La diaspora marocaine en Allemagne

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La diaspora marocaine en Allemagne
Économie et emploi
La diaspora marocaine en Allemagne
Sa contribution au développement du Maroc
Publié par:
Deutsche Gesellschaft für
Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH
Division Économie et emploi
Projet sectoriel Migration et Développement
Postfach 5180
D-65726 Eschborn
Téléphone: +49 6196 79-0
Contact:
[email protected]
Responsables:
Irina Kausch
Andrea Riester
Auteur:
Kirsten Schüttler
Traducteur:
Maxime Boisset,
Service linguistique de la GTZ
Photographies du bandeau (du haut vers le bas):
Björn Ketels, Institut Goethe, Le Caire
Ralf Bäcker, GTZ Éthiopie
Graf Jaques de Lalaing, Collecteur pour une centrale solaire, Afghanistan
Ralf Bäcker, GTZ Éthiopie
Design:
andreas korn visuelle kommunikation, Bad Homburg
Impression et production:
Aksoy Print & Project Management, Eppelheim
Les idées et opinions présentées ici ne constituent pas de
prises de position de la GTZ.
© gtz 2008
Avant-propos
En mai 2006, par ordre du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), la Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH a lancé le projet
sectoriel «migration et développement» au siège de la GTZ à Eschborn. Ce projet vise à développer et à diffuser des concepts et instruments permettant d’appréhender les potentiels et les risques que les migrations
représentent pour le développement.
Ce projet d’assistance technique fait office d’interface entre la recherche, la politique et la pratique; ses tâches principales sont le conseil technique au BMZ ainsi que l’ancrage de l’approche au sein de la GTZ et
d’autres organisations d’exécution allemandes. Par ailleurs, les échanges suivis d’expériences et la coopération avec les partenaires européens y jouent un rôle important.
Dans la collaboration avec les communautés de la diaspora en Allemagne, l’un des principaux champs
d’intervention du projet, celui-ci s’attachera d’abord à mieux connaître les actions que les différentes organisations de migrants mènent déjà dans leurs pays d’origine. Sur cette base, il s’agira d’identifier ensuite les
approches de coopération possibles afin de formuler et de mettre en œuvre des projets communs dans les
pays d’origine. Dans cette optique, la GTZ a publié, en 2006, l’étude «Ägyptische, afghanische und serbi­
sche Diasporagemeinden und ihre Beiträge zur Entwicklung ihrer Herkunftsländer» [Les communautés des
diasporas égyptienne, afghane et serbe et leurs contributions au développement de leurs pays d’origine].
Par la suite, la présente étude, consacrée à la communauté de la diaspora marocaine, a été commanditée en
même temps que deux autres études portant sur les communautés de migrants sénégalais et vietnamiens en
Allemagne. Elle comble une lacune dans la recherche, car on sait peu de choses des actions menées par les
migrants dans leurs pays d’origine. En outre, cette étude servira de base à la coopération qu’il est prévu de
mener avec les associations de migrants marocains dans le cadre d’un programme pilote de promotion que
la GTZ a lancé en mai 2007 et qui se propose de cofinancer des investissements dans les mesures et infrastructures sociales.
Dr Irina Kausch
Table des matières
1. Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
2. La diaspora marocaine dans le monde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2.1 Principaux lieux de résidence. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2.2 La politique de l’État marocain vis-à-vis de sa diaspora. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
3. La diaspora marocaine en Allemagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
3.1 Causes et formes de l’immigration marocaine en Allemagne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
3.2 Taille de la communauté marocaine et situation au regard des règles de
séjour de ses membres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
3.3 Structure sociale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
3.4 Lieux de séjour. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
3.5 Régions d’origine et langue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
4. Formes d’organisation en Allemagne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
4.1 Évolution historique et types d’associations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
4.2 Lignes de clivage à l’intérieur de la diaspora. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
4.3 Taux d’organisation et relations entre les associations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
4.4 Expériences en matière d’appui public. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
5. Activités en rapport avec le Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
5.1 Liens avec le Maroc. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
5.2 Activités à but non lucratif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
5.3 Activités économiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
5.3.1 Transferts financiers. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
5.3.2 Investissements entrepreneuriaux et commerce extérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
5.4 Activités politiques, scientifiques et culturelles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
6.Recommandations d’actions pour la coopération allemande au développement . . . . 30
Annexe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
Liens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
1. Introduction
1. Introduction
La discussion sur la migration s’est longtemps concentrée sur les pays d’accueil. En ce qui concerne les pays
d’origine des migrantes et migrants1, l’opinion qui dominait la recherche et la politique du développement
dans les années 1970 était qu’elle avait surtout des effets négatifs, notamment la fuite des cerveaux, la perte
de ressources humaines.2 Par contre, depuis quelques années, on insiste davantage sur les opportunités
qu’offre aussi la migration. Les activités transnationales des communautés de la diaspora, en particulier,
sont perçues comme un atout pour le développement des pays d’origine. Loin de se limiter aux transferts
financiers des migrants à leurs familles, elles englobent des activités à but non lucratif, des investissements
et le transfert de savoir-faire.
Il faut toutefois se demander dans quelle mesure et de quelle manière ces activités ont effectivement lieu
aux niveaux économique, social, politique, scientifique et culturel dans les différentes communautés de
migrants. Quels sont les facteurs qui favorisent ou bloquent ces activités? Dans quelle mesure peuvent-elles
être soutenues de l’extérieur?
La présente étude examine ces questions dans le cas de la communauté marocaine en Allemagne.3 Elle a
exploité tout d’abord la littérature existante sur la question. À la fin des années 1980, Peter Waltner a rédigé une thèse portant sur la migration et le changement socioculturel dans la province de Nador (Waltner
1988). Dans les années 1990, Mohamed Berriane, Herbert Popp, Hans Hopfinger, Andreas Kagermeier et
Abdellatif Bencherifa ont étudié les effets de la migration de travail sur la région de Nador, dont est originaire une partie importante des Marocains immigrés en Allemagne.4 Nous avons également pu consulter
certains travaux consacrés à la communauté marocaine en Allemagne qui traitent de sa situation dans le
pays d’accueil (p. ex. Berriane 2003a; Mehlem 1998). De plus, un certain nombre de textes traitant des
Marocains résidant à l’étranger (MRE)5 en général fournissent des informations sur les Marocains établis en
Allemagne (p. ex. de Haas/Plug 2006).
Dans l’ensemble, il existe toutefois peu de littérature récente concernant les activités de la communauté
marocaine en rapport avec le Maroc. Aussi avons-nous complété l’évaluation des études scientifiques, des
différents documents et statistiques (émanant entre autres des consulats marocains, de l’Office fédéral allemand des statistiques, de l’Office fédéral de l’immigration et des réfugiés (BAMF) et de l’Agence fédérale
pour l’emploi) en menant une trentaine d’entretiens qualitatifs semi-directifs en Allemagne (octobre-décembre 2006) et au Maroc (janvier-février 2007). Ces entretiens s’appuyaient sur le questionnaire qui
avait été employé dans une autre étude portant sur trois autres communautés de la diaspora en Allemagne
(Baraulina et autres 2006). Les principaux partenaires en Allemagne ont été trouvés en effectuant une recherche sur Internet et en utilisant l’effet «boule de neige». Nous n’avons cependant aucune prétention de
représentativité. Comme le sujet principal des entretiens était les activités à but non lucratif, nous avons
surtout interrogé des représentants d’associations. Il s’agit majoritairement d’associations non religieuses
animées par la première et la deuxième génération de Marocains vivant en Allemagne. Nous avons mené
les entretiens en face à face dans les deux principaux centres d’implantation de la communauté marocaine,
Francfort-sur-le-Main et Düsseldorf, et par téléphone dans les autres cas. Au Maroc (Rabat, Casablanca,
Tanger, provinces de Nador, Oujda-Angad et Berkane), nous avons vérifié les résultats sur place et mené
1 Pour simplifier l’expression, on utilisera dans la suite du texte les termes «migrants» et «Marocains» pour désigner aussi bien les migrantes
et les migrants ainsi que les Marocaines et les Marocains.
2 Pour un aperçu de l’évolution de la perception des relations entre migration et développement, cf. de Haas 2006: 9-13.
3 Nous utilisons ici les termes de «communauté» ou «diaspora» marocaine sans présupposer a priori une attitude commune et homogène visà-vis du pays d’origine ou une cohésion forte.
4 La recherche a reçu, entre autres, un soutien financier de la Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) dans le cadre de
son programme «coopération avec les pays en voie de développement en matière de recherche».
5 Au Maroc, les avis divergent sur la désignation correcte des Marocains vivant à l’étranger. Nous employons ici le terme «Marocains résidant
à l’étranger», car c’est le plus utilisé à notre avis. Parmi les autres termes courants, on peut citer «citoyens marocains de l’étranger» et
«Marocains du monde».
1
des entretiens en personne avec des représentants d’institutions publiques et d’établissements allemands,
des chercheurs et des organisations non gouvernementales.
Dans un premier temps, nous examinerons brièvement la communauté marocaine au niveau mondial pour
évaluer l’importance de la diaspora vivant en Allemagne et la politique de l’État marocain à son égard.6 Ensuite, nous allons analyser la composition et la répartition géographique de la diaspora en Allemagne, car
on peut supposer que ces facteurs influent sur le degré et la forme des activités transnationales. Le chapitre
suivant décrira les formes d’organisation de la communauté marocaine en mettant l’accent sur les associations et leurs expériences du soutien de l’État. Après cela, nous étudierons les activités à but non lucratif,
économiques, politiques, scientifiques et culturelles et les facteurs qui les entravent. Pour terminer, nous
formulons des propositions d’action pour la coopération allemande au développement (CD).
6 L’étude se limite à l’immigration marocaine régulière, car il est difficile de se prononcer sur l’immigration irrégulière.
2
2. La diaspora marocaine dans le monde
2. La diaspora marocaine dans le monde
2.1 Principaux lieux de résidence
Actuellement, un Marocain sur dix environ (soit plus de trois millions de personnes de nationalité marocaine) vit en dehors du Maroc. Environ 85% des migrants marocains se sont établis en Europe. Après la
communauté turque, les Marocains constituent le deuxième groupe de migrants dans l’Union européenne
(FEMIP 2006: 58).
Traditionnellement, la France, qui avait établi un protectorat sur une grande partie du territoire marocain,
a été le principal pays de destination. Par suite d’accords sur l’immigration des travailleurs et le regroupement familial, des communautés assez nombreuses se sont également constituées aux Pays-Bas, en Belgique
et en Allemagne (cf. tableau 1). L’Espagne et l’Italie n’ont attiré les migrants marocains que plus tard, mais
sont devenues des pays de destination importants, notamment pour l’immigration irrégulière. En Espagne,
les Marocains vont probablement être bientôt plus nombreux qu’en France: début 2006, 600 000 Marocains résidaient en Espagne selon les chiffres officiels. Ils y constituent désormais le groupe de migrants le
plus nombreux (Amourag 2007: 37).
Tableau 1: Les principaux pays d’accueil de la diaspora marocaine en Europe7
Pays d’accueil
France
2004
1 113 176
Espagne
423 933
Pays-Bas
300 332
Italie
298 949
Belgique
293 097
Allemagne
102 000
Source: European University Institute, Euro-Mediterranean Consortium for Applied Research on International Migration.
Il existe également une émigration de personnes qualifiées vers les États-Unis (2004: 100 000) et le Canada
(77 713). Une partie de l’émigration se dirige aussi vers des pays arabes voisins– Algérie (2004: 79 790) et
Tunisie (25637)– ou plus lointains comme Libye (120 000) et Arabie Saoudite (27 830). En 2004, l’Allemagne était au 6e rang parmi les pays accueillant des migrants marocains en situation régulière.
2.2 La politique de l’État marocain vis-à-vis de sa diaspora
L’État marocain voit la migration plutôt d’un bon œil. En effet, elle atténue la pression sur le marché du
travail; les transferts financiers constituent la principale source de devises, réduisent ainsi le déficit de la balance commerciale et diminuent la pauvreté. Pour encourager les transferts financiers par des moyens légaux, des guichets de la «Banque Centrale Populaire» marocaine ont été ouverts depuis longtemps dans les
consulats. Entre 1973 et 1987, le gouvernement marocain versait en outre une prime spéciale de transfert
de 5% sur les devises envoyées au Maroc par les migrants (Berriane 2001: 39).
De plus, la politique marocaine cherche à lier les migrants au Maroc de différentes manières. En 1990, par
exemple, a été créé un ministère des Marocains résidant à l’étranger qui est désormais intégré au ministère
7 Les chiffres correspondent aux Marocains enregistrés auprès des consulats marocains. Le mode de comptage étant différent, ils ne
correspondent pas aux statistiques allemandes. Les chiffres des consulats marocains sont utilisés ici de préférence, car ils incluent les
personnes issues de l’immigration marocaine qui ont adopté la nationalité du pays d’accueil.
3
des Affaires étrangères. Il doit témoigner de la considération portée par les pouvoirs publics aux Marocains
résidant à l’étranger et défendre leurs intérêts au niveau politique. Depuis 1990 également, la «Fondation
Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger» a pour mission de renforcer, au niveau opérationnel, les
liens qu’ils entretiennent avec leur patrie et de les aider à surmonter les difficultés qu’ils rencontrent.8 Parmi
ses activités, on peut citer l’appui financier aux associations de migrants menant, au Maroc ou dans les pays
d’accueil, des projets qui rapprochent les MRE et l’envoi d’enseignants d’arabe dans les pays d’accueil et
d’attachés sociaux dans les consulats. Elle organise des programmes d’échange au profit des enfants et des
jeunes et offre une assistance juridique et sociale portant notamment sur la protection de la propriété au
Maroc et les problèmes administratifs. En outre, au sein de la fondation, il existe un centre de recherche
sur les Marocains résidant à l’étranger ainsi qu’un pôle de promotion des activités économiques de la diaspora. Pendant leur séjour en été, les Marocains résidant à l’étranger bénéficient de l’assistance fournie par la
«Fondation Mohammed V pour la Solidarité» qui s’efforce d’aplanir les difficultés aux passages frontaliers
et a rédigé à leur intention un guide touristique contenant des conseils pratiques.
Sous Hassan II, le gouvernement marocain a d’abord refusé la double citoyenneté et le droit de vote dans
les pays d’accueil, car il craignait un détachement par rapport au pays d’origine (Leichtman 2002: 117).
Aujourd’hui, il souligne la nécessité de l’intégration dans le pays d’accueil, car c’est la seule manière pour
que le migrant soit un atout pour les deux pays et devienne un facteur de développement pour le Maroc.
Cette nouvelle attitude est d’ailleurs apparue clairement dans les entretiens que nous avons menés avec des
représentants des autorités au Maroc.
La politique vis-à-vis des Marocains résidant à l’étranger a également changé dans l’attitude manifestée
par les ambassades, consulats et amicales (associations proches des ambassades): ceux-ci avaient pour mission première de surveiller les Marocains vivant à l’étranger et d’empêcher les activités politiques. Même
un engagement en faveur d’un syndicat ou de la sauvegarde de la culture amazighe (berbère) était vu d’un
mauvais œil. D’une part, le gouvernement marocain craignait que ce type d’activités gagne le Maroc et,
d’autre part, il ne voulait pas mettre en danger la réputation de fiabilité des travailleurs marocains. Pendant
les «années de plomb» sous le règne du roi Hassan II, certains Marocains résidant à l’étranger ont disparu
sans laisser de traces suite au signalement de certains cas à Rabat (Belguendouz 2006: 4). Au début des premières réformes politiques menées dans le cadre du changement démocratique à la fin des années 1990, le
gouvernement a abandonné cette surveillance à travers les amicales. Ce revirement était également motivé
par la crainte que la politique poursuivie jusqu’alors ne provoque une baisse des transferts financiers des
migrants (de Haas/Plug 2006: 610). Actuellement, il est même question que les MRE obtiennent le droit
de vote, soient représentés au Parlement et participent ainsi à la vie politique marocaine.
Les acteurs politiques du Maroc, qui ont compris très tôt le potentiel des transferts financiers et encouragé
ces transferts par des canaux formels, s’efforcent désormais d’augmenter, à d’autres niveaux, la contribution de la diaspora au développement du Maroc. Dans ce contexte, les interlocuteurs ont souligné que les
Marocains résidant à l’étranger ont désormais un niveau de formation plus élevé justifiant une intégration
allant au-delà des transferts financiers à leurs familles. Ils souhaitent inciter les migrants à réaliser de plus
en plus d’investissements entrepreneuriaux. Ainsi, les 16 «Centres Régionaux d’Investissement» (CRI) créés
en 2002 offrent des conseils et une assistance spécifiques aux MRE: ils doivent présenter à ces derniers des
projets d’investissement concrets, faciliter les démarches administratives liées à la création d’entreprise et
traiter leurs demandes avec une rapidité particulière (à cause de la courte durée du séjour sur place). La
Fondation Hassan II a publié des «Guides de l’investisseur MRE» pour 18 secteurs économiques différents
en arabe, français et néerlandais. Des attachés économiques sont désormais présents dans les consulats.
Outre la banque Al-Âmal, qui encourage les investissements des Marocains résidant à l’étranger depuis
1989, il existe par exemple le Fonds Sindibad qui fournit des financements pour des projets innovants de
Marocains vivant en France, et ce avec la coopération de l’Agence française de développement.
8 Concernant la critique visant la représentation insuffisante des Marocains de l’étranger dans le conseil consultatif de la fondation, qui ne
s’est d’ailleurs plus réuni depuis 2000 contrairement à ce que prévoient ses statuts, cf. Belguendouz 2006: 8 s.
4
2. La diaspora marocaine dans le monde
En outre, les autorités essaient d’intégrer la diaspora au transfert de savoir-faire. Le projet FINCOME
(Forum international des compétences marocaines à l’étranger), qui a vu le jour en 2006, est un remaniement du programme TOKTEN «Transfer of Knowledge Through Expatriate Nationals» du Programme
des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui avait connu un succès mitigé au Maroc. Le site
www.fincome.ma offre des services, d’une part, aux organismes publics et privés qui peuvent s’inscrire et
rechercher une assistance pour accomplir une tâche particulière et, d’autre part, aux Marocains résidant à
l’étranger qui peuvent proposer leurs compétences. Les autorités marocaines ont également pour objectif
d’encourager le retour des Marocains qualifiés.
Sous le règne de Mohammed VI, le gouvernement marocain a reconnu que la diaspora marocaine peut
contribuer fortement au développement du Maroc par ses actions bénévoles. Il espère en particulier que
les Marocains résidant à l’étranger réaliseront des projets dans le cadre de «l’Initiative Nationale pour le
Développement Humain». Selon un interlocuteur, le ministère chargé des MRE a également pour objectif
de dresser un répertoire de toutes les associations marocaines à l’étranger pour faciliter la constitution de
réseaux.9
Malgré tout, les Marocains résidant en Allemagne ne sont pas au centre des préoccupations de l’État marocain. Ils constituent un groupe relativement peu nombreux et sont considérés comme peu actifs en général
par rapport aux MRE des autres pays, ce sur quoi nous reviendrons ultérieurement. De plus, la barrière linguistique freine également la recherche sur les Marocains résidant en Allemagne. Ainsi, au centre de recherche de la Fondation Hassan II, il n’y a aucune personne responsable des Marocains résidant en Allemagne.
Autre exemple: la chambre de commerce et d’industrie de Nador a fait la promotion d’investissements à
Nador auprès des Marocains aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne et en France, mais n’a pas fait de même
en Allemagne à ce jour, surtout faute de contacts ou de demandes dans ce sens.
9 Il y a quelques années, un registre de ce type avait déjà été créé par la Fondation Hassan II, mais sa mise à jour avait été abandonnée, car les
données changeaient trop rapidement selon les informations des interlocuteurs rencontrés sur place.
5
3. La diaspora marocaine en Allemagne
3.1 Causes et formes de l’immigration marocaine en Allemagne
À partir de la moitié du 20e siècle, les premiers Marocains ont quitté le Rif, rural et densément peuplé,
pour s’établir en Allemagne. Cette émigration avait surtout des raisons économiques, mais correspondait
aussi à une tradition migratoire dans la région (Berriane 2003a: 23 s.). En 1963 l’Allemagne et le Maroc
ont conclu un accord de recrutement. C’est dans ce cadre que les premières 1 800 personnes ont obtenu
des contrats à durée déterminée pour travailler dans des mines de charbon par l’intermédiaire de l’Office
fédéral allemand pour l’emploi en 1964. Ce sont surtout des hommes de la région de Nador, qui s’étaient
retrouvés au chômage à la fin du protectorat espagnol, après l’arrêt de l’extraction du fer, qui trouvèrent
alors des emplois dans l’industrie automobile, les régies municipales, la chimie, le textile et le bâtiment
en Allemagne. Les Marocains trouvaient souvent un emploi par l’entremise de parents travaillant déjà en
Allemagne. Les employeurs allemands recrutaient surtout des personnes du Nord-Est du Maroc parce que
les travailleurs de cette région jouissaient d’une bonne réputation et disposaient d’une expérience dans
l’industrie minière. En outre, ils craignaient que des conflits naissent dans leurs entreprises si les personnes
venaient de régions différentes (Charchira 2005).
Dans un premier temps, les migrants prévoyaient de revenir au Maroc: seuls 5% ont emmené leurs familles, bien que 84% des hommes venus seuls fussent mariés (Bossard 1979). Toutefois, cela a changé après
l’arrêt des recrutements en 1973, car il n’était plus possible de faire la navette entre les deux pays. La plupart des travailleurs immigrés marocains ont alors décidé de rester en République fédérale (RFA) à moyen
ou long terme et de faire venir leurs familles. Ce groupe d’immigrants non actifs a entraîné une augmentation rapide de la population marocaine en Allemagne. Souvent, les pères de famille marocains ont d’abord
fait venir leur femme et leurs enfants les plus jeunes, puis les enfants en âge de fréquenter l’école ou l’université, quand il est apparu que le séjour se prolongerait. Cette évolution a été favorisée par l’effet de certaines mesures des autorités allemandes: ainsi, suite à certaines modifications de la loi sur les allocations familiales et du droit fiscal, seuls les enfants résidant en Allemagne étaient pris en compte sur le plan financier
(Weber 1992: 16). La décision des migrants a aussi été influencée par le fait qu’il a été envisagé de réduire
à six ans l’âge maximal de regroupement des enfants avec leurs parents. Ce regroupement familial primaire
a été suivi d’un regroupement secondaire: des personnes résidant en Allemagne ont épousé des personnes
vivant au Maroc pour permettre leur immigration (Berriane 1996: 180).
Depuis la fin des années 1980, des étudiants marocains viennent en nombre croissant étudier en Allemagne
(Roggenthin 1998: 90). Actuellement, les Marocains constituent le groupe le plus nombreux d’étudiants
africains. Selon l’Office fédéral allemand des statistiques, au cours du semestre d’hiver 2005/06, il y avait 8
213 étudiants de nationalité marocaine, dont 7 190 «Bildungsausländer».10 Ils étudient surtout les sciences
de l’ingénieur (3 676), en particulier l’électrotechnique (2 282) et la construction mécanique (864), mais
aussi les mathématiques et les sciences naturelles (1 802), en particulier l’informatique (1122), et dans une
moindre mesure les sciences juridiques, économiques et sociales (1418).11 Le choix d’étudier en Allemagne
est motivé, entre autres, par la bonne réputation des universités allemandes dans le domaine technique (cf.
en outre Roggenthin 1998: 88; Kerouach 1998: 75-81).
Par rapport aux migrants venus en Allemagne pour travailler ou pour étudier, les Marocains dont les demandes d’asile ont été acceptées sont peu nombreux. Leur nombre total s’élevait à 55 durant la période allant
10 Les «Bildungsausländer» ont obtenu, dans un établissement étranger, le titre leur donnant accès à l’enseignement supérieur et/ou complété
les qualifications acquises à l’étranger dans un collège d’enseignement propédeutique allemand. Les «Bildungsinländer» sont les étudiants
étrangers qui ont obtenu le titre leur donnant accès à l’enseignement supérieur dans un établissement allemand ou ont passé avec succès
en Allemagne un examen d’admission ou d’aptitude (Begabtenprüfung ou Eignungsprüfung), généralement dans un établissement
d’enseignement supérieur.
11 Analyse à partir de la base de données ICE du DAAD par le système informatique universitaire (Hochschul-Informations-System) portant
sur 8 019 étudiants au cours du semestre d’hiver 2004/05.
6
3. La diaspora marocaine en Allemagne
de 1984 à 2006, années pour lesquelles l’Office fédéral de la migration et des réfugiés disposait de données.
Cependant, le nombre de demandeurs d’asile a augmenté continuellement à partir des années 1980. Suivant
la tendance générale, il a atteint son maximum en 1992, avec 2 565 demandes déposées par des Marocains.
Depuis, les chiffres ont sans cesse diminué, et en 2006, seulement 207 demandes ont été enregistrées.
3.2 Taille de la communauté marocaine et situation au regard des règles
de séjour de ses membres
Le nombre de Marocains venus en Allemagne entre 1963 et 1973 sur la base de l’accord de recrutement
est resté faible par rapport à d’autres pays. Leur nombre au moment de l’arrêt du recrutement est estimé à
22 400 (Waltner 1988: 90). En 2004, les consulats marocains enregistraient toutefois 102 000 personnes
d’origine marocaine, soit le plus grand groupe issu du monde arabe en Allemagne.12
Au contraire des statistiques allemandes, les chiffres des consulats marocains incluent les personnes possédant aussi un passeport allemand, car la constitution ne permet pas de renoncer à la nationalité marocaine.13 Cela explique l’écart par rapport aux statistiques allemandes. Les chiffres officiels allemands baissent
depuis quelques années: de 1995 à 2005, le nombre de Marocains a diminué d’environ 10 000. Fin 2005,
seulement 71 639 Marocains étaient inscrits dans le registre central des étrangers. Cette diminution ne
s’explique pas par un accroissement des retours, mais par la naturalisation des migrants marocains, comme
le montre le solde positif des départs et arrivées: entre 1992 et 1999, les départs se situaient dans une fourchette comprise entre 2 000 et 3 000 et les arrivées dans une fourchette comprise entre 3 500 et 6 000,
l’immigration nette étant positive. En 2005, par exemple, 4 390 Marocains sont entrés et 3 124 sont partis.
Cette évolution se reflète dans le nombre croissant des personnes inscrites dans les registres des consulats
marocains (99 000 en 2002) et dans la faible diminution du nombre de Marocains résidant en Allemagne,
qui est inférieure au nombre de naturalisations d’après les statistiques allemandes (cf. tableau 2).
Tableau 2: Naturalisations de ressortissants marocains (1994-2005)
Année
1994
1995
1996
Demandes de naturalisation de ressortissants
marocains acceptées en Allemagne
2 888
3 397
3 149
1997*
1998*
1999*
2000
2001
2002
2003
2004
2005
4 211
5 657
4 950
5 008
4 425
3 800
4 118
3 820
3 684
Source: Office fédéral des statistiques.
*) Sans Hambourg
12 Il faut considérer que les Marocains ne se font pas tous enregistrer tout de suite, mais seulement quand ils doivent aller au consulat pour
d’autres raisons (établissement de carte d’identité, succession, mariage). Par ailleurs, ils ne sont pas toujours rayés des registres en cas de
déménagement ou de décès. Le chiffre indiqué correspond donc, avec certaines imprécisions, au nombre des Marocains ayant un statut
légal et ayant atteint l’âge de 16 ans (à partir duquel l’établissement d’une carte d’identité par le consulat est nécessaire). Il est probable que
le chiffre global véritable soit plus élevé.
13 Comme la constitution marocaine ne prévoit pas le renoncement à la nationalité, le législateur allemand a inclus le Maroc parmi les pays
dont les ressortissants peuvent prendre la nationalité allemande malgré la double nationalité qui en résulte.
7
Selon l’Office fédéral des statistiques, les Marocains font partie des groupes qui demandent le plus la nationalité allemande. Cela indique leur établissement à long terme en Allemagne, qui transparaît aussi dans la
durée de séjour moyenne: 14 ans à la fin de 2005 (cf. tableau 3). En outre, en 2005, 19% des Marocains
résidant en Allemagne y étaient nés.
Tableau 3: Durée de séjour de la population marocaine au 31.12.200514
Durée de séjour en années
Nombre (sur 71639 en tout)
Moins de 1
2 756
1-4
11 546
4-6
7 524
6-8
6 431
8-10
4 807
10-15
10 190
15-20
10 024
20-25
5 607
25-30
4 692
30-35
4 323
35-40
1 689
Plus de 40
2 050
Source: Office fédéral des statistiques.
Selon le registre central des étrangers en Allemagne, à la fin de 2005, la moitié des Marocains non naturalisés avaient un titre de séjour à durée déterminée et l’autre moitié, un titre de séjour à durée indéterminée.15
3.3 Structure sociale
La structure sociale de la communauté marocaine en Allemagne reflète les différents modes d’immigration.
La plupart des travailleurs migrants de la première génération viennent de zones rurales et ont un faible niveau de formation scolaire et professionnelle. Le niveau de formation des Marocains résidant en Alle­magne
a toutefois fortement augmenté par suite de l’augmentation du nombre d’étudiants depuis le début des
années 1990. Selon le système d’information de l’enseignement supérieur (Hochschul-Informations-System), en 2005, le Maroc se situait au septième rang dans la liste des pays d’origine des étudiants étrangers
en Allemagne, et ce chiffre a augmenté régulièrement. Par rapport à leur nombre total, les Marocains sont
le groupe de migrants qui a la plus forte proportion d’étudiants en RFA. Parmi eux, la part des «Bildungs­
ausländer»16 est élevée. Presque un tiers des étudiants marocains sont inscrits dans un institut universitaire
de technologie (Fachhochschule). En 2004, les Marocains occupaient la deuxième place en nombre de
14 La durée de séjour est déterminée en calculant la différence entre le jour de référence du comptage et la date de la première entrée en
Allemagne sans tenir compte des interruptions.
15 Selon le registre central des étrangers, à la fin de 2005, selon l’ancien droit des étrangers de 1990, 19 300 Marocains avaient un titre de
séjour à durée déterminée et 27 985 un titre de séjour à durée indéterminée. En ce qui concerne les titres de séjour UE, 492 avaient un
titre de séjour à durée déterminée et 191 un titre de séjour àdurée indéterminée. Selon la nouvelle loi sur le séjour de 2004, au même
moment, 12 806 Marocains avaient une carte de séjour, 4 041 une carte de résident;216 avaient un titre de séjour UE à durée limitée et
105, à durée indéterminée. 120 Marocains avaient une autorisation provisoire de séjour pour demandeurs d’asile (Aufenthaltsgestattung)
et 523 un document relatif à une mesure d‘expulsion ajournée (Duldung). 479 étaient libérés de la nécessité d’une autorisation de séjour,
tandis que 5 381 n’avaient aucun des documents cités précédemment.
16 Concernant la notion de «Bildungsausländer», voir la note de bas de page 10.
8
3. La diaspora marocaine en Allemagne
diplômés «Bildungsausländer» dans ces établissements et seulement la 15e place dans les universités. Le
nombre de diplômés est relativement bas par rapport au nombre total d’étudiants marocains, mais il est
tout à fait comparable à celui d’autres groupes d’étudiants étrangers. Il semble que ce nombre relativement
faible de diplômés s’explique, entre autres, par le fait que de nombreux Marocains doivent travailler pour
financer leurs études. Outre les étudiants, en 2004, 41 scientifiques marocains (doctorants, post-docs ou
enseignants du supérieur) ont bénéficié d’une action de promotion en Allemagne. Ainsi, l’éventail des qualifications des migrants marocains va de l’analphabète dépourvu de formation professionnelle au diplômé
universitaire et chercheur.
Si la proportion de personnes non actives était inférieure à 10% en 1965 et de seulement 22% en 1973,
elle a fortement augmenté depuis du fait des regroupements familiaux. Mi-2005, 20 415 Marocains étaient
soumis à l’assurance sociale et 8 541 avaient un emploi faiblement rémunéré. 7 591 étaient inscrits au chômage. Cela correspond à un taux d’activité d’env. 51% pour les Marocains ne possédant pas de passeport
allemand. La gamme des occupations s’est modifiée au fil du temps: aujourd’hui, la plupart des Marocains
ne travaillent plus dans l’industrie ou le secteur minier, mais dans le secteur des services (cf. tableau 12 en
annexe).
Par suite du regroupement familial, la proportion de femmes se situe autour de 40% aujourd’hui selon les
statistiques allemandes, une proportion élevée qui tranche avec celle d’autres groupes de migrants originaires du monde arabe. La proportion de femmes actives a augmenté lentement: 1,9% en 1972, 7% en 1986
et 15,8% en 1992 (Mehlem 1998: 50). Mi-2004, elle s’élevait à 27,07% selon les statistiques de l’Agence
fédérale pour l’emploi.17
Le regroupement familial et l’établissement à long terme ont également entraîné une augmentation considérable de la proportion de mineurs: selon les statistiques allemandes, les moins de 18 ans représentent
15% de la population considérée (cf. tableau 4).
Tableau 4: Structure par âges de la population marocaine au 31.12.2005
Total
Par groupes d’âge
Moins de 18
18-35
35-50
50-65
65 et plus
11 239
34 374
13 566
7 455
5 015
71 639
Source: Office fédéral des statistiques.
3.4 Lieux de séjour
À partir de 1963, après leur recrutement, les migrants marocains ont souvent été employés en groupes assez importants, par exemple dans les usines Opel de Rüsselsheim ou les mines de houille de la région de la
Ruhr. C’est ainsi que se sont formés des «bastions» de l’immigration marocaine. On note par exemple de
fortes concentrations dans la région de Düsseldorf et dans la région Rhin-Main (Schmidt-Fink 2001). Fin
2005, environ 80% des Marocains ne possédant pas de passeport allemand vivaient en Rhénanie-du-NordWestphalie (52%) et en Hesse (28%) (cf. tableau 5).
17 Les derniers chiffres cités sont ceux de 2004, car les chiffres des années postérieures sont difficilement comparables à ceux des années
précédentes à cause de la réforme Hartz IV. Ainsi, la proportion de femmes marocaines inscrites au chômage a nettement augmenté par
suite du regroupement de l’allocation de fin de droits (Arbeitslosenhilfe) et de l’assistance sociale (Sozialhilfe).
9
Tableau 5: Répartition des ressortissants marocains entre les Länder au 31.12.2005
Land
Nombre de ressortissants marocains au
31.12.2005
Bade-Wurtemberg
2 613
Basse-Saxe
1 397
Bavière
2 555
Berlin
1 280
Brandebourg
124
Brême
548
Hambourg
727
Hesse
Mecklembourg-Poméranie occidentale
Rhénanie-du-Nord-Westphalie
Rhénanie-Palatinat
20 014
219
37 544
2 636
Sarre
483
Saxe
449
Saxe-Anhalt
518
Schleswig-Holstein
389
Thuringe
143
Total
71 639
Source: Office fédéral des statistiques d’après les résultats du registre central des étrangers (pour Berlin et Hambourg,
exploitation du registre de la population des offices des statistiques des Länder).
En 2004, le consulat de Düsseldorf enregistrait 41 788 Marocains en Rhénanie-du-Nord-Westphalie et
le consulat de Francfort, 46 686 pour la Hesse, la Rhénanie-Palatinat, la Bavière, le Bade-Wurtemberg, la
Sarre et une partie de la Thuringe, tandis que le consulat de Berlin en dénombrait 13 526 pour les autres
Länder.
On constate une légère tendance des Marocains à s’établir dans d’autres Länder que la Hesse et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Cette tendance est due surtout aux étudiants qui s’inscrivent aussi à des universités et instituts universitaires de technologie dans d’autres Länder (cf. tableau 13 en annexe; Berriane 2003a:
38). Près de la moitié des Marocains se répartissent encore entre dix villes seulement, dont Francfortsur-le-Main (2005: 6 663), Düsseldorf (5 367), Dortmund (3 263) et Cologne (2 629), ainsi que Bonn,
Wiesbaden, Wuppertal, Offenbach, Essen et Rüsselsheim.18 On remarque aussi une certaine concentration
géographique des différentes populations marocaines (Berriane 2003a: 37). Cette concentration est due au
fait qu’une grande proportion des travailleurs sont venus parce qu’ils étaient appelés nominativement par
les employeurs allemands dans le cadre de l’accord de recrutement, ce qui a permis aux réseaux de parentèle
de jouer (Mehlem 1998: 50 FN).
18 Les chiffres indiqués pour Düsseldorf et Francfort proviennent du bureau des statistiques et élections (Bürgeramt für Statistik und
Wahlen) des villes concernées; les autres chiffres, du registre central des étrangers par l’intermédiaire des offices des statistiques de Hesse et
Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
10
3. La diaspora marocaine en Allemagne
3.5 Régions d’origine et langue
Plus de 70% des Marocains résidant en Allemagne sont originaires du Rif, région du Nord-Est du Maroc.
Ils viennent en particulier de la province de Nador (par exemple Arekman, Zaio, Zghanghane, Midar, Ben
Taieb ou Driouch), mais aussi des provinces d’Al Hoceima et, dans une moindre mesure, de Berkane et
Oujda-Angad (Maas/Mehlem 1999: 88).
Au fil du temps, la proportion de migrants nés dans le Nord-Est du Maroc a diminué. Dans une mesure
croissante, les migrants viennent non seulement de milieux ruraux, mais aussi urbains du Maroc. Cette
évolution transparaît dans les lieux de naissance des Marocains enregistrés auprès des consulats généraux de
Francfort-sur-le-Main et Düsseldorf: la proportion des Marocains originaires de Nador est passée de 72,2%
en 1975 à 41,2% en 1993 (cf. tableau 6). En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, selon les informations fournies par le consulat de Düsseldorf, 21 689 personnes, soit environ la moitié des Marocains actuellement
enregistrés auprès de ce consulat, sont originaires de la région de Nador-Al Hoceima.
Le Rif est une des régions les plus pauvres du Maroc (Mehlem 1998: 39-43). La majorité de la population
est berbère (amazighe). À cause du conflit qui les oppose depuis longtemps à la population arabophone et
à la séparation durant l’époque coloniale (le Rif était placé sous protectorat espagnol de 1912 à 1956), les
relations avec le reste du Maroc ont toujours été ambivalentes. Après l’indépendance, le Rif est resté une
région périphérique négligée et peu intégrée. En 1957-1959, il se produisit des troubles qui furent réprimés
dans le sang, et la région fut ensuite placée sous administration militaire. En 1962, la frontière algéro-marocaine a été fermée en raison de tensions politiques et militaires entre les deux pays. Il en est résulté une
intensification de l’émigration vers l’Europe. Le gouvernement marocain ne s’y est guère opposé, car il espérait que l’émigration atténuerait les tensions sociales et politiques (de Haas 2005a: 13s.). De nombreux
migrants se sont dirigés vers l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Belgique, parce par, suite de l’histoire coloniale,
ils n’avaient pas de liens particuliers avec la France, contrairement aux autres Marocains, et que l’Espagne
n’était pas une destination attirante à cette époque. La plupart des migrants de la province de Nador sont
partis pour l’Allemagne (Berriane 2003: 36).
Ainsi, la plupart des Marocains résidant en Allemagne ne sont pas des Arabes, mais des Berbères. Leur langue maternelle est le tarifit qui appartient à la famille berbère. Dans la plupart des familles amazighes, seuls
les pères de famille connaissent aussi l’arabe marocain. Dans leur majorité, les immigrés de première génération ne sont alphabétisés ni en arabe littéral ni en allemand. Les enfants apprennent le tarifit et l’allemand
et ne connaissent guère l’arabe marocain. Ils entrent en contact avec l’arabe littéral seulement à la mosquée
et dans l’enseignement en langue maternelle (Maas/Mehlem 1999: 88-91).
Tableau 6: Régions d’origine des MRE en Allemagne
Lieu de naissance
(province)
1975
1990
1993
Nador
72,2%
55,1%
41,2%
Oujda
5,9%
5,5%
2,2%
Fès
3,7%
3,2%
4,7%
Khémisset
2,2%
2,1%
3,1%
Casablanca
2,2%
1,7%
1,0%
Marrakech
1,2%
2,0%
5,2%
Tanger
1,2%
1,5%
4,1%
Reste du Maroc
11,4%
28,9%
38,5%
Source: Berriane 2003: 34, d’après les registres des consulats de Francfort-sur-le-Main et Düsseldorf.
11
4. Formes d’organisation en Allemagne
4.1 Évolution historique et types d’associations
En Allemagne, les Marocains ont commencé à former des associations dans les années 1970. Les amicales
proches des ambassades servaient, en Allemagne aussi, à espionner les opposants au régime au sein de la
communauté marocaine. Cela empêchait une participation politique et d’autres types d’engagement. Selon
nos interlocuteurs, les amicales concentraient leur travail sur la résolution des problèmes rencontrés lors des
voyages réguliers au Maroc. Sinon, les principales activités étaient «boire du thé et jouer au backgammon».
Parallèlement au changement politique intervenu au Maroc dans la deuxième moitié des années 1990,
les associations de Marocains en Allemagne ont évolué elles aussi: certaines associations se sont ouvertes
à la société allemande et se sont consacrées à la résolution des problèmes rencontrés sur place, tandis que
d’autres ont pris un tour plus religieux. En outre, de nouvelles créations ont vu le jour au cours des années
1990. Ainsi, parmi les associations dans lesquelles nous avons mené des entretiens, beaucoup avaient été
créées au cours de ces dernières années et aucune avant la fin des années 1980. Aujourd’hui, le paysage
associatif est très varié: simples salons de thé, associations sportives, culturelles, cultuelles, parentales et étudiantes et autres associations actives dans les domaines social, culturel et politique.
Certaines associations sont purement marocaines; d’autres germano-marocaines. Lors des entretiens, les
associations germano-marocaines ont insisté sur les avantages d’avoir des membres des deux nationalités,
leurs contributions se complétant de manière fructueuse. Certaines associations déploient leurs activités
dans une seule ville et ses environs; d’autres ont des membres dans toute l’Allemagne. Outre les diverses
associations, la diaspora marocaine s’organise aussi en réseaux personnels informels.
4.2 Lignes de clivage à l’intérieur de la diaspora
Outre les différentes formes d’engagement, on décèle, au sein de la diaspora, des lignes de clivage qui freinent la constitution de réseaux entre les organisations autonomes.
a) Religieux – non religieux
Selon nos interlocuteurs, la majorité des associations marocaines en Allemagne ont une orientation religieuse. Les associations non religieuses ont indiqué que les associations de mosquée ont plus de membres, qu’elles sont mieux organisées et disposent de moyens financiers plus importants. Elles expliquent
cette situation par le fait que l’élément religieux crée des liens plus forts, qui encouragent les donations
et le travail bénévole. En raison des offres possibles (p. ex. cours d’arabe, travail social) à côté des activités purement religieuses, les associations religieuses peuvent attirer de nombreuses personnes. En outre,
les obstacles opposés au travail des autres associations jusque dans les années 1990 sont cités comme une
raison ayant favorisé la popularité des associations de mosquée.
Dans les entretiens que nous avons menés, les associations non religieuses se sont démarquées des associations religieuses en évoquant le risque de l’islamisme. Par contre, les associations à orientation religieuse n’ont pas abordé elles-mêmes cette différence.
b)Berbères – Arabes
Certains interlocuteurs voient une différence entre les migrants originaires du Nord-Est berbère, qui
sont arrivés en Allemagne dans les années 1960 et 1970, et ceux qui sont arrivés après 1980 et qui sont
plutôt de culture arabe. Les différences culturelles et/ou linguistiques entre les deux groupes se superposent à des différences sociales. Cette ligne de clivage se manifeste par exemple dans le fait qu’il existe
12
4. Formes d’organisation en Allemagne
des associations culturelles amazighes. Toutefois, dans un grand nombre des associations où nous avons
mené des entretiens, les membres étaient issus des différents groupes.
c) Intégration des femmes
En général, les membres des associations et surtout leurs dirigeants sont majoritairement de sexe masculin. En revanche, un certain nombre d’associations encouragent la participation des femmes et critiquent l’attitude conservatrice des autres associations. Il n’existe guère d’associations féminines séparées.
d)Liens avec le gouvernement marocain
Il existe encore une certaine tension entre les associations qui ont des relations étroites avec l’ambassade
et les consulats du Maroc en Allemagne et celles qui n’en ont pas. Dans leur grande majorité, les associations avec lesquelles nous avons eu des entretiens recherchaient le contact avec le consulat dont elles
dépendent.
e) Générations
Même si les membres de certaines associations appartiennent à différentes générations, leurs bureaux ou
comités directeurs sont souvent dominés par des membres d’une génération particulière. Dans les associations interrogées, il n’y avait guère de membres jeunes dans les organes de direction ou de consultation. Selon les interlocuteurs de la deuxième génération, il existe en outre une différence dans leur type
d’activités: les personnes de la première génération ont tendance à se rencontrer dans des associations
culturelles ou des salons de thé, tandis que la deuxième génération s’implique plus fortement dans des
associations aux activités sociales et que la troisième génération adhère surtout à des associations sportives et culturelles ou des associations religieuses et fait montre d’une grande activité en ligne.
4.3 Taux d’organisation et relations entre les associations
a) Taux d’organisation
Bekouchi (2003: 156) estime que, sur 2 500 associations marocaines dans le monde, environ 50 sont
implantées en Allemagne. Or, pour les seuls Länder de Hesse, Rhénanie-Palatinat, Bade-Wurtemberg,
Sarre, Bavière et une partie de la Thuringe, 53 associations se sont enregistrées volontairement auprès du
consulat de Francfort-sur-le-Main. Le consulat de l’ambassade marocaine à Berlin indique cinq autres
associations. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, 28 associations (dix amicales, 18 associations) sont
actuellement enregistrées auprès du consulat de Düsseldorf. En 1999, une étude du Centre d’études
turques de Essen et de l’Institut des sciences politiques de l’Université de Münster (1999: 90) a recensé
pour sa part 43 associations marocaines en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
Lors du recensement des associations, il faut noter que les associations, notamment religieuses, n’ont pas
toutes le mot «marocain» dans leur nom. Aussi, n’est-il pas évident de savoir d’emblée si une association
de mosquée est constituée essentiellement de Marocains. En outre, les Marocains sont également membres d’associations arabes.
Seule une petite partie des associations ont un engagement social. Les statistiques de la Fondation Hassan II montrent que les associations d’Allemagne lui envoient très peu de demandes de promotion de
projets par rapport à d’autres pays tels que la France ou les Pays-Bas. Dans la période 2002-2006, les associations marocaines d’Allemagne ont déposé seulement six demandes. En 2006, parmi 109 demandes,
dont 58 ont donné lieu à une promotion, seules trois ont été déposées par des associations de mosquée
d’Allemagne et elles ont toutes été refusées. En 2003, la fondation a reçu trois demandes d’une association marocaine d’Allemagne et une a donné lieu à une promotion.
13
Par ailleurs, les Marocains résidant en Allemagne sont peu actifs sur le plan politique. Selon certains de
nos interlocuteurs, ils se font, par exemple, moins souvent élire aux conseils consultatifs des étrangers/
conseils d’intégration ou aux comités d’entreprises que les représentants d’autres groupes de migrants.
Ainsi, selon les services du conseil consultatif des étrangers de la ville de Düsseldorf, où vivaient 5 367
Marocains en 2005, aucun Marocain ne siège au conseil consultatif des étrangers.
De ce fait, les Marocains sont peu visibles pour le public allemand. Par ailleurs, les activités se déroulent
souvent sur la base de relations personnelles sans qu’une association soit constituée.
b)Constitution de réseaux
Les associations communiquent peu entre elles, surtout si elles sont implantées dans des Länder différents ou relèvent de consulats différents. Ainsi, les associations ne se connaissent souvent pas les unes les
autres ou ne coopèrent pas entre elles surtout quand elles n’œuvrent pas dans le même Land. Par exemple, l’organisation fédérative (Dachverband) de Düsseldorf n’est responsable que de la Rhénanie-duNord-Westphalie et ne réunit même pas toutes les associations de Düsseldorf. Un organisme est en cours
de création pour coordonner les associations des Länder relevant du consulat de Francfort-sur-le-Main.
Selon un de nos interlocuteurs, il existe trois groupes de coordination pour les mosquées: deux en Hesse
(14 et huit mosquées) et un en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (dix mosquées).
Les associations qui sont en contact s’invitent mutuellement à leurs manifestations par exemple. Si elles
collaborent, c’est souvent de manière peu formalisée et durable. Toutefois, la communauté marocaine en
ligne établit des interconnexions par le biais de portails communs.
c) Approche explicative
Comment expliquer cette propension relativement faible à s’engager socialement et à constituer des réseaux? Les entretiens ont fourni quelques clés que nous allons présenter ci-après.
Au moment de leur émigration, les travailleurs de la première génération n’avaient aucune expérience de
l’organisation politique ou syndicale au Maroc. En outre, leur faible niveau de formation et leurs faibles
revenus ne sont pas propices aux activités associatives. De plus, après les attentats terroristes du 11 septembre aux États-Unis, les associations marocaines ont reçu beaucoup moins de dons.
En outre, la communauté marocaine a le sentiment d’être éclipsée par la communauté turque: les Turcs
constituent environ 26% de la population étrangère résidant en Allemagne; les Marocains, seulement
environ 1%. Souvent, sur la scène publique, les Marocains ne sont pas perçus comme un groupe séparé,
mais sont assimilés aux Turcs en tant que musulmans. De fait, de nombreux domaines de l’engagement
politique ou social sont déjà occupés par la communauté turque. Aussi, selon certains de nos interlocuteurs, il paraît difficile ou inutile de créer des structures parallèles.
Par ailleurs, on perçoit encore les effets de la répression politique qui sévissait jusque dans les années
1990 et qui a empêché la formation d’associations politiques ou sociales. La constitution de réseaux était
évitée à cause de la crainte de s’exposer à l’espionnage.
De nos jours, la coopération entre les associations est entravée par les lignes de clivage qui traversent la
diaspora. Ainsi, une association a cessé de coopérer avec une autre parce qu’elle la trouvait trop religieuse
(avant chaque réunion, on y lisait une sourate du Coran).
Par ailleurs, la concurrence pour la présidence d’une organisation commune ou d’un organisme de coordination rend les regroupements plus difficiles. Le manque de coopération entre organisations de différents Länder montre aussi que la structure fédérale de la RFA freine la constitution de réseaux entre les
associations.
14
4. Formes d’organisation en Allemagne
Lors des entretiens menés en Allemagne et au Maroc, certains de nos interlocuteurs ont indiqué que les
Marocains sont nettement plus actifs dans les autres pays d’accueils traditionnels (France, Belgique et
Pays-Bas) qu’en Allemagne. En établissant une telle comparaison, il faut considérer que les Marocains
résidant en Allemagne sont moins nombreux.
4.4 Expériences en matière d’appui public
a) Expériences avec l’ambassade et les consulats du Maroc en Allemagne
Les relations entre les associations et l’ambassade ou les consulats ont changé depuis les réformes politiques intervenues au Maroc depuis la fin des années 1990. De nombreuses associations invitent les
représentants officiels à leurs manifestations. Pour sa part, une fois par an, le consulat de Francfort-surle-Main reçoit les associations qui relèvent de sa compétence. Par ailleurs, les consulats maintiennent des
contacts avec les associations marocaines dans le cadre des activités que l’État marocain mène en faveur
des MRE, par exemple la venue d’imams du Maroc à l’occasion du ramadan.
Actuellement, l’ambassade et les consulats cherchent à intensifier la coopération avec la diaspora. Outre
le désir de mieux utiliser le potentiel de la diaspora pour le développement du Maroc, ces efforts peuvent traduire la crainte de tendances islamistes et la volonté de soutenir les associations non religieuses
(cf. aussi Lacroix 2005b: 101).
En ce qui concerne les activités à but non lucratif, les consulats ont aidé certaines associations à nouer
des contacts ou à obtenir une attestation de franchise douanière lors de l’importation de dons en nature
au Maroc. Un certain nombre de nos interlocuteurs n’étaient toutefois pas satisfaits des prestations des
consulats. Ils ne reçoivent pas de réponses à leurs demandes, ou alors trop tardives. De plus, les consulats ne prennent aucune initiative pour soutenir les activités de la diaspora. On critique aussi le fait que
les responsables des consulats ne parlent souvent ni l’allemand, ni le berbère, ce qui les empêche de
communiquer avec une partie des Marocains résidant en Allemagne.
b)Expériences avec les services responsables des MRE au Maroc
Un grand nombre de nos interlocuteurs des associations ont eu au moins une fois des contacts avec les
services responsables des MRE au Maroc, soit suite à une invitation au Maroc, soit lors d’une visite des
responsables en Allemagne ou en raison d’offres de la Fondation Hassan II. La possibilité d’un financement d‘activités par la Fondation Hassan II semble toutefois insuffisamment connue. Il a été reproché
aux services responsables des MRE de se concentrer sur les pays où ils sont nombreux aux dépens de
l’Allemagne.
c) Expériences avec les interlocuteurs allemands
Dans certains cas, les associations reçoivent une aide financière de l’État allemand au niveau communal.
Elles souhaitent une augmentation des aides pour couvrir notamment les dépenses courantes (locaux,
téléphone par exemple). Une des associations interrogées a réussi à obtenir un financement du Land de
Rhénanie-du-Nord-Westphalie pour des activités à but non lucratif au Maroc. L’ambassade d’Allemagne
au Maroc a été critiquée à cause de la difficulté d’obtenir des visas pour les partenaires invités du Maroc.
Par exemple, des femmes du Maroc invitées par une association marocaine au salon féminin d’Aix-laChapelle n’ont pas été autorisées à se rendre en Allemagne.
15
5. Activités en rapport avec le Maroc
5.1 Liens avec le Maroc
Une grande partie de la communauté marocaine a choisi de s’établir en Allemagne à long terme. Une fois
arrivées à l’âge de la retraite, malgré le désir de retourner au Maroc, de nombreuses personnes restent en
Allemagne ou font la navette entre les deux pays. Elles sont retenues en Allemagne par les enfants qui y
vivent ou la meilleure couverture sanitaire. Chez les générations suivantes, le désir de retourner au Maroc
s’affaiblit. Dans quelle mesure cette évolution a-t-elle un effet sur les liens de la communauté marocaine
avec le Maroc?
Il apparaît que les personnes de la première génération maintiennent des liens étroits avec le Maroc et qu’il
en va de même pour celles de la deuxième génération qui y ont souvent passé leur enfance ou leur jeunesse.
Elles s’y rendent régulièrement pour rendre visite à leurs familles et à leurs amis. Ce résultat ressortant des
entretiens confirme une enquête menée en 1996 à Al Aaroui dans la région de Nador: parmi 262 personnes interrogées, 116 venaient au Maroc tous les deux ans; 110 tous les ans et 15 deux fois par an (Berriane
2003b: 53). Düsseldorf, Cologne/Bonn et Francfort-sur-le-Main sont reliés à Nador par des vols directs
à bas prix plusieurs fois par semaine, ce qui indique un besoin des Marocains résidant en Allemagne, car
cette ville n’est pas une destination touristique classique. Les technologies modernes facilitent la communication et diverses activités que nous décrirons ci-après se substituent à un retour définitif au Maroc. Les
études de Berriane et autres concernant la région de Nador confirment également que l’établissement permanent ne diminue pas les liens avec le pays d’origine dans la première et la deuxième génération (Berriane
1996: 191). Il n’est toutefois pas possible de généraliser en raison des différences individuelles.
Dans la littérature scientifique relative aux rapports entre migration et développement, un débat porte sur
l’affaiblissement ou la transformation des liens avec le pays d’origine au fil des générations. Selon différents
interlocuteurs, les membres de la troisième génération ont un lien moins fort avec le Maroc: lors des vacances estivales au pays, ils s’ennuient parce que les parents souhaitent séjourner dans leur village d’origine où
il y a peu d’animation. Dans ces conditions, ils ne découvrent pas le reste du Maroc. Par contre, les salons
de chat marocains semblent très fréquentés et importants pour la construction de l’identité des jeunes, dont
un certain nombre sont actifs dans les associations marocaines. Il semble donc que les liens avec le Maroc
se maintiennent même s’ils se rapportent plutôt au pays dans son ensemble qu’au village ou à la région
d’origine.
Les Marocains venus faire leurs études en Allemagne ont des liens étroits avec le Maroc, puisqu’ils appartiennent à la «première génération». Les liens évoluent différemment selon qu’ils restent en Allemagne à
long terme, qu’ils restent seulement quelques années après les études pour acquérir une expérience professionnelle ou retournent directement au Maroc.
Dans l’ensemble, on peut dire que la communauté marocaine maintient des liens importants avec le Maroc
et que ces liens se manifestent par des activités diverses. Par la suite, nous étudierons l’engagement de cette
communauté sur les plans social, économique, politique, scientifique et culturel.
5.2 Activités à but non lucratif
a) Formes des actions
Les activités à but non lucratif menées au Maroc sont moins nombreuses et moins étendues que celles
d’autres diasporas installées en Allemagne qui sont très actives telles que la communauté afghane. Dans
leurs activités sociales et culturelles, les associations se concentrent sur l’Allemagne. Les entretiens menés
en Allemagne et au Maroc ont toutefois montré qu’il existe des activités transnationales.
16
5. Activités en rapport avec le Maroc
La majorité des actions menées au Maroc s’inscrivent dans une collectivité qui n’est pas forcément une
association, mais est souvent un groupement informel d’amis ou de parents. Ainsi, un groupe d’anciens
élèves a offert du matériel scolaire et un raccordement Internet pour un an à deux écoles de Zaio, dans
la province de Nador. Les activités reposent généralement sur des contacts personnels, ce qui permet de
contrôler plus facilement l’utilisation des fonds donnés.
Les dons sont généralement uniques ou irréguliers et prennent souvent la forme de dons en nature (matériel scolaire, ambulance, sièges roulants ou machines à écrire pour aveugles). Les associations de mosquée sont particulièrement actives. Un appui constant à une association ou un projet au Maroc est plus
rare; la réalisation d’une idée de projet individuelle encore plus rare. Les activités des Marocains résidant
en Allemagne n’ont pas l’ampleur de celles de certaines associations marocaines telles que l’association
«Migrations et Développement», implantée en France et au Maroc (cf. Lacroix 2005a; Iskander 2005).
Il n’y a guère d’investissements dans les infrastructures.
Les MRE font leurs dons irréguliers surtout en été quand ils sont sur place: ils apportent des dons en
nature et les distribuent. Des individus font des dons spontanés à des associations sur place. À Nador,
par exemple, un certain nombre de MRE ont cofinancé, pour leurs voisins et amis, le pavage de la rue
qui a été réalisé par une ONG.
Certains Marocains effectuent également des dons en matériel depuis l’Allemagne. Ainsi, plusieurs regroupements informels de Marocains résidant en Allemagne, originaires par exemple de Zeghanghane,
Arekman et Zaio, ont donné une ambulance aux communes de la région environnant Nador. Ces dernières ont ensuite financé un conducteur et l’entretien du véhicule qui permet de transporter rapidement les accidentés dans un hôpital lointain et le traitement ambulatoire des dialysés. Un autre exemple
est le transport de matériel hospitalier réformé par la clinique universitaire de Francfort-sur-le-Main,
qui a été réparti entre plusieurs centres de santé. Par ailleurs, dans des cas particuliers, des associations,
connaissances ou parents amènent des enfants en Allemagne pour une opération. Selon un de nos interlocuteurs, la jeune génération, qui tisse des liens à travers l’Internet, lance des collectes de dons par ce
moyen. Pour des raisons religieuses, une grande importance est accordée à l’aide aux orphelins.
Les associations ou regroupements informels marocains réagissent souvent à des demandes concrètes
émanant d’associations, villages ou individus du Maroc. Ainsi, une association d’Allemagne, qui n’a pas
par ailleurs d’activités à but non lucratif au Maroc, a envoyé un fauteuil roulant après qu’une personne
handicapée lui en ait fait la demande par courrier. Le fondateur d’un hôpital à Middar a collecté des
dons de MRE résidant dans différents pays, dont l’Allemagne.
Le tremblement de terre d’Al Hoceima en 2004 a également donné lieu à une grande collecte de dons. Il
a été fait appel aux contacts établis sur place avec des associations, fondations ou personnes pour répartir
les donations. Selon la Fondation Hassan II, les donations d’Allemagne ont cependant été inférieures à
celles des Pays-Bas, où vivent également de nombreux Marocains originaires de la région.
Dans les cas relativement rares d’actions de long terme, des accords de coopération sont généralement
conclus avec des partenaires œuvrant sur place. Selon le droit marocain, cela est nécessaire pour réaliser
un projet, si l’association de RFA ne fonde pas elle-même une association au Maroc. Par contre, une
association marocaine d’Allemagne collecte des dons qui permettent d’acheter régulièrement au Maroc
des matériels scolaires qui sont ensuite distribués aux enfants nécessiteux par des membres résidant au
Maroc ou des personnes connues de l’association.
Par le biais d’une coopération à plus long terme avec les MRE d’Allemagne, les partenaires œuvrant sur
place peuvent non seulement recevoir les dons des MRE, mais aussi accéder à d’autres donateurs. Ainsi,
une association d’Allemagne qui soutenait un projet d’alphabétisation de son partenaire marocain a pu
obtenir un soutien financier du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
17
Les activités se déploient plutôt dans des villages que dans des grandes villes. Cette répartition pourrait
s’expliquer par le fait que les migrants conservent des liens plus étroits avec leur lieu d’origine s’il s’agit
d’un village plutôt que d’une ville et que les zones rurales souffrent d’un plus grand dénuement. Les
activités à long terme, en particulier, ne sont pas plus intenses dans le Nord du Maroc que dans le Sud,
bien que la majorité des Marocains résidant en Allemagne soient originaires du Nord. L’engagement
relativement faible des Rifains pourrait s’expliquer par leurs rapports ambivalents avec l’État marocain et
par les différences culturelles et sociales entre le Nord et le Sud du Maroc. Ce sujet mériterait toutefois
une étude plus approfondie.
b)Blocages
Les associations interrogées qui ne s’engagent pas au Maroc l’ont justifié surtout en invoquant le manque de ressources. Elles disent avoir déjà des problèmes à financer leur travail en Allemagne (p. ex. locaux), surtout quand leurs membres sont peu fortunés. Un ancien travailleur immigré le formulait ainsi
dans un entretien: «Si nous avions assez d’argent (pour financer des projets à but non lucratif au Maroc),
nous ne serions pas ici.»
Souvent, les associations ne savent pas comment se procurer des moyens supplémentaires (collecter
des dons, formuler des demandes à des organismes publics, etc.). Ainsi, une association exclusivement
marocaine disait d’une association germano-marocaine que cette dernière avait accès à bien d’autres
financements parce que son président était allemand. En outre, selon certains de nos interlocuteurs, les
Allemands sont moins enclins à donner pour le Maroc ou des associations marocaines depuis que des
Marocains ont participé aux attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et de 2004 en Espagne.
Une association de mosquée supposait qu’une raison pour laquelle les Marocains résidant en Allemagne
étaient moins disposés à donner était qu’ils craignaient d’être supçonnés de financer des activités terroristes.
La plupart des activités reposant sur le bénévolat, le manque de temps pousse également les associations
à fixer des priorités. Il leur paraît souvent plus important de se concentrer sur l’Allemagne et les problèmes que les Marocains y rencontrent, d’autant plus que la question de l’intégration ne perd rien de
son actualité. Après le 11 septembre, les associations ressentent plus fortement le besoin de contribuer à
l’échange interculturel dans des manifestations se déroulant en Allemagne.
En outre, selon Christine Ostermann (en préparation), certains anciens travailleurs immigrés du Rif
considèrent que la situation de leur région d’origine les a forcés à l’émigration et que ce n’est pas à eux
maintenant d’assurer son développement, mais que cette tâche incombe à l’État marocain. Par ailleurs,
certaines associations ne veulent pas limiter leurs activités à but non lucratif au Maroc, car elles perçoivent des besoins encore plus urgents dans d’autres pays d’Afrique ou du monde islamique.
Un autre blocage est le manque de connaissances et d’expériences en matière de gestion de projet. Les
activités sont également entravées par des problèmes douaniers lors de l’envoi de dons au Maroc. Selon
certains de nos interlocuteurs, tel a été particulièrement le cas lors du tremblement de terre d’Al Hoceima. Il est certes possible de faire exempter les biens des droits de douane par l’ambassade ou les consulats du Maroc, mais il est difficile de se faire remettre les biens par les services douaniers au Maroc. En
outre, l’État marocain exige que les dons en nature satisfassent à certains critères. Ainsi, les ambulances
ne doivent pas avoir plus de huit ans. Quand les associations souhaitent inviter des partenaires marocains, ces derniers ont– comme nous l’avons vu– de grandes difficultés à obtenir un visa. Ces contraintes
freinent les échanges concernant les activités à but non lucratif entre les deux pays. En outre, comme
nous l’avons déjà mentionné, les associations ne sont pas toujours satisfaites de l’appui que leur accordent l’ambassade et les consulats du Maroc.
Certains de nos interlocuteurs pensent que les activités se déroulent plutôt dans des regroupements
informels que dans des associations parce que les migrants les plus anciens ont peu d’instruction et ne
18
5. Activités en rapport avec le Maroc
disposent pas d’expérience du travail associatif. Seuls les plus jeunes disposent de cette expérience, mais
ils ont des liens moins forts que leurs parents avec la région d’origine.
5.3 Activités économiques
5.3.1 Transferts financiers
a) Données disponibles et modes de transfert
Le Maroc fait partie des pays recevant le plus de transferts financiers de migrants. Sur la base de leur
valeur absolue, le Fonds Monétaire International classe le Maroc en quatrième position en 2003 et en
dixième position en 2006. Selon l’Office des changes marocain, en 2006, les transferts financiers officiels
s’élevaient à 48 milliards de dirhams, soit environ 4,3 milliards d’euros, ce qui correspond à presque 9%
du produit intérieur brut.19 Le montant des transferts financiers augmente continuellement et a gagné
30,7% au cours des cinq dernières années.20 Les transferts financiers représentent la principale source de
devises du Maroc et sont très élevés par rapport aux exportations (2004: 43,3%). Un de nos interlocuteurs a résumé la situation en ces termes: «Le pétrole du Maroc, ce sont les migrants».
En 2003, selon les statistiques marocaines, les fonds transférés d’Allemagne s’élevaient à 1 179 millions
de dirhams. Ainsi, en 2003, 3,4% de l’ensemble des transferts financiers recensés par la Banque centrale
du Maroc provenaient de la République fédérale d’Allemagne. Les transferts financiers en provenance
d’Allemagne ont toujours été orientés à la hausse en valeur absolue, avec quelques fluctuations. La forte
progression enregistrée en 2001 correspond au passage à l’euro et aux activités de blanchiment d’argent
qui y étaient liées. Simultanément, le montant des transferts financiers par migrant marocain résidant en
Allemagne a diminué. En outre, la proportion des transferts en provenance d’Allemagne par rapport au
total des transferts à destination du Maroc a légèrement diminué au fil du temps (de Haas/Plug 2006:
625; cf. tableau 7).
19 Selon l’Agence allemande pour l’économie internationale, en moyenne annuelle en 2006, 1 euro = 11,04 dirhams.
20 La progression des transferts financiers peut aussi correspondre à une amélioration des méthodes d’enquête.
19
Tableau 7: Transferts financiers à destination du Maroc en provenance d’une sélection de pays
européens et des États-Unis selon la balance des paiements marocaine (en millions de dirhams)
Total
Autres
USA
Espagne
R.U.
Suède
Italie
Alle­ma­gne
Pays-Bas
Bel­gique/
Lu­xem­bourg
Fran­ce
An­née
1982
3 641
386
395
257
14
5
52
15
24
325
5 115
1983
4 333
512
570
399
49
7
70
23
21
532
6 515
1984
5 132
596
623
443
65
8
75
31
32
677
7 681
1985
6 381
680
880
576
76
11
158
37
36
898
9 732
1986
8 786
869
1074
732
80
20
144
53
40
933
12 731
1987
9 278
896
1028
698
111
19
215
101
47
876
13 268
1988
6 886
889
908
588
91
24
175
163
70
906
10 700
1989
7 524
799
853
572
158
22
188
137
68
1 023
11 344
1990
10 944
1 196
1513
873
444
28
252
123
71
1 093
16 537
1991
10 941
1 196
1515
846
847
36
242
289
146
1 272
17 329
1992
11 810
1 270
1725
988
805
44
231
196
114
1 349
18 531
1993
11 487
1 338
1421
980
879
31
226
225
125
1 505
18 216
1994
10 615
1 467
1166
957
618
39
228
252
104
1 369
16 814
1995
10 806
1 447
954
987
725
41
192
235
129
1 305
16 820
1996
11 160
1 520
1 006
997
1 660
80
259
471
187
1 535
18 874
1997
10 036
1 366
860
939
1 740
43
349
617
260
1 824
18 033
1998
10 373
1 264
1 315
1 070
1 916
48
393
787
311
1 836
19 311
1999
10 206
1 075
1 065
960
2 044
60
487
580
676
1 848
19 002
2000
10 386
1 854
1 607
980
2 994
60
954
924
896
2 308
22 962
2001
14 974
1 970
3 486
1 924
5 864
77
1 596
1 895
2 258
2 814
36 858
2002
14 462
2 073
2 109
1 349
3 698
72
1 293
1 957
1 874
2 822
31 708
2003
15 385
2 062
2 032
1 179
4 380
84
1 650
3 189
2 036
2 585
34 581
Source: Office de changes.
Les chiffres de la Banque centrale allemande s’écartent fortement des statistiques marocaines en raison
des modes de collecte différents.21 Selon les chiffres allemands, en 2003, les transferts financiers des
travailleurs résidant en Allemagne pour une période supérieure à une année (workers’ remittances) s’élevaient à seulement 42 millions d’euros et ceux des travailleurs résidant en Allemagne pour une période
inferieure à une année à 13 millions d’euros (compensation of employees) – un écart net par rapport
aux quelque 107 millions d’euros indiqués par l’Office de changes marocain (cf. tableau 8).
21 Au Maroc, les montants changés en liquide sont pris en compte.
20
5. Activités en rapport avec le Maroc
Tableau 8: Transferts financiers des travailleurs résidant en Allemagne pour une période supérieure
à une année (workers’ remittances – Heimatüberweisungen der Gastarbeiter) de l’Allemagne vers
le Maroc selon la balance des paiements de la République fédérale d’Allemagne (jusqu’à fin 1998
en millions de DM, à partir de 1999 en millions d’euros)
Transferts financiers des travailleurs résidant en
Allemagne pour une période supérieure à une
année dans leurs pays d’origine
Dont
Dont
Année
Total
Afrique
Maroc
1997
7 519
204
108
1998
6 936
221
110
1999
3 429
122
59
2000
3 458
131
60
2001
3 520
126
38
2002
3 470
143
52
2003
3 332
132
42
2004
3 180
138
42
2005
2 926
126
35
2006 (jan.-nov.)
2 683
142
44
Source: Banque centrale allemande.
Grâce à sa stabilité politique et économique et à la politique suivie à l’égard des MRE, le Maroc a réussi
à faire transiter une partie relativement grande des transferts financiers par les canaux officiels (de Haas/
Plug 2006). Parmi les facteurs qui y ont contribué, on peut citer l’extension du réseau bancaire au Maroc, le droit accordé aux MRE d’ouvrir des comptes en dirhams convertibles et en devises auprès de toutes les banques marocaines ainsi que des offres répondant aux besoins des migrants, notamment celles
du groupe Banque populaire du Maroc, qui a découvert précocement la clientèle des MRE (El Wardi/
Khyar 2005: 161-167).
Selon les statistiques marocaines, les transferts en provenance d’Allemagne empruntent généralement le
circuit bancaire. Surtout pendant les mois d’été, les migrants transportent aussi des valeurs importantes
sous forme de numéraire ou de marchandises (tableau 9; nos entretiens; Ostermann).
Tableau 9: Type de transfert de l’Allemagne vers le Maroc en 2004 (en millions de dirhams)
Virements bancaires
Virements postaux
Billets de banque
Total
839,9
–
344,2
1 184,1
Source: Office des changes.
Cela vaut pour l’ensemble des MRE, les estimations des transferts informels variant entre 20 et 50%
des transferts officiels. C’est pourquoi, au Maroc également, le volume véritable des transferts est supérieur aux statistiques officielles. En complément des statistiques, un certain nombre d’études permet
d’estimer leur montant. Ainsi, une enquête de l’«Institut national de statistique et d’économie appliquée» ­(INSEA) (Hamdouch et autres. 2000: 164s.) menée auprès de 1 239 migrants révèle que 94%
21
ont transféré de l’argent au cours des cinq dernières années et presque 60% au moins un quart de leurs
revenus.22 Selon de Haas/Plug (2006: 627), en 2000, les migrants résidant en France, aux Pays-Bas, en
Belgique, en Allemagne, en Espagne et en Italie ont transféré environ 1 000 euros par an en moyenne.
b)Frais de transfert
L’État marocain ayant (comme nous l’avons vu) compris très tôt le potentiel que constituent les transferts financiers, ces derniers sont relativement aisés et peu coûteux par rapport à d’autres pays. Les
montants de frais cités à titre d’exemple pour différents types de transfert reposent sur des indications
obtenues lors d’entretiens et sur les données recueillies par téléphone auprès des prestataires en décembre 2006.
Selon nos interlocuteurs, les virements bancaires s’effectuent dans la mesure du possible par l’intermédiaire de banques marocaines disposant de représentations en Allemagne. Elles n’ont pas de licence
bancaire en Allemagne, mais seulement une licence de prestataire de services de transferts financiers et
se sont spécialisées dans les transferts financiers. La «Banque Centrale Populaire du Maroc», la «Banque
Marocaine du Commerce Extérieur» (BMCE) et la «Attijariwafa Bank» en font partie. Cela vaut surtout
pour les Marocains qui habitent dans des villes où ces banques sont représentées.
La Banque Centrale Populaire du Maroc a des bureaux de représentation à Francfort-sur-le-Main, Düsseldorf, Bonn et Dortmund. Le bénéficiaire du virement au Maroc doit posséder un compte auprès de la
Banque Populaire à laquelle la somme est transférée. La banque ne facture alors pas de frais pour le virement. La BMCE a des agences de services financiers à Francfort-sur-le-Main et Düsseldorf. Selon nos
informations, pour les Marocains résidant en Allemagne, les virements sont gratuits depuis fin 2006. Il
leur faut toutefois disposer d’un compte à la BMCE.
Par contre, si l’on vire l’argent directement en passant par une banque allemande, les frais de transfert
montent rapidement. En voici deux exemples. Quand on vire une somme inférieure ou égale à 250
euros d’un compte de la Commerzbank sur un compte au Maroc, cela coûte 7,50 euro de frais et 1,5%
du montant transféré, mais au minimum 12,50 euros. Pour un virement au Maroc, la Deutsche Bank
réclame 1,5% du montant transféré, mais au minimum 10 euros. Si l’on considère la totalité des coûts,
il faut y ajouter 7,50 euros pour le virement, 0,25% du montant transféré pour la conversion ou au
moins 2,50 euros plus 1,50 euro de frais SWIFT. Un virement est plus cher quand il s’effectue à l’aide
du formulaire de virement traditionnel. Aucune des deux banques n’a de banque partenaire au Maroc.
L’avantage des instituts de transferts d’argent est que le bénéficiaire peut retirer l’argent aussitôt après le
transfert; l’inconvénient est que les frais sont plus élevés que dans le cas d’un virement bancaire ordinaire. Il semble que les Marocains utilisent ce mode de transfert surtout quand le bénéficiaire doit disposer
rapidement de l’argent, car un virement ordinaire peut prendre jusqu’à dix jours. Western Union a environ 1 700 agents au Maroc, en particulier par l’intermédiaire d’un contrat avec la poste. Money Gram
en a environ 600 en partenariat entre autres avec la Banque Populaire et Crédit du Maroc (­ FEMIP
2006: 61).
Les partenaires commerciaux de Western Union en Allemagne par exemple demandent des prix différents: à la Postbank, on paie 26 euros de frais jusqu’à 520 euros, puis 5% du montant transféré et enfin
un forfait de 260 euros à partir de 5 200 euros. Les autres partenaires commerciaux, tels que ReiseBank,
Travelex, American Express et diverses caisses d’épargne et caisses d’épargne de district réclament 14,50
euros jusqu’à 450 euros. Les frais augmentent ensuite par paliers de 100 à 150 euros.
Quand on ne peut pas transférer de l’argent ou des biens matériels personnellement au Maroc, on peut
les y envoyer par autobus par l’intermédiaire d’agences de voyages marocaines (p. ex. à Rüsselsheim,
22 Ces chiffres sont vraisemblablement trop élevés, parce que l’enquête se limite à des migrants passant leurs vacances d’été au Maroc et qui
ont donc des liens particulièrement étroits avec leur pays d’origine (De Haas 2007: 9).
22
5. Activités en rapport avec le Maroc
Dortmund ou Düsseldorf ). Chez DIL Reisen GmbH à Rüsselsheim, le transport par bus coûte deux
euros par kilo; chez Allachi, à Düsseldorf, 1,70 euro.
c) Utilisation
Lors des entretiens, les interlocuteurs ont manifesté une certaine méfiance quand on leur a posé des
questions sur le montant, le mode de transfert et l’utilisation des fonds (envois ou dons), car depuis le
11 septembre ils y soupçonnent des contrôles pour déterminer si les fonds sont employés à des fins terroristes. Cela renforce les réticences générales à parler d’aspects financiers.
Selon un certain nombre d’études, l’altruisme est la raison principale qui motive les MRE à envoyer des
fonds dans leur pays (Eken 2005: 194 s.). Quand on leur demande s’ils envoient de l’argent au Maroc,
nos interlocuteurs en Allemagne évoquent souvent le principe de solidarité. Quand une personne de la
parenté est dans le besoin, elle attend des migrants qu’ils la soutiennent financièrement.
Outre l’appui général à la famille proche ou moins proche, les fonds servent à financer la scolarité ou les
études des membres de la famille restés au Maroc. Ainsi, un migrant interrogé a financé par son travail
en Allemagne les études de sa sœur restée au Maroc. Des études (p. ex. de Haas 2005b) prouvent qu’en
particulier la fréquentation scolaire des filles augmente dans les familles qui reçoivent des fonds de migrants. En conjonction avec les dépenses de santé, cet emploi constitue un investissement dans le capital
humain et il faut le considérer comme positif pour le développement.
Par ailleurs, les fonds transférés sont investis dans l’achat ou la construction de maisons. Ainsi, il existe
des quartiers de Nador et des localités de la province où ce sont surtout les Marocains résidant en Allemagne qui ont construit des maisons. «Kariat Arkman» est considéré par exemple comme le «village des
Allemands» (Hopfinger 1998: 212). Selon le caïd local, près de la moitié des maisons ont été construites
par des Marocains émigrés en Allemagne. Pour les migrants, la construction d’une maison dans leur
région d’origine a une signification sentimentale et constitue un signe de réussite. De plus, les biens
immobiliers passent pour un investissement relativement sûr et offrent une certaine sécurité pour la
vieillesse. De ce fait, les prix des loyers, immeubles et terrains ne cessent pas d’augmenter à Nador. En
outre, ce type d’investissement ne nécessite pas de formation ou de connaissances particulières.
Un certain nombre d’interlocuteurs ont mentionné des soucis avec des locataires, appartenant parfois à
leur propre famille, qui, par exemple, ne paient pas le loyer. Cela explique pourquoi 20% des maisons
de Nador sont inoccupées selon les services locaux du «Centre régional d’investissement». Les migrants
espèrent toutefois que l’augmentation de valeur leur procurera un bénéfice même en l’absence de revenus locatifs. Certains de nos interlocuteurs pensent toutefois que la troisième génération de Marocains
établis en Allemagne aura tendance à revendre ces maisons pour utiliser l’argent en Allemagne.
L’utilisation des fonds transférés pour des investissements entrepreneuriaux semble plus faible. C’est ce
que révèle entre autres une enquête récente selon laquelle les fonds transférés sont utilisés de la manière
suivante: 45% pour les besoins quotidiens de la famille, 31% pour l’éducation, 16% pour la construction de maisons, 5% pour des investissements et 2% pour d’autres dépenses (FEMIP 2006: 66).
Nous allons examiner plus en détail les activités entrepreneuriales effectuées au Maroc par des Marocains résidant en Allemagne, c’est-à-dire les investissements au sens strict. Il n’est pas toutefois dans
notre intention de suggérer que les autres utilisations ne peuvent pas contribuer au développement du
pays. L’utilisation à des fins de consommation est souvent critiquée dans la littérature.23 Or, il ne faut
pas oublier que les fonds envoyés par les migrants contribuent fortement à réduire la pauvreté de leurs
familles et à relever globalement le niveau de vie: Bourchachen (2000: 11) estime que 1,2 million de
personnes ne vivent plus au-dessous du seuil de pauvreté grâce aux fonds envoyés au Maroc par les mi23 Le débat sur les effets des transferts financiers et leurs différentes utilisations au Maroc est récapitulé dans de Haas 2007.
23
grants. De plus, la consommation renforce la demande locale et peut exercer des effets multiplicateurs
positifs sur l’économie (p. ex. Glytsos 1998).
5.3.2 Investissements entrepreneuriaux et commerce extérieur
a) Nombre et niveau des investissements
Les données sur les investissements des Marocains résidant en Allemagne ne sont pas centralisées à part
dans les statistiques. Dans la balance des paiements marocaine, ils constituent une partie des fonds envoyés d’Allemagne au Maroc par les migrants ainsi qu’une partie des investissements et crédits privés
effectués depuis l’Allemagne. Ces derniers sont fluctuants et, selon l’Office des changes, ils s’élevaient à
492,6 millions de dirhams en 2002 et 149,2 millions de dirhams en 2003.
Les indications des institutions qui entrent en contact avec les investisseurs– banques, centres régionaux
d’investissement (CRI) ou chambres de commerce– ne précisent pas toujours s’il s’agit de Marocains
résidant en Allemagne. Ces derniers peuvent figurer sous la simple mention de «Marocains» ou «Allemands», et dans ce dernier cas seul le patronyme permet de deviner qu’il s’agit d’un MRE. Par exemple,
le CRI d’Oujda enregistre qu’un investisseur réside à l’étranger, mais sans préciser le pays.
En outre, les migrants réalisent de nombreux investissements en passant par des contacts personnels sur
place et sans contracter d’emprunt. Selon une étude, seulement 31% des Marocains résidant à l’étranger
interrogés ont contracté un crédit pour réaliser leur investissement (Fondation Hassan II 2005: 109).
Les investissements correspondants ne sont donc pas du tout enregistrés par les organismes susmentionnés. Cela s’explique aussi en partie par les réticences que les MRE éprouvent encore vis-à-vis des organismes publics.
Pour dresser un tableau représentatif des investissements des Marocains résidant en Allemagne, il faudrait réaliser une grande enquête empirique spécifique. Nous allons ici procéder à une évaluation sur la
base d’études portant sur les investissements des MRE en général et des entretiens menés au Maroc et en
Allemagne.
Le résultat général qu’on peut retenir des entretiens est que le nombre des investissements réalisés par
des Marocains résidant en Allemagne est inférieur par rapport aux Marocains établis dans d’autres pays
tels que la France ou la Belgique, où les MRE sont plus nombreux. Ainsi, le CRI d’Oujda a enregistré
seulement un investissement d’un Marocain résidant en Allemagne en 2006. La même année, la Banque
Al-Âmal n’a reçu qu’une seule demande de crédit d’un Marocain résidant en Allemagne, demande qu’elle a d’ailleurs acceptée. Cette situation pourrait toutefois indiquer que ces institutions ne sont pas des
interlocuteurs pour les Marocains résidant en Allemagne. Différents interlocuteurs ont cité des exemples
d’investissements entrepreneuriaux de Marocains résidant en Allemagne, mais ils estimaient que globalement leur nombre ne devait pas être très élevé.
Des études complètent le résultat des entretiens. Ainsi, parmi les 236 investissements entrepreneuriaux
recensés par l’étude de la Fondation Hassan II (2005: 87), 13 avaient été réalisés par des Marocains émigrés en Allemagne. Le nombre d’investissements réalisés augmente si l’on inclut les biens immobiliers
dont les propriétaires se réservent l’usage, comme dans la plupart des études sur le Maroc. Selon une
enquête menée par Berriane et Hopfinger à Al Aaroui dans la province de Nador en 1996, 255 des 262
migrants interrogés avaient entrepris un ou plusieurs investissements dans la région, dont 241 étaient
des achats de terrains ou d’immeubles (Berriane 2003a: 47). Selon une enquête de 1990, parmi les Marocains qui résidaient en Allemagne ou en étaient revenus, 63% avaient réalisé un investissement; 15%
en avaient réalisé deux et 1% trois (Naji 2005: 63). En outre, on peut dire en général que les familles
dont un membre a émigré ont une plus forte propension à investir que celles qui ne bénéficient pas des
envois de fonds d’un migrant.
24
5. Activités en rapport avec le Maroc
Comme dans le cas des autres MRE, le montant des investissements s’établit au niveau des très petites,
petites et moyennes entreprises.24 Ainsi, selon la Direction des investissements du ministère marocain
de l’Économie, peu de projets ont reçu un appui du Fonds Hassan II pour le développement économique et social25 (lequel implique un montant supérieur à un million de dirhams): seulement un projet
allemand en 2006, deux projets en 2005, pas de projet en 2003 et 2004. Il n’a pas été possible de nous
indiquer si ces investisseurs étaient d’origine marocaine. Dans la même période, il n’y a pas eu de projets
dont le montant était supérieur à 200 millions de dirhams et qui auraient été enregistrés de ce fait par
la Direction. Selon l’étude susmentionnée de la Fondation Hassan II (2005: 96), onze des Marocains
résidant en Allemagne qui avaient réalisé un investissement entrepreneurial exerçaient une activité professionnelle depuis 26 ans en moyenne et avaient gagné 15 750 dirhams (soit moins de 1 500 euros) par
mois en moyenne au cours de l’année précédant l’investissement.
Les Marocains résidant en Allemagne ont créé peu d’associations ayant un objectif principalement économique. Il existe cependant des professionnels, à Düsseldorf par exemple, qui proposent des services de
conseil sur les investissements au Maroc.
b)Secteurs et régions d’investissement
Au cours des entretiens, il est apparu que les MRE d’Allemagne investissent dans les mêmes secteurs
que les MRE dans leur ensemble (cf. tableau 10). Comme nous l’avons vu, les investissements les plus
fréquents sont la construction ou l’achat de biens immobiliers, d’abord pour soi et sa famille, puis éventuellement pour la location ou la vente.
Tableau 10: Ventilation par secteurs des investissements effectués au Maroc par des MRE
Secteur
Pourcentage des investissements réalisés
par des MRE au Maroc
Immobilier
83,7
Industrie
1,3
Commerce
4,9
Tourisme
1,4
Autres services
1,1
Agriculture
7,5
Autres
0,1
Total
100
Source: Hamdouch et autres 2000: 196.
En outre, des investissements sont effectués dans le domaine des services: restaurants, cafés, téléboutiques, boulangeries ou taxis. De même, de nombreux petits magasins sont ouverts. Ainsi, dans un centre
commercial de Nador construit par un ancien émigré en Allemagne, les magasins ont surtout été achetés
par des Marocains émigrés en Allemagne (Hopfinger 1998: 212). D’autres services proposés concernent
l’ingénierie et la vente des machines correspondantes. Par ailleurs, les Marocains résidant en Allemagne
investissent aussi dans l’agriculture. Dans l’enquête susmentionnée réalisée à Al Aaroui, sur 262 migrants interrogés, huit avaient réalisé un investissement dans le secteur agricole (Berriane 2003a: 47).
Une enquête du CRI de Nador menée en 2004 en coopération avec la Fondation Hassan II et qui n’a
24 Selon l’enquête de la Fondation Hassan II (2005: 104), les petits projets (moins de 500 000 dirhams) étaient les plus nombreux (presque
40%). Par contre, les projets d’un montant supérieur à 5 millions de dirhams représentaient seulement 14% des projets d’investissement.
25 Le Fonds Hassan II pour le développement économique et social encourage les investissements dans des domaines tels que le textile et
l’automobile qui sont considérés comme importants pour le développement de l’économie marocaine et la création d’emplois.
25
été analysée qu’en partie à ce jour, a constaté un investissement dans l’agriculture effectué par un Marocain résidant en Allemagne.
On constate que les MRE dans leur ensemble tendent à délaisser aujourd’hui les investissements immobiliers pour se tourner vers les services et d’autres secteurs (cf. tableau 11). Berriane (1996: 191) tire la
même conclusion d’après les différentes études sur la région de Nador et les migrants marocains résidant
en Allemagne: «les sommes autrefois investies dans l’immobilier se reportent progressivement sur des investissements plus lucratifs dans l’agriculture et différentes branches d’activité urbaines» (traduction par
l’auteur). Le tourisme est ici un secteur particulièrement porteur. Outre les investissements directs, les
investissements des MRE dans des actions d’entreprises marocaines enregistrent également une hausse
(Ihadiyan 2006: 7).
Tableau 11: Répartition par secteurs des projets d’investissements des MRE
Secteur
Pourcentage des projets prévus par
des MRE au Maroc
Immobilier
35,6
Industrie
7,5
Commerce
27,4
Tourisme
12,1
Autres services
5,3
Agriculture
10,6
Autres
1,5
Total
100
Source: Hamdouch et autres 2000: 199.
Cette évolution correspond sûrement à deux phénomènes. D’une part, la plupart des migrants ont déjà
construit une maison au Maroc et les projets d’investissement immobilier dans leur pays d’accueil ont
augmenté. D’autre part, la deuxième et la troisième génération disposent d’une meilleure formation et
investissent plutôt dans des entreprises innovantes (entretiens menés; Kaioua 1998: 124). Selon notre
interlocuteur à la Fondation Hassan II, on peut estimer que ce phénomène est moins marqué pour l’Allemagne que pour la France en raison des connaissances linguistiques insuffisantes de la troisième génération.
Pour l’Allemagne, ce rôle est plutôt joué par le groupe croissant de techniciens et de diplômés universitaires qui ont étudié en Allemagne et entretiennent encore d’étroites relations avec le Maroc: au Maroc,
ils créent surtout des PME qui évoluent à un autre niveau que les investissements des anciens travailleurs
émigrés. Selon notre interlocuteur à la Fondation Hassan II et à la Bank Al-Âmal, il s’agit surtout d’ingénieurs qui investissent dans les services ou les technologies de l’information et de la communication.
En ce qui concerne la répartition des investissements entre les régions du Maroc, l’étude de la Fondation
Hassan II (2005: 91) indique que plus de 70% des migrants investissent dans leur région d’origine, p.
ex. dans la ville la plus proche de leur village d’origine. Toutefois, les investissements les plus importants
et les plus innovants se concentrent dans les centres économiques, sur l’axe Kenitra-Rabat-CasablancaSettat. Pour le moment, le Nord-Est attire moins les investissements, surtout ceux de ce type. Les dépôts
d’épargne résultant de transferts financiers sont également redirigés vers les régions les plus développées
par l’intermédiaire du système bancaire (Khachani 2005: 198).
En rapport avec les Marocains résidant en Allemagne, la même étude constate que sur les 13 investissements recensés parmi les personnes interrogées, six se situent dans l’Oriental et le reste, dans les autres
26
5. Activités en rapport avec le Maroc
régions. Selon l’enquête de 1990 susmentionnée, menée auprès de Marocains résidant en Allemagne ou
rentrés d’Allemagne, 85% des investissements des personnes interrogées ont été effectués dans la ville de
Nador (Naji 2005: 63), probablement en grande partie d’investissements immobiliers.
Les investissements ne sont pas forcément liés à un retour définitif au pays; les investisseurs font en fait
la navette entre l’Allemagne et le Maroc. Selon l’étude de la Fondation Hassan II (2005: 102), plus des
deux tiers des investisseurs continuent à résider dans le pays d’accueil. Dans les secteurs de l’agriculture,
des services et du commerce, ce phénomène est particulièrement marqué; dans l’industrie, par contre, il
ne concerne que la moitié des investisseurs interrogés.
c) Facteurs défavorables aux investissements entrepreneuriaux
Une enquête menée par des chercheurs de l’INSEA (Hamdouch et autres 2000: 204) révèle que les
MRE réalisant des investissements se sont heurtés aux obstacles suivants: problèmes avec l’administration (42,2%), disponibilité et coût des financements (18,4%), corruption (13,4%), impôts trop élevés (13%), abus de confiance par les partenaires commerciaux (6,8%) et accueil qui leur a été réservé
(3,8%). Les problèmes mis en avant dans les entretiens étaient la bureaucratie, la corruption et le manque de sécurité juridique. Les entretiens révèlent que les Marocains résidant en Allemagne se heurtent à
des obstacles supplémentaires:
Les investissements réalisés dans le secteur entrepreneurial exigent un capital suffisant ainsi que la capacité de supporter des pertes pendant un certain temps. Les Marocains résidant en Allemagne sont généralement des travailleurs immigrés qui, justement, en sont dépourvus. En même temps, nombre d’entre
eux ne possèdent pas les capacités et connaissances nécessaires à la réalisation d’investissements dans
l’industrie ou le tourisme (Naji 2005: 59).
En outre, les investisseurs doivent résider sur place pendant un certain temps, surtout au début pour effectuer les formalités administratives. En raison des liens familiaux et d’autres obligations contractées en
Allemagne, cela n’est pas toujours possible ou désirable. Les membres de la jeune génération préfèrent
peut-être investir en Allemagne, car c’est là qu’ils ont leur principal centre d’intérêt. En outre, réaliser un
investissement à distance recèle certaines difficultés. Outre les causes juridiques, notamment le manque
de sécurité juridique au Maroc, il existe des causes sociales telles que la méfiance vis-à-vis des gestionnaires mis en place.
D’autre part, après un long séjour en Allemagne, les MRE ne sont souvent pas, ou plus, familiarisés avec
le système administratif marocain et les formalités à remplir pour fonder une entreprise et ont parfois
des idées périmées en ce qui concerne les exigences et la durée de ce processus.
Les Marocains résidant en Allemagne peuvent aussi avoir des difficultés linguistiques: comme nous
l’avons vu, ils ne connaissent généralement ni l’arabe, ni le français et ne parlent que l’allemand et leur
dialecte berbère surtout s’ils sont nés en Allemagne. Or, des connaissances en arabe ou en français sont
nécessaires pour réaliser des investissements, surtout s’ils sont assez importants.
En revanche, d’autres facteurs favorisent les investissements des Marocains résidant en Allemagne: les
taux de croissance de l’économie marocaine, notamment le boom du secteur hôtelier, l’augmentation du
nombre de spécialistes et diplômés universitaires marocains résidant en Allemagne ainsi que les efforts
déployés par l’État marocain pour éliminer les problèmes rencontrés par les investisseurs.
d)Commerce extérieur
À côté des investissements dans les entreprises, les migrants interviennent dans le commerce extérieur.
Les migrants marocains contribuent à développer les échanges entre l’Allemagne et le Maroc. D’une
part, ils peuvent aider les entreprises allemandes à nouer des relations d’affaires au Maroc grâce à leurs
connaissances culturelles et linguistiques et à leurs contacts sur place. Par exemple, un Germano-Maro27
cain interrogé, accompagne professionnellement des entreprises allemandes qui désirent faire des affaires
au Maroc et est en mesure, en raison de sa connaissance des deux pays, de créer des ponts entre des
cultures d’affaires très différentes.
D’autre part, les Marocains résidant en Allemagne pratiquent eux-mêmes le commerce entre les deux
pays. Ils exportent, par exemple, des voitures d’occasion, des pièces de rechange automobiles et des
petites machines d’Allemagne vers le Maroc. Inversement, ils importent, par exemple, des produits alimentaires et de l’artisanat d’art du Maroc vers l’Allemagne. Particulièrement dans le Nord, où la contrebande est très répandue, les activités des migrants ne sont pas toujours légales.
5.4 Activités politiques, scientifiques et culturelles
a) Activités politiques
Actuellement, au Maroc, les MRE n’ont ni le droit de vote, ni le droit d’éligibilité, même s’ils restent
toujours citoyens marocains de jure, puisque le renoncement à la nationalité n’est pas possible. Le vote
par correspondance n’est pas possible. Par conséquent, les MRE ne peuvent s’engager politiquement
qu’à titre bénévole. Certains de nos interlocuteurs ont exprimé le sentiment que le gouvernement marocain ne les considère que comme des pourvoyeurs de devises auxquels on ne demande pas leur point de
vue et leur opinion.
Dans l’ensemble, peu d’activités politiques bénévoles partent d’Allemagne. Une exception que l’on
peut citer est une association qui s’engage pour la démocratie et les droits de l’homme au Maroc. Elle a
organisé, surtout dans les années 1990, des manifestations sur ce sujet en Allemagne, dans le but de faciliter aussi la reconnaissance des demandeurs d’asile marocains. En outre, le président du «Congrès des
citoyens d’origine marocaine»– qui a été fondé à Tanger en novembre 2001 par des représentants d’associations de Marocains du monde entier– était, jusqu’en 2005, un Marocain résidant en Allemagne. Les
objectifs du Congrès sont d’obtenir pour les citoyens marocains les mêmes droits que les autres citoyens
européens dans l’Union européenne (liberté de circulation, droit de vote au niveau municipal) et une
représentation des MRE au Maroc par l’intermédiaire d’un conseil auprès du Parlement. Il y a déjà eu
une représentation de ce type dans les années 1980 (Lacroix 2005b: 96, 99).
Le débat sur la création et la forme d’un «Conseil supérieur de la communauté marocaine résidant à
l’étranger» et le droit de vote au Maroc pour les MRE est encore en cours pour le moment. Des associations établies en Allemagne étaient représentées lors d’une rencontre sur la migration marocaine et
la participation politique des MRE organisée dans le cadre de l’initiative «Al Monadara» en décembre
2006 à Rabat (www.almonadara.eu). Une consultation par le «Conseil consultatif des droits de l’homme» mandaté à cet effet par le roi est également prévue en Allemagne.
En outre, en réponse aux demandes des MRE, d’autres approches sont adoptées au Maroc pour mieux
intégrer les MRE à la vie politique et les faire participer notamment aux décisions qui les intéressent au
premier chef. Cette possibilité est considérée comme un moyen de pérenniser les liens entre les MRE et
le Maroc.
b)Activités scientifiques et culturelles
Les étudiants, scientifiques et spécialistes marocains vivant en Allemagne ont lancé toutes sortes d’activités dans le domaine des sciences et de la recherche. Ainsi des diplômés universitaires marocains ont
contribué à établir des coopérations germano-marocaines entre des universités et des instituts universitaires de technologie, par exemple l’IUT (Fachhochschule) de Francfort-sur-le-Main avec l’université
d’Agadir ou l’IUT et l’université de Düsseldorf ainsi que l’université de Kassel avec l’université de Fez.
Par ailleurs, des conférences sont convoquées pour faciliter les échanges et le transfert de connaissan28
5. Activités en rapport avec le Maroc
ces entre l’Allemagne et le Maroc. Ainsi, une association germano-marocaine a organisé, à Rabat, un
congrès sur les énergies renouvelables, un domaine dans lequel le pays d’accueil dispose d’une expertise
particulière qui peut profiter au pays d’origine. En collaboration avec d’autres partenaires, une association arabe prévoit d’organiser un congrès médical au Maroc en 2007.
Par ailleurs, différentes associations ont organisé un échange de jeunes. Dans le cadre d’un grand projet
sur l’énergie solaire, une association a engagé des partenariats entre écoles allemandes et marocaines.
Les MRE organisent également différentes activités culturelles, telles que des expositions ou la représentation en commun d’une pièce de théâtre avec un groupe du Maroc. Elles ont généralement lieu en
Allemagne.
29
6.Recommandations d’actions pour la coopération
allemande au développement
Par les différentes activités transnationales décrites, les membres de la diaspora marocaine contribuent au
développement du Maroc, même si leur contribution est moins importante que celle d’autres communautés marocaines plus nombreuses établies dans d’autres pays. Ci-après, nous avons formulé à l’intention de la
coopération allemande au développement (CD) des propositions sur les moyens de soutenir ces activités et
de renforcer leurs effets positifs.
a) Actions à but non lucratif
Les activités des migrants prenant le plus souvent la forme de dons irréguliers, la CD a du mal à s’y rattacher. Il est toutefois envisageable d’inciter et d’encourager les migrants à intégrer leurs dons à des projets existants ou à les étendre pour constituer des projets. On peut également imaginer une coopération
dans d’autres types d’activités, notamment en matière d’éducation, de rapports de genre et d’énergies renouvelables. Comme les MRE créent de nouvelles associations et ont un meilleur niveau de formation,
il paraît possible qu’ils soutiennent plus régulièrement des projets (ce qui est assez rare pour le moment)
ou qu’ils soient plus nombreux à réaliser leurs propres idées de projet. Au moment de proposer un cofinancement, il faut toutefois garder présent à l’esprit que certaines associations ne disposent en propre
que de moyens financiers limités.
Certains interlocuteurs ont exprimé le besoin de formation dans le domaine de la gestion de projet pour
pouvoir démarrer des activités et les professionnaliser. Des séminaires pourraient être proposés pour
répondre à ce besoin. Dans ce cadre, les associations marocaines actives dans d’autres pays, telles que
«Migrations et Développement», pourraient présenter leurs méthodes et leurs résultats et inciter les participants à leur emboîter le pas.
Certaines associations du Maroc ont manifesté leur intérêt pour des partenariats avec des associations de
MRE vivant en Allemagne. On pourrait envisager l’organisation d’une rencontre comparable à celle qui
a réuni des associations marocaines actives en France et au Maroc à Oujda en février 2007.
Par ailleurs, il serait judicieux de soutenir l’établissement de coopérations au niveau communal. Un certain nombre d’associations ont évoqué d’elles-mêmes l’objectif de créer des jumelages entre villes d’Allemagne et du Maroc. La CD pourrait intervenir ici dans un rôle de médiation et de conseil.
b)Activités économiques
En ce qui concerne les transferts financiers, il est recommandé de publier les frais de transfert sur un site
Internet à l’exemple du ministère britannique du Développement international (Department for International Development, DFID). Cette publication inciterait les banques et les prestataires de services de
transferts financiers à améliorer encore leurs services et à réduire leurs frais. En complément des exemples susmentionnés, il faudrait recenser les coûts d’autres modes de transfert possibles et les vérifier en
procédant à des virements d’essai.
En ce qui concerne les investissements dans le secteur entrepreneurial, une étude empirique plus poussée
serait nécessaire pour mieux évaluer l’ampleur et les domaines des investissements ainsi que le potentiel
existant. Les Marocains résidant à l’étranger investiront davantage au Maroc seulement si le climat des
affaires et des investissements s’améliore, ce à quoi la GTZ s’emploie déjà. Dans ce contexte, il serait
judicieux d’étendre ses activités au Nord-Est du Maroc, d’où sont originaires la majorité des Marocains
résidant en Allemagne.
30
6. Recommandations d’actions pour la coopération allemande au développement
Par ailleurs, la CD pourrait améliorer l’offre de conseil et de services pour les investisseurs potentiels de
la diaspora, offre actuellement insuffisante de l’avis de nos interlocuteurs.26 Il n’est pas pour cela nécessaire de créer de nouvelles structures, car il est possible de mieux utiliser les structures existantes après un
renforcement des capacités. Ainsi, pour le moment, les MRE ne considèrent pas les Centres Régionaux
d’Investissement comme des partenaires. Un interlocuteur a également mentionné de mauvaises expériences avec le CRI de Marrakech. De leur côté, les attachés économiques implantés dans les consulats
marocains en Allemagne pourraient faire mieux connaître les possibilités d’investissement. Jusqu’à présent, les chambres de commerce extérieur allemandes n’ont pas été non plus des interlocuteurs pour
les Marocains résidant en Allemagne. Cela pourrait tenir au fait qu’elles font payer les informations
fournies, puisque l’ambassade d’Allemagne à Rabat reçoit bien des demandes d’appui, mais ne peut pas
y répondre elle-même. En outre, la CD pourrait aussi réfléchir aux moyens de faciliter l’accès au crédit
pour les investisseurs. Le programme «retour des cadres» du «Centre pour la Migration internationale et
le Développement» (CIM) devrait mieux tenir compte de la création d’entreprises comme stratégie de
retour.
Pour conclure, eu égard aux obstacles susmentionnés, il faut se garder de surestimer les investissements
que peuvent réaliser les Marocains résidant en Allemagne. Pour compléter la promotion des investissements réalisés par les migrants eux-mêmes, il convient d’envisager des mesures permettant d’utiliser les
fonds de migrants déposés dans les banques pour financer des investissements dans la région de l’Oriental.
c) Activités scientifiques
Pour favoriser les activités scientifiques, on pourrait envisager de soutenir des conférences consacrées à
des domaines en rapport avec le développement et organisées par des membres de la diaspora. Il serait
éventuellement judicieux d’instaurer une coopération avec le DAAD, le Goethe-Institut ou les fondations politiques au Maroc.
Pour encourager les activités dans tous les domaines, il faudrait renforcer les structures de la diaspora
marocaine, c’est-à-dire les associations et leur intégration à des réseaux ainsi que les structures de communication et de coopération avec les services marocains compétents. Outre le contact direct avec les
associations, les sites Web de la diaspora marocaine– p. ex. www.marokko.com ou www.maroczone.
de– peuvent constituer une plate-forme pour communiquer avec la diaspora. En outre, les différentes
formes d’action transnationale seraient facilitées par un allègement des contraintes en matière de migration circulaire.
26 Selon l’étude de la Fondation Hassan II de 2005, il arrive souvent que les investissements ne soient pas assez bien préparés. Ainsi, une
étude de faisabilité n’est effectuée que pour 19% des projets recensés.
31
Annexe
Tableau 12: Salariés marocains assujettis aux assurances sociales (AAS) et faiblement rémunérés (FR)
au 30.06.20061) par secteurs économiques WZ 2003
Salariés AAS
en tout
Total
Salariés faiblement rémunérés (FR) en
tout
Dont
Exclusivement FR
FR en
activité
d’appoint
20 895
8 868
6 038
2 830
251
73
54
19
4 255
519
362
157
79
*
*
987
175
128
47
Commerce; réparations automobiles et
d‘articles domestiques
2 837
1 268
913
355
Hôtels et restaurants
2 604
2 108
1 461
647
Transports et communications
1 835
521
360
161
148
*
*
8
4 842
3 187
2 090
1 097
Administration publique, défense, sécurité
sociale obligatoire
432
21
15
6
Éducation
284
105
60
45
Santé humaine et animale et travail social
1 191
398
272
126
Services collectifs, sociaux et personnels
1 041
389
246
143
Ménages employant du personnel domestique
21
86
67
19
Organismes extraterritoriaux
38
Agriculture et foresterie
Pêche et pisciculture
Industries extractives
Secteur manufacturier
Production et distribution d‘électricité, de gaz
et d‘eau
Construction
Intermédiation financière et assurances
Immobilier, location de biens meubles et
services aux entreprises
Impossible à ventiler
Source: Agence fédérale allemande pour l’emploi.
1
Résultats provisoires
32
47
3
Annexe
Tableau 13: Étudiants marocains par Land et universités/instituts universitaires de technologie
principaux au cours du semestre d’hiver 2004/05
Länder/ universités
Bade-Wurtemberg
Univ. Karlsruhe
Bavière
IUT Munich
Berlin
UT Berlin
Brandebourg
Brême
Hambourg
IUT Hambourg
Hesse
Univ. Francfort/Main
UT Darmstadt
IUT Francfort/Main
IUT Darmstadt
Mecklembourg-Poméranieoccidentale
Basse-Saxe
IUT Hanovre
IUT Osnabrück
Rhénanie-du-Nord-Westphalie
Univ. Duisbourg-Essen
Univ. Wuppertal
Univ. Bochum
Univ. Bonn
Univ. Düsseldorf
Univ. Cologne
Univ. Dortmund
TH Aix-la-Chapelle
IUT Aix-la-Chapelle
IUT Dortmund
IUT Düsseldorf
IUT Cologne
IUT Niederrhein
Rhénanie-Palatinat
Univ. Mayence
Sarre
Saxe
Saxe-Anhalt
Schleswig-Holstein
Thuringe
Étudiants marocains étrangers
Dont Bildungsausländer
474
118
322
106
280
143
49
125
215
149
1 275
164
178
333
225
44
450
116
294
101
244
118
49
118
205
146
1 075
110
163
276
200
43
482
113
108
3 758
262
220
204
223
139
137
175
139
158
399
191
400
430
477
220
114
127
154
96
27
444
101
106
3 155
196
183
121
183
107
119
124
128
147
382
162
357
390
421
191
104
109
153
95
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Source: Système d’information universitaire (Hochschul-Informations-System).
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Liens
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http://www.maroczone.de Site Internet pour les Marocains résidant en Allemagne (infos, chat, offres, etc.)
http://www.marokko.com Site Internet pour les Marocains résidant en Allemagne/personnes s’intéressant
au Maroc
http://www.marokko-online.info/cgi-bin/ultimatebb.cgi Forum Internet pour les Marocains résidant en
Allemagne/personnes s’intéressant au Maroc
http://www.dimadima.de Site Internet pour la communauté arabe en Allemagne, donnant aussi des
informations concernant le Maroc
http://www.marocainsdumonde.gov.ma Site Internet du ministère des Affaires étrangères et de la
Coopération et de la ministre déléguée chargée de la Communauté marocaine résidant à l’étranger
http://www.alwatan.ma Site Internet de la Fondation Hassan II.
http://www.almondara.eu Site de l’initiative «Al Monadara» sur la participation politique des MRE
http://www.fincome.ma Site du projet FINCOME
http://www.mre.ma Site Internet pour MRE en français permettant de consulter une base de données sur
les organisations de MRE dans différents pays
http://www.yabiladi.com Site Internet pour MRE en français
http://www.marocentrepreneurs.com Site Internet de l’association «Maroc Entrepreneurs», un réseau
d’étudiants et diplômés universitaires marocains vivant à l’étranger, ayant des sièges en France et GrandeBretagne
http://www.bladi.net Page d’information en français avec une colonne «Marocains d’Ailleurs»
http://www.nador.ma Portail d’information sur Nador
http://www.tanmia.ma Site d’ONG marocaines (surtout dans le domaine du développement)
http://www.laenderkontakte.de/region/afrika/marokko/index.html Annuaire d’organisations
d’Allemagne en rapport avec le Maroc
http://www.mso-online.de Moteur de recherche pour les organisations de migrants en Rhénanie-duNord-Westphalie
http://www.moscheesuche.de Moteur de recherche pour mosquées/associations de mosquée en Allemagne
37
Deutsche Gesellschaft für
Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH
Dag-Hammarskjöld - Weg 1 – 5
65760 Eschborn / Deutschland
T + 4 9 61 96 79 - 0
F + 4 9 61 96 79 - 11 15
E [email protected]
I w ww.gtz.de

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