Portrait des maisons de chambres

Transcription

Portrait des maisons de chambres
Portrait des maisons de chambres
dans les arrondissements Ville – Marie
et
Sud-Ouest
de la Ville de Montréal
Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes
de Montréal
(RAPSIM)
Hiver 2005
Introduction
Au printemps 2004, le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de
Montréal (RAPSIM), le Y des femmes de Montréal et le comité logement CentreSud démarrait à l’aide de bénévoles et militants une tournée de recensement des
maisons de chambres sur le territoire de l’arrondissement Ville-Marie.
La question des maisons de chambres a toujours été au cœur des
préoccupations du RAPSIM et elle le demeure. C’est pourquoi lors de
l’assemblée générale annuelle, en juin 2004, le RAPSIM a proposé à l’ensemble
de ses membres de travailler activement sur ce dossier. Cette initiative du
RAPSIM est née de plusieurs constats. L’insalubrité de certaines maisons, les
évictions de locataires, la perte importante d’un nombre de ces types de
maisons, les coûts de plus en plus élevés de location, les conditions générales
de vie des locataires de ces maisons de chambres pour ne nommer que ceux-ci.
Ce document visait à vérifier ces nombreux constats.
Nous avons donc, grâce au Service de l’habitation de la ville de Montréal, obtenu
une liste des maisons de chambres recensées en 2002 par la ville même. Le
départ de notre recensement se base donc sur ces données.
Le RAPSIM tient à souligner que, compte tenu de données parfois manquantes,
ce document ne trace qu’un portrait de la réalité actuelle concernant les maisons
de chambres de certains arrondissements. Il ne s’agit donc pas d’un document à
caractère scientifique. Toutefois, il a été produit avec le plus de rigueur possible.
De plus, l’analyse qui ressort de ce document est celle du RAPSIM et n’engage
pas les partenaires ayant travaillé au recensement des maisons de chambres sur
leur territoire.
Comme vous le verrez à la lecture du portrait, plusieurs constats sont tout de
même ressortis : coûts élevés de location des chambres sur le marché locatif
privé ; perte d’unités importantes sur le marché locatif privé au profit de création
de « gîtes du passant », hôtel pour touristes ou encore pour des populations
particulières (les étudiants sont un exemple) ; problème de sécurité et de
salubrité dans plusieurs cas, etc.
Remerciements
Bien entendu, tout ce travail n’a pu être fait sans l’apport de partenaires. À ce titre, nous
tenons à remercier le comité logement Centre-Sud, le POPIR, le RIL de Pointe StCharles et le Y des Femmes de Montréal. De plus, tout ce travail n’aurait pu se
concrétiser sans le travail terrain de nombreuses personnes, bénévoles, militants et
salariés de comités logement de Montréal et du Y des femmes de Montréal. Nous
tenons donc à remercier, M. Bernard Tremblay et M. Sylvain Lamoureux du Comité
logement Centre-Sud, Mme Lara Mansfield, Mme Divya Shahani du Y des Femmes de
2
Montréal, M. François Pépin et M. Louis Gaudreau du POPIR Comité-logement de StHenri, et M. Marc Tremblay du RIL de Pointe St-Charles.
Méthodologie
En partant de la liste de recensement de 2002 de la Ville de Montréal, nous
avons distingué, dans un premier temps, les maisons de chambres gérées pas
des OSBL d’habitation des autres maisons de chambres du marché locatif privé.
Les recenseurs ont donc débuté leur tournée des territoires avec une liste de
maisons de chambres privées et quelques maisons dont nous supposions être
des OSBL pour vérification. En plus, d’une liste préétablie, les recenseurs
avaient en leur possession une grille à remplir pour chacune des maisons à
visiter.
C’est à partir de ces outils que les recenseurs ont colligé les données que vous
retrouvez dans ce document. Ces données ont été recueillies pour le secteur
Ville-Marie au courant de l’été 2004. En ce qui concerne le secteur Sud-Ouest de
la ville, le recensement s’est effectué durant l’automne 2004.
Les recenseurs de Ville-Marie ont surtout visité les maisons en se faisant passer
pour des personnes cherchant à louer une chambre, lorsque cette stratégie
pouvait devenir à risque, les recenseurs ont mentionné qu’ils travaillaient pour
leur comité logement et le RAPSIM afin de mettre à jour la liste des maisons de
chambres sur leur territoire.
Dans le cas du Sud-Ouest, comme nous avions eu l’expérience de l’été dans
Ville-Marie, les recenseurs du Sud-Ouest avaient en leur possession une lettre
confirmant qu’ils colligeaient des données sur l’état actuel du bassin des maisons
de chambres pour leur comité logement et le RAPSIM.
Une seule mise en garde a été faite aux recenseurs : ne jamais mettre sa
sécurité en jeu et mettre de côté les adresses non vérifiées. Ainsi, lorsque vous
constaterez l’absence d’informations pour certaines maisons, c’est parce que les
recenseurs avaient un sentiment d’insécurité. Dans d’autres cas d’absence de
données, il s’agissait de maisons où les recenseurs ne pouvaient accéder qu’en
ayant les clés en main. Ainsi, malgré leur essai de colliger les données pour ces
maisons, il n’y avait aucune réponse d’un concierge ou d’une personne
responsable.
3
Quelques rappels historiques
En novembre 1984, la Ville de Montréal acceptait de mettre sur pied un groupe
de travail sur les maisons de chambres. Ce comité était composé de
fonctionnaires municipaux et de représentants du RAPSIM. Déjà, à cette époque,
on voulait évaluer la situation des maisons de chambres et proposer des
solutions à la Ville. Un des constats incitant cette étude à l’époque était que, « de
5000 qu’ils sont actuellement [on parle ici de 1982], les sans-abri de Montréal
passeraient à environ 10 000 d’ici quelques années si les pouvoirs publics
n’interviennent pas en faveur de cette forme marginale d’habitation que sont les
chambres. »1
En septembre 1985, ce comité de travail déposait son rapport. Seulement 12
maisons de chambres de 10 unités et plus sur les 258 visitées répondaient à des
normes minimales de sécurité (on apprendra par la suite que sur les 396
maisons de chambres de 9 unités et moins, seulement 20 étaient conformes à la
réglementation municipale).
Face à cette situation, ce groupe de travail proposait cinq recommandations à la
ville de Montréal :
1. Appliquer un règlement pour l’établissement des maisons de
chambres dans les quartiers résidentiels.
2. Réviser la réglementation municipale :
Quant au statut des maisons de chambres comme
habitation ;
Quant à la modification de certaines dispositions qui
tiendraient compte des normes et mesures compensatoires.
3. Développer un programme de subvention spéciale avec l’aide des
autres gouvernements, afin d’appliquer les normes et mesures
compensatoires pour les maisons de déjà existantes.
4. Faire en sorte que les services municipaux assurent aux promoteurs
d’un projet de maisons de chambres une aide à la coordination des
diverses interventions gouvernementales (S.H.Q. et S.C.H.L.), de la
même manière que cette aide est présentement offerte aux
promoteurs de coopératives d’habitation.
5. Faire en sorte qu’une somme soit réservée dans le budget de 1986
pour faire face aux situations de sécurité et de salubrité qui
1
Le journal La Presse, Disparition rapide des maisons de chambres à Montréal. Montréal, 20 novembre
1982.
4
apparaîtraient urgentes au Service des permis et inspections au cours
des six prochains mois.
En 1987, ce fut l’Année internationale des sans-abri. À Montréal, un rapport du
Comité des sans-abri était déposé au Conseil municipal en avril 1987.2 Dans ce
document, on dénombrait qu’en 1977, 15 000 chambres étaient disponibles pour
les personnes seules et à faible revenu. Dix ans plus tard, il n’en restait que
5000.3
De plus, dans le même document on affirmait alors que l’objectif global visait à
« loger les sans-abri de Montréal de façon stable, sécuritaire et dans un endroit
salubre… et, fait important, le loyer doit être accessible et viser, au maximum,
25 % des revenus de la personne. »
De ce grand objectif global, 3 objectifs particuliers autour du logement ont été
ajoutés :
1. Préserver le stock actuel de logements disponibles aux personnes
seules et à faible revenu.
2. Améliorer la sécurité, la salubrité et l’habitabilité des maisons de
chambres.
3. Augmenter le nombre de logements disponibles (chambres,
studios, appartements) et accessibles aux sans-abri.
De 1988 à 1993, il y a eu le Programme d'acquisition de maisons de chambres
(PAMAC) qui permis à la Ville de Montréal, par le biais de la Société d'habitation
et de développement de Montréal (SHDM) d'acquérir des maisons de chambres
en difficulté, de les rénover et de les confier dans plusieurs cas, à des
coopératives ou des OBNL d'habitation. Plus de 398 chambres ont profité de ce
programme.
Durant la même période et jusqu'en 1996, le Programme d'aide à la rénovation
Canada-Québec (PARCQ), qui impliquait aussi la Ville de Montréal, permet
d'aider financièrement, à la hauteur de 90 % des coûts, un nombre très important
de maisons de chambres privées (pour 3 203 chambres) et de maisons de
chambres à but non lucratif (pour 940 chambres).
Enfin, il ne faudrait pas passer sous silence le règlement sur la salubrité et
l'entretien des logements qui peut imposer aux propriétaires négligeant
d'effectuer des travaux de rénovation majeurs dans les cas où la sécurité des
occupants est en danger. Ce règlement s'applique à l'ensemble des propriétaires
2
Comité des sans-abri de la Ville de Montréal, Vers une politique municipale pour les sans-abri. Rapport du
comité des sans –abri déposé au Conseil municipal de la Ville de Montréal, 1987.
3
Ce nombre excluait les résidences d’étudiants, de personnes âgées ou spécialisées.
5
d'immeubles locatifs à Montréal, ce qui inclut les maisons de chambres. De
même, un « Plan d’action sur les immeubles vacants et barricadés à Montréal »
était mis en place en juin 1998. 4
De plus, il ne faudrait pas passer sous silence le code du logement qui stipule
que les chambres sont régies par les mêmes protections légales que d’autres
types de logement sur le marché locatif.
Les outils actuels
La réglementation municipale concernant les maisons de chambres relève depuis la
fusion municipale de 2002 des arrondissements.5 De façon générale, les
arrondissements ont reconduit les règlements existants dans les anciennes
municipalités. Toutefois, en ce qui concerne le code du logement, celui-ci relève toujours
de la Ville centrale. C’est donc elle qui réglemente les questions de sécurité,
d’insalubrité, etc.
Aujourd'hui, la Ville de Montréal, via la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM)
et les gouvernements provincial et fédéral, subventionne la réalisation de maisons de
chambres neuves dans le cadre du volet III d'AccèsLogis. Plus précisément, ce volet
vise la production de logements (principalement des chambres) temporaires ou
permanents avec services pour des clientèles ayant des besoins particuliers de
logement nécessitant des installations spéciales et des services d'assistance
personnalisés sur place. Ce type de logement s'adresse aux personnes effectuant une
démarche de réinsertion sociale et d'autonomie en logement. Il peut s'agir aussi de
projets de type refuge pour sans-abri, toxicomanes et autres personnes en difficulté.
Toutefois, à l’heure actuelle, l’ensemble des unités de ce programme est engagé.
Pour les promoteurs privés ou les particuliers, il existe deux autres programmes :
1. Un programme d'aide financière à la création de logement qui vise
maintenant la production de maisons de chambres abordables (pour la
classe moyenne montréalaise). Il s'agit du programme Logement
abordable Québec - volet privé.
2. Un programme d'aide financière à la rénovation de la Ville de Montréal
(en partenariat avec les gouvernements provinciaux et fédéraux)
favorisant les maisons de chambres privées en allégeant certaines
contraintes d'admissibilité comme la nécessité d'être localisé dans un
secteur désigné, par exemple.
4
Ville de Montréal « Plan d’action sur les immeubles vacants et barricadés à Montréal ». Juin 1998.
Le statut des maisons de chambres relève maintenant des arrondissements. Depuis 2002, chaque
arrondissement a l’autorité de définir ce qu’est une maison de chambre sur son territoire et d’émettre ou
non, puisqu’il peut interdire, un certificat d’occupation. Par contre, il existe une définition pan montréalaise
de ce qu’est une maison de chambre et celle-ci est utilisée pour des fins d’admissibilité et de calcul ($) pour
les programmes de subvention en habitation et pour le Règlement sur la salubrité et l’entretien des
logement. Donc, un propriétaire ne peut procéder à la réalisation d’une maison de chambre (à l’aide d’une
subvention) si elle n’est pas autorisée dans son arrondissement.
5
6
Portrait quantitatif
arrondissements
des
maisons
de
chambres
de
deux
Territoire de l’arrondissement Ville-Marie
Veuillez prendre note qu’il y a deux types de tableaux à l’intérieur de cette
section. En ce qui concerne les données générales, il s’agit des données
ressorties de la liste du recensement de 2002 de la Ville de Montréal. En ce qui
concerne les données particulières, il s’agit des données colligées dans le cadre
du recensement du RAPSIM en 2004.
Données générales
Nombre de maisons de chambres dans
l’arrondissement Ville-Marie en 2002
Nombre de maisons non recensées dans
l’arrondissement Ville-Marie en 2002
Total des maisons à vérifier dans l’arrondissement
Ville-Marie
Total des unités
110 maisons
3 maisons
113 maisons
Approx. 2847 unités
(quelques données sont
manquantes)
Données particulières
Catégories de Maisons
Maisons de chambres sur le marché locatif privé
Maisons gérées et/ou appartenant à des OSBL
d’habitation
Maisons à location réservée (étudiantEs,
communautés culturelles, hommes d’affaires, etc.)
Maisons modifiées en hôtel, gîte du passant, etc.
Maisons modifiées en logements, en condos, etc.
Maisons inoccupées ou rasées
Maisons à vendre
Maisons n’ayant pu être vérifiées par les
recenseurs
Maisons qui n’étaient pas dans la liste
# Maisons
33
# Unités
22
490
837
14
613
19
6
2
1
15
380
62
21
15
441
3
Approx. 3
(quelques
données
manquantes
7
Total des maisons et unités restantes dans
Ville-Marie
113 maisons 2847 unités
Coûts moyens des chambres6
Prix moyens pour le marché privé locatif
(il peut s’agir aussi des maisons
transformées en hôtel, gîte du passant ou
réservées à des groupes spécifiques)
Pour les maisons louant à la journée
(marché privé)
Maisons gérées et/ou appartenant à des
OSBL d’habitation
Pour des groupes réservés
Varient entre 250 $ - 450 $/mois
Toutefois, quelques cas isolés allant
jusqu’à 600 $/mois
Entre 45 $ - 100 $/nuit
En moyenne 200 $/mois
En moyenne de 24 $/nuit
(ex. : auberge de jeunesse)
Territoire de l’arrondissement Sud-Ouest
Veuillez prendre note qu’il y a deux types de tableaux à l’intérieur de cette
section. En ce qui concerne les données générales, il s’agit des données
ressorties de la liste du recensement de 2002 de la Ville de Montréal. En ce qui
concerne les données particulières, il s’agit des données colligées dans le cadre
du recensement du RAPSIM en 2004.
Données générales
Nombre de maisons de chambres dans 29 maisons
l’arrondissement Sud-Ouest en 2002
Nombre
de
maisons
non
listées
dans 1 maison
l’arrondissement Sud-ouest en 2002
Total des maisons à vérifier dans l’arrondissement 30 maisons
sud-Ouest en 2002
Total des unités
661 unités
Données particulières
Catégories de Maisons
Maisons de chambres sur le marché locatif privé
Maisons gérées et/ou appartenant à des OSBL
# Maisons
11
5
# Unités
186
293
6
Les coûts des chambres ne constituent pas des données objectives en ce sens que dans la plupart des
cas, une seule personne a répondu à cette question. Ainsi, s’il existe des variations par personne
concernant le prix des chambres, nous n’avons pu le savoir. Il s’agit toutefois de chiffres qui reflètent une
tendance dans les prix, mais qu’il faut relativiser.
8
d’habitation
Maisons à location réservée (étudiantEs,
communautés culturelles, hommes d’affaires, etc.)
Maisons modifiées en logements, en condos, etc.
Maisons inoccupées ou rasées
Maisons à vendre
Maisons n’ayant pu être vérifiées par les
recenseurs
Maisons qui n’étaient pas dans la liste
Total des maisons et unités restantes dans le
Sud-Ouest
4
93
3
0
0
6
16
0
0
73
1
3
30 maisons
648 unités
Coûts moyens des chambres
Prix moyens pour le marché privé locatif
En moyenne : 295 $/mois (varie entre
250 $ et 365 $/mois)
Pour les maisons louant à la journée Aucune dans le sud-ouest
(marché privé)
Maisons gérées et/ou appartenant à des Environ 285 $/mois (avec services)7
OSBL d’habitation
OSBL pour personnes âgées
Autres groupes réservés :
1700 $ (moyenne)
Personnes suivant la philosophie des 12 300 $/mois
étapes (alcooliques anonymes)
Étudiants
270 $/mois
Clientèle externe
300 $/mois
Portrait qualitatif des maisons de chambres
arrondissements : Ville-Marie et Sud-Ouest
de
deux
Sécurité et Salubrité
Pour le secteur de Ville-Marie, il faut préciser que 15 maisons n’ont pu être
vérifiées, et ce, pour deux raisons : impossibilité d’avoir accès à la maison par
7
Les services peuvent être de l’ordre de repas, collations, accessoires de base (vêtements), buanderie, etc.
9
une sonnette d’entrée ou bien parce qu’il nécessite une clé pour y avoir accès ;
sentiment d’insécurité des recenseurs à entrer dans la maison.8
Pour l’arrondissement du Sud-Ouest, si certaines maisons sont aux normes par
rapport au code du logement, d’autres sont dans un état qu’on peut associer à
des cas graves d’insécurité et d’insalubrité. En effet, pour la sécurité, on parle de
maisons n’ayant pas de serrure (ni à l’entrée, ni aux portes privées des
locataires, sans détecteurs de fumée, sans aucun système de surveillance, etc.
En ce qui concerne l’insalubrité, on parle de maisons ayant des trous dans les
murs, de la vermine, des coquerelles, etc. De plus, certaines maisons visitées
n’ont pas l’eau chaude courante.
Au niveau de la sécurité et de la salubrité des lieux, il nous faut ajouter que pour
les deux arrondissements, un certain nombre des maisons de chambres est géré
ou appartienne à des OSBL d’habitation, ce qui influence grandement une
meilleure gestion des immeubles et les normes en matière d’habitation y sont
davantage respectées.
Perte du stock
Pour la partie de Ville-Marie, la continuité de la disparition des maisons de
chambres se fait encore lourdement sentir (vous référez aux tableaux
précédents) et tout comme en 1982, les personnes les plus démunies en font
toujours les frais. Lors du recensement effectué par le groupe de travail sur les
maisons de chambres en 1985, le total des maisons de chambres dans le
Centre-Ville se chiffrait à 792 maisons.9 Aujourd’hui, ce nombre pour Ville-Marie
est de 113 maisons, donc 6 fois inférieur au nombre de 1985, toute proportion
gardée.
En ce qui concerne le Sud-Ouest, seulement 3 maisons ont fait l’objet, depuis
2002, de transformations en lofts ou en logements. Toutefois, cela cause la perte
de 16 unités de chambres pour personnes seules et démunies.
Les coûts
Les coûts des chambres sont remarquablement élevés dans Ville-Marie si l’on
songe que les personnes locataires de ces lieux vivent, majoritairement, des
revenus de l’Aide sociale (voir le tableau précédent sur les coûts des unités de
chambre.) Dans les cas les plus extrêmes, le coût du loyer dépasse le montant
accordé pour une personne seule et apte au travail. Dans les autres cas, il se
situe à au moins 50 % de ce même montant d’aide sociale. Pour les chambres
8
Les recenseurs ne devaient en aucun cas mettre leur vie en péril. S’ils ne se sentaient pas en sécurité, ils
ne remplissaient pas la grille d’analyse.
9
Maisons de plus de 10 unités : 258 ; maisons de moins de 10 unités : 534. De plus, le territoire observé
n’était pas le même que pour l’actuel arrondissement de Ville-Marie, mais il est à peu près comparable. Le
secteur Centre-Ville était un peu plus grand.
10
payantes à la journée, si vous y séjournez un mois, il vous en coûtera au
minimum 1350 $/mois, ce qui est inaccessible même pour une personne à
revenu modeste.
Comme nous avons recensé seulement 2 arrondissements pour l’ensemble de la
Ville, nous ne pouvons préciser si les coûts sont aussi élevés dans d’autres
secteurs de la Ville. Toutefois, rien ne peut laisser penser que pour le reste de la
Ville il en est autrement.
Les chambres offertes par les OSBl d’habitation sont nettement en dessous du
coût moyen exigé par le marché locatif privé. Toutefois, le nombre d’OSBL en
habitation est nettement insuffisant pour combler l’ensemble des besoins des
personnes seules et démunies.
Il en coûte un peu moins cher pour le marché privé dans l’arrondissement du
Sud-Ouest. Il semble toutefois que pour les OSBL d’habitation, il en coûte un peu
plus cher pour se loger que dans le secteur de l’arrondissement Ville-Marie, mais
il faut noter qu’il s’agit d’OSBL avec services tels la nourriture (3 repas par jour
dans certains cas.)
La notion de bail
Actuellement, le nombre de maisons modifiées ou réservées à des populations
spécifiques favorisent le paiement au quotidien, à la semaine, au mois, mais
sans obligation de part et d'autre quant à la signature d’un bail. Ainsi, ce type de
transformation, qui amène une autre notion juridique que celle stipulée par un
bail (qui, lui, est régi par la Régie du logement), ne favorise en rien le maintien
dans les lieux ou la stabilité résidentielle. Bien au contraire, ce type de
transformation de vocation favorise des périodes régulières d’itinérance.
Il n’y a toutefois pas que ces types de maisons de chambres qui ne favorisent
pas les baux puisqu’une grande partie des propriétaires du marché privé
préfèrent la formule au mois avec ou sans reçu. Cette forme d’entente n’est pas
nouvelle puisque lors du recensement effectué dans les années 80 par le Comité
de travail sur les maisons de chambres, cette formule était aussi privilégiée.
Toutefois, il est important de préciser que même sans bail, les locataires ont des
droits concernant le maintien dans les lieux. Malheureusement, peu de locataires
exercent leurs droits devant la Régie du logement lors d’éviction par exemple.
Les conditions de vie des chambreurs
Parler des maisons de chambres sans parler des personnes locataires ou
résidantes seraient oublier un problème important, celui des personnes vivant
une multitude de problématiques économiques, sociales et psychosociales. Déjà
en 1984, on estimait que près de 60 % des chambreurs au Québec avaient déjà
connu des problèmes psychiatriques, soit parce qu’ils avaient été internés, soit
11
parce qu’ils suivaient encore une cure. De même, on estimait que 88 % étaient
alcooliques, mais qu’il était plus difficile d’estimer les toxicomanes.10
Cette réalité a fort peu évolué. Dans le cas des personnes vivant des problèmes
de santé mentale, alors que d’un côté, la littérature scientifique souligne les
avantages de la désinstitutionnalisation en mettant en avant les bienfaits de
l’intégration des personnes dans la communauté sur leur rétablissement, tout un
autre pan met l’accent sur les conditions difficiles auxquelles ces mêmes
personnes sont confrontées. Cependant, il faut reconnaître que les maisons de
chambres comme alternatives de logement auront été une voie privilégiée des
phases de désinstitutionnalisation. Pourtant, la raison d’être des maisons de
chambres ne s’inscrit pas dans la perspective humanitaire (répondre aux besoins
des personnes, personnaliser les approches pour permettre une meilleure
insertion sociale) de la désinstitutionnalisation et peut même avoir des effets
inverses comme l’abus ou l’exploitation.11
Ceux qui vivent dans les maisons de chambres sont généralement des
personnes qui vivent des conditions de vie difficiles (faibles revenus,
discrimination, problèmes de santé mentale, problèmes de consommation et de
solitude), et ce, en comparaison avec d’autres personnes vulnérables qui ont un
réseau social et familial ou qui vivent dans des OSBL d’habitation. Toutefois,
nous devons affirmer que les maisons de chambres répondent au besoin de
logement d’un grand nombre de personnes démunies n’ayant pas de besoins
spécifiques en matière de support communautaire.
Toutefois, plusieurs grands constats demeurent. Les maisons de chambres
répondent toujours à certains besoins spécifiques. D’abord, elles s’adressent
toujours aux personnes seules. Ensuite, elles peuvent constituer, pour certaines
personnes, un lieu moins difficile à gérer en terme d’espace qu’un plus grand
logement. Finalement, elles demeurent souvent un premier lieu afin de sortir de
la rue.
10
Le médecin du Québec, La médecine et les chambreurs. , Mars 1984.
Action Autonomie, Pierre Leduc. Tiré du document « Droits, Santé mentale et hébergement/logement ».
Septembre 2004.
11
12
Conclusion
Si en 1987 on estimait qu’il restait 5000 chambres à Montréal et que ce chiffre
n’incluait pas les résidences étudiantes, de personnes âgées ou spécialisées,
nous pouvons émettre l’hypothèse que le bassin des unités de maisons de
chambres aurait probablement encore diminué. En effet, des données obtenues
en 2002, le nombre de chambres pour l’arrondissement Ville-Marie, par exemple,
se situaient à 2847, mais incluait cette fois, les résidences étudiantes, pour
personnes âgées et spécialisées, les gîtes du passant, les hôtels, etc. Bien
entendu, cette affirmation devrait être soumise à une vérification pour l’ensemble
du territoire montréalais.
Toutefois, ce que nous pouvons constater assurément, c’est les nombreuses
transformations de vocation des maisons de chambres en gîte du passant, hôtel,
résidences étudiantes, etc., qui causent comme effet, un problème d’accessibilité
pour des personnes seules désirant habiter telle ou telle maison sur une base
annuelle ou sur de longues durées. Il s’agit d’un changement favorisant, nous
l’avons déjà mentionné à plusieurs reprises, des épisodes d’itinérance pour les
personnes seules et démunies.
Dernier constat important, le coût élevé des chambres constitue actuellement un
frein à la possibilité de sortir de la rue, de trouver un chez-soi abordable. Nous
l’avons déjà mentionné, les chambres ont toujours été une option pour certaines
personnes seules et démunies et ont souvent permis un premier lieu d’ancrage
pour ces mêmes personnes voulant sortir de la rue.
13

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