Portrait des maisons de chambres
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Portrait des maisons de chambres
Portrait des maisons de chambres dans les arrondissements Ville – Marie et Sud-Ouest de la Ville de Montréal Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) Hiver 2005 Introduction Au printemps 2004, le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), le Y des femmes de Montréal et le comité logement CentreSud démarrait à l’aide de bénévoles et militants une tournée de recensement des maisons de chambres sur le territoire de l’arrondissement Ville-Marie. La question des maisons de chambres a toujours été au cœur des préoccupations du RAPSIM et elle le demeure. C’est pourquoi lors de l’assemblée générale annuelle, en juin 2004, le RAPSIM a proposé à l’ensemble de ses membres de travailler activement sur ce dossier. Cette initiative du RAPSIM est née de plusieurs constats. L’insalubrité de certaines maisons, les évictions de locataires, la perte importante d’un nombre de ces types de maisons, les coûts de plus en plus élevés de location, les conditions générales de vie des locataires de ces maisons de chambres pour ne nommer que ceux-ci. Ce document visait à vérifier ces nombreux constats. Nous avons donc, grâce au Service de l’habitation de la ville de Montréal, obtenu une liste des maisons de chambres recensées en 2002 par la ville même. Le départ de notre recensement se base donc sur ces données. Le RAPSIM tient à souligner que, compte tenu de données parfois manquantes, ce document ne trace qu’un portrait de la réalité actuelle concernant les maisons de chambres de certains arrondissements. Il ne s’agit donc pas d’un document à caractère scientifique. Toutefois, il a été produit avec le plus de rigueur possible. De plus, l’analyse qui ressort de ce document est celle du RAPSIM et n’engage pas les partenaires ayant travaillé au recensement des maisons de chambres sur leur territoire. Comme vous le verrez à la lecture du portrait, plusieurs constats sont tout de même ressortis : coûts élevés de location des chambres sur le marché locatif privé ; perte d’unités importantes sur le marché locatif privé au profit de création de « gîtes du passant », hôtel pour touristes ou encore pour des populations particulières (les étudiants sont un exemple) ; problème de sécurité et de salubrité dans plusieurs cas, etc. Remerciements Bien entendu, tout ce travail n’a pu être fait sans l’apport de partenaires. À ce titre, nous tenons à remercier le comité logement Centre-Sud, le POPIR, le RIL de Pointe StCharles et le Y des Femmes de Montréal. De plus, tout ce travail n’aurait pu se concrétiser sans le travail terrain de nombreuses personnes, bénévoles, militants et salariés de comités logement de Montréal et du Y des femmes de Montréal. Nous tenons donc à remercier, M. Bernard Tremblay et M. Sylvain Lamoureux du Comité logement Centre-Sud, Mme Lara Mansfield, Mme Divya Shahani du Y des Femmes de 2 Montréal, M. François Pépin et M. Louis Gaudreau du POPIR Comité-logement de StHenri, et M. Marc Tremblay du RIL de Pointe St-Charles. Méthodologie En partant de la liste de recensement de 2002 de la Ville de Montréal, nous avons distingué, dans un premier temps, les maisons de chambres gérées pas des OSBL d’habitation des autres maisons de chambres du marché locatif privé. Les recenseurs ont donc débuté leur tournée des territoires avec une liste de maisons de chambres privées et quelques maisons dont nous supposions être des OSBL pour vérification. En plus, d’une liste préétablie, les recenseurs avaient en leur possession une grille à remplir pour chacune des maisons à visiter. C’est à partir de ces outils que les recenseurs ont colligé les données que vous retrouvez dans ce document. Ces données ont été recueillies pour le secteur Ville-Marie au courant de l’été 2004. En ce qui concerne le secteur Sud-Ouest de la ville, le recensement s’est effectué durant l’automne 2004. Les recenseurs de Ville-Marie ont surtout visité les maisons en se faisant passer pour des personnes cherchant à louer une chambre, lorsque cette stratégie pouvait devenir à risque, les recenseurs ont mentionné qu’ils travaillaient pour leur comité logement et le RAPSIM afin de mettre à jour la liste des maisons de chambres sur leur territoire. Dans le cas du Sud-Ouest, comme nous avions eu l’expérience de l’été dans Ville-Marie, les recenseurs du Sud-Ouest avaient en leur possession une lettre confirmant qu’ils colligeaient des données sur l’état actuel du bassin des maisons de chambres pour leur comité logement et le RAPSIM. Une seule mise en garde a été faite aux recenseurs : ne jamais mettre sa sécurité en jeu et mettre de côté les adresses non vérifiées. Ainsi, lorsque vous constaterez l’absence d’informations pour certaines maisons, c’est parce que les recenseurs avaient un sentiment d’insécurité. Dans d’autres cas d’absence de données, il s’agissait de maisons où les recenseurs ne pouvaient accéder qu’en ayant les clés en main. Ainsi, malgré leur essai de colliger les données pour ces maisons, il n’y avait aucune réponse d’un concierge ou d’une personne responsable. 3 Quelques rappels historiques En novembre 1984, la Ville de Montréal acceptait de mettre sur pied un groupe de travail sur les maisons de chambres. Ce comité était composé de fonctionnaires municipaux et de représentants du RAPSIM. Déjà, à cette époque, on voulait évaluer la situation des maisons de chambres et proposer des solutions à la Ville. Un des constats incitant cette étude à l’époque était que, « de 5000 qu’ils sont actuellement [on parle ici de 1982], les sans-abri de Montréal passeraient à environ 10 000 d’ici quelques années si les pouvoirs publics n’interviennent pas en faveur de cette forme marginale d’habitation que sont les chambres. »1 En septembre 1985, ce comité de travail déposait son rapport. Seulement 12 maisons de chambres de 10 unités et plus sur les 258 visitées répondaient à des normes minimales de sécurité (on apprendra par la suite que sur les 396 maisons de chambres de 9 unités et moins, seulement 20 étaient conformes à la réglementation municipale). Face à cette situation, ce groupe de travail proposait cinq recommandations à la ville de Montréal : 1. Appliquer un règlement pour l’établissement des maisons de chambres dans les quartiers résidentiels. 2. Réviser la réglementation municipale : Quant au statut des maisons de chambres comme habitation ; Quant à la modification de certaines dispositions qui tiendraient compte des normes et mesures compensatoires. 3. Développer un programme de subvention spéciale avec l’aide des autres gouvernements, afin d’appliquer les normes et mesures compensatoires pour les maisons de déjà existantes. 4. Faire en sorte que les services municipaux assurent aux promoteurs d’un projet de maisons de chambres une aide à la coordination des diverses interventions gouvernementales (S.H.Q. et S.C.H.L.), de la même manière que cette aide est présentement offerte aux promoteurs de coopératives d’habitation. 5. Faire en sorte qu’une somme soit réservée dans le budget de 1986 pour faire face aux situations de sécurité et de salubrité qui 1 Le journal La Presse, Disparition rapide des maisons de chambres à Montréal. Montréal, 20 novembre 1982. 4 apparaîtraient urgentes au Service des permis et inspections au cours des six prochains mois. En 1987, ce fut l’Année internationale des sans-abri. À Montréal, un rapport du Comité des sans-abri était déposé au Conseil municipal en avril 1987.2 Dans ce document, on dénombrait qu’en 1977, 15 000 chambres étaient disponibles pour les personnes seules et à faible revenu. Dix ans plus tard, il n’en restait que 5000.3 De plus, dans le même document on affirmait alors que l’objectif global visait à « loger les sans-abri de Montréal de façon stable, sécuritaire et dans un endroit salubre… et, fait important, le loyer doit être accessible et viser, au maximum, 25 % des revenus de la personne. » De ce grand objectif global, 3 objectifs particuliers autour du logement ont été ajoutés : 1. Préserver le stock actuel de logements disponibles aux personnes seules et à faible revenu. 2. Améliorer la sécurité, la salubrité et l’habitabilité des maisons de chambres. 3. Augmenter le nombre de logements disponibles (chambres, studios, appartements) et accessibles aux sans-abri. De 1988 à 1993, il y a eu le Programme d'acquisition de maisons de chambres (PAMAC) qui permis à la Ville de Montréal, par le biais de la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) d'acquérir des maisons de chambres en difficulté, de les rénover et de les confier dans plusieurs cas, à des coopératives ou des OBNL d'habitation. Plus de 398 chambres ont profité de ce programme. Durant la même période et jusqu'en 1996, le Programme d'aide à la rénovation Canada-Québec (PARCQ), qui impliquait aussi la Ville de Montréal, permet d'aider financièrement, à la hauteur de 90 % des coûts, un nombre très important de maisons de chambres privées (pour 3 203 chambres) et de maisons de chambres à but non lucratif (pour 940 chambres). Enfin, il ne faudrait pas passer sous silence le règlement sur la salubrité et l'entretien des logements qui peut imposer aux propriétaires négligeant d'effectuer des travaux de rénovation majeurs dans les cas où la sécurité des occupants est en danger. Ce règlement s'applique à l'ensemble des propriétaires 2 Comité des sans-abri de la Ville de Montréal, Vers une politique municipale pour les sans-abri. Rapport du comité des sans –abri déposé au Conseil municipal de la Ville de Montréal, 1987. 3 Ce nombre excluait les résidences d’étudiants, de personnes âgées ou spécialisées. 5 d'immeubles locatifs à Montréal, ce qui inclut les maisons de chambres. De même, un « Plan d’action sur les immeubles vacants et barricadés à Montréal » était mis en place en juin 1998. 4 De plus, il ne faudrait pas passer sous silence le code du logement qui stipule que les chambres sont régies par les mêmes protections légales que d’autres types de logement sur le marché locatif. Les outils actuels La réglementation municipale concernant les maisons de chambres relève depuis la fusion municipale de 2002 des arrondissements.5 De façon générale, les arrondissements ont reconduit les règlements existants dans les anciennes municipalités. Toutefois, en ce qui concerne le code du logement, celui-ci relève toujours de la Ville centrale. C’est donc elle qui réglemente les questions de sécurité, d’insalubrité, etc. Aujourd'hui, la Ville de Montréal, via la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) et les gouvernements provincial et fédéral, subventionne la réalisation de maisons de chambres neuves dans le cadre du volet III d'AccèsLogis. Plus précisément, ce volet vise la production de logements (principalement des chambres) temporaires ou permanents avec services pour des clientèles ayant des besoins particuliers de logement nécessitant des installations spéciales et des services d'assistance personnalisés sur place. Ce type de logement s'adresse aux personnes effectuant une démarche de réinsertion sociale et d'autonomie en logement. Il peut s'agir aussi de projets de type refuge pour sans-abri, toxicomanes et autres personnes en difficulté. Toutefois, à l’heure actuelle, l’ensemble des unités de ce programme est engagé. Pour les promoteurs privés ou les particuliers, il existe deux autres programmes : 1. Un programme d'aide financière à la création de logement qui vise maintenant la production de maisons de chambres abordables (pour la classe moyenne montréalaise). Il s'agit du programme Logement abordable Québec - volet privé. 2. Un programme d'aide financière à la rénovation de la Ville de Montréal (en partenariat avec les gouvernements provinciaux et fédéraux) favorisant les maisons de chambres privées en allégeant certaines contraintes d'admissibilité comme la nécessité d'être localisé dans un secteur désigné, par exemple. 4 Ville de Montréal « Plan d’action sur les immeubles vacants et barricadés à Montréal ». Juin 1998. Le statut des maisons de chambres relève maintenant des arrondissements. Depuis 2002, chaque arrondissement a l’autorité de définir ce qu’est une maison de chambre sur son territoire et d’émettre ou non, puisqu’il peut interdire, un certificat d’occupation. Par contre, il existe une définition pan montréalaise de ce qu’est une maison de chambre et celle-ci est utilisée pour des fins d’admissibilité et de calcul ($) pour les programmes de subvention en habitation et pour le Règlement sur la salubrité et l’entretien des logement. Donc, un propriétaire ne peut procéder à la réalisation d’une maison de chambre (à l’aide d’une subvention) si elle n’est pas autorisée dans son arrondissement. 5 6 Portrait quantitatif arrondissements des maisons de chambres de deux Territoire de l’arrondissement Ville-Marie Veuillez prendre note qu’il y a deux types de tableaux à l’intérieur de cette section. En ce qui concerne les données générales, il s’agit des données ressorties de la liste du recensement de 2002 de la Ville de Montréal. En ce qui concerne les données particulières, il s’agit des données colligées dans le cadre du recensement du RAPSIM en 2004. Données générales Nombre de maisons de chambres dans l’arrondissement Ville-Marie en 2002 Nombre de maisons non recensées dans l’arrondissement Ville-Marie en 2002 Total des maisons à vérifier dans l’arrondissement Ville-Marie Total des unités 110 maisons 3 maisons 113 maisons Approx. 2847 unités (quelques données sont manquantes) Données particulières Catégories de Maisons Maisons de chambres sur le marché locatif privé Maisons gérées et/ou appartenant à des OSBL d’habitation Maisons à location réservée (étudiantEs, communautés culturelles, hommes d’affaires, etc.) Maisons modifiées en hôtel, gîte du passant, etc. Maisons modifiées en logements, en condos, etc. Maisons inoccupées ou rasées Maisons à vendre Maisons n’ayant pu être vérifiées par les recenseurs Maisons qui n’étaient pas dans la liste # Maisons 33 # Unités 22 490 837 14 613 19 6 2 1 15 380 62 21 15 441 3 Approx. 3 (quelques données manquantes 7 Total des maisons et unités restantes dans Ville-Marie 113 maisons 2847 unités Coûts moyens des chambres6 Prix moyens pour le marché privé locatif (il peut s’agir aussi des maisons transformées en hôtel, gîte du passant ou réservées à des groupes spécifiques) Pour les maisons louant à la journée (marché privé) Maisons gérées et/ou appartenant à des OSBL d’habitation Pour des groupes réservés Varient entre 250 $ - 450 $/mois Toutefois, quelques cas isolés allant jusqu’à 600 $/mois Entre 45 $ - 100 $/nuit En moyenne 200 $/mois En moyenne de 24 $/nuit (ex. : auberge de jeunesse) Territoire de l’arrondissement Sud-Ouest Veuillez prendre note qu’il y a deux types de tableaux à l’intérieur de cette section. En ce qui concerne les données générales, il s’agit des données ressorties de la liste du recensement de 2002 de la Ville de Montréal. En ce qui concerne les données particulières, il s’agit des données colligées dans le cadre du recensement du RAPSIM en 2004. Données générales Nombre de maisons de chambres dans 29 maisons l’arrondissement Sud-Ouest en 2002 Nombre de maisons non listées dans 1 maison l’arrondissement Sud-ouest en 2002 Total des maisons à vérifier dans l’arrondissement 30 maisons sud-Ouest en 2002 Total des unités 661 unités Données particulières Catégories de Maisons Maisons de chambres sur le marché locatif privé Maisons gérées et/ou appartenant à des OSBL # Maisons 11 5 # Unités 186 293 6 Les coûts des chambres ne constituent pas des données objectives en ce sens que dans la plupart des cas, une seule personne a répondu à cette question. Ainsi, s’il existe des variations par personne concernant le prix des chambres, nous n’avons pu le savoir. Il s’agit toutefois de chiffres qui reflètent une tendance dans les prix, mais qu’il faut relativiser. 8 d’habitation Maisons à location réservée (étudiantEs, communautés culturelles, hommes d’affaires, etc.) Maisons modifiées en logements, en condos, etc. Maisons inoccupées ou rasées Maisons à vendre Maisons n’ayant pu être vérifiées par les recenseurs Maisons qui n’étaient pas dans la liste Total des maisons et unités restantes dans le Sud-Ouest 4 93 3 0 0 6 16 0 0 73 1 3 30 maisons 648 unités Coûts moyens des chambres Prix moyens pour le marché privé locatif En moyenne : 295 $/mois (varie entre 250 $ et 365 $/mois) Pour les maisons louant à la journée Aucune dans le sud-ouest (marché privé) Maisons gérées et/ou appartenant à des Environ 285 $/mois (avec services)7 OSBL d’habitation OSBL pour personnes âgées Autres groupes réservés : 1700 $ (moyenne) Personnes suivant la philosophie des 12 300 $/mois étapes (alcooliques anonymes) Étudiants 270 $/mois Clientèle externe 300 $/mois Portrait qualitatif des maisons de chambres arrondissements : Ville-Marie et Sud-Ouest de deux Sécurité et Salubrité Pour le secteur de Ville-Marie, il faut préciser que 15 maisons n’ont pu être vérifiées, et ce, pour deux raisons : impossibilité d’avoir accès à la maison par 7 Les services peuvent être de l’ordre de repas, collations, accessoires de base (vêtements), buanderie, etc. 9 une sonnette d’entrée ou bien parce qu’il nécessite une clé pour y avoir accès ; sentiment d’insécurité des recenseurs à entrer dans la maison.8 Pour l’arrondissement du Sud-Ouest, si certaines maisons sont aux normes par rapport au code du logement, d’autres sont dans un état qu’on peut associer à des cas graves d’insécurité et d’insalubrité. En effet, pour la sécurité, on parle de maisons n’ayant pas de serrure (ni à l’entrée, ni aux portes privées des locataires, sans détecteurs de fumée, sans aucun système de surveillance, etc. En ce qui concerne l’insalubrité, on parle de maisons ayant des trous dans les murs, de la vermine, des coquerelles, etc. De plus, certaines maisons visitées n’ont pas l’eau chaude courante. Au niveau de la sécurité et de la salubrité des lieux, il nous faut ajouter que pour les deux arrondissements, un certain nombre des maisons de chambres est géré ou appartienne à des OSBL d’habitation, ce qui influence grandement une meilleure gestion des immeubles et les normes en matière d’habitation y sont davantage respectées. Perte du stock Pour la partie de Ville-Marie, la continuité de la disparition des maisons de chambres se fait encore lourdement sentir (vous référez aux tableaux précédents) et tout comme en 1982, les personnes les plus démunies en font toujours les frais. Lors du recensement effectué par le groupe de travail sur les maisons de chambres en 1985, le total des maisons de chambres dans le Centre-Ville se chiffrait à 792 maisons.9 Aujourd’hui, ce nombre pour Ville-Marie est de 113 maisons, donc 6 fois inférieur au nombre de 1985, toute proportion gardée. En ce qui concerne le Sud-Ouest, seulement 3 maisons ont fait l’objet, depuis 2002, de transformations en lofts ou en logements. Toutefois, cela cause la perte de 16 unités de chambres pour personnes seules et démunies. Les coûts Les coûts des chambres sont remarquablement élevés dans Ville-Marie si l’on songe que les personnes locataires de ces lieux vivent, majoritairement, des revenus de l’Aide sociale (voir le tableau précédent sur les coûts des unités de chambre.) Dans les cas les plus extrêmes, le coût du loyer dépasse le montant accordé pour une personne seule et apte au travail. Dans les autres cas, il se situe à au moins 50 % de ce même montant d’aide sociale. Pour les chambres 8 Les recenseurs ne devaient en aucun cas mettre leur vie en péril. S’ils ne se sentaient pas en sécurité, ils ne remplissaient pas la grille d’analyse. 9 Maisons de plus de 10 unités : 258 ; maisons de moins de 10 unités : 534. De plus, le territoire observé n’était pas le même que pour l’actuel arrondissement de Ville-Marie, mais il est à peu près comparable. Le secteur Centre-Ville était un peu plus grand. 10 payantes à la journée, si vous y séjournez un mois, il vous en coûtera au minimum 1350 $/mois, ce qui est inaccessible même pour une personne à revenu modeste. Comme nous avons recensé seulement 2 arrondissements pour l’ensemble de la Ville, nous ne pouvons préciser si les coûts sont aussi élevés dans d’autres secteurs de la Ville. Toutefois, rien ne peut laisser penser que pour le reste de la Ville il en est autrement. Les chambres offertes par les OSBl d’habitation sont nettement en dessous du coût moyen exigé par le marché locatif privé. Toutefois, le nombre d’OSBL en habitation est nettement insuffisant pour combler l’ensemble des besoins des personnes seules et démunies. Il en coûte un peu moins cher pour le marché privé dans l’arrondissement du Sud-Ouest. Il semble toutefois que pour les OSBL d’habitation, il en coûte un peu plus cher pour se loger que dans le secteur de l’arrondissement Ville-Marie, mais il faut noter qu’il s’agit d’OSBL avec services tels la nourriture (3 repas par jour dans certains cas.) La notion de bail Actuellement, le nombre de maisons modifiées ou réservées à des populations spécifiques favorisent le paiement au quotidien, à la semaine, au mois, mais sans obligation de part et d'autre quant à la signature d’un bail. Ainsi, ce type de transformation, qui amène une autre notion juridique que celle stipulée par un bail (qui, lui, est régi par la Régie du logement), ne favorise en rien le maintien dans les lieux ou la stabilité résidentielle. Bien au contraire, ce type de transformation de vocation favorise des périodes régulières d’itinérance. Il n’y a toutefois pas que ces types de maisons de chambres qui ne favorisent pas les baux puisqu’une grande partie des propriétaires du marché privé préfèrent la formule au mois avec ou sans reçu. Cette forme d’entente n’est pas nouvelle puisque lors du recensement effectué dans les années 80 par le Comité de travail sur les maisons de chambres, cette formule était aussi privilégiée. Toutefois, il est important de préciser que même sans bail, les locataires ont des droits concernant le maintien dans les lieux. Malheureusement, peu de locataires exercent leurs droits devant la Régie du logement lors d’éviction par exemple. Les conditions de vie des chambreurs Parler des maisons de chambres sans parler des personnes locataires ou résidantes seraient oublier un problème important, celui des personnes vivant une multitude de problématiques économiques, sociales et psychosociales. Déjà en 1984, on estimait que près de 60 % des chambreurs au Québec avaient déjà connu des problèmes psychiatriques, soit parce qu’ils avaient été internés, soit 11 parce qu’ils suivaient encore une cure. De même, on estimait que 88 % étaient alcooliques, mais qu’il était plus difficile d’estimer les toxicomanes.10 Cette réalité a fort peu évolué. Dans le cas des personnes vivant des problèmes de santé mentale, alors que d’un côté, la littérature scientifique souligne les avantages de la désinstitutionnalisation en mettant en avant les bienfaits de l’intégration des personnes dans la communauté sur leur rétablissement, tout un autre pan met l’accent sur les conditions difficiles auxquelles ces mêmes personnes sont confrontées. Cependant, il faut reconnaître que les maisons de chambres comme alternatives de logement auront été une voie privilégiée des phases de désinstitutionnalisation. Pourtant, la raison d’être des maisons de chambres ne s’inscrit pas dans la perspective humanitaire (répondre aux besoins des personnes, personnaliser les approches pour permettre une meilleure insertion sociale) de la désinstitutionnalisation et peut même avoir des effets inverses comme l’abus ou l’exploitation.11 Ceux qui vivent dans les maisons de chambres sont généralement des personnes qui vivent des conditions de vie difficiles (faibles revenus, discrimination, problèmes de santé mentale, problèmes de consommation et de solitude), et ce, en comparaison avec d’autres personnes vulnérables qui ont un réseau social et familial ou qui vivent dans des OSBL d’habitation. Toutefois, nous devons affirmer que les maisons de chambres répondent au besoin de logement d’un grand nombre de personnes démunies n’ayant pas de besoins spécifiques en matière de support communautaire. Toutefois, plusieurs grands constats demeurent. Les maisons de chambres répondent toujours à certains besoins spécifiques. D’abord, elles s’adressent toujours aux personnes seules. Ensuite, elles peuvent constituer, pour certaines personnes, un lieu moins difficile à gérer en terme d’espace qu’un plus grand logement. Finalement, elles demeurent souvent un premier lieu afin de sortir de la rue. 10 Le médecin du Québec, La médecine et les chambreurs. , Mars 1984. Action Autonomie, Pierre Leduc. Tiré du document « Droits, Santé mentale et hébergement/logement ». Septembre 2004. 11 12 Conclusion Si en 1987 on estimait qu’il restait 5000 chambres à Montréal et que ce chiffre n’incluait pas les résidences étudiantes, de personnes âgées ou spécialisées, nous pouvons émettre l’hypothèse que le bassin des unités de maisons de chambres aurait probablement encore diminué. En effet, des données obtenues en 2002, le nombre de chambres pour l’arrondissement Ville-Marie, par exemple, se situaient à 2847, mais incluait cette fois, les résidences étudiantes, pour personnes âgées et spécialisées, les gîtes du passant, les hôtels, etc. Bien entendu, cette affirmation devrait être soumise à une vérification pour l’ensemble du territoire montréalais. Toutefois, ce que nous pouvons constater assurément, c’est les nombreuses transformations de vocation des maisons de chambres en gîte du passant, hôtel, résidences étudiantes, etc., qui causent comme effet, un problème d’accessibilité pour des personnes seules désirant habiter telle ou telle maison sur une base annuelle ou sur de longues durées. Il s’agit d’un changement favorisant, nous l’avons déjà mentionné à plusieurs reprises, des épisodes d’itinérance pour les personnes seules et démunies. Dernier constat important, le coût élevé des chambres constitue actuellement un frein à la possibilité de sortir de la rue, de trouver un chez-soi abordable. Nous l’avons déjà mentionné, les chambres ont toujours été une option pour certaines personnes seules et démunies et ont souvent permis un premier lieu d’ancrage pour ces mêmes personnes voulant sortir de la rue. 13