La dépense énergétique - Aviron Plaisir Passion
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2 La dépense énergétique E. Jéquier 2. La dépense énergétique MÉTABOLISME BASAL, THERMOGENÈSE, ACTIVITÉ PHYSIQUE mique confortable, 12 à 14 heures après le repas de la veille. Le métabolisme basal n’est pas le métabolisme minimal car, au cours du sommeil, la dépense énergétique est 4 à 5 % plus basse que le métabolisme basal. L’intérêt du concept du métabolisme basal réside dans le fait que les conditions de la mesure sont décrites de façon standardisée ; le métabolisme basal constitue ainsi une référence à partir de laquelle la dépense d’énergie totale peut être estimée. Le métabolisme basal est principalement fonction de l’importance de la masse de tissus maigres. Les différences de métabolisme basal liées au sexe et à l’âge des individus sont expliquées en grande partie par des différences de masse maigre. En comparant le métabolisme basal d’un homme et d’une femme de poids, taille et âge égaux, celui de l’homme sera 5 à 8 % plus élevé que celui de la femme, la différence étant liée à une proportion plus élevée de masse maigre (muscles squelettiques) chez l’homme que chez la femme. Avec l’âge, la masse maigre diminue et le métabolisme basal est abaissé en conséquence. Par contre, le sujet obèse se caractérise non seulement par une masse de tissu adipeux exces- a dépense énergétique d’un individu est divisée en trois composantes : le métabolisme basal, la thermogenèse et l’activité physique. Les principaux facteurs qui affectent la dépense énergétique sont mentionnés dans le tableau 1. Chez un individu dont l’activité physique est légère, le métabolisme basal représente environ 65 % de la dépense énergétique totale. En d’autres termes, la dépense totale peut être estimée en multipliant le métabolisme basal par le facteur (100/65), soit 1,55. Ce facteur est fonction du degré d’activité physique des individus ; il est 1,80 pour une activité modérée et 2,1 pour une activité physique intense. L Le métabolisme basal il constitue la dépense d’énergie d’un sujet mesurée le matin au repos, dans une ambiance ther- Tableau 1 Principaux facteurs affectant la dépense énergétique de l’homme Facteurs intrinsèques Métabolisme basal Thermogenèse Activité physique Masse de tissus maigres âge, sexe Hormones thyroïdiennes Turnover protéique État nutritionnel Activité du système nerveux sympathique Tissu adipeux brun ? Masse musculaire Rendement des muscles VO2 maximale 33 Facteurs extrinsèques Prise alimentaire Ingestion de substances thermogéniques, stress, exposition au froid Durée et intensité des exercices musculaires E. Jequier sive, mais aussi par une augmentation des tissus maigres. Chez l’obèse, la composition du poids gagné, en excès du poids normal, est environ de 75 % de tissus adipeux et de 25 % de tissus maigres. Il s’ensuit que le métabolisme basal du sujet obèse, exprimé en valeur absolue, est supérieur à celui du sujet de poids normal. Le métabolisme basal dépend de l’effet calorigénique des hormones thyroïdiennes. Chez des patients complètement athyréotiques (privés de glande thyroïde), le métabolisme basal est abaissé d’environ 30 %. En comparant le métabolisme basal d’animaux d’espèces différentes, on constate que ce dernier est proportionnel à la surface cutanée. Ceci s’explique par le fait que les pertes de chaleur sont fonction de la surface cutanée ; ainsi, chez un animal en équilibre thermique, la production métabolique de chaleur (le métabolisme) doit être égale aux pertes de chaleur. Le métabolisme basal est environ de 1 000 kcal/24 heures par m2 de surface corporelle. La surface cutanée peut être calculée par la formule suivante : de glucose en glycogène nécessite une dépense énergétique équivalant à 5 % de l’énergie contenue dans le glucose, alors que la lipogenèse à partir du glucose implique un coût équivalant à environ 25% de l’énergie ingérée sous forme de glucides. Le stockage de lipides alimentaires dans le tissu adipeux ne nécessite qu’une faible dépense énergétique (équivalant à 2 à 3 % de l’énergie des lipides stockés). L’ingestion des protéines induit une forte augmentation de la dépense énergétique postprandiale (équivalant à environ 25 % de l’énergie des protéines ingérées). Cette thermogenèse résulte des coûts énergétiques de la néoglucogenèse, de l’uréogenèse et de la stimulation de la synthèse protéique consécutive à l’ingestion de protéines. C’est la deuxième composante de la dépense énergétique. Il s’agit des diverses dépenses énergétiques qui excèdent le métabolisme basal lorsque l’individu est au repos. Parmi les facteurs qui induisent la thermogenèse, la prise alimentaire est le plus important. On parle de thermogenèse postprandiale, qui est subdivisée en deux composantes : la thermogenèse « obligatoire » et la thermogenèse « facultative ». ➛ La thermogenèse postprandiale « facultative » représente une dépense d’énergie supplémentaire. Chez l’homme, elle est induite principalement par l’ingestion de glucides, ou lors d’administration intraveineuse de glucose et d’insuline. C’est surtout en condition de suralimentation en glucides que cette thermogenèse est stimulée. On observe alors une activation du système nerveux sympathique qui se traduit par une augmentation de la concentration plasmatique de noradrénaline ; cette thermogenèse peut être inhibée par des bloqueurs des récepteurs béta-adrénergiques. Les tissus responsables de la thermogenèse « facultative » ne sont pas connus avec certitude ; il est probable que le muscle soit un des principaux tissus effecteurs de cette thermogenèse. Chez les rongeurs, le tissu adipeux brun joue un rôle important. Son rôle chez l’homme adulte est difficile à démontrer. Dans des conditions d’apports énergétiques chroniquement excessifs, la conversion périphérique de thyroxine (T4) en triiodothyronine (T3) augmente. Ce mécanisme contribue à stimuler la dépense énergétique. ➛ La composante « obligatoire » de la thermogenèse postprandiale dépend des voies métaboliques impliquées dans la mise en réserve des nutriments. La transformation La thermogenèse peut également être stimulée par l’effet de substances thermogéniques. Dans ce contexte, deux substances jouent un rôle important : la caféine et la S = 71,84 x 10-4 x P0,425 x T0,725 où S est la surface cutanée en m2 P est le poids en kg, et T est la taille en cm. La thermogenèse 34 2. La dépense énergétique nicotine. L’ingestion de café s’accompagne d’une stimulation de la dépense énergétique qui est fonction de la dose de caféine. Le fait de fumer stimule également la dépense énergétique. Dans les deux cas, un effet sur le système nerveux sympathique et la médullosurrénale a été décrit, mais le mécanisme de cette thermogenèse reste mal élucidé. L’adrénaline et les substances agonistes des ß-adrénorécepteurs stimulent la thermogenèse. Un développement récent est la découverte d’un ß-récepteur du tissu adipeux brun (ß3-récepteur) qui est particulièrement impliqué dans la stimulation de la thermogenèse de ce tissu. Le développement d’agonistes spécifiques de ce ß3-récepteur pourrait constituer une approche thérapeutique intéressante dans le traitement de l’obésité pour stimuler la thermogenèse des patients obèses. totale. Par contre, chez un travailleur de force ou un sportif effectuant des épreuves de longue durée, la dépense énergétique due à l’exercice physique peut atteindre 60 à 70 % de la dépense totale. Le rendement aérobique net (r net) de l’exercice musculaire est défini de la façon suivante : Le dénominateur de l’équation représente la dépense énergétique due au travail musculaire. La valeur de r net est environ de 25 %. Ceci signifie que pour faire un travail de 100 kcal, il est nécessaire de dépenser 400 kcal en plus du métabolisme de repos. CONTRIBUTION DES DIFFÉRENTS ORGANES ET TISSUS À LA DÉPENSE ÉNERGÉTIQUE GLOBALE L’exercice musculaire : son coût constitue la troisième composante de la dépense énergétique. C’est la composante la plus variable de la dépense énergétique totale, car elle dépend du comportement des sujets, de leur mode de vie, de leur activité professionnelle. Il est intéressant de souligner le fait que, dans les pays développés, la plupart des adultes ont une activité musculaire peu importante ; le coût énergétique de l’activité musculaire représente seulement 20 à 25 % de la dépense énergétique La consommation d’oxygène des différents organes peut être estimée en mesurant la différence artério-veineuse des concentrations d’oxygène et le débit sanguin de l’organe. Le tableau 2 présente la dépene énergétique des différents tissus et organes en Tableau 2 Contribution des différents organes et tissus en pourcents de la dépense énergétique basale globale Foie Cerveau Cœur Reins Muscles Tissu adipeux Divers (os, peau, intestins) Total Homme (30 ans) Femme (30 ans) Enfant (6 mois) 21 20 9 8 22 4 16 21 21 8 9 16 6 19 14 44 4 6 6 2 24 100 100 100 35 E. Jequier pourcents de la dépense énergétique basale totale. Il est intéressant de relever que la majeure partie du métabolisme basal ( ; 60 %) est due à la dépense énergétique d’organes tels le foie, le cerveau, le cœur et les reins, organes dont le poids global n’est que de 5 à 6 % du poids corporel. Ces tissus ont une dépense énergétique 15 à 40 fois plus élevée qu’un poids équivalent de muscle au repos. tenir les gradients électrochimiques à travers la membrane plasmique, pour la synthèse de nouvelles molécules, et pour les cellules musculaires, pour effectuer un travail mécanique. La source énergétique immédiatement disponible est l’ATP (ou une autre molécule contenant des liaisons phosphates) qui est hydrolysé. La libération d’énergie est couplée à la consommation d’oxygène (la phosphorylation oxydative) pour resynthétiser l’ATP hydrolysé. Ainsi, il existe une relation entre l’utilisation d’ATP et la consommation d’oxygène. Ce principe est la base de la calorimétrie indirecte. La consommation d’oxygène est mesurée le plus souvent au moyen d’un système ouvert. La tête du sujet est placée dans un boîtier transparent ventilé, un tissu étanche à l’air solidaire du boîtier étant ajusté autour du cou du sujet (fig. 1). Le débit d’air dans le système est assuré par un ventilateur et il est réglé à une valeur d’environ cinq fois le débit de l’air inspiré. Ce débit d’air est nécessaire pour éviter le « rebreathing », c’est-à-dire de réinspirer de l’air expiré. Le principe de mesure consiste à mesurer le débit d’air sortant du boîtier et MÉTHODES DE MESURE DU MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE La méthode de mesure du métabolisme énergétique la plus utilisée est la calorimétrie indirecte. Ce terme signifie que la chaleur libérée par les processus métaboliques peut être calculée, de façon indirecte, à partir des échanges gazeux : consommation d’oxygène et production de gaz carbonique. La cellule dépense de l’énergie pour main- Figure 1 Méthode de mesure de la consommation d’oxygène et de la production de gaz carbonique en circuit ouvert. La tête du sujet est introduite dans un boîtier en plastique transparent. Un tissu étanche au gaz relie le bord inférieur du boîtier au cou du sujet. A la sortie du boîtier, l’air passe au travers d’un pneumotachographe (mesure du débit d’air) et d’un ventilateur. Des échantillons d’air entrant et sortant sont analysés en continu par des analyseurs à O2 et CO2. 36 2. La dépense énergétique CALCUL DE LA DÉPENSE ÉNERGÉTIQUE les concentrations (ou fractions) d’oxygène et de CO2 à l’entrée et à la sortie du boîtier. La consommation d’oxygène (VO2) est obtenue par l’équation : VO2 = Vin x Fin O2 - Vex x FexO2 où Vin est le débit entrant (L/min) Vex est le débit sortant (L/min) F in O 2 est la fraction d’O 2 dans l’air entrant Fex O2 est la fraction d’O2 dans l’air sortant. En tenant compte du fait que le débit d’air entrant (Vin) n’est pas rigoureusement égal au débit d’air sortant(Vex), on obtient la VO2 en appliquant la formule de Haldane : La calorimétrie indirecte Le métabolisme (M) est calculé à partir de la consommation d’oxygène (VO2) et de l’équivalent calorique du litre d’oxygène (EO2). Ce dernier représente la chaleur produite lorsqu’un litre d’oxygène (aux conditions standards STPD) est consommé. La valeur de EO2 dépend des substrats oxydés ; EO 2 = 4,686 kcal/LO2 lorsque seulement des lipides sont oxydés ; EO 2 = 5,01 kcal/LO2 lorsque uniquement des glucides sont oxydés. Cette différence d’énergie libérée par litre d’oxygène résulte du fait que la glycolyse anaérobique permet une synthèse nette de 2 ATP à partir du glucose, donc une production de chaleur sans consommation d’oxygène, ce qui n’est pas le cas pour le métabolisme des lipides. La valeur de l’équivalent calorique du litre d’oxygène est déterminée à partir de l’enthalpie molaire du substrat, c’est-à-dire la chaleur libérée par l’oxydation d’une mole de substrat. Pour le glucose, la réaction est la suivante : où DFO2 = Fin O2 - Fex O2 et DFCO2 = Fex CO2 - Fin CO2. Cette équation se simplifie cependant si DFO2 = DFCO2, condition dans laquelle le quotient respiratoire Dans ces conditions (QR = 1), on a : et VO2 = Vex x ∆FO2. C6 H12 O6 + 6O2 ➛ 6CO2 + 6H2O + 673 kcal La consommation d’oxygène est alors le produit du débit d’air sortant par ∆FO2. Par analogie, la production de gaz carbonique (VCO2) est donnée par l’équation : EO2 glucose = = 5,01 kcal/LO2 ou 20,96 kJ/LO2 où 22,39 est le volume d’une mole d’oxygène en conditions standards. En pratique, on peut utiliser une valeur moyenne de EO2 de 4,85 kcal/LO2 et la production métabolique de chaleur (M) est calculée par l’équation : VCO2 = Vex x ∆FCO2 et ceci, quelle que soit la valeur du QR ; en effet, pour la VCO2, la correction de Haldane peut être négligée. M = VO2 STPD x 4,85 où M est en kcal/min et VO2 en L/min, en conditions STPD. Pour obtenir M en kJ/min, multiplier la valeur trouvée par 4,185. Il existe une manière plus précise de 37 E. Jequier La calorimétrie directe calcul de la valeur de M, qui tient compte de la valeur réelle de EO2 dans les conditions mesurées. EO2 peut être calculé à partir du « Quotient respiratoire non protéique » (QRNP). Le QRNP se calcule de la façon suivante : Une autre méthode de mesure du métabolisme énergétique est la calorimétrie directe qui consiste à mesurer les pertes de chaleur d’un sujet. Pour un sujet au repos, l’équation de l’équilibre énergétique est la suivante : M = H + S où M est la production métabolique de chaleur mesurée par calorimétrie indirecte, H représente l’ensemble des pertes de chaleur (heat), mesurées par calorimétrie directe et S représente la chaleur stockée dans l’organisme ; ce terme a une valeur positive lors du réchauffement, et une valeur négative lors du refroidissement. Ainsi, ce n’est que lorsque l’individu est en équilibre thermique (S = 0) que la calorimétrie indirecte (mesure de M) et la calorimétrie directe (mesure de H) donnent des résultats identiques (figure 2). VCO 2NP est la production de gaz carbonique non protéique : . VCO2NP = VCO2 - (N x 5,27) . où N représente l’excrétion urinaire d’azote (g/min) et 5,27 est le nombre de litres de CO2 (STPD) produit lors de l’oxydation de 6,25 g de protéines; rappelons que 6,25 g de protéines contiennent 1 g d’azote. VO2NP est la consommation d’oxygène non protéique. . VO2NP = VO2 - (N x 6,3). La valeur de EO2 s’obtient par l’équation : EO2 = 4,686 + 1,096 (QRNP - 0,705). Cette équation montre qu’il existe une relation linéaire entre EO2 et le QRNP. La valeur de M s’obtient par l’équation : M = VO2STPD x EO2 Les principaux coefficients pour les calculs de calorimétrie indirecte sont indiqués dans le tableau 3. Tableau 3 Coefficients pour les calculs de calorimétrie indirecte Substrat Amidon Glucose Lipides Protéines Éthanol VO2 L/g VCO2 L/g QR 0,829 0,746 2,019 1,010 1,460 0,829 0,746 1,427 0,844 0,973 1,00 1,00 0,707 0,835 0,667 Production de chaleur kJ/g kcal/g 38 17,5 15,6 39,6 19,7 29,6 4,19 3,74 9,46 4,70 7,08 EO2 kJ/L kcal/L 21,20 20,97 19,61 19,48 20,29 5,066 5,013 4,686 4,656 4,849 2. La dépense énergétique Figure 2 Évolution du métabolisme M, des pertes de chaleur totales H, des pertes de chaleur par rayonnement et convection (R + C) et par évaporation E chez un sujet placé pendant 90 minutes dans un calorimètre direct (température ambiante 28° C, humidité relative 50 %). Les valeurs M, H, R + C et E sont exprimées en Watts, une unité décrivant les puissances fournies et dissipées. Dès la 30e minute de l’expérience, la puissance de production de chaleur M est semblable à la puissance des pertes de chaleur H. première année de vie, de 80 kcal/kg x jour à 10 ans, et de 45 kcal/kg x jour dès l’âge de 20 ans. Ces différences de besoins énergétiques sont dues en majeure partie à des différences d’activité physique et, pour le nouveau-né, au coût énergétique de la croissance. Le coût énergétique de la croissance représente environ 50 % de l’énergie ingérée pour l’enfant prématuré, mais cette proportion diminue beaucoup dès la première année de vie. Le coût énergétique de la croissance inclut deux composantes : la valeur énergétique des tissus gagnés (énergie déposée) et le coût énergétique de la synthèse des constituants des tissus. Chez les jeunes enfants, le coût énergétique global de la croissance est environ de 5 kcal par gramme de tissu gagné. Un prématuré peut gagner 12 g/kg x jour, ce qui correspond à un coût de la croissance de 60 kcal, soit 50% de l’apport ingéré (120 kcal/kg x jour). LES FACTEURS DE VARIABILITÉ DE LA DÉPENSE ÉNERGÉTIQUE Évaluation de la dépense énergétique et des besoins énergétiques en fonction de l’âge La dépense énergétique totale évolue en fonction de l’âge, et par conséquent les besoins énergétiques sont fonction de l’âge des sujets. Les besoins énergétiques optimaux sont définis comme l’apport alimentaire nécessaire au maintien de la santé, à la croissance des enfants et à un niveau d’activité physique approprié. Ces besoins sont environ de 120 kcal/kg x jour chez l’enfant prématuré, de 100 kcal/kg x jour pendant la 39 E. Jequier Variabilité interindividuelle de la dépense énergétique chez l’adulte existe une augmentation de l’efficacité énergétique des processus métaboliques, car on observe une diminution de la dépense énergétique basale par kg de masse maigre. Deux mécanismes adaptatifs paraissent contribuer à l’augmentation du rendement énergétique métabolique au cours du jeûne : une diminution de l’activité du système nerveux sympathique et une diminution de la concentration plasmatique de la triiodothyronine (T3). Cette dernière est due à une inhibition de la déiodination de la thyroxine (T4) en T3 dans le foie. Ces processus d’adaptation métabolique pourraient aussi jouer un rôle d’épargne énergétique dans des populations de pays en voie de développement soumis à des restrictions saisonnières de l’apport alimentaire. Le facteur qui permet de prédire le mieux la dépense d’énergie de 24 heures est la masse de tissus maigres ; ce facteur explique 80 % de la variance entre les individus. Le reste de la variance est principalement dû à des différences d’activité physique spontanée. En outre, il existe des différences de thermogenèse postprandiale, les sujets obèses ayant une résistance à l’insuline présentent une thermogenèse diminuée. Il est intéressant de relever que la variance résiduelle (non expliquée par la masse de tissus maigres) du métabolisme basal est en grande partie d’origine génétique, comme le montre des études sur la dépendance familiale du métabolisme basal et la faible variabilité du métabolisme basal entre jumeaux homozygotes. Ces données montrent que l’efficacité énergétique des processus métaboliques est en partie déterminée génétiquement. Des sujets dont le métabolisme basal (ajusté pour la masse de tissus maigres, l’âge et le sexe) est relativement bas présenteraient un risque accru de prise pondérale par rapport à des sujets dont le métabolisme basal est plus élevé. Ainsi, une efficacité énergétique augmentée, une caractéristique métabolique qui a pu être l’objet de sélection naturelle au cours des millénaires, représente aujourd’hui un facteur de risque pour le développement de l’obésité. ➛ La surcharge énergétique La dépense énergétique consécutive à une surcharge chronique alimentaire augmente. Cette augmentation s’explique par trois facteurs : 1) une augmentation de la masse de tissus maigres, tissus métaboliquement actifs, 2) une augmentation de la thermogenèse postprandiale due à l’excès de la prise alimentaire, 3) une augmentation du coût énergétique de la locomotion due à l’élévation du poids corporel. La question d’une diminution du rendement énergétique global des processus métaboliques est controversée. Le rendement énergétique global de l’organisme est un concept difficile à définir. On peut comparer le coût énergétique de la synthèse d’ATP (18,3 kcal ou 18,4 kcal par mole d’ATP synthétisée lors de l’oxydation de glucose ou d’acides gras respectivement) au coût réel de remplacement des molécules d’ATP, qui est d’environ 23 kcal et 19,5 kcal par mode d’ATP remplacée lors du métabolisme de glucides ou de lipides ingérés respectivement. La différence entre les coûts de synthèse d’ATP et les coûts de remplacement d’ATP est due au fait que l’ATP utilisé dans des cycles « futiles » (cycle de Cori, lipolyse et réesthérification de triglycérides) n’est pas considéré comme Variations de la dépense énergétique en conditions extrêmes : jeûne prolongé, surcharge énergétique ➛ Le jeûne prolongé Il est bien connu que le jeûne prolongé entraîne une diminution du métabolisme basal. Cette baisse est due à deux mécanismes : 1) le jeûne entraîne une diminution de la masse de tissus maigres, c’est-à-dire des tissus métaboliquement actifs. 2) Il 40 2. La dépense énergétique ATP remplacé. Ainsi, selon cette définition, le rendement de remplacement de l’ATP dû au métabolisme des glucides ingérés est de donc pas stimulés dans ces conditions. Par contre, la suralimentation en hydrates de carbone induit une augmentation de la thermogenèse spécifique liée à une stimulation du système nerveux sympathique. Dans ce cas, on observe un effet thermogénique supplémentaire. Il est intéressant de relever que l’adaptation au chaud ou au froid influence essentiellement les mécanismes impliqués dans les pertes de chaleur (vasodilatation et vasoconstriction cutanée, sudation) alors que la production métabolique de chaleur est peu modifiée. = 80 %, et le rendement de remplacement de l’ATP dû au métabolisme des lipides ingérés est de = 95 %. La plupart des études ne montrent pas de dépense énergétique inexpliquée (appelée parfois consommation de luxe) lors de suralimentation avec une alimentation mixte. Il s’ensuit que les cycles « futiles » ne sont 41 E. Jequier B ibliographie Aspects généraux du métabolisme Jéquier E. Métabolisme énergétique. Encycl Méd Chir Paris 10371A10, 11-1980, 1-14. Flatt J.P. The biochemistry of energy expenditure. In : Bray G.A., ed. Recent advances in obesity research. Vol. II. London : Newman Publishing, 1978 : 211-28. Méthodes de mesure Jéquier E., Acheson K., Schutz Y. Assessment of energy expenditure and fuel utilization in man. Annu Rev Nutr 1987; 7: 187-208. Jéquier E., Felber J.P. Indirect calorimetry. Baillière’s Clin Endocrinol Metab 1987; 1: 911-35. Déterminants du métabolisme énergétique Ravussin E., Lillioja S., Anderson T.E., Christin L., Bogardus C. Determinants of 24-hour energy expenditure in man; methods and results using a respiration chamber. J Clin Invest 1986; 78: 1568-78. 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