Les emprunts médiatiques : De l`actualité à l`implantation

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Les emprunts médiatiques : De l`actualité à l`implantation
Les emprunts médiatiques :
De l’actualité à l’implantation
TATIANA EL-KHOURY∗
Résumé : Cet article tente de démontrer l’impact du contenu événementiel des médias sur
l’intégration des emprunts en arabe. Il part d’une observation des usages
discursifs dans les médias arabes, l’objectif étant de retracer « le cycle de
l’emprunt » notamment celui qui concerne une actualité développée et reprise par
les médias de façon intensive et sur une courte durée, et de comprendre comment
l’emprunt médiatique peut s’inscrire dans la durée tout en étant issu de l’actualité.
Dans la plupart des études consacrées à l’emprunt, ce phénomène est
envisagé essentiellement d’un point de vue lexical et inter-linguistique1. Les
définitions insistent sur le transfert d’une partie ou de la totalité d’une unité
lexicale d’une langue A vers une langue B. Pour les langues indoeuropéennes, l’emprunt a donné lieu à des travaux détaillés et approfondis
depuis plus d’un demi-siècle 2 ; mais il existe peu de travaux exhaustifs
concernant la langue arabe3.
Cependant quelle que soit la langue concernée par le phénomène de
l’emprunt, il apparaît que la perspective d’étude linguistique éclipse
largement le point de vue discursif. En d’autres termes, l’emprunt est étudié
de façon générale sans tenir compte des domaines de comparaison au sein de
chaque langue. Il nous semble, cependant, qu’une distinction des emprunts en
fonction des domaines et des genres est plus précise parce qu’elle permet de
cerner le phénomène aussi bien en diachronie qu’en synchronie.
D’un point de vue diachronique, c’est la comparaison entre deux états
de la même langue et une « interruption dans la remontée étymologique »
(Deprez 95 : 2) qui permettent de situer dans le temps l’apparition des
emprunts, de leur donner une signification historiquement datée et d’étudier
leur évolution sémantique et morphologique. D’un point de vue synchronique,
∗
Interprète diplômée de l’ETIB – Doctorante à l’Université Lumière – Lyon 2 et ATER à
l’Université Stendhal – Grenoble 3.
Tatiana EL-KHOURY
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la comparaison entre les langues, qui est à la base des recherches actuelles sur
l’emprunt, met l’accent sur le déplacement du terme dans la géographie des
langues. L’emprunt se situe de fait à la croisée des axes spatial et temporel et
il n’est pas évident de pouvoir embrasser les deux en même temps, surtout
lorsque les dictionnaires étymologiques et historiques sont inexistants comme
c’est le cas en arabe.
C’est à partir d’une étude suivie des articles publiés dans des médias
de grande diffusion4 que nous avons essayé de retracer ce que nous pourrions
appeler « le cycle de l’emprunt » : de son apparition dans un média
particulier à son implantation lexicalisée dans la langue arabe en passant par
les différentes étapes d’hésitation et de variation dans l’usage médiatique de
l’emprunt.
L’ « emprunt
concepts
médiatique »,
une
dénomination
pour
deux
Par « emprunt médiatique », il ne faut pas seulement comprendre
l’emprunt qui apparaît sur des supports médiatiques (radio, télévision, cinéma,
Internet…), mais également l’emprunt qui concerne une actualité développée
et reprise par les médias de façon intensive et sur une courte durée (ce qui en
fait un emprunt médiatique à la manière d’un acteur médiatique). En effet,
l’observation des usages discursifs dans les médias qui ont été pris comme
source pour cette étude nous permet de mieux définir la nature de l’emprunt
médiatique comme phénomène d’actualité et de suivre son intégration
progressive. Ainsi pouvons-nous définir deux grandes catégories d’emprunts
« d’actualité » dans les médias. Ces catégories correspondent à des tendances
et mériteraient une étude approfondie, c’est pourquoi nous nous contentons
ici de les présenter de façon synthétique pour nous concentrer sur l’étude
d’un cas d’illustration qui nous paraît significatif de la problématique
générale (voir infra).
Il y a d’une part, l’emprunt événementiel qui s’impose dans les
médias sous l’effet d’une actualité « chaude », d’un événement majeur qu’il
serait inimaginable de ne pas le traiter dans les médias, par exemple la
catastrophe du tsunami fait partie des événements incontournables quel que
soit le média considéré.
Il y a d’autre part, l’emprunt « de mode » qui, lui, est essentiellement
issu, non pas des exigences de l’actualité, mais bien davantage des choix
éditoriaux des médias. Par exemple telle ou telle mode musicale, culinaire ou
vestimentaire qui sera mise en avant et reprise par les acteurs médiatiques des
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pays arabes, relayant du même coup la « mode » ponctuelle et éphémère5.
Que l’emprunt intègre la langue arabe sous la pression des
événements du monde (cas n˚1) ou bien sous l’influence des choix éditoriaux
(cas n˚2), il reste très marqué par son caractère d’actualité ponctuelle et
passagère. De la sorte, la question de fond concernant l’emprunt médiatique
dans son ensemble est la suivante : comment l’emprunt peut-il s’inscrire dans
la durée tout en étant issu de l’actualité ?
Cela ne signifie pas que tous les emprunts doivent s’implanter
durablement dans la langue, mais les mécanismes d’intégration et le
processus d’évolution des termes doivent être étudiés de près pour
comprendre le fonctionnement même de la langue face aux lexies empruntées.
Pour ce faire, il convient d’abord d’analyser les mécanismes d’adaptation des
lexies en arabe avant d’exposer un exemple détaillé illustrant le phénomène
de l’emprunt médiatique.
De l’adaptation à l’adoption
En parlant des emprunts, les linguistes usent d’un ton humoristique
« ils parlent pudiquement d’ « emprunts » chaque fois qu’une langue prend
des mots à sa voisine tout en n’ayant pas la moindre intention de les lui
rendre un jour » (Walter 97 : 10). Cette curieuse forme d’échange qui n’a
d’emprunt que le nom obéit pourtant à un processus de « naturalisation »
(Bavoux 93) au risque de perdre parfois certains traits de son identité.
Comment imaginer, sous leur allure arabe, que des quantités de mots soient
des étrangers bien acclimatés dans la langue de Sîbawayhi ? Quel locuteur
" (du syriaque « Sghèd »,
arabe natif pourrait douter un instant que " « s’agenouiller ») ou "
" (du perse , « apparence ») n’aient pas été
créés en arabe puisqu’ils sont parfaitement intégrés au système de cette
langue ? L’analyse des procédures d’intégration est une étape obligée des
études sur l’emprunt ; elle débouche sur l’établissement d’une échelle de
critères constituant des indices d’intégration, des mesures à partir desquelles
on évalue la distance qu’une unité linguistique garde par rapport à la langue
d’accueil, on décide de son statut d’emprunt véritable ou de xénisme6.
Les critères généralement retenus par la majorité des linguistes se
situent à deux niveaux (cf. Deroy 56) :
• ils concernent, d’une part, la structure des langues en contact et la
capacité qu’elles ont de se plier l’une à l’autre ; c’est ce que l’on
appelle l’intégration morphosyntaxique, sémantique et phonétique ;
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•
ils concernent, d’autre part, tous les signes graphiques qui, à l’écrit,
rendent compte des modalités d’insertion dans le texte et de la façon
dont l’énonciateur situe les emprunts qu’il fait : utilisation de
guillemets, soulignages divers, italiques ou gras...
Pour ce qui est des signes graphiques, les journalistes arabes ne lésinent
pas sur leur emploi et il est fréquent de rencontrer, dans les textes arabes,
divers signes typographiques (parenthèses, guillemets, crochets, barre oblique,
tiret) devançant ou délimitant des emprunts récemment adoptés.
En outre, l’opposition entre langue prêteuse et langue emprunteuse 7
permet de classer l’emprunt comme un fait linguistique, analysable au niveau
phonétique, morphologique/syntaxique et sémantique8.
1- L’adaptation phonétique
En passant d’une langue à une autre, les mots sont susceptibles d’être
adaptés phonétiquement afin de mieux convenir aux sons de la langue
d’accueil. En effet, les systèmes phonétiques des différentes langues ne
coïncident pas dans la majorité des cas, c’est pourquoi l’emprunt va subir, en
arabe, une substitution des sons d’emprunt par les sons les plus proches du
système phonologique de cette langue. En voici les cas les plus récurrents
lors de l’emprunt au français :
a- Substitution des voyelles françaises
Les deux sons [e] - [ə] se prononcent [i] comme dans « cinéma » :
Le [o] est prononcés [u] : « Oxygène » : Le [ã] est prononcé [an] : « pantalon » : arabisé par la suite en
b- Substitution des consonnes françaises
Le [v] se prononce [f] : « volt » : / Le [p] se prononce [b] : « Le Pape » : !# 9
Le [k] se prononce [q] ou [k] : « capitaine » : !$
Toutefois, la prononciation reste largement tributaire de la
transcription graphique des emprunts qui semble caractérisée par « un
manque de systématicité et une hésitation impressionniste commandée par le
libre-arbitre des journalistes » (Morsly 95 : 43). Le fait que les transcriptions
graphiques transcrivent tantôt les phonèmes, tantôt les variantes des
phonèmes, qu’un même phonème puisse recevoir différentes transcriptions
tandis que des phonèmes différents peuvent être transcrits par le même signe
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graphique le prouvent. L’orthographe de « démocratie », par exemple, reste
très fluctuante ; elle varie entre "%&#'()" et "%&#'$)" bien que cet emprunt ait
été adopté depuis plusieurs décennies.
2- L’adaptation morphosyntaxique
Lorsqu’un emprunt intègre une langue, il subit une adaptation
morphologique et/ou syntaxique afin de mieux respecter ses règles
grammaticales et son système syllabique. Comme le fait remarquer André
Roman (1987 : 182), le système de nomination arabe est menacé par le non
respect du système syllabique. Il est doublement attaqué par les emprunts et
la pression des langues régionales :
Au demeurant, le système de nomination par racines de consonnes est
menacé par les atteintes portées au système syllabique
S = [CV,CVC]
qui en est indissociable. En effet, ce système n’est pas constamment
respecté dans les emprunts. […] Surtout, le système syllabique propre à la
langue arabe est investi par le système syllabique très différent des langues
arabes régionales qui sont les langues maternelles de ceux que l’on appelle
les arabophones et qui ne sont arabophones que par elles.
Ainsi l’emprunt "" « mâkîna(t) » qui se découpe en /CV.CV.CVC/
ne porte pas atteinte au système syllabique de l’arabe contrairement à
« » « hîmûghlûbîn » dont le découpage est /CV.CV.CCV.CVC/.
De plus, pour éviter en début de mot des syllabes de type /CCV/, une
« hamza prothétique » (Lelubre 1992 : 265), vocalisée généralement /i/ si la
consonne initiale est sans voyelle, sera ajoutée comme dans « stéroïde »
adapté en arabe en "" /’istirûyid/.
Par ailleurs, l’arabe n’hésite pas à adapter ses emprunts de sorte que ces
termes puissent être facilement fléchis selon des formes plurielles existantes
(pluriel brisé ou pluriel externe féminin). Les emprunts intégrant l’arabe ne
seront pas fléchis dans le respect de la langue de départ car, contrairement à
l’anglais, la pluralisation étrangère (ex. : criterion/ criteria) n’est pas
envisageable en arabe. Mais il arrive qu’une lettre épenthétique soit
introduite pour adoucir une articulation inhabituelle ou éviter un hiatus. C’est
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le cas de la lettre "" dans les pluriels "*+,. / *+,-#" sans laquelle la
lettre "" sera prononcée comme une semi-consonne.
En intégrant la langue arabe, les emprunts changent parfois de genre10.
Ainsi des mots comme « télévision » et « radio » deviennent masculins en
arabe sans raison apparente excepté peut-être, et c’est là une supposition, le
fait qu’on sous-entend inconsciemment l’introducteur arabe "/01" quand on
évoque ",#." et ",234".11
3- L’adaptation sémantique
Le phénomène de l’adaptation sémantique est une étape d’assimilation
dans laquelle le mot emprunté dépend de son nouvel environnement et se
retrouve appliqué à des notions qui ne sont pas complètement identiques à
celles désignées par la langue source. Le mot emprunté est alors considéré
comme bien intégré et « joue sans complexe le jeu de la nouvelle langue »
(Dème 95 : 17). On distingue plusieurs types d’adaptation sémantique,
lesquels varient selon la nature de la modification. Dans la majorité des cas, il
y a maintien du sens original, mais il peut y avoir aussi restriction ou
extension de sens et même spécification.
a- Restriction de sens
Lorsqu’une idée générale en vient à designer une notion particulière, on
parle de restriction de sens ou de spécialisation sémantique. L’emprunt
"5,6", par exemple, ne recouvre pas tous les sens du mot français
« modèle ». Il est surtout employé comme équivalent de « type » dans
certains domaines tel que celui de l’automobile. Pour exprimer le sens de
« mannequin », les arabes utilisent "7,/ %8.9" ou encore ":" pour
rendre le sens de « modèle économique ».
b- Extension de sens
Il s’agit ici des mots qui élargissent leur sens propre soit en passant d’un
hyponyme à un hyperonyme 12 et désignent par là toute une classe
d’objets, soit par ajout au sens initial de nouveaux traits conceptuels par
la force de l’usage ou grâce aux tropes (métaphore, métonymie…). À titre
d’exemple, le mot arabe "%
;'<=6" ne désigne pas seulement les
« macaronis » - sorte de pâtes en forme de tube – mais presque tous les
types de pâtes (spaghettis, tagliatelles, coquillettes, pennes…). Il n’est
plus le terme désignant une catégorie mais le terme générique. Il en va de
même pour "%,." qui, au-delà de la « batterie », désigne la « pile » et
même par métonymie la « lampe de poche » dans certains usages
discursifs.
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c- Spécification
Il s’agit des cas où les mots empruntés revêtent une signification tout à
fait différente de celle de la langue source. C’est là d’ailleurs que nombre
de faux amis trouvent leur explication. Ainsi "%8
" n’a rien d’une
« limonade » au sens moderne du terme - sorte de boisson gazeuse
incolore, sucrée et parfumée au citron – et il serait judicieux de
commander une « citronnade » si l’on désire se rafraîchir avec un jus de
citron additionné d’eau. Le changement sémantique a été d’autant plus
facile dans ce cas que le mot « limonade » est probablement un emprunt à
l’espagnol « limonada » lui-même formé à partir du mot arabe ""
construit avec le formant perse ">".13
L’emprunt médiatique : le cas de « tsunami »
Si l’emprunt de mode est le fruit d’une décision éditoriale délibérée,
l’emprunt événementiel est tributaire, lui, d’événements souvent inattendus
tels que les coups d’états, les prises d’otages, les épidémies et pandémies, les
catastrophes naturelles etc. Et c’est précisément ce caractère fortuit de
l’emprunt d’actualité qui permet de mieux étudier l’intégration et la
productivité des emprunts puisque les conditions d’implantation dans la
langue d’accueil ne sont pas dictées par des choix réfléchis mais par le
tandem « événementialité » – acceptabilité. Pourtant, l’emprunt événementiel
n’est pas spontané puisqu’il est d’un usage collectif et d’une diffusion
généralisée ; il bénéficie, en outre, d’une fréquence d’usage (critère
quantitatif) et d’un degré d’acceptation (critère qualitatif) assez élevés14.
Partant des conditions d’implantation « authentiques » de l’emprunt
événementiel, nous exposons dans ce qui suit l’intégration du terme
« tsunami » dont le parcours fulgurant est typique de cette catégorie
d’emprunts. L’évolution du terme est suivie à deux niveaux : tout d’abord,
nous étudions sa fréquence d’usage sur le site de la chaîne satellitaire AlJazira, puis nous essayons de cerner son degré d’acceptation, non pas à
travers des sondages d’opinions - chose par ailleurs impossible puisqu’elle
nécessite une étude de terrain exhaustive - mais à travers des « dérivés » et
des emplois métaphoriques du mot « tsunami » parus dans différents
quotidiens et chaînes arabes. Nous partons, pour ce faire, du principe qu’un
emprunt ne commence à jouer le jeu de la langue que lorsqu’il est bien
accepté par les locuteurs (individu, collectivité, institutions...) ou pour citer
Deroy (1956 : 234) : « On peut dire qu’un emprunt est tout à fait entré dans
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l’usage quand il se prête à la dérivation ou à la composition au même titre
qu’un mot autochtone ».
Le 26 décembre 2004, les Arabes découvrent la signification d’un
terme qu’ils ne connaissaient pas : tsunami. Mot d’origine japonaise, il
signifie littéralement la « vague portuaire »15. Un tsunami est une série de
vagues océaniques hautes de plusieurs mètres qui peut survenir lors des
secousses d’une magnitude supérieure à 6,5 degrés sur l’échelle de Richter.
Toutefois, ce phénomène naturel bien connu au Japon, prit une dimension
internationale lorsqu’un tsunami dévastateur fit des centaines de milliers de
morts et des millions de sinistrés dans plus de 9 pays répartis entre l’Asie,
l’Afrique et l’Océan Indien. Et puisque les mots suivent les choses, les
médias ne tardent pas, pour les besoins pressants de l’information, à utiliser
le terme de « tsunami ».
Le graphique ci-dessous trace la progression de cet emprunt et de ses
deux variantes sur le site de la chaîne panarabe Al-Jazira du 26 décembre
2004 au 26 juin 2005 soit une période de 26 semaines16. Vu l’impossibilité
technique de calculer les occurrences des termes choisis, nous avons opté
pour le nombre d’articles qui en fait mention, l’essentiel étant d’observer la
tendance générale de l’évolution dans l’usage des termes. L’axe des abscisses
correspond aux 26 semaines étudiées et celui des ordonnées au nombre
d’articles dans lesquels figure les équivalents arabes de « tsunami » tous sens
confondus (propre et figuré) en l’occurrence "?6
4", "?6
-#", "@#22# AB#"17.
La progression de l’emprunt déterminé "?6
-#" a été délibérément séparée
de celle de "?6
4" pour des raisons qui sont explicitées infra.
Sur un total de 470 articles, 400 emploient le terme "?6
4", 64 B#"
"@#22# et seulement 6 articles "?6
-#". La distribution des données est
répartie de la manière suivante :
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23
90
80
70
60
50
40
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2
3
4
5
6
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11
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13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
0
Ce graphique de type linéaire présente une distribution unimodale
avec une pointe principale 18 et des valeurs largement dispersées. Cette
distribution est clairement dissymétrique : elle est désaxée vers la droite ou
positivement désaxée, étant donné que la plupart des données sont
concentrées à sa gauche. La principale pointe qui culmine à 85 points (= 85
articles), une semaine après le tsunami, ne reflète qu’une tendance passagère
puisqu’elle est suivie d’une tendance baissière en chute libre. De 85 points
durant la 2ème semaine, le nombre d’articles qui traitent du tsunami chute à 49
une semaine plus tard et à 31 la semaine suivante. Cette dégringolade révèle
le caractère passager de l’emprunt événementiel ; c’est d’abord une
information dépendant d’un canal qui lui donne son cachet événementiel. La
moyenne générale pour la période étudiée est de 2,19 avec un écart-type19
très significatif de 3,25. Cette moyenne contraste de façon frappante avec la
moyenne 12,14 de la 2ème semaine qui enregistre le plus grand nombre
d’articles.
Contrairement à d’autres médias, Al-Jazira a le mérite d’avoir adopté
un seul équivalent arabe non emprunté en l’occurrence "@#22# B#" alors qu’un
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foisonnement synonymique a caractérisé bon nombre de médias arabes. Mais
les pourcentages de "?6
4", dans ses deux formes déterminée et
indéterminée, et de "@#22# B#", respectivement 86,4% et 13,6%, montrent que
l’emprunt l’emporte largement sur l’équivalent traduit. Deux raisons peuvent
apporter des éléments de réponse :
•
•
Premièrement, la couverture exceptionnelle, dont a bénéficié cette
catastrophe naturelle, a fait connaître le référent auprès des locuteurs ;
par conséquent, l’emprunt n’a pas posé de problèmes d’interprétation.
Deuxièmement, et c’est là, à notre avis, la raison principale, le terme
« tsunami » a été perçu comme un nom propre et en tant que tel, il fut
considéré comme un appellatif qui exprime la quintessence de son
individualité et n’a donc pas besoin d’être traduit.
C’est dans cette deuxième raison que la disparité entre les
pourcentages de "?6
4" et "?6
-#" (respectivement 85,1% et 1,2%) trouve
son explication. C’est précisément pour préserver cette valeur onomastique
que la chaîne prive, dans une large mesure, le terme "?6
4" de l’article de
détermination « ’al » ou pour reprendre les propos de Kleiber (81 : 332) elle
lui refuse des déterminants « qui lui font perdre le caractère unique ou
singulier fréquemment assimilé à la marque spécifique qui oppose le nom
propre aux noms communs ». En effet, l’usage de l’emprunt indéterminé
couvre non seulement les cas où la morphosyntaxe l’exige, mais également la
grande majorité des cas, pour lesquels, en tant que nom commun, il aurait dû
être déterminé comme dans les exemples suivants :
& '( )*+" !"#$
9 ): & 23+ 4*)+ 5$63 7"8 ./# 0*1+ *+ ",!/ .? @!+ .? A BA +C & D+E > <= 5$;
.0*1+ 2005/4/29 •
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De l’actualité à l’implantation
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25
•
2005/6/24 !" #$ %&' (& )*
2$^ $R _+9 300 ] # & 5U >
•
2005/5/21 12! %'+ ,+* - .* !" /0
Dans les exemples susmentionnés 20 , le terme « tsunami » peut être
remplacé par l’un des nombreux noms de cyclones qui traversent la mer des
Caraïbes et les Océans Atlantique ou Indien sans que des changements
syntaxiques soient apportés. Pour les locuteurs arabophones « Tsunami »
aurait pu être Rita, Katrina, Andrew, Luis, Marilyn, Ivan, Erika ou Emily21.
En percevant ce nom commun comme un nom propre, on lui confère une
densité onomastique qui renvoie à une réalité dont il représente désormais
des aspects spécifiques en tant qu’expression d’un référent unique. On active
ainsi les trois fonctions principales du nom propre qui, selon Adam et
Bonhomme (1997), sont la fonction de singularisation (un événement bien
précis en un lieu et date donnés), la fonction de thématisation (une
catastrophe naturelle) et la fonction testimoniale (le nom témoigne de ce qui
s’est passé le 26 décembre)
Partant de là, l’on peut dire que l’emprunt événementiel se caractérise
par des emplois syntaxiques et sémantiques qui sont souvent présentés
comme des usages particuliers du nom propre et en tant que tel, il s’apparente
à l’antonomase22.
Pour le terme « tsunami », le passage nom commun-nom propre fut
possible en raison d’un ensemble de facteurs que nous pouvons résumer
ainsi :
Premièrement, la connaissance du référent qui est lié au souvenir d’un
extralinguistique bien connu des locuteurs,
Deuxièmement, l’opacité du terme « tsunami » qui a entraîné la
confusion du nom commun avec un nom propre,
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Troisièmement, l’internationalisation de cette appellation avec un
aménagement phonétique minimum. Cette internationalisation a été d’autant
plus rapide que les médias mondialisés comme Internet et les chaînes
satellitaires participent à la construction d’un espace transnational où la
transmission de l’information et des mots qui la véhiculent se fait de façon
quasi-simultanée et à l’échelle de la planète.
Lorsqu’un emprunt s’implante dans la langue d’accueil, il peut
fonctionner comme un mot autochtone et s’entourer d’un adjectif de relation,
d’un nom d’action, d’un verbe etc. La particularité de l’emprunt
événementiel réside peut-être dans l’accélération du processus d’implantation
qui va jusqu’à la productivité, comme si toutes les étapes de l’implantation
doivent s’effectuer en un temps record pour profiter de la « célébrité »
passagère de l’emprunt avant que le feu de paille ne s’éteigne et que
l’information ne soit plus d’actualité.
Dans ce qui suit, nous étendons l’étude à d’autres médias arabes pour
nous intéresser au comportement discursif du terme « tsunami » ainsi qu’à
certains de ses « dérivés » et emplois métaphoriques. Il est évident que le
comportement discursif d’un emprunt se mesure, en premier, à l’aune de son
insertion. Mais les procédures d’insertion des emprunts dans la presse se
caractérisent, comme l’a démontré l’étude, par l’hésitation et la diversité : les
unités empruntées tantôt tendent vers l’intégration à la langue d’accueil
(exemples 1 et 2), tantôt conservent des signes typographiques pour marquer
leur caractère étranger (exemple 3) tantôt mêlent les marques de l’une et de
l’autre (exemple 4) sans que l’on puisse dégager vraiment une systématicité.
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Ces différences de traitement sont intimement liées à des pressions
normatives variables. Les emprunts médiatiques apparaissent, en effet, dans
des contextes de focalisation sur le sens et par conséquent, à des moments où
la pression normative est plus relâchée (en raison des facteurs d’urgence
communicative). Cependant, l’hésitation entre l’intégration maximale et la
désyntaxisation (en refusant, par exemple, d’attacher l’article de
détermination à l’emprunt le considérant ainsi comme un xénisme) pourrait
être symptomatique d’une évolution.
En outre, l’insertion du mot commun « tsunami » « antonomasé » en
nom propre prend souvent la forme de ce que Claude et Jean Demanuelli
appellent l’incrémentialisation. Ce procédé consiste à introduire le contenu
d’une note ou d’une forme de commentaire dans le texte à côté du nom
propre (Demanuelli et Demanuelli 1995 : 91). Souvent l’incrémentialisation
revêt la forme d’un mot introducteur qui explicite le référent en indiquant à
quelle classe d’objets il appartient. Elle a des chances d’apparaître dans tout
texte assurant un contact interculturel.
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.2005 /5 / 19 /4)& ?@& 123 /$% 7!% 8%, 9 :!';& <=3> 5& 6#
Parfois, le mot introducteur est suivi de l’adjectif de relation23 issu du
terme « tsunami ». Cette construction adjectivale est d’autant plus facile que
l’emprunt comporte déjà la terminaison "C" ce qui l’apparente à un potentiel
adjectif prêt à s’accorder avec le nom qu’il qualifie :
3U# 9 G3+ ?{ & Xz y/ T `1
,!+ 4 ^!1Z,! "!")Z"% \!$,/ 6 5 # OYLY G2Z% N;& ! [S !'3L , :8/ W & .!*
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+ I%!2& e
Au niveau morphologique, l’hésitation dans l’attribution du genre, la
rareté des formes plurielles, des pronoms suffixés à l’emprunt et de ses
« dérivés » sont autant de preuves de la nouveauté du signifiant comme en
témoignent les exemple suivants:
Les emprunts médiatiques :
De l’actualité à l’implantation
29
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% #P&% ,5L D k& #
!$
.4 j 1794
L’hésitation entre le masculin et le féminin est probablement le
résultat de deux raisonnements différents ; le premier opterait pour le
masculin en raison d’une « analogie morphologique » avec les adjectifs de
relation masculins et d’une absence de signes féminins (...7 EF E%G); le
second supposerait un mot introducteur féminin (%J. EK'+L E%16) à l’instar
des exemples « radio » et « télévision » mentionnés supra. À l’évidence, ces
deux hypothèses nécessitent une étude approfondie qui dépasse le cadre de ce
travail.
!S* …e( =9 NRU+ _*3+ ' 1 h
.2004 /12/ 31 4 ,#& 123 ./0 ... !"#$% !$&'(&% !")& *'& + ,! Le pluriel de « ?6
4 » a été fléchi comme un pluriel féminin externe.
Mais en l’absence d’une lettre épenthétique (voir supra) qui éviterait qu’on
prononce la voyelle longue "C" [i] comme une semi-consonne [y], cette
dernière lettre a été doublée pour préserver le son de la voyelle. Avec cette
gémination, "*A6
4" reçoit un pluriel construit selon le modèle de E*A,M-$#"
"...*AN' E*A1<4 E*A$OP. Ce pluriel s’apparente à une forme existante en
arabe, celle du pluriel féminin de l’adjectif de relation.
…-s Q+
1 9 p "*" b/ P*#-s .? ‡8] 53F *9 €/^ p9
.2005 /01/ 30 #P 1584 /#4& /4)& ?@& 123 !")Z 3*i m&!@ + /n
L’ajout d’un pronom suffixe au terme « tsunami » demeure rare et se limite
généralement aux emplois figurés. En percevant « tsunami » comme un nom
30
Tatiana EL-KHOURY
propre, le possessif de la première personne indique une relation affective
entre le locuteur et le référent du nom propre. C’est le marquage, selon
Ballard (2001 :79), d’une relation d’appartenance à connotation affective.
(>Œ ) Sˆ‰Š 9 €f*+ .? 2f?3W+ 2"+ @T i#: P83 D? S; P 1+
...c$Ž+ Q#83
.2005 /1 /15 _)& ,!E'& op .!qqrqo'&% qPqqqq1q mqq(& ?) 6 # s#"
Dans ce dernier exemple, c’est un verbe qui est construit à partir de
« tsunami ». Etant donné que la dérivation en arabe se fait toujours à partir
d’une racine, les « dérivés » d’un emprunt vont forcément être issus d’une
racine sauf que dans ce cas, cette dernière ne préexiste pas au mot (en
l’occurrence l’emprunt) mais elle en est extraite a posteriori. En décrivant ce
schéma, Hamzé (98 : 70) souligne que « la constitution d’une famille pour le
mot arabisé, ne se fait pas directement ; elle se fait par un mouvement double
dans les deux sens : on passe du mot arabisé à une racine qu’on invente, puis
on passe de cette racine inventée aux nouveaux mots à créer ». Pour être
productif, l’emprunt doit générer une sorte de « patron », de modèle sur
lequel vont être construits ses « dérivés ». Le verbe "Q" dans l’exemple
précité est donc construit à partir de la racine [S ; T] et sur le schème
quadriconsonantique « 5
= » souvent utilisé pour les verbes issus de racines
d’emprunts. Toutefois, pour marquer le caractère innovateur du verbe "", il
est assorti d’un rappel entre parenthèses du terme d’origine.
En tant qu’emprunt médiatique, l’emprunt événementiel porte le
cachet du style journalistique friand d’expressions imagées. L’avantage du
nom propre métaphorique, ou du moins celui perçu comme tel, est d’être en
relation de similarité avec un thème pour lequel il assume un rôle descriptif.
Ce même rôle est également assuré par la comparaison. En voici quelques
exemples de métaphores et de comparaisons relevés dans des journaux
arabes :
& e p > w QUF9 N$u \v+ #;" :U: @!C n+< s#$ `
1"...X<O !"s
213 1839 /#4& 2005 /02/ 21 9'KL G5) AB& C#5B D !EB!@+ FG( #3 CH I J!
.18
Les emprunts médiatiques :
De l’actualité à l’implantation
31
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.19 j 1796 /#4& 2005 /01 / 5 d!4, G5) !f4& 7,!; h =i+ "!")Z" & V,$
L’avantage de la métaphore, comme le démontrent les exemples cidessus, est de permettre une représentation visuelle du concept en greffant sur
l’information référentielle une image facilement saisissable parce qu’elle
n’implique pas un niveau élevé d’abstraction. Il est à noter que l’usage
métaphorique de « tsunami » a été très fréquent en arabe. Certes, cette
catastrophe n’a pas frappé les esprits des Arabes plus que leurs homologues
européens ou américains. La mobilisation populaire, médiatique et
gouvernementale en Occident fut même plus importante que celle des pays
arabes. Le recours quasi-abusif aux métaphores en arabe révèle la
prédilection de cette langue pour le style imagé, mais peut-être aussi une
approche médiatique, notamment journalistique, qui favorise le sensationnel
sur l’informatif.
L’étude démontre donc l’amplitude du cycle d’une information
factuelle sur l’intégration d’un emprunt d’actualité. Cette intégration est
tributaire de la densité événementielle de l’information et de l’adaptation de
l’emprunt dans sa langue d’accueil. Toutefois, l’emprunt médiatique,
notamment l’emprunt événementiel, est condamné à une existence éphémère
à moins qu’il ne survive à l’actualité et rentre dans les usages discursifs
courants. Les médias arabes sont certes une « pépinière » d’emprunts, mais il
appartient à la langue et l’usage de décider de leur viabilité. Pour s’inscrire
dans la durée, l’emprunt événementiel, issu de l’actualité, doit abandonner,
Tatiana EL-KHOURY
32
pour ainsi dire, son « événementialité » et se lancer hors des cercles de
diffusion médiatique.
NOTES
1
- Il s’agit de l’emprunt externe différent du calque ou de l’emprunt interne entre différents
domaines. Pour les définitions de l’emprunt lexical, voir Mounin 93 et Dubois et al. 94
2
- Pour les travaux sur l’emprunt en français, voir Deroy 56, Walter 94, Walter 97 et Loubier
03.
3
- L’ouvrage de référence en la matière reste celui de Baccouche 94.
4
- Les sources médiatiques sont la chaîne Al-Jazira, le quotidien Asharq Al-Awsat, le
quotidien saoudien Al-Watan, les deux quotidiens libanais An-Nahar et Al-Mustaqbal et le
quotidien jordanien Ad-Dustour.
5
- Ce type d’emprunt témoigne des changements en cours et, en tant que tel, c’est un
marqueur social qui peut caractériser par exemple, le parler de certaines classes d’âge ou les
usages de certaines catégories socioculturelles. C’est aussi une manifestation de la volonté
d’imiter une culture alors sentie plus prestigieuse. L’arabe « branché » est émaillé de tels
emprunts qui, souvent, ne dépassent pas l’effet de mode et ne se lexicalisent pas.
6
- Pour le Grand dictionnaire terminologique, est un xénisme « toute unité lexicale constituée
par un mot d’une langue étrangère, qui sert à dénommer une réalité typiquement étrangère,
propre à la culture des locuteurs de cette langue, qui n’a pas d’équivalent dans la langue
d’accueil et qui est perçue comme comportant un caractère exotique ».
7
- Bokamba 88 parle de « host and recipient language ».
8
- Pour les étapes de l’arabisation des emprunts chez les grammairiens arabes, voir Hamzé 98
9
- Du latin « papa », toutefois l’adaptation phonétique est la même qu’en français.
10
- Pour les emprunts en français, l’évolution de la répartition entre les genres est
spectaculaire. De 36% de masculins et 64% de féminin en ancien français, les proportions
sont passées en français contemporain à 81% et 19% respectivement. Avec les emprunts au
latin, au grec et aux langues romanes, la conservation du genre étymologique était la règle en
français. Mais avec l’anglais et les langues lointaines, la neutralisation du genre est presque
systématique et le masculin devient la règle. Sur la productivité du masculin et du féminin en
français, voir Roché 92.
Les emprunts médiatiques :
De l’actualité à l’implantation
33
11
- Pour parler d’un changement de genre, les emprunts doivent être empruntés à une langue
qui, contrairement à l’anglais, admet le féminin et le masculin pour les animaux et les choses.
Dans le cas présent, les deux termes "" et "
" sont des emprunts au français pour des
raisons historiques évidentes et pour avoir été transcrits à partir de la prononciation française.
12
- D’après le Grand dictionnaire terminologique, un hyperonyme est un « terme dont le sens
inclut le sens (ou les sens) d’un ou de plusieurs autres termes appelés alors hyponymes ».
13
- Ce formant a d’ailleurs donné naissance à une appellation d’une variété de citron, la
« lime », fruit du limettier qui est un citron vert à la peau mince et au jus amer.
14
15
- Voir à ce sujet Hamers et Blanc 83
- Tsunami, du japonais 津 tsu, port, et 波 nami, vague.
16
- Il est à noter que le moteur de recherche du site Internet de la chaîne en question ne donne
aucun résultat pour "
" et ses variantes avant le 26 décembre 2004.
17
- « Tsunami » reçoit pour équivalent arabe une traduction sémantique car la traduction de
l’étymon reste très opaque.
18
- D’autres graphiques peuvent compter deux pointes (distribution bimodale) ou plus de
deux pointes (distribution multimodale).
19
- L’écart type (ou déviation standard) est un critère de dispersion. Il mesure l’écart à la
moyenne observée (et non à la moyenne théorique). Il se note avec la lettre de l’alphabet
grec, σ (sigma). L’écart type est toujours positif et est nul si la série statistique est constante.
Généralement, plus les valeurs sont largement distribuées, plus l’écart type est élevé.
Cependant, il n’est pas toujours facile d’évaluer l’importance que doit avoir l’écart type pour
que les données soient largement dispersées. L’importance de l’écart type dépend de
l’importance de la valeur moyenne de l’ensemble des données. C’est pourquoi, on a recours,
dans certains cas, à l’écart type relatif (c’est-à-dire le quotient de l’écart type sur la
moyenne : σ/moyenne). Pour la distribution des valeurs de la pointe principale (celle de
« tsunami »), l’écart type relatif est de 1,48. Pour plus d’informations, consulter le site
Statistique Canada.
20
- Dans le dernier exemple, il ne s’agit pas d’ « un tsunami » mais bien du « tsunami ». Les
déterminations du lieu (Asie) ou de la date (le 26 déc.) sont désormais superflues. Il s’agit,
selon les termes d’Ulrika Dubos (94 : 104), d’une « reprise mémorielle qui reprend une
donnée ou une personne bien connue du ou des locuteurs, mais qui n’a pas nécessairement
Tatiana EL-KHOURY
34
été mentionnée dans un segment de discours antérieur ». La reprise mémorielle s’oppose à la
reprise contextuelle dans laquelle l’ellipse porte sur un élément mentionné antérieurement
dans le discours telle que la reprise, dans un texte donné, de « la greffe d’organes » par « la
greffe ».
21
- Depuis près de deux siècles, on distingue chaque cyclone tropical par un prénom.
Jusqu’au début du 20ème siècle, les ouragans qui frappaient les îles espagnoles des Caraïbes
étaient nommés selon le saint patron du jour. Mais les véritables initiateurs de l’emploi des
prénoms pour les phénomènes naturels, et notamment les cyclones, sont probablement les
marins américains qui leur attribuaient le prénom de la petite amie de l’un ou de l’épouse de
l’autre. À la fin des années 70, il y eut un changement radical ; aux Etats-Unis, les fameux et
actifs Women’s Lib’ protestèrent énergiquement et purent obtenir que la liste des noms des
cyclones tropicaux comprennent aussi des prénoms masculins. Pour plus d’informations,
consulter la page consacrée aux noms des cyclones sur le site de Météo France.
22
- « L’antonomase telle que nous l’a transmise la rhétorique classique à partir du 16ème siècle
apparaît comme une entité double substituant un nom propre à un nom commun et
réciproquement » (Leroy 04 : 10)
23
- L’adjectif de relation est un dérivé du nom ; il indique qu’il existe un rapport entre le nom
qualifié et le nom dont l’adjectif dérive et ce rapport peut généralement être paraphrasé à
l’aide d’un complément de nom ou d’une relative. Ce type d’adjectif existe dans beaucoup
de langues mais n’est pas utilisé avec la même fréquence. L’arabe, comme l’anglais, tend à
utiliser les adjectifs de relation avec une facilité « que le français n’a pas encore égalée bien
qu’il semble vouloir s’engager dans cette voie » (Vinay et Darbelnet 66 : 124)
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Les emprunts médiatiques :
De l’actualité à l’implantation
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in

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