Développement physique - Centre NTE

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Développement physique - Centre NTE
Le développement physique
Développement physique
En 4 à 6 ans selon les individus vont s’opérer sur les plans physique et hormonal un
ensemble de transformations majeures qui feront de l’enfant un adulte pleinement développé et capable de procréer. L’ensemble de ces transformations est placé sous la dépendance de l’hypothalamus, lui-même régi par les centres nerveux supérieurs. On voit donc
que la puberté est un processus très complexe impliquant l’organisme à de nombreux
niveaux, y compris le niveau supérieur. Pas étonnant dès lors que les conséquences de
ces changements soient importantes, comme nous allons le voir, tant en ce qui concerne
le spectre des processus touchés qu’en termes d’énergie nécessitée pour conduire et
contrôler le phénomène.
L’ampleur de ces transformations et les incertitudes qui leur sont associées, ne demeurent pas sans conséquences sur la santé psychique de l’immense majorité des jeunes;
doutes, espoirs, inquiétudes, ou d’autres réactions psychologiques pouvant aller parfois
jusqu’au rejet du corps et de ses transformations apparaissent volontiers tout au long de
cette évolution. Certains auteurs considèrent qu’il y a entre les conséquences psychologiques et les modifications physiques et physiologiques une relation directe, d’autres que
cette relation n’est qu’indirecte, médiatisée. Nous n’entrerons pas dans cette polémique
ici. Il est nettement plus important par contre, de garder toujours à l’esprit que, de nos
jours où les jeunes vivent entre eux la plus grande partie de leur adolescence, les variations non négligeables qui existent entre les individus dans le rythme et la chronologie
d’apparition de ces modifications influencent les comportements des jeunes au moins
autant que ces modifications elles-mêmes.
Données générales sur le développement physique
Au début du 19ème siècle, les filles n’avaient généralement leurs premières règles qu’après
17 ans (selon des données norvégiennes) alors que l’âge moyen de leur apparition à
l’heure actuelle (en France) est d’environ 13 ans. La maturité physique avance ainsi de 3
à 4 mois tous les 10 ans. L’amélioration des conditions de vie et certaines modifications
des habitudes alimentaires, liées au développement socio-économique, contribuent à faire
baisser l’âge du début de la puberté. Mais d’autres facteurs influencent aussi, semble-t-il,
celui-ci; ainsi la puberté apparaît plus rapidement dans les pays du Sud qu’au Nord et aux
altitudes basses avant ce qu’on observe dans les montagnes; l’adolescence semble également plus précoce dans certaines ethnies que dans d’autres, mais tous ces facteurs
sont souvent difficiles à dissocier.
On distingue classiquement 3 périodes successives dans le développement de l’adolescence: la pré-adolescence, l’adolescence proprement dite et la post-adolescence.
La première de ces périodes, la préadolescence ou période prépubertaire se caractérise,
du point de vue du développement physique, par une poussée de croissance, les premiers poils pubiens, axillaires et faciaux, ainsi que par le début du développement des
seins chez la fille et des organes génitaux chez le garçon.
La seconde période, l’adolescence proprement dite, aussi appelée période pubertaire
constitue, du point de vue du développement physique, le coeur du processus de l’adolescence. C’est en effet durant cette période que les premières règles et les premières
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Le développement physique
éjaculations apparaissent, de même que la mue de la voix, phénomène plus visible chez
le garçon mais qui touche également la jeune fille.
Ce n’est cependant qu’au cours de la troisième période, la post-adolescence ou période
postpubertaire, que le développement sexuel est complété et qu’un bon fonctionnement
des glandes sexuelles et des organes génitaux est atteint.
Même si elle s’étend sur une assez longue période, l’adolescence donne toujours à celui
qui la traverse l’impression d’aller trop vite, de ne pas offrir suffisamment de temps pour
intégrer correctement tous les bouleversements qu’elle apporte; d’autant que si certains
de ces bouleversements sont définitifs, d’autres ne sont que transitoires. Ainsi, les modifications de la voix, les changements du schéma corporel général, par exemple, sont sans
retour; l’essentiel du travail psychologique sera de parvenir à les accepter. Les modifications de l’humeur, du sommeil ou de l’appétit, d’éventuelles attirances homosexuelles ou
pour des activités délictueuses, toutes perturbations que l’on observe souvent au cours
de l’adolescence, sont par contre généralement temporaires et disparaîtront d’elles-mêmes bientôt. Elles tendent cependant à faire craindre à l’intéressé ou à son entourage des
états ou des tendances que l’on considérerait comme pathologiques si elles étaient le fait
de personnalités adultes.
Manifestations internes
Le processus qui va progressivement transformer un corps d’enfant en un corps de jeune
adulte est des plus complexes et on est loin encore de l’avoir parfaitement compris. On
sait qu’il est contrôlé, à travers un ensemble complexe de relais, par l’activité de l’hypothalamus, qui, à travers l’hypophyse et les hormones gonadotrophines (FSH et LH), influence la production des glandes sexuelles. Une double boucle de contrôle, l’une dite de
feedback négatif et l’autre de feedback positif règle la production des différentes hormones impliquées dans le processus. Il est également certain maintenant que l’hormone de
croissance, la somatomédine C et l’hormone tyroïdienne interviennent aussi dans le timing de la puberté et dans sa régulation.
L’ensemble du processus ne pourrait cependant pas entraîner une telle chaîne de transformations sans une augmentation particulière de la sensibilité aux hormones sexuelles
de différents récepteurs situés au niveau des organes sensibles (verge, testicules, seins,
etc..).
Le lecteur intéressé trouvera en annexe une présentation plus complète des mécanismes
et transformations hormonales conduisant à la puberté (EXT).
La puberté est responsable du début de l’adolescence.
- Augmentation de la production d’hormones sexuelles (surtout testostérone chez
les garçons et oestrogène et oestradiol chez les filles)
- «Réveil» de l’hypothalamus; son activité, qui était forte autour de la naissance,
avait, par la suite, été inhibée, durant l’enfance par des mécanismes cérébraux complexes. Désinhibition.
- Meilleure sensibilité aux hormones sexuelles des récepteurs situés au niveau des
organes sensibles (verge, testicules, seins, etc..)
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Le développement physique
Manifestations externes
La poussée de croissance
Une soudaine poussée de croissance est souvent, pour l’entourage de l’adolescent ou de
l’adolescente, la première manifestation visible des transformations pubertaires. Déclenchée par des hormones différentes chez les filles et chez les garçons (les oestrogènes
pour les filles et la testostérone pour les garçons), cette poussée de croissance démarre
entre 9 et 12 ans chez les filles et entre 10 et 13 ans chez les garçons. Le peak de cette
poussée de croissance est atteint en deux ans environ et l’ensemble de son déroulement
dure environ 4 ans. (EXT Tables de croissance)
Cette poussée de croissance se manifeste principalement au niveau de ce qu’on appelle
le segment inférieur, c’est-à-dire des jambes.
On sait maintenant que la poussée de croissance apparaît chez les filles avant tout autre
signe de puberté (environ 6 mois à 1 an avant le développement des seins ou la pilosité
pubienne, par exemple) alors qu’elle n’intervient chez le garçon qu’après les premiers
développements testiculaires.
Opérée d’abord dans la dimension verticale, cette poussée de croissance s’effectue également par la suite en largeur; chez le garçon cet accroissement en largeur porte avant
tout sur les épaules (ceinture scapulaire) alors qu’il agit chez la fille surtout sur le bassin
(ceinture pelvienne). Cette différence n’est pas sans influence sur l’image du corps et
l’acceptation de ces modifications par l’adolescente ou l’adolescent. Ainsi, le garçon sera
davantage inquiet de ne pas prendre assez ou assez rapidement de formes alors que la
fille aura plutôt tendance à craindre d’en prendre trop.
Les premières règles et les premières éjaculations
Chez les filles, les premières règles n’apparaissent jamais avant que la phase de croissance maximale soit terminée. Lorsque celles-ci surviennent, la croissance ne sera en
général plus que de quelques centimètres (entre 5 et 8 centimètres en moyenne). Des
variations considérables existent cependant sur ce point entre les filles, certaines pouvant
encore grandir de près de 20 centimètres après la survenue des règles (Largo, 1994).
Plusieurs hypothèses, impliquant l’âge osseux, le poids, ou un certain rapport entre la
taille atteinte et la taille adulte ou la masse adipeuse et le reste des tissus du corps ont été
émises pour essayer d’expliquer l’âge d’apparition des règles, mais aucune d’entre elles
n’est encore véritablement satisfaisante; il faut donc reconnaître qu’en l’état, on ne dispose pas encore d’explication bien convaincante sur ce point. La régulière avancée de
l’âge auquel se constatent, depuis qu’on en garde la trace, les premières règles chez la
jeune fille conduit de nombreux chercheurs à penser que la nutrition et le développement
socio-économique sont de nature à influencer également le rythme du développement
physique.
Si les premières règles surviennent actuellement aux environs de l’âge de 12-13 ans et
même avant parfois, peu de filles présentent d’emblée des cycles ovulatoires complets.
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Le développement physique
Chez les garçons, c’est en moyenne vers l’âge de 14 ans et demi qu’on note pour la
première fois la présence de spermatozoïdes et les premières éjaculations. Il est intéressant alors de relever que la maturation des spermatozoïdes se produit chez le garçon
sensiblement au même âge que celle des follicules ovariens chez la fille. Ainsi, si les filles
commencent le processus d’adolescence en moyenne environ un an et demi avant les
garçons, les différences entre les filles et les garçons sont nettement plus faibles du point
de vue de la maturation sexuelle complète (Largo, 1994).
Le développement des caractères sexuels secondaires
Le développement des caractères sexuels secondaires recouvre principalement l’apparition de la pilosité pubienne et axillaire, le développement des seins chez la fille et celui
des organes génitaux chez le garçon, la mue de la voix et l’apparition de la pilosité faciale
chez le garçon.
D’autres modifications s’observent également au niveau du visage à l’adolescence; sa
forme générale change et le nez s’allonge. Des boutons d’acné, en proportion plus ou
moins importante apparaissent chez la plupart des jeunes, résultat d’une intensification
de la production des glandes sébacées. En développement jusqu’alors, les glandes sébacées atteignent en effet leur taille adulte et leur production maximale à l’époque de la
puberté. C’est pourquoi cette affection apparaît le plus souvent à l’adolescence et disparaît ensuite souvent spontanément. La production de ces glandes est régulée par les
hormones sexuelles masculines (androgènes); quoiqu’en proportion moindre chez les
filles que chez les garçons, celles-ci sont présentes chez les deux sexes, ce qui explique
pourquoi les garçons sont davantage sujets à l’acné que les filles mais qu’une proportion
non négligeable de filles souffre également de cette affection.
Des facteurs psychiques comme le stress tendent à augmenter la production d’hormones
sexuelles masculines. Ils peuvent ainsi être responsables d’une augmentation
concommitante de l’acné.
La mue de la voix, bien visible chez le garçon, existe également chez la fille, mais sous
une forme adoucie. Contrairement à ce que l’on pense parfois, la mue n’est pas une des
premières manifestations de la puberté; elle apparaît toujours après la poussée de croissance.
Les stades du développement selon Tanner
Il y a plus de 40 ans maintenant, Tanner publiait ses premières études visant à analyser
l’évolution des différents signes physiques extérieurs de la puberté. Ces études ont permis de dégager dans l’évolution de la pilosité pubienne, du développement des seins et
de celui des organes génitaux 5 stades (Tanner, 1955). Ce découpage est toujours utilisé
par les pédiatres pour apprécier le bon développement des adolescents. (EXT: les stades
du développement selon Tanner).
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Le développement physique
Différences individuelles dans le développement maturationnel
Bien que réglé par des mécanismes sur lesquels l’individu n’a que peu de prise, le déroulement de ces transformations est loin d’être identique chez tout le monde. On note d’importantes variations tant du point de vue du rythme que de celui de l’ordre dans lequel se
déroulent ces transformations. Le développement pubertaire dans son ensemble doit donc
être compris comme un ensemble de processus évoluant de manières plus ou moins
parallèles plutôt que comme un processus unique.
Avance ou retard dans le développement
En termes de durée, le déroulement du processus est relativement constant; ainsi, on
observe en moyenne un écart de 4 ans et demi chez les filles entre les premiers bourgeonnements mammaires et le développement adulte des seins. Par contre l’âge où débute le processus, où les premiers signes visibles de tous apparaissent, peut varier considérablement d’un individu à l’autre. On a pris l’habitude d’appeler «timing pubertaire» le
moment auquel surviennent chez un individu les principales transformations liées à la
puberté, par comparaison avec les autres enfants et adolescents de son âge.
Au plan strictement médical, une avance ou un retard pubertaire n’est que très rarement
considéré comme pathologique; on dira qu’une puberté est précoce si elle survient avant
9 ans chez le garçon et avant 8 ans chez la fille, qu’elle est tardive seulement si elle
survient après 13 ans pour la fille et après 14 ans pour le garçon. Pour les jeunes cependant, la comparaison avec les camarades peut volontiers conférer une impression de
retard ou d’avance, tantôt agréable, tantôt pénible, comme nous le verrons ci-dessous.
De très nombreux facteurs semblent influencer le timing pubertaire. Certains d’entre eux
sont génétiques alors que d’autres relèvent plutôt de l’environnement. Ainsi, le sexe semble avoir une influence considérable sur le phénomène puisque le retard pubertaire est
nettement plus fréquent chez les garçons que chez les filles (plus de 4 fois plus fréquent
chez les garçons que chez les filles)
L’hérédité également n’est pas sans importance sur le timing pubertaire puisque les corrélations entre l’âge de survenue des premières règles d’une mère est d’une fille sont
moyennement élevées (entre .30 et .45, selon les études, Brooks-Gunn, 1993)
La nutrition et la pratique sportive constituent les deux principaux facteurs
environnementaux déterminant l’avance ou le retard pubertaire. Ainsi, l’âge d’apparition
des premières règles recule en période de famine ou dans les cas d’extrême pauvreté
(Eveleth & Tanner, 1976). Il en va de même chez la jeune fille anorexique.
La pratique intensive d’un sport ou de la dance exerce également une influence sur le
timing pubertaire. Ainsi les jeunes athlètes qui s’entraînent beaucoup ou les danseuses
qui, en plus des nombreuses heures d’exercice, suivent des régimes drastiques s’exposent à des retards d’apparition des premières règles de l’ordre de un à deux ans. Warren
(1980) montre même que la probabilité d’apparition des premières règles chez les danseuses est plus élevée lorsque celles-ci ne dansent pas, pour raison de blessure, par
exemple, qu’en période de pleine activité.
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Le développement physique
Variations de chronologie
Les différents signes de la puberté n’apparaissent pas dans le même ordre chez tous les
individus d’un même sexe. Ainsi, dans une étude faite à Zürich en 1983, Largo et ses
collaborateurs (Largo et al., 1983a) ont constaté que si la pilosité pubienne était le premier signe de la puberté chez la majorité des filles, celle-ci pouvait arriver seule ou en
conjonction avec le développement des seins, mais qu’il arrivait aussi, chez une fille sur 5
environ, que le développement des seins survienne avant toute autre manifestation de la
puberté. (EXT: la variabilité d’apparition des premiers signes de développement pubertaire). Chez les garçons (Largo et al., 1983b), le développement des organes génitaux est
apparu comme premier signe de la puberté chez près des trois quarts des adolescents
examinés, mais il fut parfois observé seul, d’autre fois en conjonction avec la pilosité
pubienne ou l’augmentation du volume des testicules. Cependant, l’augmentation du volume des testicules est apparue seule chez 20% de la population examinée, et la pilosité
pubienne fut observée avant tout autre signe de puberté chez près d’un garçon sur 10.
L’image du corps à l’adolescence
Définition
L’image du corps recouvre trois aspects de la relation de l’individu à son corps, (1) la
perception de sa propre apparence et de l’attrait qu’il peut exercer sur autrui, (2) les sentiments positifs et négatifs que lui inspire son corps et (3) la précision de la connaissance
qu’il a de son corps et de ses particularités et la manière dont il est capable de représenter
ou de reconnaître celui-ci sur un dessin, une image ou une photographie.
En réaction aux nombreuses transformations qui s’opèrent dans son corps à l’adolescence, mais aussi bien souvent dans l’attente de celles-ci, le préadolescent, et l’adolescent à sa suite, va s’intéresser à son visage et à son corps bien plus qu’il ne le faisait
auparavant. Le miroir dans lequel il se regarde, désormais longuement, le parent du même
sexe auquel il se mesure, la couverture de magazine à laquelle il ou elle se comparera, le
regard critique des adultes sur son allure et son vêtement négligé, tout paraît lui renvoyer
son image et lui rappeler qu’il grandit, qu’il n’est plus un enfant, mais qu’il n’est pas encore
pleinement adulte.
La conscience de grandir
Pour la plupart des jeunes, l’expérience de la puberté n’est pas traumatisante, mais elle
évoque chez tous, à un moment ou à un autre, inquiétudes et appréhensions.
L’expérience de la survenue des premières règles est ainsi accueillie relativement favorablement par la majorité des filles, comme un signe de maturité, l’accès à un nouveau
statut social, mais avec une certaine appréhension également, liée aux désagréments qui
peuvent y être associés (douleurs, dysménorrhées, etc...), et aux risques que cette
sexualisation affirmée du corps peut désormais comporter (Bariaud & Rodriguez-Tomé,
1994). Pour les garçons, les premières éjaculations sont également accueillies avec des
émotions mixtes; celles-ci apparaissant le plus souvent sans que l’adolescent ne s’y attende ou n’y ait été préparé, la surprise occupera nécessairement une large place dans le
concert de ces émotions.
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Le développement physique
Acceptation ou rejet de l’image du corps
Une enquête récente effectuée en Suisse, mandatée par l’Office fédéral de la Santé publique, montre que si la plupart des adolescents s’estiment globalement satisfaits de leur
apparence physique (64% des filles et 85% des garçons), un certain mécontentement
existe cependant à l’égard de leur corps, spécialement chez les filles. 50% des filles et
20% des garçons souhaitent en effet maigrir; , 15% d’entre elles considérant même qu’elles y pensent tout le temps. Au moment de l’enquête, 33 % des filles et 9 % des garçons
reconnaissaient même qu’ils suivaient un régime; on relèvera en passant qu’il s’agit là du
taux le plus élevé observé en Europe; à titre indicatif, les chiffres correspondants en France
ne sont que de 14 et 4% respectivement. (EXT: L’enquête Michaud)
Feuilletant les journaux et les magazines de société, l’adolescente ou l’adolescent réalise
soudain que les idéaux de sa culture, incarnés par les top-models ou les sportifs de pointe,
risquent bien de ne jamais lui être accessibles. Pour le garçon cependant, l’impression
dominante est qu’il tend à se rapprocher de plus en plus de ces idéaux culturels à mesure
qu’il grandit et que son corps se virilise. Son niveau de maturation pubertaire influencera
alors l’évaluation qu’il fera de son attrait: plus il avance dans son développement physique, plus le garçon percevra favorablement son apparence (Bariaud & Rodriguez-Tomé,
1994). Au plan relationnel également, le développement physique lui vaut plus de considération et de respect de la part des autres, camarades, parents et copines. Au plan de la
résistance et de la force enfin, le développement physique accroît ses capacités physiques, lui procurant un avantage tant dans le sport que dans les situations de «bagarres».
Pour la jeune fille par contre, le tableau est moins clair. A la différence des garçons, l’âge
n’apporte pas un plus dans l’appréciation de l’image du corps; s’il tend à faire augmenter
les regards admiratifs des garçons plus âgés, il peut valoir également à la préadolescente
les critiques et les quolibets de ses camarades de classe, moins avancés dans leur développement; l’idéal de minceur préconisé par la société et les magazines pèsera de plus en
plus lourd sur la relation de la jeune fille à l’égard de son corps, à mesure que celui-ci se
développe et que ses formes s’amplifient.
Sur le plan physique et sportif également, les modifications de la silhouette, l’augmentation de poids et les éventuelles douleurs liées aux menstruations tendent également à
rendre plus pénibles de nombreuses activité sa maturité n’est pas synonyme d’augmentation globale des capacités.
Au plan social enfin, la sexualisation du corps de la jeune fille tend à modifier la nature des
sentiments qui lui sont exprimés, tant par les adultes que par les jeunes de son âge.
Les habitudes alimentaires et les idéaux culturels en vigueur dans différents pays débouchent parfois sur des résultats contradictoires; ainsi les enquêtes américaines (BrooksGunn & Warren, 1988) font apparaître une plus grande insatisfaction des jeunes filles à
l’égard de leur poids mais aussi plus de fierté au développement de leurs seins que les
études françaises, par exemple (Bariaud & Rodriguez-Tomé, 1994).
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Le développement physique
Effets du développement physique de l’adolescent sur l’attitude des
tiers à son égard
Immanquablement, la sexualisation du corps qui résulte des transformations de la puberté rendra l’adolescente et l’adolescent plus attirants, et lui vaudra de la part des membres de l’autre sexe des regards plus appuyés, plus ciblés aussi. Immanquablement aussi,
l’adolescente ou l’adolescent a alors tenté de mesurer son pouvoir de séduction, de voir
s’il est capable d’allumer le feu chez toute victime de son choix. En particulier des adultes
et des individus plus âgés qu’eux.
Les adultes en effet ne resteront pas insensibles aux résultats des transformations physiques qui s’opèrent à l’adolescence.
Pour la jeune fille, l’entourage familial accueillera parfois la sexualisation de son corps
avec une certaine suspicion. La maturité sexuelle, l’attirance des formes naissantes augmentent en effet les risques qu’elle cherche à en profiter ou même qu’elle soit victime
d’une agression sexuelle; à l’extérieur comme à l’intérieur de la famille du reste. Il arrive
en effet que le regard de son propre père ou d’un grand frère se charge d’une certaine
ambiguïté à son égard, que leurs comportements deviennent insistants voire même franchement intolérables, sans parler des cas, pas rares malheureusement, de tentatives de
viol ou d’abus sexuels commis le plus souvent à l’intérieur du cercle familial.
Mais la sexualité n’est pas le seul plan sur lequel l’évolution de l’aspect physique de
l’adolescent affectera les attitudes et les réactions des autres personnes à son égard.
Ainsi, une allure plus virile vaudra à un garçon davantage de respect de la part de ses
pairs; elle entraînera également un changement des attentes des adultes à son égard. A
âge égal, l’adolescent plus développé devra, de l’avis des adultes, adopter un comportement plus mûr et montrer un contrôle plus important de ses émotions (Leffert & Petersen,
1994); il se verra aussi demander des efforts plus soutenus et confier des responsabilités
plus importantes.
Répercussions psychologiques du retard ou de l’avance dans le développement
On l’a vu tout au long du présent chapitre, les manifestations liées à la puberté apparaissent de manière plus précoce chez les filles que chez les garçons. C’est spécialement le
cas des signes extérieurement visibles, tels que la poussée de croissance, l’augmentation pondérale ou le développement mammaire. Etre en avance dans son développement, pour un garçon, ne fera que le placer à un niveau de développement comparable à
celui des filles de son âge. Pour une fille, par contre, être en avance sur ses copines, fera
d’elle une curiosité parmi ces camarades de classe;
A l’inverse, un développement tardif chez une fille, s’il peut par instant lui faire craindre
qu’elle ne se développe pas normalement, ne fera que la maintenir plus longtemps au
niveau de développement des garçons de son âge et continuera à lui assurer des échanges qu’elle connaît et maîtrise désormais bien. Pour le garçon en revanche, être en retard
de développement signifie demeurer fin, imberbe et enfant alors que tout le monde dans
son entourage immédiat, les filles comme les autres garçons, sont déjà en train d’avoir
des allures, des intérêts et des préoccupations d’adolescents sexués.
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Le développement physique
Il suit de ces différences que le retard dans le développement sera spécialement difficile à
accepter et à supporter pour un garçon alors que, pour la fille, c’est davantage l’avance
dans le développement que le retard qui sera source de tracasseries.
Conséquence de ces différences de rythme de développement et de leurs répercussions
psychologiques, il n’est pas rare qu’on observe chez la jeune fille précoce une tendance à
cacher les signes trop manifestes de son développement, alors que les garçons chercheront plutôt à les mettre en évidence dès que ceux-ci commenceront à être perceptibles.
Le problème le plus fréquemment associé à la précocité chez les adolescentes concerne
l’image de leur corps. Moins fines et moins mobiles que les autres filles de leur âge, elles
tendent en effet à avoir de leur corps une image moins favorable que leurs contemporaines. L’impact du timing pubertaire ne se limite pas au seul début de la puberté; certains de
ses effets semblent durer au-delà même de la puberté. Le cycle de transformations ayant
commencé puis s’étant terminé plus tôt, les filles précoces tendront à rester plus petites et
rondelettes que celles qui auront tardé dans leur développement (Garn, 1980).
Diverses études font apparaître une série d’autres perturbations liées à la précocité chez
la jeune fille.
Ainsi certaines données font penser que l’avance dans le développement favoriserait l’apparition de troubles de l’humeur, en particulier l’humeur dépressive ou la dépression
(Brooks-Gunn, 1993). Ces résultats demandent cependant encore affinage et confirmation, car on ne sait pas encore bien si la liaison entre les deux phénomènes est directe ou
médiatisée par d’autres paramètres, tels que des modifications plus rapides des taux
hormonaux, une insatisfaction plus grande à l’égard de l’image du corps ou la plus grande
fréquence de conflits familiaux dans lesquels se trouvent impliqués les adolescents précoces.
Selon certaines études en effet, l’avance ou le retard dans le développement affecterait
également les relations familiales. Ainsi Hill, Holmbeck, Marlow, Green, et Lynch (1985)
observent que les filles en avance dans leur développement physique sont moins enclines à participer aux activités familiales et qu’elles se laissent moins influencer par leurs
parents. Ceux-ci en retour se montrent moins tolérants à leur égard, d’où un nombre plus
élevé de conflits.
Les filles au développement précoce, notamment parce qu’elles se trouvent plus souvent
que les autres aux contacts de jeunes plus âgés qu’elles, fument et consomment davantage d’alcool que les filles moins avancées et sont plus sujettes qu’elles à s’engager dans
des activités délinquantes collectives. Magnusson, Strattin et Allen (1985) montrent ainsi
que les actes antisociaux ou non-conventionnels de la part d’une jeune fille (actes ayant
valu à leurs auteurs une condamnation ou une amende) sont plus fréquents chez les
jeunes filles précoces que chez les autres et d’autant plus fréquents que la jeune fille a
régulièrement fréquenté des camarades plus âgés qu’elle durant son adolescence.
Psychologie pédagogie : l’adolescent
Cours du Prof. Jean-Luc Gurtner
Université de Fribourg (Suisse)
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