Une femme chef d`orchestre_mediapart_29102013
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Une femme chef d`orchestre_mediapart_29102013
Date : 28/10/2013 Pays : FRANCE Surface : 96 % Mots : 648 > Lire cet article sur le site web Une femme chef d'orchestre ne peut pas "assurer le service après-vente de la maternité" Bruno Mantovani, compositeur et directeur du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, récemment interviewé par France Musique sur une parité inexistante dans le métier de chef d'orchestre (5% des concerts sont dirigés par des femmes, selon l'étude 2012/2013 de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques), a déclaré que « l es ambitions peuvent être très différentes chez un homme et chez une femme ».Le chapelet a ensuite été méthodiquement égrené :« Les femmes ne sont pas forcément intéressées (...) Je ne peux pas mettre une baïonnette derrière chaque étudiante du Conservatoire en écriture ou en instrument qui aurait des capacité de direction pour la forcer à faire ce métier-là ! Il y a aussi des problèmes de maternité qui se posent. Une femme qui veut avoir des enfants va avoir du mal à avoir une carrière de chef d'orchestre qui peut s'interrompre du jour au lendemain pendant quelques mois et puis à assurer le service après-vente de la maternité. Élever un enfant à distance, c'est pas simple. Alors, vous me direz que les hommes sont dans le même cas, mais malgré tout, le rapport d'un enfant à sa mère n'est pas celui d'un enfant à son père. Il y a aussi un frein physiologique : le métier de chef est un métier qui est particulièrement éprouvant physiquement ».Admettons, ce que soumet Monsieur Mantovani dans une lettre de justification parue peu de temps après, que l'expression « service après-vente » puisse être prise au « second degré ». Mais pour comprendre un second degré, il faut bien passer par le premier. L'énigme perdure, donc. « Service » à qui ? A son enfant ? Ou à son conjoint en sacrifiant sa carrière professionnelle au nom d'un rapport maternel privilégié ? Privilégié par nature ou par culture ? Le sujet n'est même pas effleuré.Les femmes se détourneraient d'elles-mêmes de ce métier trop « éprouvant ». Pourquoi ne se détourneraient-elles pas des métiers d'infirmière, urgentiste, sportive de haut niveau, chef cuisinier... ? Là encore, mystère.Personne ne demande à Monsieur Mantovani de « mettre une baïonnette derrière chaque étudiante » . Il pourrait toutefois mettre à la porte certains professeurs - dont le célèbre Jean-François Zygel qui refuse systématiquement que des femmes intègrent sa classe d'écriture dans cette institution publique qu'est le Conservatoire de Paris. Il pourrait aussi s'abstenir de diffuser des propos renforçant la misogynie ordinaire. Certaines jeunes femmes intègrent malgré elles le « c'est pas pour moi » et se sentent déjugées avant même d'avoir tenté leur chance.C'est contre ces préjugés que se bagarre Laurence Equilbey, une des rares chef d'orchestre du paysage musical actuel. Elle note qu' « o n a toujours du mal avec l'incarnation du pouvoir et de l'autorité chez la femme » . Extrait d'interview accordé à La Lettre du Musicien :« Comment expliquez-vous cette présence particulièrement faible des femmes à la tête des structures culturelles, et notamment en musique classique ?Comme l'explique très bien la philosophe Geneviève Fraisse, un acte artistique, en particulier théâtral, est un acte politique. Or tout ce qui est en lien avec le pouvoir, la jouissance, a toujours été quasiment interdit aux femmes. Le collectif La Barbe [groupe d'action féministe, NDLR] a récemment ciblé Luc Bondy, le directeur du théâtre de l'Odéon, qui a avoué ne pas avoir fait attention à cette situation. Pourtant, la présence des femmes dans le spectacle vivant est plus faible que dans l'armée! Et la musique classique est l'un des genres les plus conservateurs: par exemple, une seule maison d'opéra est dirigée par une femme. Or les femmes sont nombreuses à sortir chaque année des meilleures écoles... Je connais une étudiante qui vient de finir brillamment ses études de direction d'orchestre au Conservatoire de Paris, mais elle est la seule de sa promotion à ne pas avoir de travail » Tous droits de reproduction réservés