recueil de témoignages - Anorexie et boulimie Québec
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recueil de témoignages - Anorexie et boulimie Québec
LES TROUBLES ALIMENTAIRES : UNIS POUR VAINCRE ! SEMAINE NATIONALE DE SENSIBILISATION AUX TROUBLES ALIMENTAIRES DU 3 AU 9 FÉVRIER 2013 RECUEIL DE TÉMOIGNAGES 2 Table des matières Table des matières .............................................................................................................. 2 Remerciements.................................................................................................................... 3 Considérations éthiques ...................................................................................................... 4 Mise en contexte ................................................................................................................. 5 Témoignages de personnes aux prises avec un trouble alimentaires.................................. 6 et personnes rétablies .......................................................................................................... 6 Marie-Eve Gosselin......................................................................................................... 7 Patricia Shankland......................................................................................................... 12 Dominique Jodry-Lapointe ........................................................................................... 14 Jean................................................................................................................................ 16 Marie-Lou ..................................................................................................................... 19 Christine Lacroix........................................................................................................... 21 Témoignages de proches................................................................................................... 24 Témoignage d’un père................................................................................................... 25 Témoignage d’une mère................................................................................................ 28 3 Remerciements ANEB tient à remercier toutes les personnes qui ont généreusement contribué à ce recueil de témoignages. Nous tenons à souligner le courage et la détermination de ces gens. Merci pour votre partage! Nous sommes certains que votre histoire touchera plus d’une personne! 4 Considérations éthiques Par respect pour les personnes qui ont participé à ce recueil et par respect pour leur histoire, les témoignages n’ont été que très peu modifiés au niveau de la forme. Certaines personnes ont souhaité signer leur témoignage et d’autres ont préférer utiliser des pseudonymes afin de préserver leur anonymat. ANEB a agit dans le respect de leur préférence. Nous tenons également à mentionner que tous les participants ont signé un formulaire d’autorisation pour qu’ANEB puisse diffuser leur récit, ou une partie de ce dernier, sur le web ou dans d’autres types de médias. 5 Mise en contexte Dans ce document, vous pourrez trouver des témoignages de personnes aux prises avec un trouble alimentaire, de personnes rétablies et de proches. Le processus de guérison peut parfois être long et ardu. Nous espérons que ces écrits donneront de l’espoir et du courage aux personnes qui sont touchées par la maladie. Il est possible que les témoignages ci-dessous suscitent certaines émotions en vous, ou vous amènent à vous questionner sur votre situation. Nous vous rappelons que notre ligne d’écoute est disponible de 8ham à 3ham, tous les jours, au : (514)630-0907 (Montréal) ou 1 800 630-0907 (sans frais). Vous pouvez également nous écrire à l’adresse courriel suivante : [email protected] , afin d’obtenir du soutien et des réponses à vos questions. Bonne lecture! 6 Témoignages de personnes aux prises avec un trouble alimentaires et personnes rétablies 7 Marie-Eve Gosselin L’histoire de ma rémission commence par d’autres histoires. D’abord celle de ma vie mais il y a celle d’une autre femme aussi. Je tairai son nom. Pour elle. Par respect. Tout débute véritablement avec l’histoire de notre rencontre. C’était il y a plus de 7 ans. Elle aura débuté avant que l’anorexie se pointe mais… après beaucoup de choses. Je n’aurais sans doute jamais eu à frapper à sa porte sinon. J’ai eu une histoire avec l’anorexie. Histoire qui aura pris une certaine place mais… pas toute la place. Je ne l’ai pas voulu ainsi. Je suis têtue surtout. Cette relation aura duré un peu plus de 5 ans. Quand j’aurai pensé que ça m’avait quitté, ce n’était que pour mieux revenir. Il y a eu de la déception, du découragement, mais… l’anorexie ne se pointe jamais pour rien. Ça a ses raisons d’être mais… la vérité, c’est que nous avons nos raisons de l’utiliser et ce, qu’elles soient conscientes ou non. Avant d’être une maladie, c’est d’abord un outil. Un mauvais outil; mais j’ai longtemps cru que c’était le contraire par contre, que ma sécurité intérieure en dépendait mais… il m’arrive de me tromper. Ça nous arrive tous et on se doit de pouvoir le reconnaître. Pour notre bien. Pour celui des autres aussi. Je dois comprendre les choses alors j’aurai essayé avec ça aussi. Ça m’aura pris du temps, de l’espace surtout. J’ai dû faire des choix aussi mais j’aurai réussi. L’anorexie m’apportait un message et, en ce sens, et pour moi, c’était un cadeau. J’ai été seule à croire pendant un bon bout de temps que c’était un cadeau mais… j’étais habituée à cette solitude, on se connaissait bien. On aura choisi de me faire confiance avec ça, non sans difficultés au début. Au Douglas aussi. Ils n’auront pas trop eu le choix, ils voulaient m’aider et c’est à l’aide de s’adapter, pas à nous. Ils auront compris en chemin, ils auront vu que je me transformais. J’aurai été digne de leur confiance. J’aurai été reconnaissante de cette confiance surtout. 8 Puis, je m’en suis sortie; je n’en ai plus eu besoin. Mais pas comme ça, non. À la sueur de tout ce que je ressentais surtout. J’ai dû plonger en moi, dans mon histoire. J’ai fait un choix et j’ai tout donné. Tout. Je me suis investie à fond et comme jamais. Ça a été difficile, très difficile, et douloureux comme dans «Fuir était vraiment plus facile, hein? » mais ça a été la plus belle chose que j’ai pu faire pour moi et la plus belle expérience de toute ma vie à ce jour; sincèrement. J’aurai été très bien entourée dans ce processus et puis… je suis devenue heureuse. Je le recommande d’ailleurs fortement. Ça fait du bien. Ça a eu un impact sur les autres aussi. Certains ont eu à travailler sur eux-mêmes également pour pouvoir être là pour moi, pour pouvoir m’aider et m’aimer de la bonne façon; pour pouvoir m’aimer comme j’en avais besoin. C’est bien, non? J’aurai trouvé que oui; j’aurai trouvé ça beau surtout. Pour eux. Pour moi aussi. Un peu. Pas toujours sur le coup par contre! L’impuissance ce n’est jamais facile à vivre et donc à gérer. Les défenses ne servent pas à rien! Compassion pour tous ici. Vous savez, il ne faut pas prendre l’anorexie pour ce que ça fait au risque de ne pas entendre le message que ça porte. Au risque de perdre la personne derrière le message, derrière l’outil ou la maladie. J’ai dû apprendre à m’écouter. J’ai surtout dû apprendre à m’affirmer. Je suis donc officiellement en rémission depuis le 31 juillet 2012. Pas que de l’anorexie, non. De ma vie, ma vie d’avant. Celle qui ne m’appartenait pas, celle que je subissais. J’avais été sacrifiée un jour, j’ai décidé de l’accepter à ce moment. Pour moi. Pour mon 9 bien. Je n’ai pas été toute seule là-dedans. Non. « Elle » aura été beaucoup là; d’autres aussi, mes amies. Je suis entrée dans la vie. La vie qui guérie de tout. De nous. L’histoire de ma guérison commence donc par une histoire d’amour même si elle en contient d’autres également. Elle en contiendra d’autres aussi! Dans cette première histoire, il y a eu un dessin. Pas un « beau » dessin mais elle est psy, pas Picasso. Ce dessin, qu’elle m’aura fait, sera né de son intuition et je m’y serai identifiée. Ça n’aura pas été un beau moment. Puis, un peu plus tard, j’aurai reconnu ma valeur, je me serai reconnue moi. Ça, ça aura été un très beau moment! Les dessins ne sont pas juste des dessins, ils peuvent aussi être pratiques parfois! Cette histoire, notre histoire, c’est une histoire d’accueil, de confiance, de patience, d’acceptation, de renoncement et de liberté. C’est aussi une très belle complicité mais, c’est tellement plus que tout ça aussi. Cette histoire d’amour aura permis la naissance d’une seconde histoire d’amour, celle que je vis désormais avec moi-même. Celle qui m’aura permis de prendre le pouvoir sur ma vie. Ça a été un travail d’équipe et, grâce à mon attachement pour « elle », j’aurai pu m’attacher à moi. Je me serai ainsi construite dans son regard et son amour et j’y aurai puisé beaucoup de courage. J’aurai pu apprendre à m’aimer en même temps, en l’observant faire avec moi, en recevant ce qu’elle me donnait et en intégrant le tout pour moi-même. On a une relation avec soi et elle est très importante. Ma thérapie prendra fin cette année. Ma relation avec cette femme se terminera. Cependant, à tous les jours, je continuerai de porter notre histoire en moi, puisqu’elle sera venue me composer. J’en ferai bénéficier les gens qui partageront ma vie, qui croiseront ma route; je le fais déjà. Je leur montrerai ce qu’elle m’a appris, ce qu’elle m’apprend 10 encore. Pour aimer. Pour transmettre. Pour répéter. Pour continuer, mais, pour exprimer ma reconnaissance surtout; j’ai eu beaucoup de chance. Je pourrai ainsi honorer notre histoire, honorer l’amour dont elle m’aura investi et peut-être arriver à l’honorer elle. Je pourrai ainsi également continuer de l’aimer au travers des autres, mais au travers de moi surtout. La reconnaissance que je ressens, elle lui appartiendra toujours à moitié. Elle aura été la différence pour moi, elle aura su assumer sa propre différence et ainsi m’aider à assumer la mienne. Aucuns mots ne pourront jamais exprimer tout ce que je ressens pour cette femme. Pas même ceux de 20,000 témoignages. L’intensité ne s’exprimera jamais en mots, alors je l’exprimerai au travers de ma vie en utilisant cette énergie pour faire le bien partout, dans tout et avec tout ce que je suis. J’ai aussi le très grand privilège de partager de belles amitiés solides avec des gens merveilleux que j’aime, qui m’aiment, qui sont là, qui sont heureux et avec qui je peux partager plein de choses, dont mes bonheurs. Certains ont des enfants et j’ai la chance d’être là pour eux. J’en profite beaucoup aussi. J’ai des activités qui me passionnent, des intérêts à la tonne, des désirs, des rêves, des idées, des projets que je peux investir, que j’investi. Je suis comblée, je m’épanouie donc! Alors… si demain je devais tout recommencer, je le ferais et de la même façon. Pour tout. Pour moi surtout. La vie a ceci de merveilleux : elle ne prend jamais rien sans offrir un enseignement qui aura la valeur de la difficulté, de la douleur ou de la souffrance vécue. Cependant, pour pouvoir avoir la chance de comprendre, il y aura toujours un chemin plus ou moins ardu par lequel on devra passer et sur lequel on devra alors faire preuve de courage pour 11 mériter de comprendre ces enseignements, mais c’est nécessaire parce que c’est avec ces leçons – cadeau de la vie - que l’on peut continuer de se construire, que l’on grandit et qu’on a la chance de s’épanouir toujours encore plus. Antoine De St-Exupéry a écrit: « L’Empire de l’Homme est intérieur ». Il avait raison. 12 Patricia Shankland Il y a deux ans, j’ai choisi de me défaire de mon trouble alimentaire. La jeune femme en difficulté que j’étais ne ressemblait pas à ce que je suis. J’étais irritable, déprimée, frustrée et sur la défensive. Ma famille ne savait jamais comment agir avec moi, car mon humeur ressemblait à une bombe à retardement. Mon père ne comprenait pas le problème, alors il tentait de me secouer par des commentaires désobligeants qui, au lieu de me réveiller, me bouleversaient profondément et m’enfonçaient davantage dans mon TA. Je m’éloignais de ma soeur à cause de ma négativité. Elle ne savait plus comment m’aider, car je cherchais toujours la bisbille. J’avais perdu ma soeur, mais aussi une meilleure amie. Avec ma mère et ma grand-mère, je sentais que je pouvais m’ouvrir, mais toutes les deux souffraient de me voir ainsi. J’ai une famille « tissée serrée »; je ne passais pas inaperçue. Ma mère, ma soeur et mon père récoltaient les commentaires de tout le monde sans pouvoir faire quelque chose. Mon amoureux a toujours été là à m’écouter, à m’aimer. Moi, je le repoussais tout le temps; je ne tolérais pas qu’il me touche. Je ne pouvais même pas tolérer mes chiens. Je m’éloignais « volontairement » de ceux que j’aimais, car je ne m’appréciais pas; je ne croyais pas possible qu’eux puissent m’apprécier également. Cette période de ma vie a été chaotique; je ne savais plus qui j’étais et ce à quoi j'aspirais, je me sentais seule et mes pensées divergeaient toutes dans la même lignée: mon trouble alimentaire. Mon déclic s’est produit lors de mon séjour en France. Je suis partie seule et j’habitais chez des amis de mon père. Là-bas, j’ai rencontré plusieurs défis alimentaires et autres. J’ai réussi comme j’ai échoué. Rien n’a été parfait dans ce voyage. À mon retour, j’ai réalisé que je n’avais pas profité de tout ce qu’on m’avait offert: je l’ai regretté. Alors j’ai réfléchi à ce que la femme qui m’hébergeait m’avait dit: « Vaut mieux regretter quelque chose que tu as fait, que de regretter de ne pas l’avoir fait. ». J’ai alors accepté la proposition de ma mère et j’ai demandé de l’aide. J’ai pris un certain temps à me sortir du TA et j’ai rencontré plusieurs difficultés: je niais l’existence du problème, je disais aux autres ce qu’ils voulaient entendre, je me décourageais, je pleurais, je me confrontais 13 souvent, etc. Au début, j’avançais à pas de souris; je reculais même. Chaque fois que j’effectuais un pas vers l’avant, je goûtais à la liberté et j’appréciais. Ces petites réussites personnelles me poussaient à avancer toujours plus loin. Les professionnels m’ont apporté un soutien important en m’amenant à m’interroger moi-même. J’ai réalisé que la force, la volonté et le courage nécessaires pour être libre; je les avais en moi depuis longtemps; il s’agissait de faire confiance à mon corps. Ma famille commençait à comprendre davantage le problème. Je ne recevais pas de mots d’encouragement ou de commentaires positifs de leur part, du moins pas de manière directe. Leur silence m’a rendu service. Ils agissaient comme si je n’avais pas de TA. Ils me considéraient comme tout le monde. Mon entourage construisait des sujets de conversation nouveaux sur tout ce qui me passionnait dans le passé. Mes pensés s’orientaient doucement vers de nouveaux intérêts. Mon cerveau commençait à répartir également les différentes sphères de ma vie. Je m’approchais tranquillement d’un juste équilibre; je devenais plus sereine, plus créative, plus éveillée et intéressée, plus curieuse et aventureuse; je me sentais libre et heureuse. Ne souhaitez pas un miracle, mais croyez plutôt en vous et faites confiance au moment présent. J’ai redécouvert la fille que j’avais abandonnée sous un angle nouveau, plus complet qu’avant. Aujourd’hui, j’ai envie de profiter de la vie, j’ai la tête remplie de projets, je recommence mes études et je suis heureuse. J’adore serrer mes chiens et les caresser, je suis redevenue complice avec ma sœur. Je profite des fêtes de famille. J’ai passé des vacances formidables avec mon père. J’ai retrouvé une proximité saine avec ma mère et ma grand-mère et surtout je suis retombée amoureuse de mon copain. La clé du succès pour moi se résume en trois mots: ÉCOUTE, CONFIANCE et ÉQUILIBRE. J’écoute mon corps, je me fais confiance, ainsi je trouve l’équilibre qui m’aide à poursuivre sur la bonne voie. « J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé. » - Voltaire 14 Dominique Jodry-Lapointe J’ai souffert du trouble d’hyperphagie boulimique, un mal trop peu connu qui commence à être démystifié. (http://www.anebquebec.com/blogue/2012/08/28/maigrir-fait- grossir/#more-563 ). Les racines de mon trouble se trouvent dans des insécurités d’enfant et dans l’intimidation que j’ai subi à l’école, de même que dans la bouche d’un médecin qui, a douze ans, m’a proclamé obèse morbide (à tort) et annoncé que je mourrais jeune. Je me suis fait dire par des médecins autant que par mes intimidateurs que je manquais juste de volonté, et même je me suis fait proposer une chirurgie bariatrique sans aucune prise préalable de mes indicateurs de santé. Mon refus de monter sur la balance, encore aujourd’hui, est régulièrement perçu comme du déni ou un manque de collaboration. Plus ces situations se répétaient, plus j’essayais de maigrir, et plus l’obsession prenait de place dans ma tête. J’avais honte et je me sentais coupable, mauvaise, faible; je pensais toujours à la nourriture et j’avais l’impression tenace d’être insatiable. Mes amis, bienveillants et ignorant la situation, me taquinaient parfois sur mon appétit, mais je ne voulais pas parler de cela. Un jour, j’ai craqué et j’ai parlé de mes doutes à une amie qui m’a confié vivre la même chose. Le déclic s’est produit. Alors que je me critiquais vertement dans le miroir, je me suis dit que JAMAIS je n’autoriserais quelqu’un à parler à ma meilleure amie de la manière dont moi je me parlais. J’ai demandé de l’aide. J’ai rencontré des intervenants qui ne m’ont pas jugée, et qui se sont abstenus de me parler de mon poids comme un mal à abattre. Leur attitude positive a été essentielle dans ma rémission. Quelques personnes très proches de moi, à force d’ouverture, de réassurance, de nonjugement et d’encouragement à affûter mon esprit critique et mon activisme contre la «terreur de la minceur» m’ont aidée à accepter davantage ma situation et à être plus indulgente envers moi-même. J’ai suivi une thérapie spécifique aux TCA (troubles du comportement alimentaire), puis une autre pour la gestion de mes émotions. Ma meilleure amie et une thérapeute m’ont suggéré de nombreuses lectures captivantes et ont ouvert la 15 porte des mouvements «Size Acceptance» et «Health at Every Size», qui ont changé ma perception de mon corps, ma façon de vivre « dedans », et mes possibilités de santé globale. Je suis devenue amie avec plusieurs personnes de ces mouvements et leurs attitudes tellement positives, énergiques, validantes m’ont donné des ailes. Encore aujourd’hui, chaque fois que je doute, ils sont là pour me dire que c’est aussi correct d’être grosse que d’être mince et que donner mon argent à l’industrie des régimes est inutile. Ils m’aident et par leurs critiques saines de mes idées et commentaires, me permettent d’évoluer et de m’affranchir de la pression d’être mince, tout en gardant ma santé à l’œil. Ma croisade aura duré plus de cinq ans. Mon combat avec l’hyperphagie est aujourd’hui terminé, mais je n’ai pas encore fait la paix avec mon corps; c’est une longue route. Je me dis souvent qu’une personne qui n’échoue jamais rien, n’essaie jamais rien et que j’en viendrai à bout. Je ne me punis plus avec l’exercice; j’ai trouvé une (seule) forme d’exercice qui me plaît pour le moment, mais j’ai espoir d’en trouver davantage. La plupart du temps, je mange à ma faim, instinctivement, mais je respecte toutes mes faims; une faim psychologique est aussi valide qu’une faim physiologique. Je ne cherche plus à manger des aliments que je déteste parce qu’«il le faut ». Je commets encore des excès à table parfois et vous savez quoi, c’est correct! C’est humain, ça aussi. Liens et livres qui m’ont beaucoup aidé dans mon cheminement ASDAH https://www.sizediversityandhealth.org/Index.asp HAES ® http://healthateverysizeblog.org/ ÉquiLibre http://www.equilibre.ca/ Bourque, Danielle. À dix kilos du Bonheur. Montréal: Éditions de l’Homme, 2004. Imprimé. Bacon, Linda (Ph.D.) Health at Every Size : the Surprizing Truth about your Weight. Dallas: BenBella Books, 2010. Print. 16 Jean Tout a commencé au moment où j ai perdu mon insouciance d’enfant. À l’entrée du collège, le stress me prenait, anxieux des futures critiques de mes camarades. Il est connu qu'à l'adolescence les enfants sont cruels entre eux et pour les plus sensibles cette période est très éprouvante. J’étais l’un deux. Les réflexions se concentraient essentiellement sur mon physique et mon surpoids apparent. En tout cas, c’est ainsi que le préadolescent que j'étais l'a ressenti. Dès lors, très rapidement mon poids est devenu mon obsession. Avec le recul je me suis aperçu de ma personnalité obsessionnelle. Je ne jurais que par les moyens de contrôler mon poids, ce corps devenu responsable de mon mal être. Tout d'abord, j'ai commencé à courir. En me fixant un temps raisonnable au départ, j'ai continué à allonger ma durée d'efforts, jusqu'à l'épuisement. Tous les jours, la routine était ma maîtresse. Je devais me lever et courir, quelque soit le temps, les intempéries, mes occupations de la journée avec un seul objectif : m'endormir les jambes lourdes d'effort, l'adrénaline encore fraîche circulant dans mes veines. Enfant, dans mes souvenirs, j'étais un être joyeux, positif, ayant la bougeotte, un peu perturbateur, mais maintenant je donnais un corps à un être solitaire, fuyant, impatient, un perpétuel insatisfait. À la maison mes contacts étaient limités à mes deux sœurs et à ma mère. Mon père, présent physiquement, restait absent, un fantôme, un étranger dans mon environnement. J'avais appris à interagir avec ce fantôme depuis mon enfance. Les seuls échanges apparaissaient lors de nos affrontements. Mon manque de repères masculins influença si bien mon comportement que pendant longtemps je n'évoluais que parmi le sexe oppose, ayant très peu de contacts avec mes semblables masculins, j’appréciais leur contact et développais leurs troubles. 17 J avais toujours été un bon élève, sans me forcer réellement. Mes occupations étaient devenues autres et je ne pouvais m'épanouir au collège, au lycée. Ces lieux sont restés longtemps synonymes de traîtrises, couardise et méchanceté. Pendant de nombreuses années, j'ai évolué à ce rythme, perdant des amis, des compagnes, me plongeant dans l’exercice sans limite et la restriction alimentaire, me coupant du reste du monde. J'avais créé ma prison intérieure, ma prison personnelle. J'apprenais à y évoluer, à m'y complaire, à oublier la limite floue entre la liberté et les prisons affective et intellectuelle. En parallèle de mes efforts physiques intenses, j'avais commencé à effectuer des recherches sur la restriction alimentaire, la diète. Au fur et à mesure que mes connaissances progressaient, je les appliquais. Ce qui au début consistait en un régime évolua en une restriction alimentaire épuisante, paralysante, obsédante. Tous mes efforts, mes quelques puits d'énergie restant misaient sur l'amélioration et la stabilisation de ma routine hygiénique. J’élaborais des schémas complexes pour diminuer mes apports caloriques, des voies élaborées d’évitement de toutes personnes en dehors de mes amis très proches. Mes années de lycée ont été déterminantes dans mon évolution. Ma maladie avait commencé au collège, donc je dus m'adapter, en quittant le collège pour le lycée, à un nouvel environnement. De nouveaux efforts intenses sont venus s’ajouter et ont fini par m’épuiser. En dernière année de collège, j ai été hospitalisé et opéré. C est à partir de cette date que j’ai été suivi. Au début par le médecin de famille, pédiatre, puis quand cela se révéla infructueux, par un spécialiste en endocrinologie. Une approche purement physiologique, sans aucun suivi psychologique. Un dosage d’hormones quotidien en parallèle de ma perte de poids jusqu’à atteindre la limite physiologique et obtenir une hospitalisation de force. Plusieurs semaines, j’ai du lutter contre moi-même dans une chambre de 9 m 2 sans possibilité de m’évader. Un contrat simple et terriblement 18 efficace. Pour chaque centigramme repris, chaque kilogramme; une récompense. La carotte après laquelle coure l’âne. Au début, un aménagement de mes repas, un aliment ajouté, retiré, suivi d’une possibilité d’appel vers l’extérieur, vers ma mère, mes sœurs. Par la suite, je n’avais plus personne à appeler. Puis, la récompense finale, la libération, la sortie de ma cellule. La joie de sortir toujours accompagnée d’une peur, une appréhension intelligible. La peur de retrouver une vie solitaire construite autour d’une obsession et évoluant, suivant toujours la même répétition. La peur de retrouver les tensions familiales, les conflits avec mon père. À la suite de ma première hospitalisation, une seule chose avait réellement changée. J’avais un objectif, un but pour mon avenir proche, la guérison. Ayant réussi ma dernière année de lycée et mon examen avec félicitations, j’ai postulé pour une nouvelle école. À l’école, j’ai encore connu une année d’hospitalisation, cette fois-ci en psychiatrie. Entourés de gens malades, de schizophrènes, je me considérais normal et je désirais revenir vers une vie en communauté. En 3eme année, j’ai guéri quasi complètement. Je me suis rapproché de l’une de mes sœurs. Une sœur pour mes périodes d’anorexie et une sœur pour les périodes de rémission. J’ai deux sœurs et il est surprenant de constater que mes périodes d’intimité avec une ou l’autre ont toujours dépendues de mon cycle anorexie-rémission. Perturbé, lasse, j’ai profité d un échange universitaire pour changer d’horizon. Je me suis envolé vers la Corée où ma nouvelle vie commença. 19 Marie-Lou À l'âge de 16 ans, une partie de moi s'est écroulée, je vivais de l'anorexie. J'avais des objectifs très malsains en ce qui a trait à mon poids, ce qui avait pour conséquence une mauvaise estime de moi et une harmonie inexistante avec mon corps. Comme je croyais qu'on ne pouvait pas m'aimer si je n'atteignais pas le poids désiré, je m'excluais moimême des relations avec des amis. Je m'isolais dans la perspective qu'on ne m'aimerait pas de toute manière, mais aussi parce que l'amitié proche pouvait me nuire dans mes projets de perte de poids. En effet, un bon ami m'aurait tout de suite posé des questions sur mon alimentation, à savoir si j'étais heureuse dans la vie. Le problème était là. J'étais bien malheureuse. Mais je ne voulais pas qu'on le sache. Le bonheur allait arriver avec la perte de poids et personne ne devait me faire déroger de ce plan. Cependant, j'ai réalisé, quelques années plus tard, lorsque la boulimie faisait des siennes dans mon corps, que je n'allais pas pouvoir maintenir ce mode de vie si j'aspirais à être heureuse. Les troubles alimentaires font des promesses qu'ils ne peuvent pas tenir: « Tu seras heureuse lorsque tu auras le contrôle ». J'ai compris que j'étais la personne qui allait m'aider à m'en sortir en même temps que la personne qui se maintenait dans le problème. Je devais donc m'allier de partenaires qui allaient m'aider à départager les deux rôles que je campais: donner de l'importance à celle qui veut s'en sortir et délaisser celle qui voulait prendre le contrôle, rester dans le trouble alimentaire. J'ai longtemps douté sur le fait que je pourrais avoir de bons amis à qui me confier. Je croyais que je n'avais que du vécu négatif, que des sujets de conversation limités et qu'on ne m'aimerait pas en tant qu'amie à cause de ça. Je me trompais. Il y avait en moi, à mon insu à ce moment là, une personne riche, brillante et amusante. 20 J'ai d'abord eu la chance d'avoir deux relations amoureuses dans lesquelles je pouvais dire ce que j'avais vécu et ce que je vivais par rapport aux troubles alimentaires. Je ne parlais pas souvent de mes émotions, mais juste le fait de savoir que l'autre m'acceptait même avec ce que je vivais me sécurisait. Je travaille dans le milieu de la santé et dans un milieu prônant les relations interpersonnelles, le mieux vivre et le mieux-être de façon proactive. Deux collègues m'ont aidé soit en parlant, en essayant de me comprendre et d'apprendre, ou encore en m'aidant à restructurer ma perception de la nourriture dans ma vie. J'ai eu deux amis avec qui je pouvais discuter de mes états d'âme, mais une seule a été en mesure de constater l'ampleur de ce que je vivais puisque nous habitions ensemble. Là où habituellement mes masques tombaient, elle y était. Et sans avoir eu besoin d'en parler, de façon spontanée et volontaire, elle prenait soin de moi, s'inquiétait pour moi et m'écoutait. C'est d'ailleurs elle qui m'a fait comprendre, lorsque j'étais au plus bas et que la vie ne m'importait plus, que j'étais attendue à la maison: qu'on m'aimait, moi, sans rien de plus ou de moins. Les quelques personnes clés qui ont contribué à mon rétablissement ont été mes piliers. Si ma vie était une maison, ma volonté de m'en sortir serait ma fondation puisqu'elle représente mes valeurs, ma détermination et mon positivisme. Mes piliers, ces personnes clés, sont ce qui me permettait de construire des murs solides autour d'eux et un toit étanche. Maintenant que ma maison tient debout, je peux vivre sans craindre qu'elle ne s'effondre à nouveau. 21 Christine Lacroix Bonjour, Je m’appelle Christine et je vous délivre aujourd’hui mon témoignage concernant mon long cheminement et ma bataille face à la maladie de l’anorexie. Tout a commencé aux environs de l’âge de 12 ans. À l’époque, j’avais un léger surpoids, rien d’alarmant, mais il me préoccupait déjà. En effet, je me sentais grosse comparativement à mes amies, je me sentais « hors normes » et surtout je n’avais vraiment pas confiance en moi. Une réflexion blessante concernant mon poids a été l’élément déclencheur : je voulais prouver aux autres, et quelque part me prouver à moi-même, que j’étais « capable » de perdre du poids en étant persuadée que c’était la clé pour être mieux dans ma peau, être plus aimée par les autres et par moi-même. J’ai donc commencé une diète drastique et j’ai perdu énormément de poids en peu de temps. Alors que je perdais du poids, quelque chose s’est passé en moi: j’ai totalement perdu le contrôle de la réalité, comme si la perte de poids était devenue une addiction nécessaire à mon bien être. J’aimais le fait d’avoir le contrôle sur mon corps. Je suis tombée dans un déni total ignorant le problème et refusant complètement de manger. Voilà le début d’un combat qui durera 15 ans avec des hauts et des bas. J’ai pris véritablement conscience du problème vers l’âge de 15 ans. Je n’étais plus capable de monter les escaliers et je perdais des cheveux par poignées. Je n’étais plus menstruée, j’avais un duvet qui poussait partout sur mon corps. Tous ces signes m’ont fait réaliser que j’avais vraiment besoin d’aide. Un soir, j’étais couchée dans mon lit. J’ai voulu prendre mon pouls, mais je ne sentais plus mon cœur battre. Cela a vraiment été le déclic qui m’a fait prendre conscience que j’étais en train de me tuer à petit feu. Heureusement, je ne voulais pas mourir, alors j’ai décidé de me forcer à manger. Je suis sortie de ma chambre et j’ai dit à ma mère en pleurant « Maman, je peux-tu avoir un May 22 West? ». Aujourd’hui j’en ris. Ma mère s’est empressée de me donner à mangée émue et heureuse de ma demande. Évidemment, mes parents ont vu qu’il se passait quelque chose et s’inquiétaient. Mais pendant longtemps j’ai été habile pour me cacher, en faisant semblant de manger, en me faisant vomir discrètement ou en cachant les courbures de mon corps. De plus, il y a 15 ans la maladie était encore plus mal connue qu’aujourd’hui et les ressources disponibles étaient peu nombreuses. Ma mère voulait me faire hospitaliser mais les listes d’attentes étaient bien trop longues. Mon cheminement s’est donc fait seule. J’avais le soutien indirect de mes proches, mais je ne parlais pas de ma maladie. J’ai eu des périodes de rechute et des périodes moins intenses, mais la maladie était toujours là, bien présente dans mon quotidien, se manifestant par mes comportements, mes petites manies et toujours plus renforcée par mon manque de confiance en moi. J’avais besoin d’attention, je me cherchais continuellement. Bien sûr, la maladie et mon rapport avec la nourriture ont beaucoup affecté mes relations sociales. Étant donné que la nourriture est présente dans de nombreux événements sociaux, je me privais de toute situation me sortant de mon confort et pouvant me confronter à ne pas pouvoir contrôler mes apports alimentaires. Autant vous dire que mes activités étaient limitées. Je compensais par le travail et l’activité physique pour combler mon sentiment de vide. Mes relations avec les hommes ont également été très difficiles. Mon rapport avec mon corps, ma peur d’être jugée, rejetée, faisaient que j’avais un grand besoin d’attention pour me sentir exister. Je m’effaçais et m’adaptais, sans jamais oser m’opposer ou m’imposer. Je ne choisissais donc pas les bonnes relations ou plutôt je ne me laissais pas choisir par les bonnes personnes. J’avais du mal à imaginer qu’un homme puisse m’aimer si moimême je ne m’aimais pas. J’essayais de combler mon vide par des comportements souvent malsains et qui ne me correspondaient pas vraiment juste pour avoir de l’attention ou des commentaires valorisants. J’avais toujours le besoin de me sentir valoriser et parfois je ne m’y prenais pas de la bonne façon. 23 Ma force dans la maladie a été que j’avais conscience que j’avais un problème et que je VOULAIS m’en sortir. J’ai commencé à en parler de plus en plus et à l’assumer vraiment. Me permettant, avec l’aide de ma collègue de travail et d’une psychologue de débuter des réflexions sur moi-même et sur mes comportements. Il y a quelques temps, j’ai eu un déclic : j’ai enfin compris que le vide qu’il y avait en moi ne pouvait être comblé que par moi-même. J’ai compris que mon poids ne conditionne pas qui je suis. Aujourd’hui je suis bien encadrée, beaucoup de choses ont changé grâce à mon cheminement personnel qui a porté ses fruits. Je suis enfin sortie de cette maladie qui ne me définie plus. J’ose enfin sortir de ce « confort » qui me causait finalement plus d’inconforts et m’empêchait d’avancer. Je suis devenue une femme accomplie qui a réussi à remplir un gros vide et j’ai confiance en moi. Je suis plus forte mentalement à cause de tout ce que j’ai traversé. Je sais à présent qui je suis, car à présent je me vois, je me découvre et me plais comme je suis. Je ne suis plus Christine l’anorexique : JE SUIS CHRISTINE LACROIX ET J’AI VAINCU L’ANOREXIE. 24 Témoignages de proches 25 Témoignage d’un père Je me souviens d’être aller à une rencontre pour les proches à ANEB avant même la première visite à Sainte-Justine, avant le diagnostic d’anorexie. Et là, j’ai pris conscience que notre fille souffrait beaucoup plus que le poids des grammes perdus. Hospitalisée pendant 3 mois suite à sa première visite d’évaluation, nous avons pris cela comme une bouffée d’air. Des gens pouvaient l’aider et nous aider. Nous aurions enfin une analyse de l’eau embrouillée dans laquelle nous venions de plonger. Malheureusement, nous ne pouvions avoir toutes les réponses souhaitées, nous avions à faire du chemin par nous-mêmes. C’est à ce moment qu’a commencé la boulimie de lectures pour comprendre et surtout accepter que nous allions être marinés assez longtemps et que notre présence pourrait avoir un effet néfaste ou positif sur notre fille. Nous avons assimilé des trucs tout simples en théorie, mais qui venaient contredire notre façon de faire, notre manière d’être. Parler avec le « je », distinguer notre fille souffrante de notre fille normale, s’enlever la culpabilité qui nous habitait et subir tranquillement un deuil de la jeune fille que nous connaissions. Nous avons relativement bien pris cette dernière pensée. Pour moi, elle entrait de nouveau dans un cocon pour devenir un nouveau papillon qu’elle n’avait pu réaliser 26 avant. Sa souffrance était une façon de dire, je me suis trompée de route, je dois revenir en arrière pour repartir sur de nouvelles valeurs, de nouvelles croyances. Comment aurais-je pu m’imaginer qu’après 3 mois d’hospitalisation, la maladie serait aussi puissante? Naïfs, nous avons été surpris de la vitalité du combat qui se passait en elle. Rage, souffrance, cris, anxiété étaient sont lot, et le nôtre. Les assiettes étaient minées à chaque repas, les mèches plus ou moins longues avant l’explosion qui la faisait hurler et quitter la table sans avoir terminé son plat qui était pour nous le médicament qui la soignerait. Et après quelques mois, nous nous sommes installés dans un état de glace dans la maison, les bonheurs ne pouvant égaliser le malheur. Les larmes plus récurrentes que les sourires. La restriction était présente partout. Les amis devenaient lourds par leur bonheur, la famille et leur propos maladroits devenaient des boulets, l’amour dans le couple, superflu et presque inexistant. Nous n’étions plus des parents, mais des jongleurs qui maintenaient en équilibre le peu d’harmonie que nous pouvions entre les faux-fuyants et les malentendus. La dichotomie de nos interventions auprès de nos enfants était irréelle. Les hamsters dans nos têtes s’amusaient à tourner dans sa cage. La réclusion devenait une solution. Nous étions les ermites du trouble alimentaire par choix et par protection. 27 C’était une guerre et se terrer pour éviter les obus n’était possiblement pas la meilleure solution, mais la plus simple. Ce combat de rester présent et amoureux d’elle, malgré les blessures de ses mots, les mensonges, le découragement et les trahisons. Les longues années ont passées tranquillement et lourdement. Ma fille va mieux. Elle a connu des troubles concomitants qu’elle traîne encore sur ses frêles épaules, mais elle n’est plus prisonnière du petit monstre en elle. La famille recherche encore la boussole pour retrouver le point de départ d’une nouvelle unité. On va continuer d’être patient; ressource renouvelable à ma surprise. Je ne pourrai terminer sans remercier le courage de ma plus grande fille qui a été bouleversée par la maladie de sa sœur, mais qui a pu contenir sa rage, son désespoir durant si longtemps, avant de crier son inconfort accumulé. Un seul mot de sa part durant les années creuses et sa sœur aurait pu retourner dans les limbes de son mal être. Merci ma grande et bravo ma petite pour ton cheminement. S.L 28 Témoignage d’une mère Ma fille souffre d’anorexie mentale depuis huit ans. Tout a débuté quand elle avait douze ans par un désir de manger plus sainement pour perdre un petit surplus de poids. Un an plus tard, elle avait perdu beaucoup maigri. Mon entourage me faisait des commentaires, surtout mon mari. Je prenais sa défense, je rassurais tous le monde, ma fille me disait aller bien et je la croyais sur parole. J’ai tout de même fini par l’amener chez le médecin de famille et la nutritionniste. Tous deux m’ont confirmé que tout allait bien et m’ont dit que je m’inquiétais trop. Malgré l’absence de règle, la perte de poids, l’agitation et l’anxiété de ma fille, ils n’y ont vu que du feu. Je ne les blâme pas, ma fille était déjà une spécialiste de la dissimulation avec son trouble alimentaire, mais nous ne le savions pas encore. Puis à 15 ans, suite à l’annonce de ma séparation d’avec mon conjoint, ma fille a tout simplement arrêté de manger. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, parce que j’étais prise dans le tourbillon de mes problèmes conjugaux. Mais un matin, je me suis arrêter pour la regarder et j’ai compris que ça n’allait pas du tout. Je l’ai amené chez une psychologue qui a reconnu tous les signes classiques de l’anorexie mentale et nous a référé en psychiatrie. J’étais sous le choc, terrifiée, et je me sentais horriblement coupable de ne pas avoir vu ce qui se passait sous mes yeux. Je ne le savais pas encore, mais la culpabilité allait devenir ma compagne de vie pour les prochaines années. Ma fille a été hospitalisée sept fois à ce jour, pour lui sauver la vie à chaque fois. Elle a maintenant 20 ans et elle souffre toujours d’anorexie mentale. Son trouble alimentaire a changé ma vie à tout jamais. J’ai vécu des sentiments que je ne pensais pas un jour ressentir. Le sentiment d’impuissance d’abord. Puis, la colère, si puissante que je me faisais peur à moi-même. Ensuite, ce fût la peine qui me collait à la peau. J’avais si mal de la voir souffrir sans pouvoir l’aider. J’ai eu besoin de beaucoup de soutien pendant ces années de lutte continuelle pour trouver des soins spécialisés dans ma région et pour protéger ma fille d’elle-même. J’ai eu la chance, dès le début de mes recherches, de trouver le site ANEB et surtout le forum 29 pour les proches. J’y ai écris presque tous les jours pendant trois ans ! J’avais tellement besoin de vider mon sac et j’y ai trouvé du soutient et de l’écoute sans jugement auprès des autres parents. J’ai été suivie par une psychologue géniale qui m’a fait comprendre que ce n’est pas ma faute, que je ne peux pas guérir ma fille, et que je dois même me protéger d’elle pour ne pas couler moi aussi. J’ai rencontré plusieurs anges sur mon chemin, depuis la descente aux enfers de ma fille. Ces personnes si spéciales dans mon cœur qui m’ont aidé à accepter l’inacceptable. Mon cœur et mon esprit se sont ouverts à la maladie mentale, je suis une meilleure personne maintenant que j’ai accepté ce que je ne peux pas changer. Je ne sais pas ce que l’avenir réserve à ma fille. Un jour à la fois et quand ça va mal c’est une heure à la fois… Je sais seulement que quoi qu’il arrive je serai là pour elle. Je lui ai promis, à quinze ans, que je ne la laisserai pas tomber et je vais tenir ma promesse quoi qu’il arrive. Soleil40