LA PARTICIPATION COLLECTIVE des - CEDIAS
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LA PARTICIPATION COLLECTIVE des - CEDIAS
Diplôme Supérieur de Travail Social DRASS des pays de la Loire Maîtrise de Sciences et techniques en Intervention et développement Social Service de formation continue de l’Université de Nantes LA PARTICIPATION COLLECTIVE des habitants au sein des programmes de Développement Social Local à la MSA des Côtes d’Armor UN ENJEU DE CITOYENNETÉ LOCALE EN MILIEU RURAL Yannick GUILLOU Promotion 2002/2005 Tuteur de mémoire : Mme Josette BEDEL REMERCIEMENTS Je souhaiterais remercier tout particulièrement mon tuteur de mémoire Madame Josette BEDEL pour sa patience, sa disponibilité, ses stimulations et les avis qu’elle a pu apporter sur ce travail de réflexion. Je tiens particulièrement à remercier ma famille pour avoir supporté le conjoint indisponible et le papa stressé. Merci de m’avoir accordé le temps nécessaire à la réalisation de cette étude. Je désirerais apporter tous mes remerciements à mon « comité de lecture » pour le temps passé à tenter de comprendre ce que j’ai voulu exprimer. Merci à Christine, Florence et Marie-Christine. Enfin et c’est là l’essentiel car sans eux ce travail n’aurait pu aboutir. Merci à l’ensemble des personnes qui se sont livrées spontanément au jeu de l’interview ; merci à eux pour m’avoir accordé leur confiance ; merci à eux d’avoir livré leur parole en toute sincérité. J’espère que cette étude est à la hauteur des propos qu’ils m’ont donnés. 1 SOMMAIRE INTRODUCTION……………………………………………………………………… 5 1ère PARTIE : LE RURAL : UN TERRITOIRE NOUVEAU ET MULTIPLE…………………………………………………………………………. 8 Chapitre 1 : D’une société paysanne à une société rurale……….. 9 1.1 L’espace rural : définitions………………………………………………. 9 1.2 Un monde rural en mutation……………………………………………… 10 1.3 Le renouveau du monde rural…………………………………………….. 13 Chapitre 2 : Où le local devient un espace pertinent d’action…… 15 2.1 L’évolution de la question sociale………………………………………. 15 2.2 Le territoire comme réponse appropriée………………………………. 18 2.3 Un outil d’action : le développement local…………………………….. 22 Chapitre 3 : Une territorialisation de l’action sociale : la politique de la MSA………………………………………………………………………………… 28 3.1 La MSA : un régime de protection sociale…………………………….. 28 3.2 Des valeurs Mutualistes, Démocratique et de Solidarité……………. 31 3.3 L’action sociale MSA : une évolution progressive…………………… 33 Conclusion de la partie……………………………………………………………… 39 2 2ème PARTIE : LA CITOYENNETÉ RÉACTIVÉE : D’UNE CITOYENNETÉ PASSIVE À UNE CITOYENNETÉ ACTIVE……………………………………………………………………………… 41 Chapitre 1 : La citoyenneté : perspectives historiques et théoriques 1.1 La citoyenneté, une expérience historique......................................... 42 1.2 La citoyenneté, vers un essai de définition......................................... 44 1.3 La citoyenneté, une notion actuelle……………………………………... 46 Chapitre 2 : Un nouveau citoyen : l’Habitant…………………………… 50 2.1 L’habitant : essai de définition…………………………………………… 51 2.2 L’habitant : un individu en mutation…………………………………….. 52 2.3 L’habitant : un individu chevronné………………………………………. 54 Chapitre 3 : La participation collective : un outil de la citoyenneté 3.1 La participation : Essai de définition……………………………………. 56 3.2 Une notion aux dimensions multiples…………………………………… 58 3.3 Les fondements et les enjeux de la participation collective………… 61 Conclusion de la partie……………………………………………………………… 64 3 3ème PARTIE : LA PARTICIPATION COLLECTIVE : VERS UNE PRATIQUE LOCALE DE PROXIMITÉ…………………….. 66 Chapitre 1 : La démarche méthodologique…………………………… 67 1.1 Présentation du cadre de l’enquête……………………………………. 67 1.2 Organisation de l’analyse……………………………………………….. 70 1.3 Présentations des résultats…………………………………………….. 74 Chapitre 2 : Du discours à l’action : l’illusion participative……. 77 2.1 Une difficile légitimation de la parole habitante……………………. 77 2.2 Une laborieuse mutualisation des savoirs…………………………… 86 2.3 Une cohabitation d’intérêt contradictoire……………………………. 93 Chapitre 3 : La participation des habitants : vers une nouvelle pratique sociale…………………………………………………………………. 98 3.1 Une modification du cadre : d’une sphère locale à un espace public de co-élaboration………………………………………………………………. 99 3.2 Construire une pédagogie de la participation : vers une autonomie habitante……………………………………………………………………… 102 3.3 Le travailleur social comme tiers médiateur…………………………. 106 Conclusion de la partie……………………………………………………………. 107 CONCLUSION GENERALE………………………………………………………… 109 Bibliographie………………………………………………………………………….. 112 Annexes........................................................................................................................... 116 Liste des tableaux……………………………………………………………………... 140 4 INTRODUCTION Dans notre société actuelle, l’incantation faite à la population de participer revient comme un leitmotiv prégnant. En effet, le thème de la participation a aujourd’hui pris de l’ampleur tant dans les discours politiques que dans les théories et les pratiques du champ social. Cette notion de participation est apparue dans le contexte d’une massification des problématiques sociales et d’une diversification des publics pris en charge. Peut-on alors penser que la réactualisation du concept de participation s’est produite en réponse à l’altération de la cohésion sociale et à la conceptualisation de la notion d’exclusion sociale ? Sans aucun doute car évoquer la participation, c’est interpeller les notions de lien social, de cohésion sociale, d’intégration sociale ou de déliaison sociale. C’est ainsi aborder le rapport à l’autre, le rapport aux institutions. Notre société est aujourd’hui une société duale, où d’un côté une partie de la population vit insérée dans une économie libérale porteuse des valeurs intégratives de la consommation, et de l’autre des individus isolés laissés à la porte du travail, livrés à l’assistance du secteur social. Pour répondre aux problèmes que rencontre notre société, les institutions et collectivités locales ont prôné la participation comme outil d’intégration citoyenne. Elles se sont alors attachées à développer de nouveaux modes d’intervention sociale reposant sur une action sociale transversale, partenariale et globale. Dans ce contexte de réflexion sur les pratiques, des questions sur les finalités du travail social se sont alors posées. Le rapport du Conseil Economique et Social paru en 2000 s’est fait l’écho de ces questions et du repositionnement du travail social : « Pour donner tout son sens au travail social, les bénéficiaires doivent devenir acteurs de leur propre devenir, c’est à partir de leurs attentes, de leurs problèmes, de la perception qu’ils ont de leur propre devenir, de leur potentialités visibles ou à faire émerger que doit se développer le travail social ». Ainsi, les personnes concernées par les pratiques sociales ne doivent plus être considérées comme objet des actions mais comme des acteurs et des partenaires. L’individu, pour parvenir à se préserver ou à s’intégrer, doit apprendre à se prendre en charge lui-même. La participation individuelle et collective interroge donc les modes de gestion du social. Quelle légitimité le travail social a-t-il d’intervenir sur cette mission ? Le travail social peut-il rétablir le lien de citoyenneté qui garantit le vivre ensemble ? Mais, qu’en est-il dans la réalité ? Cette volonté de faire participer les habitants a trouvé un écho auprès de la population. L’incantation des institutions est devenue au fil du temps, pour la 5 population, une revendication à la participation collective. Alors qu’il y a trente ans, tous refusaient cette idée portant l’idée de compromission avec le pouvoir en place en scandant « participation piège à con ! ». Aujourd’hui, la participation est voulue. En effet, les difficultés que rencontre le pouvoir politique pour satisfaire les problèmes de société (chômage, inégalités sociales, l’hégémonie de l’économique sur le politique…) provoquent une crise de confiance de la part de la population. Sans parler de rupture, elle ne reconnaît plus, dans ce système, un moyen fiable de régulation des préoccupations de la cité. Cette tension induit une revendication nouvelle à prendre part aux affaires qui la concerne. Mais paradoxalement, le vote, principal mode d’expression de la souveraineté populaire, mobilise de moins en moins le citoyen. Cette abstention massive serait-elle alors le témoignage concret d’une perte de confiance envers notre système de Démocratie représentative ? Et a contrario, cette participation revendiquée marquerait-elle alors un intérêt croissant pour la chose publique, un désir d’implication directe dans la vie de sa cité ? Le paradoxe est surprenant. Ne peut-on voir plus simplement dans cette détermination à participer, la volonté d’atteindre plus de démocratie au sens athénien du terme c'est-à-dire du pouvoir au peuple ? Et par là, le besoin d’être reconnu comme interlocuteur, que sa propre parole soit prise en compte. On se retrouve ici face à un enjeu majeur car si la participation est une notion centrale de l’idée de démocratie, sans participation citoyenne, elle n’est qu’une illusion. Alors comment permettre aux citoyens de s’exprimer ? Mais, avons-nous tous la même capacité à livrer cette parole ? En effet, face à cette participation revendiquée, on peut s’interroger sur le risque de marginalisation supplémentaire des populations les moins pourvues en capital social et économique. Comme le note Dominique SCHNAPPER, « la pleine participation à la vie collective risque toujours, ce qui peut paraître paradoxal pour une société démocratique, d’être limitée aux plus actifs et aux plus entreprenants et de marginaliser les plus modestes, socialement et culturellement 1». En effet, quel sens peut avoir l’idée de participation collective pour un chômeur, un bénéficiaire du RMI cumulant une somme d’inégalités dans une société inéquitable ? Alors comment favoriser l’expression et la parole de toutes les couches sociales de notre société ? Comment instaurer un dialogue entre les différents acteurs ? Comment garantir la cohésion sociale ? Depuis vingt ans, la Mutualité Sociale Agricole des Côtes d’Armor intervient en milieu rural dans le cadre de programmes de développement social local. Ils ont été mis en avant pour résoudre les difficultés quotidiennes des populations, difficultés liées au processus de changement des sociétés traditionnelles en proie à des destructurations et des restructurations. La spécificité de son intervention réside dans sa volonté d’inclure la population dans les dispositifs de développement local. En effet, le préalable à la mise en place d’actions de développement social local réside dans la mobilisation de la population et dans son implication dans le diagnostic. Cet outil sert-il alors à reconstruire le lien de convention ou de contrat qui permet de recréer de l’intérêt commun afin d’insérer l’individu dans l’unité d’un groupe ? Les programmes de développement social local menés par la MSA des Côtes d’Armor, n’induisent-ils pas une prise en compte des besoins et des 1 SCHNAPPER Dominique, Qu’est-ce que la citoyenneté ?, Paris, Gallimard, Coll. Folio actuel, 2002, page 207. 6 demandes des groupes les plus en capacité de se prendre en charge, obérant par là l’idée de cohésion sociale ? Enfin, si cette pratique sociale s’exerce au niveau de l’appartenance et du lien social de la personne, touche t’elle directement les dimensions de la citoyenneté ? Alors que la participation se trouve au cœur d’une revendication citoyenne, d’une nécessité individuelle et d’une démarche sociale, quelle place la Mutualité Sociale Agricole des Côtes d’Armor peut-elle jouer ? En effet, alors que le milieu rural affronte des changements multifactoriels qui affectent le lien entre les habitants et leurs institutions dans leurs modes de relations, la MSA, acteur légitime de l’action sociale en milieu rural, participe à la reconstruction de la solidarité entre des valeurs investies et des valeurs en recomposition en prônant la participation collective des habitants dans le cadre des programmes de Développement Social Local. La notion de participation est au cœur du concept de citoyenneté. Cette idée de citoyenneté a surgi dans le champ social en même temps qu’a été investi le local et la proximité. Aussi, dans quelle mesure, compte tenu de son expérience de mobilisation des habitants dans le cadre des programmes de Développement Social Local, l’action sociale de la MSA des Côtes d’Armor peut-elle être porteuse d’une démarche de participation favorisant l’exercice d’une citoyenneté locale ? Les Hypothèses qui vont guider notre étude sont au nombre de trois : • L’accès à la citoyenneté des habitants passe, au niveau local, par la capacité de la MSA à faire admettre la contestation et la revendication habitante comme une force de proposition, à leur octroyer une position d’acteur dans la démarche participative et à reconnaître leur capacité à générer du projet. • Pour concourir à développer des liens nouveaux, la pratique de la participation collective doit faire émerger une compétence habitante, formée du droit à intervenir sur ce qui les concerne et fondée sur le pouvoir de co-produire des projets. • Mais, pour passer d’une parole captive à une pratique de développement de la citoyenneté intervenant sur le lien symbolique qui rattache l’habitant à un tout social, il faut développer un fonctionnement en réseau s’appuyant sur les valeurs et les pratiques démocratiques locales. La première partie de cette étude s’attachera à identifier le contexte particulier de l’étude en présentant les transformations du milieu rural, l’évolution de la question sociale, le rôle et la place de la MSA. Les concepts et les notions utilisées au regard de notre problématique et des hypothèses retenues seront resitués et développés dans le cadre de la deuxième partie. Enfin, la troisième partie de ce mémoire portera plus particulièrement sur le cadre de l’enquête et l’analyse. Elle s’achèvera par les préconisations élaborées au regard des résultats de notre étude et mises en perspective avec les notions théoriques précédemment abordées. 7 1ère Partie : Le rural : un territoire ouvert et multiple Si pendant de nombreux siècles, les campagnes françaises ont mené leur évolution à un rythme lent, depuis cinquante ans, elles sont au cœur d’une transformation historique accélérée. D’une société traditionnelle où travail et vie familiale se confondaient, où soutien et solidarité naturelle s’appliquaient, l’évolution opère un bouleversement majeur. Le milieu rural, un temps malmené par ces bouleversements, est en plein renouveau mais aussi en pleine modification. La société rurale actuelle a peu à voir avec son organisation antérieure. Tournée définitivement vers l’avenir, elle suit le rythme de la modernité et son organisation actuelle n’est que le contretype de la société urbaine contemporaine. Le mythe d’une solidarité rurale s’en trouve écorné et n’est plus aujourd’hui qu’une belle image d’Épinal. L’individualisme est comme partout de mise et la question sociale se pose dans les mêmes termes. Les institutions s’interrogent sur le risque de perte de cohésion sociale, sur la « déliaison » de certaines populations qui n’ont pas pu suivre le mouvement du progrès, sur le délitement du lien social. La Mutualité Sociale Agricole, organisme de protection sociale, légitimée dans une intervention sur le milieu rural par son action sociale, s’est interrogée sur la manière la plus adéquate d’intervenir sur ce milieu en pleine mutation. Comment intégrer les personnes à leur territoire de vie ? Comment favoriser le développement des relations interpersonnelles au sein des communautés ? Comment accompagner le développement de la personnalité individuelle ? sont autant de questions qui ont guidé les journées d’études de la Mutualité Sociale Agricole. L’approche territoriale est devenue une évidence. L’animation du milieu rural puis, à partir du milieu des années 1980 le développement social local ont été les principaux outils mis en place pour répondre aux préoccupations sociales des territoires ruraux. 8 Chapitre 1 : D’une société paysanne à une société rurale En 1967, en publiant son livre La fin des paysans2, Henri MENDRAS diagnostiquait la fin de cette forme de « société » en affirmant qu’« aujourd’hui, il ne reste plus, sauf à l’état de traces localisées, de civilisation paysanne »3. Il rejoignait par là Fernand BRAUDEL4 pour qui la France paysanne était à « l’aube de son agonie ». En effet, la société paysanne était une société à part, une « civilisation5 » avec son propre système de valeurs, de mœurs, de coutumes, avec une manière spécifique de vivre. Mais à ce jour, les termes d’agriculteurs, parfois de fermiers et plus encore d’exploitants agricoles se sont substitués au terme de paysan. Depuis la seconde guerre mondiale, le monde agricole a subi une mutation d’une ampleur inégalée pour s’intégrer dans un mode de production industrialisé. Ce mouvement de modernisation a sonné le glas de la société paysanne en tant que telle. Pour Eugen WEBER6, les territoires ont perdu leur appellation paysanne, à partir de la fin du XIXème siècle. En effet, comme le souligne Félix DAMETTE et Jacques SCHEIBLING « Autrefois, l’espace rural correspondait à un espace sociétal parce qu’il était à la fois, la base de l’économie locale et de celle du pays, le support d’une société paysanne7. » Alors aujourd’hui, de quel espace rural parle t’on ? Quelles sont les conséquences des mutations subies par le monde rural ? De qui parle t’on lorsque l’on évoque une société rurale ? 1.1 L’espace rural : définitions Dans un premier temps, comme le propose Robert CHAPUIS8, il convient de définir « l'espace rural français» au travers de deux définitions possibles, reposant sur des critères plus ou moins quantitatifs. C’est ainsi que va être abordée l’idée de milieu rural, d’espace rural. 1.1.1 Une définition basée sur les relations avec la nature L'espace rural concerne l’espace naturel non aménagé par l’homme (hautes montagnes, marécages, secteurs laissés à l’abandon) et les espaces agricoles. Il se caractérise par une densité de population relativement faible, par un paysage à 2 MENDRAS Henri, La fin des paysans, Paris, Acte sud, 4ème édition 1992. MENDRAS Henri, La France rurale : une vitalité foisonnante, POUR, n°spécial, juin 1985, page 24. 4 BRAUDEL Fernand, Identité de la France, Paris, éd. Arthaud, 1986. 5 Expression empruntée à Henri MENDRAS dans La France rurale : une vitalité foisonnante, POUR, n°spécial, juin 1985, page 24. 6 WEBER Eugen, La fin des terroirs. La modernisation de la France rural 1870-1914, Paris, Fayard, éditions recherches, 1983. 7 DAMETTE Félix, SCHEIBLING Jacques, La France, permanences et mutations, Paris, Hachette Supérieur, 1995. 8 Robert CHAPUIS est professeur émérite, spécialiste de géographie des espaces ruraux, au Laboratoire de Géographie THEMA-CNRS, à l’Université de Bourgogne. 3 9 couverture végétale prépondérante (champs, prairies, forêts, autres espaces naturels), par une activité agricole relativement importante, du moins en ce qui concerne les surfaces qu'il occupe. 1.1.2 La définition de l’INSEE9 Durant de nombreuses décennies, le découpage du territoire Français reposait sur la notion d'agglomération ou unité urbaine basée sur la continuité de l'habitat. L'agglomération était une commune ou un ensemble de communes dont le territoire partiellement couvert par une zone bâtie comprenait au moins 2 000 habitants. Dans cette zone bâtie, les constructions devaient être séparées de leurs voisines de moins de 200 mètres. Les campagnes, ou espaces ruraux, étaient définis comme le négatif des agglomérations. A ce jour, l'INSEE distingue toujours deux grands types d'espaces, mais avec des définitions différentes : d'une part, l'espace à dominante urbaine où sont inclues, outre les pôles urbains, les couronnes périurbaines et les communes multipolarisées, d'autre part l'espace à dominante rurale. Celui-ci est caractérisé par défaut. En effet, l’espace rural est défini comme l’ensemble des petites unités urbaines et communes rurales n’appartenant pas à l’espace à dominante urbaine. Cet espace est très vaste puisqu’il représente 70 % de la superficie totale du territoire Français et les deux-tiers des communes. En 1999, l’espace rural Français comptait 22,8 millions d'habitants. L’espace rural n’apparaît plus spécifiquement lié à un mode de production agricole qui autrefois pouvait le caractériser. La limite entre le rural et l’urbain est aujourd’hui plus difficile à définir puisqu’un certain nombre de personnes s’installe à la campagne sans avoir d’activités agricoles. Elles peuvent être retraitées, salariées de services publics, salariées ou responsables d’entreprises implantées en milieu rural, ou encore salariées en ville mais vivant à la campagne. Aussi, au-delà de cette approche de l’espace rural par défaut ou de manière statistique, ne faut-il pas rechercher les caractéristiques de la ruralité plutôt au niveau sociologique ? 1.2 Un monde rural en mutation Michel ROBERT10 rappelle que pendant vingt ans la sociologie rurale se définissait comme la sociologie des agriculteurs. Or, aujourd’hui, « le mode de vie rural au sens traditionnel n’existe plus qu’à l’état de survivance, en n’étant plus porté que par des personnes âgées11 ». Mais alors, comment est-on passé d’une société paysanne à un monde rural nouveau ? 9 Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques ROBERT Michel, Sociologie rurale, Paris, PUF, collection QSJ ?, 1986. 11 Source : Conseil Economique et Social de Bretagne, La Bretagne et l’évolution des modes de vie, Août 2004, page 34. 10 10 1.2.1 Une évolution importante du monde rural durant les trente glorieuses A la fin de la seconde guerre mondiale, l’Etat Français se lance dans une politique de modernisation des infrastructures et d’industrialisation de l’économie. La paysannerie est confrontée à cette « mutation qui mérite bien le qualificatif de révolutionnaire 12». Face à cette évolution et devant une concurrence internationale de plus en plus vive, le monde rural ne peut rester en retrait. L’Etat veut faire de l’agriculture française un secteur compétitif et rentable. Aussi, par le décret du 11 avril 1959, il prône une agriculture de réelle entreprise, avec à la tête un chef responsable des choix qu’il assume au niveau de l’exploitation. La vulgarisation des innovations techniques (machines, équipements, semences, engrais…) devient une priorité du gouvernement. Ces idées sont relayées par une minorité agissante, la JAC13 présente au sein même de la paysannerie. Les adhérents de ce mouvement vont jouer un rôle majeur dans l’évolution des mentalités en imposant progressivement le courant moderniste et créer ainsi les conditions psychologiques du changement. Toutefois, l’évolution des mentalités en milieu rural ne peut pas être affectée au seul rôle de la JAC. Il faut compter également sur la place prise par les représentants des industries, par les techniciens des coopératives, ainsi que sur les réseaux de modernisation efficaces14. Ainsi, « en une décennie, la paysannerie rompt avec un passé de repliement15 ». Cette modernisation de l’agriculture permet d’énormes gains de productivité et a pour conséquence immédiate de réduire les besoins en main-d’œuvre. L’exode rural va donc s’accentuer à partir du début des années 1950 : entre le recensement de 1954 et celui de 1962, le nombre d’actifs agricoles va passer de 3,5 à 2,6 millions, soit une diminution de plus de 3,5% par an. En 1990, la France ne compte plus qu’un million trois cent mille actifs agricoles. La conséquence majeure de cet exode massif est la modification du système relationnel traditionnel dans les villages. Progressivement, les systèmes d’entraide sont totalement désorganisés et les fêtes villageoises qui avaient lieu après les travaux des champs disparaissent ou n’existent plus que sous la forme de fêtes folkloriques. Aussi, « La fête villageoise qui exprimait et renforçait le consensus villageois n’est plus que théâtralisation fonctionnant à vide […], refuge fictif d’une expression collective en fait dépossédée d’elle-même, elle marque non pas la renaissance de la sociabilité villageoise, mais sa fin définitive. »16 Si l’on compare l’espace rural d’aujourd’hui avec celui des années 1950, on peut affirmer qu’un bouleversement manifeste s’est opéré. En effet, selon Robert CHAPUIS17, les espaces ruraux ont connu trois transformations majeures au cours de ces vingt dernières années : un comportement des ruraux de plus en plus 12 MOULIN Annie, Les paysans dans la société française, Paris, éditions du Seuil, 1988, page 211. Note : Le mouvement de la Jeunesse Agricole Chrétienne est créé en 1929, à l’initiative d’un jésuite, le père Foreau, directeur de l’Ecole Supérieure d’Agriculture d’Angers. La JAC devient à la libération un mouvement influent qui met en avant les valeurs de l’humanisme chrétien. A partir des années 1950, cet humanisme s’infléchit vers la valorisation de la technique. 14 Note : Les réseaux de modernisation ont été étudiés par le sociologue Edgard MORIN dans son ouvrage Commune en France, la modernisation de Plodemet, Paris, Fayard, 1967. 15 MOULIN Annie, Les paysans dans la société française, Paris, éditions du Seuil, 1988, page 214. 16 HERVIEU Bertrand, Le village mort-vivant, autrement, n°14, juin 1978, page 227. 17 Robert CHAPUIS est professeur émérite, spécialiste de géographie des espaces ruraux, au Laboratoire de Géographie THEMA-CNRS, Université de Bourgogne. 13 11 urbains, un redressement démographique de l’espace rural, une diversification des vocations du monde rural. 1.2.2 Un redressement démographique de l’espace rural Globalement les campagnes ne se dépeuplent plus depuis 1975. Alors que leur population avait encore un peu diminué entre 1968 et 1975, elle se met à augmenter de près de 1 % par an entre 1975 et 1982 soit trois fois plus vite que la population urbaine sur la même période, puis de 0,7 % entre 1982 et 1990 et enfin de 0,5 % entre 1990 et 1999. Cette évolution se double d'un processus d'inversion de la dynamique démographique des espaces ruraux à partir de 1975. Avant cette date, les campagnes françaises perdaient des habitants en raison de soldes migratoires déficitaires non compensés par l'excédent naturel. Depuis cette date, ces territoires profitent d'une croissance démographique grâce à un solde migratoire à présent positif, compensant largement les scores négatifs des variations naturelles. La croissance démographique des zones rurales est liée à l’installation massive des « cols blancs » c’est à dire employés, des cadres moyens et supérieurs et des retraités. Cependant, il convient de nuancer ce bilan flatteur et prometteur. En effet, les communes rurales connaissent des évolutions contrastées. Si la situation du rural isolé tend à s'améliorer, celle des pôles ruraux tend par contre à se détériorer. En outre, il faut ajouter que les mêmes types d'espaces peuvent avoir des comportements démographiques assez différents selon qu'ils sont situés dans des régions dynamiques ou en difficulté, ou selon qu'ils sont localisés à proximité d'agglomérations en croissance ou en déclin. 1.2.3 Un comportement des ruraux de plus en plus urbains La représentation d'un monde rural replié sur lui-même, développant un mode de vie spécifique, particulier et autonome n'est plus de mise. Les ruraux se sont ouverts sur leurs voisins de la ville qu'ils côtoient plus souvent qu'autrefois. Ils vont eux-mêmes souvent travailler en ville et y faire leurs courses. En effet, ils assistent également à l'installation de citadins dans leurs villages, lesquels sont à la recherche de terrains constructibles à coût modique et de tranquillité. Les ruraux se sont ouverts également sur leurs voisins des autres villages : l’esprit de clocher recule avec la mobilité des individus. Ainsi, les associations pluricommunales fleurissent à la campagne et surtout l'intercommunalité progresse avec une rapidité qui déjoue les prévisions : les pays connaissent un réel succès, les communautés de communes se multiplient à un rythme rapide. Ainsi, en est-il des côtes d’Armor qui se sont organisés dès l’origine en structure intercommunale. Cette ouverture sur le monde et cette mobilité des hommes et des idées impliquent une mutation des comportements et des représentations chez les « ruraux ». Les comportements spécifiquement ruraux n'existent plus vraiment : nombre de ruraux s’apparentent aux « urbains » comme en témoigne la progression des départs en vacances et des voyages à l’étranger. A cela s’ajoute la multiplication 12 de nouvelles associations locales qu’elles soient sportives, culturelles, musicales ou d'animation et le rapprochement du vote des ruraux de celui des citadins. Aussi, l'image, plutôt négative, que les ruraux avaient traditionnellement d'eux-mêmes et de la campagne (retard, isolement, etc.) s'est inversée : ils sont fiers aujourd'hui d'habiter la campagne, de bénéficier du calme, de la nature et du « bon air ». 1.3 Le renouveau du monde rural Au « ghetto paysan », issu de l'exode des catégories non paysannes vers les villes, a succédé un espace rural pluriel. Ces transformations démographiques se sont traduites par de véritables mutations dans les comportements et les attentes des populations résidentes. 1.3.1 Une diversification des vocations du monde rural Les communes rurales voient leurs effectifs augmenter grâce à un transfert de population des villes vers la campagne. Ce mouvement est porteur d’un ensemble de motivations et de comportements nouveaux. Ainsi, il est à noter une rupture psychologique avec la région urbaine, une relation modifiée à l’importance de la vie professionnelle et à sa proximité. Mais, c’est surtout l’ingérence du « mythe rural » qui peut être observée c'est-à-dire la recherche, pour une partie des nouveaux habitants d’un nouveau cadre de vie ou d’une nouvelle qualité de vie, entraînant le souhait grandissant d’une préservation des paysages et de l’environnement. Ainsi, Philippe PERRIER-CORNET18 distingue trois types d'usages de l'espace rural : la « campagne cadre de vie », la « campagne ressource » et la « campagne nature ». 1.3.2 Un nouveau mode d’habiter Depuis les années 1970, un rapport spécifique à l’espace rural s’est construit à partir de l’extension des formes de mobilité. Celle-ci a eu pour conséquence de développer de nouvelles manières d’aborder les questions professionnelles, résidentielles et sociales. Cette mobilité s’est traduite par de nouveaux modes d’habiter, de consommer, de pratiquer des formes de sociabilité en favorisant l’intégration du rural à la modernité, sans toutefois rechercher son assimilation à l’urbain. A ce stade, la population est devenue plus exigeante vis à vis des équipements et des services. Globalement, il y a un accroissement des besoins de services aux personnes, à la fois pour les jeunes ménages et pour les personnes âgées. De plus, il existe une attente importante au niveau du cadre de vie et dans le domaine des loisirs. Les habitants des communes rurales souhaitent voir se développer de nouvelles installations sportives, des crèches intercommunales, des haltes garderies, un encadrement des jeunes sur les temps périscolaires, des 18 Philippe PERRIER-CORNET est Directeur de recherches à l'Institut national de la recherche agronomique de Dijon. 13 animations culturelles pour tous. Enfin, il émerge « une montée en puissance du souci relationnel19 » portée par le souhait de voir se multiplier des « dispositifs de mise en relation20 ». Sur ces cinquante dernières années, le milieu rural a subi des transformations multiples et variées. L’équilibre ancestral de la société paysanne autour du travail, de la famille et de la résidence a été modifié par la volonté politique de moderniser la structure agricole économique. Toutefois, cette volonté politique n’a pu se concrétiser que grâce à la rencontre d’une jeunesse rurale souhaitant faire évoluer les mentalités traditionnelles. Si la transformation de l’agriculture française a pu être considérée comme un succès au regard de ses résultats économiques, elle s’est traduite socialement par une rupture brutale avec le passé et psychologiquement par une remise en cause des valeurs partagées et l’appropriation de valeurs individuelles transmise par la société urbaine. Le terme de société paysanne n’est donc plus approprié en France. On parle plutôt de société rurale en ayant toutefois une certaine difficulté à la caractériser. Sur un plan sociologique, les comportements spécifiquement ruraux n’existent plus. Ils se rapprochent très nettement des comportements « urbains ». Aujourd’hui, le milieu rural attire de nouveau les populations soit par choix, soit par contrainte. Bien souvent, le rural est réinvesti en raison du coût élevé des logements en milieu urbain. Progressivement, une partie de la population est contrainte de quitter les centres villes pour s’investir en zone rurale. Ces nouveaux habitants aspirent à vivre dans un cadre de vie préservé, où ils peuvent bénéficier des mêmes services qu’en ville, tout en développant un réseau relationnel riche. Dans ces conditions, comment les nouveaux résidents peuvent ils s’intégrer dans leur lieu d’habitation ? Comment recréer un nouveau collectif qui permette de revitaliser les communes rurales ? Comment répondre à cette montée en puissance du souci relationnel ? 19 Source : Conseil Economique et Social de Bretagne, La Bretagne et l’évolution des modes de vie, Août 2004, page 141. 20 Ibid 14 Chapitre 2 : Où le local devient un espace pertinent d’action Ces changements opérés au sein du monde rural ont initié une réflexion sur l’adaptation des modes d’intervention sociale. L’évolution de l’idée du local a influencé les discours et les pratiques de l’action sociale. S’inscrivant dans une double réflexion, l’une sur la dévitalisation du milieu rural et l’autre sur les causes du délitement des liens sociaux, elle s’est interrogée sur la dimension territoriale du lien social et a développé des modalités d’intervention afférentes aux problématiques de ces espaces spécifiques. D’une approche sectorielle essentiellement centrée sur l’usager, progressivement a émergé l’idée de développer une approche globale se référant à la population d’un territoire. Dans cette méthodologie professionnelle, le territoire prend une dimension nouvelle et importante en devenant le lieu ressource des potentialités de ses habitants. 2.1 L’évolution de la question sociale Cette transformation de la société paysanne en société rurale s’est façonnée conjointement à l’évolution de la société française entraînant une modification des modes d’intervention sociale. Aujourd’hui, la question du lien social préoccupe l’ensemble des institutions. Cette réflexion, surgie dans l’horizon du travail social, n’est pas étrangère à l’émergence d’autres questions telles que ceux de l’individualisme et de la crise des institutions. 2.1.1 Une question sociale en transformation constante Dans la seconde moitié du XIXéme siècle, l’objectif du travail social résidait dans l’assistance et le contrôle : assistance indispensable pour assurer la reproduction de la force de travail et contrôle lié au sentiment de dangerosité ressenti face aux « masses laborieuses ». Secours charitables, réseaux d’aide et d’assistance donnent alors une certaine efficacité à des actions ré-éducatives et moralisatrices. La question sociale évolue au fur et à mesure que les normes et les valeurs nécessaires au fonctionnement du système productif sont intégrées par les citoyens et que leur niveau de vie s’élève. L’objet du travail social n’est plus alors tant l’assistance et le contrôle que l’accompagnement social. Le travail social devient éducatif et normatif. Il s’appuie sur des institutions mêlant à la fois les loisirs et la formation dans une visée d’éducation populaire laïque ou confessionnelle. L’évolution se poursuit après la seconde guerre mondiale. L’objet du travail social consiste alors à rechercher la participation des familles et à leur permettre une meilleure maîtrise du fonctionnement social, des services et des équipements mis à disposition, pour renforcer le sentiment d’appartenance collective. L’objectif prend alors une coloration « socioculturelle », reposant sur l’animation et le développement de réseaux associatifs. Le but est clairement intégrateur, cherchant à corriger les 15 inégalités et à raccrocher au train du progrès les inévitables laissés pour compte de la croissance. Depuis les années 80, le contexte est fortement marqué par la crise économique et le chômage. La question sociale n’est plus celle de l’assistance qui a pu générer successivement différentes réponses jusqu’à « l’état providence ». L’objet qui était l’intégration de toutes les classes sociales dans une société de croissance et de mobilité sociale, par un système de redistributions en prestations et en équipements collectifs est passé à une réponse à des besoins socio-économiques. La situation du marché de l’emploi et l’évolution de l’organisation du travail laissent à la porte de l’emploi bon nombre d’individus, les excluant par-là même d’une société organisée autour de la norme « travail ». Le décryptage psycho-familial des demandes s’estompe au profit d’une analyse en terme de socialisation des individus. Les problèmes psycho-sociaux sont majoritairement le reflet d’une crise de l’appareil de production et des modes de socialisation et d’intégration sociale. Cette formidable locomotive d’intégration qu’était le développement économique, devient le principal levier, le principal moteur de la désaffiliation, c’est à dire de la rupture du lien social. Il y a des individus « dedans » et des individus « dehors », hors du système de développement, hors du système économique, sans place, avec comme questionnement : qui suis-je si je ne suis plus dedans, dans ce qui est le ciment de notre société, dans ce qui est le local, dans ce qui est le développement ? 2.1.2 Vers un délitement social, la crise des institutions Les années 1980 sont particulièrement marquées par ce que François DUBET va appeler « le déclin des institutions ». La crise économique de cette période va avoir des répercussions politiques et sociales majeures. Les difficultés rencontrées depuis ces trente dernières années ont eu pour effet de favoriser une crise identitaire chez un public de plus en plus vaste. La valeur travail est percutée par les remises en causes du droit du travail vers plus de flexibilité, plus de précarité conduisant à la « destabilisation des stables22 ». L’état providence a montré ses limites face à l’exclusion. Aujourd’hui, le système de production sociale conçu et développé en période de croissance économique se heurte à une crise économique et à une crise de valeurs. 21 Dans ce contexte d’une « nouvelle modernité », le fonctionnement institutionnel se modifie en profondeur face à la remise en cause de valeurs constitutives de notre société. Si auparavant, le rôle de l’institution était de socialiser l’individu en garantissant à chacun un rôle, une action et une identité, aujourd’hui les liens qui rattachent chacun au collectif se disloquent. La crise économique et la crise familiale entraînent une rupture du sujet envers le système et voit surgir un nouveau paradigme, l’individualisme. Il construit la personne dans une fonction de stratège en le contraignant à trouver un sens personnel à son existence. 21 22 DUBET François, Le déclin des institutions, Paris, Seuil, 2002. CASTEL Robert, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995. 16 Mais plus encore, c’est dans une crise des pouvoirs politiques que surgit ce déclin. Face aux difficultés qu’ils rencontrent pour réguler les problèmes de société tels que le chômage, les inégalités sociales et l’exclusion, la population perd confiance dans le système en place pour résoudre les dysfonctionnements multiples. Les conséquences de cette crise des institutions sont évoquées autour d’au moins trois effets: • Le déclin de l’autorité enseignants, • Des « ratés » lors du processus de socialisation liés à la faiblesse des liens familiaux et des liens de voisinage, • Et enfin, la difficulté d’établir de nouvelles règles de vie commune du fait de l’individualisme croissant. tant des policiers que des parents et des En effet, il semble que la montée de l’individualisme comme système de pensée, ne permette ni la forme sociétaire du lien social, ni la formation de groupements intermédiaires entre l’individu et sa société. 2.1.3 La fragilité du lien social Le lien social regroupe les relations qui unissent des individus faisant partie d’un même groupe social et/ou qui établissent des règles sociales entre individus ou groupes sociaux différents. Il permet d’assurer la cohésion sociale et l’intégration des individus soit par le partage de valeurs communes soit par la reconnaissance sociale des différences lors de l’établissement des règles sociales. Les liens sociaux permettent aux individus d’acquérir une identité sociale. Aussi, le lien social s’entend comme l’ensemble des liens établis entre les individus qui forment une collectivité humaine quelconque, famille, tribu, nation, entreprise et autre. Schématiquement, il est possible de distinguer trois formes de lien social : • Le lien communautaire, caractéristique de la famille ou de la tribu ; • Le lien politique entre les citoyens ; • Le lien économique23, établi par les transactions contractuelles qui se déroulent dans les marchés ou les entreprises. De toute évidence, n’importe quelle collectivité concrète articule singulièrement les trois formes de liens. Toutefois, face à la globalisation des échanges, le lien social 23 Certains auteurs considèrent en effet, qu’une entreprise n’est rien d’autre qu’un « nœud de contrats ». on peut se référer à l’économiste Ronald COASE (prix Nobel d’économie en 1991) qui a travaillé sur la firme, le marché et le droit. Pour lui, le marché pourrait permettre de nouer des relations productives courtes et contractuelles plutôt que hiérarchiques. 17 marchand tend à devenir hégémonique par rapport au lien politique, voire au lien communautaire. Mais le marché peut parfaitement s’accommoder des liens communautaires et retourner cet obstacle en opportunité de marché, à travers le développement de produits identitaires, par exemple. Cette distribution en différentes formes pointe de nouveaux aspects de liens sociaux moins verticaux et plus horizontaux c'est-à-dire entre individus se considérant comme égaux, par des relations interpersonnelles. En effet, ces liens sociaux recouvrent des règles plus souples dans le temps, dans leur fréquence, dans leur intensité et sont moins institutionnalisés. Cela étant, ils existent et peuvent être efficaces. Mais, peut-on alors parler de liens sociaux si ceux-ci sont peu durables, peu institutionnalisés ? Peuvent-ils permettre l’intégration de tous et l’acquisition d’une identité sociale ? Positivement, il est possible d’avancer que le marché a contribué à affranchir ou à émanciper les individus des liens communautaires. Négativement, on dira que le tout-marché détruit les liens politiques et communautaires par la marchandisation de l’existence. Mais de manière générale, la notion de lien social est utilisée de façon floue. Cette utilisation débouche sur des analyses parfois radicales de l’évolution de la société. D’un côté, la société serait perçue comme totalement permissive : la restauration du lien social passerait d’abord par le respect des règles collectives et devrait prendre la forme d’une légitimité renforcée de toute autorité. D’un autre côté, la société actuelle serait perçue comme porteuse d’un nouveau « contrat social » adapté à l’individualisme croissant qui prendrait la forme de relations sociales de proximité, interpersonnelles, associatives et qui déboucherait sur de nouvelles formes de solidarité et de vie collective. Alors s’agit-il de parler de crise du lien social, de délitement de ce lien ou de re-construction des liens, d’une adaptation, d’une évolution des rapports sociaux ? C’est dans ce contexte que le local et la proximité sont apparus comme pouvant être à la base de la reconstruction des liens sociaux, du maintien de la cohésion sociale. La proximité au travers d’une dynamique local est alors perçue comme pouvant permettre de négocier démocratiquement les liens rattachant l’individu à un tout collectif, à la société. 2.2 Le territoire comme réponse appropriée La notion de territoire est de construction récente puisqu’elle s’est progressivement affirmée dans les années 1990, en intégrant le vocabulaire technique et scientifique. Aujourd’hui, « le territoire est mobilisé dans les débats sur l’action collective pour évoquer tout à la fois des questions de frontières, de pouvoir, de valeurs et d’usages 24». Cette inscription dans le vocabulaire technique et scientifique a fait naître différents champs de représentations du territoire référencés dans trois axes : le premier concerne les normes de l’action publique territorialisée, 24 FAURE Alain, « Les équations inédites de la question territoriale », in Informations sociales, Territoires, n°104, 2002, page 118. 18 le deuxième les méthodes de gestion des collectivités locales et enfin, le troisième qui se réfère aux pratiques sociales et aux enjeux de proximité. C’est cette dernière représentation qui va occuper notre réflexion. 2.2.1 Le local réactualisé L’idée du local ou la référence au territoire n’est pas une idée neuve lorsqu’elle est observée sous un angle historique. En effet, longtemps le territoire a fourni le cadre principal de l’action sociale d’assistance, bien avant que les assurances sociales organisent la protection en fonction de catégories socioprofessionnelles. A l’origine, les actions de bienfaisance ou d’assistance, destinées aux plus pauvres étaient organisées par l’Eglise dans le cadre d’une prise en charge communale. A la fin du XIXème siècle, alors que l’Etat est en concurrence avec l’Eglise, la IIIème république met en œuvre une politique d’assistance publique en organisant et contrôlant l’intervention sociale. Cette politique s’appuie sur la territorialisation. Ainsi, elle est mise en place au sein d’un territoire, en l’occurrence la commune. Il faut résider sur ce territoire de l’intervention sociale pour pouvoir en bénéficier. La transformation de l’assistance publique en aide sociale en 1953, ne fera que confirmer l’attachement à cette dimension territoriale. Aussi, Bruno PALIER note que « la référence territoriale est ce qui marque la plus grande continuité dans les pratiques d’assistance au cours des siècles. Le territoire y définit à la fois le cadre d’intervention et les titres conditionnant l’ouverture des droits25 […]». Il va falloir attendre la mise en place du régime de protection sociale pour voir modifier les critères d’accès aux prestations. Ils vont être fondés sur l’identité professionnelle et non plus sur « l’inscription dans une communauté territoriale26 ». L’autre impulsion de « déterritorialisation » viendra du modèle d’intervention qui se fondait jusqu’alors sur la proximité et la non spécialisation pour devenir une approche sectorielle des risques sociaux. Mais, « face à l’émergence de nouveaux problèmes sociaux, ce mode d’intervention vertical et cloisonné sera critiqué et servira de référence négative pour l’élaboration de nouveaux modèles d’intervention sociale favorisant un « retour au territoire »27 ». Aux problèmes de revenus insuffisants se cumulent des handicaps multiples entraînant un processus de disqualification sociale28. L’intervention sectorielle, spécialisée et cloisonnée devient inopérante. L’idée naît alors que l’intervention sur l’individu si elle est nécessaire n’est pas suffisante. Cette nouvelle problématique nécessite une intervention sur l’environnement global des individus. Ainsi, le territoire redevient une idée centrale dans l’intervention sociale. Il apparaît au-delà d’une aire géographique humaine comme un ensemble de réseaux et d’interactions sociales, culturelles, économiques et politiques. L’enjeu à relever est de s’appuyer sur cet ensemble de relations dans une démarche de développement collectif. Pour cela, il faut repérer et agir sur les réseaux existants dans l’objectif d’en 25 PALIER Bruno, « L’évolution des cadres de l’intervention sociale en France », in Informations Sociales, Territoires, 2002, n°104, page 31. 26 CASTEL Robert, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995, page 64. 27 PALIER Bruno, « L’évolution des cadres de l’intervention sociale en France », in Informations Sociales, Territoires, 2002, n°104, page 35. 28 PAUGAM Serge, La disqualification sociale. Essai sur la nouvelle pauvreté, Paris, PUF, 1991. 19 faire des acteurs de changement social. L’idée maîtresse est de réinscrire les personnes et les groupes dans les relations, les échanges et les réseaux du territoire. Le territoire devenant alors le support de l’intégration sociale face aux défaillances du système du marché du travail, de la famille et des solidarités. 2.2.2 Les conceptions du territoire : Du local au territoire Le local a été porté dans les années 1970, conjointement dans le cadre de la réaffirmation de l’idée de pays et de l’émergence du concept de développement. Cette appropriation du terme s’est construite autour de deux acceptions. Le local peut être considéré comme un lieu, en ce sens où c’est à la fois un espace, un support d’interventions notamment, des politiques publiques, mais aussi comme un lien, une identité, une histoire, une composition, bref un stock de relations, une accumulation de liens. Les interprétations sont multiples, certains y verront un lieu d’intervention et de fonctionnement, une échelle spatiale, pendant que d’autres y distingueront un lieu où se développe du lien, une échelle sociale. Cette dernière acception du terme territoire est récente et a fondé l’idée que le territoire a sa propre capacité à produire des appartenances et des identités. Cette idée a été légitimée par les mouvements régionalistes qui ont porté cette dimension du local au niveau d’une lutte de reconnaissance communautaire. Le territoire ainsi défini devient un outil de reconnaissance de son identité, de son appartenance à un espace géographique. Cette revendication s’impose sur le champ politique par l’instauration d’un contre-pouvoir. A partir de là, deux courants antagonistes vont naître : • l’un que l’on pourrait qualifier de « réactionnaire » lorsqu’il associe le mot territoire à celui de communauté, • l’autre que l’on intitulera « technico-politique » qui vise à construire les territoires sur des critères abstraits permettant l’analyse d’une population ciblée. Le « communautarisme local » nie l’évolution du territoire dans sa dimension humaine et historique en le cantonnant à un « substrat matériel, éternel et incritiquable29 ». Le terme devient ici synonyme de terroir. A contrario, le modèle « technico-politique » isole et mène des actions ciblées sur une population ou sur un axe. Le territoire est perçu uniquement comme un espace pertinent de développement d’une politique. En effet, le local est avant tout à considérer comme un territoire à prendre dans sa dimension géographique et dans sa dimension institutionnelle, c'est-à-dire au niveau d’un pouvoir politique au sens large du terme. Du point de vue des sciences sociales, le territoire naît de l’articulation entre « un espace physique et un pouvoir politique30 ». Trois grandes conceptions du territoire apparaissent alors : 29 BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte, CHANTREAU André, LASSUS Pierre (sous la direction de.), Dictionnaire critique de l’action sociale, Paris, Bayard, 1995. 30 Ibid. 20 • une conception objectiviste : cette conception fait du territoire un espace caractérisé par des critères concrets et des paramètres qui fondent sa singularité, sa cohérence et par là sa spécificité. Il peut s’agir d’une situation géographique, de problèmes sociaux, économiques… • une conception instrumentale : le territoire est vu comme un espace d’efficacité pratique lié à une problématique où le local constitue le niveau pertinent d’intervention. L’idée est d’intervenir au plus près, dans la proximité pour une plus grande souplesse et une meilleure efficacité. • une conception politique : le territoire est perçu comme un espace de légitimité ou de légitimation. On peut y voir trois niveaux : • L’espace de compétence où l’on a mandat à intervenir ; • L’espace que l’on construit et définit politiquement dans lequel on veut s’inscrire ; • L’espace démocratique où l’on reconnaît une légitimité à faire valoir ses droits, à agir sur son destin. Philippe ESTEBE31 expose une distinction entre l’idée de local et celle de territoire. Ainsi, le local, la localité, c’est l’espace de vie des gens tandis que le territoire serait un espace investi par une action institutionnelle. Dans le premier cas on se situe dans l’espace sensible, celui du vécu, du concret, du lien. A contrario, le territoire apparaît comme l’espace rationnel, construit, produit par des découpages autour d’indices, d’indicateurs devant permettre le diagnostic et le traitement global. Toute la question est alors de savoir comment faire du local avec du territoire ? Comment faire du sensible avec du rationnel ? 2.2.3 L’idée de local et de territoire dans le travail social La territorialisation de l’intervention dans le travail social n’est pas une caractéristique nouvelle. En effet, l’ensemble des interventions sociales menées dans le cadre de la polyvalence de secteur était bien structuré autour d’un territoire de compétences, et le lieu de résidence confirmait le droit d’accès à ce service. Cette organisation manifestait une volonté de proximité, et malgré cette structuration de l’intervention il n’y avait pas de remise en cause de l’approche sectorielle. L’intervention était principalement centrée sur les publics cibles ou pas, dans le cadre d’un travail individuel. Au travers de son territoire, les institutions sociales percevaient avant tout un usager. Cette notion de territoire n’a plus actuellement la même acception. La conception de l’idée de territoire a évolué. Alors qu’il est perçu au travers d’un souci de proximité dans le cadre d’une approche sectorielle, il prend une autre dimension dans le cadre d’une approche globale en modifiant l’intervention, la place et le rôle 31 ESTEBE Philippe, « instruments et fondements de la géographie prioritaire de la politique de la ville (19821996) », in Revue Française des Affaires sociales, Les territoires de la politique de la ville et le droit, n°3, juillet-septembre 2001. 21 du travailleur social et de son institution. Il faut distinguer les politiques territorialisées et les politiques territoriales. Les politiques territorialisées consistent en un redécoupage géographique d’actions sectorielles ou catégorielles, soit par le développement d’antennes réparties uniformément sur leur territoire de compétences, soit par une sectorisation géographique d’une gestion autrefois catégorielle ou matriculaire des populations. Les politiques territoriales désignent des politiques qui s’identifient à un territoire donné, celui-ci devenant « le lieu d’élaboration pratique de formules inédites de gestion du lien social32 ». Pour concrétiser cette politique territoriale, les institutions vont utiliser un nouvel outil d’action, le développement local. 2.3 Un outil d’action : le développement local Le Dictionnaire critique d’action sociale33 définit le développement local comme «un processus collectif qui permet d’inventer certaines solutions aux problèmes économiques et sociaux et de les mettre en œuvre avec ceux qui en sont les acteurs et les bénéficiaires. » Il distingue deux courants : le courant économique et social et le courant « solidariste ». Le courant économique et social vise surtout au développement économique et à l’aménagement du territoire. Tandis que le courant « solidariste » cherche essentiellement à développer des liens sociaux et à résoudre des questions sociales. La tradition solidariste remonte au XIXème siècle et au début du XXème à travers les expériences menées aussi bien par les philanthropes, les anarchistes (Pierre-Joseph Proudhon 34) que par le christianisme social (le Sillon35). Après la seconde guerre mondiale, ces pratiques de solidarité s’affaiblissent, avec l’instauration des grandes bureaucraties sociales [sécurité sociale et services sociaux (DASS)] qui organisent la prise en charge individuelle et familiale des personnes en difficulté et qui donnent une place prépondérante aux médecins et aux psychologues. Les transformations socio-économiques des années 80 bousculent totalement ce dispositif de l’après guerre. La prise en charge individuelle n’est plus suffisante. La crise socio-économique bouleverse les liens sociaux et provoque des effets négatifs importants qui amèneront la création des opérations d’insertion et de 32 AUTES Michel, « Le territoire, un nouveau mode de gestion des populations », in Le RMI à l’épreuve des faits, Paris, Syros, 1991, page 202. 33 BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte, CHANTREAU André, LASSUS Pierre (sous la direction de.), Dictionnaire critique de l’action sociale, Paris, Bayard, 1995. 34 Note : Pierre-Joseph Proudhon, théoricien socialiste français né à Besançon en 1809 et décédé à Paris en 1865. Parmi les théoriciens de l'anarchisme, il occupe une place à part. Non pas que sa pensée soit plus originale ou plus puissante que celles des autres mais elle possède une tonalité particulière qui lui a assuré l'audience du grand public. Il publia en 1840 « Qu’est ce que la propriété ? » où se manifeste un individualisme teinté d'anarchisme et où il montre que seuls la disparition du profit capitaliste et le crédit gratuit mettront fin aux injustices sociales. (Source : ARVON Henri, l'Anarchisme, Paris, PUF, collection Que sais-je?,1951.) 35 Note : En 1899, le Sillon devint l’organe d’un vaste mouvement d’éducation populaire démocratique et religieuse lancé par Marc Sangnier, mêlant jeunes ouvriers et jeunes bourgeois. Le Sillon voulait réconcilier les ouvriers et le christianisme, l’Église et la République en dépassant l’alternative catholiques donc monarchistes / républicains donc anticléricaux. 22 développement social local. Tout en maintenant l’aide aux familles et aux personnes, certaines institutions d’action sociale se donnent comme objectif de restituer aux groupes sociaux leur capacité à résoudre leurs problèmes à travers les actions de développement et d’insertion sociale. Ces interventions n’ont lieu que grâce à la collaboration active des professionnels du secteur social, des usagers des services qui se mobilisent sur des projets qui les concernent et des décideurs locaux et nationaux qui appuient et structurent ces initiatives dans le cadre de politiques ou de programmes. Deux dynamiques favorisent ces actions : une dynamique locale ascendante et une dynamique nationale descendante. 2.3.1 Naissance de la notion : développement local et développement social Le développement local ou le développement social et aussi le développement territorial sont des conceptions verbales de création relativement nouvelle, liées à la notion de développement. L'histoire des mouvements de pensées et d'actions qui ont contribué à inscrire la thématique du développement dans le champ de l'action sociale36 est proportionnellement récente, mais déjà relativement dense. Au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, divers cercles progressistes laïques et religieux se saisissent de la question sociale posée par la précarité ou la précarisation des populations urbaines et rurales pauvres. Ainsi, les premières travailleuses sociales, plus ou moins bénévoles, notamment en Angleterre et en France, décident de prendre contact avec ces populations avant de mener une action. Elles établissent avec elles le constat de la dimension socio-économique des causes et des conséquences de leur pauvreté, mais aussi de leur volonté de s'organiser pour s'en prémunir. Si, en France, le modèle de l'accompagnement au changement psychosocial individualisé prédomine au cours de tout le XXème siècle, une approche privilégiant l'action globale sur le milieu, le soutien aux initiatives des habitants et les dynamiques d'animation sociale et d'éducation populaire s’instaure autour des centres sociaux, dont la fédération nationale est créée en 1925. À partir des années 1950/1960, l'entretien de cette culture environnementale et d'actions collectives de proximité au sein du travail social est assuré par trois grandes institutions : - les services sociaux du Ministère de l'Outre-Mer apportent, en s'y instruisant, un appui délibéré au développement communautaire des milieux ruraux africains. Le concept de « développement communautaire » a été introduit par l'ONU, entre 1945 et 1965, pour accompagner le progrès social des pays en voie de décolonisation et pour aider les communautés villageoises et urbaines à réaliser leurs propres programmes (alphabétisation, éducation sanitaire, infrastructures micro-économiques) ; 36 Philip MONDOLFO y a apporté une remarquable contribution au chapitre intitulé "L'essor du développement comme catégorie de l'action sociale" de son ouvrage Travail social et développement, Dunod, Paris, 2001, 224 p. 23 - les Caisses d'Allocations Familiales, longtemps gestionnaires directes de la majorité des centres sociaux, ont elles aussi promu dès les années soixante le travail social communautaire. En outre, elles soulignent le fait que le concept d'aide sociale, qui privilégie l'ajustement à une situation normative, y est moins adapté que le concept de développement, qui prend surtout appui sur la créativité sociale et les ressources de la collectivité. - le service social de la Mutualité Sociale Agricole, confronté aux mutations du monde rural, voire au déclin de certaines zones, complète ses activités médico-sociales et d'assistance individuelle par des actions de portée plus générale, celles-ci visant à aider les ruraux à se regrouper pour agir sur leur cadre et leurs conditions de vie. Les travailleurs sociaux de la MSA sont euxmêmes incités à mettre en œuvre des projets d'intérêt général en formant des équipes de travail avec d'autres travailleurs sociaux et divers techniciens. Au milieu des années 1960, les composantes sociales du développement, c'est-àdire les programmes sociaux dont il faut assurer la coordination locale, sont ainsi considérées comme des facteurs essentiels du processus de développement économique. Cette conception du développement social va prendre une importance majeure dans les politiques sociales. L’action sur le contexte social va se développer dans le cadre d’une réflexion sur les quartiers et des constats concernant la dégradation de la vie sociale et la transformation ethnologique de ceux-ci depuis l’arrivée des populations des bidonvilles. La réponse apportée par les pouvoirs publics fût la création, en 1977, d’un groupe interministériel nommée Habitat et Vie Sociale chargé d’organiser des actions à la fois sur le bâti et sur l’environnement afin de favoriser la vie sociale. La condition de réussite de ces actions reposait sur la participation des habitants. La Commission pour le développement social des quartiers fut créée en 1981. Elle se situait dans la lignée des opérations Habitat et Vie Sociale, et devait répondre aux impératifs de la décentralisation. Elle fut missionnée sur trois axes fondateurs d’une idée du développement social, pour : • Agir sur les causes de la dégradation des quartiers autant que sur la dégradation elle-même ; • Faire des habitants des acteurs du changement ; • Rendre les collectivités locales responsables des opérations. Ces axes vont au-delà d’un accompagnement par des actions d’ordre social et culturel. Ils cherchent essentiellement à lutter contre les causes de l’exclusion sociale. « Qu’il s’agisse du développement local en milieu rural ou du développement social en milieu urbain, on est passé […] d’une vision sectorielle des problèmes […] à une conception globale, à une articulation entre les différentes causes et les différents effets sur un même territoire 37». Dans les deux cas, qu’il s’agisse du développement local ou du développement social, la constante est de s’attacher la participation des acteurs concernés et principalement des habitants. 37 MENGIN Jacqueline, Guide du développement local et du développement social, Paris, L’harmattan, collection « logiques sociales », 1989, page 19. 24 2.3.2 Essai de définition Le terme de développement est une notion en vogue dès la fin de la seconde guerre mondiale, alors que les nations unies prennent conscience du retard de certains Etats, d’un certain sous-développement d’une partie du monde. Le terme de développement est définissable. Mais, lorsqu’ils sont qualifiés de local ou de social, la définition apparaît plus complexe. Cette adjonction de termes, en changeant la nature de la notion, créée un concept construit pour l’action. La définition que donne la DATAR de la notion développement local rend compte de cette idée d’opérationnalité. « C’est la mise en œuvre […] dans un cadre de coopération inter-communale, d’un projet global associant les aspects économiques, sociaux, culturels du développement. […] Un processus de développement local s’élabore à partir d’une concertation large de l’ensemble des citoyens et des partenaires concernés et trouve sa traduction dans une maîtrise d’ouvrage commune ». En d’autres termes, Jacqueline MENGIN explique que le développement local est « une intervention structurée, organisée, à visée globale et continue, dans un processus de changement des sociétés locales en proie à des destructurations et des restructurations 38». Ainsi, le développement social local est né en réplique à l’inadaptation de certains groupes sociaux, puis s’est développé pour lutter contre le délitement des liens sociaux et pour maintenir la cohésion sociale, en évitant la marginalisation de certains habitants. Aussi, pour le RIDS39, « Le développement social local consiste en la mise en œuvre d’une dynamique de revitalisation du tissu social par la mobilisation en ce sens de toutes les politiques publiques et l'encouragement d'initiatives favorisant la prise en compte collective, par la population, des problématiques sociales dans un cadre de très grande proximité ». 2.3.3 Une notion avant tout opérationnelle La multitude des définitions fournies traduit une difficulté à conceptualiser cette notion car elle est porteuse d’idéologie et qu’il s’agit avant tout d’une notion opérationnelle. Par contre, la description de l’opération et des conditions de mise en place aboutit à un certain consensus. Jacqueline MENGIN40 retient six éléments caractérisant ces opérations. Le développement est d’abord un processus avant d’être une procédure : une nécessaire prise de conscience de la situation du territoire tant dans ses aspects économiques, sociaux que culturels est un préalable à l’énonciation des « problèmes », et aux solutions que la procédure mettra en œuvre. Pour cela, le développement s’appuie sur des forces endogènes constituées par des individus ou des réseaux locaux. Il s’agit ici de se situer au niveau de la participation collective et de l’implication des habitants au déclenchement du processus. C’est la mobilisation qui sera à la base d’un bon enclenchement du 38 Ibid page 21. Notes : Réseau d'Informations sur le Développement social. Le RIDS a été mis en place sous l'impulsion de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS), qui en assure la coordination. 40 MENGIN Jacqueline, Guide du développement local et du développement social, Paris, L’harmattan, collection « logiques sociales », 1989, page 22. 39 25 processus de développement. Le développement local ou social est territorial et non sectoriel. Le postulat de départ veut que sur un territoire, l’ensemble des phénomènes soit en interaction. Le développement vise le désenclavement en redonnant vie et dynamisme au territoire. Le processus de développement s’organise autour d’espaces de réflexion chargés d’initier des opérations, des actions, et se révèle être également un lieu de concertation et d’articulation des différentes actions. Enfin, le développement social local se construit à partir d’un espace de négociation, où la population apparaît comme un véritable partenaire en mesure d’intervenir dans la discussion et d’agir sur les orientations des choix d’action retenus. Les caractéristiques41 désormais reconnues développement social local, sont les suivantes : d'une démarche de • La capacité, à partir d'une problématique relevant initialement d'un domaine particulier de la vie sociale, d'atteindre et de transformer d'autres domaines ; • La détermination d'un territoire précis et pertinent, afin d'y favoriser l'implication simultanée, aux principales phases de conduite de l'action, de catégories de population aussi diversifiées que possible, c'est-à-dire non cloisonnées par des critères d'âge, de sexe, de statut social, de culture ou de type de problèmes présentés ; • L'existence d'une phase de diagnostic local partagé, incluant la contribution active des habitants à l'analyse des problèmes et à l'identification des besoins, ou tout du moins le recueil de leurs points de vue sur ces sujets ; • Dans le même esprit, la participation des habitants à la définition des objectifs de l'action et à l'élaboration de ses principaux axes stratégiques, ainsi qu’à la mise en œuvre de tout ou partie de ses objectifs à travers la mobilisation de moyens appropriés à la réalisation d'activités utiles et valorisantes pour les individus, les groupes et/ou le milieu ; • La constitution, pour la conduite et la réalisation de l'action, d'un partenariat réel reposant sur la mise en commun de moyens et/ou le partage d'activités entre acteurs locaux de natures diverses : associations, bénévoles, élus locaux, entreprises, institutions, médias, professionnels, organismes et services sociaux, etc. La mobilisation et l'implication des élus locaux étant ici d'autant plus déterminantes qu'elles confèrent à ce partenariat un statut de clé d'entrée de la démocratie représentative locale dans une dimension participative ; • L’existence d'une procédure minimale d'évaluation associant les habitants, et mettant à la disposition les principaux résultats de cette évaluation. 41 Notes : Ces caractéristiques constituent les critères d'inclusion dans le dispositif de description d'actions de développement social local que le RIDS a mis en œuvre à travers la base de données consultable sur son site Internet. Adresse : http://www.odas-rids.net 26 Le développement local n'est donc pas uniquement un concept. C'est aussi et surtout une méthode, une « manière de faire » de la politique locale sur des enjeux partagés par le plus grand nombre d'acteurs. Le développement social local s’appuie sur les individus qui vivent sur un territoire donné. Aussi, le géographe Roger BRUNET définit la notion de territoire « comme un espace approprié. Il est la base géographique de l'existence sociale. Toute société a du territoire, produit du territoire. En fait, elle a plusieurs territoires, voire une multitude : pour habiter, pour travailler, pour se recréer et même pour rêver; des espaces vécus et des espaces subis; des cellules locales et des réseaux ramifiés42 ». Le territoire ne peut donc être considéré comme un simple espace. Il devient dans le cadre de la mise en place d’une politique territoriale, « le lieu de conception et de mise en œuvre de formules nouvelles de gestion du lien social 43». 42 Cité par THEVENIAULT- MULLER Martine, "Le développement local, une réponse à la mondialisation", Desclées de Brouwer- Paris, 1999, p.25. 43 ABALLEA François, MENARD François, "Décentralisation et action sociale familiale", in Espace et Familles n°33, CNAF, Paris, juillet 1995, p.60. 27 Chapitre 3 : Une territorialisation de l’action sociale : la politique de la MSA La Mutualité Sociale Agricole a une longue expérience de l’accompagnement des territoires ruraux dans leurs évolutions et leurs développements. Depuis une trentaine d’année, au travers de programmes ciblés, elle a participé à la création de liens sociaux et développé des services qui ont permis de revitaliser le milieu rural et d’améliorer ainsi la vie de ses ressortissants. A ce jour, l’agriculture paysanne disparaît progressivement, au profit d’une agriculture productiviste. Peu de liens subsistent entre la population rurale et cette agriculture paysanne, avec ces hommes de pays. Le monde rural entre dans le lien urbain. Tous ces nouveaux agriculteurs dirigent de véritables entreprises agricoles et consomment comme tout un chacun de la culture, de l’enseignement et fréquentent les supermarchés urbains. Ils ont de nouveaux besoins. Malgré cela ou à cause de cela, l’espace rural perd de sa vitalité en raison de la désertification et du vieillissement de ses habitants. Comment gérer cet espace et ces contraintes nouvelles ? Que peut faire l’action sociale de la Mutualité Sociale Agricole ? 3.1 La MSA : un régime de protection sociale Si la MSA n’existe que depuis 1960 en tant que telle, elle tire son origine d’un passé beaucoup plus lointain et surtout d’une idéologie beaucoup plus ancienne que celle de l’Etat providence. 3.1.1 Des origines de la solidarité…au Mutualisme Au fondement de la Mutualité Agricole - l’institution mère de la MSA – on trouve de très anciennes pratiques villageoises dans un cercle d’interconnaissance et de solidarité restreint s’apparentant à des mutuelles Bétail ou Incendie. Ce mutualisme primitif était très localisé dans quelques contrées pyrénéennes, au pays de Bigorre aux XVème et XVIème siècles. C’était la coutume de la Mutualité « au marc le franc » : lorsqu’une bête mourrait au village, les paysans se partageaient la viande entre eux et donnaient leur écot à l’infortuné propriétaire. De même, on trouve trace en Gascogne dans les cahiers communaux des « cotises » que payaient les consorts – littéralement « ceux qui lient leur sort entre eux ». 3.1.2 Du syndicalisme… à la Mutualité Agricole Ainsi, « La Mutualité agricole trouve ses racines dans les prémisses de l’organisation corporative de l’agriculture et non dans le « mutuellisme » Proudhonien, mouvement ouvrier, anarcho-syndicaliste du début du XIXème siècle qui 28 organisa les premières sociétés de secours mutuels. »44 En effet, c'est au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle que les agriculteurs ont ressenti le besoin d'une certaine organisation collective de leur profession. Pour faire face aux difficultés liées à la destruction de leurs biens, de leurs récoltes ou à la perte de leur bétail, ils ont créé les premières mutuelles locales. L’un des piliers de la Mutualité a été le syndicalisme agricole, tout à fait autonome par rapport au syndicalisme ouvrier, né à la fin du XIXème siècle grâce à la loi Waldeck Rousseau de 1884 qui avait été étendue in extremis à l’agriculture. Les premiers syndicats agricoles n’ont pas été créés par la masse paysanne, qui ne s’aventurait pas encore en politique (il fallut attendre les années 1930 pour voir naître des mouvements proprement paysans). Ils furent l’œuvre de véritables « croisés », issus soit de l’aristocratie terrienne ou de la bourgeoisie républicaine, qui voulaient conquérir les masses paysannes. C’était les syndicats dits « des ducs ». Au départ, ces syndicats locaux étaient essentiellement des coopératives d’achat et de services, c’était les « syndicats-boutiques ». La « rue d’Athènes » regroupait en fait de riches propriétaires terriens qui n’exploitaient que très rarement eux-mêmes leurs terres. Ce syndicat des « ducs » constituait « la rive droite » du mouvement paysan. Sur la rive gauche, s’affichait « le Boulevard Saint Germain » et son syndicalisme « jacobin », républicain. Ce syndicat fut fondé par Léon Gambetta en 1880 pour conquérir les voix de la paysannerie et enlever aux « ducs » l’exclusivité de l’éducation intellectuelle et morale des campagnes. Dans ce syndicat étaient adhérents essentiellement des républicains du centre et de la gauche radicale et laïque ainsi que des hommes politiques illustres, ministres ou parlementaires : Léon Gambetta, Jules Ferry, Jules Méline, ou plus tard Henri Queuille. Ces derniers étaient surtout préoccupés par les conditions économiques du développement de l’agriculture alors que les syndicats de « la rue d’Athènes » considéraient les problèmes de la paysannerie sous un angle plus social et moral. Les réseaux du « boulevard Saint Germain » et ceux de « la rue d’Athènes » étaient très différents. Les syndicats rattachés au « boulevard Saint Germain » s’appuyaient dans les campagnes sur les institutions républicaines (le préfet et l’instituteur), et s’organisaient dans le cadre départemental. Ceux de « la rive droite », de « la rue d’Athénes », s’appuyaient quant à eux sur les notables tels que le châtelain et le curé et privilégiaient la région au département. Au niveau local, il semble que la prééminence de « la rue d’Athénes » se soit confirmée pour les assurances sociales, excepté dans les bastions républicains. Le « boulevard Saint Germain », par contre, s’engagea davantage dans la mise en place de caisses mutualistes de crédit, calquées sur les caisses allemandes Durand-Raffeisen45. La « rue d’Athènes » créa en 1906 l’Office Central de la Mutualité qui ne prit son indépendance qu’au début des années 30. 44 MANDERSCHEID Françoise, Une autre sécurité sociale : la Mutualité Sociale Agricole, Paris, édition L’Harmattan, 1991. 45 Note : Les caisses Durand-Raiffeisen sont des caisses rurales, privées créées par Louis Durand sur le modèle des caisses allemandes Raiffeisen. Ces caisses s’inscrivent dans le catholicisme social. Elles ont plus une visée sociale et morale qu’économique. Il s’agit d’associations mutuelles de cultivateurs et artisans d’une commune. Leur caractéristique principale est la clause de responsabilité solidaire des membres, ce qui explique le contrôle systématique sur la qualité de l’emprunteur et sur l’usage qu’il fait du prêt. L’idéal charitable se retrouve dans la gratuité des fonctions d’administrateurs. Caisses mutuelles, elles ne prêtent de capitaux qu’à leurs membres. Les prêts visent seulement à procurer le peu d’argent comptant nécessaire pour compléter l’outillage ou perfectionner les cultures. Dans les années 1920, une Caisse Générale du Crédit Mutuel est créée pour effectuer la compensation interrégionale. A la fin des années 1930, plus de 2000 caisses appartiennent à ce mouvement. Il existe approximativement une caisse de type Durand-Raiffeisen pour quatre caisses du Crédit Agricole. 29 Aussitôt, le « boulevard Saint Germain » créa un service parallèle chargé des assurances mutuelles ! Au départ, sans statut juridique défini, ces mutuelles connurent un essor considérable sur tout le territoire et l'on en compta jusqu'à 557 en 1889. C'est une loi du 4 Juillet 1900 qui consacrera l'existence des mutuelles garantissant les agriculteurs contre les risques pouvant survenir sur les exploitations. Ces mutuelles forment la branche des Assurances Mutuelles Agricoles, branche aînée de la Mutualité Agricole. Mais les véritables assurances sociales sont instituées par la loi du 5 avril 192846, modifiée par celle du 30 avril 1930. Ces lois rendent obligatoires l'assujettissement pour tous les salariés et la participation des employeurs. C'est ainsi que naquit la gestion des risques maladie, maternité, décès et vieillesse. A partir de cette époque, et avec l'institution des allocations familiales pour les salariés puis pour les exploitants, on assiste à la naissance de ce qui va devenir la branche sociale de la Mutualité Agricole. S'appuyant sur des structures en place et notamment sur les caisses « accidents », la notion de protection sociale des salariés et les nouvelles obligations que cela entraîne se développe alors auprès des agriculteurs. 3.1.3 La Mutualité Sociale Agricole…une sécurité sociale spécifique A partir de 1940, sous la tutelle du ministère de l'Agriculture, la MSA est confirmée officiellement en tant qu'organisme professionnel dont la mission est de gérer l'ensemble des risques sociaux des assurés agricoles. Le gouvernement de Vichy va mettre en place la corporation paysanne par le vote de la loi du 2 décembre 1940. Cette charte paysanne prévoit l’unification de toutes les organisations agricoles, coopératives, mutualistes ou syndicales au plan national. Sur le plan local sous la direction d’un syndic de corporation nommé par Vichy, cette charte préconise la fusion de toutes les caisses agricoles mutuelles en une seule caisse départementale de mutualité agricole. Dès 1941, il n’existe plus désormais qu’une seule mutualité agricole qui survivra à la libération et chaque département est pourvu d’une seule caisse d’assurance sociale agricole et d’une seule caisse agricole d’allocations familiales. La corporation paysanne prévoyait que désormais la mutualité agricole dépendrait de la seule tutelle du ministère de l’agriculture. Cette conception unitaire de l’organisation agricole, imposée par Vichy, a survécu à la Libération. La MSA a bénéficié en 1944, non seulement de sa nouvelle organisation territoriale, mais aussi de l’unité des organisations agricoles plus aptes à défendre ainsi les intérêts du monde agricole face à la montée de la société industrielle. Le programme d’Alger, élaboré par le conseil national de la Résistance, sous la houlette de Pierre Laroque, prévoyait un plan de sécurité sociale qui devait assurer la sécurité grâce à la garantie des revenus, aux travailleurs et à leur famille. 46 Note : loi du 5 avril 1928 portant sur les assurances sociales modifiée par les lois du 5 août 1929, du 30 avril 1930, loi de finances du 31 mars 1931 et loi du 28 juillet 1931. 30 Cette première ébauche a été largement influencée par le rapport Beveridge47 publié en 1941. La solidarité entre tous les français ne pouvait se réaliser que par le biais d’une organisation unique. Cependant, l’Ordonnance du 4 octobre 194548, prévoyait dans l’article 17 un régime agricole autonome. Mais ce ne fut qu’en 1949, après d’âpres négociations que la MSA disposa d’un statut définitif. Avec l'ordonnance du 4 octobre 1945, qui affirme le principe de l'universalité de la Sécurité Sociale et prévoit le maintien de la pluralité des régimes, la MSA poursuit son action dans le milieu agricole et met en place en 1949 un système électif. La MSA est ainsi gérée de façon démocratique et professionnelle. 3.2 Des valeurs Mutualistes, Démocratiques et de Solidarité Porteuse de son histoire, la Mutualité Sociale agricole, organisme de protection sociale de type mutualiste, fonde sa légitimité sur des valeurs démocratiques et de solidarité. 3.2.1 Une organisation démocratique fondatrice de légitimité « Ce sont des hommes responsables et solidaires qui ont ainsi bâti leur système de protection sociale et qui continuent à le gérer au mieux des intérêts de chacun. Un système où la démocratie n'est pas un vain mot puisque sa structure élective s'appuie sur le principe « Un homme, une voix » et représente toutes les composantes de la profession49 ». En effet, la MSA est une institution décentralisée à structure élective représentative de l'ensemble de la population agricole. La grande spécificité du régime agricole est son insertion dans le milieu local et sa proximité à l’égard des assurés. Le mécanisme des élections se situe à un triple niveau : cantonal, départemental et national. Il dote l’organisation bureaucratique à tous les échelons d’une structure représentative des assurés. Les administrateurs exercent dans la plupart des caisses un réel contre pouvoir à la « technocratie ». Chaque caisse départementale est dirigée par le président du conseil d’administration élu au sein des administrateurs. Ce dernier est donc un élu qui travaille bénévolement aux cotés 47 Note : En 1941, le gouvernement britannique désigna une commission interministérielle placée sous la présidence de Sir William Beveridge et chargée de présenter un rapport sur les régimes d'assurances sociales en vigueur, ainsi que sur les services connexes, en vue de formuler des recommandations. Le rapport, signé par Beveridge, fut déposé en novembre 1942. Le rapport présente des propositions concrètes tendant à la mise sur pied d'un plan général de sécurité sociale, comportant notamment l'unification des assurances sociales, la création d'un service général de santé comprenant la réparation des accidents de travail, l'institution d'allocations pour enfants, le maintien de l'emploi et la prévention d'un chômage massif. Les assurances sociales doivent reposer sur le principe d'une couverture généralisée à l'ensemble de la population et de l'uniformité des contributions et des indemnités. 48 Note : Ordonnance du 4 octobre 1945 Article 17 : Restent soumises au régime de leur statut actuel les professions agricoles et forestières. Sont provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale les branches d’activité ou entreprises énumérées par le règlement général d’administration publique parmi celle jouissant déjà d’un régime spécial. […] 49 Extrait de la brochure de présentation de la Mutualité Sociale Agricole. 31 du directeur, lui-même choisi par le conseil. Sont représentés au sein du conseil trois collèges, celui des exploitants, des salariés agricoles et celui des employeurs de main d’œuvre. Au niveau départemental, le conseil d’administration défend les intérêts des assurés et élabore une politique sociale adaptée à leurs besoins. Cette même structure se retrouve au niveau de la caisse centrale où les services administratifs côtoient un conseil d’administration élu. Tableau n°1 : La structure élective de la MSA Echelon National + 2 UNAF Conseil Central Administrateurs nationaux 9 Echelon Départemental 12 6 + 2 UDAF Conseil d’administration de chaque caisse ADMINISTRATEURS 9 12 6 Echelon Cantonal 4 1er COLLEGE Exploitants Agricoles CANTON 3 2ème COLLEGE Salariés Agricoles 2 3ème COLLEGE Employeurs de main d’oeuvre L’institution mutualiste se distingue donc par une structure pyramidale : à la base 150 000 élus communaux ou cantonaux et au sommet 29 administrateurs nationaux et un président national. Ce dernier est toujours un élu communal, qui a gravi tous les échelons électifs jusqu’au mandat national. Toutes les personnes qui relèvent du régime agricole et remplissent les conditions d'éligibilité forment la base électorale qui est organisée en 3 collèges : • Le 1er collège : représente les exploitants agricoles individuels • Le 2ème collège est composé des salariés de l'agriculture et des entreprises agricoles. • Le 3ème collège comprend les chefs d'exploitations et chefs d'entreprises de l'agriculture, employeurs de mains d'oeuvre. Une véritable gestion participative par les ressortissants de la MSA est en place et les élections ont lieu tous les 5 ans. La filière élective fait le relais entre les adhérents et la structure administrative. Elle incarne là un des modèles de régulation du système mutualiste, de représentation des intérêts et de participation des adhérents. 32 3.2.2 La solidarité comme valeur unificatrice C'est dans ses racines et son histoire que la MSA a puisé les valeurs essentielles qui ont toujours guidé son action. Cette philosophie s'appuie bien évidemment sur la notion de mutualisme pour développer une véritable solidarité : • Solidarité entre les différentes générations, • Solidarité entre les nombreux et divers métiers de l'agriculture et des professions annexes, • Solidarité entre régions agricoles à forte productivité et zones rurales fragiles, • Solidarité entre bien-portants et malades ou handicapés. La Mutualité Sociale Agricole est porteuse de ces valeurs démocratiques, de la participation des assurés à la gestion de la caisse. 3.3 L’action sociale MSA : une évolution progressive Les premières expériences en matière de service social rural remontent au début du XXème siècle. Initiative isolée d’associations privées, de personnalités locales, de groupements professionnels et d’organismes tels que la Croix Rouge ou le Secours National, ces pratiques répondront à des préoccupations locales et diverses. Il faut attendre la seconde moitié des années 1930 pour que s’organise l’accueil social des populations rurales. Des centres sociaux ruraux vont ouvrir et prendre en charge outre le service social, des dispensaires, des cours d’éducation ménagère. La MSA des Côtes d’Armor a été l’un des premiers départements à créer un centre social rural sur la commune de Merdrignac. Ce centre social rural rayonnait à sa création sur sept communes. Parallèlement, des actions nationales sont menées par les caisses agricoles d’allocations familiales, d’assurances sociales et de secours mutuels. En 1939, la Caisse Centrale de Secours Mutuels Agricoles et l’Union Nationale Mutuelle Agricole décident d’affecter une partie de leurs réserves financières à la création d’un compte d’hygiène sociale, de prévention et de contrôle. Mais, c’est par un arrêté ministériel en date du 19 novembre 1941 qu’est confiée aux organismes de la Mutualité Agricole la tâche de gérer et de développer les services sociaux ruraux. Dès lors, le service social rural ne va plus cesser de se développer. Les Caisses d’Assurances Sociales Agricoles vont mettre en place des services d’infirmières-visiteuses qui deviendront des « Assistantes sociales » dans les années 1950, des structures sanitaires de type « dispensaires » et des centres d’enseignement ménager s’adressant aux jeunes filles des familles « terriennes ». Les services et actions de la MSA trouvent ainsi leur origine dans ces interventions à caractère médico-social, sanitaire et éducatif. 33 Les années 1960 voient la création de la MSA. L’institution formalise alors son discours d’action sociale en mettant l’accent sur la nécessité de fonder son intervention sociale sur les valeurs mutualistes spécifiques au régime : solidarité, promotion des Hommes, responsabilisation. La décennie 1970 marque une évolution vers l’intervention sur le milieu. Ainsi, la MSA définit entre 1972 et 1976 une finalité d’animation du milieu rural50. Il est question alors d’agir sur le milieu pour améliorer les conditions de vie et d’associer les populations à la conception et à la réalisation des actions, pour les responsabiliser. Cette politique se traduit par le passage d’une action sur le milieu agricole à une ruralisation des interventions. Cette intervention sur le milieu va être impulsée par les caisses centrales en proposant aux caisses départementales des programmes de développement social local ou territorial. Les années 1980, période de mise en œuvre de la décentralisation, vont obliger la MSA à redéfinir sa position d’acteur du champ social. La MSA fait le choix du partenariat avec le conseil général, nouveau responsable de l’action sociale départementale. C’est l’époque de l’évolution vers la polyvalence de secteur, de l’idée de politique départementale concertée et des conventions. Parallèlement, la MSA se crée des outils pour afficher son identité en finalisant un plan d’action sociale et en se démarquant par une politique de développement social local active à partir du milieu des années 80. 3.3.1 L’organisation territoriale : une indépendance départementale La loi du 26 décembre 1959 unifie dans les trois branches allocations familiales, assurances sociales et assurances vieillesse agricole le mode de financement de l’action sanitaire et sociale selon le principe des cotisations complémentaires. Le décret du 12 mai 1960, relatif à l’organisation et au fonctionnement de la Sécurité Sociale, rassemble les différentes caisses départementales en une seule de Mutualité Sociale Agricole. Face à ce texte, des réticences se font entendre. En effet, les conseils d’administration craignent une restriction de leurs pouvoirs. La profession agricole réclame un texte spécifique à la MSA. Le décret n°61.99 du 27 janvier 1961 leur donne satisfaction en adaptant le décret du 12 mai 1960 aux spécificités de cet organisme. Ce nouveau texte reconnaît aux conseils d’administration l’entière liberté de décider de leur action sanitaire et sociale. Cette liberté est explicitée par la circulaire ministérielle 128/PSA du 23 décembre 1963. L’action sanitaire et sociale est financée par la profession au moyen de cotisations complémentaires dans le cadre de budgets indépendants de ceux concernant l’application de la législation obligatoire. Le caractère professionnel de l’action sociale, mais aussi de l’institution, est ainsi confirmé. L’impulsion de la caisse centrale en matière d’action sanitaire et sociale s’inscrit dans un système très souple. Son rôle est surtout de définir les grandes lignes de son action, de dégager les ordres de priorité à partir de l’action de base de tous les services et d’aider à l’élaboration d’une pensée directrice de la politique d’ensemble dont les conseils d’administration des caisses départementales peuvent 50 Expression du plan d’action des MSA approuvé par l’assemblée générale des caisses centrales en novembre 1973. 34 s’inspirer pour établir leur propre programme d’action. La définition du plan d’action sociale doit s’établir autour de la définition donnée par la circulaire du 23 décembre 1963 : → Apporter une aide aux membres des professions agricoles en ce qui concerne l’application des législations sociales ainsi que l’amélioration de leurs conditions d’existence ; → Consentir l’attribution éventuelle aux dits membres de prestations non prévues par les législations sociales ou destinées à les compléter et, si nécessaire, l’attribution d’avances remboursables ; → Créer, développer des œuvres, établissements ou institutions, destinés à améliorer l’état sanitaire et social, ou participer à leur création ou développement ; 3.3.2 L’intervention sur le milieu : vers une ruralisation de l’action L’année 1966 marque un tournant important pour l’action sociale de la MSA. C’est à partir des actions jugées primordiales lors de l’évaluation faite en 1964 que les responsables de l’action sanitaire et sociale vont étudier en 1966 les perspectives de l’évolution de ces actions. Ainsi, pour répondre à l’évolution des besoins de la population agricole, ils décident de reconsidérer les objectifs du service social en passant d’une logique d’action de type médico-sociale en individuel à des interventions d’ordre psycho-sociales et collectives. Les deux axes identifiés sont : → Des actions psycho-sociales auprès des familles, des personnes âgées, des personnes handicapées et des personnes isolées ; → Des actions collectives auprès des groupes, des institutions, de la communauté rurale dans son ensemble. En 1978, la MSA51 s’interroge sur les moyens de renforcer l’efficacité de son action sociale pour en faire un élément encore plus dynamique de l’évolution du milieu. Cette réflexion s’ébauche autour de deux axes : 51 • Donner une dimension nouvelle à l’action sociale globale en intégrant de nouvelles formes d’animation qui s’inspirent de la volonté de recréer un style de vie fondé sur le développement des relations interpersonnelles au sein des communautés à taille humaine, de favoriser le développement et l’expression de la personnalité à travers les groupes, de susciter la prise en charge par les intéressés de leurs propres problèmes. • Opérer une redistribution des rôles dans la mise en œuvre de l’action sociale par une décentralisation des responsabilités et une concertation plus étroite entre les différents partenaires de l’action. Journée de la MSA, Reims, Septembre 1978. 35 Pour réaliser ces objectifs, trois moyens d’action sont proposés : • Revaloriser le rôle de l’échelon local (les élus MSA du niveau cantonal). • Favoriser l’évolution du rôle des travailleurs sociaux : il s’agit, tout en maintenant les actions individuelles auprès des personnes et des familles, de favoriser le développement des actions collectives d’animation. Assurer une meilleure participation de tous au développement du milieu. • Développer la concertation. Pour approfondir ces orientations, le conseil central mes en place une commission nationale d’études sur « L’action sociale dans la société rurale de demain ». Les travaux de cette commission donnent lieu à un rapport présenté à l’assemblée générale des CCMSA en novembre 1979. Ce rapport détermine les fondements de l’animation en milieu rural, précise le rôle de la MSA dans cette animation et propose une méthodologie de l’action. « L’animation vise à restaurer la vie sociale, à favoriser la promotion des personnes par la prise de responsabilités tant au niveau individuel que collectif, à réaliser les conditions d’un mieux être qui permette à chacun de vivre en harmonie avec un environnement qui réponde à ses aspirations les plus profondes. Elle est aussi le moyen de développer une action sociale de caractère préventif qui s’appuie sur un changement de comportement propre à susciter la participation des individus à sa mise en œuvre […] L’animation doit être conçue dans un esprit qui favorise le dialogue, l’expression de la personnalité, le développement des relations sociales, la mobilisation des dynamismes locaux autour d’un projet, d’une réalisation, d’une action pour la satisfaction d’une aspiration commune[…] L’animation en milieu rural doit émaner de besoins exprimés ou potentiels, procéder de l’initiative individuelle ou collective, et s’appuyer sur toutes les formes de participation des individus à la vie sociale locale. Elle doit donc conserver un caractère diversifié pour respecter les particularités locales […] » Le rapport met également en évidence le changement intervenu dans la conception même de l’action sociale : « L’action sociale ne doit plus être conçue comme la simple accumulation de services rendus destinés à pallier les carences, mais comme un moyen permettant à chacun de se prendre en charge, en participant à la mise en œuvre de cette action, au travers d’actions collectives d’animation favorisant le développement des responsabilités et la revitalisation du milieu. […] elle s’inscrit dans la perspective d’une prévention des risques d’inadaptation ou de déséquilibre […]. En outre, par son caractère global et promotionnel, elle suppose la participation de l’ensemble des forces vives du milieu à sa réalisation. » L’évolution de l’action sociale résulte de l’adaptation des modes d’intervention aux besoins sans cesse croissants de la population rurale. Elle se 36 traduit essentiellement par le développement d’un travail global et collectif des services de travailleurs sociaux. 3.3.3 Le plan d’action sociale de la MSA22 : les programmes de DSL La MSA a une légitimité à participer à la mise en œuvre de la politique sociale départementale. En effet, elle est chargée par les textes (décret n° 85-192 du 11 février 198552, qui reprend les principes du décret n° 61-99 du 27 janvier 1961) de la responsabilité de promouvoir, au profit des membres des professions agricoles, une action sanitaire et sociale financée par la profession et gérée par un conseil d’administration élu par les ressortissants du régime. La MSA détient donc une légitimité de droit. Appliquons nous à repérer la déclinaison faite au niveau départemental des propositions nationales. La MSA des Côtes d’Armor met en œuvre une action sanitaire et sociale spécialisée, qui offre aux adhérents des services et des prestations en complément de la protection sociale légale dans les domaines de la santé, la famille, la retraite, l’insertion et le développement. Le département des actions sociales est constitué de deux services, le service des prestations extralégales et le service social. L’action sociale de la MSA des Côtes d’Armor s’organise autour de trois axes qui sont, la population active, les retraités et l’enfance-jeunesse. Globalement, elle privilégie des actions à visée préventive englobant, en complémentarité, une approche individuelle et des interventions collectives. Le dernier plan d’action sociale53 a été élaboré dans le courant de l’année 2000 pour une durée de validité de cinq ans. Le service social de la Mutualité Sociale Agricole des Côtes d’Armor collabore à l’accompagnement social de la population agricole en utilisant les techniques d’intervention individuelle de type psychosociale, mais aussi de travail social de groupe. En outre, il intervient auprès des habitants du milieu rural pour mettre en place des programmes de développement social local. Depuis le milieu des années 1980, trois types de programmes ont été utilisés et appliqués sur des territoires ruraux du département. Il s’agit du PARM54, du PLE55 et du CDST56. La démarche de ces programmes s’inscrit dans une logique de revitalisation du milieu. Pour cela, elle s’appuie sur la participation-mobilisation des acteurs locaux et de la population tant pour définir les besoins prioritaires à traiter et les projets à mettre en œuvre pour y répondre que pour conduire ces projets. La Mutualité Sociale Agricole définit le développement social territorialisé comme « un processus d’analyse et d’action concernant une situation sociale collective sur un territoire, processus qui est mené avec la population, avec des partenaires (associations, élus politiques, institutions…), dans une philosophie selon laquelle les individus sont capables de prendre des responsabilités sociales, et qui a pour but 52 Cf. extrait à l’annexe n°1 Cf. synthèse du plan d’action social en annexe n°2 54 PARM : Programme d’Animation et de Revitalisation du Milieu 55 PLE : Programme Local pour l’Enfance 56 CDST : Contrat de Développement Social Territoriale 53 37 l’élaboration de réponses a des besoins sociaux tout en favorisant l’insertion des populations57 » La démarche58 de mise en place des programmes de développement social local comporte différentes étapes : - Le diagnostic social a pour but la connaissance approfondie de la situation sociale locale afin de repérer des besoins plutôt que de révéler des demandes, mais également de dégager des potentialités tout autant que des faiblesses. Il s’agit en fait de relier les données et problèmes exposés, de trouver le fil conducteur d’une problématique générale qui permette de définir un projet social plus global que la simple addition d’actions ponctuelles. - Le projet est un agencement de moyens pour atteindre des objectifs clairement identifiés, définis en référence au but visé et mesurable sur un espace et un laps de temps donné. Il se distingue ainsi de la notion de programme ou de procédure. En effet, il se situe sur une logique d’objectifs et non seulement de moyens ; il intègre la dimension du local ; enfin, il a une dimension temporelle qui permet de préciser le moment où il sera légitime d’évaluer les résultats. - Enfin, l’évaluation porte sur le projet en lui-même avant même que de s’arrêter à ses performances puisque celles-ci ne seront évaluables que si le projet a été bien construit. Pour mettre en œuvre le programme, deux instances seront mises en place : le groupe de projet et le comité de pilotage. Le groupe de projet comprend les acteurs locaux du territoire concerné, des habitants et le conducteur de projet. Celuici a pour fonction de réaliser le diagnostic social du territoire concerné, d’élaborer le projet global, de définir et suivre la mise en œuvre des actions. Le groupe de projet peut mettre en place des commissions de travail. Quant à lui, le comité de pilotage est composé d’administrateurs et de délégués M.S.A, du chef de projet et du conducteur de projet, de représentants de la population, des partenaires institutionnels, des élus locaux. Il a un rôle de validation-décision des propositions du groupe de projet, de suivi du déroulement du programme, d’accompagnement de la formalisation de partenariats politiques et financiers inter-institutionnels autour du projet de développement. Les programmes de développement social local sont menés par un travailleur social, conducteur de projet. Il a pour fonctions principales : • la mobilisation de la population, • la réalisation du diagnostic en collaboration avec les habitants et les acteurs locaux, • l’animation et l’accompagnement méthodologique du groupe de projet afin de définir le projet global et d’en suivre la mise en œuvre, 57 Définition donnée par la Caisse Centrale de la MSA dans la présentation du Contrat de Développement Social Territorialisé. 58 Cf. annexe n°11. 38 • L’évaluation des actions engagées en vue de réajustements éventuels. Il est sous la responsabilité d’un chef de projet dont le rôle est : • d’être garant du respect des orientations de la caisse, • de faciliter la négociation avec les partenaires, • De rendre compte de l’avancement de la réalisation du projet devant le conseil d’administration. CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE L’actualisation de la notion de territoire et l’importance donnée à ce terme, ne peuvent se comprendre qu’au travers du courant de pensée qui prône le développement local comme outil d’action. Le développement local a pris son essor en milieu rural en réponse aux transformations profondes dont la société paysanne devait faire face. Le développement industriel et l’urbanisation ont entraîné une déstructuration des campagnes françaises. Le besoin de main d’œuvre de l’industrie française lié à la modernisation de l’agriculture et la volonté des responsables agricoles de concentrer la production pour devenir un acteur central du marché commun, a incité un exode rural massif entraînant, par endroit, une véritable désertification. Les activités économiques traditionnelles ont subi les effets de ce dépeuplement, en marginalisant encore davantage certains secteurs. Au cours des années 1960, tant les milieux politiques et administratifs que la population du monde rural en général prennent conscience de la perte de substance dont est victime la société rurale. Cette disparition programmée de la culture paysanne est une source d’inquiétude majeure des responsables et des décideurs locaux. Parallèlement, la fin de l’Etat-providence et la restructuration des liens sociaux entraînent une évolution dans la prise en compte des problématiques sociales et une prise de distance obligatoire face à une intervention sociale de type individuel. « L’évolution suggère le développement d’un modèle plus communautariste et pragmatique de l’action politique. Si les attentes des citoyens conservent des bases universelles (l’éducation, le travail, le logement, la sécurité, l’identité), leur traitement et leur déclinaison impliqueront dorénavant un travail 39 d’argumentation davantage centré sur les règles concrètes du vivre ensemble aménagé dans chaque agglomération et dans chaque pays rural59 ». Le territoire devient le lieu privilégié de mise en place de l’action concrète. La réflexion de la Mutualité Sociale Agricole suit ce courant de pensée. D’une action de développement des services et d’action d’animation sur le milieu, elle s’oriente à partir du milieu des années 1980 vers des programmes de développement social local en prônant la démarche participative comme outil de mobilisation et de responsabilisation des populations des territoires ruraux dévitalisés. La manière de concevoir l’organisation d’un programme de DSL60 par la Mutualité Sociale Agricole se retrouve dans la définition que donne Jacqueline MENGIN du Développement Social Local. En effet, elle le caractérise comme un processus visant « à ce que les populations d’espaces marginalisés prennent leur destin en mains. Ce développement veut en faire des acteurs, mais aussi des partenaires en mesure de négocier, donc de maîtriser sur un espace ce qui les concerne 61». Cette définition opérationnelle du Développement Social Local introduit l’idée d’une participation collective de la population au sein d’un lieu de réflexion et de négociation. Pour reprendre une réflexion de la commission nationale pour le développement des quartiers62, le Développement Social Local serait alors un lieu de renégociation quotidienne de la citoyenneté. Aussi, il convient de s’interroger et de réfléchir sur les notions d’habitant, en tentant de répondre aux questions : Qu’est-ce qu’habiter ? Que signifie cette notion au regard du concept de citoyenneté ? Et, lorsque l’on évoque ce concept de citoyenneté, quel sens lui donne t-on ? 59 FAURE Alain, « Les équations inédites de la question territoriale », in Informations sociales, Territoires, n°104, 2002, page 125. 60 DSL : Développement Social Local 61 MENGIN Jacqueline, Guide du développement local et du développement social, Paris, L’harmattan, collection « logiques sociales », 1989, page 24. 62 Les cités en question, Actes du colloque, Paris 19-20 juin 1986. Commission nationale pour le développement des quartiers, Table ronde, page 17. 40 2ème PARTIE La citoyenneté réactivée : d’une citoyenneté passive à une citoyenneté active Le thème de la citoyenneté apparaît comme un sujet d'actualité. En effet, la figure du citoyen s'affirme comme un enjeu politique majeur qui fait aujourd’hui débat. Il se retrouve au coeur d’une importante réflexion idéologique posée parfois en des termes très polémiques. Mais, à force d'être employée à tort et à travers, cette notion de citoyenneté se voit peu à peu privée de sens qu’il s’agisse du "mouvement des citoyens", de la "citoyenneté administrative", du "citoyen post-national", du "citoyen consommateur", de "l'éco-citoyenneté", de "l'entreprise citoyenne" et de la "citoyenneté sociale", autant de termes d'appartenance à des collectivités à géométrie variable. Ainsi, la citoyenneté peut apparaître comme un concept abstrait et flou, devenue plus ou moins synonyme de nationalité, de participation politique, voire d'intégration. 41 Chapitre 1 : La citoyenneté : perspectives historiques et théoriques En effet, ce terme est susceptible d'acceptions plurales, diversement fondées sur l'appartenance à la ville, l'habilitation à jouir des droits, la nationalité et qui va de la citoyenneté civile à la citoyenneté politique, en passant par la citoyenneté sociale. Mais, la citoyenneté, avant d’être un concept est une expérience historique. 1.1 La citoyenneté, une expérience historique Au cours de l’histoire, la citoyenneté a pris des définitions spécifiques selon les types de régimes et l’histoire de la cité. 1.1.1 L’antiquité, la respublica et le civitas La citoyenneté est une invention de la Grèce antique. En inventant la polis, les grecs ont inventé l’idée de citoyen. La polis, pour ARISTOTE, c’est la communauté des citoyens organisés politiquement. La citoyenneté grecque est la qualité qui reconnaît à ceux qui en disposent du droit de participer à la gestion des affaires publiques. Son principe essentiel pose que tous les citoyens sont égaux devant la loi (en grec isonomia) et interviennent, de manière égale, à la prise de décision politique. Les citoyens se réunissent dans un lieu unique, l’Agora afin de débattre des grandes questions intéressant la cité (guerres, traités de commerce, élections à divers postes...). Pour les grecs, l’idée de citoyen ne se confond pas avec l’idée de l’homme concret. Ainsi, la citoyenneté antique ne concerne qu'une petite minorité : 10 % des habitants d'Athènes ont la qualité de citoyens. En sont exclus les femmes, les esclaves et les « barbares », c'est-à-dire les étrangers. La citoyenneté est également à l'honneur à Rome. L'évolution qu’elle va connaître au sein de la Rome antique en est très différente. La citoyenneté va prendre une connotation très juridique. En effet, devant l’ampleur géographique du territoire romain, les hommes politiques vont définir leur société par le droit car, il s’agissait non plus d’organiser la vie et les conflits entre groupes d’individus, mais d’organiser les relations entre des sujets de droit. Dès lors, l’octroi du statut de citoyen romain permet d’intégrer des ethnies soumises militairement. En effet, au fur et à mesure de l'extension de son empire, Rome va donner à un nombre d'individus toujours plus important le droit de Cité. Ce statut permettait d’octroyer des droits et des devoirs à chaque habitant du royaume. Le dernier stade de cette évolution se fera par l’exécution de l'édit de Caracalla en 212 après JC où tous les habitants de l'empire vont se voir reconnaître la qualité de citoyen. En rompant avec l’idée grecque selon laquelle la citoyenneté était un héritage social, l’Empire Romain a fondé l’idée que « la citoyenneté était ouverte et qu’elle avait une vocation universelle63 ». 63 SCHNAPPER Dominique, Qu’est-ce que la Citoyenneté ?, Paris, Gallimard, collection Folio, 2000, page15. 42 1.1.2 Le moyen âge, l’imperium contre le civitas La notion de citoyenneté va connaître ensuite une éclipse à l'ère des monarchies : sociétés de privilèges, elles écartent toute participation de leurs sujets à la décision politique. Lorsque Charlemagne, roi des francs accède en l’an 800 à l’Empire, sous les auspices du pape Léon III, il va décider de modifier le traditionnel rite du sacre. Le couronnement de Charlemagne va précéder l'ovation par le peuple. Or, la coutume impériale voulait que le futur empereur soit acclamé par le peuple avant le couronnement. Concrètement, cette organisation du sacre modifie la place et le rôle de chacun, en redistribuant le pouvoir et en affirmant la puissance du souverain. Ainsi, « à l’authentification du groupe dans la figure du chef, succède l’affirmation de la domination devant le groupe64 ». L’imperium prend le pas sur le civitas. Ce modèle va perdurer au-delà de l’Empire, lorsque les rois de France vont élaborer politiquement un outil de domination sous la forme d’un imperium, qu’ils nommeront l’Etat. L’idée du civitas ne se retrouvera pas dans cette forme d’organisation. Les rois de France justifieront leur pouvoir d’une autorité sacrée. Ils sont les représentants de Dieu sur terre en charge de la gestion des Hommes. Ainsi, « Toute théorie sacrale (religieuse) du pouvoir, fait de la politique un destin qui s’accomplit au-delà des hommes et de leur regroupement, et transforme la civitas, le groupement des citoyens jouissant en commun de la chose publique, en sociétas, la simple association ou alliance, fédérée de l’extérieur par un projet dont elle n’est que le support65». Ainsi, à partir du Moyen âge et pour plusieurs siècles, le citoyen s’efface au profit du sujet ou du vassal. Il faudra en effet, un millénaire, avant que l’idée de citoyenneté ne retrouve sens et actualité, cela dans le cadre de la révolution française. 1.1.3 Les modernes : le renouveau du civitas Il peut paraître incroyable que l’idée de citoyenneté se soit transmise au travers du temps malgré ce millénaire de déshérence. Pourtant, les philosophes modernes vont réinvestir cette notion en la connotant d’un sens nettement plus politique. Ainsi, Le citoyen de Thomas HOBBES symbolise cette redécouverte théorique de la civitas. Mais, c’est au travers de la théorie du contrat de JeanJacques ROUSSEAU que sera reprise cette idée de citoyenneté. La rupture avec le passé fait naître un individu libre. C’est une RE-naissance ou une véritable naissance en ce sens où il naît à ses droits, droits à la liberté et à l’égalité avec tous les autres hommes. Cette reconstitution imaginaire de la RE-naissance de l’homme dans sa qualité d’être singulier, lui rappelle qu’il est séparé de tous les autres. Cette séparation, source de faiblesse, l’amène à découvrir la misère de l’homme singulier sans société et sans repères partagés. Ainsi, l’impossibilité de survivre individuellement fait naître une société de citoyens. Pour Jean-Jacques ROUSSEAU, cette société naît d’une volonté individuelle. « Chacun de nous met en commun sa 64 LETERRE Thierry, La citoyenneté : perspectives historiques et théoriques, in Citoyenneté et société, Cahiers Français, n°281, mai-juin 1997, page 3 à 10. 65 Ibid. 43 personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout 66». De cette union émerge un projet de vie commune. Elle ne se perpétue que de l’action d’œuvrer ensemble à une existence collective où l’homme n’est pas dominé par l’homme. Pour lui, le souverain est alors un être collectif, un corps commun dont l’esprit est la loi. Mais, c’est vers l’histoire factuelle que l’on doit se tourner pour voir se concrétiser cette figure renaissante de la citoyenneté. Entre les déchirements de la guerre civile anglaise du XVIIème siècle, la naissance de la première démocratie moderne aux Etats-Unis au XVIIIème siècle et la Révolution française, la citoyenneté va devenir une idée dominante. La Révolution française remet la citoyenneté à l'honneur du discours politique. Les révolutionnaires accordent la qualité de citoyen à tous les hommes majeurs (excluant donc les femmes). A titre d’illustration, il suffit de se rappeler que la première déclaration des droits de l’Homme portait cette idée de citoyenneté. Il s’agissait de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. Par la suite, elle est placée en préambule de la première Constitution écrite de l'histoire française, la Constitution du 3 septembre 1791. Elle formalisera une idée de la démocratie à la française. Ainsi, le peuple titulaire du pouvoir et des droits fondamentaux, dont la liberté et l'égalité, est devenu un peuple de citoyens. Mais la grande nouveauté de la période révolutionnaire, relative à la notion de citoyenneté, est le lien qui est établi désormais entre nationalité et citoyenneté. Si dans les premiers temps de la Révolution, on accorde, de manière fort généreuse, la citoyenneté aux étrangers résidant sur le sol national, la règle change rapidement, et la nationalité française devient une condition sine qua non de l'acquisition de la qualité de citoyen. En outre, la portée de la citoyenneté est, dans un premier temps, limitée par la distinction entre les citoyens « actifs » c’est à dire ceux pouvant voter et se présenter aux élections, en fonction du montant de leurs impôts et les citoyens « passifs » qui disposent d'un certain nombre de droits, mais pas de celui de voter ou d'être élus. Il faudra attendre l’année 1792, pour que tout citoyen puisse voter et se faire élire. Mais la première moitié du XIXème siècle revient à une conception restreinte de la citoyenneté, par le recours au suffrage censitaire : le suffrage universel est instauré en 1848, et n'est plus remis en cause dans son principe. Une citoyenneté pleine et entière est progressivement reconnue à des catégories auparavant exclues : les femmes par l’ordonnance du 21 avril 1944 et les militaires par la loi de 1972. Seuls demeurent exclus, de droit, les jeunes gens non majeurs (avant 18 ans), et les étrangers non communautaires. 1.2 La citoyenneté, vers un essai de définition Qu’est-ce qui caractérise l’Habitant-citoyen ? Est t’on citoyen par le seul fait d’être habitant d’une nation ? Qu’est ce qui différencie le sujet du citoyen ? Si la citoyenneté a aujourd’hui des acceptions multiples, elle s’est d’abord constituée autour d’un sens juridique. 66 ROUSSEAU Jean-Jacques, Du contrat social, Paris, Flammarion GF, livre 1, chapitre 6, 2001, page 52. 44 1.2.1 Le citoyen, un sujet de droit Le citoyen est un individu abstrait. Il ne se rencontre pas, en ce sens où ce n’est pas de ce fait que l’on va qualifier une personne, mais par son appartenance nationale. Le citoyen apparaît avant tout comme un sujet de droit. La citoyenneté est un principe selon lequel les individus faisant partie d’une même Nation ont les mêmes droits, les mêmes devoirs et participent à la vie de la Cité. Les droits sont de trois catégories. Premièrement, il s’agit des droits civils tels que le droit de propriété, la liberté de pensée, etc. Deuxièmement, il va acquérir des droits politiques en ayant la possibilité d’être éligible, de voter. Enfin, troisièmement, il va bénéficier de droits économiques et sociaux par l’affiliation à un système de protection sociale entre autres. Les devoirs sont notamment de défendre la Nation, payer ses impôts, participer aux élections, ... La participation à la vie politique peut prendre des formes très diverses, voter bien évidemment mais aussi participer aux débats publics et participer à la vie associative. 1.2.2 La citoyenneté, comme principe de la légitimité politique Ainsi, la citoyenneté devient le principe de la légitimité politique. En effet, le citoyen détient une part de souveraineté politique lorsque, réuni en communauté de citoyens, il élit ses représentants, lorsqu’il justifie les décisions prises en les exécutant, lorsqu’il contrôle et sanctionne les gouvernants. Lors de la constituante de 1789, Jean-Joseph MOUNIER67 affirmait : « Quand la manière de gouverner ne dérive pas de la volonté du peuple clairement exprimée, il n’a point de constitution, il n’a qu’un gouvernement de fait […] toute autorité émane de la nation […] tous les pouvoirs émanent du peuple68 ». La révolution Française de 1789 a fait passer la légitimité du pouvoir de l’ordre sacré aux individus autonomes. 1.2.3 La citoyenneté passive et la citoyenneté active Il existe deux manières différentes d’investir son rôle de citoyen. En effet, selon Emmanuel KANT, il existe deux types de citoyenneté, la citoyenneté passive et la citoyenneté active. La première décrit la citoyenneté comme un statut, un titre, un droit ou un ensemble de droits dont on jouit passivement. La citoyenneté passive est celle de ceux qui jouissent uniquement de la liberté de l’homme et de l’égalité du sujet. La seconde décrit la citoyenneté comme une charge, une responsabilité, un fardeau fièrement assumé. La citoyenneté active est celle de ceux qui votent et expriment une volonté. La citoyenneté active implique que les citoyens puissent énoncer et négocier ce qui leur paraît souhaitable pour l’avenir. Ainsi, pour Emmanuel KANT, il faut distinguer le vouloir et le pouvoir. Mais, le clivage entre citoyenneté active et citoyenneté passive est contesté au nom d’une exigence de participation des citoyens au devenir collectif. 67 Note : Jean-Joseph MOUNIER (Grenoble 1758 – Paris 1806) Partisan d’une monarchie à l’anglaise, il fût député du tiers-état aux états généraux puis en septembre 1789, il devint secrétaire puis président de l’assemblée nationale Constituante pendant les journée d’octobre 1789. Le 26 juin 1789, il proposa le serment du « jeu de paume » à ses collègues députés. 68 RIALS Stéphane, La déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, Paris, Hachette, « Pluriel », 1989, Page 138. 45 Ainsi, comme nous venons de le voir, « La citoyenneté est un statut, défini par des obligations (le respect des lois) et des droits (droits civils, droits politiques, droits sociaux)69 […]». Mais, c’est aussi « un ensemble de comportements, contribuant à construire un ensemble de relations et d’échanges constitutifs d’une « République », au sens le plus large et le plus conforme à l’étymologie « chose publique » ou réalité commune qui est l’affaire de tous70 ». La citoyenneté peut être alors considérée comme un idéal, celui d’un homme libre, actif, participant pleinement à la vie sociale qu’il a contribué à créer, en contrôlant les pouvoirs qu’il s’est volontairement donnés, sans lesquels aucune vie organisée n’est possible. 1.3 La citoyenneté, une notion actuelle C’est dans cette optique que la philosophie, la sociologie et l’anthropologie vont apporter de nouvelles perspectives de compréhension de cette notion, en complétant l’approche juridique. La citoyenneté est abordée comme une relation entre les hommes, un mode d’appartenance à une communauté mais aussi comme l’affirmation d’une identité. Le concept de citoyenneté touche ici à la sociabilité citoyenne et à des questions d’ordre philosophique. Elle apparaît donc comme la dimension publique de l’existence. Etre citoyen, c’est agir au sein d’un monde commun et participer à son destin collectif. Elle recouvre la dimension publique créée par le rassemblement des hommes, et le citoyen est celui qui va prendre sa place à l’intérieur de cet espace. 1.3.1 La citoyenneté globale Aujourd’hui, la citoyenneté recouvre des sens multiples. Elle est invoquée dans une dimension plus large. C’est une notion riche et pleine de diversité, qui va bien au-delà de la simple expression du suffrage ou de l’appartenance à une nation. Il faut entendre par citoyenneté, une citoyenneté globale71, c'est-à-dire la possibilité donnée à chacun de participer à la construction de la cité. Elle recouvre divers aspects que l’on nommera : • La Citoyenneté territoriale, qui permet de participer à la gestion de son lieu de vie ; • La Citoyenneté économique, par laquelle on est partie prenante de l’échange ; • Et enfin, la Citoyenneté sociale et culturelle, qui signifie que l’on entretient des liens relationnels, que l’on n’est pas rejeté par les autres, et que l’on a accès à un patrimoine symbolique commun. 69 CASTILLO Monique, La citoyenneté en question, Paris, Ellipses, 2002, page 8. Ibid, page 8. 71 DE FOUCAULD Jean Baptiste, PIVETEAU Dominique, Une société en quête de sens, Paris, Odile JACOB, 2000, page 140. 70 46 Cette citoyenneté globale concerne la participation directe et personnelle de l'individu au fonctionnement de son propre espace social (travail, habitat, quartier, loisirs, etc.). Elle se manifeste dans le partage d'un ensemble de valeurs, de croyances communes, en forgeant un sentiment identitaire. Parler alors de citoyenneté symbolique ou de citoyenneté identitaire pour reprendre une idée de Patrick HASSENTEUFEL72 est possible. Il distingue trois niveaux de citoyenneté : une citoyenneté statutaire qui renvoie aux droits sociaux, une citoyenneté effective qui recouvre la situation sociale individuelle et enfin, la citoyenneté identitaire qui se rattache à l’idée du lien, de l’identification collective. La citoyenneté apparaît alors comme une notion aussi multiforme que la vie de la cité, et l’homme réalisé est celui qui, s’il le souhaite, peut exercer sa qualité de citoyen à ces différents niveaux. 1.3.2 La citoyenneté, une posture humaine Mais cette approche nouvelle de la citoyenneté repose sur l’octroi et la saisie d’un certain nombre de Droits que sont la capacité d’énonciation, la capacité d’autonomie et la capacité « d’expertise ». La capacité d’énonciation Pour Claude LEFORT73, l’acte fondateur de la citoyenneté moderne, c’est la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. En effet, l’inscription des droits dans une déclaration est un acte concret, l’expression d’une parole émanant des hommes, pris dans une histoire, dans leur histoire. Ainsi, les deux grandes Déclaration des Droits de l’Homme, américaine et française, instituent radicalement le citoyen dans sa capacité d’énoncer. En se libérant d’une autorité extérieure et absolue, les constitutions démocratiques revendiquent « l’autoréférence 74». Ainsi, l’organisation sociale n’est plus énoncée d’en haut, au nom d’un Dieu ou d’un monarque, mais est définie par des citoyens, à la fois libres et contraints d’énoncer eux-mêmes comment ils considèrent leurs rapports aux autres. La capacité d’autonomie Dans le cadre des sociétés démocratiques, l’Homme, n’étant plus soumis à une loi extérieure au corps social, qu’il s’agisse des lois divines ou des lois monarchiques, doit faire preuve d’autonomie. Il faut comprendre « être autonome » dans son sens premier, c'est-à-dire auto-nomos, « se donner sa propre loi ». Ce qui caractérise donc la citoyenneté moderne, c’est cette conquête de l’énonciation dans l’autonomie. 72 HASSENTEUFEL Patrick, Citoyenneté et pratiques civiques, in cahiers français, n°281, mai-juin 1997. LEFORT Claude, Essai sur le politique (19ème-20ème), Paris, Editions du seuil, 1986, page 51. 74 HANSOTTE Majo, Les intelligences citoyennes - comment se prend et s’invente la parole collective ?, Bruxelles, éditions De Boeck Université, 2005, 2ème édition, page 21. 73 47 La capacité « d’expertise » Enfin, la conséquence de cette évolution, et son principal intérêt, réside dans le fait que le citoyen s’affirme comme détenteur du droit de définir et nommer luimême ce qui est juste et injuste. Ces règles ne sont plus dictées par un pouvoir sacré. Mais, pour que cette responsabilité collective s’impose aux citoyens et à leurs représentants, encore faut-il qu’un espace public démocratique, qu’une sphère autonome de l’expérience collective puisse exister. Pour maintenir l’exigence de justice et d’égalité entre les hommes, il faut permettre l’exercice d’une parole agissante. La citoyenneté peut alors se caractériser comme la capacité pour un habitant d’énoncer ce qui est juste ou injuste pour élaborer ses propres règles. 1.3.3 Une dimension politique dans un espace public, le lien de citoyenneté En effet, la citoyenneté ne peut s’exercer qu’au sein d’une collectivité humaine. Depuis l’antiquité, l’idée de citoyen et, concrètement l’exercice de cette citoyenneté, ne s’effectuent qu’au sein d’un groupement humain organisé politiquement. Ainsi, le terme même de citoyen désigne en latin à la fois autant le sujet d’un monarque que le membre d’une collectivité. La philosophie du XVIIème siècle a fait une large place à l’ « état de nature », où les hommes n’auraient pas connu le droit positif, et au « pacte social » qui les aurait réunis. Ce dispositif théorique traduit cette conviction saisissante que l’explication du social passe par le principe des relations interhumaines. Ces relations interhumaines s’exercent autour de trois sphères d’activités que l’on nommera : la sphère privée des relations proches et des contacts familiaux régie par l’affectivité, la sphère publique du travail régie par les transactions et les contrats et enfin, la sphère sociétale d’engagement personnel régie par la liberté. La distinction entre ces trois sphères est garantie par l’Etat de droit. Tableau n° 2 : Les sphères de l’activité humaine Sphère privée Sphère publique du travail ETAT DE DROIT (Garant de la séparation des sphères) Sphère sociétale 48 Dans ces systèmes de relations, l’espace public trouve un contexte privilégié dans la sphère sociétale. Il est une instance symbolique d’énonciation démocratique. Cette instance symbolique se caractérise par la non hiérarchie et la non spécialisation des fonctions, et surtout par l’égalité de tous devant la loi (isonomie) et l’accès en principe égal de tous à la parole (iségorie). Cette instance symbolique est constamment à activer par des formes discursives multiples, condition d’un agir collectif. Les citoyens doivent apprendre à faire connaître leurs opinions et les idées doivent circuler entre elles. L’espace public devient un outil de délibération et de communication. Mais, l’espace public apparaît avant tout politique. Alors, c’est en abordant la citoyenneté comme pratique politique que nous pouvons en découvrir toutes les potentialités. Le terme politique peut être entendu selon deux acceptions. Il peut désigner l’activité des gouvernants au sens large, à savoir l’activité de ceux qui dirigent les hommes. C’est ce que l’on pourrait nommer la politique-gestion qui renvoie à des fonctions spécialisées et à une expertise. Lorsque Aristote parle de ce type de politique, il parle d’administration de la cité. C’est ici le niveau de la maîtrise politicienne, dans une science du politique, dans des compétences organisatrices. Mais, il peut s’agir également d’« une praxis horizontale dont les acteurs sont les gouvernés. Cette praxis désigne des rapports entre des hommes s’exprimant par la seule médiation de la parole75 ». En effet, dans la société démocratique moderne, le lien entre les hommes n’est plus religieux ou dynastique, il est politique. La citoyenneté apparaît donc comme la source du lien social. Ainsi, lorsque Monique CASTILLO écrit : « Le statut de la citoyenneté se trouve directement impliqué quand il s’agit de décider quelles attentes doivent déterminer l’organisation de la communauté toute entière. Il ne s’agit plus alors simplement de souhaits que l’on nourrit pour soi, il s’agit de la vie politique que tous peuvent vouloir pour tous, de la citoyenneté en tant qu’appartenance à un sort commun76 ». Or c’est bien la nature du lien social qui est en jeu ici. Cette notion de lien social est apparue dans le champ de l’action sociale en référence à la crise vécue par la société et aux difficultés du vivre ensemble. En effet, cette notion sociologique englobe plusieurs types de liens. Tout d’abord, celui de la filiation qui renvoie à la socialisation familiale, aux relations avec les parents, qui s’impose toute la vie. C’est le lien fondateur, qui permet de faire ses premiers pas dans la vie en étant protégé. Parallèlement, il y a le lien de participation élective77 qui se cultive dans d’autres lieux de socialisation tels que les clubs de sport, les associations, les espaces de convivialité. Mais, il y a aussi le lien de participation organique78 qui se réfère au rôle que chacun est amené à jouer dans le monde du travail. Enfin, il y a le lien de citoyenneté qui recouvre l’ensemble des signes d’appartenance à une nation, à une démocratie. 75 HANSOTTE Majo, Les intelligences citoyennes - comment se prend et s’invente la parole collective ?, Bruxelles, éditions De Boeck Université, 2005, 2ème édition, page 19. 76 CASTILLO Monique, La citoyenneté en question, Paris, Ellipses, 2002, page 11. 77 PAUGAM Serge, terme extrait de son intervention lors de la table ronde sur le thème « MSA et Territoires », 07 décembre 2004, Paris, Palais du Luxembourg. 78 Ibid. 49 Face à cette approche de la citoyenneté, deux acceptions du terme CITOYEN sont envisageables : la première fait référence à la notion de citoyenneté. Ce sont des droits et des devoirs dont chaque personne est titulaire en tant que membre d’une communauté politique et donc, pour nous, nationale. La seconde, pourrait être l’habitant, c'est-à-dire celui qui vit dans la cité. Ici, une conception antique de l’idée de citoyen, où sa qualité s’appliquait à l’habitant d’une ville, d’une cité, redevient opérante. Le citoyen est en premier lieu celui qui habite la ville, c’est donc celui qui a « droit de cité », pour jouer sur le sens, celui qui a le « droit de citer ». Le citoyen n’est donc plus un individu banal, mais celui qui a été accepté dans une communauté grâce à laquelle il a conquis des avantages, et grâce à laquelle il se distingue de l’homme « vulgaire ». Ainsi, une nouvelle citoyenneté se fonde sur la résidence et le vivre ensemble. Aussi, il est alors possible de s’interroger sur ce qui est constitutif du mode d’habiter, sur ce qu’est « être habitant » ? Sur ce qu’est cet habitant citoyen ? 50 Chapitre 2 : Un citoyen moderne : l’Habitant « L’habiter peut être abordé comme un des fondements qui permet de penser l’essence de l’homme, en ceci, qu’il n’y a que l’homme qui habite79 ». La commune est un établissement humain, une communauté d’habitants. Le terme d’habitant est certes une unité de dénombrement des personnes mais il ne serait se réduire à cette seule dimension comptable, et doit considérer son sens initial chargé d'une dimension sociale et relationnelle. 2.1 L’habitant, essai de définition Comment nomme t’on les établissements humains80 ? Comment définir et nommer les « gens » ordinaires dans nos sociétés actuelles ? Comment les penser comme acteur de la cité ? Aussi, pour pouvoir comprendre les évolutions du langage, il apparaît nécessaire d’explorer l’ensemble des termes qui qualifient les « gens » ordinaires. 2.1.1 Le terme d’usager Ce terme renvoie inexorablement à son pendant, le service. En effet, être usager c’est avoir la possibilité d’utiliser une prestation accordée et délivrée par un tiers. Mais, cette acception, réduite, est susceptible d’élargissement en ce sens où l’usage ne se résume pas à l’octroi par une autorité d’un droit mais peut s’étendre à l’appropriation d’une culture, intégrée par l’habitant dans ses rapports sociaux quotidiens. 2.1.2 Le terme de client Le terme de client est une appellation apparue avec le développement d’une société de type fordiste, sur le principe de l’accès par les populations à la consommation de biens. Effectivement, cette expression est liée aux situations d’échanges et aux valeurs marchandes, qui, si elles caractérisent nos sociétés, ne semblent pas convenir pour déterminer les individus. 2.1.3 Le terme d’habitant La notion d’habitant apparaît comme un terme vague qui nécessite autant d’être étudié dans son histoire que dans un quotidien. En effet, la tendance est grande de limiter uniquement ce terme d’habitant à un aspect sans doute essentiel, 79 80 SALIGNON Bernard, Qu’est-ce qu’habiter ?, Nice, Z’éditions, 1998, page28. Expression reprise à Marcel MAUSS. 51 celui de la résidence. Pourtant, l’habitant évoque un double rapport à la fois à la maison, à l’intime et à la ville, au territoire. Chaque personne est à la fois l’habitant de sa maison et l’habitant de la cité. Or, Michel BASSAND81, dans son ouvrage Métropolisation et inégalités sociales, affirme que cette approche est trop restreinte au regard des fonctions dans lesquelles l’habitant est désormais impliqué. Pour plus de précision, l’habitant pourrait être qualifié dans son rapport à la société, en l’invoquant sous les termes de citadin ou de citoyen. La désignation de l’habitant par le mot citadin renvoie à des notions plus culturelles liées à la société urbaine, tandis que l’utilisation de l’appellation citoyen met l’accent sur la détention de droits et de devoirs d’ordre politique, en référence à l’idée de nation. Toutefois, c’est bien dans l’idée de citoyenneté que sont appréhendées les différentes fonctions dans lesquelles l’habitant est impliqué et dont Michel BASSAND fait référence. Alors, peuton parler d’habitant-citoyen, de citoyenneté locale ? Pour nommer cet habitant ordinaire, il faut examiner le contenu des activités qu’il développe comme personne inscrite dans un rapport particulier, dans des lieux et dans des situations formant un puissant contexte d’interaction. Il faut effectivement que l'on s'attarde un minimum sur ce qu'implique, en définitive, le fait d'être l'habitant d'un lieu. Car, l’habitant c'est d'abord celui qui possède, c'est-à-dire celui qui use à sa convenance, celui qui a usage du lieu. En cela l'habit, l'habituel et l'habitude sont inséparables de l'habitant. C'est donc au travers de son avoir personnel qu’il nous faut le questionner. Le concept d'habitus qui en latin signifie habitant, prend ici tout son sens en imposant un usage codifié des lieux pour permettre un fonctionnement social normalisé. 2.2 L’habitant, un individu en mutation La figure de l’habitant a émergé simultanément avec le développement, au cours des années soixante-dix, de mouvements qui rompaient avec les pratiques traditionnelles de l’expression politique et de la revendication. André SAUVAGE82 a développé trois modèles de l’habitant, autour de trois points, l’identité habitante, la condition de l’habitant, la compétence habitante qu’il modélise sous la forme : 81 82 • Du modèle de l’espace positionnel • Du modèle des mouvements sociaux • Du modèle socionomique BASSAND Michel, Métropolisation et inégalités sociales, Lausanne, PPUR, 1997. SAUVAGE André, Les habitants : nouveaux acteurs sociaux, Paris, L’harmattan, 1992, page 22. 52 2.2.1 Le modèle de l’espace positionnel : L’identité habitante Deux types d’habitants se dessinent, celui qui va s’identifier par son rapport à son territoire de vie et celui qui va se reconnaître dans les relations qu’il va entretenir avec l’extérieur. Entre celui qui trouve dans l’habiter une satisfaction à son besoin d’identité et d’appartenance et celui qui ne s’engage pas dans la société locale et privilégie son univers professionnel, la distance est considérable. Aussi, l’identité habitante oscille constamment entre cette double polarité, c'est-à-dire entre le proche et le lointain, entre l’externe et le local. André SAUVAGE pose l’hypothèse d’une multi position de l’habitant. Celui-ci ne se caractérise pas uniquement par le fait qu’il habite un lieu, une maison mais aussi, par les différents statuts qu’il a et les rôles auxquels il est assigné. Ainsi, l’habitant va être tout à la fois un parent, un salarié, un bénévole d’association, un usager de la route, un consommateur… Néanmoins, les rôles assignés ne vont pas être exprimés, ni investis tous de la même manière. Ainsi, concernant son statut d’habitant, il a selon André SAUVAGE, deux réactions possibles qui sont l’enrôlement ou le dégagement. Dans le premier cas, il adhère à son rôle et investit sa fonction d’habitant dans la cité tandis que dans le second cas, il définit son rôle uniquement en référence à la maison. Dans cette réponse, l’individu ne s’identifie pas comme acteur local. Ainsi, nombre de résidents ne trouvent pas dans l’habiter une réponse à leurs attentes sociales et politiques. 2.2.2 Le modèle des mouvements sociaux : La condition habitante L’habitant peut aussi se définir dans une lutte contre une certaine forme oppressive de la technocratie. Ce qui le fait exister, et l’institue dans sa citoyenneté, c’est alors la logique du conflit. Ce modèle des mouvements sociaux peut donner lieu à deux orientations possibles : • Une orientation intégrative, dans le cas où les individus agissent sous le couvert de valeurs communes où il s’agit de défendre les acquis de ceux qu’ils soutiennent. • Une orientation conflictuelle, où les habitants se positionnent comme des détonateurs. La mobilisation s’effectue sur des critères d’opposition dans une logique de conflit. Toutefois, il ne faut pas confondre les replis frileux du réflexe NIMBY83 avec l’habitant qui se détermine comme un sujet intentionnel, une force de proposition. 2.2.3 Le modèle socionomique : La compétence habitante Reconnaître une compétence à l’habitant, ce n’est pas seulement l’appréhender en tant que figure identificatoire, ni même de le percevoir uniquement comme le nouveau rebelle des temps modernes, mais c’est également le reconnaître 83 Not In My Back Yard = pas dans mon jardin 53 comme acteur social. L’habitant émarge aujourd’hui en tant que producteur de son environnement de vie, à partir d’une compétence spécifique qu’il a : celle d’habiter. L’habitant n’est plus tant celui qui affirme une identité à travers un mode spécifique d’habiter, ni celui qui mobilise et institue l’habitat comme seul enjeu des rapports de force locale, mais c’est celui qui invente son environnement de vie et, audelà, transforme la cité au même titre que les autres acteurs. Or, à ce stade s’amorce un nouveau paradigme de l’habitant qui va conditionner son accès à la citoyenneté : l’habitant est reconnu pour la compétence qui est la sienne à engendrer des pratiques d’appropriation de l’espace et à négocier, au quotidien, des formes conventionnelles d’occupation des territoires. Le surgissement de l’habitant en tant qu’acteur autonome de la vie locale inaugure un mode nouveau d’accès à la citoyenneté. Qu’en est-il de cette citoyenneté de l’habiter ? De quelle citoyenneté parle t’on ? La citoyenneté locale se fonde dès lors sur la compétence de l’habitant à générer de la loi et à imposer des règles qui rendent habitable un espace de vie. Cette citoyenneté serait donc comme le souligne André SAUVAGE, de nature socionomique (de Nomos = la loi). On parle alors de la faculté socionomique de l’habitant. 2.3 L’habitant, un individu chevronné L’habitant est donc au cœur d’une double perception. Il n’est pas seulement appréhendé en tant que figure d’appartenance à un lieu mais est perçu comme étant en capacité d’agir sur son milieu, d’être en lien, d’être en interaction avec lui. 2.3.1 Le « Haus » et le « Heim » La langue allemande dispose de deux termes pour désigner la « maison ». Il s’agit des mots Haus et Heim. Haus désigne la construction dans sa réalité matérielle, c'est-à-dire une maison, tandis que Heim recouvre un sens plus symbolique de l’ordre de l’appartenance et de l’intime, qui n’est pas matérialisable, qui est en soi, qui appartient à chacun. Cette différence formalisée dans la langue allemande signale qu’une distinction doit être faite entre le logement et la maison. En effet, on entendra par maison le lieu où l’on demeure à contrario du logement qui est l’endroit où l’on se loge, où l’on s’abrite. En France, nous disposons de l’expression « chez moi » qui renvoie à cette idée de l’intime. Tout un chacun perçoit bien ce que l’autre veut dire lorsqu’il emploie cette expression « rentrer chez soi ». Il se place bien dans le personnel, le profond de l’individu. Nous entendons presque dans cette formule « rentrer en soi » comme si le lieu habitait la personne. En effet, le « chez soi » est « ce lieu d’intimité secrète où les choses conservent silencieusement l’histoire oubliée de chacun de nous84 ». Le « chez moi » dit bien quelque chose qui est de l’ordre du sujet et de l’intériorité de la personne. Mais en même temps, (puisqu’il y a un chez moi, il y a un ailleurs) il signifie que dehors l’homme a un tout autre moi qui se situe du côté des liens, des 84 SALIGNON Bernard, Qu’est-ce qu’habiter ?, Nice, Z’éditions, 1998, page 12. 54 liaisons, des relations qui animent le réel et le quotidien. Habiter un lieu c’est aussi être habité par lui en ce sens ou l’on est en interaction avec lui, avec ce lieu. 2.3.2 L’expertise d’usage des habitants Le « savoir en usage85 » est selon Gérard MALGLAIVE, une totalité où différents savoirs, c'est-à-dire les savoirs théoriques, les savoirs procéduraux et les savoirs faire. Ils se substituent les uns aux autres selon les modalités de l’activité. Dans la plupart du temps, les experts en usage n’ont pas l’impression que ce savoir régit leurs activités. C’est pourquoi, il est nécessaire de souligner l’importance de ce savoir relatif aux habitants d’un territoire pour qu’ils puissent développer cette expertise d’usage et de pratique. Habiter ne se résume pas à s’abriter. Habiter, c’est d’abord être habité, habité par le lieu, son pays, sa région, son village, mais aussi par les liens que l’on entretient, le partage avec d’autres des histoires oubliées, des personnes disparues bref tout ce qui va constituer « mon » histoire. On constate bien ici qu’habiter un lieu, c’est le partager avec d’autres. Mais, pour partager encore faut-il donner les moyens à chacun d’apporter sa contribution pour construire cette histoire de vie commune. C’est là un enjeu social majeur. Car aujourd’hui, face à une société en perte de lien, comment ne pas réduire l’habitant à un individu dont l’existence se résume au seul fait de résider dans un endroit donné ? Comment lui permettre d’investir ce lieu dans un usage ? Face à la montée de l’exclusion, cette place de l’habitant dans la société locale préoccupe les institutions sociales à tel point que la structuration de l’habitant en tant que groupement social s’est formalisée avec les politiques territoriales menées dans les quartiers urbains. Ainsi, la place des habitants au travers de la citoyenneté est de plus en plus interrogée. L’habitant se retrouve au cœur des actions de participation collective. L’investissement individuel dans une démarche participative ouvrirait l’accès à une citoyenneté locale. Mais de quel type de participation parle t’on ? 85 MALGLAIVE Gérard, Enseigner à des adultes, Paris, PUF, 1987, page 87. 55 Chapitre 3 : La participation : une notion de la citoyenneté locale « La participation consiste en une tentative pour combler le hiatus entre liberté-participation du citoyen, de l’homme abstrait, et la vie concrète de l’homme situé86. » Cette citation fixe la participation comme une notion de la citoyenneté trouvant sa véritable justification auprès de l’habitant dans sa capacité à formuler une expertise sur son quotidien. D’une citoyenneté abstraite, on glisse à une citoyenneté concrète qui « se déplace […] vers la sphère du social, du privé : agir là où l’on est87. » Aussi, «Dans le mouvement actuel, la participation n'est plus un concept automatique lié à celui de la démocratie; elle devient une notion autonome, ce qui entraîne une valorisation de la mobilisation des individus en soi, en laissant de côté parfois les institutions démocratiques88.» 3.1 La participation : Essai de définition Cette notion recouvre une multitude de sens et d’interprétations qu’il convient de préciser afin de pouvoir la comprendre. 3.1.1 Etymologie du terme Etymologiquement, participation renvoie à « chasser » à la fois par des verbes et par des noms. Par les verbes, c’est « prendre » (capere, captus), « chercher à prendre », « chasser » (captare), « prendre le premier », « avoir de l’avance » (praecipere), pour finir par suscipere : « prendre par en dessous », « prendre sur soi », « se charger de ». Par les noms c’est « prisonnier » (captivus), « qui peut contenir » (capax), « habile à recevoir un héritage » d’où capacitas, pour finir par particeps, « qui prend sa part ». C’est cette dernière acception qui retient ici notre attention. En effet, participation vient du latin participio qui désigne le fait de prendre part ou d’avoir part à une action collective89. Dans son sens absolu, il signifie le droit de regard, de libre discussion et d’intervention de ceux qui, dans une communauté, subissent la loi, le règlement90. Participer c’est donc être acteur à part entière ; c’est influencer, décider ; c’est agir en sa qualité de citoyen. C’est atteindre un niveau de conscience individuelle et collective en admettant sa responsabilité et en faisant valoir son autonomie. Mais, « participer » englobe aussi la reconnaissance à la personne d’une certaine prérogative sur la décision finale. C’est intégrer le fait qu’elle dispose d’un certain pouvoir sur la définition, la mise en œuvre de certains projets et celui qu’elle 86 SANCHEZ Jésus, Participation et politiques publiques, in Vie Sociale « Le travail social à l’épreuve de la participation », n°1/2004, CEDIAS. 87 TOURAINE Alain, Qu’est-ce que la démocratie ? , Paris, Fayard, 1994. 88 GODBOUT Jacques, La participation contre la démocratie, Montréal, éditions coopératives, collection « pratiques sociales », 1983, page 29. 89 FOULQUIER Pierre, Dictionnaire de la langue philosophique, Paris, PUF, 1992 (6ème édition). 90 Dictionnaire Le Petit Robert, 2003. 56 est en capacité d’évaluer les résultats de ces actions censées agir en sa direction ou, plus largement, envers toute la communauté. 3.1.2 Une définition liée au contexte Le terme participer, ou la participation a été utilisé suivant les époques dans des sens différents. Ainsi, au XIIème siècle, il est employé pour exprimer trois fonctions différentes qui vont de faire participer, de partager ou de répartir, à avoir sa part. A partir du XVIIème siècle, le mot participation prend un sens commercial. Il exprime le fait d’avoir des parts dans une entreprise ou dans une affaire. Au milieu du XIXème siècle, cette notion est développée par les courants de pensée socialiste autour de l’idée de co-gestion, en prônant l’association des travailleurs à la gestion de l’entreprise. Cette idée a trouvé partiellement une réponse dans le mouvement politique et social Gaulliste. Elle s’inscrivait dans la volonté d’investir les ouvriers dans l’entreprise en leur proposant de participer à l’organisation, au financement et à la gestion de leur outil de travail. Cette implication s’est concrétisée par la création des comités d’entreprise, par l’ouverture des contrats d’intéressement et par la proposition de participer à la gestion des orientations de l’entreprise. Cette dernière proposition a été catégoriquement rejetée par le mouvement gauchiste de la fin des années 1960, au prétexte que l’idée de participation portait en elle le discours des dominants et qu’elle était une « injonction à déserter le conflit social, et à s’abêtir dans l’aliénation généralisée de l’idéologie dominante et de la consommation de masse 91». Les années 1980 marque le retour de cette idée de partage de la gestion au sein des entreprises sous couvert d’un nouveau type de management, le management participatif. Aujourd’hui, face à une conjoncture économique complexe et à une déstructuration des liens traditionnels d’intégration à notre société, la notion de participation est invoquée pour tisser de nouveaux réseaux entre les personnes exclues et le monde des inclus, pour réconcilier la société avec l’ensemble de ses membres. 3.1.3 Les contours sémantiques Aujourd’hui, le terme participation peut recouvrir deux contours sémantiques différents, dans une acception active ou passive. Dans son premier sens, passif, on peut participer en vertu d’un système de forces qui ne tire pas son origine du sujet que l’on observe. « avoir part à » quelque chose peut s’appliquer au rôle que l’on joue dans une quelconque entreprise sans 91 WIEVIORKA Michel, « Critique de la participation », in information sociale, n°43, page17. 57 avoir accès au pouvoir qui l’impulse. On peut participer sous contrainte. Ainsi, les esclaves des pharaons ont-ils participé à la construction des pyramides d’Egypte. Dans son second sens, actif, on participe en détenant la responsabilité de l’apport que l’on fait à l’entreprise considérée. On agit en vertu d’un pouvoir intérieur que l’on possède en propre, et non pas en fonction d’un pouvoir extérieur comme dans le premier cas. Participer signifie ici que les personnes sont étroitement associées aux décisions qui affectent leur vie. En ce sens, la participation se lie à un concept proche de celui de l’autogestion. 3.2 Une notion aux dimensions multiples Le terme de participation est une notion, c'est-à-dire une idée générale. Or, cette notion, à la fois permanente et évolutive, est utilisée au travers des périodes successives dans des acceptions différentes. On parle tantôt de consultation, parfois d’implication mais de participation individuelle ou encore collective. Cette notion de participation apparaît comme une idée floue. Qu’en est-il de l’ensemble de ces sens possibles ? 3.2.1 Les dimensions du terme Il est possible de distinguer deux ensembles dans les dimensions du terme sous la forme d’opposition individuelle et collective, directe et indirecte. Une première dimension peut être formalisée autour de la participation individuelle et collective : • La participation individuelle : c’est la recherche d’une réponse personnelle à sa situation. Elle se caractérise aux travers des divers contrats existants entre un individu et une institution. • La participation collective : cette notion fait référence à des intérêts partagés par plusieurs personnes, et, de manière plus globale, à des approches territoriales, de développement local. Si les formes de participation peuvent varier de manière importante, dans tous les cas, cela signifie que la population a son mot à dire dans la prise de décision. La participation des usagers prend des formes diverses qu’il est possible de distinguer dans une seconde dimension : • Une participation directe : dans ce cas, l’usager est associé à l’action, de l’élaboration à son évaluation. La participation directe revêt différents niveaux : l’élaboration du projet ; la prise de décision ; le pilotage des actions ; l’évaluation des actions ; • Une participation indirecte : ici, l’usager est associé au travers de représentants (associations représentatives, médiateurs, professionnels…). 58 3.2.2 Une échelle de la participation Certains auteurs définissent le concept de PARTICIPATION de manière plus générale en lui faisant recouvrir des notions telles que l’information, la consultation, la concertation mais aussi, le partenariat, la négociation ou le consensus. Alors même que les formes de participation peuvent varier de manière importante, dans tous les cas, cela signifie que la population a son mot à dire dans la prise de décision. Il existe une échelle de la participation : 1. La non-participation : c’est une information sur les directives à appliquer sans débat possible. C’est aviser pour soumettre. 2. L’information : être informé des droits, y avoir accès, retrouver une dignité humaine et des conditions de vie décentes. Avoir connaissance de son environnement humain, économique et social. 3. La consultation : c’est solliciter et prendre en compte l’avis et les propositions des habitants pour qu’ils soient pris en considération au regard des contraintes existantes. Elle permet d’identifier les besoins. Cette démarche peut s’adresser à des collectifs informels ou organisés et prend le plus souvent la forme d’une enquête qualitative ou quantitative, de réunions publiques, voire de groupes de travail. C’est un degré d’implication supérieur des personnes en ce sens qu’elle induit une double communication, un dialogue. Toutefois, la personne consultée n’est pas en situation de prendre la décision finale mais seulement de s’exprimer. 4. La concertation : elle repose sur l’échange d’idées, dans le but de s’entendre sur une attitude commune. Il s’agit, tout comme dans la consultation, de prendre l’avis des partenaires. Mais, à contrario de la consultation, la notion de décision est davantage sous-jacente. En effet, il s’agit de tenter de trouver ensemble un accord et donc d’intégrer cette recherche dans la réflexion. Dans ce cadre, on reconnaît généralement aux habitants un pouvoir d’expertise dans le cas d’un engagement élevé. 5. L’implication : c’est le niveau de participation le plus élevé. Les ressources sont octroyées pour permettre à la communauté de rechercher et appliquer ses propres solutions. Les institutions donnent un certain pouvoir aux personnes. Elle est entendue comme une participation directe à la prise de décision de l’ensemble des acteurs. L’implication repose sur la mise en œuvre de projets et renvoie à la notion de coproduction de biens et de services. Le plus souvent, l’implication des habitants aboutit à une proposition de gestion d’un domaine habituellement de la compétence exclusive du pouvoir local. 6. Le partenariat : la prise de décision est partagée à peu près équitablement entre les « personnes » et les institutions. 59 Tableau n°3 : Une échelle de la participation OBJECTIFS INFORMATION CONSULTATION DISPOSITIFS Etre informé de ses droits, y avoir accès Réunion Publicité Obtenir les avis pour minimiser l’opposition. Communication Enquête Réunion de en Participation Consultation Collaboration CONCERTATION Développer des moyens résoudre des problèmes commun. IMPLICATION Associer à la décision les différents acteurs (co-décision, cogestion) Négociation Débat PARTENARIAT Développer un projet commun. Réseau Association Ainsi, la notion de participation apparaît être un concept complexe à définir et ambigu à comprendre qu’il conviendrait peut être de regarder au travers d’une approche plus pragmatique. 3.2.3 Des degrés distincts Jean Marc STEBE92 distingue quatre niveaux de participation selon le critère de l'engagement ou de l'implication des habitants dans les actions: - la participation-information, qui vise simplement, par différents moyens (réunions, brochure municipale, publicité) à informer les habitants sur les projets mis en œuvre en leur faveur ; - la participation-consultation, qui vise directement par des rencontres ou indirectement par des sondages ou des questionnaires à recueillir, auprès des habitants, les propositions, avis ou suggestions sur un projet prédéfini ; - la participation-animation, qui consiste en la délégation de responsabilités aux citoyens dans le cadre du mouvement associatif et des équipements socioculturels et sportifs exclusivement ; - enfin, la participation directe, où tous les habitants sont reconnus comme des partenaires potentiels. 92 STEBE Jean Marc, La réhabilitation de l’habitat social en France, Paris, PUF, collection QSJ ?, 1995. 60 Quant à Albert MEISTER93, il a été le premier à définir ce type de modalités sous couvert « d'instrumentalisation de la participation » au profit des institutions ou organismes de gestion des populations. Selon lui, il existe des degrés distincts entre le fait de solliciter une personne pour l’informer ou la consulter et de mobiliser cette personne pour une participation active. Selon lui, il faut distinguer cinq types de participation94 : 1. La participation de fait : elle est caractéristique des « groupes de fait », d’accès non volontaire, dans lesquels les membres se retrouvent et n’adhèrent pas volontairement où les groupes trouvent leur origine dans le domaine de la religion et du travail et ont pour but le renforcement des coutumes, des traditions, des manières de faire existantes. 2. La participation organisée ou volontaire : elle est souvent inconsciente. C’est celle des petits groupes informels, qui ont pour fonction de permettre la satisfaction des besoins psychologiques des participants. Elle se retrouve dans les différentes associations locales. 3. La participation spontanée : elle concerne les groupes de parentés et de voisinage tel que des groupes d’amis, des bandes… 4. La participation suscitée ou provoquée : elle a pour objet de faire adopter par les membres des comportements que les animateurs extérieurs jugent désirables de faire acquérir à la population par exemple lors de la mise en place d’un système d’irrigation sur un périmètre rizicole. 5. La participation imposée : elle est indispensable au fonctionnement. Elle s’impose à tous par tradition, coutume, par contractualisation. 3.3 Les fondements et les enjeux de la participation collective Mais, si cette participation est autant évoquée, sur quoi se fonde t’elle ? Pourquoi faut-il la solliciter, la susciter et la rechercher ? Le citoyen-habitant a-t-il une légitimité à intervenir sur les décisions prises pour sa cité ? 3.3.1 Des fondements pour la participation des habitants Nous pouvons légitimer la participation des habitants au travers de fondements d’ordre philosophique, social, technique, voire stratégique. Le fondement philosophique s’appuie sur le préambule de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, en énonçant l’égalité de tous et en mettant en valeur la promotion des personnes et des groupes. Aussi, il est possible de se référer 93 MEISTER Albert, La participation dans les associations, Paris, éditions ouvrières, collection « initiation sociologique »,1974. 94 MEISTER Albert, Introduction générale participer au développement, UNESCO, Paris, 1984, Page 12 et 13. 61 à ces principes pour souligner que le droit de participer aux décisions publiques est donc un droit pour tous qui devrait donc être effectif. Le fondement économique repose sur la rentabilité à faire participer des personnes à la mise en place de services ou d’activités. Cela s’exprime autour de l’idée de développement d’une vie sociale en facilitant l’organisation locale afin de se dispenser de la mise en place de services organisés. Le schéma, dans lequel les habitants s’apparentent à un client, se retrouve dans cette conception. Le fondement technique fait référence aux finalités du travail social et du développement local. Il vise entre autre au travers des actions d’animation, d’accompagnement, de sensibilisation, à faire émerger les besoins et les projets des habitants et des groupes. La qualité et le développement des prises de responsabilités, pourraient limiter, en effet, le degré d’intervention de l’Etat. Mais, la participation est principalement porteuse d’une dimension stratégique. En effet, le but est de répondre au mieux aux demandes des habitants en associant les personnes concernées à la définition des besoins et à la mise en place des solutions. Le risque latent de ce système est d’être piégé. La solution est forcément la bonne puisque les bénéficiaires potentiels participent à l’élaboration et à sa mise en place. Ils ne peuvent plus alors critiquer le système qu’ils ont contribué à établir. 3.3.2 Les enjeux de la participation collective Un enjeu politique lié à la liberté et l’égalité Thomas Hobbes fonde l’Etat dans la libre autorisation qu’a l’individu de faire société. Pour lui, la sociabilité de l’homme n’est pas naturelle mais est le résultat d’une nécessité bien comprise. Comme chacun désire légitimement atteindre ce qui est bon pour lui et est seul juge des moyens nécessaires pour y parvenir, les hommes ont tendance à entrer en conflit les uns avec les autres pour obtenir ce qu’ils jugent nécessaire à la satisfaction de leur désir. « La nature a fait les hommes si égaux quant aux facultés de leurs corps et de leur esprit que, bien qu’on puisse trouver un homme manifestement plus fort corporellement, ou d’un esprit plus prompt qu’un autre, néanmoins, tout bien considéré, la différence d’un homme à un autre n’est pas si considérable qu’un homme puisse de ce chef réclamer pour lui-même un avantage auquel un autre ne puisse prétendre aussi bien que lui. En effet pour ce qui est de la force corporelle, l’homme le plus faible en a assez pour tuer l’homme le plus fort, soit par une machination secrète, soit en s’alliant à d’autres qui courent le même danger que lui 95». Ce texte affiche avec force l’égalité des hommes, mais sa particularité est de fonder la démonstration de l’identité de la condition humaine sur l’égale capacité de nuire et de tuer. C’est de là que découle la nécessité, pour Thomas HOBBES, d’une instance souveraine afin d’empêcher la « guerre de tous contre tous ». Ces lois garantissant la liberté et l’égalité de chacun naissent de la raison commune. Les obligations et la liberté du sujet sont déduites soit de ses 95 HOBBES Thomas, Léviathan, Paris, Gallimard, Coll. Folio essais, 2000, Chapitre 13, Page 220. 62 paroles soit de la fin poursuivie par l’institution commune des hommes. Il limite ainsi le pouvoir absolu par la nécessaire interprétation de la parole du sujet. Mais, pour Alexis de TOCQUEVILLE, la détermination de la liberté et l’égalité ne suffisent pas. Il est également nécessaire que les citoyens participent à la détermination du bien commun et à la gestion des affaires publiques, selon différentes médiations. Alors, pourquoi la participation est-elle nécessaire ? Pour éviter la corruption de la démocratie, nous dit TOCQUEVILLE, car faute de participation, ce sont de petits groupes non contrôlés par l’ensemble qui vont déterminer l’intérêt général à l’aune des intérêts de leur « clan ». La participation : Un enjeu social majeur Le thème de la participation a ressurgi parallèlement aux débats portant sur le dépérissement du lien social et de la cohésion sociale. Ce défaut de cohésion sociale a entraîné l’apparition du phénomène d’exclusion. L’exclusion n’est pas l’exploitation car « Là où l’exploitation engendrait en réponse un but libérateur qui était collectif et de moyen terme, l’exclusion ne suscite plus que la juxtaposition de projets individuels et immédiats : trouver à se loger, à se nourrir, à travailler. Là où s’organisait la mobilisation d’un groupe, on ne rencontre plus que le chacun-poursoi. »96 Or, l’implication concrète de tous dans la gestion des affaires collectives permet de recréer des liens entre les citoyens et de rattacher les individus à la vie sociale. Emile DURKHEIM est l’un des premiers théoriciens à nous avoir appris que participation était synonyme d’intégration sociale. En effet, un individu peut être considéré comme intégré à la vie de son groupe d’appartenance s’il participe aux activités collectives qui fondent l’identité du groupe. Le suicide ou l’anomie, ou encore, le dérèglement social vécu aujourd’hui, correspond au degré zéro de la participation. Aujourd’hui, le problème social de l’exclusion est appréhendé comme un problème de participation et de communication. En effet, les exclus, individus isolés, ne parviennent pas à communiquer positivement, c’est à dire à négocier leurs appartenances et leurs valeurs respectives et ne font donc que constater leur exclusion symbolique et matérielle. L’exclusion sociale peut donc s’appréhender comme le résultat d’un mouvement de méconnaissance généralisé ou de stigmatisation collective et réciproque. L’insertion sociale d’un individu se réalise dans trois sphères, le monde du travail, la famille et les réseaux de sociabilité. La participation collective devient opérante pour créer une nouvelle forme de lien, favorisant la sociabilité par le lien de citoyenneté locale. Alors qu’aucune société ne peut se construire sur le déni de l’existence de certains de ses membres, la participation de l’ensemble de la population est devenue un enjeu. En effet, il appartient aux acteurs, depuis les pouvoirs publics jusqu’aux personnes défavorisés elles-mêmes en passant par la société civile organisée, de produire du lien social, de recomposer les rapports de solidarités concrètes consistant « à faire société », sur le fondement d’un nouveau « projet social ». 96 Jean Baptiste DE FOUCAULD, Dominique PIVETEAU, Une société en quête de sens, Paris, Odile JACOB, 2000, page145. 63 Un enjeu éthique Enfin, Hannah ARENDT97nous interpelle sur toute l’utilité sociale et la valeur sociale de la participation collective. Elle nous rappelle que l’on se trouve être dans une perte d’humanité le jour où les gens ne sont plus dans un rapport à l’utilité sociale et à la valeur sociale d’eux mêmes. Sans l’action, sans les relations, sans la parole, sans un accueil en commun du nouveau et des questions, sans une élaboration collective du sens de ce que nous faisons, la vie humaine se coulerait dans un processus. Elle emprunterait les voies de l’automatisme de la technique. Or, la pluralité est la condition de l’action humaine. Le monde commun apparaît dans la diversité des points de vue. Conclusion de la deuxième partie La désaffection, voire la méfiance à l’égard de l’engagement politique, l’abstention, la montée de valeurs privées, « l’individualisme98 », témoignent d’un relatif retrait de la figure citoyenne au sein du monde moderne. La citoyenneté ne va donc pas de soi. Contre cette indifférence, contre cette passivité, contre cette méfiance, « il convient de réactiver l’idée d’une liberté politique exercée dans la cité 99». La participation collective se trouve au cœur du concept de citoyenneté. Elle est l’outil qui peut permettre de réactiver cette idée d’une souveraineté collective de l’habitant mais aussi de « concilier la liberté et l’autonomie de la personne avec les règles concrètes de responsabilité et de solidarité avec autrui – autre façon de parler de lien ou de contrat social – […] », et de favoriser « la reconstruction de la cohésion sociale 100». Alors, la question de la participation des habitants dans des valeurs citoyennes repose sur le postulat selon lequel l’espace local peut devenir un lieu producteur de sens et un lieu de socialisation aussi efficace que celui du travail. La problématique sur laquelle repose cette étude prend alors toute sa dimension. En effet, alors que le milieu rural affronte des changements multifactoriels qui affectent le lien entre les habitants et leurs institutions dans leurs modes de relations, la MSA acteur légitime de l’action sociale en milieu rural participe à la reconstruction de la solidarité entre des valeurs investies et des valeurs en recomposition en prônant la participation collective des habitants dans le cadre des programmes de développement social local. Aussi, dans quelle mesure, compte tenu de son expérience de mobilisation des habitants dans le cadre des programmes de développement local, l’action sociale de la MSA des Côtes d’Armor peut-elle être porteuse d’une démarche de participation favorisant l’exercice d’une citoyenneté locale ? 97 ARENDT Hannah, La condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, collection agora, 1983. De TOCQUEVILLE Alexis, De la démocratie en Amérique, Paris, Gallimard, 1951. 99 CASTILLO Monique, La citoyenneté en question, Paris, Ellipses, 2002, page 44. 100 De FOUCAULT Jean-Baptiste, PIVETEAU Denis, Une société en quête de sens, Paris, Odile Jacob, 2000. 98 64 Aussi pour rappel, notre travail s’appuiera sur un système imbriqué de trois hypothèses : • L’accès à la citoyenneté des habitants passe, au niveau local, par la capacité de la MSA à faire admettre la contestation et la revendication habitante comme une force de proposition, à leur octroyer une position d’acteur dans la démarche participative et à reconnaître leur capacité à générer du projet. • Pour concourir à développer des liens nouveaux, la pratique de la participation collective doit faire émerger une compétence habitante, formée du droit à intervenir sur ce qui le concerne et fondée sur le pouvoir de co-produire des projets. • Mais, pour passer d’une parole captive à une pratique de développement de la citoyenneté intervenant sur le lien symbolique qui rattache l’habitant à un tout social, il faut développer un fonctionnement en réseau s’appuyant sur les valeurs et les pratiques démocratiques locales. Développer une participation collective de type citoyenneté locale, c’est accepter que les habitants deviennent constamment actifs, cherchent à s’informer, à comprendre, à donner leur avis, à s’affirmer en qualité d’experts et entrent dans des mécanismes de co-instruction. C’est ce que cette étude va chercher à vérifier dans la mise en place des programmes de développement social local mis en oeuvre par la MSA. 65 3ème PARTIE : La participation collective : vers une pratique locale de proximité Au regard des hypothèses formulées, la participation citoyenne dans le cadre d’un programme de Développement Social Local doit être analysée non pas dans les actions apparentes de participation mais comme un processus. Ce processus s’observe dans la manière dont les acteurs et les groupes sociaux construisent et structurent leurs rapports afin d’atteindre l’objectif particulier de reconnaissance de la compétence socionomique101 de l’habitant. Aussi, l’analyse repose sur une interrogation qui surgit lorsque l’on met en perspective les hypothèses et l’approche conceptuelle : La participation collective dans les programmes de développement social local est-elle un moyen de favoriser la citoyenneté locale ou serait-elle simplement un instrument de régulation sociale ? Dans un cas, la volonté sera de créer les conditions permettant à tous et à chacun de prendre part dans une démarche citoyenne à des actions communes ou collectives. Dans l’autre cas, il s’agit simplement et souvent d’appréhender, de manière plus ou moins rationnelle, la demande sociale102. Aussi, analyser la démarche participative mise en place par la Mutualité Sociale Agricole des Côtes d’Armor c’est évaluer les représentations individuelles des différents acteurs qui vont influencer la mise en œuvre du processus participatif. 101 SAUVAGE André, Les habitants : nouveaux acteurs sociaux, Paris, L’harmattan, 1992. Réflexion reprise à André BENNOUR, lors de son intervention à l’INFREP (Institut National de Formation et de Recherche sur l’Education Permanente) le 16 novembre 2000 sur le thème « Participation des Habitants aux projets éducatifs locaux ». 102 66 Chapitre 1 : La démarche méthodologique 1.1 Présentation du cadre de l’enquête Notre enquête se construit autour des différents programmes de Développement Social Local mis en place par la MSA. Ces programmes s’appuient sur une démarche partenariale, une démarche territoriale et une démarche participative. Elle traduit la volonté de rendre acteur les populations des secteurs ciblés, mais aussi d’associer les acteurs institutionnels concernés par l’action. 1.1.1 Les acteurs Afin de pouvoir valider l’hypothèse de travail, il apparaît donc important d’interroger les différentes personnes concernées par les programmes de Développement Social Local mis en place par la Mutualité Sociale Agricole des Côtes d’Armor. En effet, divers acteurs interviennent dans la mise en place des projets de DSL. Il s’agit des élus politiques, des habitants, des associations et des professionnels. Notre objectif est d’interviewer les trois types d’acteurs principaux intervenant au sein d’un programme de développement social local c'est-à-dire les élus politiques, les habitants et les professionnels. Le but est d’obtenir des informations sur le contexte, mais aussi et surtout de connaître leurs opinions et comportements dans la situation évoquée. Tableau n°4 : Représentation du système d’interaction des acteurs TERRITOIRE Habitants Institutions Associations Elus Le territoire peut être caractérisé comme une zone d’interaction ou chaque acteur est en relation avec de multiples partenaires créant ainsi un réseau d’interrelations. 1.1.2 Des acteurs liés aux modalités d’engagement des programmes de DSL Les programmes de Développement Social Territorialisé menés par la MSA peuvent être qualifiés comme des systèmes organisés d’actions définissables en trois points. C’est un construit social avec un système d’acteurs qui a pour 67 fonction de mettre en place, de gérer, de faire fonctionner un système de production selon un projet particulier qui renvoie aux fonctions, buts et objectifs du programme. L’atteinte du but et des objectifs du programme est possible à la condition qu’une coopération partenariale soit instaurée entre chaque acteur. Chaque membre est positionné dans le système en fonction de son statut, de sa fonction et de son rôle. Aussi, l’un des enjeux principaux de ce construit social est la place que chacun va occuper dans l’organisation pour faire fonctionner le système de production. Mais la façon de créer ce construit social peut se faire de multiples manières. Une première manière concerne les programmes engagés à la demande d’acteurs collectifs. On se situe ici alors dans une logique d’intervention que l’on pourrait caractériser de « communautaire ». Le principal atout sur lequel on peut s’appuyer est la mobilisation initiale existante, ou tout au moins une structuration préalable des partenaires locaux. C’est le cas dans une des actions que nous avons retenue où un groupe d’habitants s’est mobilisé pour faire reconnaître un « manque » sur un secteur. Ils ont sollicité la MSA pour les accompagner dans cette démarche. L’autre concerne les programmes engagés, suite à l’initiative de l’institution. Les caractéristiques de ce type d’action sont alors l’extériorité de l’analyse et une fragilité de l’ancrage. Sans une demande exprimée localement ou au moins potentiellement existante, sans une mobilisation préalable sur l’intérêt d’engager localement une telle démarche, participent à donner une image un peu plaquée de la démarche de DSL. La mobilisation fait ici défaut. Mais, malgré les deux types d’engagement des programmes de DSL le positionnement de chaque acteur va s’observer au regard de l’analyse de la structure formelle mise en place pour régler les rapports partenariaux. Nous y trouvons, la distribution des rôles, le système de participation, le système de décision, le système d’information et de communication. C’est à partir de ces points que les grilles d’analyse ont été construites dans l’objectif d’y déceler d’éventuelles différences. Dans ce système, le jeu d’acteurs génère des positionnements et des conflits. Aussi, il est intéressant d’interroger ces acteurs sur leur vision du processus participatif au sein d’un programme de développement social local. La pratique de la participation peut relever d’un fonctionnement différent suivant les acteurs en présence et se situer sur des degrés d’implication variables. Aussi, la compréhension du processus participatif et des enjeux de pouvoirs passent par l’explication des compétences sollicitées et le décryptage du jeu des acteurs. Le choix des interviewés : Le choix retenu a été celui de rencontrer et d’interviewer les travailleurs sociaux ayant mené des programmes de développement social territorialisé depuis le début des années 1990. Ces professionnels étaient au nombre de sept. Cinq personnes ont pu être interrogées. Nous avons répertorié l’ensemble des personnes habitants et élus ayant participé aux programmes. Un classement alphabétique a été fait en distinguant les élus des habitants. L’objectif était de contacter cinq élus et cinq habitants. Le choix des interviewés s’est fait de manière aléatoire par tirage au sort. 68 Présentation des interviewés : Afin d’obtenir des informations identiques sur les personnes interviewées une grille de présentation a été élaborée. Cette fiche de présentation comporte les identifiants personnels, les qualifications, les engagements extra professionnels, l’implication au sein du programme de DSL. 1.1.3 Le choix méthodologique et le protocole d’enquête Le choix méthodologique : Nous avons choisi de mettre l’accent sur le qualitatif à partir d’entretiens réalisés auprès des différents acteurs intervenant dans les programmes de développement social territorial menés par la Mutualité Sociale Agricole des Côtes d’Armor. Nous avons rencontré des personnes ayant participé à ce type d’action au cours des dix dernières années en qualité d’élus politiques, d’habitants et de professionnels. Au total, quinze entretiens ont été réalisés à raison de cinq par type d’acteurs. A partir de ce corpus de données, nous avons cherché à croiser le point de vue des différents acteurs au travers d’une même action, d’un même programme de développement social territorial. Nous avons fait le choix d’utiliser la technique de l’entretien semi-directif car il représente un moyen particulièrement efficace de stimuler l’expression des acteurs sur le fonctionnement d’un dispositif et d’une organisation. Le protocole d’enquête : L’interview par entretien de type semi-directif est unique et se déroule à la résidence personnelle ou professionnelle de la personne. La prise de rendez vous se fait par téléphone. Deux personnes n’ont pas souhaité donner suite à la demande d’entretien en évoquant des problèmes d’indisponibilité. La présentation de l’étude est identique pour chaque personne : « Bonjour, je suis assistant social à la Mutualité Sociale Agricole des Côtes d’Armor. J’ai obtenu vos coordonnées par l’intermédiaire de …. Je vous contacte car vous avez participé à un programme… avec Madame/Monsieur…. Actuellement en formation à l’université de Nantes dans le cadre d’une maîtrise science et technique, je conduis une étude sur les programmes de développement social local menés par la MSA et la participation des habitants dans cette procédure. J’aurais souhaité vous rencontrer afin de recueillir votre avis personnel sur ce thème à partir d’une série de questions. La durée de l’entretien est d’environ une heure. » 69 Le nombre de questions prévues varie suivant les types d’acteurs, entre trente et quarante. La durée de chaque entretien est comprise entre une heure et une heure quinze. Chaque entretien est enregistré et recopié par écrit. Une copie est adressée à chaque personne interviewée pour vérification et validation des propos retranscrits. Les entretiens L’enquête a essayé de situer le contexte, caractériser les lieux, les événements, les actes et de répondre aux questions clés : Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? La grille d’entretien103 comprenait cinq axes de questionnement : la description de l’initiative, son origine, l’analyse du processus participatif en terme de forme, de type et de perception des échanges développés entre partenaires, les méthodes et les outils mis en oeuvre et enfin, la perception et la place de la citoyenneté locale. L’objectif de ce recueil d’informations était de repérer les freins et les obstacles à la démarche de participation des habitants, les enjeux de la participation des habitants, les méthodes mises en œuvre pour recueillir la parole des habitants, les raisons de la participation des habitants, les dimensions constitutives de la participation des habitants, la procédure mise en place et le contexte local. 1.2 Organisation de l’analyse L’analyse doit faire apparaître et préciser les différences mais aussi les similitudes entre les divers programmes, entre les différents moments de l’action, à partir d’un rapport de comparaison des propos tenus par les interviewés. 1.2.1 L’identification des acteurs Le corpus des interviewés se constitue des trois types d’acteur principalement investis dans les démarches de Développement Social Local menées par la MSA des Côtes d’Armor. Il s’agit : • Des professionnels (codage P) • Des habitants (codage H) • Des élus politiques (codage E) La présentation des personnes interrogées pour cette étude se trouve en annexe n°3. Il est à noter que toutes les personnes interrogées sont de sexe féminin. Cela est dû au hasard du tirage au sort d’une part et l’investissement plus important des femmes dans les programmes d’autre part. 103 Cf. annexe n°12, annexe n°13 et annexe n°14. 70 1.2.2 L’analyse des contenus L’analyse des contenus portera sur deux niveaux : l’une sur l’analyse qualitative, l’autre sur une analyse thématique à partir de grille d’analyse. L’analyse qualitative porte sur le repérage des références, des représentations, des symboles, des jugements et des valeurs. → Les références : Laurence BARDIN précise que « tout discours se réfère à un ailleurs, à un corpus d’idées, pour se légitimer, pour marquer son appartenance à un courant d’idées, à un groupe d’influence104 ». Les repérer permet de saisir à quelles influences la personne est sensible. Elles sont des marques, des signes sociaux jalonnant une démarche de pensée. → Les représentations : Elles servent à appréhender le réel à partir des expériences vécues. Ainsi, au fil du temps, nous construisons des systèmes d’explication servant à clarifier, à partir d’un discours, une réalité. → Les images, les symboles, les mythes : On cherche ici à repérer l’ensemble des expressions utilisées, les associations d’idées sur un même thème, à localiser les repères véhiculés par la personne. → Les jugements, les évaluations : C’est le lieu du classement, de la comparaison, de l’évaluation. On les repère par les critères, les échelles de valeurs et les catégories que l’enquêté va utiliser. → Les valeurs, les croyances : Ces jugements sont emprunts de valeurs et de croyances personnelles liées à l’histoire personnelle de chacun. Quant à l’analyse thématique, elle « découpe l’ensemble de l’entretien à partir d’une grille de catégories projetée sur les contenus105 ». La référence à la sociologie des organisations telle que développée par M. CROZIER et E. FRIEDBERG dans l’acteur et le système, nous est apparue comme une grille de lecture pertinente pour analyser le phénomène organisationnel et son impact sur le fonctionnement du dispositif. Elle nous a permis notamment, de centrer notre analyse sur le système formel des relations entre les acteurs, sur les marges de liberté octroyées par l’organisation et les stratégies à l’œuvre, mais aussi de repérer le système de contraintes dans lequel elles s’exercent. A partir des matériaux emmagasinés, l’approche de la problématique s’est faite au travers de quatre catégories spécifiques à l’intériorité de la démarche de développement social territorial et à son organisation. Ainsi, quatre catégories ont été retenues : la démarche participative, la compétence, le pouvoir et le jeu des acteurs. Le choix de ces catégories a été motivé par le fait, comme nous l’avons précédemment énoncé, que la participation collective s’épanouit au sein d’un construit social (le programme de DSL) dans lequel un système d’acteurs se met en place. Ce système d’acteurs est traversé par un réseau de relations, des stratégies 104 105 BARDIN Laurence, Analyse de contenu, Paris, PUF, 2001, 10ème édition, page 81. Ibid, page 83. 71 personnelles et des comportements individuels en adéquation ou en rupture avec le but fixé. 1.2.3 Les grilles d’analyse106 Une première lecture a permis de dégager des phrases témoins, sériées par catégories. Ces phrases témoins repérées et livrées au cours des entretiens sont alors classées à partir des critères et des indicateurs formulés dans les grilles de codage. Ce sont des phrases extraites des entretiens, sans modification de la formulation, sous réserve d’erreurs d’expression ou, parfois, d’utilisation répétée d’onomatopées (bon, euh…) qui viennent hacher le discours et peuvent perturber la compréhension. Pour se faire, l’un des outils réalisable a été de construire des grilles d’analyse à partir d’un codage des thématiques retenues pour éclairer la problématique et justifier les hypothèses retenues. Le codage s’est construit autour de la structure, des acteurs et des outils utilisés. Il comporte trois niveaux : les critères, les indicateurs et le niveau d’information. Tableau n°5 : Grille d’analyse des entretiens CATEGORIE CRITERES INDICATEURS REMARQUES NIVEAU D’INFORMATION Fait Emotion Opinion Valeur INTENSITE OUVERTURE CAPACITE Les critères107 retenus sont au nombre de trois : un critère d’intensité, un critère d’ouverture et un critère de capacité. Le premier critère, l’intensité, mesure la puissance donnée à un phénomène, ou si l’on préfère la profondeur de l’indicateur, son degré de force. Le critère d’ouverture se rapporte à l’idée de rendre praticables les différentes phases de la démarche. Par conséquent, il cherche à montrer le niveau atteint par chaque acteur dans la production de la tâche. Le critère 106 Cf. annexe n°4 à 7. Les critères d’intensité et d’ouverture ont été inspiré par le livre de Michel CALLON, Pierre LASCOUMES, Yannick BARTHES, Agir dans un monde incertain, Paris, SEUIL, 2001, page219. 107 72 de capacité mesure l’aptitude à faire quelque chose, la qualité de quelqu’un à produire. Pour cette analyse, le matériau de base est constitué de 304 phrases témoins qu’il a fallu classer, regrouper et fédérer sous différentes idées clés génériques. Cet ordonnancement et ce classement des informations livrées au cours des entretiens sont organisés à partir des indicateurs déclinant chaque critère. La grille d’analyse pour la catégorie compétence : L’objet de cette grille vise à analyser quel est le degré de convergence ou de divergence entre les finalités participatives énoncées par le programme de Développement Social Territorialisé et les pratiques effectives mises en place. Y a-t-il une traduction satisfaisante des intentions affichées, ou observe-t-on, au contraire, différentes formes de transgression du programme institutionnel causées par les dynamiques organisationnelles et interactionnelles de l’action? La catégorie de compétence décline les indicateurs autour des connaissances théoriques et pratiques détenues par un acteur et mises en œuvre dans le programme de développement social territorial. Quant au critère d’intensité, il s’évalue au travers de la maîtrise des procédures, de l’appréciation des enjeux et de l’intégration de la légitimité de chaque acteur. L’ouverture dans cette catégorie vise à prendre en compte les logiques individuelles, l’expertise particulière en fonction du positionnement des acteurs et de leur statut. Enfin, le critère de capacité se retrouve au niveau de la conformité de la démarche au programme, de la maîtrise de la négociation et de l’intégration des modalités de régulation. La grille d’analyse pour la catégorie jeu des acteurs : Au travers de cette grille, c’est le repérage du rôle, de la fonction, des attributs, des relations entre les différents partenaires qui sont recherchés. Qui est évoqué ? Qui ne l’est pas ? Qui est oublié ? Il s'agit de faire référence ici à la manière dont des individus coopèrent pour mener à bien une action collective, à des contextes d'action par essence particuliers et locaux, à des individus qui communiquent, échangent, interfèrent à de nombreuses occasions, de manière affective ou stratégique, s'associent ou entrent en conflit quotidiennement et qui ne sont pas aussi facilement interchangeables. Aussi, l’un des enjeux principaux de ce construit social est la place que chacun va occuper dans l’organisation pour faire fonctionner le système de production. Les critères d’intensité, d’ouverture et de capacité déclinent en indicateur le système de coopération mis en place autour de l’idée de partage de l’intérêt général, de la prise en compte des identités particulières, de la fabrication des choix, de la maîtrise des règles de l’échange. La grille d’analyse pour la catégorie pouvoir : Elle vise à appréhender les places et rôles de chaque acteur dans le processus de décision et les zones d’influence mobilisées. Le processus se décline autour de trois critères complémentaires qui sont la potentialité dont dispose un acteur (critère de capacité), la situation relationnelle spécifique entre les acteurs (critère d’ouverture) et la possibilité de définir les buts sociaux (critère d’intensité). On retrouvera respectivement au niveau du critère d’intensité la reconnaissance de la légitimité et de l’expertise, l’implication dans les instances. Le critère d’ouverture, 73 quant à lui, s’appliquera à cerner la continuité par laquelle s’établit la communication autour d’idées de partage, d’échange et de coopération. Enfin, le critère de capacité se déclinera autour de l’aptitude à la concertation, du potentiel à impliquer les autres acteurs et la faculté à prendre en compte les propositions. La grille d’analyse pour la catégorie processus participatif : Le terme de processus est ici entendu comme échange, par le discours ou par les actes, d'expériences entre différents acteurs, échanges pouvant se faire sur un mode aussi bien consensuel que conflictuel108. Elle vise à repérer le niveau d’engagement octroyé et investi par chaque acteur. La procédure participative se singularise par la possibilité d’une coopération étroite entre les différents acteurs. L’intensité de cette procédure se mesurera alors en précocité de l’engagement des différents acteurs, le souci de composer un collectif et la diversité des acteurs. L’ouverture se caractérisera par l’organisation de la parole en vue de la production des connaissances. On recherchera le nombre et la diversité des groupes au travers de la transparence des procédures, de l’intégration dans les différentes phases, de la représentativité des groupes. Le critère de capacité, au travers du processus participatif, recherche la faculté des acteurs à prendre en compte les arguments et les revendications des autres. Les interventions et les discussions sont-elles ou peuvent-elles durer ? 1.3 Présentation des résultats 1.3.1 Le codage des données Les phrases témoins répertoriées sont classées par catégories, critères et indicateurs. Auparavant, elles sont identifiées par un codage H pour habitant, P pour professionnel et E pour élu auquel s’adjoint un numéro de un à cinq permettant de repérer l’acteur interviewé. Ensuite, chaque phrase est classée dans une catégorie également référencée par son initiale. Ainsi, le processus participatif est codé par les majuscules PP, tandis que la catégorie compétence le sera par un C majuscule. Il en sera de même pour les critères où intensité sera codé I, ouverture O et capacité C, tandis que les indicateurs seront repérés par un chiffre de un à trois suivant leur ordre de déclinaison dans le critère. A titre d’exemple, une phrase de l’Habitant numéro deux identifiée dans la catégorie Pouvoir, sur le critère Intensité au niveau de l’indicateur trois sera codée par H2-P-I-3. 1.3.2 Les biais repérés Un certain nombre de remarques viennent ici tempérer l’analyse qui va suivre. En effet, des questions se posent quant au recueil des données qui porte sur les points suivants : → L’un des problèmes de l’interview est l’évaluation du niveau de sincérité des réponses fournies. 108 De Carlo Laurence, Gestion de la ville et démocratie locale, Paris, L’Harmattan, 1996. 74 → De plus, l’interview des collègues peut entraîner une volonté de répondre dans le sens souhaité et induire des réponses pensées comme bonnes. → De même, en qualité de travailleur social MSA, le fait d’interroger les acteurs ayant participé à une action MSA peut entraîner une réserve dans les réponses. → Enfin, la faiblesse du nombre de personnes interviewées ne permet pas d’affirmer les propos mais de donner des pistes de réflexion. 1.3.3 Présentation des données extraites des entretiens 64 citations, que nous nommerons citations intégrées, ont été utilisées dans le corps du texte de l’analyse sur les 304 phrases retenues (citations retenues) lors du classement catégoriel soit 21,05%. Elles se répartissent comme suit. Tableau n° 6 : Comparaison du nombre de citations intégrées par rapport au nombre de citations retenues par acteurs Nombre de citations intégrées Elus Professionnels Habitants Total 14 30 20 64 % 21,88 46,87 31,25 100 Nombre de citations retenues 71 138 95 304 % 23,35 45,40 31,25 100 Proportionnellement, le nombre des citations intégrées correspond approximativement à celui des citations retenues. Il en est de même si l’on compare les citations par catégorie. Tableau n°7 : Comparaison du nombre de citations intégrées par rapport au nombre de citations retenues par catégorie PP P A C Total Nombre de citations intégrées 19 22 10 13 64 % Nombre de citations retenues % 29,68 34,38 15,62 20,32 100 93 90 53 68 304 30,60 29,60 17,44 22,36 100 Une attention particulière des citations retenues amène deux remarques : 1. Une forte dominance des catégories de compétence (26,81% des citations retenues) et de processus participatif (30,43% des citations 75 retenues) apparaît dans les phrases retenues chez les professionnels. Concernant les élus politiques, les remarques se situent au niveau des catégories de pouvoir (45,07%) et du processus participatif (33,80%). Quant aux habitants, deux catégories sont plus particulièrement fournies. Il s’agit des catégories du processus participatif (28,42%) et du pouvoir (28,42%). 2. D’une manière générale mais aussi spécifiquement par catégorie, on notera le faible nombre de citations se référant à l’indicateur de capacité109. S’agit-il d’un embarras pour les interviewés à évoquer ou à formuler une aptitude ? S’agit-il d’une difficulté de repérage ou d’interprétation des propos tenus ? Et si la cause en était finalement le niveau de pertinence des indicateurs retenus. Ces résultats sont difficilement interprétables du fait de la faiblesse du nombre des personnes interviewées. Toutefois, elle livre une indication quant aux préoccupations de chacun des acteurs et permet de donner une orientation à l’analyse qui va suivre. L’ensemble des résultats est consultable en annexe n°8, 9 et 10. 109 Cf. annexe n°9 76 Chapitre 2 : Du discours à l’action : l’illusion participative En appelant de ses voeux la participation des habitants, les programmes de Développement Social Local mis en oeuvre par la MSA trouvent leur légitimité dans l’implication et l’action habitante. La réalisation d’un diagnostic participatif va influencer et modifier les rapports au sein du dispositif d’acteurs. Mais, plus encore, c’est l’organisation sociale elle-même qui peut s’en trouver transformée si les habitants disposent, sur la base du diagnostic réalisé, du pouvoir d’intervenir dans la définition des projets. Mais dans la réalité qu’en est-il ? Il est permis alors de s’interroger sur le rôle et la place dévolues à chaque acteur mais aussi, sur la capacité des professionnels et des élus à se dessaisir de certaines prérogatives. Aussi, il est légitime de s’interroger sur le rôle du travailleur social et des élus, sur leurs places et sur le regard qu’ils portent sur ce processus ? 2.1 Une difficile légitimation de la parole habitante Cette légitimation de la parole habitante ou la reconnaissance du statut d’habitant en tant qu’interlocuteur légitime est influencée d’une part par la difficulté de remettre en cause son statut tant pour les élus que pour les professionnels et d’autre part par l’absence de revendications et de mobilisations portées et organisées par les habitants eux-mêmes. Cette situation fixe la « relation participative » au niveau de l’écoute, de la consultation. Cette absence de revendication habitante peut être analysée soit comme la volonté effective de ne pas participer, soit qu’ils soient dans l’incapacité de construire une demande pouvant être comprise par les acteurs institutionnels. Il s’agit ici d’un problème de communication. Il est certain que le soutien d’une institution, en l’occurrence la MSA dans le cadre d’un programme de développement social local, apporte une caution à la revendication habitante. Ainsi, dans le cadre des mouvements d’interpellation des élus par la population, elle légitime l’initiative habitante. Elle atteste que l’acte effectué ou la parole donnée n’émanent pas de l’habitant en tant qu’être particulier, mais en tant que « représentant d’une institution ». Le fait d’agir ou de parler avec le soutien d’une institution ne se limite pas à un aspect formel. L’organisme MSA dans le cadre de ses programmes de développement social local fournit un plan d’action, des valeurs, des principes et des règles de fonctionnement. Ne risque t-elle pas alors de freiner, de contenir la revendication en la transformant en une simple participation octroyée ? En effet, cette légitimité concédée aux habitants par les programmes de DSL dans le contexte d’une démarche participative n’a de valeur que si elle n’est pas tempérée par d’autres. La participation des habitants n’a de sens qu’en rapport avec le contexte démocratique local. Aussi, l’élu politique, qui est titulaire d’un pouvoir d’action et d’une légitimité fondée sur l’élection, doit rencontrer cette revendication populaire pour lui donner toute sa force. Mais, cette reconnaissance de la parole habitante n’apparaît pas comme évidente. Aussi, Le premier obstacle à la participation peut concerner la légitimité soit trop forte de la part de certains acteurs, soit trop faible pour les autres. Légitimité démocratique et légitimité de compétence 77 sont revendiquées par les acteurs politiques et professionnels. A ce niveau, face aux élus politiques et aux professionnels, on peut s’interroger sur la place occupée par les habitants dans les dispositifs d’expression et les procédures de décisions. 2.1.1 Logique représentative contre logique participative La participation collective repose sur une certaine conception de la démocratie. Elle percute l’organisation de la démocratie représentative en transformant les relations et les places occupées par chaque acteur. En acceptant que l’habitant occupe une place centrale dans les processus de choix, voire de décision, on situe cet outil à un niveau éminemment politique. La participation citoyenne percute directement l’idée de démocratie représentative en l’interrogeant sur ses fondements, la représentation et le pouvoir. Notre démocratie repose sur la délégation élective du pouvoir. L’individu ou le groupe ainsi élu est titulaire du pouvoir légitime de représenter la société civile. Le corps social par sa volonté au sens Rousseauiste du terme accorde à l’élu le droit de parler et d’agir en son nom. C’est une logique représentative et de maîtrise. Ce mécanisme est décrit par Thomas HOBBES sous la forme d’une métaphore théâtrale : « Les mots et actions de certaines personnes artificielles appartiennent à ceux qu’elles représentent. La personne est donc l’acteur ; et celui dont les mots et les actions sont les siens est l’auteur. Dans ce cas, l’acteur a autorité pour agir110.» Il ajoute quelques lignes plus loin « le droit de faire une action quelconque est appelé pouvoir, et quelquefois mandat. » Ces citations situent la place de chacun au sein du dispositif démocratique en donnant bien la maîtrise à l’élu politique qui devient le seul acteur. Le pouvoir est donc à la base du jeu des acteurs dans le processus participatif. (P 5) « Je crois qu’il peut y avoir des freins sur la question du pouvoir. Ça il faut être vigilant. Malheureusement, on l’apprend sur le tas aussi ». Si « le pouvoir n’est pas le mal » pour reprendre une citation de Michel FOUCAULT111, la question va plutôt être de savoir comment éviter dans ces jeux stratégiques, les effets de domination. Comment faire que l’acteur ne devienne pas l’auteur ? Car, la volonté extrême de garder la main mise sur le processus décisionnel incite les élus à le penser comme un processus dans lequel, au final, ils prennent la décision qui tombe comme un couperet. Ainsi, dans l’étape de la concrétisation, une habitante nous exprime que la concertation n’est plus de mise. (H 2) « On s’est affrontés sur un truc pour lequel on n’est pas d’accord et on n’est toujours pas d’accord, ils ont pris leur décision, mais nous on a fait des lettres, on a mis dans les journaux qu’on était pas d’accord, c’est que dans cette structure, il n’y aura pas de cuisine, ça veut dire pas d’accueil à la journée et pour nous c’est une grosse erreur de ne pas le faire dès le départ quoi. » Le risque est alors que cette incapacité à penser le choix comme un enchaînement de rendez-vous n’incite pas les populations à participer puisque, en tout état de cause, elles n’ont que peu de moyens de se rendre compte de l’avancée 110 HOBBES Thomas, Le Léviathan, Paris, Gallimard, collection Folio essais, 2000, chapitre 16, page 272. FOUCAULT Michel, L’éthique du souci de soi comme pratique de la liberté, in Dits et écrits II- 1976 – 1988, Paris, Gallimard, 2001. 111 78 du processus d’élaboration de la décision, et n’ont donc pas le sentiment de pouvoir l’influencer. Le danger est alors de laisser aux habitants l’impression que leur participation est instrumentalisée. La rigidité d’appréhension de la règle de l’élu décideur est la conséquence des difficultés des élus à aborder le principe de la consultation dans ses effets concrets. Elle se traduit par un difficile investissement dans le processus de consultation-concertation. (P 5) « Ce que j’ai dit tout à l’heure par rapport à l’abandon du pouvoir de la part du professionnel c’est vrai aussi du politique. On ne peut pas afficher un discours de démocratie participative et ne pas abandonner une partie de son pouvoir. » La grande difficulté des élus à comprendre l’intérêt des outils de la démocratie participative, à savoir la concertation en amont des projets, est liée à la croyance en la seule légitimité des urnes et à la volonté de s’arc-bouter coûte que coûte à celle-ci. Certes, « Etre chef est un métier, un métier de commandement qui attend des autres l'obéissance. Pour un chef, le citoyen est d'abord quelqu'un qui doit obéir112». Donc, prisonniers de cette vision des choses malgré une adhésion certaine aux grands principes de la concertation, ils se montrent réticents à l’idée de gérer cette participation des habitants et à la pensée d’octroyer une place à cet habitant-citoyen dans la prise de décision. (E 2) « Non, on ne peut pas leur faire décider car ils nous demanderaient beaucoup trop de choses, on ne peut pas laisser décider » Les raisons invoquées pour justifier cette position sont multiples et peuvent s’entendre et se concentrer autour de trois pensées : l’une reflète l’angoisse de céder à des groupes de pression ; l’autre renvoie à une perception méfiante de l’expertise d’usage des habitants ou la concertation entraîne obligatoirement une confusion ou une ambiguïté entre expertise d’usage et groupe de pression. Cette image du modèle participatif entraîne une reconnaissance négative de la compétence de l’habitant. Enfin, la dernière raison perçue, traduit la gestion difficile d’un non consensus. En effet, les élus pensent que leur présence dans les instances de concertation les rend inévitablement responsables de l’échec d’un projet et du mécontentement qui en résulte. Aussi, la tentation est grande de ne faire état que des dossiers en phase d’aboutissement. (H 4) « Il y a un dossier qui sort parfois. Ils vont concerter pour savoir les idées et les avis de la population mais c’est une fois que c’est bien construit. Je pense qu’on n’a plus grand-chose à dire comme c’est déjà presque tout exécuté. » Mais, au lieu de craindre pour leur légitimité, ne pourraient-ils pas plutôt s’appuyer sur les outils participatifs pour accroître celle-ci ? (H 5) « Les freins c’est principalement avec les décideurs. A partir du moment où l’idée ne vient pas d’eux, ils ne la prennent pas. Il faudrait presque les faire croire que ça vient d’eux. Alors peut être qu’ils agiraient et que l’on pourrait faire avec eux en leur disant qu’on prend l’idée, qu’elle est bonne. Mais bon ! Ce n’est pas si simple. Je dirais même que pour les professionnels c’est pareil. Ils veulent que l’idée vienne d’eux. Faut bien justifier son salaire. » Pourtant, la participation des habitants peut s’avérer être un nouvel idéal politique, un modèle performant de gestion locale. « La participation n’est ni l’autre de la représentation, ni son simple supplément d’âme, mais la force exigeante qui anime de son imagination créatrice la 112 KAPLAN Francis, Le pouvoir et les citoyens, Conférence faite à Mortagne, le 7 octobre 1989. 79 démocratie113 » et on pourrait poursuivre comme Yann COUVIDAT114 qui revendique une citoyenneté du « pouvoir ordinaire », c'est-à-dire une relocalisation de l’unité de décision-réalisation afin que l’exercice du pouvoir s’inscrive dans le domaine ordinaire de la vie du citoyen. 2.1.2 Un instrument de gestion des populations, l’habitant « captif » Souvent, persuadés d’être les seuls à pouvoir apporter des réponses, les professionnels et les élus préfèrent ne pas donner suite plutôt que d’avouer leur limites, ce qui aurait eu pour effet d’amorcer une dynamique d’élaboration collective dans laquelle, les habitants devenant acteurs, auraient inventé des réponses partagées et co-portées. Un élu annonce relayer spécifiquement et plus particulièrement les demandes qui l’intéressent. (E 1) « Et bien, les personnes contactent l’élu. Si l’équipe municipale a envie de faire quelque chose, l’élu relaye les propositions des habitants. On prend le problème et on voit si on peut faire quelque chose.» L’élu se positionne en interlocuteur de la population, en relais de ses demandes et besoins dans une conception économique des relations. Aussi, la participation se limite ici à une forme de consultation. Deux modalités de recueil de la parole habitante sont mises en œuvre : la concertation pour recueillir les doléances des habitants et l’information sur le choix des réponses appropriées. Cette démarche participative telle qu’elle est perçue par les élus rejette la compétence d’expertise de l’habitant. Il ne perçoit l’habitant qu’au travers de l’individu, qu’au travers de sa mission de gestion de la cité. Le rapport relationnel se situe sur un volet purement économique de satisfaction des besoins en ne reconnaissant dans la citoyenneté que le volet des droits civiques (droit de vote). Cela traduit la difficulté de s’adapter rapidement à des populations connaissant des situations particulières ou ayant des demandes spécifiques plus ou moins clairement affirmées. Cette même réflexion se retrouve chez certains professionnels, pour qui l’habitant apparaît incapable de s’investir durablement dans une démarche d’élaboration d’une réponse à un problème donné. (P 3) « Il faut que les gens soient bien touchés au moment où ils sont concernés et qu’on puisse leur répondre et qu’on est certain que le programme et l’action seront en mesure de répondre à leur attente dans la durée où ils sont intéressés. Oui, dans ce cas là, il faut les mettre dans le coup, il faut les mobiliser. Si on a des doutes, et si on pense que ça ne verra pas le jour avant cinq ans, je crois qu’il faut bien réfléchir. » Cette position traduit une manière de nier la compétence de l’habitant et de s’affirmer comme seul compétent à agir et à trouver les solutions. Ces pratiques de l’organisation sociale sont directement « héritées des modes assistanciels et descendants d’intervention sociale qui ne reconnaissent les personnes que pour les actions de prise en charge qu’elles inspirent.115 » En effet, les démarches participatives percutent le sens du travail social en bousculant les représentations des professionnels sur leur rôle mais aussi, en remettant en cause la légitimité autant que la pertinence des pratiques établies d’intervention sociale. 113 BEVORT Antoine, Pour une démocratie participative, Paris, Presse de Science Politique, 2002, page 16. Cité par JEHANNO Peggy, Les habitants et leur quartier, la démocratie aux citoyens… une compétence à développer : la participation au Breil Malville, mémoire MST IDS, Nantes, session juin 2004, page 17. 115 BERNOUX Jean François, Mettre en œuvre le développement social territoriale, Dunod, Paris, 2002, page151. 114 80 Pour éviter tout changement de rôle, la tentation est alors grande de rester dans une logique de « l’entre soi ». (E 1) « On a alors fait une restitution entre les élus MSA, les élus politiques et les partenaires sociaux du département, avec la communauté de communes, la totale quoi. A cette réunion, il y a eu des prises de contact avec tout le monde. C’est là qu’on a décidé de faire des soirées à thème. » L’habitant n’apparaît pas comme acteur de changement, il n’est perçu que comme le sujet des actions possibles. Il n’est absolument pas reconnu comme un réel partenaire. (P 3) « On risque de solliciter de l’espoir. Si la concertation est trop ouverte, c’est un risque ça. Permettre des espoirs alors qu’en fait dès le début si on sait qu’on n’est pas en mesure de répondre, je sais pas mais est-ce que c’est pas plus honnête de cadrer un peu les choses de dire : on consulte parce que la Communauté de Communes à l’intention de…qu’elle envisage de mettre en place un lieu de garde. Si on part de beaucoup plus loin, j’ai peur que ce soit « fourre tout » et c’est pas sûre que l’on donne satisfaction. Il faut préparer un peu les choses quand même sans avoir la solution toute faite mais savoir à quel besoin on veut répondre par exemple au problème de transport ». Il existe des freins importants à la participation effective des habitants dans la construction des projets. Alors pourquoi solliciter la participation ? Car, comme l’écrit John DEWEY,« les lois garantissant les libertés civiles telles la liberté de conscience ou la liberté de réunion ne sont guère utiles si, dans la vie courante, la liberté de communiquer, la circulation des idées, des faits, des expériences sont étouffées116 […] » Cette place de l’habitant se retrouve dans la gestion du programme et principalement dans sa réalisation concrète. Dans la procédure mise en place par la Mutualité Sociale Agricole des Côtes d’Armor, on peut noter un caractère assez tardif de la consultation des habitants renvoyée parfois après le diagnostic. (P 5) « Intégrer les habitants, pour moi c’est la troisième étape. A partir du moment où on a bien mis en place ces précautions, après, on peut s’attaquer à la population. » Or, il est indéniable que l’investissement des habitants dès le début de la démarche constitue un atout à l’appréhension des problèmes et à l’appropriation du projet. Sans cette adhésion précoce, le projet risque fort de ne pas perdurer et de se traduire concrètement par des actions ponctuelles, sans lien aucun entre elles. Et cela a fortiori, lorsque les usagers n’ont eu que peu ou pas de poids dans la décision d’engagement du programme. Cela correspond à une démarche descendante de participation puisque c’est la MSA qui sollicite la participation des Habitants. Dans ce cas on parle de participation octroyée puisque le cadre est fixé par la MSA. 2.1.3 L’habitant invisible Au travers de ces remarques, on constate qu’il existe une certaine domination des élus et des professionnels. Cette domination n’est pas une domination positionnée dans un rapport de force mais, plus subtilement, est une 116 DEWEY John, La démocratie créatrice, la tâche qui nous attend, traduit par Sylvie CHAPUT publié dans Horizon Philosophique (V, 2) 1995. 81 domination symbolique tel que l’entend Pierre BOURDIEU117. Sa théorie sociologique consiste à affirmer que certains acteurs exercent une domination dans un champ donné, sur d'autres acteurs, qui loin de ressentir cette domination comme telle, la perçoivent comme un phénomène naturel « allant de soi », voire contribuent à la maintenir. Or aujourd'hui, les rapports pacifiés entre individus et entre groupes d'individus font que ce rapport de force ne s'exprime plus directement par des actes violents. La pacification des rapports ne signifie cependant pas que la réalité sociale soit dépouillée de toute violence. Celle-ci prend alors une dimension symbolique qui fonde les rapports de domination entre individus ou groupe d'individus. Mais, cette domination, pour s'exercer, a besoin d'être légitimée, reconnue comme légitime par les dominés. (P 2) « Mettre en place une démarche participative ça ne va pas de soi. Les gens trouvent très bien que les élus prennent les décisions. Ils sont là pour ça. Ils sont élus ; et puis c’est très bien que des professionnels qui sont payés, mettent en place des actions et travaillent en direct avec des élus. » L’apathie des habitants face à l’engagement dans la construction de l’avenir de la cité apparaît ici être un argument majeur pour justifier la nécessité de sa fonction et pour légitimer sa domination symbolique. Une participation sans participants L’engagement d’actions collectives par la Mutualité Sociale Agricole s’appuie sur la mobilisation et l’implication des acteurs locaux. Par cette démarche participative, les programmes de développement social local de la MSA doivent permettre l’instauration d’un nouveau rapport entre les élus, les institutions et les habitants. Mais, force est de constater que cette société civile se dérobe face à cette injonction à s’impliquer. Ce qui frappe à première vue dans la démarche de développement social local mis en place par la Mutualité Sociale Agricole c’est le faible nombre de participants aux commissions mises en place. Le maire d’une commune nous fait remarquer le nombre modeste des personnes investies. (E 2) « Dans celle [la commission] concernant les personnes âgées, on était très peu, on était vraiment très très peu, quatre cinq personnes pas plus. Pour la commission Enfance il y avait davantage de monde et dans la commission Jeunesse ils n’étaient pas très nombreux non plus. Il y a eu beaucoup d’invitations d’envoyées mais on a eu très peu de réponses. Ils ont ciblé des gens qui risquaient d’être intéressés par le sujet mais peu ont répondu » Or il s’avère que les programmes de développement social local menés par la MSA suscitent pourtant la participation et la prise en charge par les habitants de leurs problèmes à un moment donné. Il n'en reste pas moins vrai que si participation il y a, qu’elle soit spontanée ou impulsée par l’institution, elle n'est généralement pas le fait de tous les habitants. (E 3) « Les concerter, oui mais quand on invite les habitants, on en a cinq donc c’est vrai que c’est difficile. » En effet, cette situation n’apparaît pas exceptionnelle et semble refléter la réalité des démarches de participation collective. Georges GONTCHAROFF118 précise que la mise en place d’une démarche participative concerne au maximum 3 à 4% de la population. 117 Cette théorie est exposée dans La Distinction, Critique sociale du jugement, Pierre Bourdieu, Paris, Editions de Minuit, 1979. 118 Georges GONTCHAROFF est membre de l’ADELS et ancien rédacteur en chef de la revue « Territoire ». 82 Lorsque la mobilisation est plus large, on constate qu’il s’agit généralement de mouvements ascendants et revendicatifs axés sur un mouvement d’opposition à un projet. C’est ici que l’on retrouve les notions d’enrôlement et de dégagement développées par André SAUVAGE, l’investissement du lieu ou l’investissement du lien. L’une des causes invoquées pour expliquer l’absence de participation, c’est l’individualisme. (E 5) « Je crois que les gens ne veulent pas s’impliquer, ils veulent bien qu’on crée le service mais ils ne veulent pas s’impliquer comme dans tout, que ce soit sur les associations, partout, les gens ne veulent pas s’impliquer ». Cette même interprétation est relatée par les habitants investis et engagés de longue date. (H 2) « Maintenant il y a beaucoup de gens qui veulent bien être consommateur mais pas acteur. […] Donc, ça c’est notre truc, on voudrait bien faire rentrer des nouvelles personnes et avoir du relais. » Quel que soit leur niveau d'intervention, les promoteurs de la participation des habitants, les élus et les professionnels du développement social déplorent en effet l'apathie, le retrait ou le manque de sens civique de la part des habitants, le repli sur soi, l'accentuation de l'individualisme négatif, d’une vie sociale de plus en plus anomique. (E 4) « Même en leur demandant leur avis à la limite, ça les passionne pas. Je crois qu’il y a une forme d’égocentrisme qui me chagrine beaucoup moi. » En outre, l’efficacité des groupes ou commissions de travail demeure parfois limitée par leur composition même et par l’absence des populations qui seraient les plus concernées par la démarche. (E 5) « Les personnes qui ont répondu ce sont des gens qu’on a du un petit peu stimuler pour répondre soit par l’aide ménagère des personnes âgées qui apportait, qui a aidé à remplir le questionnaire, ou certains qui avaient de la famille derrière qui les poussait un petit peu à répondre aussi ». Sans mobilisation des habitants, la participation citoyenne reste, en effet, un ensemble vide. Face aux deux projets que nous avons retenus pour l’étude, l’un était initié par les habitants. La participation est alors, revendiquée pour obtenir une reconnaissance. Ces habitants se sont auto-organisés pour mener une action. Nous nous situons ici dans un mouvement ascendant. A contrario, l’offre de participation formulée par la MSA dans le second programme a cherché à rencontrer les habitants, à les faire participer à un processus formulé par les institutions. Dans ce cas, la participation des habitants est moins importante. Ici, l’offre de participation se situe dans un mouvement descendant. Pour que la participation de type citoyenne puisse s’établir, il faut qu’il y ait rencontre entre le mouvement ascendant et le mouvement descendant. Aussi, l’appropriation du processus participatif passe autant par la mobilisation des habitants que par l’acceptation de la revendication par les élus. Une participation des plus inclus La citoyenneté locale est directement confrontée au statut social. Par expérience nous savons que les dispositifs participatifs, apparemment bien construits, peuvent, dans la pratique, s'avérer socialement sélectifs. En effet, faute de moyens culturels, faute d’expérience également, la participation active à de telles réunions apparaît loin d’être évidente pour nombre de catégories sociales. (P 2) « Clairement, les gens qui venaient, porteur de projet c’était pas forcément les gens les plus démunis. » 83 Effectivement, ce sont alors souvent les personnes les mieux « insérées » socialement et/ou culturellement, les plus investies localement ou dans le tissu associatif, les représentants d’associations, les nouveaux ruraux ayant eu un passé associatif, en milieu urbain… qui « colonisent » en quelque sorte les groupes de travail. Cela est notoire, tout autant au niveau de la réalisation du diagnostic que de la conception des actions à engager. (P 4) « Les parents qui participaient étaient déjà investis dans d’autres activités sur la commune. Ils participaient à peu près tous. Peut être qu’il y en avait qui étaient moins impliqués que d’autres. Oui, il y en avait qui étaient très impliqués et d’autres un peu moins mais je pense qu’il n’y en avait pas beaucoup qui étaient en dehors du système associatif. » Le constat fait qu’ils s’imposent alors, comme les seuls relais de la demande sociale. (P 2) « Je ne crois pas que l’on puisse faire émerger les besoins de tout le monde. Si derrière ça, c’est s’interroger sur la population des plus démunis, ben par définition, ils ne participent pas. » Aussi, comme le fait remarquer, Mathias LE GALLIC, « l’offre de participation, qui vise pourtant au vivre ensemble est à l’origine d’une nouvelle forme de sélection sociale 119». (P 4) « Il y a quelques familles qu’on a réussi à faire venir parce qu’on ne voulait pas que ce soit une activité d’élite. C’est vrai que le but, c’est que ça profite à tout le monde et ceci dit c’est très difficile. Il faut de la vigilance et trouver le relais qui amène la personne à venir ». Les outils mis en place dans le cadre du programme de Développement Social Local ne doivent en aucun cas être considéré comme une finalité de la participation car on exclurait alors toutes les autres formes d’implication. C’est pour cela que le processus participatif mis en place par la MSA doit être considéré uniquement comme l’un des moyens de la concertation et qu’il convient de mener une réflexion sur les autres vecteurs de participation. En effet, en dépit des concepts théoriques, comme ceux d’Alain SAUVAGE120, de faire de l'habitant un nouvel acteur central de la "civilisation postindustrielle" comme l'était l'ouvrier dans la "civilisation industrielle" se cache, derrière la notion d'habitant, des réalités sociales et économiques variées. D'où une autre question : à quel type d'habitant s'adressent les actions de participation impulsées par les institutions ? (P 4) « Moi, je pense qu’on ne pourra jamais faire participer tous les gens. Il n’y aura jamais tous les gens à participer. C’est vrai que ce sont souvent les plus dynamiques, les plus engagés que tu vois, c’est toujours la même chose, c’est toujours ces gens là qui vont venir. Maintenant est ce qu’il faut sous prétexte que les autres ne viennent pas, se priver du dynamisme de ceux là ? » (P 4) « C’est vrai que tu mobilises un faible pourcentage de la population mais est-ce un problème, l’essentiel c’est que ça marche. » La question est bien alors de savoir ce que l’on veut faire avec les outils que l’on utilise. Dans ce cas, (P 4) « La question se pose de savoir s’il fallait que les gens qui étaient là aillent voir ceux qui n’étaient pas là. Ça ne s’est pas concrétisé mais effectivement on avait soulevé ça que les parents aillent visiter un petit peu les autres pour leur demander leur avis si ça les intéresse ou pas. » 119 120 LE GALIC Mathias, La démocratie participative-Le cas nantais, Paris, L’Harmattan, 2004, page 136. SAUVAGE Alain, Les habitants, de nouveaux acteurs sociaux, Paris, L’harmattan, 1992. 84 En effet, « Une immense majorité de la population n’est même pas effleurée par les injonctions à la mobilisation qui sont supposées lui être faites121 ». (P 5) « Au niveau du développement, c’est plus dur parce que ce n’est pas les mêmes préoccupations qu’en individuel ou l’on touche souvent des personnes fragilisées et qui ont des préoccupations primaires. J’exagère mais qui est de l’ordre de la survie. […] C’est confirmé par la réalité, il y en a très peu dans les commissions, assez peu, voire même pas du tout. Les personnes suivies sur le plan individuel ne viennent pas. » Au regard des constats effectués, on notera que la démocratie ne se suffit pas. Pour exister, il faudrait agir sur deux niveaux, les habitants et le contexte. Car, le levain de la démocratie véritable réside dans la participation citoyenne. Cette volonté participative n’existe pas si le sentiment de pouvoir pour influer sur le cours des décisions est perdu. Il faudrait que les habitants retrouvent cette volonté de pouvoir qui est le catalyseur de la participation. Or, cette émotion semble avoir été perdue dans les dédales de notre société moderne. Mais, pour renaître, ce pouvoir doit, dans le cadre du Développement Social Local, s’afficher dans le concept de l’Habitant-citoyen s’il ne veut pas être passablement réduit à un pouvoir d’usager ou de client. La volonté de considérer l’individu dans sa fonction d’usager remet en cause sa compétence habitante en le considérant spécifiquement « en fonction des besoins de l’organisation, en fonction des exigences fonctionnelles des membres de l’organisation122 […] » Aussi, sans formalisation de l’avis rendu par les participants, sans prise en compte officielle de cet avis, sans argumentation écrite des motivations, de son adoption ou de son rejet, la règle de l’élu décideur s’oppose quasiment à la règle de la participation. En l’absence de transparence du processus de décision, la participation se résume à une seule écoute. Il ne s'agit pas non plus de contester la légitimité du suffrage universel et de la démocratie représentative. Mais, il nous faut penser les conditions permettant d'intégrer les multiples acteurs au processus de décision en concevant la prise de décision comme un processus englobant l'avant, le pendant et l'après du programme de développement social local. Car, pour que le processus participatif soit efficient, il faut qu’il y ait (P 2) « une transformation des rôles de chacun. Celui qui a le pouvoir de décision doit le partager un peu et celui qui ne l’a pas doit bien vouloir en prendre un petit peu. […] il faut prendre du temps, certains acteurs trouvent cela pas mal et si des décideurs veulent bien le faire, si la population veut participer, prendre un peu de pouvoir, dans la décision, alors petit à petit ça se construit. C’est une transformation, un changement social et culturel. » 121 « Des outils pour qui et pourquoi faire ? », Territoires, mai 2002, page 23. GODBOUT Jacques, La participation contre la démocratie, Montréal, éditions coopératives, collection « pratiques sociales », 1983, page 175. 122 85 2.2 Une laborieuse mutualisation des savoirs C’est bien parce qu’ils disposent de la compétence et du savoir faire, que certains acteurs peuvent conquérir une place plus forte au sein des instances de concertation. En effet, entre l’élu local, le professionnel et l’habitant ordinaire, il est clair que l’un des acteurs au moins aura peine à se faire entendre. Aussi, le principal risque qu’il est possible de rencontrer au sein du processus participatif touche à l’utilisation de cette compétence à des fins de domination. Cette domination repose alors sur la concentration de l’information et du pouvoir de décision par certains acteurs au sein de l’organisation du programme. L’acte de mutualisation peut apparaître comme un risque de perte de prérogatives et de reconnaissance, tant pour les professionnels que pour les élus. Nous retrouvons ici les enjeux autour de la transmission des informations liées au programme mais aussi au processus participatif. 2.2.1 Des règles du jeu floues La mise en place des actions participatives impulsées par les institutions concentre davantage l'attention que leur extension et leur appropriation par les habitants. En effet, la meilleure façon de décourager les habitants à participer aux actions est de leur faire comprendre qu’ils ne sont pas armés pour participer au débat. Ainsi, on peut remarquer un manque de clarté dans les buts du processus participatif, une absence d’information sur la philosophie de l’action, un défaut de limpidité et de transparence sur les possibilités offertes, une insuffisance de précision du rôle de l’habitant. (H 1) « Quand je suis allée à la première réunion, j’ai demandé, je ne comprenais pas bien, je voulais comprendre ce qui se passait, parce que en tant qu’habitante, on n’en avait pas entendu parler ». Il y a une difficulté à remplir le premier niveau de la participation, l’information, lorsqu’on se réfère aux travaux théoriques sur les échelles de participation. Les personnes appelées à participer doivent être positionnées face à un objectif clair. Or, les propos relevés lors de l’enquête font état d’une ambiguïté et d’un manque de connaissance de la démarche de développement social local et de l’outil participatif. (H 1) « […] On était actives mais sans savoir où on allait, le bien fondé où ça allait nous mener, je crois pas qu’on était actives à cent pour cent, c’est pas nous qui menions vraiment la barque. Mais on n’avait pas les éléments» L’information apparaît partielle voire partiale. Il y a alors une asymétrie informationnelle entre les habitants, les professionnels et les élus. (H 5) « Moi je dirais oui, ça peut aider effectivement [d’être informé sur les buts du programme] dans notre cas on se sentait membre actif tout en ne sachant pas vraiment ou on allait c’est comme ça que moi je l’ai vécu en tout cas. » De même l’initiateur du projet doit-il être précis sur ses buts et clair quant à ses objectifs. (H 1) « A partir de ce moment là, il allait vraiment se créer un Relais Assistante Maternelle 86 parce que avant on nous parlait de projet, on n’arrêtait pas de nous dire voilà, c’est un projet qui n’allait peut être pas se mettre en place donc on ne savait pas trop en fait » 2.2.2 Où informer n’est pas « communiquer123 » La mise en place d’un diagnostic participatif et de commissions de concertation au sein des programmes de Développement Social Local de la Mutualité Sociale Agricole passe par l’apprentissage de chacun à gérer sa parole et maîtriser les autres modes d’expression. Mais, lors de la mise en place de ces actions nous constatons très souvent une insuffisance dans la communication, un manque de pédagogie et une absence totale de processus formatif. Ce manque général d’attention aux habitants pourrait expliquer, en partie, le peu d’engouement pour l’offre de participation. L’une des causes en est la manière dont l’information est délivrée. L’absence de maîtrise des processus communicationnels fait peut être défaut aux professionnels. Plus encore elle est le fait même du programme qui ne prévoit pas et n’autorise pas ce temps d’information. L’idée même de diagnostic participatif, caractéristique du programme de développement social local, induit l’idée que les habitants sont au même niveau de conscience du processus participatif que les professionnels. Pourtant, il n’est qu’à remarquer les stratégies utilisées pour informer, pour mobiliser et pour associer124 les élus politiques. Pense t-on alors que les élus en ont plus besoin que les habitants ? La capacité à participer à une démarche ou plus largement à s’impliquer dans la vie locale suppose de disposer d’un minimum d’informations. (H 5) : « Je ne vois pas de frein, je crois surtout que c’est un manque de communication, ils ne savent pas réellement ce que c’est et ce qui est mis en place, pour moi c’est plus ça ». Cet aspect constitue le préalable à toute forme de participation et détermine la place que peuvent prendre les habitants. Cela suppose que l’information doit être continue, dans la mesure où elle accompagne les habitants dans toutes les phases, et surtout qu’elle doit être adaptée aux différents publics. Mais, cette information reste souvent introuvable. (H 1) « C’est par l’intermédiaire de ma nourrice, qui est une amie maintenant et qui m’avait signalé qu’il y avait cette création éventuelle d’un RAM125 en fait et elle m’a dit, et bien pourquoi tu viendrais pas aux réunions éventuellement ? donc ça a démarré ; il y a quoi un an et demi à peu près ». Les professionnels adhèrent à cette remarque en signalant que, souvent, les informations se font de manières indirectes. Cette connaissance dépend aussi de la volonté et de la capacité des habitants à la rechercher. (P 1) « Pour moi non il y avait simplement des informations presses. A chaque fois qu’il y avait des réunions il y avait des articles de presse. C’est tout ». Pourtant, la communication est le complément nécessaire à la mise en place d’un dispositif de concertation. Il est évident et indispensable de communiquer pour prévenir de 123 On entendra le terme « communiquer » dans son sens rendre commun, transmettre. Expression reprise à P 5 ; 125 RAM : Relais pour les Assistantes Maternelles 124 87 l’existence des dispositifs et pour rendre compte du travail accompli ainsi que témoigner de l’efficacité de la concertation. Il apparaît important de montrer que la démarche participative est rapidement suivie d’effets concrets. Cette information constitue une forte incitation à la participation. A l’inverse, laisser les citoyens se réfugier derrière l’impression qu’il ne s’agit que de belles paroles est la cause de démotivation de ceux qui participent déjà et un frein évident pour ceux qui auraient souhaité s’engager. Le manque de communication, le manque de clarté dans les procédures, le manque d’efficacité dans les résultats sont autant de défaillance qui ne favorisent pas l’investissement dans le dispositif participatif. (H 1) « Mieux expliquer les objectifs, les attentes, laisser plus la parole aux gens, il y a plein de choses, mais personne ne savait vraiment ou il allait en fait c’est ça aussi, les élus ne savaient pas vraiment où ils allaient, c’est un peu nouveau en fait finalement, il faut un minimum d’objectifs […] c’était trop nouveau. » Les professionnels proposent une solution à ce constat. (P 2) « Il faudrait une phase pour trouver le moyen de faire venir les gens et une phase pour apprendre qui ils sont. Et ça, ce n’est pas dans le programme. Il faut que tu passes du « je » au « nous » et que les gens passent du « moi » au « on ». » (H 1) « Je trouvais qu’il n’y avait pas d’énergie. En fait, on assistait aux réunions, c’était très intéressant mais on ne voyait pas vraiment le but et ce qui est dommage c’est qu’on a vraiment senti qu’ au moment où ça allait se mettre en place, notre groupe a été mis de côté. » En effet, on ne participe durablement à la vie locale que si les actions sont porteuses de sens et si l'on dispose d'un pouvoir permettant de prendre part au processus de décision, autrement dit, de peser sur l’élaboration et la mise en œuvre du projet. La participation n’est en rien l’absence d’enjeu ni de négociation. Il nous paraît très discutable d’inviter à la participation si nous gardons cachées les intentions du projet. La participation se transforme alors en manipulation. (H 1) « Pour moi non, mais on n’avait pas les éléments […] on n’était pas au fait de tout on savait bien aussi qu’il y avait des choses qui nous échappaient ». cette participation suscitée, pour reprendre les termes d’Albert MEISTER126, se transforme en organe de consultation pour valider une décision. 2.2.3 Une concertation maîtrisée Ainsi, il est possible, sous un couvert de participatif, de ne pas faire participer. La citoyenneté ne peut se développer que si les acteurs locaux ont le sentiment de pouvoir agir sur leur cadre de vie collectif. Il est donc indispensable de proposer des moyens d'action concrets. La citoyenneté locale ne peut se faire que dans l’échange verbal. Pourtant force est de constater que si concertation il y a, elle reste sous la maîtrise des institutions ou du milieu politique. 126 Cité dans ce document page 59. 88 Une participation formelle La participation est formelle puisqu’elle ne peut se développer dans le sens d’un objectif maîtrisable par les participants. En effet, le choix des pistes retenues et des axes de travail restent souvent du domaine des élus ou des professionnels. (E 1) « On a fait un questionnaire assez simple. On l’a distribué aux gens qui devaient nous le retourner. On a eu un peu plus de 30% de retour. Dans le traitement on a dégagé cinq ou six pistes. Le questionnaire portait sur la petite enfance et les modes de garde, sur une garderie. » Le choix des thèmes abordés dans le questionnaire reste du ressort des élus et des professionnels. On ne cherche pas à faire émerger les besoins réels des populations mais bien plus à valider des axes d’une politique déterminée. (E 2) « On a cherché au départ à établir des priorités dans les besoins en fait bon il y avait des projets politiques que l’on avait établis, la politique jeunesse, la politique personnes âgées, encore un autre… ». L’objectif est alors de rechercher et d’obtenir l’adhésion, la confirmation des choix établis afin d’entériner les actions. (H 4) « Ils ne concertent jamais les parents, ils font à leur sauce et une fois que leur sauce est faite et bien ils vont nous la donner, à nous d’accepter. » La participation est ici renvoyée à une idée de validation voire de simple consultation. Mais plus encore, c’est la rigidité du cadre fixé par les programmes qui freine la concertation. (P 1) « Je me rappelle simplement d’une réunion de la commission enfance jeunesse ou on avait invité les enseignants, les responsables d’associations et là il y avait eu du monde. […] Et c’était bien car eux quittaient l’esprit PARM. Ils avaient des choses à dire mais à chaque fois nous on devait recadrer ça et c’est là que c’était compliqué dans le programme PARM. Cela ne pouvait pas être une libre parole qu’on prenait et à laquelle on s’adaptait. Il fallait à chaque fois faire une gymnastique pour voir comment cela pouvait se situer dans un programme PARM. Le cadre était assez rigide il fallait respecter il y avait des délais dans le temps pour fournir des fiches de projets pour avoir l’argent à la clé, c’était quand même très balisé. » Une participation cloisonnée La consultation se fait sur des thèmes et des sujets préalablement fixés, en ce sens, on peut parler d’une participation cloisonnée. (P 1) « Il y avait nécessairement quatre commissions mises en place. Il fallait dans la première étape trouver des gens qui veuillent bien être dans le comité de pilotage. » « Le découpage des territoires en tranches de problèmes et en rondelles de solutions appauvrit l’initiative et relègue la participation au rang de la consommation.127 » Cette manière de développer la concertation s’emploie à légitimer un programme d’action préétabli en conjurant la conflictualité des forces constituées qui pourraient s’opposer à sa réalisation. Il s’agit ici d’une approche sectorielle et globale sur le territoire de l’usager et de l’habitant entre le manque et les ressources. 127 BERNOUX Jean François, Mettre en œuvre le développement social territorial, Paris, DUNOD, 2002, page 134. 89 Tableau n°8 : D’une conception à une perception de l’individu Conception sociale Approche du sujet Perception de l’individu APPROCHE SECTORIELLE Territoire de l’usager Lieu du manque, déficit, du défaut du APPROCHE GLOBALE Territoire de l’habitant Lieu des ressources et des potentialités Il y a un paradoxe à vouloir informer les habitants en les laissant dans l’impossibilité de participer aux choix des axes de réflexion. Sinon à penser que l’habitant-citoyen doit être extérieur à la production de l’action. Il est alors considéré comme consommateur de service et renvoyé à l’extériorité du simple client c'est-àdire dans une relation fixée au niveau de l’échange et des valeurs marchandes du projet. Entretenir l’idée que la proximité serait garante de plus de citoyenneté par la seule écoute des doléances peut être aussi une illusion. La participation est une interaction entre les habitants, les élus et les professionnels. L’enjeu du processus participatif réside dans le passage à un véritable espace de négociation laissant plus de place au débat et mettant en discussion des objectifs ou des choix collectifs. (H 1) « Je pense que si on part des gens pour leur demander de faire des choses, il faut pas leur imposer des choses. Il faut leur donner envie de faire quelque chose et qu’ils se sentent investis ça n’a rien à voir » C’est dans l’équilibre entre le droit de la personne à revendiquer et son devoir de citoyen à participer que peut naître une démocratie de co-production128. Une participation sous contrôle La participation des habitants comme principe d’action général vise à introduire un autre mode de définition de la demande sociale où ce qui compte ce ne sont plus les représentations et les catégories des professionnels où des institutions mais celles des populations à qui ils s’adressent. Mais, il n’est pas si simple d’abandonner le contrôle sur les actions à mener. (P 1) « La MSA garde le pouvoir de valider les actions par les fiches de projet. Dans le comité de pilotage, il y avait toujours en arrière plan, la vérification que c’était bien dans l’esprit PARM. Le financement n’était versé que si cela correspondait bien aux commissions du PARM. » Pour cela, les choix effectués au sein des commissions mises en place sont soumis à la surveillance des élus politiques et à l’approbation de l’institution MSA. 128 CHAUVIERE Michel, GODBOUT Jacques (sous la direction de), Les usagers entre marché et citoyenneté, Paris, L’Harmattan, 1992. 90 (P 5) « Les commissions c’est plutôt des propositions et le comité de pilotage valide car dans le comité de pilotage tu as la présence de politiques. C’est là que se fait l’articulation avec le président de la communauté de communes » L’animation des différentes réunions de travail par le seul conducteur de projet est sans doute discutable, au regard notamment de l’objectif d’autonomisation des populations visées par les démarches de DSL. (P 4) « Moi je trouve que dans les réunions des commissions, quand tu fais des programmes, tu dois quand même avoir une certaine efficacité. Il faut que tu vises une certaine efficacité dans tes réunions sinon tu peux parler pendant des heures, et faire des réunions et des réunions qui n’aboutissent à rien. Il faut que ça bouge, il faut que ça avance, moi je suis comme ça et donc ça se ressent dans ce que je fais. » Elle pose la question incontournable du niveau de délégation à promouvoir, de la démarche pédagogique à développer auprès des différents partenaires à l’action. Mais, une tendance s’affirme vers la construction d’un débat par délégation entre « ceux qui sont réputés avoir les compétences et les savoirs modernes129 ». (P 3) « La démarche de participation, c'est viser une participation directe de tous les acteurs. […] nous avons plutôt œuvré à partir de relais, de personnes relais. Cependant, ils sont bien représentants de la population. Ils sont venus avec des besoins qu’ils ont exprimé qui étaient ceux de la population. Des représentants pas démocratiquement élus mais des représentants quand même émanant soit du milieu associatif ou professionnel. Je pense que la démarche participative ça doit être effectivement d’avoir accès aux habitants, c’est recueillir l’avis et l’adhésion des habitants, des gens pas forcément impliqués dans les associations, d’aucun titre et qui sont prêts à s’engager dans un programme. » Ainsi, il est possible d’affirmer qu’il n’y a pas une volonté réelle d’implanter un nouveau mode de définition de la demande sociale mais plus de mener une démarche d’actions dans le cadre d’une activité de « gouvernance ». (E 2) « On a cherché au départ à établir des priorités dans les besoins en fait bon il y avait des politiques, la politique enfance, politique personnes âgées, encore un autre, la politique jeunesse ». Elle a pour principale conséquence d’écarter les principes de la participation et de limiter l’innovation. Les professionnels se positionnent en interlocuteur exclusif des élus légitimant son rôle et sa place. (P 5) « On peut leur apporter, car les élus ont quand même envie d’avoir les échos de leurs électeurs donc nous on peut leur apporter ça en travaillant sur la participation pour qu’ils aient des remontées. Car ils n’ont pas toujours le temps. Ils ne savent pas forcément. Je crois que c’est là-dessus qu’il faut jouer » Le diagnostic social renforce le rôle des spécialistes et augmente le poids des approches quantitatives au détriment d’approches davantage fondées sur des témoignages directs d’habitants et des processus de restitution collective. (P 4) « Je 129 GAUDIN Jean-Pierre, Politiques urbaines et négociations territoriales, quelle légitimité pour les réseaux de politiques publiques ?, Revue Française de science politique, n°45, page 31-56. 91 trouve que nous on a un gros travail à faire dans ces commissions là si on veut que ça apporte sinon on tourne en rond. » Cette démarche est expliquée en invoquant les contraintes techniques, des nécessités d’efficacité sous le prétexte principal des contraintes liées au temps. (P 1) « Après dans la réalisation pratique, c'est-à-dire avec des dates à respecter c’est très dur de mobiliser la population et si on avait pris le temps nécessaire, les dates auraient été largement expirées avant que l’on ait fourni des fiches de projet. » et de rajouter « les échéances étaient trop courtes pour avoir le temps de mobiliser les responsables locaux et la population. » A ce niveau, nous sommes en présence d'un double processus de reconnaissance et de méconnaissance, qui fournit aux différentes formes de domination, leur légitimité. Nous touchons ici à la perversion extrême de la domination symbolique, qui contrairement à une domination réelle vécue comme telle, ne se donne pas à penser, et n’est pas vécue comme une domination. Ici, les personnes susceptibles d'exercer une domination symbolique sur les autres membres du collectif tirent leur légitimité du savoir et/ou des compétences qu'ils font valoir. L'autorité qu'ils exercent, parfois à leur insu peut être analysée selon les modèles formalisés par Max WEBER130. « Il existe en principe […] trois raisons internes qui justifient la domination, et par conséquent il existe trois fondements de la légitimité. Tout d'abord l'autorité de « l'éternel hier », c'est-à-dire celles des coutumes sanctifiées par leur validité immémoriale et par l'habitude enracinée en l'homme de les respecter. Tel est le « pouvoir traditionnel » […]. En second lieu l'autorité fondée sur la grâce personnelle et extraordinaire d'un individu (charisme) ; elle se caractérise par le dévouement tout personnel à la cause d'un homme et par leur confiance en sa seule personne en tant qu'elle se singularise par des qualités prodigieuses […]. C'est là le pouvoir « charismatique » […]. Il y a enfin l'autorité qui s'impose en vertu de la « légalité », en vertu de la croyance en la validité d'un statut légal et d'une « compétence » positive fondée sur des règles établies rationnellement, en d'autres termes l'autorité fondée sur l'obéissance qui s'acquitte des obligations conformes au statut établi ». Ainsi, les professionnels, mais aussi les élus, détiennent un savoir qui leur confère une autorité de type légal. Toutefois, certains habitants, par leur engagement précoce dans le processus participatif ou par leur place à l’origine du projet, acquièrent une forme hybride de légitimité. Celle-ci est faite d'autorité dite traditionnelle où le poids des années antérieures et de l'expérience pèsent en leur faveur. A cela s’ajoute l’autorité presque charismatique où il semble que l'implication très importante de l'individu, dans le suivi et le déroulement des projets soit perçue comme facteur de légitimité. Cette forme de domination symbolique se retrouve dans les groupes d’habitants ayant été à l’initiative d’un mouvement de revendication. Cependant, cette situation de domination symbolique au sein des programmes de Développement Social Local de la MSA reste ambiguë dans la mesure où les commissions mises en place au terme du diagnostic étaient ouvertes à tous. 130 WEBER Max, Le Savant et le Politique (conférence donnée en 1919), Paris, Plon, 1959, page 101. 92 2.3 Une cohabitation d’intérêt contradictoire La question de la participation peut être abordée invariablement comme un fait social, ou comme un instrument qui permet de mettre en adéquation, dans la mesure du possible, les besoins des populations et les ressources nécessaires. Dans un cas, la volonté sera de créer les conditions permettant à tous et à chacun de prendre part, en quelque sorte, à des actions communes ou collectives. Dans l’autre cas, il s’agit simplement et souvent d’appréhender, de manière plus ou moins rationnelle la demande ou plutôt les demandes sociales. 2.3.1 Une motivation des habitants basée sur l’intérêt personnel A l’époque médiévale et moderne, « la démocratie locale s’est développée [au sein des villes et villages] sous la forme d’une participation directe et active des citoyens aux décisions 131». Une assemblée générale des habitants était régulièrement réunie pour débattre des problèmes et émettre un avis. Mais, aujourd’hui, la réalité montre que l’investissement spontané de la population pour la cité n’est plus évident. Des raisons économiques, sociales, culturelles sont évoquées comme frein à la participation. « Les replis identitaires, familiaristes, communautaristes ne favorisent pas l’engagement collectif des habitants d’un même lieu au-delà de toutes les singularités, de tous les particularismes 132». Si cela était possible, cela démontre que l’esprit et la pratique participatifs n’ont pas un caractère inné. Mais, comme participation et citoyenneté ont déjà fonctionné au sein de l’Agora grecque, on peut imaginer que l’un et l’autre s’apprennent et s’acquièrent. Il existe donc une pédagogie de la participation. Baruch de Spinoza écrivait « on ne naît pas citoyen, on le devient ». Participer, s’impliquer dans la vie publique n’est pas dans l’ordre naturel des choses. C’est un aboutissement culturel. C’est un apprentissage. Le rapport collectif de 1990 de la Direction Interministérielle à la Ville133, « Les modalités d'implication des habitants dans les politiques publiques urbaines134 » ne dit pas autre chose lorsqu'il évoque la participation des habitants. Selon ses auteurs, elle n'est pas un phénomène spontané. En effet, l’implication dans la vie publique apparaît totalement étranger à la culture de l’habitant. Aussi, les commissions mises en place au sein du programme de développement social local ne doivent être considérées que comme un moyen de concertation, et non comme une finalité de la participation, car cela voudrait dire que l’on exclut toutes les autres formes de participation. Ainsi, les autres modes de participation sont à valoriser pour construire progressivement une identité citoyenne valorisante. De plus, il ne semble pas pertinent de mettre à l’écart les personnes ne souhaitant pas s’impliquer dans des commissions institutionnalisées. 131 LE GALIC Mathias, La démocratie participative-Le cas nantais, Paris, L’Harmattan, 2004, page 127 « Les habitants dans la décision locale », Territoires, sept-oct 1999, page 14. 133 D.I.V. 134 Rapport rédigé par H. Millet, C. Jacquier, J. Ion, P. Estèbe et M. Hersent 132 93 (P 2) « On parle de participation comme si cela était une nécessité. Mais la première chose à faire, c’est de trouver un intérêt, de rechercher l’intérêt individuel […] un intérêt pour faire participer les gens. Il faut qu’ils y trouvent un intérêt pas un besoin. On s’individualise. Si tu veux faire participer, il faut se rapprocher des intérêts individuels […] Il faut donc se rapprocher des préoccupations et des intérêts des habitants pour répondre aux besoins » La participation des habitants à un programme de développement social local ne signifie pas pour le citoyen la découverte de l’altruisme. Il poursuit plutôt ce que Tocqueville désigne comme « un modèle de l’intérêt bien entendu135 », où l’intérêt personnel est porteur d’une motivation à sa participation, mais n’est toutefois en rien une finalité. Les préoccupations pour s’investir ou s’informer sont rarement en liaison directe avec les généreuses valeurs attendues d’une telle démarche, en l’occurrence l’intérêt général, l’altruisme, la solidarité avec son prochain. Ces valeurs ne font pas partie des desseins qui poussent à participer. Cependant, dans les motivations à participer, les « petites idées étriquées » ne sont pas les seules idées motrices. La curiosité, la recherche d’information, la volonté de prendre davantage part à la vie locale, d’être reconnu, de ne pas rester isolé sont des intentions présentes chez les participants alors même qu’elles restent parfois un peu cachées. (H 1) « Moi j’y suis allée comme ça en me disant pourquoi pas et puis aussi de part ma profession, j’étais intéressée par ce qui pouvait se passer dans la commune pour la petite enfance » Aussi, pour fonctionner, les appels incantatoires à participer doivent répondre à l’exigence citoyenne d’un contenu pragmatique extrait de ses enjeux de pouvoir. (P 1) « J’avais plus l’impression qu’il y avait une lutte de pouvoir qu’une volonté commune de mettre en place quelque chose de cohérent pour le bien de tous ». En effet, les habitants ne s’investiront dans la vie locale que si les actions sont porteuses de sens et s’ils disposent d’un pouvoir permettant de prendre part au processus de décision, autrement dit de peser sur l’élaboration et la mise en œuvre du projet. Il faut stimuler l’intérêt en créant les conditions d’appropriation de ce sentiment de pouvoir, seule réponse pour faire émerger une volonté. (H 1) « Je crois que quand on veut on peut. Quand on a vraiment envie de quelque chose on trouve le temps, on trouve la motivation. C’est un état d’esprit. Je crois peut être qu’elles n’ont pas trouvé leur intérêt » Ainsi parfois, (P 2) « On atteint la parole des personnes présentes intéressées pour participer à un moment donné, à une action qui les intéresse. Tu sais pas trop pourquoi parfois tu atteints la parole des habitants. Ça relève un peu du mystère du système participatif. Mais, on n’atteint pas l’absolu. » 2.3.2 Des professionnels ancrés à une logique de mission Faire des propositions qui n’ont pas seulement pour objet de répondre à la demande d’une personne n’appartient guère à la culture professionnelle des travailleurs sociaux, et particulièrement à celle des assistants sociaux. La logique du projet et la participation à la construction d’objectifs communs constituent une 135 Cité par BEVORT Antoine, Pour une démocratie participative, Presse de Science Po, 2002, page 85-86 94 transformation importante dans la position du travailleur social, et une évolution dans l’acte professionnel lui-même. Alors qu’il apparaît que la participation des habitants reste une pratique difficile d’accès, on pourrait penser et on s’aperçoit, qu’elle est parfois occasionnée davantage par le refus institutionnalisé des opérateurs sociaux que par celui des populations elles-mêmes. Dans les administrations, culturellement l’habitant est conçu plus comme l’objet de l’action que comme sujet de l’action. (P 4) « C’est à nous d’orienter les choses de façon positive pour qu’elles deviennent constructives. » La participation des habitants, se situe à contre-courant d’une logique d’assistanat puisqu’elle s’efforce de valoriser les capacités des habitants à prendre elles-mêmes en charge les problèmes du territoire. Du coup, les axiomes qui ont guidé jusque-là l’action des travailleurs sociaux sont remis en cause. Ils doivent passer d’une intervention sur les besoins et les prestations à une gestion des relations sociales. D’où un positionnement du professionnel qui oscille entre une éthique de conviction et de responsabilité tel que l’a conceptualisé Max WEBER136. L’éthique de conviction « se fonde sur la force des idées qu’on défend, des finalités qu’on vise, du devoir qu’on accomplit137 » ; l’éthique de responsabilité « envisage prioritairement les conséquences de ce qu’on dit ou fait 138». Ces deux attitudes éclairent le débat entre la fin souhaitée et les moyens mis en œuvre. L’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité interrogent « l’homme authentique139 » dans le rôle et dans les choix qu’il doit effectuer face à une situation concrète. En effet, une fin « juste » et « bonne », justifie-t-elle n’importe quels moyens ? Pour expliquer l’éthique de conviction, Max WEBER fait un rapport avec la religion : « dans un langage religieux, nous dirons : le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action, il s’en remet à dieu. » A contrario, l’éthique de responsabilité se fonde entre fins et moyens en déplaçant le jugement de valeur sur les effets. Le professionnel se trouve écartelé entre son éthique de conviction et son éthique de responsabilité. Il se trouve tiraillé entre deux tendances, l’une qui privilégie la fin d’une action, l’autre ses conséquences. En d’autres termes, il doit effectuer un choix entre ses principes et les faits, entre les moyens et les résultats. Bien entendu la rupture n’est pas aussi franche et le choix pour le professionnel est plus nuancé, il se situe plus dans l’articulation entre ces deux attitudes. D’autre part, le fait d’entreprendre une action de connaissance sociale fixe déjà les rôles et la maîtrise d’œuvre. La population peut être mise en difficulté en ne repérant pas distinctement la place qu’elle pourrait occuper. De plus, l’utilisation du questionnaire travestit la participation en sondage d’opinion et illustre bien la difficulté pour les institutions d’établir des relations de projet, par opposition avec les relations de traitement de problèmes. Enfin, l’élaboration d’un questionnaire, sa diffusion et son exploitation, nécessite un savoir-faire spécifique que peu de personnes possèdent. 136 WEBER Max, Le savant et le politique, Paris, Plon, 1959. HATZFELD Hélène, Construire de nouvelles légitimités en travail social, Paris, Dunod, 1998, page 48. 138 Ibid. 139 WEBER Max, Le savant et le politique, Paris, Plon, 1959. 137 95 Une confusion résulte d’une utilisation des programmes comme un système de réponses à apporter à des besoins sociaux habituellement rencontrés sur les territoires ruraux, ou perçus au travers de l’expérience professionnelle quotidienne des travailleurs sociaux. (P 3) « On a voulu mettre en place une commission personnes âgées et finalement il n’y avait rien dedans et personne n’y a participé. En fait, la commission personnes âgées n’a pas fonctionné et elle s’est retrouvée dans la commission vie associative. Je pense qu’on a dû avoir des velléités, même au travers du diagnostic, de travailler sur ce thème. » Cette vision tronquée de la réalité guide la pratique participative et cherche à susciter l’adhésion des populations concernées. (H 1) « Pour moi c’est un projet qui vient des élus. […] ça ne vient pas des habitants. Pour moi ils n’ont pas ce besoin ou ils ne l’auraient pas pensé comme ça, ni les assistantes maternelles. […] Même elles en fait, appréhendent ce projet. » Le Développement Social Local n’est plus alors qu’un outil d’aide à la construction d’un système de réponses avec la participation des habitants s’appuyant sur l’identification de leurs besoins spécifiques. (H 1) « C’est toujours le même problème, je saurais pas dire si les gens en voulaient mais c’est ça, est ce qu’on part réellement de la demande des gens » 2.3.3 Des élus à la recherche d’une participation civique L’implication n’est pas la consultation. Ainsi, dans la vie d’une cité, tout ne participe pas de la démarche de projet. On attend alors des habitants qu’ils passent d’une extrême à l’autre, en acceptant de se limiter à de l’information sur la majorité des sujets qui les concernent et qu’ils trouvent le temps de s’impliquer ponctuellement, à la demande, sur des projets le plus souvent accessoires. On réclame à l’habitant un sens civique. (E 2) « Les gens viennent facilement. Surtout pour se plaindre. Mais bon c’est une façon de tout attendre sans s’impliquer. C’est demander aux autres de faire à la place de… c’est pas une façon de s’impliquer, ça manque de responsabilité. » Nous constatons que la participation est considérée par les élus comme une participation civique mais, en aucun cas, comme une participation gestionnaire. Ils souhaitent utiliser la première sans enclencher la seconde. Cette distinction apparaît illusoire puisque la participation est un engagement d’ordre civique pour une implication dans la gestion de la cité. Cependant, le constat est fait par les habitants d’une exclusion du dispositif de gestion par les élus. (H 1) « Ce qui est dommage c’est qu’on a vraiment senti qu’au moment ou ça allait se mettre en place, notre groupe était mis de côté et puis voilà. On avait fait des démarches. On avait fait certaines choses et puis après on nous avait mis un peu de côté. […] C’est pour les assistantes maternelles qui n’ont pas pu aller au bout. Bon elles se sont motivées, elles ont été à toutes les réunions ; elles n’étaient pas nombreuses ; elles n’étaient que trois et je ne trouvais pas ça très reconnaissant de la part des élus de les mettre de côté à ce moment là. […] Je trouvais que c’était pas très sympa quoi et on n’a pas bien compris et je suis sure qu’elles n’ont rien compris à l’histoire » 96 En guise de conclusion, il est possible d’affirmer que la participation collective des habitants trouve rapidement ses limites parce que les conditions préalables à la participation ne sont pas toujours réunies, à savoir : une revendication et une mobilisation portées et organisées par les habitants eux-mêmes et la reconnaissance du statut des habitants en tant qu’interlocuteurs légitimes par les différents partenaires institutionnels. Une phrase reprise lors d’un entretien avec un élu résume assez bien la situation et la manière dont la participation citoyenne est abordée. (E 2) « Concernant la citoyenneté, si c’est le sens de votre question on n’en a pas réfléchit, c’est pas notre préoccupation on a des sujets plus terre à terre. C’est vrai que sur ce sujet il n’y a pas vraiment de réflexion. […] C’est une préoccupation mais qui ne se pose pas sous cette forme là. C’est plus sur la forme du confort et du service rendu à l’habitant que sur la notion de citoyenneté. C’est de répondre aux attentes » En effet, l’enquête montre qu’il est parfois difficile de reconnaître aux habitants le droit de co-produire le diagnostic, par l’analyse du rapport entre ses besoins et les conditions de leur satisfaction. 97 Chapitre 3 : La participation collective des habitants : vers une nouvelle pratique sociale Deux logiques peuvent accompagner la mise en place d’un programme de développement social local. Il peut s’agir soit d'organiser une médiation entre les institutions et les habitants d’un territoire, soit de soutenir la construction d'une culture de la prise de parole, de la citoyenneté locale. Les programmes mis en place par la MSA des Côtes d’Armor font explicitement référence à la mise en place d’un processus participatif. L’implication des habitants à la construction du projet est, d’après les règles établies par le programme, une nécessité. La participation citoyenne est un véritable enjeu pour les travailleurs sociaux dans le cadre de leurs missions qui visent à favoriser la restructuration des liens sociaux. Parallèlement, il est nécessaire de s’interroger sur la place et le rôle que doit jouer l’action sociale d’une caisse de protection sociale. Comme Jean-François BERNOUX, nous pouvons nous interroger sur cette place : « a-t-elle la mission de prendre en charge les personnes pour atténuer leurs difficultés ou a-t-elle encore une mission d’émancipation de l’individu, ce qui suppose exigence à son égard en même temps que reconnaissance de ses potentialités ? 140» Le préalable à toute action de ce type est de s’accorder sur l’idée que l’être humain est capable de son auto développement s’il a accès à la connaissance et si les moyens lui sont donnés, de développer son analyse. Aussi, introduire réellement et concrètement des actions de participation collective dans une visée d’éducation à la citoyenneté locale en milieu rural, nécessite d’accompagner ce processus jusqu’à leur extension et leur appropriation par les habitants. Il ne suffit pas de penser les conditions tant structurelles que financières voire politiques, de la participation collective mais, aussi de prévoir un environnement favorable. En d’autres termes, il requiert une prise de conscience de l’ensemble des acteurs sur l’idée que la participation citoyenne est une valeur fondamentale de notre société et est la source de la cohésion sociale. Mais, pour cela, il faut donner la possibilité aux habitants de prendre part aux débats, de reconquérir du pouvoir. « Dotons les habitants de moyens pédagogiques pour se former, de moyens techniques pour enquêter, de moyens financiers pour agir. Missionnons des médiateurs pour valoriser le savoir populaire, redéfinissons l’utilité sociale des associations pour transformer l’acquis des habitants en expertise »141. Tel doit être l’ambition de la participation. Afin de favoriser un processus d’apprentissage de la citoyenneté, la MSA peut s’appuyer sur ses valeurs mutualistes et sur son organisation. De plus, les missions et les outils de l’action sociale doivent guider les choix d’aménagements à apporter à l’action de participation collective d’éducation à la citoyenneté. Une nouvelle pratique sociale doit s’épanouir dans la rencontre, le dialogue et la parole. Elle doit se situer dans l’Interaction, dans l’inter-action, dans l’espace libre des échanges. Pour cela, il faut agir sur la forme, le contenu et le contexte, en créant les 140 141 BERNOUX Jean François, Mettre en œuvre le développement social territorial, Paris, DUNOD, 2002, page 151. Territoires, Mettons en ordre la maîtrise d’usage, ADELS, Septembre-Octobre 1999, page 6. 98 conditions d’une reconnaissance de l’expertise habitante, en développant leur compétence mais aussi en créant les conditions d’une écoute favorable. 3.1 Une modification du cadre : d’une sphère locale à un espace public de coélaboration D’une intervention sur une sphère locale, un territoire, les programmes de Développement Social Local de la MSA doivent s’adjoindre un réel espace de participation collective, porteur des opinions multiples de la société civile et du pouvoir local. Cet espace est un lieu de différences, de conflits et d’interactions complexes. Construire un programme de développement social local autour du concept d’espace public peut permettre de formaliser l’idée de participation dans le cadre d’une évolution de la citoyenneté locale. 3.1.1 Le concept d’espace public Pour Jürgen HABERMAS, l’espace public est « un horizon d’attentes normatives inter-subjectivement partagées142 ». Il permet de concevoir des rapports spontanés, libres de toute domination. Il s’agit d’un espace de communication qui se réfère à une éthique politique fondée sur l’autonomie, la justice ou la moralisation. Quant à John FORESTER143, il a défini l’espace public comme « le lieu des orientations urbaines, et éventuellement des choix ». C’est un « espace social de formulation et d’annonce des projets urbains, d’anticipation des actions et de coordination des acteurs locaux, de négociation et éventuellement de contestation des projets ». Pour Hannah ARENDT, la création d’un espace public local est indispensable pour garantir le débat et la confrontation, imposant la recherche de l’intérêt général. Ses choix sont liés à la pratique grecque de la démocratie. L’espace public devient, pour elle, un espace où l’on se montre, dans lequel les individus parlent et agissent ensemble. Ainsi, par l’action, les hommes habitent et créent un monde commun, fondement du lien social. L’espace public doit devenir un espace de co-élaboration, extrait de ses enjeux de pouvoir et de domination. Il doit être un lieu de formulation, de coordination, d’élaboration de choix dans la recherche de l’intérêt général. Le concept d’espace public implique donc des habitants engagés, dans des délibérations au terme d’un débat ouvert, dans des espaces appropriés. On retrouve bien ici les thématiques de la citoyenneté. 142 BIAREZ Sylvie, Sphère locale et espace public, in Liaison sociale et politique,RIAC, n°39, 1998, page 132. FORESTER John, De l'anticipation dans l'analyse urbaine : Les pratiques normatives, Les Annales de la recherche urbaine, 1989, page 44-45. 143 99 3.1.2 Un espace public communicationnel En admettant que les espaces de délibération soient des lieux où se construit le sens de l’action, la question est de savoir comment on définit ces espaces de manière pratique et selon quelles procédures. De multiples formes d’espace de communication, qu’il semble opportun d’inventer avec les habitants, sont imaginables. Ces temps de débat, d’échange doivent être adapté à la réalité de la vie publique locale. Cela peut prendre un aspect formel, au travers de réunions, ou convivial, par des repas, des rencontres à domicile … L’espace public doit, autour d’une éthique de la discussion, mettre en valeur à la fois la reconnaissance réciproque des intervenants, la liberté égale d’expression et de critique, l’implication effective des individus. Pour cela, il faut reconnaître l’expertise des habitants et rechercher leur coopération dans un intérêt collectif. Cette coopération passe par une redistribution des pouvoirs existants. Ainsi, l’espace public trouve sa place dans une approche sociétale des phénomènes. Tableau n°7 : D’une conception à une perception nouvelle de l’individu Conception sociale Approche du sujet Perception de l’individu APPROCHE SECTORIELLE Territoire de l’usager Lieu du manque, déficit, du défaut du APPROCHE GLOBALE Territoire de l’habitant Lieu des ressources et des potentialités APPROCHE SOCIETALE Territoire du citoyen Lieu des compétences, de la maîtrise et de l’influence Si l’approche de la question sociale a évolué au fil du temps en passant d’une approche sectorielle à une approche globale, la conception de la citoyenneté interpelle directement l’ensemble des acteurs sociaux en redéfinissant un nouveau mode d’approche de type sociétal. Elle passe par la reconnaissance de la compétence, de la maîtrise et de l’influence des Habitant-citoyens. Aussi, la mise en place de ces lieux de débat nécessite au préalable un éclaircissement des intentions de l’ensemble des acteurs participant au programme de développement social local. Une convention pourrait être un outil intéressant à mettre en place et servant à affirmer le rôle et la place de chacun. Il permettrait de reconnaître les différents acteurs dans leur prérogative tout en valorisant la place de l’habitant en reconnaissant sa compétence d’expertise. 100 Légitimer la parole citoyenne passe par une implication des habitants à l’ensemble des échelons de la décision jusqu’à la concrétisation du projet. Mais, si cette question interpelle directement la posture des élus et des travailleurs sociaux, elle ne remet en aucune manière en cause leur fonction. Au contraire, la parole livrée par l’habitant est une opportunité d’accroissement d’une connaissance d’usage et délivre une compétence nouvelle pour les professionnels. Cette considération donnée à la parole habitante et aux formes que peuvent recouvrir leurs connaissances est un élément important à prendre en compte dans le développement d’une démarche participative d’éducation à la citoyenneté. La reconnaissance de la compétence habitante implique de mener l’échange dans une visée de projet. Le débat doit s’instaurer entre les différents acteurs dans un esprit de délibération, en favorisant des solutions nouvelles. La compétence d’expertise de l’habitant est un bénéfice permettant d’ouvrir la rationalité technique et économique de la décision politico-administrative au « bon sens » et aux ressources profanes locales. 3.1.3 Valoriser un espace public d’initiative L’espace public, comme le montre Claude LEFORT144, implique également des logiques d’action, la volonté d’affirmer son identité ou ses intérêts afin de les faire reconnaître par les institutions. Il est nécessaire de ménager des espaces d’autonomie, des lieux de créativité pour les habitants. Si les commissions mises en place au sein des programmes de développement social local de la MSA des Côtes d’Armor peuvent correspondre à un type d’espace public créatif, elles restent dans la pratique des structures organisationnelles où les interactions se déroulent sur un cadre institutionnalisé. Dans la réalité, il existe des sous-ensembles d’espaces publics qualifiés d’espaces informels qui se caractérisent par une autonomie plus importante par rapport aux commissions proposées par les institutions. C’est la coexistence et la possible articulation entre ces espaces informels et les instances officielles de débats qui peuvent pousser les habitants à s’investir progressivement dans les structures de participation mises en place par les institutions. Ces espaces de rencontres permettent aux habitants de débattre hors du cadre contraignant établi par les institutions. La création et la présence de ces nombreux lieux de rencontres et de débats constituent une étape intermédiaire nécessaire à l’investissement des habitants. Ces lieux peuvent permettre pour les habitants structurellement désavantagés par les logiques et l’organisation des commissions de concertation institutionnelle d’exprimer leurs savoirs, leurs revendications et formaliser un projet. L’éclatement de ces espaces publics pose, toutefois la question de leur niveau d’autonomie et d’interconnexion, mais surtout de leur degré de reconnaissance politique. En effet, l’accès à l’autonomie pour les publics investis 144 LEFORT Claude, L’invention démocratique, les limites de la domination totalitaire, Paris, Fayard, 2ème édition, 1994. 101 dans une démarche de projet ne peut s’épanouir que dans un pouvoir collectif sans assujettissement en expérimentant un « pouvoir-agir145 » collectif. Cette vision de l’espace public souffre de limites importantes. Elle pense que l’interaction entre les acteurs se déroule sur la base d’un socle culturel commun, que chaque intervenant perçoit l’intérêt collectif, qu’il use d’une raison pratique et que seul l’argument fait foi. Or, l’étude vient de montrer l’ensemble des freins, des limites, des difficultés rencontrées dans la mise en place d’une démarche participative d’éducation à la citoyenneté. En effet, comment accéder à une réelle démarche de projet, visant une éducation à la citoyenneté ? Car, créer le lieu du débat et de l'initiative s’avérera insuffisant si parallèlement une action n’est pas menée pour favoriser la parole habitante. Ce recueil passe par un travail éducatif auprès de la population. 3.2 Construire une pédagogie de la participation : vers une autonomie habitante Les interactions qui se produisent au sein d’un espace public n’échapperont pas à la règle de la structure sociale locale. Nos sociétés sont fortement hiérarchisées et inégalitaires. Les rapports asymétriques existant se répercuteront au sein des instances de débats créées dans l’espace public. Aussi, sans un accompagnement spécifique et une remobilisation des populations, le poids des interventions restera inégalement réparti. A ce titre, il semble primordial de porter une attention particulière aux outils de mobilisation utilisés et aux techniques d’animation à mettre en œuvre. 3.2.1 Des actions d’information et de formation La faiblesse de la participation des habitants aux instances proposées n’est pas une fatalité. Il convient cependant de s’y pencher après avoir « renoncer à l’utopie de la participation de tous 146», à la présence ininterrompue des habitants aux commissions, à l’implication pleine et entière du citoyen à la vie locale. Pour cela, il faut admettre que la participation et la citoyenneté s’apprennent. Aussi, les institutions qui ambitionnent de mettre en œuvre un processus participatif doivent simultanément proposer des actions d’information et de formation qui poussent le maximum d’habitants à entrer dans une démarche participative. 145 COTTEREAU Alain, Esprit public et capacité de juger, in Pouvoirs et légitimité, Editions de l’EHESS, 1992, page 239-273. 146 LE GALIC Mathias, La démocratie participative, le cas Nantais, Paris, L’Harmattan, 2005, page 127. 102 Tableau n°9 : Citoyenneté passive et citoyenneté active LIBERTE HOMME JOUISSANCE DES DROITS ENONCIATION NEGOCIATION CITOYENNETE PASSIVE EGALITE SUJET AUTONOMIE CITOYEN CITOYENNETE ACTIVE (Ce tableau est une synthèse des lectures effectuées sur le thème de la citoyenneté et est principalement inspiré des travaux d’Emmanuel KANT sur la citoyenneté active et la citoyenneté passive) Cet engagement éducatif, en amont de la participation proprement dite, considéré comme un point de passage obligé, doit être étudié au même titre que les actions participatives elles-mêmes. D’une transparence de l’information … L’absence d’information sur les dispositifs mis en place, sur les modes de communication utilisés mais aussi sur les contraintes tant techniques, administratives que politiques créent une asymétrie de connaissance entre les habitants, les élus et les professionnels. Elle est à la base d’une impuissance pour les habitants à participer. Pour qualifier cet état, on pourrait reprendre les termes d’Yves CHALAS147 qui évoque « une ignorance habitante ». Il conviendra donc de renforcer les outils d’information tant en amont qu’au cours du programme de développement social local. En effet, l’une des premières démarches seraient, lors de la mise en place d’une procédure participative de mener une action d’information claire, pertinente, lisible et compréhensible par tous. Dans le déroulement du programme, il est souhaitable d’engager une véritable politique d’information sur les actions entreprises, de faire régulièrement un bilan sur les projets engagés, sur leur niveau d’avancement. Cette politique d’information devra être menée en dehors du cadre normal de diffusion des informations locales. Il doit être un réel outil au service de la participation citoyenne et ne doit en aucun cas souffrir de critiques portant sur une éventuelle manipulation électoraliste ou influence institutionnelle. Ce partage de l’information avec les habitants, sur des modes simples mais transparents doit permettre un accès plus facile à la connaissance des dispositifs et compréhension du cheminement des choix et des décisions. Il restaurera les 147 CHALAS Yves, L’invention de la ville, Paris, Economica, 2000. 103 conditions d’égalité de la parole de chacun. La réussite de ce travail d’information est un préalable à l’instauration de débats efficaces et cohérents, favorisant l’expression de l’expertise des habitants. A un accès à la connaissance On s’interroge rarement sur la compétence de l’habitant-citoyen, jugé apte pour se forger un avis éclairé et participer librement au débat public. Pourtant, la participation suppose l’acquisition de compétences dans la prise de parole mais aussi dans la compréhension des dispositifs. Si l’information peut être un outil opérant pour l’acquisition des connaissances suffisantes à la compréhension des procédures de fonctionnement du dispositif participatif mis en place par la MSA des Côtes d’Armor, les compétences à acquérir par les habitants devront être l’objet d’une attention spécifique. L’absence d’aptitude se pose de manière plus prégnante pour certains publics. Il peut se situer à deux niveaux, l’un sur l’accès à une parole convenue, l’autre sur la compréhension des enjeux et des problématiques de décisions qui y sont liées. Howell BAUM148 fait des propositions permettant d’accroître la participation des citoyens dans le processus de décision. Parmi elles, il propose de promouvoir une démarche psychosociologique d’enseignement autour de jeux de rôles, de « groupes d’entraînement » pour favoriser la prise de conscience des jeux d’acteurs, les contraintes et les modèles de pouvoir. Aussi, pour que la participation collective ne soit pas réduite à un lieu de légitimation des catégories sociales intégrées il faut que l’ensemble des groupes sociaux puisse incorporer les instances de débat et exprimer leurs avis sur le « vivre ensemble », sur le projet communautaire. 3.2.2 Un processus de discrimination positive Une institution qui met en place un processus participatif à destination de l’ensemble des catégories d’habitants d’un territoire ne peut se passer du « silence social » d’une partie de ses membres. Elle doit se donner les moyens de mettre en œuvre un processus de « discrimination positive » pour « donner la parole aux population sans voix 149». Quand une partie de la population est susceptible de rencontrer des difficultés pour intégrer la procédure de participation, il convient d’y remédier en construisant un projet autour du recueil de cette parole habitante. Pour cela, il est possible de recourir à une théorie de l’action collective non pas en terme de mouvement social mais « d’espaces d’agrégation ». il s’agit de s’attacher aux formes empiriques d’actions collectives des habitants non-organisés comme acteur collectif. Pour cela il faut mener des actions de type travail social de 148 BAUM Howell, The Organization of Hope: Communities Planning Themselves, New York, State University of New York Press, 1997. 149 On fait référence ici aux travaux mener sur la fracture sociale. 104 groupe sur du petit nombre en considérant que c’est pour ce type de public la seule entité susceptible de faire émerger une motivation collective. De plus, face à l’absentéisme d’une partie de la population dans les structures et les actions participatives, il convient en amont du programme de mettre en place un travail préalable d’éducation afin de recréer un lien avec les structures officielles et de mener une démarche de réconciliation de ces habitants avec euxmêmes. Toutefois, les écueils majeurs de ce type d’action se trouvent au niveau de la stigmatisation que cela peut entraîner et de la manière de transmettre cette parole. 3.2.3 La capitalisation des savoirs150 Capitaliser, c’est transformer en connaissance l’expérience que l’on a accumulée, c’est agir sur les « savoirs en usage151 ». A ce titre, cette action de capitalisation peut être considérée comme une action d’auto-formation dont l’objectif est de développer une conscience de ses capacités personnelles. Elle se pratique de manière collective et s’appuie sur le débat afin d’entendre les différentes opinions mais surtout de favoriser l’expression, d’aider à expliquer ses propos et à clarifier ses idées. L’objectif de la capitalisation est donc de recueillir et de diffuser des connaissances pour l’action dans le but de donner aux habitants une vision plus globale de la procédure participative, de développer leur savoir-faire et d’étendre leur capacité d’agir (pouvoir de négociation, de conviction). La capitalisation contribue à dépasser le clivage traditionnel entre la théorie et la pratique. Elle offre aux habitants un premier cadre de référence pour l’action et un outil accessible à partir de leur position concrète d’acteur. Cette action de capitalisation s’organise en utilisant les outils du travail social de groupe. C’est un dispositif pouvant permettre de reconnaître l’expertise d’usage des habitants et faire valoir cette compétence de l’habitant-citoyen auprès des autorités politiques et des institutions. 150 Nous nous référons à la définition que propose Pierre ZUTTER dans Des histoires, des savoirs et des hommes, FPH, dossier n°35, juillet 1994. 151 Gérard MALGLAIVE est cité dans cette étude dans la partie « Un citoyen moderne : l’habitant », page 58. 105 3.3 Le travailleur social comme tiers médiateur D’un rôle de représentation, le travailleur social doit se positionner dans celui d’un messager de l’expression générale. John FRIEDMAN152 défait la conception de gestion centralisée du changement et réalise une synthèse entre une conception de mobilisation sociale et une conception de processus d’apprentissage de l’interaction entre les différents acteurs. Il prône ainsi un « social guidance », processus d’apprentissage mutuel. Cette conception de la médiation est basée sur un travail de réseau, de mise en relation, d’interconnexion et d’implication des acteurs concernés. Lawrence SUSSKIND153 étudie pour sa part les étapes de la négociation, les modes d’explicitation de chacun des acteurs, les relations de médiation et coopération tissées pour dégager une solution partagée. Il souligne alors le rôle de négociateur, de médiateur, de facilitateur de la négociation du professionnel qu’il illustre en particulier dans le cadre de conflits. Afin de réussir la participation citoyenne, les travailleurs sociaux bénéficient des techniques de l’appui-conseil et de la médiation. 3.3.1 Un appui-conseil La notion d’appui-conseil pourrait se définir par des verbes d’action qui sont « orienter », « susciter », « interpeller », « soutenir », « faire-réfléchir », « donner les moyens de ». L’objet de cette technique est de favoriser le dialogue et l’expression de tous, de donner à l’habitant ou au groupe les moyens d’accéder par lui-même à la solution du problème. Il s’agit donc d’une démarche réflexive qui par le biais de l’échange d’opinion, permet de passer à des niveaux d’analyse supérieurs. Cette démarche interpelle directement l’habitant-citoyen dans ses capacités et ses compétences. Le travailleur social doit lui donner les moyens de trouver et d’accéder à l’information nécessaire pour nourrir sa réflexion et l’accompagner dans la recherche de la solution et la concrétisation du projet. 3.3.2 La médiation sociale Mais, cette démarche doit pour réussir s’appuyer sur une autre technique : la médiation. Selon les termes juridiques, la médiation « est un mode alternatif volontaire de solution des conflits, consistant pour la personne choisie par les antagonistes (médiation conventionnelle) ou par le juge (médiation judiciaire) à aider les parties à trouver elles-mêmes une solution à leur conflit ». La mission du travailleur social peut s’apparenter à cette définition sans toutefois y correspondre absolument. En effet, le travailleur social peut être amené à utiliser les outils de la 152 Extrait du rapport du Centre d’Etudes Supérieur d’Aménagement, Un outil pour l’analyse des Systèmes d’Action Concret, Octobre 1998. 153 Lawrence SUSSKIND est directeur du Programme de résolution des conflits sur les biens publics à la faculté de Droit de Harvard, et président de l’Institut d’élaboration des consensus. 106 médiation sans qu’il ait été forcément choisi ou désigné par la société civile ou les autorités locales. En outre, le terme d’intérêt divergent semble plus approprié que celui de conflit. Le travailleur social aura donc comme rôle de systématiquement favoriser le dialogue, la concertation entre les différentes parties, la connaissance de l’autre, de ses intérêts et de ses contraintes. Son but est d’amener les différentes parties à communiquer leurs attentes et leurs objectifs véritables pour pouvoir élaborer et trouver un projet commun. En cela, la médiation est un prolongement de l’appui-conseil. Le premier, l’appui-conseil, s’attache à favoriser l’expression dans le débat tandis que l’autre vise à trouver une solution à des intérêts divergents. Aussi, pour contourner ces obstacles, il convient de réaliser la mise en présence en évitant la rencontre et d’organiser un diagnostic à plusieurs voix : la voix des habitants, la voix des professionnels et celles des acteurs institutionnels. Conclusion de la troisième partie Pour conclure cette partie, il est possible d’invoquer la mise en œuvre des programmes de Développement Social Local comme vecteur de démocratie délibérative154. Les partenaires institutionnels doivent alors articuler les mécanismes décisionnels aux débats préalables avec la population. En d’autres termes, pour mener à bien une participation collective dans une visée d’éducation à la citoyenneté, il conviendra d’agir en trois phases qui seront une phase de connaissance, une phase de compréhension, une phase d’adaptation. Le tableau ci-après résume, pour chaque acteur, les points à acquérir. 154 Note : La démocratie délibérative est fondée sur ce que Bernard MANIN appelle « l’épreuve de la discussion » qui se situe au cœur du « gouvernement représentatif ». MANIN Bernard, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Levy, 1995. 107 Tableau n°10 : Les phases d’établissement d’un processus participatif Habitant Travailleur Social Phase de connaissance Phase de compréhension Phase d’adaptation Des règles de fonctionnement du programme Des objectifs des commissions mises en place - Investir les instances de débat Des procédures concertation et de débats Des enjeux de la participation collective Des comportements individualistes et de repli sur soi - S’approprier les outils de la participation Revisiter le mode d’intervention de - Transformation des rapports avec les « clients » - Evolution du modèle social Elu politique - Modification des attentes participatives des habitants - Evolution du modèle de gestion des politiques locales Des positionnements professionnels - De la volonté d’une implication habitante - De l’intérêt d’une nouvelle « gouvernance » par la participation citoyenne - Repenser sa professionnelle pratique - Reconnaître au sein de la concertation l’expertise habitante - Redéfinir les phases de décisions Pour réaliser ces phases, il faut mener un travail de préparation ayant comme objectifs de : • Développer les compétences des habitants ; • Former les acteurs pour créer et formaliser des espaces publics de coopération ; • Former les acteurs pour valoriser l’initiative habitante ; • Formaliser les engagements et les dispositifs de choix et de prise de décisions ; • Prendre en compte la diversité des habitants ; • Travailler le sentiment d’appartenance et d’appropriation du territoire ; 108 CONCLUSION Le Développement Social Local n’est pas seulement un concept mais c’est aussi et surtout une méthode, une « manière de faire » de la politique locale sur des enjeux partagés par le plus grand nombre d’acteurs. Les programmes de DSL menés par la Mutualité Sociale Agricole rassemblent les acteurs dans cette démarche et les transforment en un acteur collectif. La participation à une réflexion territoriale devient donc un préalable à la définition d’une politique territoriale concertée. Ce temps d’échanges et de débats a pour but de se mettre d'accord sur une vision locale, et sur une reconnaissance explicite de la légitimité des acteurs ayant pouvoir d'agir sur cette vision. Par ces programmes de Développement social local, la MSA des Côtes d’Armor recherche à développer des liens entre les différents acteurs locaux. Mais, cette participation collective ne va pas de soi. Elle se déroule autour d'un contexte de négociation et d'un jeu de pouvoirs où les acteurs négocient leur identité et expriment leur vision du monde. Cette complexité des processus de participation collective est liée à la diversité des acteurs qui sont concernés, à l'ambiguïté incluse dans la représentation de l’autre et dans l’appropriation des règles de fonctionnement. Cette ambivalence permet de conserver la légitimité de chacun des acteurs et de justifier son rôle dans le jeu des interactions territoriales. Aussi, dans la participation collective se négocie d’une part la légitimité des acteurs, donc leur position et leur reconnaissance dans le processus de concertation, et d'autre part, leur identité par l'affirmation de leurs modèles cognitifs. 109 En cela, la démarche de participation collective ne peut faire l’impasse sur la résolution des conflits qui s'y actualisent. Aussi, sans s’inscrire dans une logique de procédure qui serait uniformément reproduite quel que soit son lieu d’implantation, la participation de l’ensemble des acteurs devra, pour s’épanouir, s'appuyer sur les trois points suivants, à savoir: • La définition des rôles afin d’octroyer une crédibilité aux acteurs concernés; • La clarification, l'approbation et l'appropriation par les différents acteurs des objectifs et des valeurs portées par le programme ; • Et enfin, l'accord sur les moyens à utiliser dans l’élaboration des choix et des prises de décisions. Ainsi la participation collective n’apparaît pas comme vide de sens et, en cela, elle crée de la proximité, du lien en s'organisant autour de l'appropriation des objets territoriaux et des enjeux de légitimité de l'intervention des acteurs. Pour se développer le projet de participation collective d’éducation à la citoyenneté doit favoriser les idées et les actes de proximité, d’ouverture, d’échange, d’altruisme et de solidarité. Le cadre des programmes de DSL accompagne cette démarche d’éducation à la citoyenneté locale. Toutefois, pour être pleinement opérant, il conviendrait de mener des actions de préparation et de suivi des acteurs, de négocier une place réelle et de favoriser l’accès à tous. Or, ce travail n’apparaît pas aujourd’hui abouti. En effet, dans la réalité, la participation collective est limitée à un faible nombre d’habitants, les plus inclus, ceux qui bénéficient d’un capital social et économique convenable, qui exerce déjà une citoyenneté effective. Or, Une institution sociale ne peut se satisfaire de cette situation. Comme le système participatif organisé dans le cadre d’un programme de développement social local mis en place par la MSA est essentiellement descendant, c’est donc bien à l’institution par l’intermédiaire de ses techniciens, d’aller à la rencontre des habitants. A partir de cet axiome, nous ne sommes pas loin de pouvoir affirmer que cette insuffisance numérique de la participation dépend aussi et, certainement très largement, d’insuffisances « internes » du processus mis en place. Le manque de temps, le manque de moyens, le choix de répondre à des problèmes immédiats plutôt que de construire une relation de projet induit ce système et le fait perdurer. Concrètement, il faudrait traduire la participation par de multiples démarches se résumant à aller vers les personnes, à se donner les moyens de rencontrer ceux qui ne se déplacent pas. Et, plus généralement, tous les souhaits de projets, toutes les mises en œuvre d’initiatives concrètes doivent avoir comme objectif d’entraîner et « d’apprivoiser » les plus exclus. Ainsi, les actions micro-collectives dans le domaine social doivent être relayées par les institutions, quels que soient les promoteurs. Leur finalité est bien sûre de prendre en compte le vécu des usagers et de construire de la socialisation en produisant des « services » mais surtout de faire participer les intéressés en tant qu’acteurs. 110 Toutefois, pour être en capacité de relayer l’ensemble de ces démarches un investissement humain important en temps, et en énergie est nécessaire. Cette démarche lente mais progressive repose sur les techniciens. Elle nécessite une implantation de longue date et une impulsion de l’institution. Une réponse pour favoriser l’implication du plus grand nombre serait de mener des actions spécifiques pour rendre accessible la procédure de participation aux moins réceptifs. Pour cela, une institution sociale « qui désire faire participer le plus grand nombre et l’ensemble des catégories d’habitants doit mettre en œuvre des processus de « discrimination positive » en faveur des types de population qui ont le plus de mal à entrer dans les processus classiques de participation155 ». A ce jour, par manque de temps, de moyen et peut être de volonté, d’intérêts ce travail préalable d’éducation n’est pas effectué envers des populations que l’on ne rencontre pas dans les structures et les actions participatives. L’offre de participation, qui vise pourtant à favoriser le lien social et la cohésion, apparaît donc comme étant à l’origine d’une nouvelle forme de sélection sociale. Or, aujourd’hui, l’intégration sociale n’est pas à chercher du côté des formes traditionnelles de citoyenneté que nous a légué la société du salariat et de l’industrie mais elles sont à explorer du côté d’une citoyenneté locale. Il s’agit d’inventer une nouvelle démocratie sociale territoriale transcendant l’insertion sociale à base professionnelle. Dans cette optique, développer l’intégration et l’autonomie des personnes implique d’abord d’octroyer un accès à un pouvoir mais aussi à favoriser l’accès à un savoir responsable. Ces objectifs nécessitent de mettre en œuvre des processus de formation des habitants, mais aussi et surtout d’organiser des procédures rigoureuses de débat. Mais, pour que ce projet d’insertion par l’accès à une citoyenneté locale soit atteint, encore faut-il rechercher une continuité dans l’action ? Dans la réalité, à la vue des différentes expériences menées, le soufflet de la citoyenneté retombe aussi vite qu’il est apparu. Car, la citoyenneté, pour être activée, doit s'exercer dans la durée. C'est là qu'achoppent généralement les dispositifs dits de participation. Construire de la durée afin de recomposer du lien social suppose des dispositifs démocratiques et des dynamiques d'acteurs sans lesquels le soufflé participatif retombe presque inéluctablement. 155 « Les habitants dans la décision locale », Territoires, sept-oct 1999, page 16. 111 BIBLIOGRAPHIE LIVRE • ARENDT Hannah, Condition de l’homme moderne, Paris, Calman-Levy, Collection Agora, 1983. • BARDIN Laurence, L’analyse de contenu, Paris, PUF, 2001, 10ème édition. • BARREYRE Jean-Yves, BOUQUET Brigitte, CHANTREAU André, LASSUS Pierre (Dir.), Dictionnaire critique de l’action sociale, Paris, Bayard, 1998. • BARTHES Yannick, CALLON Michel, LASCOUMES Pierre, Agir dans un monde incertain, Paris, SEUIL, 2001. • BASSAND Michel, Métropolisation et inégalités sociales, Lausanne, PPUR, 1997. • BAUM Howell, The Organization of Hope: Communities Planning Themselves, New York, State University of New York Press, 1997. • BERNOUX Jean François, Mettre en œuvre le développement social territorial, Paris, DUNOD, 2002. • BEVORT Antoine, Pour une démocratie participative, Paris, Presse de Science Politique, 2002. • BOUQUET Brigitte, Ethique et travail social, Paris, Dunod, 2003. • BRAUDEL Fernand, Identité de la France, Paris, éd. 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Titre II : Action sanitaire et sociale des organismes de Mutualité Sociale Agricole Art.9L’action sanitaire et sociale exercée par les caisses de mutualité sociale agricole a pour but, dans les limites du budget de l’action sanitaire et sociale mentionné à l’article 10 du présent décret : 1. d’apporter une aide aux ressortissants des professions agricoles en ce qui concerne l’application des législations sociales ainsi que l’amélioration de leur conditions d’existence ; 2. de consentir aux dits ressortissants l’attribution éventuelle de prestations non prévues par les législations sociales ou destinées à les compléter et, en cas de nécessité, l’attribution d’avances remboursables ; 3. de créer, de développer des œuvres, établissements ou institutions destinés à améliorer l’état sanitaire et social ou de participer à leur création ou développement. Art.10Dans les conditions déterminées par l’article 1013 du code rural, le conseil d’administration définit la politique et assure la gestion administrative et financière de l’action sanitaire et sociale. La comptabilité des caisses est aménagée de manière à faire apparaître distinctement les opérations relatives à cette gestion. Le conseil d’administration vote le budget de l’action sanitaire et sociale et, s’il y a lieu, celui des œuvres, établissements ou institutions visés à l’article 9 du présent décret et qu’il gère directement. Art.11Le comité d’action sanitaire et sociale prévu à l’article 1013 du code rural est composé au minimum de sept membres élus par les administrateurs représentant les salariés et de sept membres élus par les administrateurs représentant les non-salariés. Il élit son président pour un an. La présidence est assurée alternativement par un non-salarié et par un salarié. Après chaque renouvellement général du conseil d’administration, la catégorie d’administrateurs parmi lesquels sera élu le nouveau président est désignée par tirage au sort. [Décret n°747 du 21 mai 1986, art.3- (JO du 23.05.1986)] Le comité d’action sanitaire et sociale peut, dans les conditions et limites qu’il fixe, déléguer le pouvoir d’attribuer des prêts et des aides qui lui est donné par le deuxième alinéa de l’article 1013 de code rural à un comité restreint composé de deux administrateurs désignés par les représentants des salariés au comité et de deux administrateurs désignés par les représentants des non-salariés. 117 Annexe n°2 : Synthèse du plan d’action sociale de la MSA des Côtes d’Armor • L’ACTION SOCIALE EN DIRECTION DE LA POPULATION ACTIVE L’action sociale en direction de la population active s’organise autour de deux orientations générales s’inscrivant dans une politique de prévention de la précarité : → La santé et l’environnement au travail, → Favoriser le maintien dans l’emploi. La population cible demeure la population adulte active des non salariés et des salariés dans leur environnement de travail, ou dans le cadre d’un arrêt lié à un problème de santé. Les interventions menées par les travailleurs sociaux englobent une approche individuelle et une approche collective sous la forme d’action de prévention santé mais aussi social, des procédures d’accueil des salariés précaires, de groupes de paroles, de groupes de remobilisation. • L’ACTION SOCIALE EN DIRECTION DES RETRAITES Deux objectifs ont été retenus pour développer les actions en faveur des retraités : → Prévenir les risques du vieillissement pathologique, → Apporter une aide et un soutien aux personnes âgées dans la perte de leurs capacités. Les actions menées par les travailleurs sociaux revêtent deux niveaux d’intervention, l’un individuelle de type psychosociale, l’autre de type collectif sous la forme de réunions d’information, de réunion de préparation à la retraite, de développement de programme de prévention (Pac eureka, Pac résidants), de groupe de soutien pour les aidants familiaux. Enfin, l’un des derniers axes de travail concerne la promotion des actions de coordination avec les autres intervenants du champ gérontologique. • L’ACTION SOCIALE EN DIRECTION DE L’ENFANCE ET DE LA JEUNESSE La politique d’action sociale en direction des enfants et des jeunes a deux finalités : → Contribuer à l’amélioration des conditions de vie des jeunes familles relevant du régime agricole dans leur environnement, 118 → Favoriser l’insertion sociale et professionnelle des jeunes du milieu agricole. Ces finalités sont déclinées en objectifs. Les actions menées par le département d’actions sociales s’intégreront dans les objectifs suivants : → Informer chacun sur ses droits et sur les services existants, → Favoriser l’accès aux services par des aides incitatives, → Faciliter l’expression des jeunes et des familles, → Aider au montage de projets collectifs. Afin d’atteindre ces objectifs, des moyens financiers et humains sont déployés. Les interventions du service social sont menées sous la forme d’interventions individuelles et collectives mais aussi de programmes de développement social local. 119 Annexe n°3 : Présentation des personnes interviewées Tableau n°1 : Présentation des travailleurs sociaux interviewés CODAGE SEXE AGE ANCIENNETE MSA Année du diplôme Engagement ACTION DSL Formation complémentaire P1 F 47 ans 24 ans 1981 non PARM Travail social communautaire P2 H 39 ans 6 ans 1999 Syndicat CDST En cours P3 F 50 ans 27 ans 1977 PARM oui P4 F 58 ans 36 ans 1969 Syndicat + élu municipal non PLE Travail social communautaire P5 F 49 ans 16 ans 1977 Syndicat PLE Maîtrise en développement local Tableau n°2 : Présentation des habitants interviewés CODAGE SEXE AGE H1 F 35 ans H2 F H3 PROFESSION Niveau de participation Action DSL Educatrice de jeunes enfants commission CDST 33 ans Professeur des écoles Comité de pilotage PLE F 34 ans comptable Commission PLE H4 F 39 ans secrétaire Comité de pilotage PLE H5 F 44 ans Assistante maternelle commission CDST 120 Tableau n°3 : Présentation des élus politiques interviewés CODAGE SEXE AGE E1 H 51 ans E2 E3 F F H 49 ans 61 ans 60 ans E4 H E5 63 ans MANDAT Adjoint au maire ANCIENNETE DANS LA FONCTION PROFESSION ACTION DSL 2ème MANDAT Moniteur d’atelier PLE 1er MANDAT Infirmière libérale CDST 1er MANDAT Retraité PLE Conseiller général 2ème MANDAT Retraité CDST Adjoint au maire 2ème MANDAT Retraité PLE Maire Maire 121 Annexe n°4 : CATEGORIE GRILLE D’ANALYSE : Catégorie COMPETENCE CRITERES INDICATEURS REMARQUES Positives Négatives NIVEAU D’INFORMATION Fait Codage : C INTENSITE 1. Degré de maîtrise des procédures 2. Degré d’appréciation des enjeux 3. Degré d’intégration de sa légitimité 1. Niveau de prise en compte des logiques individuelles 2. Niveau d’intégration de l’expertise « particulière » 3. Niveau d’intégration des statuts (Positionnement) 1. Conformité au programme 2. Maîtrise de la négociation 3. Intégration des modalités de régulation Emotion Opinion Valeur Codage : I LA COMPETENCE OUVERTURE Codage : O Définition : Ensemble de connaissances théoriques et pratiques détenues par un acteur, mises en œuvre dans le processus participatif. CAPACITE Codage : C 122 Annexe n°5 : GRILLE D’ANALYSE : Catégorie ACTEURS CATEGORIE Codage : A CRITERES INTENSITE Codage : I LE JEU DES ACTEURS OUVERTURE Codage : O Définition : c’est un construit social qui a pour fonction de mettre en place, de gérer, de faire fonctionner un système dans un projet particulier pour élaborer un produit. CAPACITE Codage : C INDICATEURS 1. Degré d’échange entre les participants 2. Degré de qualification des acteurs 3. Degré d’appropriation de la structure par les acteurs 1. Niveau d’autonomie des individus 2. Niveau de partage de l’intérêt général 3. Niveau de prise en compte des identités particulières 1. Maîtrise des règles de l’échange 2. Partager des décisions. 3. Fabriquer les choix REMARQUES Positives Négatives NIVEAU D’INFORMATION Fait Emotion Opinion Valeur 123 Annexe n°6 : GRILLE D’ANALYSE : Catégorie POUVOIR CATEGORIE Codage : P CRITERES INTENSITE Codage : I LE POUVOIR OUVERTURE INDICATEURS 1. Degré de reconnaissance de la légitimité des Habitants. 2. Degré de reconnaissance de l’expertise Habitante. 3. Degré d’implication des Habitants dans les instances. 1. Niveau de partage des décisions. 2. Niveau d’échange entre les participants 3. Niveau de coopération des acteurs 1. Aptitude à créer la concertation entre les partenaires 2. Disposition à impliquer les différents acteurs. 3. Faculté à prendre en compte les propositions des Habitants. REMARQUES Positives Négatives NIVEAU D’INFORMATION Fait Emotion Opinion Valeur Codage : O Définition : Le pouvoir se définit par trois critères complémentaire : la potentialité dont dispose un acteur, la situation relationnelle spécifique entre les acteurs, la possibilité de définir des buts sociaux. CAPACITE Codage : C 124 Annexe n°7 : GRILLE D’ANALYSE : Catégorie PARTICIPATION CATEGORIE CRITERES INDICATEURS REMARQUES Positives Négatives NIVEAU D’INFORMATION Fait Codage : P.P INTENSITE Codage : I Le processus participatif OUVERTURE Codage : O Définition : Mécanisme mis en place pour permettre l’intervention des différents acteurs dans le projet. CAPACITE Codage : C 1. Degré de précocité de l’engagement des acteurs. 2. Degré d’intensité du souci de composition du collectif. 3. Degré d’indépendance vis-à-vis des groupes constitués (Diversité des Habitants consultés). 1. Niveau de transparence de la procédure 2. Niveau d’intégration dans les différentes phases du programme. 3. Niveau de représentativité des groupes constitués. 1. Propension à prendre en compte la parole des Habitants. 2. Rechercher la continuité des prises de paroles. 3. Disposition à intégrer la parole Habitante. Emotion Opinion Valeur 125 Annexe n°8 : Répartition des citations suivant les acteurs interviewés selon les catégories Total H1 10 7 4 2 23 H2 8 9 3 11 31 H3 1 4 2 3 10 H4 3 2 5 4 14 H5 5 5 3 4 17 Total 27 27 17 24 95 Total P1 6 4 7 5 22 P2 7 4 11 5 27 P3 7 10 1 2 20 P4 12 6 3 9 30 P5 10 7 4 16 37 Total 42 31 28 37 138 Total E1 6 5 1 1 13 E2 7 12 1 3 23 E3 2 4 1 0 7 E4 4 7 2 2 15 E5 5 4 3 1 13 Total 24 32 8 7 71 PP P A C PP P A C PP P A C PP : Le Processus Participatif P : Le Pouvoir A : Le jeu des Acteurs C : La Compétence 126 Annexe n°9 : Répartition chiffrée des citations par indicateurs PP. I PP. O PP. C 1 21 7 16 2 18 6 3 3 6 11 5 45 24 24 P. I P. O P. C 1 16 17 7 2 7 8 8 3 12 9 6 35 34 21 A. I A. O A. C 1 4 6 6 2 2 11 3 3 6 8 7 12 25 16 C. I C. O C. C 1 6 5 6 2 12 10 3 3 11 11 4 29 26 13 127 Annexe n°10 : Répartition des citations par catégories et par critères Répartition des citations par catégories PP P A C Habitant 27 27 17 24 Professionnel 42 31 28 37 Elu 24 32 8 7 Total 93 90 53 68 Répartition des citations par critères Intensité Ouverture Capacité Total PP 45 24 24 93 P 35 34 21 90 A 12 25 16 53 C 29 26 13 68 Total 121 109 74 128 Annexe n°11 : Déroulement d’un programme de développement social territorialisé MSA ACTION DECISION REFLEXION MISE EN PLACE DES COMMISSIONS CHOIX D’AXES DE TRAVAIL DIAGNOSTIC DEROULEMENT D’UN PROGRAMME PROJET 129 Annexe n°12 : Guide d’entretien avec les élus Depuis le milieu des années 80, la MSA des Côtes d’Armor développe des programmes de développement social local proposés par la Caisse Centrale de la MSA. Vous avez été amené à participer à ce type d’action en votre qualité d’élu de la Mutualité Sociale Agricole. 1. Pouvez vous me préciser : • • • Quel type de programme a été mis en place sur votre secteur? Au cours de quelle période ? Quels étaient les objectifs du programme ? A qui était-il destiné ? Comment a-t-il été mis en place ? Quelles actions ont été réalisées ? 2. Connaissez vous les raisons qui ont amené l’institution MSA a intervenir sur votre secteur ? 3. Quel rôle avez-vous joué dans le programme MSA ? 4. Quel bilan tirez vous de cette expérience ? Les programmes développés par la Caisse Centrale MSA s’appuis sur une démarche de développement social local reposant sur : • Une démarche partenariale • Une démarche territoriale • Une démarche participative 5. Quels sont les partenaires interpellés lors de la mise en place des programmes de développement local ? 6. Selon vous, qu’est-ce qu’une démarche participative de type collective ? 7. Quels rôles a la population dans la démarche de Développement Social Local mis en place par la MSA ? 8. Au regard de votre expérience, quelles sont les personnes qui ont participé au programme de développement local mené par la MSA des Côtes d’Armor ? 9. Pour vous, la participation des habitants c’est : → Informer → Consulter → Concerter 130 → Décider → Co-gérer 10. La démarche participative telle que la MSA le prône se situe à quel niveau de la classification ? 11. Pouvez-expliquer et justifier votre choix ? La participation collective des habitants est une notion fortement évoquée aujourd’hui dans le milieu social et politique. 12. Pouvez-vous me donner une définition de la participation des habitants ? 13. Pourquoi fait-on participer les habitants ? 14. Pourquoi solliciter la participation ? 15. Pourquoi vouloir faire participer les individus ? 16. Quelles valeurs idéologiques sous tendent la participation ? La participation collective des individus est un moyen d’atteindre la parole des habitants et de se rapprocher des besoins spécifiques d’un territoire. 17. Etes vous d’accord avec cette idée ? 18. Pensez-vous que la participation est un outil d’éducation à la citoyenneté ? Pourquoi ? 19. Le diagnostic participatif permet-il de faire émerger les besoins de toutes les couches de la population ? pourquoi ? 20. L’ensemble des couches de la population est-elle représentée dans la procédure de diagnostic participatif ? 21. Quelles sont les couches de la population qui ne participe pas ? En effet, le pendant du concept de participation, c’est la citoyenneté. 22. Quelle définition donneriez-vous à la citoyenneté ? 23. Pensez-vous que la démarche participative permet la mise en place d’un lieu d’exercice de la démocratie ? Pourquoi ? 24. Place t’on les personnes en situation d’exercer leur citoyenneté ? 25. Avez-vous eu la possibilité d’agir dans la procédure pour influer sur les prises de décisions ? 131 26. Avez-vous rencontré des obstacles dans la prise en compte des besoins exprimés par la population? 27. Comment sont vécues la participation et l’expression des habitants au sein d’un territoire rural? 28. Sous l’angle de la participation et de la citoyenneté, avez-vous des critiques ou des remarques à formuler sur la mise en œuvre globale du programme ? 29. La mise en place de cette démarche a-t-elle créée une réelle dynamique au sein de votre territoire de vie ? 30. La mise en place de cette démarche a-t-elle modifié le regard des partenaires sur la population ? 31. Les intérêts de la population sont ils suffisamment pris en compte ? 132 Annexe n°13 : Guide d’entretien avec les habitants Depuis le milieu des années 80, la MSA des Côtes d’Armor développe des programmes de développement social local proposés par la Caisse Centrale de la MSA. Vous avez été amené à participer à ce type d’action. 1. Pouvez vous me préciser : o o o o o o Quel type de programme a été mis en place sur votre secteur? Sur quelle période ? Quels étaient les objectifs du programme ? A qui était-il destiné ? Comment a-t-il été mis en place ? Quelles actions ont été réalisées ? 2. Connaissez vous les raisons qui ont amené l’institution MSA a intervenir sur votre secteur ? 3. Comment avez-vous été interpellé pour participer au programme MSA ? 4. Quel rôle avez-vous joué dans le programme MSA ? 5. Quel bilan tirez vous de cette expérience ? Les programmes développés par la Caisse Centrale MSA s’appuis sur une démarche de développement social local reposant sur : • Une démarche partenariale • Une démarche territoriale • Une démarche participative 6. Selon vous, qu’est-ce qu’une démarche participative de type collective ? 7. Pouvez-vous me donner une définition de la participation des habitants ? 8. Pour vous, la participation des habitants c’est : 1. Informer 2. Consulter 3. Concerter 4. Décider 5. Co-gérer 9. La démarche participative telle que la MSA le prône se situe à quel niveau de la classification ? 133 10. Pouvez expliquer et justifier votre choix ? 11. La démarche proposé à t-elle répondu à vos attentes ? 12. Le diagnostic participatif mis en place dans le cadre de la procédure de DSL a-t-il permis de faire émerger les besoins de toutes les couches de la population ? Pourquoi ? Comment ? 13. L’ensemble des couches de la population est-elle représentée dans la procédure de diagnostic participatif ? La participation collective des habitants est une notion fortement évoquée aujourd’hui dans le milieu social et politique. 14. Selon vous, pourquoi les institutions sollicitent la participation des habitants dans ce type de démarche? 15. Pourquoi vouloir faire participer les individus, les personnes ? 16. Pensez-vous que la participation est un outil d’éducation à la citoyenneté ? Pourquoi ? La participation collective des individus est un moyen d’atteindre la parole des habitants et de se rapprocher des besoins spécifiques d’un territoire. 17. De manière générale, les intérêts de la population sont ils suffisamment pris en compte ? 18. A-t-il été simple de faire entendre votre parole ? auprès de l’institution MSA ? auprès des élus politiques ? 19. Avez-vous rencontré des obstacles dans l’expression de vos besoins ? dans la prise en compte de vos besoins ? 20. Avez-vous eu le pouvoir d’agir sur les décisions prises ? 21. Comment pourrait-on au mieux prendre en compte la parole des habitants? 22. Quels freins peuvent avoir les personnes qui ne participent pas ? 23. Quelles solutions pourraient-on apporté pour mener une démarche participative accessible à tous ? 24. Le programme de la MSA a-t-il permis de mettre les personnes en situation d’exercer leur citoyenneté ? 25. Pouvez vous me donner les raisons qui justifient votre choix ? Mais, l’exercice de la citoyenneté n’est possible que dans le cadre d’une organisation démocratique. 134 26. Quelle place avez-vous pris dans l’organisation de la procédure ? 27. Pensez-vous que la démarche participative permet la mise en place de lieu d’exercice de la démocratie ? Pourquoi ? 28. Avez-vous eu la possibilité d’agir dans la procédure pour influer sur les prises de décisions ? comment ? 29. Avez-vous des critiques ou des remarques à formuler sur la mise en œuvre globale du programme ? Utilisé dans les discours politiques, réfléchit dans les instances départementales des Côtes d’Armor, souhaité par des associations, la démocratie participative est aujourd’hui une notion en vogue. 30. Avez-vous l’impression d’être écouté sur vos revendications? 31. Avez-vous l’impression d’être entendu dans vos demandes ? 32. La population a-t-elle le désir de participer et de jouer un rôle dans les sujets de vie quotidienne de son territoire de vie ? 33. Selon vous, existe-t-il un désir d’implication de la population dans la vie collective ? pourquoi ? 34. Selon vous, les personnes sont-elles préparées à participer ? Pour conclure cet entretien, pouvez vous me donner une réponse à ces questions plus générales ? 35. Comment sont vécues la participation et l’expression des habitants au sein d’un territoire rural? 36. La mise en place de cette démarche a-t-elle créée une réelle dynamique au sein de votre territoire de vie ? 37. La mise en place de cette démarche a-t-elle modifié le regard des partenaires sur la population ? 135 Annexe n°14 : Guide d’entretien avec les professionnels Depuis le milieu des années 80, la MSA des Côtes d’Armor a développé les programmes proposés par la Caisse Centrale de la MSA. Lors de votre activité professionnelle, vous avez été amené à mettre en place ce type d’action. 2. Pouvez vous me préciser : • • • • • • Quel type de programme vous avez mis en place ? Sur quelle période ? Quels étaient les objectifs du programme ? A qui était-il destiné ? Comment était-il mis en place ? Quelles actions ont été réalisées ? 3. De quel appui technique avez-vous bénéficié pour mener à bien votre tâche ? 4. Quel bilan tirez vous de cette expérience ? 5. Votre formation initiale vous a-t-elle préparé à ce type d’intervention ? Les programmes développés par la Caisse Centrale MSA s’appuis sur une démarche de développement social local. 6. Pouvez-vous me définir ce qu’est un programme de développement social local et me le caractériser en quelques mots ? 7. Selon vous, à quoi servent l’outil DSL et sa méthode la participation ? Les programmes de la Caisse Centrale MSA s’appui sur : • Une démarche partenariale • Une démarche territoriale • Une démarche participative 8. Selon vous, qu’est-ce qu’une démarche participative de type collective ? 9. Quels sont les acteurs interpellés lors de la mise en place des programmes de développement local ? 10. Au regard de votre expérience, quelles sont les personnes qui ont participées au programme de développement local mené par la MSA des Côtes d’Armor ? 11. Pouvez-vous me donner une définition de la participation des habitants ? 136 Nous allons plus particulièrement nous focaliser sur la démarche participative en sa qualité de concept du Développement Social Local. 12. Comment avez-vous mis en place la démarche participative ? 13. Pour vous, la participation des habitants c’est : → Informer → Consulter → Concerter → Décider → Co-gérer 14. La démarche participative telle que la MSA le prône se situe à quel niveau de la classification ? 15. Pouvez expliquer et justifier votre choix ? La participation collective des habitants est une notion fortement évoquée aujourd’hui dans le milieu social et politique. 16. Pourquoi fait-on participer les habitants ? 17. Pourquoi solliciter la participation ? 18. Pourquoi vouloir faire participer les individus ? 19. Quelles valeurs idéologiques sous tendent la participation ? 20. Pensez-vous inéluctable aujourd’hui participative dans le travail social ? l’approche participative / démarche La participation collective des individus est un moyen d’atteindre la parole des habitants et de se rapprocher des besoins spécifiques d’un territoire. 21. Comment atteint-on la parole des habitants ? 22. Comment peut-on au mieux la prendre en compte ? 23. Le diagnostic participatif permet-il de faire émerger les besoins de toutes les couches de la population ? pourquoi ? 24. La démarche participative prend t’elle en compte les problèmes sociaux traditionnellement pris en charge par les services sociaux ? 25. L’ensemble des couches de la population est-elle représentée dans la procédure de diagnostic participatif ? 26. Quelles sont les couches de la population qui ne participe pas ? 137 27. L’outil DSL et sa méthode la participation, est il un moyen de prévenir et/ou de lutter contre l’exclusion en milieu rural ou à réduire des inégalités ? pourquoi ? Si l’ensemble des habitants d’un territoire ne participe pas au programme proposé alors ce constat impose de s’interroger sur deux points : → Qu’est-ce qui peut être constitutif du projet de participer chez un individu ? → Quels sont les obstacles techniques à la participation ? 28. Selon vous, qu’est-ce qui chez l’individu-acteur va favoriser sa participation ? 29. A contrario, quel frein peut avoir une personne qui ne participe pas ? 30. Quels peuvent être les freins au sein de la procédure de développement social local à la participation des habitants ? 31. Quelles solutions pourraient-on apporté pour mener une démarche participative accessible à tous ? Les habitants ont une place et jouent un rôle dans la procédure de DSL. 32. Quels rôles jouent t’ils dans la procédure de développement social local ? 33. Quelle place prennent ils dans l’organisation de la procédure ? 34. Au regard de votre expérience, Pensez-vous que la participation est un outil de socialisation ? Pourquoi ? 35. Pensez-vous que la participation est un outil d’éducation à la citoyenneté ? Pourquoi ? En effet, le pendant en vogue du concept de participation, c’est la citoyenneté. 36. Quelle définition donneriez-vous à la citoyenneté ? 37. Pensez-vous que la démarche participative permet la mise en place d’un lieu d’exercice de la démocratie ? Pourquoi ? 38. Place t’on les personnes en situation d’exercer leur citoyenneté ? Nous allons boucler la trilogie théorique démocratie, citoyenneté, participation. Utilisée dans les discours politiques, réfléchie dans les instances départementales, souhaitée par les associations, la démocratie participative est aujourd’hui une notion en vogue. 39. Mais, la population a-t-elle le désir de participer et de jouer un rôle dans les sujets de vie quotidienne de son territoire de vie ? Pourquoi et comment ? 40. Selon vous, existe-t-il un désir d’implication dans la vie collective ? pourquoi ? 41. Selon vous, les personnes sont elles préparées à participer ? 138 Pour conclure cet entretien, pouvez-vous me donner une réponse à cette question et me la justifier : 42. De qui, les programmes de développements locaux servent les intérêts: des élus, des institutions, des habitants ? 43. Pensez-vous que la participation des habitants peut permettre de résoudre la crise sociale actuelle liée à la perte de la cohésion sociale et au délitement du lien social ? 44. La mise en place de cette démarche a-t-elle créée une réelle dynamique au sein du territoire ? 45. Pensez-vous que la participation est un outil de création d’identité culturelle et collective ? 139 LISTE DES TABLEAUX Tableau n° 1 : La structure élective de la Mutualité Sociale Agricole – Page 35 Tableau n° 2 : Les sphères de l’activité humaine – Page 51 Tableau n° 3 : Une échelle de la participation – Page 63 Tableau n° 4 : Représentation du système d’interaction des acteurs – Page 70 Tableau n° 5 : Grille d’analyse des entretiens –Page 75 Tableau n° 6 : Comparaison du nombre de citations intégrées par rapport au nombre de citations retenues par acteurs – Page 78 Tableau n° 7 : Comparaison du nombre de citations intégrées par rapport au nombre de citations retenues par catégorie – Page 78 Tableau n° 8 : D’une conception à une perception de l’individu – Page 93 Tableau n° 9 : Citoyenneté passive et citoyenneté active – Page 106 Tableau n° 10 : Les phases d’établissement d’un processus participatif – Page 111- 140 Table des matières Remerciements………………………………………………………………………..... 1 INTRODUCTION…………………………………………………………………………. 5 1ère PARTIE : LE RURAL : UN TERRITOIRE NOUVEAU ET MULTIPLE……………………………………………………………………………. 8 Chapitre 1 : D’une société paysanne à une société rurale…………... 9 1.1 L’espace rural : définitions………………………………………………….. 9 1.1.1 Une définition basée sur les relations avec la nature……………………….... 9 1.1.2 La définition de l’INSEE…………………………………………………………...9 1.2 Un monde rural en mutation…………………………………………………10 1.2.1 Une évolution importante du monde rural durant les trente glorieuses……..11 1.2.2 Un redressement démographique de l’espace rural…………………………. 12 1.2.3 Un comportement des ruraux de plus en plus urbains………………………. 12 1.3 Le renouveau du monde rural………………………………………………. 13 1.3.1 Une diversification du monde rural…………………………………………….. 13 1.3.2 Un nouveau mode d’habiter…………………………………………………….. 13 Chapitre 2 : Où le local devient un espace pertinent d’action……... 15 2.1 L’évolution de la question sociale…………………………………………. 15 2.1.1 Une question sociale en transformation constante…………………………… 15 2.1.2 Vers un délitement social, la crise des institutions……………………………. 16 2.1.3 La fragilité du lien social………………………………………………………….. 17 2.2 Le territoire comme réponse appropriée………………………………….. 18 2.2.1 Le local réactualisé……………………………………………………………….. 19 2.2.2 Les conceptions du territoire : du local au territoire…………………………… 20 2.2.3 L’idée de local et de territoire dans le travail social…………………………… 21 2.3 Un outil d’action : le développement local………………………………... 22 2.3.1 Naissance de la notion : développement local et développement social…… 23 2.3.2 Essai de définition………………………………………………………………… 25 2.3.3 Une notion avant tout opérationnelle…………………………………………… 25 141 Chapitre 3 : Une territorialisation de l’action sociale : la politique de la MSA……………………………………………………………………………………. 28 3.1 La MSA : un régime de protection sociale………………………………… 28 3.1.1 Des origines de la solidarité… au mutualisme………………………………… 28 3.1.2 Du syndicalisme… à la Mutualité Agricole…………………………………….. 28 3.1.3 La Mutualité Sociale Agricole… une sécurité sociale spécifique……………. 30 3.2 Des valeurs Mutualistes, Démocratique et de Solidarité……………….. 31 3.2.1 Une organisation démocratique fondatrice de légitimité……………………… 31 3.2.2 La solidarité comme valeur unificatrice…………………………………………. 33 3.3 L’action sociale MSA : une évolution progressive………………………. 33 3.3.1 L’organisation territoriale : une indépendance départementale……………... 34 3.3.2 L’intervention sur le milieu : vers une ruralisation de l’action………………… 35 3.3.3 Le plan d’action social de la MSA22 : les programmes de DSL…………….. 36 Conclusion de la partie…………………………………………………………………. 39 142 2ème PARTIE : LA CITOYENNETÉ RÉACTIVÉE : D’UNE CITOYENNETÉ PASSIVE À UNE CITOYENNETÉ ACTIVE Chapitre 1 : La citoyenneté : perspectives historiques et théoriques………………………………………………………………………………. 42 1.1 La citoyenneté, une expérience historique………………………………... 42 1.1.1 L’antiquité, de la respublica et du civitas……………………………………….. 42 1.1.2 Le moyen âge, l’impérium contre le civitas…………………………………….. 43 1.1.3 Les modernes, le renouveau du civitas………………………………………… 43 1.2 La citoyenneté, vers un essai de définition……………………………….. 44 1.2.1 Le citoyen, un sujet de droit……………………………………………………… 45 1.2.2 La citoyenneté, comme principe de légitimité politique……………………….. 45 1.2.3 La citoyenneté passive et la citoyenneté active……………………………….. 45 1.3 La citoyenneté, une notion actuelle………………………………………… 46 1.3.1 La citoyenneté globale…………………………………………………………… 46 1.3.2 La citoyenneté, une posture humaine………………………………………….. 47 1.3.3 Une dimension politique dans un espace public, le lien de citoyenneté……. 48 Chapitre 2 : Un nouveau citoyen : l’Habitant……………………………… 50 2.4 L’habitant : essai de définition………………………………………………. 51 2.1.1 Le terme d’usager…………………………………………………………………. 51 2.1.2 Le terme de client…………………………………………………………………. 51 2.1.3 Le terme d’habitant……………………………………………………………….. 51 2.5 L’habitant : un individu en mutation………………………………………... 52 2.2.1 Le modèle de l’espace positionnel : l’identité habitante………………………. 53 2.2.2 Le modèle des mouvements sociaux : la condition habitante……………….. 53 2.2.3 Le modèle socionomique : la compétence habitante…………………………. 53 2.6 L’habitant : un individu chevronné…………………………………………. 54 2.3.1 Le « Hauss » et le « Heim »…………………………………………………….. 54 2.3.2 L’expertise d’usage des habitants……………………………………………… 54 143 Chapitre 3 : La participation collective : un outil de la citoyenneté. 56 3.4 La participation : Essai de définition……………………………………….. 56 3.1.1 Etymologie du terme……………………………………………………………… 56 3.1.2 Une définition liée au contexte………………………………………………….. 57 3.1.3 Les contours sémantiques………………………………………………………. 57 3.5 Une notion aux dimensions multiples…………………………………….. 58 3.2.1 Les dimensions du terme……………………………………………………….. 58 3.2.2 Une échelle de la participation…………………………………………………. 59 3.2.3 Des degrés distincts…………………………………………………………….. 60 3.6 Les fondements et les enjeux de la participation collective…………... 61 3.3.1 Les fondements pour la participation des habitants…………………………… 61 3.3.2 Les enjeux de la participation collective………………………………………. 62 Conclusion de la partie……………………………………………………………….. 64 144 3ème PARTIE : LA PARTICIPATION COLLECTIVE : VERS UNE PRATIQUE LOCALE DE PROXIMITÉ Chapitre 1 : La démarche méthodologique……………………………… 67 1.1 Présentation du cadre de l’enquête……………………………………… 67 1.1.1 Les acteurs……………………………………………………………………… 67 1.1.2 Des acteurs liés aux modalités d’engagement des programmes de DSL.. 67 1.1.3 Le choix méthodologique et le protocole d’enquête………………………… 69 1.2 Organisation de l’analyse………………………………………………….. 70 1.2.1 L’identification des acteurs……………………………………………………. 70 1.2.2 L’analyse des contenus……………………………………………………….. 71 1.2.3 Les grilles d’analyses………………………………………………………….. 72 1.3 Présentations des résultats……………………………………………….. 74 1.3.1 Le codage des données……………………………………………………….. 74 1.3.2 Les biais repérés……………………………………………………………….. 74 1.3.3 Présentation des données extraites des entretiens………………………… 75 Chapitre 2 : Du discours à l’action : l’illusion participative………. 77 2.1 Une difficile légitimation de la parole habitante………………………. 77 2.1.1 Logique représentative contre logique participative……………………….. 78 2.1.2 Un instrument de gestion des populations, l’habitant « captif »………….. 80 2.1.3 L’habitant invisible…………………………………………………………….. 81 2.2 Une laborieuse mutualisation des savoirs…………………………….. 86 2.2.1 Des règles du jeu floues………………………………………………………. 86 2.2.2 Où informer n’est pas « communiquer »……………………………………. 87 2.2.3 Une concertation maîtrisée…………………………………………………… 88 2.3 Une cohabitation d’intérêt contradictoire………………………………. 93 2.3.1 Une motivation des habitants basée sur l’intérêt personnel………………. 93 2.3.2 Des professionnels ancrés à une logique de mission……………………… 94 2.3.3 Des élus à la recherche d’une participation civique………………………… 96 145 Chapitre 3 : La participation des habitants : vers une nouvelle pratique sociale…………………………………………………………………….. 98 3.1 Une modification du cadre : d’une sphère locale à un espace public de co-élaboration……………………………………………………………………… 99 3.1.1 Le concept d’espace public……………………………………………………. 99 3.1.2 Un espace public communicationnel…………………………………………. 100 3.1.3 Valoriser un espace public d’initiative………………………………………… 101 3.2 Construire une pédagogie de la participation : vers une autonomie habitante…………………………………………………………………………….. 102 3.2.1 Des actions d’information et de formation……………………………………. 102 3.2.2 Un processus de discrimination positive……………………………………… 104 3.2.3 La capitalisation des savoirs…………………………………………………… 105 3.3 Le travailleur social comme tiers médiateur…………………………….. 106 3.3.1 Un appui-conseil………………………………………………………………… 106 3.3.2 La médiation sociale……………………………………………………………. 106 Conclusion de la partie……………………………………………………………….. 107 CONCLUSION GENERALE…………………………………………………………… 109 Bibliographie……………………………………………………………………………. 112 Annexes………………………………………………………………………………….. 116 Liste des tableaux……………………………………………………………………… 140 146 LA PARTICIPATION COLLECTIVE des habitants au sein des programmes de Développement Social Local à la MSA des Côtes d’Armor UN ENJEU DE CITOYENNETE LOCALE EN MILIEU RURAL Le thème de la participation a aujourd’hui pris de l’ampleur tant dans les discours politiques que dans les théories et les pratiques du champ social. Cette notion de participation est apparue dans le contexte d’une massification des problématiques sociales et d’une diversification des publics pris en charge. En effet, évoquer la participation, c’est interpeller les notions de lien social, de cohésion sociale, d’intégration sociale ou de déliaison sociale. Depuis vingt ans, la Mutualité Sociale Agricole des Côtes d’Armor intervient en milieu rural dans le cadre de programmes de développement social local. Ils ont été mis en avant pour résoudre les difficultés quotidiennes des populations, difficultés liées au processus de changement des sociétés traditionnelles en proie à des destructurations et des restructurations. La spécificité de son intervention réside dans sa volonté d’inclure la population dans les dispositifs de développement local. Si cette pratique sociale s’exerce au niveau de l’appartenance et du lien social de la personne, touche t’elle directement les dimensions de la citoyenneté ? Alors que la participation se trouve au cœur d’une revendication citoyenne, d’une nécessité individuelle et d’une démarche sociale, quelle place la Mutualité Sociale Agricole des Côtes d’Armor peutelle jouer ? Dans quelle mesure, compte tenu de son expérience de mobilisation des habitants dans le cadre des programmes de développement local, l’action sociale de la MSA des Côtes d’Armor peut-elle être porteuse d’une démarche de participation favorisant l’exercice d’une citoyenneté locale ? MOTS CLES : Milieu rural, Participation, Citoyenneté, Habitant, Développement Social Local, Territoire