de troc souterrain. Un vêtement s’adaptera donc dans notre système forcément à son contexte, quel qu’il soit (enterrement, mariage, quotidien fade et ennuyeux, rendez-vous galant etc.). 159 Les vêtements seront aussi l’incarnation des époques historiques traversées, ils se revendiqueront alors comme des drapeaux et comme des pays spatio-temporels. Les vêtements seront aussi faits d’une histoire géo-politique, car ils seront liés à des intérêts de toutes sortes dont principalement le profit dans l’économie qui nous loge. Ce phénomène géo-politique, entraînera donc aussi des conflits de luttes économiques internationales (le coton par exemple). Mais ils peuvent aussi être une tentation à la délinquance et au vol, selon la valeur de l’habit qui est porté par une tierce personne. Ainsi, là encore une fois, la société telle que nous la vivons s’exprimera plus ou moins caricaturalement dans ce domaine de l’économie capitaliste. 3. Bijoux À travers les bijoux commercialisés, il y a des époques, des traditions et des cultures qui s’expriment, et dont la valeur symbolique se disloque ensuite dans le monde du capitalisme. Le bijou diffère selon les époques mais aussi selon les cultures. Un spécialiste des bijoux reconnaîtra très facilement à quelle culture celui-ci appartient. Dans chaque gamme de bijoux traditionnels, il y a une charge mystique, symbolique et historique qui ornera la culture qu’il habite. Un bijou, c’est comme une couronne, car c’est affirmer la sacralité d’un symbole, d’une culture, d’une histoire et d’une personne. Ce seront en général, notamment en occident, beaucoup les femmes qui en seront ornées. Nous pourrons y voir plusieurs signifiances, l’obsession de l’homme et de la femme envers le sexe, mais aussi la caractéristique voluptueuse que la femme représente, habite et incarne dans l’acte sexuel. Ainsi, la femme sera le totem du phallus et de la virilité masculine, signifiance plus ou moins machiste, mais aussi paradoxalement très respectueuse, car la femme est aussi la représentante de la construction d’une famille à travers la grossesse et l’accouchement. 160 Le capitalisme, lui, détruira énormément de codes culturels historiques à travers la commercialisation des bijoux, car sa fonction reste avant tout commerciale et intéressée donc manipulatrice et mensongère. Mentir sur l’histoire et la nature d’un symbole par exemple, c’est mentir aussi sur son origine et sa culture, sur ses codes culturels... Nous pouvons donc penser légitimement que ces codes lui sont dérangeants. En effet, comme le disent si bien Gilles Deuleuze et Félix Guattari, le capitalisme, par ses mensonges et son obsession envahissante pour le profit, est une structure destructrice de codes culturels et traditionnels, surtout lorsqu’il engendre des processus commerciaux de récupération de ces mêmes codes culturels et traditionnels. Ainsi, lors de cette récupération commerciale, ces codes s’auto-détruisent d’eux-mêmes, car ils ne seront alors plus du tout vendus et produits dans le même contexte traditionnel que celui auquel il appartenait (exemple : la vierge marie en pendentif touristique produit industriellement, les T-Shirt ou le paquet de tabac industriel avec une icône de Che Guevara...). Le capitalisme ne détruira tout de même pas toutes les sources d’identités culturelles. La gourmette en argent avec le nom de la personne gravée, où la chaîne en argent ou en or persistera toujours dans la culture occidentale. Nous citerons aussi la belle montre et la bague de fiançailles. Dans le monde capitaliste, le bijou ce sera l’originalité où l’appartenance à certaines modes et certaines façons de séduire (comme le piercing sur le nez ou à certains endroits de la bouche). Cela pourra aussi être la représentation du luxe ou encore des mondes les plus « trash » et les plus « destroy » dans certains cas. Chez les femmes, les boucles d’oreilles seront presque une obligation et même un besoin culturel (connaît-on une seule femme qui n’en possède pas en occident ?). L’obligation peut d’ailleurs très souvent se transformer en besoin et même en plaisir, symbole d’appartenance à la communauté féminine. Il ne servira pas de rabâcher que ce monde illustrera encore l’histoire du capitalisme et de sa politique... 161 Pour les hommes, les boucles d’oreilles pourront être un symbole de rébellion, de luxe (exemple : les anneaux ou les faux diamants), de masculinité, d’esprit bagarreur, de bad boy etc. Les bagues, elles, pour les hommes ce sont particulièrement les bagues chevalières, que l’on trouve portés dans les milieux urbains contresculturels. Dans les milieux de la musique électronique, des milieux la plupart du temps relativement « mystiques », les bagues seront par exemple ornés d’un symbole mystique de l’Hindhouisme, (le 3e œil, un de leurs symboles tribaux...). 4. Produits de beauté Les produits de beauté sont très souvent synonymes d’une idéologie occidentale contemporaine, celle de l’hygiénisme (à travers les crèmes anti-rides, les pommades contre les peaux sèches etc.). Sinon, les produits de beauté tels que les parfums, les savons parfumés, les déodorants etc. évoquent le plus souvent la saison fétiche de la résurrection, c’est à dire le printemps et toute ses floraisons, autours des chaleurs passionnelles de l’amour et du sexe. Les produits de beauté sont le plus souvent utilisés par les femmes pour plaire aux autres, pour faire remarquer leurs traits de beautés etc. Le maquillage sera plus ou moins obscène, plus ou moins subtile, plus ou moins drôle etc. Mais la propreté, c’est bien là, ce qui reste principalement mis en avant par l’industrie économique des produits de beauté, par le biais de tout un appareillage médiatique (publicités, magazines de beauté, télévision, films etc.). Dans les propagandes capitalistes, la beauté de la femme est forcément propre, lisse, bien maquillée, où la mise en scène y est parfois si parfaite qu’elle en devient presque fasciste et fascisante, en promulguant quasiment au sein de ses médias le règne du Nouvel Homme, l’homme et la femme mannequin, la beauté que l’on envie indiscutablement. Ainsi, à travers cette esthétique, le capitalisme devient lui-même indiscutablement beau et attrayant, séduisant et charmant. Face à la télévision et à la beauté insolente de ses présentatrices, on se retrouve très souvent misérable, moche, moins bien entretenu, plus timide, moins sérieux, 162 moins drôle... Les retouches de photographies publicitaires, effectuées par des grands professionnels peuvent en témoigner : aucune faute esthétique ne doit ressortir à travers le symbole d’une belle femme qui orne la publicité d’une marque de rouge à lèvres. Ainsi, c’est la dynamique d’une loi sociologique, celle de la mimétique qui s’instaurera ensuite chez les consommateurs, car qu’on le veuille ou non, les critères de beauté promulgués à travers les médias, nous les respectons généralement bien, ils nous sont même irrésistibles. Qu’on le veuille ou non, il nous est impossible de ne pas reconnaître une beauté fatale, même celle d’un attardé fini. Cette beauté n’échappera donc à aucun regard, ni à notre inévitable besoin d’envier l’harmonie de ses formes, ni à la relative dévalorisation que cette beauté impliquera chez nous, en lui laissant la place du trône du plus bel imbécile. Pour certains afro-américains, immigrés noirs de France, ou encore pour certaines communautés noires issus de l’immigration, les femmes noires maquillées étaient perçues comme des traîtres envers leur communauté d’appartenance, trahison liée à l’imitation honteuse des femmes blanches en reniant par là même leurs propres origines esclaves. C’est bien là un phénomène dialectique de l’histoire, un engagement politique existentiel qui se symbolise dans le simple acte du maquillage. Il en sera de même à notre époque dans certaines communautés contreculturelles politiquement révoltées qui ne sont pas forcément constituées de personnes à la peau noire et qui peuvent être constituées de toutes les couleurs de peau, dont celle de la peau blanche. Ainsi, le maquillage c’est aussi parfois un symbole d’appartenance communautaire, politique même, qui se relie à l’apparence et à l’implication de la femme sur un échiquier politique et économique mondial. Cela peut donc être une critique, une question sur l’économie du sexe, sur la philosophie politique du sexe dans toutes ses dimensions existentielles et culturelles. Pour les hommes, ce sera dans certains cas la honte de la vieillesse ou l’entretien de la peau fragile avec tout un ensemble de pommades réparatrices qui cajoleront symboliquement le corps en proie à sa 163 dégradation naturelle. La vieillesse est donc, de façon plus ou moins implicite, un sujet lié à la moquerie et à la honte, car elle est symbole du dépérissement du corps mais aussi de notre charme séducteur qui porte une grande fonction dans la sexualité et dans la volonté de plaire. En fin de compte, la vieillesse est pourtant naturelle et garde sa part de beauté et sa part d’horreur, tout comme la beauté quasiment fasciste des mannequins publicitaires. Apparemment, les gens préfèrent tout de même le sexe à la beauté, sous toutes ses dimensions possibles. La beauté sexuelle du corps c’est aussi une ruse naturelle, celle d’un corps masqué de jeunesse par le temps, pour assouvir le besoin primitif de jouissance, donc inconsciemment celui de la reproduction. La beauté c’est enfin l’odeur, où le parfum et le déodorant impliquent une valeur faussement judéo-chrétienne : celle de la honte des odeurs du corps, donc du corps brute et de son caractère animalier, naturel, bestial. La beauté, comme il l’a été dit dans mon ouvrage Du Virtualisme – Les nouvelles contributions, reste en fin de compte relative à ce qu’elle a pour fin, mais aussi relative dans le regard ayant la capacité de transformer ce qui est moche en beau, en tant qu’interprète et auteur de sa finalité politique et existentielle du beau. 5. Machines à laver La machine à laver, une révolution technologique au service du temps disponible et de la fin des contraintes. Le droit de revendiquer sa flemme de laver son propre linge de ses propres mains, en léguant cette corvée à un automate qui s’en occupera sans broncher, sans vivre et sans se plaindre. La machine à laver, la fin de certaines formes bourgeoises d’esclavage et de dévalorisation du pauvre. Cette dévalorisation du pauvre, elle migrera ensuite vers ceux qui iront à la laverie, symbole d’une corvée nouvelle sans la possession de cet engin, qui nous fera attendre le temps que la machine termine son labeur. La laverie publique est en effet un symbole de corvée, une corvée irritante, celle de l’attente. C’est une corvée, oui, mais c’est aussi une méfiance plus ou moins légitime qui règne entre tous ses usagers. C’est là donc une conséquence sociale des rapports civils que nous partageons, où se 164 faire voler ses affaires reste quelque chose de plausible, vol effectué d’ailleurs tragiquement par d’autres pauvres, c’est à dire par ceux qui nous ressemblent le plus. Sans notre surveillance nous pouvons perdre nos habits, nos draps etc., l’attente sur les lieux du lavage reste donc une tache inévitable. La machine à laver fait partie du monde de l’électro ménager et de toute ses grandes distributions multinationales. Elle se place comme le pilier central des mondes confortables de cette industrie. À travers elle, c’est bel et bien une révolution technologique qui a eu lieu, révolution industrielle en compagnie de toutes les euphories populaires qui pensaient encore relativement à tort se libérer des contraintes naturelles de l’existence. La machine à laver, cela impliquera ensuite le monde spécialisé de la lessive et de toutes ses sollicitations publicitaires. Un monde onirique à travers les marques de lessive fera son apparition, avec leur fonction, leur tare, leur mascotte (exemple, les lessives 2 en 1, Omo micro, Le Chat, etc.)... Ce monde de rêve s’affirmera avec obsession et acharnement tout le long de l’année dans le monde des couches populaires à travers les grands médias. Se créera alors une atmosphère hypnotique où le rêve capitaliste des lessives participera à l’ambiance générale du moral de ses usagers. La machine à laver questionne donc l’Humanité dans son rapport à la corvée et à la contrainte, à la subordination naturelle du corps envers des vêtements sales, au temps qu’ils lui feront perdre dans la vie, une vie d’ailleurs déjà bien rongée par le monde du travail. La machine à laver, se lie donc aussi à l’histoire dévalorisante de la corvée ménagère, effectuée le plus souvent à l’époque par les femmes au foyer ou par la femme de ménage. C’est en conséquence une vengeance historique qui s’exprime, envers la chose des habits qui se salissent, mais aussi envers toutes les connotations politiques et les jugements de valeur que cela impliquait socialement en société. Dans une machine à laver, il y a alors aussi le féminisme, la lutte des classes et la problématique de l’aliénation. Nous n’avons pas cité les inégalités contemporaines entre les pays du nord et ceux du sud, qui posent la question d’une 165 démocratisation de la machine à laver, avec toute les problématiques écologiques que cela comporte en conséquence, en cas d’une absence de mutation de notre système économique. 6. Lave vaisselles Tout comme les machines à laver, le lave vaisselle est une révolution technologique récente qui libère d’un bon nombre de corvées quotidiennes. Encore une fois, c’est un outil qui offre à l’être humain une revanche sur la contrainte et sur le temps qu’elle nécessite. Un lave vaisselle, c’est aussi la capacité de pouvoir utiliser sa vaisselle sans avoir le stress de l’après repas, par exemple pour organiser un grand dîner avec de nombreux invités, c’est un plus pour celui qui l’organise, une diminution du stress. C’est aussi la possibilité pour les restaurants de pouvoir se libérer également de quelques embauches et cela leur permet donc d’économiser leur budget. Il en est évidemment de même pour les grandes chaînes de restauration. Tout comme les machines à laver, c’est encore une industrie publicitaire qui sollicite à travers la télévision l’ambiance quotidienne de ses consommateurs pour la lessive spécialisée des lave vaisselles. C’est également la représentation glorieuse des connaissances scientifiques occidentales qui s’additionnent dans l’histoire et qui se glorifient à travers les industries capitalistes. Ceci s’effectue par le progrès toujours croissant des capacités qu’offre ce genre de machines. En effet, ce genre d’engins est donc aussi synonyme de gloire et de mérite pour ceux qui les produisent et pour ceux qui les distribuent (distribution, garanties, livraisons...). Avoir un lave vaisselle, ça n’est pas offert à tous, cela nécessite une assez grande cuisine, un certain pouvoir d’achat etc. En général, ce sont les familles de classes moyennes qui en sont équipées. Une personne ou une famille dotée d’un lave vaisselle c’est aussi 166 une personne ou une famille cataloguée comme plus ou moins petitebourgeoise (bien que cela ne soit pas forcément eux qui en aient). Le lave vaisselle, ce n’est pas que le confort, c’est aussi la gloire du progrès technologique, un symbole de la rapidité de l’activité économique et industrielle capitaliste, c’est aussi le couronnement de la position de classe de son utilisateur. En effet, celui qui l’utilise est exempt de cette corvée qu’est la vaisselle et est en conséquence couronné par cette machine. Son possesseur « ne mérite pas de subir cette peine, il est plus grand, il vaut plus que cela ». Dans un système méritocratique, c’est donc aussi un trophée lié au mérite, celui d’avoir un positionnement socio-économique suffisamment élevé pour être libéré d’une corvée quotidienne. S’implique alors forcément à travers l’existence de cette machine, une définition existentielle, mais aussi une définition philosocio-économico-politique de notre condition humaine, de notre quotidien et de notre rapport au mérite. La machine à laver posait ellemême cette question par rapport aux inégalités nord sud et à l’obligation pour les gens du tiers monde de ne pouvoir en être doté. 7. Micro ondes Le micro-onde est une glorification du fait de « manger sans attendre », tout comme les « Fast food ». En effet, cet engin permet de réchauffer des plats, des boissons ou des aliments déjà préparés à une vitesse grand « V ». Notre rapport au fait de cuisiner, de réchauffer un plat, d’attendre son repas, c’est ce rapport là que l’on avait auparavant avec la nourriture, un rapport lié à la lenteur. Ce rapport à la lenteur n’existera quasiment plus à travers cet appareil, il induira même un rapport de vitesse et influera sur toute notre subjectivité qui s’insupportera plus vite de l’attente d’un repas, un caprice occidental qui est finalement très ordinaire au sein de toutes les enfances. La question du temps et de la rapidité se pose de façon très sérieuse dans une économie industrielle, capitaliste et extrêmement chronométrée, car elle nécessite de gagner le plus de temps possible pour faire fonctionner l’économie et les ventes : « Time is money ». Perdre du temps dans 167 l’économie, c’est aussi perdre de l’argent et donc perdre du pouvoir d’achat, c’est alors aussi perdre du pouvoir ou encore de la liberté d’être. Ainsi, l’avènement de ce genre d’appareil qui reste au service du gain de temps, n’est-il pas en fin de compte une conséquence mystérieuse de la volonté abstraite, obsessionnelle et effrénée de notre système capitaliste, qui ne laisse au temps de chacun que le règne de l’argent ? Aurions-nous inventé ce genre de machines dans une structure économique différente, qui aurait un autre rapport à l’organisation et au temps ? Le micro onde, c’est aussi l’avènement d’une nouvelle communauté sociale, celle du jeune adulte déprimé, qui joue sans cesse aux jeux vidéos ou qui regarde sans cesse des films Hollywoodiens, en réchauffant ses plats « déjà » cuisinés dans les micro-ondes. C’est l’ère américaine du fast food et de la nourriture « funny ». La nourriture et la lenteur des cuisines d’antan sont considérées par cette culture comme un handicap de vie, celle-ci n’étant qu’un accessoire au divertissement croissant du consommateur dans les sphères virtuelles. C’est secrètement l’apologie de la vitesse industrielle et croissante du capitaliste qui se loue dans le micro-onde. Le micro-onde, c’est aussi l’industrie de tout un ensemble de plats déjà cuisinés, plats à l’emballage « flashy » et « fashion » dans les supermarchés. Mais c’est aussi la possibilité de réchauffer facilement ses plats dans son lieu de travail et de réchauffer également sans peine son café, un gain de temps pour l’activité professionnelle. C’est donc une révolution socio-culturelle au sein de notre traditionnelle et naturelle alimentation quotidienne. Aujourd’hui, ne pas être doté d’un four à micro-onde, c’est quelque chose d’assez étonnant pour la plupart des personnes qui seront invités chez vous. Ce sera pour une personne invitée l’occasion de dire : « tu n’as pas un micro-onde pour réchauffer le café ? Il a refroidi... Sérieux ?! T’en as pas ?! Achète t’en un ça coûte rien ! ». Lorsque l’on a pas de micro-onde, on se fait donc un peu remarquer. Le micro onde c’est aussi le fantasme culturel de la peur d’une explosion potentielle lorsqu’on ouvre ou lorsqu’on y met par inadvertance du 168 métal. La possibilité qu’un micro onde puisse exploser engage chez les gens un ensemble d’anecdotes ludiques sur les dangers de cet engin, tout comme le gaz qui sort des cuisinières le permet. Un bon repas cuisiné, il mijote en général pendant beaucoup de temps, plus il cuit, meilleur il est. La glorification du micro-onde, c’est donc aussi le dénie de cette règle culinaire et l’introduction relativement affirmée de la malbouffe. VI – Alimentation et rêve L’alimentation à l’heure de la mondialisation, notamment en ville occidentale, c’est deux choses : Tout d’abord c’est l’expression de la culture culinaire d’un pays ou de la culture culinaire locale d’un pays. Ensuite c’est l’expression glorieuse de la mondialisation économique du culinaire où le métissage a lieu. En effet, n’importe quelle origine culturelle peut ouvrir un commerce de sa propre culture culinaire ou même d’une autre culture culinaire. Mais c’est aussi l’avènement de l’industrialisation et de la commercialisation massive du monde culinaire, comme les chaînes de restauration, les grandes marques alimentaires ou les fast food. C’est enfin la possibilité de consommer des fruits et des légumes qui ne se cultivent pas sur notre propre terre grâce au monde du transport. Dans une ville, l’alimentation est proposée aux consommateurs au sein d’une gamme d’arc en ciel, avec des teintes et des contrastes de saveurs qui peuvent aller des légumes les plus diversifiés aux plats déjà préparés, ou encore du restaurant haut de gamme aux restaurants les plus rapides, les moins chers et les moins fins qui soient. L’alimentation c’est aussi la retouche agricole de l’industrialisation des légumes et des fruits, dopés pour être embellis, afin que la vitrine soit alléchante et proche d’un parc d’attraction séduisant comme peuvent l’être les produits de beauté. Il en sera de même pour la viande. Un légume fait naturellement (sans pesticides, ou autres produits chimiques) est d’ailleurs moins beau, moins symétrique, moins gros, plus coriace à 169 la bouche (pour certaines pommes par exemple), mais habité de plus de saveurs, de force et de subtilité. Dans l’alimentation qui nous est offerte en ville, il se cultive donc aussi l’ignorance de la nature des choses, ceci allant jusqu’à la culture de notre ignorance de la nature esthétique véritable d’un fruit ou d’un légume. C’est aussi la diversité des cultures agricoles possibles, sur une terre et un climat local x ou y, qui ne peut se faire au profit d’un commerce plus simplifié, plus quantitatif, mais aussi plus séducteur car plus spectaculaire et évident pour l’esprit des consommateurs. En effet, l’alimentation c’est aussi la sélection de certains légumes et fruits plutôt que d’autres, impliquant chez celui qui l’ignore la croyance en l’existence exclusive de certaines légumineuses par exemple. Il existe en fait une diversité surprenante d’oranges ou de pommes qui ne se commercialiseront jamais par exemple, il en est de même pour la plupart des fruits et des légumes offerts en supermarchés. Il existe en plus aussi des légumes et des fruits non cultivés et dont on ignore l’existence. N’est-ce donc pas là une construction virtuelle et onirique de l’alimentation ? L’alimentation, c’est malheureusement de nos jours aussi la perte du « savoir cultiver une terre », donc le paternalisme et le monopole industriel du monde de la nourriture. Se réapproprier ce domaine, ce serait aussi faire face à son ignorance et donc à la peur et au manque de confiance en soi face à l’épreuve du fait de ré-apprendre. Léguer ce pouvoir à un tiers, cela reste donc plus évident que de tenter de maîtriser quelque chose que l’on ne connaît même pas (l’agriculture), qui demande en plus un effort physique, contrairement aux marques et aux publicités qui se familiarisent quotidiennement à nous. Sinon, les restaurants locaux, incarnent l’identité d’un territoire, son art culinaire est une de ses fiertés historiques, sorte de musée interactif qui n’apporte très souvent que du plaisir au client. Il en est de même, mais plus humblement pour les restaurants d’origines culinaires étrangères (c’est comme une équipe de football qui ne serait pas sur son propre terrain avec son propre public). 170 Les grandes chaînes de restaurants, c’est aussi une économie monopolistique de la restauration, avec ses fasts foods, son identité de marque proche de celle des marques de voiture, son propre univers etc. C’est un pôle culinaire qui offre sa propre cuisine, sa propre identité, qui crée donc sa propre culture artificielle en récupérant de façon chimérique certains codes de toutes les autres cultures historiques (exemple : le Mc Donald et son sandwich Mc Indian). À travers ce genre de chaînes, c’est un monde de mode à tradition capitaliste qui se construira auprès des masses populaires, avec leur propre culture, en les rassurant par là même de l’absence flagrante d’une culture véritable, culture déléguée aux mondes virtuels et politiquement impuissants. Les petits commerces indépendants exploiteront eux très souvent des petits filons de survivance, et se sur-multiplieront avec mimétisme lorsqu’une idée commerciale fonctionne. Nous citerons l’exemple des traiteurs asiatiques ou des fast foods grecs américanisés. Pour les enfants, l’alimentation ce sera aussi le monde des friandises industrielles diverses, les goûters et les petits déjeuners gourmands. Ce sera aussi toute une propagande quasiment inquiétante, accompagnée de mascottes publicitaires animées très influentes. L’enfant se construira devant ce genre de nourritures artificielles de la même manière qu’il le fera avec les jouets. Les friandises habitent alors un univers fantastique qui rentre en résonance avec l’univers de l’enfance. Pour les enfants, l’alimentation c’est aussi des contes à travers des légumes ou des fruits, comme par exemple « le haricot magique » qui monte dans le ciel dans le conte de Jack et le haricot magique. Cela peut aussi être des légumes animés dans certains dessins animés, dans certains livres illustrés, mais aussi dans certaines bandes dessinées. Il existera aussi le monde de l’école publique ou privée, où la cantine sera un des moments les plus importants pour les enfants, avec des repas d’exception lors des moments de fêtes, comme par exemple Pâques ou Noël. Certains aliments symboliseront une identité lié à un super héros de film d’animation ou de bandes dessinées (le sanglier d’Asterix et Obelix, la pizza des tortues ninjas, les épinard de Popeye etc.). 171 Pour les adultes, ce sera aussi à travers les mythologies que la nourriture sera mise en valeur comme par exemple dans les Evangiles avec le pain et le vin de Jésus, à travers la corne d’abondance des mythologies grecques etc. Ce sera la pomme de la connaissance du Bien et du Mal illustrée dans la Genèse Biblique qui sera ensuite récupérée dans le conte initiatique de Blanche Neige ou encore même par la multinationale Apple. Pour certaines figures du Bouddhisme, l’abondance en nourriture sera un symbole de vertu et de joie avec des représentations iconographiques de gros bouddhas entourés de nourriture et de vin. Ce pourra aussi être les natures mortes et les portraits surréalistes d’Arcimboldo. Ce sera alors en conséquence l’évocation historique des artistes de tous bords, qui se sont intéressés à cette facette humaine de la vie. La nourriture sera souvent un sujet poétique, que cela soit dans sa dimension qui la relie à l’ivresse ou dans sa dimension frugale. Ce pourra aussi être le repas galant, les repas de familles ou d’amis qui serviront de plate-forme aux rapports conviviaux. Ce sera aussi les banquets de Socrate ou ceux de Jésus qui symboliseront la réunion. Il existera également le monde des repas d’affaires qui se rallieront à des accords commerciaux et à des entretiens d’embauches. Existeront enfin les grands repas de fêtes comme ceux de Noël et du nouvel an, ou encore comme ceux des mariages, des enterrements et des anniversaires. Dans ces repas, il émergera en même temps toutes les histoires et les potins des familles, des amis, des couples mariés etc. Certains événements auront selon toutes ces histoires particulières des charges symboliques plus ou moins prononcées. Certains aliments symboliseront des moments de fête (le foie gras, la bûche de noël, le gâteau d’anniversaire, la dinde farcie, les œufs de pâques, champagne du mariage et des moments exclusifs, tapas et toast des vernissages etc.). Cela sera aussi les moments festifs ponctuels, traditionnels ou même officieux, tels que les pique-niques ou les barbecues, sortes de glorification du printemps et de l’été. Sinon, ce sont les repas des mondes politiques, associatifs, de quartier ou d’entreprises qui symboliseront l’union d’une communauté particulière de la société. 172 Nous citerons aussi les repas de soutien destinés à aider un individu, une communauté ou un peuple en difficulté. L’alimentation, ça peut aussi être la peur, car c’est la possibilité qu’il puisse exister la famine et donc l’insécurité, la faiblesse et la mort. Dans le monde de la grande distribution et de l’agro-alimentaire, tous les univers publicitaires de la télévision se retrouveront au supermarché, si ce n’est dans les supermarchés pour les pauvres (faisant en fait souvent partie des mêmes chaînes de distribution), qui eux n’auront aucunement droit au packaging publicitaire fidèle au monde des publicités ambiantes. Là encore, c’est un nouveau tableau des classes sociales qui fait son apparition, avec toute son histoire économique et politique. Des grandes distributions de toutes sortes feront donc leur apparition selon les tendances politiques et les niveaux de classe, de la plus écologique, à la plus capitaliste, jusqu’à la classe plus bas de gamme. Le packaging lui, représentera un rêve pour le consommateur au travers de l’emballage et de la publicité paternaliste qui l’habite, sans pour autant que cela soit garant de la qualité culinaire du produit consommé. Ce monde de l’emballage inclura le monde des graphistes et des créatifs, qui ne sont aucunement cuisiniers, ni artistes d’ailleurs, car au service d’une industrie intéressée et travestie par l’argent (selon la définition des surréalistes fidèles au monde le plus authentique de l’art, l’art brut). Les créatifs et les graphistes, incarnent aussi le monde des ordinateurs et des logiciels, ou encore le talent de plusieurs illustrateurs, de divers peintres, ou de retoucheurs de photos. C’est donc encore une multi-signifiance qui s’additionne encore à celles citées précédemment. Bien évidemment, il ne sert à rien de tout énumérer pour démontrer la thèse défendue par cet ouvrage, celle que nous vivons relativement dans un rêve éveillé. VII – Services et rêve Les mondes des services (le secteur tertiaire) au sein du capitalisme sont des mondes aux offres extrêmement diversifiées. Presque toutes les propositions des mondes du service sont relativement complémentaires à 173 la commercialisation des biens capitalistes, c’est-à-dire complémentaires à ses produits de tous genres, comme ceux qui ont été précédemment soumis à la cryptographie virtualiste des rêves. Nous citerons ici quelques exemples de services tels que : les réparateurs d’automobiles, les réparateurs de vélos, les réparateurs de téléphones portables, les réparateurs d’ordinateurs, les trafiqueurs de consoles pour jeux vidéos, les couturières, les services à la personne de toutes sortes... Le monde des services, c’est en partie la capacité d’avoir accès à ce dont on n’a pas accès d’habitude, comme par exemple les voitures, les camionnettes et les camions de location, les vélos de location, certains appareils qui servent à des travaux liés au monde du bâtiment (karcher, pistolets à peintures etc.), les salles de sports avec leurs engins de musculation sur mesure... Les services peuvent aussi nous dédouaner de certaines corvées insupportables ou nous offrir un savoir faire que nous n’avons pas nousmêmes, comme par exemple, l’entretien de son jardin, les séances de massage, les cours de sport dont les sports de combat, les infirmières du privé et du public, les assistances pour personnes âgées, les hommes ou les femmes de ménage,.. Il existe aussi tout un ensemble de services offerts au monde des entreprises en général, comme l’entretien du matériel informatique, la mise en réseau des ordinateurs d’une entreprise, la mise en service et l’entretien d’un distributeur de café, la possibilité d’avoir accès à un coursier très rapide pour transporter des documents professionnels,... Tous les services que nous venons de citer, montrent bien l’extrême complémentarité qu’ils entretiennent avec les produits de l’économie capitaliste, mais aussi l’extrême inter-dépendance que les individus ont les uns envers les autres. Ne pas savoir jardiner ou entretenir un jardin, c’est avoir besoin de quelqu’un qui puisse le faire, il en est de même pour tout autre savoirfaire. Cette interdépendance est garante des inter-relations en société. Sans elles nous constaterions, comme il l’a été dit plusieurs fois dans ce livre, une société occidentale disloquée et dénuée de traditions et cultures véritablement fédératrices. 174 Nous pourrons également citer un ensemble de services plus ou moins ludiques, tels que les services associatifs qui offrent des ateliers d’écriture, de tricot, de musique et de chant, etc. Les services purement commerciaux que l’on pourrait cataloguer d’hostiles ne s’effectueront eux que dans un cadre purement commercial, comme toutes ces agences de location, ces taxis, ou ces grosses entreprises de services à la personne,... Ces deux secteurs, c’est à dire ceux des services ludiques et ceux des services commerciaux dits hostiles, sont habités d’une fonction éthique et politique totalement différente, l’un a la capacité de créer de véritables liens affectifs, humains et sociaux, tandis que l’autre restera fait de rapports plus froids à travers un échange purement commercial. Nous trouverons également au sein du monde des services, une peinture des hiérarchies socio-économiques et socio-professionnelles très fidèles à ce qu’elles incarnent véritablement : les bourgeois seront accompagnés d’un chauffeur et d’une voiture de fonction, certains grands hommes seront accompagnés de gardes du corps, la petite bourgeoisie aura un appartement entretenu par une ménagère, les pauvres iront eux dans les cyber café sans posséder d’abonnement internet ou d’ordinateurs,... Beaucoup de pauvres ou de personnes appartenant à la classe moyenne devront elles-mêmes s’occuper de la décoration de leur nouvel appartement, tandis que ceux qui auront plus de moyens pourront faire appel à des décorateurs spécialisés dans l’intérieur (peintures, sols, carrelages etc.). Souvent, être servi sera un synonyme de pouvoir d’achat, si ce n’est au sein des services associatifs ludiques, ou si ce n’est au sein des réseaux et des collectifs solidaires (qui sont souvent faits de très bons amis, de communautés politiques etc.) qui seront eux synonymes de liens affectifs et sociaux véritables. Beaucoup de rêves apparaîtront dans le monde des services : les sports de combat et toutes les connotations que cela peut impliquer, les ateliers d’écriture et toutes leur charge symbolique, les massages et les manucures sources de bien être, de beauté et de charme, les UV 175 et l’apparence des peaux bronzées en automne, les salles de sport et le façonnement du corps, les hommes et les femmes de ménage qui permettent de se sentir servi chez soi et d’être dédouané de certaines corvées... Mais ce que le service implique, c’est la reconnaissance de notre interdépendance et donc la reconnaissance de notre insuffisance en société, donc de notre handicap qui s’exprime par le besoin des autres. C’est en conséquence, approuver implicitement que l’on ne se suffit pas à soi-même et donc, c’est aussi déconstruire l’idée stéréotypée de « la personne qui s’en serait sortie tout(e) seul(e) dans la vie » et sans aucune assistance d’autrui. C’est en conséquence réfuter l’idéologie méritocratique et poser multiples questions philosophiques et politiques sur l’interdépendance des humains envers leur prochain. VIII – Marchés noirs et rêve Lorsque l’on témoigne de multiples coups d’états organisés par des états dits de droit, lorsque l’on témoigne de multiples corruptions qui se répètent chez beaucoup de politiciens tout au long de l’histoire, lorsque l’on témoigne des paradis fiscaux et des multinationales qui profitent des états de non-droits, lorsque l’on voit la non-ratification de plusieurs protocoles très importants pour le réchauffement climatique, lorsque l’on témoigne que les droits de l’homme ne sont que très rarement respectés, peut-on alors s’étonner du miroir inverse du capitalisme et de ses législations étatiques, celles que sont les mafias et les marchés noirs ? Que peut nous permettre l’argent ? Des vols de tous genres, du deal, de la délinquance, des crimes, des viols, de la prostitution... Tout autant de sujets qui introduisent au monde des marchés noirs. Beaucoup de personnes passeront par ce genre de marchés pour pouvoir se procurer ce à quoi ils n’ont pas accès dans l’économie de marché. Nous citerons en priorité la drogue, puis la prostitution, et enfin les commerces de tous genres (voitures, motos, téléphones portables de valeur, bijoux,...). Il existe même des commerces d’objets d’art très rares qui sont volés dans les musées, donc des marchés noirs pour la grande bourgeoisie. 176 Ce que connoteront les marchés noirs, c’est bien le constat de l’injustice flagrante du système capitaliste et la reproduction vengeresse de ce même schéma dans les domaines où les commerces de bon droit n’ont pas accès. Ce sera aussi le détournement de la législation pour se procurer ce que cette législation ne nous permet pas. Ce sera aussi s’approprier une contrebande de la violence légitime, en défiant avec rébellion la législation établie et ce, jusqu’à créer dans les mafias un impôt aux ressortissants de « ses » terres. Un second état de non-droits fera alors symétriquement apparition dans le monde, celui des marchés noirs, ombres du capitalisme et de ses fautes. Certains deals ou même certains crimes serviront les états de droit et les grands commerces dans une symbiose ambiguë entre les deux mondes commerciaux (payer un tueur pour faire taire quelqu’un, se procurer une drogue indisponible dans le marché de droit etc.). Nous pourrons remarquer des germes d’une discrète symbiose avec par exemple la vente des longues feuilles à rouler pour les joints de marijuana, les téléphones portables à double puce pour la surveillance policière, la commercialisation de musiques qui exhibent les profanations législatives de l’état etc. Dans beaucoup de films, ces marchés noirs seront d’ailleurs sources de fantasme et de gloire, tels que dans Las Vegas Parano, Le Parrain, Scarface ou encore certains films de tueurs à gages tels que Léon, ou de cambriolages et de braquages tels que Ocean eleven etc. Finalement l’état de droit ne serait-il qu’un semblant de justice dans un monde de barbarie et d’anarchie de droite ? Nous le constaterons dans la difficulté de pouvoir condamner les corruptions de grands hommes à travers les tribunaux et la facilité à pouvoir condamner un pauvre qui a volé et/ou frappé quelqu’un pour lui voler son sac. Le milieu des marchés noirs sera lui-même habité de codes, dans son propre argot et de lois très précises à respecter. Ces marchés créeront donc leur propre législation sous peine de règlements de comptes, de tortures ou même de crimes. Dans ce monde, l’arnaque peut être 177 très facile si l’on ne connaît pas ses codes, d’ailleurs, même si nous les connaissons, celle-ci rodera toujours lors de certaines transactions illicites, et ce surtout si le vendeur n’a pas vraiment ce qui doit être prétendument vendu. En France et dans beaucoup de pays occidentaux, les marchés noirs sont synonymes d’immigration, de blacks-blanc-beurres et donc d’une certaines forme de racisme et de néo-apartheid, alors que nous le constatons pourtant bien, les mafias existent dans tous les pays et donc dans toutes les couleurs de peau. Ce seront pourtant bel et bien eux qui seront souvent contrôlés et qui feront l’objet de soupçons : les jeunes des quartiers populaires, des cités dortoirs, les jeunes issus de l’immigration pauvre. Nous ne serons donc pas surpris que la majorité des détenus des prisons seront les plus petits sous-traitants de ce grand marché de non-droit et qu’il seront très souvent issus de l’immigration pauvre. Pour l’ensemble des citoyens en règle, ces milieux inspireront la crainte, un besoin pulsionnel de faire appel à la sécurité policière à travers de la méfiance, du racisme plus ou moins dévoilé, mais aussi à travers un regard subjectif sur les populations pauvres d’origine étrangère, souvent salis par ce que les médias en auront dit. 178 En conclusion – Tromper en s’affichant trompeur Le capitalisme s’affiche tel qu’il est dans toutes les dimensions que nous avons abordées. Il trompe ouvertement sans que nous puissions véritablement l’affirmer devant son masque de paix et de droiture. Ainsi, c’est bien à une sorte de racket ou à une sorte de duperie évidente à laquelle nous faisons quotidiennement face. Inconsciemment, c’est à travers des fuites oniriques un peu gauches, que nous nous évadons avec plus ou moins de brio, en reconstruisant une culture populaire sur la culture commerçante de cette économie. Ce qui n’est pas dit, ce qui reste dans le silence, c’est bien le rêve que nous savons tous et qui nous rend si malheureusement hypocrite et théâtral. Cette comédie s’oblige sans pouvoir trouver une autre échappatoire politique où l’on ne risquerait pas sa propre vie. La rumeur du silence social et économique a quelque chose de cauchemardesque, d’inavouable, où le théâtre s’obligera inévitablement : nous ne sommes pas ensemble, ne pouvons pas l’être, car la structure de notre système ne nous le permet pas et nous ne le permettra jamais sans une alternative politique et un accord plus ou moins partagé sur ce point. Quand à la caractéristique rêvée du capitalisme, elle est plus ou moins claire, je vous offre la sécurité et un relatif confort en échange d’un théâtre et de certaines règles d’obéissance, de toute façon vous avez peur et ne pouvez vous gérer vous-mêmes et vous le savez. Le capitalisme c’est aussi la culture de l’ignorance lorsque l’on sait que les choses les plus érudites y restent en marge dans tous les domaines de cette économie. En ce qui concerne sa dimension rêvée, le capitalisme dira aussi : « je vous aime, que vous m’aimiez ou non, vous me trouvez beau et vous avez besoin de m’aimer, sous peine de ne pas savoir ce que vous trouverez à ma place. ». On sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on retrouve. Ainsi, le capitalisme aura le brio de s’affirmer comme un moindre mal alors qu’il est responsable de presque toutes les guerres du XXe et du XXIe siècle, y compris responsable de la naissance des totalitarismes de 39/45, nous ne citerons pas la crise écologique de notre époque. 179 Dans ses produits et ses services, c’est toute son histoire que l’on peut y déceler, y compris la nôtre, malgré ses masques, c’est bien une multisignifiance qui ne peut nous échapper qui en ressortira. Plus d’artistes et de personnes utiliseront la cryptographie Virtualiste des rêves pour décoder ce qu’il y a derrière les ventes, et moins le peuple sera manipulé par des offres plus ou moins dangereuses pour l’avenir humain (écologique, sanitaire, climatique, social,...). Bien évidemment la vie n’est pas un rêve mais il a toutes les caractéristiques du rêve tel qu’il est défini par Freud, le seul et unique fait qui se détache du monde des rêves de Freud c’est bien la douleur et la mort (Dites-moi que je rêve ! Pince-moi, pince-moi fort stp!). 180 Conclusion La cryptographie Virtualiste des rêves, a bel et bien je pense, fait ses preuves dans son domaine. Il est un traducteur de langues oniriques ou plutôt de langages subjectifs imbriqués les uns dans les autres comme peut l’être une pelote de laine. Traduire les rêves, c’est aussi les contextualiser. Plus on connaît le contexte de son langage étranger et ses multiples facettes, mieux il est possible d’en parler. Est-ce donc alors le réel masqué du capitalisme qui est un rêve dans le sens illusoire du terme, est-ce le rêve crypté qu’il habite qui est réel ? En est-il de même pour les délires et les trips psychédéliques des témoignages de la seconde partie de cet ouvrage ? Pour les œuvres pirates du Virtualisme, il va sans dire que ce livre sera une véritable arme de défense face aux manipulations que les ventes du capitalisme et que ses médias nous véhiculent. Une arme, mais aussi un outil de travail et de recherche qui pourra compléter les études préliminaires présentées ici-même. Outil de déconstruction, analyse empirique des rêves promulgués par ses masques commerciaux, cryptographie traductrice des trips psychédéliques et des délires qui peuvent mener les personnes à plus de ténèbres et de perdition, reconnaissance de la vérité du langage du rêve sous toutes ses formes, reconnaissance de sa dimension ordinaire, élaboration d’une esquisse théorique de la cryptographie Virtualiste des rêves, c’était bien là le but et le défi de cet ouvrage. Nous en arriverons finalement à la conclusion que la seule chose qui séparera le monde des rêves du monde réel sera la mort et la douleur. Une raison qui nous poussera à nous inquiéter d’une des dimensions occidentales, celle de sa société de consommation à l’heure d’un plausible complot de pouvoir lié au contrôle des peuples, thèse défendue par Naomi Klein, dans La stratégie du choc. Car lorsque règnent principalement les rêves dans une société (tel le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley), l’avènement de la douleur et de la mort peut être si choquant, qu’il pourrait permettre une dictature 185 internationale de grande urgence octroyé par un peuple dépossédé de sa connaissance, de sa culture et de ses savoir-faire. À l’heure du réchauffement climatique et de tous ses dérèglements, à l’heure de la fin énergétique et aussi de la biodiversité en général, avec le constat d’une réaction plus que fébrile du pouvoir, cette thèse ou hypothèse reste quelque chose de tout à fait envisageable. De plus, lorsqu’Hannah Arendt affirme dans Les origines du totalitarisme que le rêve de tous les pouvoirs dans l’histoire fut celui de son expansion, jusqu’à l’avènement d’un état mondial. Dans l’ignorance de la psychologie des pouvoirs en exercice, que l’on surprend déjà en occident d’actes de corruption, il s’avère inévitable au principe de précaution, de prendre cette hypothèse en compte et de l’anticiper le mieux possible en avertissant les peuples de ce qui reste plausible. Aider le peuple à refuser de déléguer la totalité de son pouvoir en l’informant que cela peut s’avérer possible, cela reste inévitablement légitime, surtout lorsque l’on témoigne du fait que l’Europe a ratifié un texte sur ses pleins pouvoirs envers les états nations qui l’habitent, lors d’un état d’urgence extrême, et ce à l’heure d’une crise systémique clairement entamée. Enfin, Il reste à insister que cet ouvrage rentre en arborescence avec l’ensemble de mes œuvres Virtualistes et qu’étudier mon Virtualisme dans sa globalité est assez indispensable à la compréhension de l’ensemble du travail effectué. 186 SOMMAIRE ______________________ INTRODUCTION.............................................................................7-13 Cryptographie Virtualiste des rêves PARTIE I : La cryptographie Virtualiste des rêves..........................17-36 I - Le rêve, entre hasard et nécessité................................................21-24 II - Le rêve, entre liberté, désir, aliénation et contrainte...............24-27 III - Le rêve, l’existentialisme, l’histoire et le capitalisme..............27-30 IV - Instinct analogique et sens de la métaphore...........................30-31 V - Existentialisme, capitalisme, rêve, crise systémique et nécessité 31-33 Conclusion – La stratégie du choc de Naomi Klein.......................34-36 PARTIE II : Témoignages et cryptographie Virtualiste des rêves...39-65 I - Olivier et les drogues psychédéliques........................................43-47 1. Un trip psychédéliques sous LSD....................................................43-44 2. Le pouvoir de l’esprit et le LSD...........................................................45-46 3. Les confusions visuelles......................................................................46-47 II - Mon oncle et la paranoïa..........................................................47-49 III - Ursule......................................................................................49-52 IV - Ibrahim.....................................................................................52-54 V - Baz..............................................................................................54-58 VI - Valérie.....................................................................................58-59 VII - Djomo....................................................................................59-60 VIII - Joseph....................................................................................60-61 IX - La part médium des délires et des rêves éveillés....................61-62 Conclusion - Un duo de rêve, une complicité maudite.................63-65 PARTIE III : Capitalisme et cryptographie Virtualiste des rêves 67-180 L’Argent, matière première des rêves capitalistes.......................74-77 I - Environnement et rêve..............................................................78-129 1. Urbanisme ............................................................................................82-100 A/ Cryptographie du commerce immobilier.......................................82-88 B/ Cryptographie du monde urbain......................................................88-98 C/ Cryptographie du logement...............................................................98-100 2. Transports.......................................................................................100-129 A/ Transports en commun : Métro, Bus, Tramway...........................104-106 B/ Trains.............................................................................................106-111 C/ Bateaux touristiques.........................................................................111-112 D/ Avions..............................................................................................112-114 E/ Caravanes.....................................................................................114-116 F/ Camions, camionnettes.................................................................116-117 G/ Voitures...........................................................................................117-120 H/ Motos, scooters, mobylettes, vélos..................................................120-125 I/ Skates, rollers, trottinettes...............................................................125-127 J/ Transports militaires........................................................................127-129 K/ Alors quoi ?.............................................................................................129 II - Médias et rêve........................................................................129-140 1. Journaux, magazines, livres...........................................................130-136 A/ Journaux.........................................................................................130-133 B/ Magazines.......................................................................................133-134 C/ Livres (entre commerce et politique éditoriale).............................134-136 2. Télévision........................................................................................137-140 3. Radio........................................................................................................140 III – Audiovisuel et rêve..............................................................141-146 1. Cinéma..............................................................................................143-144 2. Dessins animés.................................................................................144-146 3. Diverses formes audiovisuelles............................................................146 IV – Numérique et rêve...............................................................146-154 1. Téléphones portable........................................................................146-149 2. Internet.............................................................................................149-151 3. Ordinateur.......................................................................................151-152 4. Consoles de jeux vidéo...................................................................153-154 V – Objets de consommation et rêve...........................................154-169 1. Les jouets............................................................................................155-157 2. Vêtements..........................................................................................157-160 3. Bijoux................................................................................................160-162 4. Produits de beauté...........................................................................162-164 5. Machines à laver...............................................................................164-166 6. Lave vaisselles.................................................................................166-167 7. Micro ondes.......................................................................................167-169 VI - Alimentation et rêve.............................................................169-173 VII - Services et rêve....................................................................173-176 VIII - Marchés noirs et rêve.......................................................176-178 En conclusion - Tromper en s’affichant trompeur......................179-180 CONCLUSION............................................................................183-186 BAZ 2014 VIRTUALISME.ORG Benny Aguey-Zinsou 2014 Cryptographie Virtualiste des rêves Capitalisme Décrypter la part des rêves du capitalisme et du réel contemporain cela revient à dévoiler ses réalités sous-jacentes et donc à pirater les ambitions manipulatrices et hypnotiques de leurs masques, si l’on peut les définir comme tels. La seule chose qui nous permet de les définir comme étant des masques et non comme étant des mondes à part entière, c’est l’incompréhension générale que les occidentaux ont de ces mondes et donc la prééminence du langage du réel dit ordinaire par rapport à celui du langage du rêve et du rêve éveillé. En d’autres termes, les occidentaux ne parlent pas la langue des rêves qui habite pourtant toute notre quotidienneté. S’ils ne parlent que le langage du réel, une cryptographie du rêve s’avère nécessaire pour ne pas confondre des dimensions langagières qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Baz, 2014