LA VIE DES AUTRES : UN HOMMAGE À L`ART

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LA VIE DES AUTRES : UN HOMMAGE À L`ART
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SOPHIE BASTIEN
LA V I E D E S AUTR E S : U N H O M MAG E À L’ART
Abstract: This article postulates that the German film The Lives of Others (Das
Leben der Anderen), by Florian Henckel von Donnersmarck, 2006, of which a large
part of the action takes place in communist Germany, constitutes a powerful
homage to the theatre, literature, and music—in brief, to art in general. The article
studies this aspect of the work primarily along two axes: the intellectual as well as
emotional impact of art. It examines how, through the character of Wiesler, artistic
emotion acts to catalyzes a profound and beneficial metamorphosis. Finally, it is also
by means of its treatment of art that the film approaches other themes, such as politics, liberty, and (social) engagement.
L
a présente étude se penchera sur La Vie des autres (Das Leben der Anderen),
un film allemand de Florian Henckel von Donnersmarck paru en 2006. Ce
long métrage, dont l’action commence en 1984, lève le voile sur une période
récente de l’histoire de l’Allemagne, particulièrement sur les rapports entre, d’un
côté, la dictature communiste et sa police secrète la Stasi, et, de l’autre côté, le
milieu des artistes et des intellectuels. La masse d’articles qu’il a inspirée en
Europe et en Amérique s’attache très majoritairement au contexte historique et
au degré d’authenticité de l’œuvre fictive. Néanmoins, « it’s not a Stasi film, précise Donnersmarck. That’s just the setting ».1 Nous retenons plutôt qu’il rend un
puissant hommage à la littérature, au théâtre, à la musique, bref à l’art en
général. Certains ont entrevu cet aspect mais ont choisi de l’escamoter, par
exemple Anna Funder : « Leaving aside the question of the redemptive power of
art, it is important to understand why a Wiesler could not have existed ».2
D’autres l’ont effleuré, comme Mareike Herrmann : « The film offers a Romantic
definition of truth, one that affirms the transformative power of art »;3 ou
Stéphane Defoy : « Un être laisse tomber les masques au contact d’un univers
(la culture) qui lui est jusque là inconnu ».4 Nous nous proposons de le scruter
plus en profondeur, d’abord selon deux axes : la portée intellectuelle de l’art, plus
précisément du théâtre (comme genre littéraire et comme art scénique), et sa
portée émotionnelle sur le récepteur et sur l’émetteur. Nous examinerons ensuite
comment l’émotion artistique agit et devient le catalyseur d’une métamorphose
bénéfique, chez le personnage de Wiesler. En dernier lieu, nous observerons en quoi
CANADIAN JOURNAL OF FILM STUDIES • REVUE CANADIENNE D’ÉTUDES CINÉMATOGRAPHIQUES
VOLUME 19 NO. 2 • FALL • AUTOMNE 2010 • pp 128-142
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Fig. 1. La Vie des autres (Florian Henckel von Donnersmarck, Allemagne, 2006).
Georg Dreyman (Sebastian Koch).
le traitement de l’art se relie à d’autres thèmes, comme le politique, la liberté
et l’engagement.
LA PORTÉE INTELLECTUELLE DE L’ART
Une double vérité se trouve démontrée dans La Vie des autres : l’art touche la
tête, la zone cérébrale, autant que le cœur, le siège des émotions. La première
partie de ce postulat se dégage de la censure et de l’espionnage que pratiquent
rigoureusement le gouvernement et sa police secrète à l’égard des artistes. Ces
mesures présupposent que l’artiste n’est pas inoffensif, car sa création peut provoquer la réflexion sociale et politique chez le public, ce qui menacerait le régime
en place. C’est également ce que sous-entend une image, vers la fin du film, qui
met en évidence la quantité et l’épaisseur des rapports de la Stasi portant sur un
écrivain surveillé (fig. 1). En mettant en scène la censure communiste, le film
affirme donc le pouvoir idéologique de l’art sur l’opinion du récepteur.
De même, La Vie des autres fait envisager le théâtre comme un médium
énergique doté d’un potentiel mobilisateur.5 Et cette perception vaut autant pour
les deux natures du théâtre : littéraire et scénique. Pour ce qui est de la première,
le théâtre comme genre littéraire, l’un des principaux personnages est dramaturge :
Georg Dreyman. Le premier point de vue par lequel il est présenté —celui de
haut placés de la Stasi : le lieutenant-colonel Grubitz et le capitaine Wiesler—
atteste l’importance de son rôle social. Il est souligné par les jumelles qu’utilise
l’un d’eux pour mieux l’observer, et par leur dialogue : ils évaluent sa rectitude
doctrinale. Ce qui s’ensuit est déterminant pour le fil de l’action : le ministre de
la Culture (et anciennement de la Sécurité d’État), Hempf, ordonne de placer son
appartement sous écoute.
Le théâtre comme art scénique est lui aussi mis en valeur. Après les
séquences introductives, l’action se déroule dans une salle de spectacle. C’est
dans ce lieu rassembleur et chargé de sens qu’on fait la connaissance de
Dreyman. Sa pièce y est montée ; l’occasion mérite donc la présence du ministre
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et des hauts gradés de la Stasi. On assiste à des passages de la représentation,
avec à l’avant-plan la comédienne principale : le personnage féminin le plus
important du film, Christa-Maria, est donné à voir en pleine prestation, ce qui
met en relief son métier scénique. On constate par la suite qu’une relation amoureuse l’unit à l’auteur ; le scénario gravite ainsi autour d’un couple formé d’un
dramaturge et d’une comédienne.6
Non seulement Hempf met-il leur appartement sous écoute, mais il profite
de son statut politique pour obtenir les faveurs sexuelles de Christa-Maria, que
la précarité de la pratique professionnelle rend vulnérable. « Le parti a besoin
des artistes et les artistes ont besoin du parti ! »7, lance-t-il avec ostentation après
le spectacle, en feignant de les féliciter. Sa formule chiasmatique recèle au fond
une réciprocité amère, qui s’observe sur deux fronts : privé et public. Hempf
assouvit ses désirs sexuels avec Christa-Maria, qui se soumet à lui pour avoir le
droit de monter sur les planches. Mais cette intrigue personnelle ne serait qu’un
cliché du scénario si elle ne transposait une réalité sociale : dans le contexte dictatorial, c’est pour son propre intérêt que le politique se penche sur le milieu
artistique, conséquemment confiné à une servitude.
Ironiquement, le traitement oppressif valorise le domaine artistique. On
comprend de cette manière indirecte qu’un autre métier du théâtre—que l’écriture
et le jeu—a un pouvoir sur le public : La Vie des autres exploite également la figure
du metteur en scène, par le personnage de Jerska. Ce dernier n’exerce plus son
métier depuis plusieurs années parce que le gouvernement le lui interdit ; c’est en
vain que Dreyman demande au ministre intraitable s’il peut espérer retravailler.
LA PORTÉE ÉMOTIONNELLE DE L’ART
Si l’œuvre d’art a des répercussions sur la faculté critique du public, elle en a
autant sur sa faculté à s’émouvoir. Seulement, le film ne thématise pas cette
facette par le biais de la censure institutionnelle, et ce n’est plus d’un public collectif et impersonnel qu’il s’agit. Pour montrer que l’art atteint le cœur dans ses
replis apparemment inaccessibles, il met l’accent sur un récepteur en particulier.
La portée émotionnelle de l’art sur le récepteur
Ce personnage de récepteur est le capitaine Wiesler, un homme taciturne et
impassible, un fonctionnaire consciencieux et zélé, selon les premières séquences.
La caméra alterne alors entre deux scènes : tantôt il mène un interrogatoire dans
une prison ; tantôt il donne un cours à l’école de la Stasi,8 avec l’interrogatoire
enregistré comme démonstration. Il use de cruauté, malgré l’air innocent et la
détresse graduelle de l’interrogé, et l’étudiant qui s’oppose à sa technique ne le fait
pas broncher non plus (il note au contraire son nom comme celui d’un dissident) :
il se comporte avec une sécheresse clinique. Bien campé dans la situation initiale,
son portrait est capital pour l’évolution complexe qui suivra. Après le cours,
Grubitz, son supérieur, l’invite au théâtre, où sera le ministre. Cette soirée au
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théâtre déclenche l’éveil de sa sensibilité, qui s’opérera dans trois sphères : le
personnage traversera une initiation artistique, qui se doublera d’une conversion
morale, et il aboutira à un désendoctrinement politique. En somme, une métamorphose globale s’accomplira.
L’origine en est l’expérience théâtrale, la première des quatre étapes de l’initiation artistique. Mais une forme théâtrale secondaire la précède et capte déjà
l’attention de Wiesler : l’entrée du dramaturge dans la salle fait éclater les applaudissements du public, auxquels l’auteur adulé répond par un salut. Le regard que
pose ensuite Wiesler sur le spectacle est naturellement induit par sa profession, à
laquelle la curiosité avide et la finesse d’observation sont inhérentes, ce qui exclut
toute candeur et le rend au fait à la fois de la médialité théâtrale et de la fictionalité. Cela ne l’empêche pas d’être, en plus, littéralement fasciné par la représentation et par les artistes—par le jeu de Christa-Maria surtout. Comme le
souligne Scott Holleran, « she is scrubbing the floor in a scene on stage, a dutiful worker in a proletarian play, but she sparks when she delivers a line about
being crushed by injustice. In that moment, something stirs within this man who
exists to serve the state. It gradually rises for the rest of the movie. »9 Que le
théâtre déclenche cette ouverture est une donnée dans la progression de la trame
filmique, mais aussi une manifestation de la vitalité de cet art. On dirait une mise
en application de la volonté que verbalise Hamlet quand il prépare son spectacle10 : « The play’s the thing wherein I’ll catch the conscience of the king ». Il ne
s’agit certes pas ici de théâtre dans le théâtre, ni d’ailleurs de cinéma au cinéma,
mais de théâtre à l’intérieur de cinéma : ce procédé intermédial11 implique tout de
même deux arts mimétiques et par là, deux niveaux de représentation et de
rapports acteur/personnage/spectateur. Hamletien par son impact, il jette une
lumière dans l’esprit du spectateur interne, le capitaine de la Stasi.
Dans sa mission d’espionner le couple vedette, celui-ci découvre d’autres
media qui contribuent à développer sa réceptivité artistique. Ainsi lit-il de la littérature : c’est la deuxième étape de son initiation. Pour sa propre curiosité, il a
confisqué un livre appartenant à Dreyman et s’y plonge avec passion. Braquée
sur son visage, la caméra embrasse aussi le nom de l’auteur qui figure sur la
couverture : Bertolt Brecht. Connu pour ses allégeances communistes, ce dernier
dépasse cependant la doxa ; ce qu’il défend plus que tout touche à la dignité
humaine. Il n’est pas anodin que ce que lit Wiesler ne concerne pas son théâtre
épique et ne soit nullement politique. En effet, le poème « Souvenir de Marie A. »
(dont une voix hors champ nous fait entendre le premier huitain) incite à une
rêverie lyrique : ce sont ces qualités littéraires qui pénètrent tant Wiesler.
L’initiation progresse. Un art non verbal, plus abstrait que le théâtre et la littérature, en marque la troisième étape : la musique. Dans l’atmosphère recueillie
de son appartement, Dreyman interprète au piano une pièce intitulée « Sonate
de l’homme bon ». Wiesler l’entend de son poste d’écoute et sa réaction constitue
un véritable climax, dans le film : absorbé par l’émotion musicale, il verse une
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Fig. 2. Gerd Wiesler (Ulrich Mühe).
larme aussi intense que discrète. Puis le couronnement de son cheminement
artistique revient à la forme littéraire, puisque la finale du film laisse comprendre
qu’il lira avec bonheur un roman, Sonate de l’homme bon, dont il est le protagoniste. Dans les trois premières étapes, la révélation artistique s’avérait implicitement
une révélation à soi-même ; à ce stade ultime, elle en est une explicitement. Aussi
Wiesler esquisse humblement son premier sourire en répondant « C’est pour
moi » au caissier qui lui offre un emballage-cadeau, à la librairie (fig. 2). Les
deux sens de sa phrase sont perceptibles : il achète pour lui-même un roman écrit
en son honneur. Jusque là récepteur silencieux d’œuvres qui ne lui étaient pas
spécifiquement adressées, il parle maintenant d’une œuvre qui lui est dédicacée.
Et c’est le mot de la fin, un explicit aussi incisif que laconique : il ouvre un
second degré par lequel tout le contenu du film se trouve mis à distance.
La portée émotionnelle de l’art sur l’émetteur
L’art agit émotionnellement sur le récepteur mais également sur l’émetteur, par
une sorte de retour, un effet mutuel. Le phénomène se constate chez Christa-Maria
et Jerska, car le caractère vivant du théâtre se fonde sur la relation scène/salle.12
Wiesler, Hempf et Grubitz réussissent à influencer la comédienne pour cette
raison–le premier avec bienveillance, les autres avec sadisme. Pour la dissuader
d’aller à un rendez-vous avec Hempf, Wiesler la convainc que son public l’apprécie,
ce qui lui procure un sentiment d’indépendance à l’égard du ministre ; « Je suis
votre public », lui dit-il pour gagner sa confiance (elle ne saisit toutefois pas le
deuxième sens de son énoncé : je suis l’espion de votre vie privée). Délaissé, le
vindicatif Hempf décide de lui interdire de jouer, sachant son besoin viscéral de
public et quelle violence lui fait la perspective de la mort professionnelle. « Que
fait un acteur lorsqu’il ne joue plus ? », lui demande Grubitz en prison pour lui
soutirer de l’information sur Dreyman (fig. 3). Mis à contribution à cet effet,
Wiesler arrive à la faire collaborer parce qu’il en est un fervent admirateur et comprend sincèrement l’énergie qui circule entre acteurs et spectateurs.
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Fig. 3. Christa-Maria Sieland (Martina Gedeck).
Fig. 4. Georg Dreyman (Sebastian Koch).
Le besoin de créer et de solliciter un public atteint un degré plus pathétique
avec Jerska : privé par les autorités de sa raison de vivre, celui-ci se suicide. Par
réaction, Dreyman rédige un article dérangeant sur le suicide en République
démocratique allemande. Comme le théâtre, son entreprise n’acquiert un sens
que par un public éventuel ; c’est pourquoi il fait acheminer son texte à l’Ouest
où il trouvera un lectorat. C’est aussi pourquoi la Stasi le mettrait en isolement
maximal, si elle le détenait : selon Grubitz, l’absence de tout public rendrait son
état dépressif et sa plume stérile.
L’état de manque de mots13
Après la chute du mur de Berlin, quand il apprend qu’il était espionné et que son
espion le protégeait fort courageusement, Dreyman le retrace et l’aperçoit en
taxi : Wiesler distribue des prospectus avec des gestes réguliers, un air résigné.
Il sort de la voiture, sans doute pour lui exprimer sa reconnaissance (fig. 4), mais
médusé par cet homme d’une telle grandeur d’âme réduit à une occupation
pareille, il se rassoit et la voiture repart. Matthew H. Bernstein appelle son attitude « the voyeur’s distance » en l’associant au réflexe qui était courant en RDA
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et qui perdure, tel un traumatisme, après la chute du mur14. Nous la comprenons
autrement que lui et y discernons un élément de plus qui enrichit le topos artistique. Parce que les mots, dans leur fonction courante de communication, ne
suffiraient pas à dire toute l’émotion de Dreyman. En revanche, une idée fait son
apparition, ce qu’appuie la bande sonore du film, saisissante dans cette séquence :
avec un volume augmenté, retentit une musique ample et enlevante. Ce signifiant indique que quelque chose de substantiel se prépare ; d’autant plus que
selon Donnersmarck, la charge sémantique d’un film est indissociable du code
musical, qui a la fonction essentielle d’une clé révélant un sens médiat.15
L’écrivain recourra à la médiation littéraire et consacrera un ouvrage à l’espion
magnanime. Au lieu de dire sa gratitude à Wiesler, il dira au monde sa gratitude pour
Wiesler ; elle gagnera en puissance. Par cette transposition artistique, l’histoire
personnelle accédera à l’universel. D’ailleurs, le destinataire dans la dédicace
sera désigné par un code (celui que lui attribuait la Stasi) plutôt que par un prénom
et un patronyme : il s’en trouve moins individualisé, ce qui invite le lecteur à
s’identifier à lui. Aussi figure-t-il l’« homme bon » que nous sommes potentiellement et, de surcroît, le récepteur d’art que nous sommes effectivement (devant
le film).
L’ART COMME INSTRUMENT DE CONVERSION
La conversion morale et affective de Wiesler s’effectue de façon plus diffuse que son
initiation artistique. Plusieurs moments en forment graduellement la trajectoire.
Les préliminaires
Le titre de la pièce de théâtre, Visages de l’amour, s’avère précurseur de l’évolution qui attend Wiesler. Ce dernier en prend connaissance, après la représentation,
et observe le dramaturge et la comédienne dont les gestes révèlent la relation
amoureuse ; l’amour dont il est question dans la pièce, les artistes l’incarnent
dans la réalité, cette autre « scène » pour laquelle il devient un « spectateur »
sensible, voire perméable.
La séquence suivante installe deux autres thèmes importants : l’espoir et la
bonté. Ils sont traités sur le mode théorique dans un dialogue entre Hempf et
Dreyman, avant de l’être plus loin par le biais de la fiction. L’espoir dure tant que
la vie existe et meurt en dernier, affirme Hempf avec cynisme pour se moquer de
Jerska. Il a tort : Jerska est si désespéré qu’il se suicidera, devenant ainsi l’emblème métonymique de milliers d’autres suicidaires en RDA, dont parlera l’article de Dreyman. Par ailleurs, Hempf réfute Dreyman et sa « foi en la bonté
de l’âme » ou en la capacité de devenir bon : « Les gens ne changent pas ! »,
tranche-t-il. Mais la suite donnera encore raison à l’écrivain contre le politicien :
Wiesler renaîtra sous le signe de la bonté. Bernstein interprète dans la perspective de l’art le manque de jugement dont fait preuve le dignitaire : « This is one
recurring joke throughout The Lives of Others—in a film that depicts the power
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Fig. 5. Georg Dreyman (Sebastian Koch) et Christa-Maria Sieland (Martina Gedeck).
Fig. 6. Gerd Wiesler (Ulrich Mühe).
of art and artists to transform lives, the Stasi agents and government officials, for
all their powers of surveillance, are utterly ignorant of and oblivious to the virtues of the arts and artists. »16
LA CONVERSION SEXUELLE
La transformation de Wiesler se manifeste une fois sa mission commencée,
d’abord par des sentiments reliés à la sexualité. Après le quasi-viol par Hempf,
il est attendri devant la souffrance de Christa-Maria et son besoin de réconfort :
quel changement depuis la froideur initiale (fig. 5-6) ! Par la suite, il réclame un
peu de tendresse à la prostituée employée du Ministère, qui n’a pas de temps
pour cela vu son horaire minuté. Dans la société communiste, même le sexe se
pratique avec discipline et rigidité, telle une activité codifiée. Le motif récurrent
de la ponctualité et de la fidélité au travail apparaît maintenant sordide. Et sur le
plan personnel, Wiesler se découvre un manque affectif ; l’espion d’un couple
aimant aspire lui aussi à une chaleur humaine. Dans la séquence suivante, alors
qu’il inspecte l’appartement du couple, il pose avec grand respect sa main sur le
lit, car lui qui assouvissait un besoin physique par la prostitution, prend contact
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Fig. 7. Gerd Wiesler (Ulrich Mühe).
avec un lieu où se partage une intimité authentique (fig. 7). Deux types de vécu
sexuel se trouvent confrontés. Il en est un troisième, le plus vil : celui qu’impose
Hempf à Christa-Maria. Remarquons que pour les personnages associés au
ministère et assimilés au système, le sexe est un service rétribuable.
La conversion du cœur
En considérant le champ sentimental qu’elles évoquent, ne nous étonnons pas
que les expériences artistiques adoucissent Wiesler. Elles lui font goûter l’expression d’un non-dit qu’il ne pouvait imaginer et qui le transporte dans un espace mental étranger à la brutalité psychologique de sa vie quotidienne. Le titre de
la pièce de théâtre à laquelle il assiste est éloquent ; le passage poétique de Brecht
qui le captive s’imprègne d’une tonalité amoureuse ; et l’intitulé de la sonate pianistique qu’il entend le définit allusivement comme « homme bon ». Aussi Dreyman
pose cette question qui fait écho au thème de la bonté esquissé en préliminaire :
« Celui qui écoute cette musique, qui l’écoute vraiment, peut-il être mauvais ? ».17
Comme Wiesler « l’écoute vraiment », sa bonté ne ferait pas de doute ; et si
elle n’était qu’embryonnaire, « cette musique » en serait un catalyseur. Elle se
confirmera par après, en déterminant ses comportements. Vu son occupation et
le contexte social, elle a tôt fait de s’imbriquer avec la dimension politique du
film. Ainsi, au lieu de suivre ce que lui dictent ses fonctions officielles de capitaine, il se ravise à trois reprises. Premièrement, dans son dialogue avec l’enfant,
il ne cherche pas l’identité du père diffamateur, qu’il laisse impuni et libre de
continuer : le puriste qui notait le nom des étudiants à l’esprit critique, s’est
assoupli. Deuxièmement, il n’avertit pas le douanier, au téléphone, quand
l’article dissident de Dreyman passe à l’Ouest : il a pour tâche de freiner les
opposants et se fait pourtant complice de la diffusion d’un texte subversif. La
troisième fois qu’il se ravise est encore plus audacieuse, puisque pour protéger
Dreyman, il prononce un énorme mensonge devant son supérieur le lieutenantcolonel Grubitz. Et ses écarts ne sont pas moins patents quand il falsifie ses rap-
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ports. Lui qui n’écrivait que des comptes rendus factuels, invente avec plaisir le
canevas de la pièce sur Lénine que Dreyman et ses amis prétendent composer
pour justifier leurs réunions. Il remplace en quelque sorte le dramaturge quand
ce dernier passe à la prose engagée—ce qui inscrit dans la littérature la complémentarité de ceux qui étaient si contraires.
Une autre preuve de sa conversion réside dans son action auprès du triangle
Hempf/Christa-Maria/Georg. Constatant que le politique avilit l’amour et
réprouvant l’abus de pouvoir que commet le Ministre, il fait en sorte que Georg
apprenne les faits. Mais il sera perturbé par le déchirement des amants, autant
que par le discours lucide de Christa-Maria sur les artistes tributaires du régime
dictatorial : « Toi aussi tu couches avec eux. Pourquoi ? Parce qu’ils peuvent te
détruire… C’est eux qui décident de ce qu’on joue ». Quand il entre dans un bar,
il manifeste un besoin d’alcool symptomatique de son bouleversement affectif et
politique : son empathie pour le couple le porte à remettre en question le système
communiste car celui-ci est à la source de la crise conjugale. Par son intervention
(mentionnée plus haut) auprès de Christa-Maria qui s’assied dans le bar, il prend
subtilement position pour une pratique artistique affranchie de la mainmise
gouvernementale. Le jugement clairvoyant que porte alors son interlocutrice
rappelle la sonate pianistique et la réflexion préliminaire sur la bonté : « Vous
êtes un homme bon ».
À la fin du film, sa bonté voit sa consécration dans le roman que lui dédie
Dreyman. Le titre polysémique Sonate de l’homme bon additionne les référents—
chronologiquement : les paroles de Hempf, la sonate et le jugement de ChristaMaria—qui culminent vers sa personne. La dédicace, « Pour HGW XX/7 en
gratitude », est on ne peut plus limpide. La Vie des autres promeut une fonction
de l’art : procurer une réparation au héros ignoré ou maltraité, aussi modeste que
méritoire, qui prend des risques et subit des sacrifices au nom de valeurs humanistes. Cette vocation serait celle de la littérature—par le roman de Dreyman—et
celle du cinéma—par l’œuvre-cadre. Nous souscrivons sur ce point à l’observation d’Eva Horn : « it is ultimately the work of art—both the fictitious Dreyman’s
final novel Die Ballade vom guten Menschen and Henckel von Donnersmarck’s
celebrated film itself—that is offered as a retrospective panacea to a historical
form of power that was in fact conspiratorial »18.
Le dédoublement structurel et idéel opère aussi sur un autre plan. La transformation de Wiesler et l’œuvre littéraire qui lui est dédiée font ressortir les bienfaits de l’art. Or, c’est un médium artistique, le cinéma, qui réussit cet effet. La
Vie des autres devient un métadiscours autopublicitaire : par la nature de
l’œuvre-cadre qui le contient, l’hommage au théâtre, à la littérature et à la
musique trace en filigrane un hommage narcissique au cinéma.19 Le septième art
accède en cela au rang d’hypermédium, « that is able to incorporate all other
arts and media »—pour reprendre le concept que définit Chiel Kattenbelt.20
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LE DÉSENDOCTRINEMENT POLITIQUE
Initialement, le capitaine Wiesler s’en tient aux principes idéologiques, dans ses
paroles (il évoque « notre serment » avec fidélité) comme dans ses actes (il s’assied
avec des subalternes à la cafétéria). Quant à lui, l’opportuniste Grubitz ne pense
qu’à l’avancement de sa carrière. Lorsque paraît l’article « anonyme », le ministre
exerce sur lui une pression menaçante, que Grubitz déverse ensuite sur Wiesler.
Ce dernier ne peut décevoir son supérieur sans craindre le pire ; mais plus forte que
la crainte, l’intégrité de son cœur et de sa pensée nouvellement éclos s’affermit et
interfère avec son devoir professionnel, au point qu’il fait échouer l’enquête en en
dérobant la pièce clé (le dactylo de Dreyman), une manœuvre hautement risquée.
Aussi essuie-t-il une chute hiérarchique draconienne, à la fermeture du dossier.
Peu lui chaut, peut-on présumer : le suicide de Christa-Maria, qui ne supportait
pas d’avoir trahi son conjoint, lui fait voir l’absurdité de son existence passée. Il
a eu l’intelligence d’évoluer, de supplanter le conditionnement par une conscience
régénérée, dorénavant autonome et émancipée. De cet acquis incommensurable
découle inévitablement sa destitution.
Commentant sa métamorphose,21 Donnersmarck semble établir une égalité
causale entre, d’une part, son initiation artistique, et, d’autre part, sa déception
que son travail doive servir des desseins égoïstes : le carriérisme de Grubitz et
la libido de Hempf. Nous précisons que son expérience spectatrice au théâtre se
situe en amont de cette double désillusion. Là, s’actionne le déclic intérieur ;
ensuite, il découvrira la corruption du système en place. Son désendoctrinement
s’effectue curieusement par des moyens apolitiques : l’art et l’édification de l’âme
qu’il suscite. Celle-ci rappelle la conception aristotélicienne selon laquelle le
politique est inséparable du bien comme idéal22 ; il ne doit pas être au service
d’un système, mais des humains.
LIBERTÉ DE PENSER, LIBERTÉ DE CRÉER
Les besoins inextinguibles de s’exprimer et de créer nécessitent une liberté
empêchée en RDA. C’est la première déduction à tirer de la représentation de la
pièce Visages de l’amour qui a lieu après la chute du mur. On assiste au même
tableau qu’au début du film, sans effet de redondance pourtant, puisqu’un décor
avant-gardiste et un jeu stylisé ont supplanté la mise en scène réaliste d’autrefois. La fin du communisme et de sa censure a dégelé l’imagination et permis
une percée esthétique. Par ailleurs, la théâtralité moderne laisse sentir que
Christa-Maria, qui tenait le rôle principal, n’est plus, et que son époque est révolue. Le fait que Dreyman se trouve avec une compagne dans la salle corrobore
cette deuxième déduction et dévoile un renouveau de sa vie personnelle. La troisième observation est d’ordre social. L’évolution multiple (politique, artistique,
psychologique) est également féministe et raciale : les personnages féminins
groupés sur la scène adoptent maintenant une posture droite et une démarche
aussi sûre qu’élégante ; et la protagoniste, qui se détache de ce groupe, est de race
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Fig. 8. Gerd Wiesler (Ulrich Mühe) et Christa-Maria Sieland (Martina Gedeck).
noire. N’est-ce pas la mise en forme d’un esprit non plus endigué mais enfin
ouvert aux courants contemporains ?
Pour le spectateur externe, parce qu’il a vu des bribes de la première représentation de la pièce, comme pour le spectateur interne avisé (pouvons-nous le supposer),
les ressorts de la mimésis et de l’illusion sont évacués au profit d’une attitude
critique provoquée par le changement radical des conventions théâtrales. Les deux
esthétiques scéniques, attribuées respectivement à la RDA et à l’Allemagne unifiée, prennent valeur d’allégorie dans une confrontation dialectique : la première
reflète le joug dictatorial ; la deuxième, des conditions artistiques et sociales
affranchies. Par ce rapport réflexif entre l’art théâtral et le monde empirique, entre
la fiction et la réalité, l’évolution historique qu’a traversée l’Allemagne contemporaine est plus sensible. Voilà bien la fonction herméneutique immanente aux
représentations théâtrales enchâssées, considérées dans leur interdépendance.23
DE L’INDIVIDUEL AU SOCIAL
Une autre richesse de La Vie des autres réside dans les rapports complexes, à
même l’intrigue, entre le privé et le public,24 l’art et le politique, le cœur et la
tête : toutes ces catégories y sont reliées organiquement.25 L’adultère de ChristaMaria, on l’a vu, attaque une relation amoureuse, mais est autant un scandale
politique puisqu’un puissant utilise son statut pour s’asservir une femme, vulnérable à cause de son métier artistique. Le suicide de Jerska représente une peine
personnelle pour Dreyman, qui perd un ami vaincu par le désespoir. C’est aussi
un événement politique, dans sa cause et dans sa conséquence : il provient d’une
décision de politiciens motivés par des enjeux idéologiques ; et Dreyman réagit en
dénonçant le taux anormalement élevé de suicides en RDA et en insinuant qu’on
n’y est pas heureux. C’est de plus un événement artistique : le milieu théâtral
accuse la perte définitive d’un metteur en scène éminent.
L’interprétation de la sonate au piano est un moment intime : pour Dreyman,
il s’agit d’une partition que feu Jerska lui avait offerte en cadeau ; pour Wiesler,
c’est une intensité qu’il n’avait jamais affleurée. C’est entre autres pourquoi il
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n’aura plus foi en son métier de sbire. Toutes ces implications en font la célébration de l’art musical.
Le deuxième et dernier suicide, celui de Christa-Maria, est un drame personnel : ses remords pesaient trop lourd ; Dreyman perd ainsi sa bien-aimée ; et
Wiesler, qui avait tant fait pour les aider, est ravagé devant cette scène tragique,
dont il est très involontairement responsable (fig. 8). Mais en réalité, les trois
sont victimes d’un système politique dévastateur, auquel remonte la chaîne de la
causalité. Après avoir fait sentir la désolation de cette situation, la caméra,
appuyée par une musique vibrante, nous montre le ciel gris et la cime des arbres
sans feuilles, comme vus par Christa-Maria gisant sur le dos dans la rue, et
comme si elle pointait un au-delà vaste et sinistre. Serait-ce que l’État agit tel le
fatum de la tragédie ? C’est un peu ce que laisse croire la une du journal ce jour-là,
dans une image qui suit de peu cette scène : « Gorbatchev est élu chef du Parti
Communiste de l’URSS ». La machine inhumaine n’arrête pas. …Du moins, pas
encore.26
L’ENGAGEMENT DE L’AUTEUR ENCHÂSSÉ ET DE L’AUTEUR ENCHÂSSANT
Le film soulève aussi la question de l’engagement. Le milieu intellectuel de
Dreyman s’interroge sur la participation de celui-ci dans la création artistique. La
notion est alors à entendre dans un sens rigoriste et sartrien. Elle prendra plus loin
une autre envergure. Après la chute du mur, Dreyman est en panne d’inspiration.
« Vous n’écrivez plus », remarque l’ex-ministre Hempf, qui interprète ce silence
comme signifiant : « Rien en quoi croire, rien contre quoi se rebeller ». L’écrivain
se sent soudain interpellé quand il découvre la bravoure puis l’identité de celui qui
l’espionnait. Il fait acte d’engagement en publiant son roman Sonate de l’homme
bon, par lequel il fait l’éloge de l’humanité, de la propension de l’homme à la
conversion morale et à l’émotion esthétique. Bien sûr, l’action destructrice ne
s’oublie pas et le suicide des désespérés non plus. La trajectoire de Jerska et de
Christa-Maria n’est cependant pas sans rapport avec celle, résolument positive,
de Wiesler. En fin de compte, La Vie des autres dit l’espoir, met en scène l’abnégation qui surgit de l’abrutissement, la vie qui naît de la mort. Aussi faut-il saisir
toute la densité connotative des lieux : l’action débute dans une prison et se
termine dans une librairie. L’alpha et l’oméga d’une ascension rédemptrice.
Également, le film prône la sauvegarde de la conscience et de la liberté personnelles, et enseigne la prudence à l’égard de toute idéologie. Si sa critique du
communisme est évidente, il exhibe discrètement, vers sa finale, les défauts du
capitalisme. Alors qu’en RDA, le bien communautaire récoltait un respect qui le
maintenait dans un état impeccable, le paysage urbain de la nouvelle Allemagne est
enlaidi par les graffitis et souillé par les détritus. Les annonces tapissant les vitrines
trahissent une société de consommation, dont les prospectus publicitaires que
distribue Wiesler sont un produit typique. Son gagne-pain fait de ce personnage
le jouet du capitalisme, après qu’il a été celui du communisme.
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« Ce sont nos œuvres [celles des cinéastes] qui vont former l’opinion sur
une période historique », avance Donnersmarck.27 En ce sens, son film est engagé.
Et comme il est bien davantage artistique que documentaire, « l’opinion » qu’il
contribue à « former » jouit d’un éclairage particulier et prend du volume, comparée à celle qu’engloberait le seul cercle des idées. Il ne se cantonne pas dans le
politique, dépasse de loin le cadre spatio-temporel de l’action et, grâce notamment à la participation intermédiale qui sert à valoriser l’art, « translates the East
German experience into an idiom that catches the imagination of the world »,
comme le note Timothy Garton Ash.28 Il prend l’Histoire comme arrière-plan mais
transcende les événements pour en extraire une valeur d’éternité.
NOTES
1.
Propos recueillis par Alan Riding, “Behind the Berlin Wall, Listening to Life,” The New
York Times, 7 January 2007, http://www.nytimes.com/2007/01/07/movies/
awardsseason/07ridi.html (accédé le 8 mai 2008).
2.
Anna Funder, “Eyes without a Face,” Sight and Sound 17.5 (2007): 19.
3.
Mareike Herrmann, “The Spy as Writer: Florian Henckel von Donnersmarck’s Das Leben
der Anderen,” Gegenwartsliteratur: A German Studies Yearbook 7 (2008): 92.
4.
Stéphane Defoy, “La Vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck: Haute surveillance,” Cinébulles 25.2 (2007): 7.
5.
Comment ne pas penser aux théoriciens et praticiens allemands Erwin Piscator et Bertolt
Brecht, qui espéraient agir sur la situation sociale par le théâtre?
6.
Comment ne pas encore penser à Brecht, et, cette fois, à son épouse la comédienne
Helen Weigel, qui jouait ses rôles féminins principaux?
7.
Selon le sous-titrage français. Ainsi en est-il des autres citations puisées dans le scénario.
The Lives of Others, DVD, directed by Florian Henckel von Donnersmarck, 2006 (Culver
City: Video Sony Pictures Classics, 2007).
8.
Soucieuse de se professionnaliser, la Stasi a fondé son école de formation d’officiers en 1951.
9.
Scott Holleran, “German Movie Indicts Altruism by Implication,” Box Office Mojo, 5 March
2007, http://www.boxofficemojo.com/reviews/?id=2263&p=.htm (accédé le 8 mai 2008).
10.
C’est une fonction possible de la technique de la mise en abîme, selon Robert Jouanny:
“Miroirs et quête de vérité,” dans Le Théâtre dans le théâtre, le cinéma au cinéma, éd.
F. Wilhelm (Luxembourg: Lansman, 1998), 12.
11.
Selon la typologie que dresse Jens Schröter, il s’agirait plus exactement ici de “transformational intermediality, which refers to the representation of one medium in another medium.” “Intermedialität,” http://www.theorie-der-medien.de/text_detail.php?nr=12; cité et
traduit de l’allemand à l’anglais par Freda Chapple et Chiel Kattenbelt dans “Key Issues in
Intermediality in Theatre and Performance,” Intermediality in Theatre and Performance,
éd. F. Chapple et C. Kattenbelt (Amsterdam & New York: Rodopi, 2006), 13.
12.
À sa source, le théâtre nécessite un regard spectateur, comme le révèle l’étymologie:
“théâtre” est dérivé des termes grecs theatron (lieu d’où l’on regarde) et theaomai
(regarder). Et selon la définition minimaliste que fournit Eric Bentley de cet art, le public
en est un élément constitutif, au même titre que le comédien et le personnage: “A
impersonates B while C looks on,” The Life of the Drama (London: Methuen, 1965), 150.
13.
L’expression combine “l’état de manque” que nomme Mallarmé et le “manque de mots”
dont parle Éluard, dans le célèbre vers “Le tout est de tout dire, et je manque de mots”
(dans le poème “Tout dire” du recueil Pouvoir tout dire, 1951).
14.
Matthew H. Bernstein, “The Lives of Others. On an Emotive Surveillance Thriller Set in
Communist East Germany,” Film Quaterly 61.1 (2007): 36.
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15.
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Bartholomé Girard, “Entretien avec Florian Henckel von Donnersmarck,” dans “La Vie des
autres: Notes de production,” http://www.commeaucinema.com/notes-deprod=66122.html (accédé le 2 juillet 2007).
16.
Bernstein, 31.
17.
Il cite ensuite cette confidence réelle de Lénine: Il ne voulait plus entendre
l’Apassionnata de Beethoven parce qu’elle lui donnait envie de caresser les têtes qu’il
devait casser pour mener à bien la révolution. L’anecdote fut à la source de La Vie des
autres, témoigne Donnersmarck: “That was a really amazing testament and tribute to the
power of art,” http://www.sonyclassics.com/thelivesofothers/swf/index.html.
18.
“Media of Conspiracy: Love and Surveillance in Fritz Lang and Florian Henckel von
Donnersmarck,” New German Critique 103 (2008): 144.
19.
L’effectivité de celui-ci se confirme dans la réception enthousiaste qu’on a réservée au
film et dans les prix innombrables, parmi les plus prestigieux, qu’il a remportés.
20.
Chiel Kattenbelt, “Theatre as the Art of the Performer and the Stage of Intermediality,”
Intermediality in Theatre and Performance, 32. Notons que le film de Donnersmarch
intègre aussi la télévision (nous assistons au bulletin de nouvelles quand Wiesler allume
son téléviseur) et les graffitis (que donne à voir le nouveau paysage berlinois).
21.
Dans une entrevue effectuée par Jason Wood: “A World without Red and Blue,”
Projections 15: European Cinema, éd. P. Cowie et P. Edelmann (London: Faber & Faber,
2007), 232-233; comme dans une autre effectuée par Michael Guillén: The Evening
Class, 20 January 2007, http://theeveningclass.blogspot.com/2007/01/das-leben-deranderen.html (accédé le 8 mai 2007).
22.
Selon La Politique d’Aristote (1977), le terme grec polis désigne une “communauté constituée en vue d’un certain bien. La communauté la plus haute englobe toutes les autres
et vise le plus haut bien. C’est la cité,” éd. et trad. J. Tricot (Paris: Vrin, 1995), 3.
23.
Manfred Schmeling nous conduit vers cette piste interprétative. Métathéâtre et intertexte
(Paris: Lettres modernes, 1982), 8, 17, 80.
24.
Ils existaient aussi dans la réalité: quand Ulrich Mühe, qui interprète Wiesler, était comédien en RDA, son épouse et de proches collègues agissaient comme informateurs sur
son compte auprès de la Stasi. “The dictatorship’s poison kept working in the most
private spheres,” commente à ce sujet Matthias Heine dans “Relentless in Acting and
Anger,” Signantsight.com, 27 July 2007,
http://www.signandsight.com/features/1459.html (accédé le 7 mai 2008).
25.
C’est également la réflexion de Donnersmarck dans une entrevue au titre significatif
effectuée par John Ester: “Between Principle and Feeling,” Cineaste 32.2 (2007),
http://www.thefreelibrary.com (accédé le 12 mai 2008).
26.
Gorbatchev arrive au pouvoir en 1985; le mur de Berlin tombe quatre ans plus tard.
27.
Michel Defoy, “Il était une fois dans l’Est,” Voir, 8 February 2007, http://www.voir.ca/
cinema/cinema.aspx?iIDArticle=45871 (accédé le 2 juillet 2007).
28.
Timothy Garton Ash, “The Stasi on our Minds,” The New York Review of Books 54, no 9
(2007), http://www.nybooks.com/articles/20210 (accédé le 7 mai 2007).
SOPHIE BASTIEN est professeure agrégée au département d’études françaises du
Collège militaire royal du Canada, à Kingston. Son livre intitulé Caligula et Camus.
Interférences transhistoriques, a remporté en 2007 le prix de l’Association des professeurs de français des universités et collèges canadiens. Elle a de plus publié de
nombreux articles sur Camus, Breton, Sartre, Beckett, Ionesco et sur la littérature
québécoise, dans des périodiques tels French Studies, Revue des Lettres modernes,
Voix plurielles, Canadian Literature et Études canadiennes, notamment. Elle dirige
un ouvrage collectif qui s’intitule La Passion du théâtre. Camus à la scène.
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