Heurs et malheurs de l`hôtel de la Croix d`Or

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Heurs et malheurs de l`hôtel de la Croix d`Or
Heurs et malheurs de l’hôtel de la Croix d’Or
Entre la rue Saint-Agnan et l’impasse de l’Annonciade, face à l’église, s’élève un
bâtiment ancien et imposant : c’est l’ancienne hôtellerie de la Croix d’or. Cet hôtel est
attesté dès le milieu du 17ème siècle. Laverdis, un voyageur de passage à Cosne, écrit
alors (1) : « … à la Croix d’Or, où, en arrivant, je découvray une grande place ornée de
noyers d’une hauteur considérable. Ce qui me remit un peu de la mauvaise idée que
j’avois conçue de la situation de la ville. »
L’hôtel de la Croix d’Or tel que l’imaginait Amédée Jullien en 1879
En 1710, l’hôtel est mentionné dans un acte de sépulture dressé par le curé de
Saint-Agnan (2) : « Le quatorze janvier 1710 a été inhumée dans le cimetière de cette
paroisse une fille inconnue, trouvée morte dans l’écurie de la Croix d’Or, âgée d’environ
12 ans, de poil brun, inhumée avec les cérémonies accoutumées ».
Sépulture du 14 janvier 1710
Le 28 mars 1764, le propriétaire, Edme Asselineau, vend son auberge à Pierre
Babaud de La Chaussade, maître de forges à Cosne, qui y logera des ouvriers (3).
L’acte de vente (4) est signé devant maître Breuzard, notaire à Cosne. On peut
y lire une description assez précise des bâtiments :
« A savoir la totalité du logis où pend pour enseigne la Croix d’Or … consistant en
plusieurs chambres hautes et basses, cuisine, greniers, cour, écuries, caves, autres
aisances et dépendances ». Cet ensemble de bâtiments « tient d’une part du soleil levant
à la grande rue du faubourg qui fait le chemin de Paris à Lyon ; d’autre part derrière du
soleil couchant à une petite rue qui descend du cimetière de Saint-Agnan à la rivière de
Noin ; du midi à une rue qui conduit à la rivière de Loire par le port de la Madeleine. » Il
comprend aussi un jardin situé dans le faubourg de Saint-Agnan.
Extrait de l’acte de vente de la Croix d’Or
par Edme Asselineau à Pierre Babaud de
La Chaussade en 1764
La paroisse Saint-Agnan, le cimetière
et l’hôtel de la Croix d’Or d’après un
plan de 1765
A l’aube du 19ème siècle, les lieux sont en piteux état, ainsi que le constate le
maire de Cosne, dans un courrier adressé au sous-préfet le 12 mars 1804 : « … je me
suis aperçu que le bâtiment national connu sous le nom de la Croix d’Or menace d’une
ruine très prochaine et qu’il est très urgent que vous nommiez des gens de l’art pour en
faire la visite et constater son état actuel sur un procès-verbal. »
Le lendemain, les citoyens Bertrand, maître charpentier, et Sadrin,
entrepreneur de bâtiments, font la visite des lieux. « Il est résulté du rapport des deux
experts que ce bâtiment était réellement inhabitable et qu’il menaçait d’une ruine
prochaine. »
Le 4 mai 1804, le premier adjoint au maire de Cosne s’étonne « qu’il ne fût pas
déjà arrivé des accidents à ceux qui l’habitaient … [car] il a été reconnu que ce local était
réellement dans le plus mauvais état. »
Le nouvel alignement de la rue Saint-Agnan prévoit que le tracé de la voie
« prendra 21 pieds au moins sur ce local, il n’en restera que la plus mauvaise partie et
celle qui tombe de toute part. » Le premier adjoint informe le sous-préfet que « ce qui
restera pourrait devenir utile à la commune pour par la suite, en le faisant rétablir, y
placer un établissement public. » Il sollicite donc « l’abandon de cette vieille masure et
tout ce qui en pourra rester quand la route aura pris ce qu’elle doit y prendre… La
commune de Cosne, si vous pouviez parvenir à le lui procurer, le regarderait comme un
dédommagement d’un très vaste cimetière (5) qui lui appartenait et qui a été aliéné par le
gouvernement dans des temps fâcheux passés. »
Malgré plusieurs relances, le maire de Cosne n’obtient aucune réponse à son
inquiétude renouvelée « de voir s’écrouler ce bâtiment tout à coup et peut-être
occasionner des accidents », ni à son souhait de le voir attribué à la commune. Bien au
contraire, l’ancien hôtel est vendu par adjudication comme bien national le 10 juin
1805.
Le 25 juillet 1810, le préfet ordonne par arrêté « la démolition d’une partie de la
maison de la Croix d’Or. », comme le prévoyait le nouvel alignement de la rue SaintAgnan. Le 27 août, le maire avise le sous-préfet que « la démolition est commencée. »
Lettre du maire au citoyen sous-préfet, 12 mars 1804
Après 1810, l’édifice, habité par divers particuliers, disparaît des archives. Il
réapparaît un siècle plus tard, au cours de la première guerre mondiale. Il est alors
réquisitionné pour abriter un hôpital de la Croix-Rouge, ainsi qu’en témoignent les
deux cartes postales ci-dessous :
Depuis, l’ancien hôtel de la Croix d’Or a retrouvé une nouvelle jeunesse.
Racheté et réhabilité par la SA HLM de la Nièvre en 1999, il est aujourd’hui reconverti
en « résidence Saint-Agnan » et abrite plusieurs locataires.
(1) François BILLACOIS, Voyager en Val de Loire nivernais et berrichon au XVIIème siècle
(2) Voir Cosnoisette de janvier 2010 L’homme ou la bête ? http://www.mairiecosnesurloire.fr/uploads/Vie_culturelle/Lhommeoulabete.pdf
(3) Alain BOUTHIER, La réalisation des forges de Cosne-sur-Loire par Babaud de La Chaussade
(4) Archives départementales de la Nièvre, 3 E 7/97
(5) voir plan de 1765
Sources Archives municipales de Cosne :
DD 8 Plan d’alignement de la grande route, 1787
GG 22 Registre paroissial de l’église Saint-Agnan, 1709-1719
2 D 7 Registre de correspondance, an XI - 1811

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