6 Le signe des pains

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6 Le signe des pains
Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014.
5 LE MYSTÈRE DU PAIN DE VIE
Jean 6
INTRODUCTION
S'il suit l'ordre actuel des livres, un lecteur du NT rencontre ici un sixième récit de la
multiplication des pains ! Il a pu en lire deux chez Mt et deux chez Mc et un chez Lc. C'est dire
l'importance de cet épisode dans la tradition évangélique.
Plusieurs auteurs lisent ce chapitre 6 avant le chapitre 5, juste après 4,54 : "Tel fut le second
signe que Jésus accomplit lorsqu'il revint de Judée en Galilée". C'est vrai que le chapitre 7 se rattache
thématiquement au chapitre 5 et que le chapitre 6 interrompt une suite logique :
Jn 4,54 :
Jn 6,1:
Jn 5,1 :
Tel fut le second signe que Jésus accomplit lorsqu'il revint de Judée en Galilée.
Après cela, Jésus passa sur l'autre rive de la mer de Galilée, dite encore de Tibériade.
Après cela et à l'occasion d'une fête juive, Jésus monta à Jérusalem.
L'ensemble du chapitre 6 forme une unité plutôt isolée dans l'évangile puisqu'il n'est jamais
question ailleurs du thème du "pain de vie". Mais ce chapitre s'inscrit bien dans le mouvement narratif
de l'Evangile et marque un tournant décisif dans la prédication de Jésus. Son identité se précise ainsi
que la nécessité pour ses interlocuteurs de faire des choix face à celui qui se prétend "fils du Père"
(6,40) alors qu'ils le savent "fils de Joseph" (6,42). L'option de la foi en Jésus paraît bien être le
principe d'unification du chapitre tout entier focalisé par la réponse de Simon-Pierre au nom des
Douze. Celle-ci est rapportée sur fond de désaffection des disciples : alors qu'un grand nombre quitte
Jésus, un petit reste lui demeure fidèle (6,66-68). La profession de foi de Pierre vient au terme d'un lent
itinéraire : la foule suit Jésus à cause de ses miracles (v. 2), elle se trompe à son sujet en voulant le
faire roi (v. 15), Jésus s'enfuit et la foule le recherche pour avoir du pain (v. 26). Finalement, elle se
refuse à le reconnaître comme pain venu du ciel (v. 41) qui donne la vie au monde (v. 51). Et un grand
nombre de disciples l'abandonnent (vv. 61.66). Sur fond d'incrédulité brille alors la foi de Pierre mais
au lieu de le féliciter, Jésus évoque la trahison de Judas (vv. 70ss).
Le texte ne se borne pas à évoquer une scène du temps passé entre Jésus et ses auditeurs. Il
invite le lecteur à s'engager, pour avoir la vie, dans l'option de foi que Jésus propose. A 17 reprises, le
lecteur peut s'identifier avec un "Innomé", le véritable destinataire de la Parole, que Jésus évoque en
des annonces formulées comme des maximes intemporelles :
Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim,
Celui qui croit en moi n'aura plus soif, jamais. (Jn 6,35)
Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra pour l'éternité. (Jn 6,51)
Le texte s'adresse ainsi à l'homme de tous les temps à venir ; et la réponse de Pierre, longtemps
différée, se trouve bien prononcée au nom du lecteur.
Entrons dans la lecture de ce chapitre 6 qui se divise aisément en quatre parties :
- le signe des pains, sur la montagne (6,1-15),
- le signe de la marche sur les eaux, sur le lac (6,16-21),
- le discours sur le pain de vie, à la synagogue (6,22-59),
- le dialogue entre Jésus et les disciples, également à la synagogue (6,60-71).
1 LE SIGNE DES PAINS (6,1-15)
11 Rapport avec les évangiles synoptiques
Ce récit est le seul miracle rapporté par les quatre évangélistes. Mais Jean lui a imprimé une
marque très personnelle. Le don du pain vient en parallèle avec le don du vin à Cana ; le pain de vie
qu'annonce le discours évoque le don de l'eau vive promis à la Samaritaine. Vin, eau et pain, ces
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symboles johanniques se complètent pour signifier chacun à sa manière, la vie que Jésus communique
au croyant.
Relevons les divergences les plus importantes avec Marc 6 :
- Le lieu : chez Marc, Jésus se rend dans un endroit désert (Mc 6,31.32.35) et chez Jean, il
passe sur l'autre rive et gravit la montagne (Jn 6,1.3).
- Le moment : chez Marc, le soir (Mc 6,35) et chez Jean, la mention de la Pâque juive (Jn 6,4).
- Le motif : chez Marc, après une longue journée d'enseignement, Jésus a pitié (Mc 6,34-35) et
chez Jean, Jésus agit de lui-même, d'autorité.
- La foule : chez Jean, elle "suit" Jésus (Jn 6,2).
- L'initiative : chez Marc, les disciples veulent renvoyer la foule (Mc 6,36) et chez Jean, Jésus
interpelle Philippe (Jn 6,5).
- Les pains et les poissons : chez Jean, ce sont des pains d'orge et des petits poissons (Jn 6,8).
- La prière de Jésus : chez Marc, Jésus prononce la bénédiction (Mc 6,41) et chez Jean, il rend
grâce (Jn 6,11).
- La distribution du pain : chez Marc, ce sont les disciples (Mc 6,41) et chez Jean, c'est Jésus
lui-même (Jn 6,11).
- Les restes : chez Jean, c'est Jésus qui demande de rassembler les pains (Jn 6,12).
- La mention du signe et la fuite de Jésus : propre à Jean (Jn 6,2.14-15)
12 La mise en scène (vv. 1-4)
1
Après cela, Jésus passa sur l'autre rive de la mer de Galilée, dite encore de Tibériade.
Une grande foule le suivait parce que les gens avaient vu les signes qu'il opérait sur les malades.
3
C'est pourquoi Jésus gravit la montagne et s'y assit avec ses disciples.
4
C'était peu avant la Pâque qui est la fête des Juifs.
2
Ces quatre premiers versets situent dans l'espace et dans le temps l'épisode qui va être raconté :
il se situe sur "la montagne" que Jésus va gravir et "peu avant la Pâque". Ils en nomment les acteurs :
Jésus, les disciples et une grande foule qui suit Jésus à la vue des signes qu'il opère. Est introduit le
thème de la suite de Jésus qui sera le leitmotiv de tout le chapitre. Ces éléments créent pour des
lecteurs familiers de l'Ecriture un rapprochement avec l'Exode et avec Moïse :
Le troisième mois après leur sortie du pays d'Egypte, aujourd'hui même, les fils d'Israël arrivèrent au
désert du Sinaï. 2Ils partirent de Refidim, arrivèrent au désert du Sinaï et campèrent dans le désert. —
Israël campa ici, face à la montagne, 3mais Moïse monta vers Dieu. Le SEIGNEUR l'appela de la
montagne… (Ex 19,1-3).
1
Quelle est la signification théologique de la mention de la Pâque ? Le texte dit (littéralement)
que "la Pâque était proche". On retrouve cette formule dans deux autres passages en 2,13.20 et en
11,55-57 qui évoquent la mort de Jésus. Cette mention oriente donc le regard du lecteur vers la mort et
le retour au Père de Jésus.
13 Le signe (vv. 5-15)
Dès le départ, le récit se focalise sur Jésus ; il est celui qui mène tout. Il voit la foule, il
interroge Philippe tout en sachant ce qu'il va faire, il ordonne de faire asseoir, il garde l'initiative
jusque dans la distribution des pains. Toujours conduit par son savoir, il se retire seul dans la
montagne.
131 L'arrière-fond biblique
L'arrière-fond biblique est double : d'abord le souvenir d'Elisée qui multiplia les pains d'orge au
point "qu'il y eut des restes selon la parole du Seigneur" :
42
Un homme vint de Baal-Shalisha et apporta à l'homme de Dieu du pain de prémices :
vingt pains d'orge et de blé nouveau dans un sac.
Elisée dit : « Distribue-les aux gens et qu'ils mangent ! »
43
Son serviteur répondit : « Comment pourrais-je en distribuer à cent personnes ? »
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Il dit : « Distribue-les aux gens et qu'ils mangent ! Ainsi parle le SEIGNEUR :
“On mangera et il y aura des restes.” »
44
Le serviteur fit la distribution en présence des gens ;
ils mangèrent et il y eut des restes selon la parole du SEIGNEUR. (2 R 4,42-44)
Il y a ensuite la référence à la manne que Dieu donnait à son peuple en quantité mesurée :
11
Le SEIGNEUR adressa la parole à Moïse : 12« J'ai entendu les murmures des fils d'Israël. Parle-leur
ainsi : (…) le matin, vous vous rassasierez de pain et vous connaîtrez que c'est moi le SEIGNEUR,
votre Dieu. » 13(…) le matin, une couche de rosée entourait le camp… 15Les fils d'Israël regardèrent et
se dirent l'un à l'autre : « Mân hou ? » (« Qu'est-ce que c'est ? »), car ils ne savaient pas ce que
c'était. Moïse leur dit : « C'est le pain que le SEIGNEUR vous donne à manger. (Ex 16,11-13.15)
Mais à la différence du temps de l'Exode, ici règne la démesure (il en reste douze paniers) et le
merveilleux (l'herbe abondante évoque les verts pâturages du Ps 23,1-2 où le berger messianique
conduira son troupeau). Le temps de l'Exode attendu par les Juifs pour la fin des temps est de retour ;
le prophète est là et la foule veut le faire roi !
1
2
Le SEIGNEUR est mon berger, je ne manque de rien.
Sur de frais herbages, il me fait coucher ; près des eaux du repos, il me mène. (Ps 23,1-2)
132 La préparation du repas (vv. 5-10)
5
Or, ayant levé les yeux, Jésus vit une grande foule qui venait à lui.
Il dit à Philippe :
"Où achèterons-nous des pains pour qu'ils aient de quoi manger?"
6
En parlant ainsi il le mettait à l'épreuve ; il savait, quant à lui, ce qu'il allait faire.
7
Philippe lui répondit :
"Deux cents deniers de pain ne suffiraient pas pour que chacun reçoive un petit morceau."
8
Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :
9
"Il y a là un garçon (paidarion) qui possède cinq pains d'orge et deux petits poissons ;
mais qu'est-ce que cela pour tant de gens?"
10
Jésus dit :
"Faites-les asseoir."
Il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit. Ils s'assirent donc ; ils étaient environ cinq mille hommes.
Le texte commence par mentionner le regard de Jésus vers la multitude qui s'avance vers lui. A
la différence des synoptiques, c'est dès l'approche des gens et en plein jour (6,16) que Jésus manifeste
l'intention de donner de la nourriture, et non au soir d'une journée où il a enseigné longuement et guéri
quantité de malades (Mc 6,35ss).
La question posée par Jésus à Philippe souligne implicitement l'impossibilité pour l'homme de
se procurer le "véritable pain". Elle veut ouvrir son esprit à ce que la nourriture symbolise selon la
tradition sapientielle que reflète le texte d'Isaïe 55,1 : "Même si vous n'avez pas d'argent, venez à moi !
Achetez du blé et mangez, gratuitement".
Jean fournit deux détails qu'on ne retrouve pas dans les synoptiques : le "garçon" et les pains
"d'orge". Ceux-ci s'expliquent à partir du récit des pains multipliés par Elisée en faveur des habitants
de Guilgal, victimes de la famine : c'est un "garçon" (paidario/n, hapax dans le NT) qui est le
serviteur du prophète et à celui-ci, on apporte "vingt pains d'orge" (2 R 4,38-42) – dans la Septante.
Le prophète, modeste performance avait nourri cent personnes avec vingt pains d'orge. Ici, avec
cinq pains, Jésus va nourrir 5000 personnes ! Quant aux chiffres 5 et 2, ils n'ont pas de valeur
symbolique et soulignent simplement la petitesse de ce à partir de quoi Jésus a nourri une foule de
5000 hommes (v. 10).
Le dialogue amorcé avec les disciples tourne court et Jésus leur ordonne de faire étendre les
gens, c'est-à-dire de les inviter à se mettre à table. Plus loin, au v. 11, ces hommes sont qualifiés de
"convives". Ainsi Jésus ne se contente pas de distribuer de la nourriture, il préside à une communauté
de table.
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133 Le repas (v. 11)
11
Alors Jésus prit les pains, il rendit grâce et les distribua aux convives.
Il fit de même avec les poissons ; il leur en donna autant qu'ils en désiraient.
Comme aux noces de Cana, le "miracle" a lieu sans qu'aucune parole de puissance n'ait été
prononcée et sans que soit décrit le processus de transformation de quelques pains et poissons en une
quantité qui satisfait pleinement 5000 hommes. L'action coïncide avec le geste ordinaire par lequel le
père de famille israélite situe la nourriture des siens dans la relation qui unit l'homme à Dieu et procède
ensuite à la distribution.
Jean utilise le verbe "rendre grâces" qui évoque pour le lecteur chrétien l'action eucharistique
de la Cène. Si le geste de rompre le pain, mentionné par les synoptiques, n'est pas mentionné, on peut
cependant considérer qu'il est impliqué dans la distribution qu'en fait Jésus.
Dans les synoptiques, ce sont les disciples qui distribuent le pain, ici c'est Jésus lui-même. Par
ce trait symbolique qui lui est propre, le narrateur laisse clairement transparaître le mystère dont le
miracle des pains est la figure.
Contrairement aux synoptiques (Mc 6,41), Jésus ne lève pas les yeux vers le ciel. Certes, ce
don du pain est accompli dans la communion avec le Père, mais il signifie l'amour de Jésus lui-même
pour les siens : "Le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde" (Jn 6,51).
134 Le surplus de pains (vv. 12-13)
12
Lorsqu'ils furent rassasiés, Jésus dit à ses disciples :
"Rassemblez les morceaux qui restent, de sorte que rien ne soit perdu."
13
Ils les rassemblèrent et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d'orge qui
étaient restés à ceux qui avaient mangé.
Le récit synoptique s'achevait par la mention du rassasiement de la foule : "ils mangèrent tous
et furent rassasiés". Jean ne le note que de biais, pour introduire un ordre de Jésus, suivi de son
exécution et de son résultat. Ainsi dans les textes parallèles, la mention des restes du repas confirme
l'ampleur du miracle (Mc 6,43 et //). Chez Jean, cet élément prend une importance majeure en raison
de la parole de Jésus du v. 12. Ce sont les disciples qui rassemblent, sur l'ordre de Jésus, les morceaux
restants afin que "rien ne soit perdu". Là aussi, il convient d'évoquer le récit d'Elisée : "Ainsi parle le
SEIGNEUR : on mangera et il y aura des restes… et il y eut des restes selon la parole du SEIGNEUR"
(2 R 4,43ss). Or, plutôt que d'un reste, il s'agit chez Jean d'un "surplus", de quelque chose de nouveau,
comme le suggère la mention des douze paniers. Grâce à la parole de Jésus, il ne s'agit pas seulement
de souligner la surabondance du don, mais d'en suggérer le sens. Le but visé par Jésus à travers le
signe des pains n'est pas le rassasiement physique, mais la vie divine qu'il est venu offrir. Soustrait à la
perte, ce surplus symbolise cette autre nourriture qui demeure incorruptible. Il oriente de l'éphémère
vers ce qui est source permanente de vie.
Mais ce surplus évoque également la manne au désert. Les Hébreux avaient eux aussi mangé à
satiété mais la manne pourrissait si on en conservait l'excédent. Le pain de Jésus, au contraire, est
destiné à demeurer : ne symbolise-t-il pas la parole de révélation et le don eucharistique ?
134 Jésus devant la réaction de la foule (vv. 14-15)
14
A la vue du signe qu'il venait d'opérer, les gens dirent :
"Celui-ci est vraiment le Prophète, celui qui doit venir dans le monde."
15
Mais Jésus, sachant qu'on allait venir l'enlever pour le faire roi, se retira à nouveau, seul, dans la
montagne.
Comme pour les deux signes de Cana et pour l'épisode de Jésus au Temple, le narrateur signale
la réaction des témoins : là, ils interprètent le signe (Jn 2,11.17 ; 4,53) ; ici, cas unique en Jean, le
thaumaturge est acclamé par la foule.
En proclamant que Jésus est le prophète, la foule reconnaît en lui non seulement un prophète,
mais le personnage promis par Dieu qui serait semblable à Moïse (Dt 18,15) et dont le caractère
eschatologique est souligné par la tournure johannique "qui doit venir dans le monde" :
18
C'est un prophète comme toi que je leur susciterai du milieu de leurs frères ; je mettrai mes
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paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. 19Et si quelqu'un n'écoute pas
mes paroles, celles que le prophète aura dites en mon nom, alors moi-même je lui en demanderai
compte. (Dt 18,18-19)
Selon l'attente populaire en Palestine au temps de la domination romaine, il devait être le
libérateur du peuple, comme jadis Moïse avait délivré les hébreux de l'esclavage en Egypte ; avec lui
s'établirait une ère de prospérité.
Plus loin, Jésus reprochera à la foule d'être restée aveugle au signe, c'est-à-dire au sens que
laissait transparaître le miracle. Dans notre récit, l'ambiguïté que recèle l'appellation de Prophète n'est
levée qu'au verset suivant. Jésus discerne dans l'acclamation enthousiaste de la foule le glissement du
titre eschatologique vers un contenu politique. La foule veut en réalité un roi, non au sens religieux que
confessait Nathanaël (Jn 1,49), mais au sens de ce monde. Or, sous la forme inversée d'une prétention
attribuée à Jésus, la même méprise sera le fait de ceux qui condamneront Jésus à la croix (19,12).
D'ailleurs chez Jean, Jésus ne sera de nouveau acclamé par une foule nombreuse qu'au terme de sa vie
publique, juste avant la Passion (Jn 12,9.12).
Dans ce premier récit, Jean superpose trois moments différents : le temps de l'Exode où a
commencé l'aventure d'Israël, la rencontre historique avec Jésus, qui forme la trame du récit, et le
temps de l'Eglise. A travers ces trois situations historiques différentes, c'est bien une même question
radicale qui demeure :
- Comment croire en Dieu dans le désert (la manne) ?
- Comment croire en Dieu à travers Jésus Verbe incarné ?
- Comment croire en Dieu dans l'Eglise par la médiation de l'eucharistie ?
L'objectif de Jésus dans ce récit est moins de manifester sa compassion pour la foule sans
nourriture que de dévoiler sa véritable identité. C'est pour cela que Jean a relégué au second plan les
disciples pour centrer tout son récit sur la personnalité de Jésus qui conduit les événements et les
interprète.
2 LE SIGNE DE LA MARCHE SUR LES EAUX (6,16-21)
Ce récit semble interrompre la séquence formée par le signe des pains et le discours sur le pain
de vie. En fait, il est bien intégré dans la progression du chapitre et conduit au rassemblement des
acteurs momentanément séparés. De plus le titre que l'on donne souvent à cet épisode, la marche sur
les eaux, induit une erreur de perspective et invite le lecteur à voir d'abord le prodige. Or, le récit veut
d'abord manifester comment la séparation intervenue entre les disciples et Celui qui s'est retiré sur les
hauteurs n'a été que provisoire ou même seulement apparente. Certes, le récit rapporte une rupture du
cadre habituel de ce monde, le franchissement d'une limite jugée insurmontable, mais ce n'est pas pour
étonner le lecteur mais pour l'orienter au mystère qui est signifié à travers l'événement.
Il est indubitable aussi que le récit reflète une expérience des premiers chrétiens, celle de la
présence du Seigneur à leur communauté.
16
Le soir venu, ses disciples descendirent jusqu'à la mer.
Ils montèrent dans une barque et se dirigèrent vers Capharnaüm, sur l'autre rive.
Déjà l'obscurité s'était faite, et Jésus ne les avait pas encore rejoints.
18
Un grand vent soufflait et la mer était houleuse.
19
Ils avaient ramé environ vingt-cinq à trente stades,
lorsqu'ils voient Jésus marcher sur la mer et s'approcher de la barque.
Alors ils furent pris de peur, 20mais Jésus leur dit:
"C'est moi, n'ayez pas peur!"
21
Ils voulurent le prendre dans la barque, mais aussitôt la barque toucha terre au lieu où ils allaient.
17
Dans les synoptiques, c'est Jésus lui-même qui oblige ses disciples à monter dans la barque et à
le devancer de l'autre côté pendant qu'il renverrait les foules (Mt 14,22). A leur différence également,
le texte johannique ne présente pas l'intervention merveilleuse de Jésus en fonction d'un sauvetage des
disciples. La mention de la bourrasque n'appartient chez Jean qu'à la présentation de l'épisode.
Maintenant, la nuit approche et les disciples sont seuls, livrés à eux-mêmes. Jésus s'approche
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alors de leur barque en marchant sur les eaux. L'eau qui sépare devient ici chemin qui réunit. On peut y
voir une allusion supplémentaire à l'Exode et à la traversée de la Mer Rouge : là aussi, l'eau s'était
transformée en chemin pour permettre le passage des Hébreux (Ex 14). A la réaction effrayée des
disciples répond la parole de révélation de Jésus : "c'est moi", en grec eégw eiémi egô eimi, "je
suis". C'est par ces deux termes que le second Isaïe a souvent rendu le nom de Yahvé.
Ainsi dans la révélation progressive de Jésus un nouveau maillon est introduit : il est le
nouveau Moïse, le nouvel Elisée, mais il est aussi un être divin, qui s'approprie le nom de Dieu et
enlève la peur :
Sur la mer fut ton chemin, ton sentier sur les eaux innombrables, et tes traces, nul ne les connut. (Ps
77,20)
3 LE DISCOURS A CAPHARNAÜM (6,22-59)
Entre le discours de révélation et le récit de miracle, il y a des différences de style et de contenu
évidentes, mais l'unité narrative de l'ensemble doit être soulignée. De bout en bout, c'est le même
objectif qui est poursuivi par Jésus : se faire reconnaître de son peuple. Discours et récit participent
donc d'une même stratégie. Ce qui est en jeu, c'est l'identité de Jésus. Le discours va tenter de faire
réussir ce que l'action n'a pu réaliser.
Cette révélation est rythmée par l'expression johannique "amen, amen, je vous le dis" reprise 4
fois. Chacune des 4 unités est constituée d'une révélation et d'une manifestation d'incroyance, sauf la
dernière, dominée par la parole révélatrice de Jésus. C'est bien la personne de Jésus qui est au centre
du développement. Entre les quatre parties, une progression dans la révélation se reconnaît.
Les vv. 22-25 forment un élément transitionnel qui permet d'introduire le discours de Jésus.
31 1ère partie du discours (vv. 26-31)
26
Jésus leur répondit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n'est pas parce que vous avez vu des
signes que vous me cherchez, mais parce que vous avez mangé des pains à satiété. 27Il faut vous mettre
à l'œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie
éternelle, celle que le Fils de l'homme vous donnera, car c'est lui que le Père, qui est Dieu, a marqué
de son sceau. » 28Ils lui dirent alors : « Que nous faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? »
29
Jésus leur répondit : « L'œuvre de Dieu c'est de croire en celui qu'Il a envoyé. » 30Ils lui
répliquèrent : « Mais toi, quel signe fais-tu donc, pour que nous voyions et que nous te croyions ?
Quelle est ton œuvre ? 31Au désert, nos pères ont mangé la manne, ainsi qu'il est écrit : Il leur a donné
à manger un pain qui vient du ciel. »
Le reproche du v. 26 "non à cause des signes mais parce que vous avez mangé du pain" vient
souligner toute l'ambiguïté du signe. La foule en est restée au miracle : elle a eu le ventre bien rempli !
Elle n'est pas entrée dans la signification de l'événement, dans le signe. La foule est restée au niveau du
merveilleux et le sens profond du mystère de Jésus lui a échappé.
Dans cette partie, Jésus ne se révèle encore qu'indirectement à travers la mention du Fils de
l'Homme et à l'invitation à croire en celui que le Père a envoyé.
32 2ème partie du discours (vv. 32-46)
32
Mais Jésus leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain
du ciel, mais c'est mon Père qui vous donne le véritable pain du ciel. 33Car le pain de Dieu, c'est celui
qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » 34Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous
toujours ce pain-là ! » 35Jésus leur dit : « C'est moi qui suis le pain de vie ; celui qui vient à moi
n'aura pas faim ; celui qui croit en moi jamais n'aura soif. 36Mais je vous l'ai dit : vous avez vu et
pourtant vous ne croyez pas. 37Tous ceux que le Père me donne viendront à moi, et celui qui vient à
moi, je ne le rejetterai pas, 38car je suis descendu du ciel pour faire, non pas ma propre volonté, mais
la volonté de celui qui m'a envoyé. 39Or la volonté de celui qui m'a envoyé, c'est que je ne perde aucun
de ceux qu'il m'a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. 40Telle est en effet la volonté de
mon Père : que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au
dernier jour. » 41Dès lors, les Juifs se mirent à murmurer à son sujet parce qu'il avait dit : « Je suis le
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pain qui descend du ciel. » 42Et ils ajoutaient : « N'est-ce pas Jésus, le fils de Joseph ? Ne
connaissons-nous pas son père et sa mère ? Comment peut-il déclarer maintenant : “Je suis descendu
du ciel” ? » 43Jésus reprit la parole et leur dit : « Cessez de murmurer entre vous ! 44Nul ne peut venir
à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire, et moi je le ressusciterai au dernier jour. 45Dans les
Prophètes il est écrit : Tous seront instruits par Dieu. Quiconque a entendu ce qui vient du Père et
reçoit son enseignement vient à moi. 46C'est que nul n'a vu le Père, si ce n'est celui qui vient de Dieu.
Lui, il a vu le Père.
Au v. 32, Jésus commence par dévaloriser avec provocation le don passé de la manne, en lui
contestant la qualification de "pain venu du ciel". Il lui oppose le don actuel du Père, qui est le
véritable pain venu du ciel.
Le v. 33 renforce l'affirmation : ce pain de Dieu est celui qui donne la vie au monde.
Au v. 35, un pas décisif est franchi : le pain qui nourrit pour la vie éternelle, ce n'est pas
quelque chose que Jésus donne, c'est lui-même !
Le v. 40 affirme que "croire en lui" est ce qui fait vivre pour l'éternité. Croire en la personne de
Jésus est donc la condition nécessaire pour recevoir la vie.
A partir du v. 41, les murmures des Juifs apparaissent comme une dernière occasion de leur
adresser encore un appel à entrer dans la foi
Dans le contexte historique de Jésus, ce discours sur le pain ne pouvait signifier directement
l'eucharistie, incompréhensible avant le dernier repas, la mort et la résurrection de Jésus. Il s'agit donc
d'abord de la révélation, personnifiée par l'homme Jésus. Mais écrit après Pâque, il est clair que ce
discours évoque en même temps la foi et l'eucharistie.
33 3ème partie du discours (vv. 47-52)
47
En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle. 48Je suis le pain de vie. 49Au
désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts. 50Tel est le pain qui descend du ciel, que celui
qui en mangera ne mourra pas. 51« Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce
pain vivra pour l'éternité. Et le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la
vie. » 52Sur quoi, les Juifs se mirent à discuter violemment entre eux : « Comment celui-là peut-il nous
donner sa chair à manger ? »
La révélation progresse selon le mode sémitique, dans un mouvement de spirale qui répète tout
en approfondissant. Pour redire au positif la négation de la mort annoncée au v. 50, Jésus accumule les
mots du registre de la vie : pain vivant, vivre pour l'éternité, pour la vie du monde.
Au v. 51, élément inédit, Jésus annonce qu'il donnera sa chair pour faire vivre le monde. Choc
pour le lecteur ! Il est maintenant question d'un don à venir, exprimé dans un langage énigmatique,
"donner sa chair", ce qui va susciter une totale incompréhension chez les auditeurs.
34 4ème partie du discours (vv. 53-59)
53
Jésus leur dit alors : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de
l'homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas en vous la vie. 54Celui qui mange ma chair
et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. 55Car ma chair est vraie
nourriture, et mon sang vraie boisson. 56Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et
moi en lui. 57Et comme le Père qui est vivant m'a envoyé et que je vis par le Père, ainsi celui qui me
mangera vivra par moi. 58Tel est le pain qui est descendu du ciel : il est bien différent de celui que vos
pères ont mangé ; ils sont morts, eux, mais celui qui mangera du pain que voici vivra pour l'éternité. »
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Tels furent les enseignements de Jésus, dans la synagogue, à Capharnaüm.
Dans cette dernière partie du discours, le vocabulaire eucharistique domine, avec un réalisme
tel qu'il ne peut être compris que du temps de l'Eglise. L'eucharistie, corps et sang, communique aux
croyants les deux dons que les croyants du temps de Jésus recherchaient : la vie éternelle dès
maintenant et la permanence avec Jésus, le "demeurer avec lui".
Cette révélation de plus en plus profonde du mystère de Jésus coïncide avec une réduction
progressive des disciples. Ce sont d'abord les Juifs qui "murmurent" (v. 41) comme l'avaient fait les
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Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014.
Hébreux au désert (Ex 17,3). Puis des disciples, de plus en plus nombreux, "se retirent et cessent de
faire route avec lui" (v. 66). Enfin, parmi, les Douze, l'incroyance s'introduit.
4 LE DIALOGUE FINAL AVEC LES DISCIPLES (6,60-71)
60
Après l'avoir entendu, beaucoup de ses disciples commencèrent à dire : « Cette parole est rude ! Qui
peut l'écouter ? » 61Mais, sachant en lui-même que ses disciples murmuraient à ce sujet, Jésus leur
dit : « C'est donc pour vous une cause de scandale ? 62Et si vous voyiez le Fils de l'homme monter là
où il était auparavant... ? 63C'est l'Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai
dites sont esprit et vie. 64Mais il en est parmi vous qui ne croient pas. » En fait, Jésus savait dès le
début quels étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui allait le livrer. 65Il ajouta : « C'est
bien pourquoi je vous ai dit : “Personne ne peut venir à moi si cela ne lui est donné par le Père.” »
66
Dès lors, beaucoup de ses disciples s'en retournèrent et cessèrent de faire route avec lui. 67Alors
Jésus dit aux Douze : « Et vous, ne voulez-vous pas partir ? » 68Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur,
à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle. 69Et nous, nous avons cru et nous avons connu
que tu es le Saint de Dieu. » 70Jésus leur répondit : « N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les
Douze ? et cependant l'un de vous est un diable ! » 71Il désignait ainsi Judas, fils de Simon l'Iscariote ;
car c'était lui qui allait le livrer, lui, l'un des Douze.
Ce ne sont désormais plus les seuls Juifs qui quittent Jésus, mais ses propres disciples et Jean
mentionne par deux fois qu'ils sont beaucoup. En utilisant le terme "disciple", l'évangéliste peut
évoquer une situation de crise propre à sa communauté. Mais il permet aussi à chaque lecteur, appelé à
devenir disciple, de mesurer les exigences de la foi et la place centrale de l'eucharistie dans la vie de
l'Eglise.
L'insistance sur le réalisme de l'eucharistie dans les vv. 53-59 ne doit pas se traduire par une
interprétation magique du sacrement : "c'est l'Esprit qui fait vivre, la chair ne sert de rien" (v. 63). La
communion du sacrement a pour but ultime de faire entrer en communion avec Jésus.
Dans cette épreuve de vérité où beaucoup partent, Jésus demande à ses plus proches de refaire
leur choix : Simon-Pierre, porte-parole des Douze, proclame son attachement à Jésus à la première
personne du pluriel : "Seigneur à qui irions-nous ?". Avec ses compagnons, il reste parce que Jésus a
les paroles de la vie éternelle. Mais le récit s'achève par la mention du traître (vv. 70-71). Ainsi le
grand chapitre 6 prend fin sur une mention tragique qui laisse entendre que la fidélité n'est jamais
acquise et qu'elle peut même basculer dans la trahison.
CONCLUSION
Ce chapitre 6 se présente comme un épisode de la vie de Jésus de Nazareth. Certes, la Galilée
ne s'est pas montrée aussi hostile que Jérusalem, mais elle s'est, elle aussi, refusée à croire en Lui. Un
petit groupe demeure fidèle mais en son sein se trouve un homme qui finira par trahir.
A travers les auditoires successifs (foule, juifs, disciples, Douze), le narrateur présente une
expérience toujours actuelle : la difficulté pour l'homme de demeurer ouvert à la nouveauté de Dieu.
Ici Jésus éclaire le devenir de la foi en elle-même : celle-ci advient dans une rencontre, une synergie,
entre Dieu qui attire et l'homme qui accueille.
Certes, la perspective de la mort de Jésus sous-tend le texte tout entier mais ce qui ressort de
son ensemble, avec un extrême relief, c'est la promesse de la vie. Cette promesse est énoncée, réitérée,
explicitée et confirmée, pour le présent et pour le dernier jour, en corrélation avec le verbe "croire".
Dans ce récit, Jésus se désigne comme étant lui-même le Pain de la Vie que donne le Père, il se
dit Pain vivant. Son origine est analogue à celle de la manne ; mais l'envoyé céleste, qui est de Dieu et
qui a vu Dieu, donne la vie définitive, celle que lui-même reçoit du Père.
Le chapitre 6 apparaît ainsi unifié comme une histoire qui débouche sur l'option de foi de Pierre
et comme une révélation symbolique qui s'épanouit à deux niveaux intrinsèquement reliés entre eux :
celui de la personne de Jésus de Nazareth descendu du ciel pour vivifier les hommes (message
essentiel) et celui de l'eucharistie, qui ne trouve sens que par référence au premier niveau.
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Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014.
Plan :
INTRODUCTION ............................................................................................................................................. 48
1 LE SIGNE DES PAINS (6,1-15) ................................................................................................................ 48
11 Rapport avec les évangiles synoptiques..................................................................................................... 48
12 La mise en scène (vv. 1-4) ................................................................................................................................ 49
13 Le signe (vv. 5-15)............................................................................................................................................... 49
131 L'arrière-fond biblique ................................................................................................................................................ 49
132 La préparation du repas (vv. 5-10) ........................................................................................................................ 50
133 Le repas (v. 11) ............................................................................................................................................................... 51
134 Le surplus de pains (vv. 12-13) ............................................................................................................................... 51
134 Jésus devant la réaction de la foule (vv. 14-15) ................................................................................................ 51
2 LE SIGNE DE LA MARCHE SUR LES EAUX (6,16-21)........................................................................ 52
3 LE DISCOURS A CAPHARNAÜM (6,22-59) ......................................................................................... 53
31 1ère partie du discours (vv. 26-31) ................................................................................................................ 53
32 2ème partie du discours (vv. 32-46) ............................................................................................................... 53
33 3ème partie du discours (vv. 47-52) ............................................................................................................... 54
34 4ème partie du discours (vv. 53-59) ............................................................................................................... 54
4 LE DIALOGUE FINAL AVEC LES DISCIPLES (6,60-71) .................................................................... 55
CONCLUSION ................................................................................................................................................... 55
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