Réforme du régime des actions au porteur Droit des sociétés
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Réforme du régime des actions au porteur Droit des sociétés
Droit des sociétés Réforme du régime des actions au porteur Isabelle Charlier Avocat, Director au sein du cabinet Wildgen, Partners in Law Laurie-Anne Takerkart-Wolf Avocat à la Cour, Senior Associate au sein du cabinet Wildgen, Partners in Law Laurence Licata Avocat admis au Barreau de Bruxelles, Associate au sein du cabinet Wildgen, Partners in Law ........................................................................................................................................................................................... Le GAFI avait laissé le choix aux Etats entre la suppression pure et simple des actions au porteur, solution adoptée par certains Etats, la dématérialisation des titres ou l’immobilisation des titres auprès d’un dépositaire professionnel agréé. Conforme en cela à sa tradition de pondération, le Luxembourg a choisi la voie médiane de l’immobilisation des titres au porteur. Plutôt que d’abolir les titres au porteur comme l’ont déjà fait ou prévoient de le faire certains pays limitrophes1, le Luxembourg, après avoir mené une réflexion de plusieurs années sur le sujet2 et à la suite de l’introduction du régime des titres dématérialisés en 20133, a fait le choix de conserver la possibilité, pour les sociétés commerciales, d’émettre des actions au porteur sous réserve de leur immobilisation et a ainsi entrepris de réformer le régime juridique attaché aux actions et parts au porteur. La Loi introduit l’obligation7 pour les détenteurs d’actions et de parts au porteur de les immobiliser. Matériellement, cette immobilisation se traduit par l’obligation faite à leurs détenteurs de déposer lesdits titres, lorsqu’ils sont localisables, auprès d’un professionnel agréé qui prend le nom de dépositaire, assortie de l’obligation pour ce dernier d’assurer la tenue d’un registre et de le mettre à jour. De manière à renforcer l’incitation pour les détenteurs de titres à venir déposer leurs titres auprès du dépositaire dans les délais impartis, le législateur a prévu un mécanisme de suspension des droits attachés aux titres au porteur qui ne pourront dès lors être exercés qu’en cas de dépôt auprès du dépositaire. Le Luxembourg a ainsi adopté la loi du 28 juillet 2014 relative à l’immobilisation des actions et parts au porteur et à la tenue du registre des actions nominatives et du registre des actions au porteur et portant modification 1) de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales et 2) de la loi modifiée du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière (la «Loi4»), avec une entrée en vigueur fixée au 18 août 20145. En initiant cette réforme, le législateur luxembourgeois a entendu rendre le droit des sociétés luxembourgeois conforme aux exigences formulées à partir de 2010 par les organisations internationales, dont le Groupe d’Action Financière (le «GAFI») et le Forum Mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, en matière d’identification des titulaires d’actions et parts au porteur (le «Forum Mondial»), afin de garantir une plus grande transparence dans l’actionnariat des sociétés commerciales6. C’est dire l’importance que revêt ce nouvel acteur de la pratique du droit des sociétés luxembourgeois qu’est le dépositaire des titres au porteur. Le législateur a positionné ce nouvel acteur à mi-chemin entre les actionnaires, dont il garantit la confidentialité de l’identité, et la société émettrice dont il est le mandataire puisqu’il se trouve nommé par l’organe de gestion. .............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 1. 2. 3. 4. 5. Une telle modification a été entérinée en France par une loi du 25 avril 1975 alors qu’en Belgique, l’interdiction d’émettre des titres au porteur a été prononcée au 1er janvier 2008. Les premières salves contre le régime des actions au porteur au Luxembourg remontent en effet à janvier 2002 à l’occasion de la mission d’enquête de Messieurs Arnaud Montebourg et François Peillon. Loi du 6 avril 2013 relative aux titres dématérialisés, Mémorial A, n°71, 15 avril 2013, p. 890. Mémorial A n°161,14.08.2014. En effet, cette précision quant à la date a son importance au regard du calendrier de la période transitoire et de ses différents échelons dans le temps. La Loi a été publiée au Mémorial A le 14 août 2014 avec une entrée en vigueur trois jours suivant ladite publication. 6. 7. Kluwer – ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg Groupe d’action financière, Rapport d’évaluation mutuelle, Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, 19 février 2010, dans lequel il est recommandé au Luxembourg de: «mettre en œuvre des mesures appropriées afin d’assurer la transparence de l’actionnariat des sociétés anonymes et commandite par actions ayant émis des actions au porteur». OCDE, Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales Rapport d’examen par les pairs: Luxembourg 2011, phase 1, Editions OCDE, septembre 2011, p. 43: «le Luxembourg doit assurer la disponibilité des informations relatives aux détenteurs de titres au porteur de SA, SE et S.e.c.a en toutes circonstances». L’article 42 de la Loi de 1915 dans sa nouvelle version utile en effet le vocable «sont à déposer». ACE 2014/10 – 21 Droit des sociétés Quant à son champ d’application, la Loi, dans son article 6 (1), mentionne l’immobilisation des actions et parts au porteur. Le législateur dans ce même article se réfère, sans exception, aux actions ou parts au porteur des sociétés commerciales et plus précisément, «des sociétés anonymes, des sociétés en commandite par actions et des sociétés de gestion d’organismes de placement collectif constituées sous forme de fonds communs de placement». La Loi ne comporte aucune exception à l’immobilisation des actions et parts au porteur admises à la négociation sur un marché réglementé8. Elle ne s’applique toutefois pas aux obligations9. Nous reviendrons sur ce point. mobilisation des actions au porteur et enfin (v) les questions spécifiques qui se posent au praticien. ...................................................................................................................... TABLE DES MATIÈRES 1. 2. 3. 4. Cette Loi soulève un certain nombre de questions. Notamment, celle des avantages et des inconvénients du nouveau régime des actions au porteur en le comparant au régime existant des actions nominatives. Ainsi est-il permis de se demander l’opportunité qui existe pour une société d’adopter ce régime d’immobilisation et si une société émettrice de titres au porteur pourrait décider, en lieu et place d’immobiliser ces titres au porteur, par exemple de convertir les titres au porteur qu’elle a émis en titres nominatifs comme la loi existante le lui permet ou alors décider de ne rien faire. Ce qui revient à questionner cette Loi au regard des marges de manœuvre qu’elle a laissées aux sociétés et de la nature impérative ou supplétive de ses dispositions. 5. 6. Modifications apportées au régime des titres au porteur 1.1. Actions et parts au porteur visées par l’obligation d’immobilisation 1.2. Modalités de l’immobilisation Le dépositaire 2.1. Conditions 2.2. Fonctions du dépositaire 2.3. Régime de responsabilité du dépositaire Impact sur les contrats de garantie financière Dispositif transitoire et encadrement répressif 4.1. Délai pour désigner le dépositaire et sanctions 4.2. Délai pour immobiliser les actions et parts au porteur et sanctions 4.3. Actions et parts au porteur émises après le 18 août 2014 Questions spécifiques qui se posent au praticien 5.1. Mise en conformité des statuts? 5.2. Exercice par le titulaire des droits attachés aux titres immobilisés 5.3. Opérations affectant les titres au porteur immobilisés Conclusion 22 23 23 24 24 25 27 28 28 28 29 30 30 30 30 31 31 ...................................................................................................................... 1. Modifications apportées au régime des titres au porteur En réformant le régime juridique des actions au porteur, la Loi est venue modifier deux lois importantes: (i) la loi modifiée du 10 août 1915 sur les Sociétés Commerciales («LSC») et (ii) la loi modifiée du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière (la «Loi de 2005»). En revanche, la Loi n’apporte pour l’heure pas de modification à la loi du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés et les comptes annuels des entreprises telle que modifiée, ni ne vise expressément la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme (la «Loi AML»), ce qui peut soulever certaines questions qui seront évoquées dans les développements qui suivent. Bien que le droit des sociétés luxembourgeois continue d’admettre l’émission par une société de capitaux de différents types d’actions, c’est-à-dire les actions nominatives, les actions au porteur et les actions dématérialisées, la Loi modifie les caractéristiques fondamentales des titres au porteur dans le droit des sociétés luxembourgeois à tel point qu’ il est permis de se demander si les deux régimes ne se rejoignent pas et si, à terme l’un des deux régimes ne deviendrait pas superflu. En se livrant sommairement à un bref exercice de comparaison, la différence principale des unes par rapport aux autres postérieurement à l’introduction de la Loi résiderait dans le fait que les actions au porteur continueraient à devoir être entièrement libérées contrairement aux actions nominatives10. Notre analyse de la Loi sera structurée de la façon suivante: (i) les modifications apportées au régime des titres au porteur, (ii) la nouvelle figure du dépositaire, son rôle et son régime de responsabilité, (iii) l’impact de la Loi sur les contrats de garanties financières, (iv) les dispositions transitoires relatives à l’im- Quelques différences seraient maintenues, à savoir le fait que la société, dans le cas des actions au porteur, continuerait de ne pas connaître la composition de son actionnariat, qui en revanche serait connue du dépositaire. .............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 8. Le Projet de Loi 6625, déposé devant la Chambre des députés le 4 octobre 2013 (le «Projet de Loi») contenait une exception pour les actions au porteur cotées en bourse («le paragraphe 1er ne s’applique pas aux actions au porteur admises à la négociation sur un marché réglementé»), qui a finalement été rejetée pour la simple raison que les actions admises à la négociation sur un marché réglementé ne figurent pas dans la version finale des recommandations du Groupe d’Action Financière. 22 – ACE 2014/10 9. 10. L’article 84 de la LSC dernier alinéa dans sa rédaction actuelle est modifié par la suppression du renvoi qu’il opérait jusqu’alors vers l’article 42 de la LSC. Article 43 alinéa 2 de la LSC. ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg – Kluwer Réforme du régime des actions au porteur 1.1. Actions et parts au porteur visées par l’obligation d’immobilisation La question se pose de savoir ce que le législateur a entendu par «actions et parts au porteur». En tout cas, il apparaît clairement qu’il ne peut s’agir des parts sociales émises par les sociétés à responsabilité limitée puisque, selon l’article 188 de la LSC, des parts sociales de S.à r.l. ne peuvent jamais être des titres au porteur11. De même, les titres qui sont visés concernent seulement des titres de capital et non pas des titres de créance. La Loi a supprimé la possibilité d’obligations au porteur immobilisées par la modification de l’article 84 de la LSC12. 1.1.1. Les actions et parts au porteur de sociétés de capitaux Les titres concernés sont ceux émis par des sociétés de capitaux. La Loi vise expressément les actions au porteur émises par des sociétés anonymes (S.A.) ou celles émises par les sociétés en commandite par actions (S.C.A.). Même si le législateur ne les a pas clairement identifiées, il semble aller également de soi que les sociétés européennes et les sociétés d’investissement (S.I.C.A.F., S.I.C.A.V., S.I.C.A.R. et S.I.F.) sont également concernées, dès lors qu’elles ont été constituées sous la forme d’une société anonyme, se plaçant ainsi par-là même sous le régime des règles applicables à la société anonyme. notre confrère, D. Boone, lequel estimait, à l’issue de ses réflexions, que seuls étaient visés par l’obligation d’immobilisation des titres de capital, ce qui n’est pas le cas des parts bénéficiaires13. B. Sociétés en commandite par actions Brièvement, ce type de société ne présente pas de différence par rapport à la société anonyme. 1.1.2. Actions ou parts au porteur de sociétés de gestion de fonds communs de placement La Loi, sous son article 6. (1), rend également applicable l’obligation d’immobilisation aux actions et parts de sociétés de gestion d’organismes de placement collectif constitués sous forme de fonds communs de placement, qui se caractérisent comme une masse indivise dépourvue de toute personnalité morale. Le législateur est allé au-delà des recommandations du GAFI qui ne visaient que les sociétés et entités dotées de la personnalité morale. Si, effectivement, l’obligation d’immobilisation est requise pour les parts au porteur de fonds communs de placement, ceux-ci se trouvent ainsi dans l’obligation de nommer un dépositaire bis qui s’ajoute au dépositaire dont ils sont obligatoirement dotés pour la garde des actifs. 1.2. Modalités de l’immobilisation 1.2.1. Etablissement d’un registre A. Sociétés anonymes a. Actions au porteur de sociétés anonymes cotées et non cotées S’agissant des actions au porteur émises par les sociétés anonymes, il est à remarquer que le Projet de loi 6625 initialement comportait l’exemption expresse des actions au porteur admises à la négociation sur un marché règlementé. Finalement, la Loi renonce à cette exclusion tant et si bien que l’obligation d’immobilisation s’applique également aux actions au porteur de sociétés anonymes admises à la négociation sur un marché règlementé. Avant l’adoption de la Loi, la particularité des actions au porteur résidait dans le fait que contrairement aux actions nominatives, leur propriété, et donc l’exercice des droits sociaux y afférents, découlait de la seule possession matérielle du titre représentatif des actions au porteur. Il y avait évidemment un risque plus élevé de dépossession involontaire: nous citons par exemple le cas de vol des titres, de titres détruits par incendie ou oubliés dans des coffres fort ou ailleurs14. b. Parts bénéficiaires? Avec l’introduction de la Loi, les droits afférents aux actions au porteur ne peuvent être exercés qu’en cas de dépôt de l’action au porteur auprès du dépositaire et en cas d’inscription au registre de toutes les données y relatives15. Le Conseil d’Etat, dans son avis, avait soulevé la question de l’obligation d’immobilisation des parts bénéficiaires qui peuvent également être émises par les sociétés anonymes. Nous nous rangeons ici à l’avis de Le dépositaire détenant les actions au porteur pour le compte de l’actionnaire qui en est propriétaire doit maintenir un registre de ces actions au Luxembourg qui contient des informations relatives aux action- .............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 11. 12. 13. Par souci de lisibilité, nous utilisons le terme générique d’«actions au porteur» ou de «titres au porteur» qui regroupe les actions et parts au porteur. Alors que la loi du 6 avril 2013 relative aux titres dématérialisés envisage également les titres de créance. D. BOONE, «Loi du [28] juillet 2014 relative à l’immobilisation des actions et parts au porteur», JurisNews Droit des Sociétés, N° 3-4/2014. 14. 15. Kluwer – ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg J.P. WINANDY, Manuel de droit des sociétés, Legitech, Luxembourg, 2011, p. 463. Article 42 (5) de la LSC. ACE 2014/10 – 23 Droit des sociétés naires, à savoir l’identité de l’actionnaire et l’indication du nombre d’actions ou coupures, la date du dépôt des actions et la date de leurs transferts ou encore de leur conversion éventuelle en titres nominatifs. Le registre en regroupant toutes les informations relatives aux actions émises joue ainsi un rôle très important. Depuis l’introduction de la Loi, le registre détermine la propriété comme c’est le cas pour les actions nominatives et la propriété n’est plus déterminée par la simple possession du titre physique. L’actionnaire au porteur peut demander la remise d’un certificat constatant toutes les inscriptions le concernant mais cela ne vaut pas comme titre de propriété, le certificat certifiant uniquement le dépôt de l’action au porteur et son enregistrement. L’un des éléments caractéristiques de l’action au porteur dans le régime précédent était justement son caractère anonyme. Pour tout de même garder un certain degré d’anonymat, et donc pour ne pas créer un titre nominatif bis comme l’avis du Conseil d’Etat en date du 24 juin 2014 le remarque, le Projet de Loi précise que contrairement au registre des actions nominatives lequel est détenu au siège social de la société émettrice, le registre des actions au porteur est tenu auprès d’un dépositaire tiers. Néanmoins, l’anonymat des actions au porteur n’est, vu l’objectif de la Loi, évidemment pas absolu: il ressort notamment des commentaires des articles du Projet de Loi que l’obligation de tenir le registre au Luxembourg permettra de «faciliter l’accès aux données par les autorités compétentes luxembourgeoises dans les limites et suivant les modalités et conditions définies par la loi». Même si la Loi ne reprend pas une résolution expresse relative au contrôle par les autorités compétentes, un tel contrôle semble cependant logique vu l’objectif visé par la Loi de renforcer la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. 1.2.2. Cession des actions au porteur Comme le registre détermine la propriété, la cession des actions au porteur ne s’opère plus par la seule tradition du titre mais par un constat de transfert inscrit sur le même registre par le dépositaire16. Cette procédure rend la cession opposable aux tiers. Depuis l’introduction de la Loi, ce moment est plus facilement déterminable, il s’agit de la date figurant sur l’inscription du constat de transfert dans le registre. 1.2.3. Dépossession Comme le dépositaire est une figure nouvellement créée par la Loi, celle-ci a prévu les cas dans lesquels une dépossession du dépositaire des actions au porteur sera permise. Même si les actions au porteur peuvent être transférées d’un actionnaire à l’autre, le dépositaire ne change pas en principe. En effet, sauf dans les cas prévus par la Loi, il est interdit aux dépositaires de se déposséder des actions au porteur déposées auprès d’eux17. Le Projet de Loi utilisait initialement le terme «restituer» au lieu de «déposséder». Ce terme a été modifié alors que le dépôt est fait par l’actionnaire envers lequel il n’existe pas d’obligation de restitution à charge du dépositaire18. 2. Le dépositaire 2.1. Conditions 2.1.1. Nomination et incompatibilités A. Qualité du dépositaire En vertu du nouvel article 42 (1) et (2) LSC, les actions au porteur doivent être déposées auprès d’un dépositaire nommé par le conseil d’administration ou, le cas échéant, le directoire de la société émettrice, parmi une liste limitative de professionnels soumis aux obligations provenant de la législation en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme19, à savoir: (i) les établissements de crédit, (ii) les gérants de fortunes, (iii) les distributeurs de parts d’OPC, (iv) les professionnels du secteur financier (PSF) spécialisés, agréés comme Family Offices, comme domiciliataires de sociétés, comme professionnels effectuant des services de constitution ou de gestion de sociétés, comme agents teneurs de registre ou comme dépositaires professionnels d’instruments financiers, (v) les avocats à la Cour inscrits à la liste I et IV, (vi) les notaires, (vii) les réviseurs d’entreprises et les réviseurs d’entreprises agréés, (viii) et les experts-comptables20. La proposition faite par le Conseil de l’Ordre du Barreau de Luxembourg d’inclure les avocats inscrits aux listes V et VI (sociétés d’avocats) n’a pas été retenue par le législateur. Les professionnels cités ci-dessus sont, en sus de la responsabilité pénale et civile qui leur incombe et qui sera détaillée ci-après, contrôlés par la Commission .............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 16. 17. 18. Article 42 (4) de la LSC. Article 42 (3) de la LSC. Article 42 (4) de la LSC. 24 – ACE 2014/10 19. 20. Projet de loi 6625. Avis du Conseil d’Etat, 24.06.2014, p. 4. Article 42 (2) de la LSC. ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg – Kluwer Réforme du régime des actions au porteur de Surveillance du Secteur Financier (CSSF)21, ou, le cas échéant, par une association professionnelle qui, inter alia, contrôle leur activité de dépositaire. blées générales. Le Conseil d’Etat avait proposé de prévoir, dans une telle situation, un plafond maximal de détention. Cette proposition n’a pas été retenue par le législateur. B. Mesures de publicité relatives au dépositaire L’article 11bis, §1er, 3), nouveau point d) de la LSC prévoit le dépôt auprès du Registre de Commerce et des Sociétés (le «RCS»), aux fins de publication au Mémorial C, Recueil des Sociétés et Associations, de l’extrait des actes relatifs à la nomination et à la cessation des fonctions des dépositaires des actions au porteur des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions. L’extrait doit comporter l’indication précise des noms et prénoms ainsi que l’adresse privée ou professionnelle des dépositaires22. Cette disposition répond non seulement à un objectif de publicité en s’assurant de la publication de l’immobilisation, mais présente également un intérêt sur le plan logistique puisqu’elle permet, tant aux détenteurs des actions ou parts au porteur mises en dépôt, qu’aux autorités fiscales et judicaires, de prendre connaissance de l’identité du dépositaire sans avoir à requérir l’information auprès de la société émettrice des actions ou parts au porteur déposées. Notons que la Loi ne prévoit pas de modifier la loi du 19 décembre 2002 concernant le RCS ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises, telle que modifiée, et que, par conséquent, le nom du dépositaire ne figure pas dans l’extrait délivré par le RCS. 2.1.2. Exigence pour le dépositaire d’être établi au Grand-Duché de Luxembourg La Loi exige que les dépositaires soient des professionnels établis au Grand-Duché de Luxembourg23. 2.1.3. Incompatibilité entre la qualité d’actionnaire et la qualité de dépositaire Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, la Loi précise que le dépositaire ne peut cumuler la fonction de dépositaire avec celle d’actionnaire de la société émettrice24. La détention d’une seule action suffit pour empêcher que l’actionnaire puisse remplir la tâche de dépositaire. D’un point de vue pratique, la non-compatibilité entre la qualité d’actionnaire et la qualité de dépositaire pourrait poser problème aux établissements de crédit. En effet, de nombreuses banques créent des organismes de placement collectif afin de pouvoir vendre les titres à des investisseurs, tout en gardant une minorité d’actions permettant de participer aux assem- 2.1.4. La mission du dépositaire et sa qualification juridique Aux termes de l’article 42 (1) de la Loi, le dépositaire est nommé par le conseil d’administration. Il y a dès lors lieu de considérer que le dépositaire est un mandataire de la société, mais ne fait pas partie des organes de la société et est, par conséquent, indépendant de celle-ci. Il agit donc en tant que mandataire de la société. Le registre maintenu par celui-ci ne fait par conséquent pas partie des écritures de la société, à ce titre il n’est d’ailleurs pas librement consultable par les administrateurs ou le commissaire aux comptes de la société. Enfin, chaque actionnaire n’est en droit de prendre connaissance que des inscriptions du registre qui le concernent25. Quant aux tiers intéressés comme les autorités fiscales et judiciaires, elles sont seulement capables d’avoir connaissance de l’existence de l’immobilisation des titres au porteur auprès d’un dépositaire et de l’identité de ce dernier, à travers les mesures de publicité précédemment mentionnées mais ces administrations demeureront dans l’impossibilité de consulter le registre. Le dépositaire est le garant du respect de cette disposition et, comme il sera établi ci-après, pourra engager sa responsabilité en cas de non respect de cette obligation. Pour ces raisons, il y a lieu de constater que le dépositaire est le garant de la confidentialité, mais contribue également à l’objectif de transparence qui constitue le fondement de cette législation nouvelle. 2.2. Fonctions du dépositaire 2.2.1. Obligations du dépositaire au moment du dépôt des titres au porteur La Loi requiert que les détenteurs de titres au porteur viennent les déposer au dépositaire qu’ils auront pu identifier à travers les mesures de publicité effectuées depuis le RCS. .............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 21. 22. Article 2 de la loi du 23 décembre 1998 portant création d'une commission de surveillance du secteur financier, telle que modifiée. Article 11bis, §1, 3), dernier alinéa de la LSC. 23. 24. 25. Kluwer – ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg Article 42 (2) de la LSC. Article 42 (2) de la LSC. Article 42 (2) in fine de la LSC. ACE 2014/10 – 25 Droit des sociétés Le dépositaire détient alors ces titres pour le compte de l’actionnaire déposant qui en est le propriétaire. B. Quid de la vérification quant aux porteurs des titres? Plusieurs questions se posent dans le cadre de cette immobilisation des titres au porteur: La Loi reste également silencieuse quant à l’obligation faite au dépositaire de s’assurer de l’identité des détenteurs de titres au moment où ces derniers viennent déposer les titres. En revanche, cette obligation transparaît au moment de l’inscription dans le registre des actions au porteur puisque la Loi impose le maintien d’un registre qui comprendra notamment la désignation précise de chaque actionnaire, sans entrer dans le détail en ce qui concerne les vérifications à effectuer par le dépositaire à cet égard. A. Quid de la vérification des titres au porteur? Il y a lieu de s’interroger sur le rôle du dépositaire au moment du dépôt des titres par leur détenteur. Le dépositaire va-t-il devoir effectuer une vérification matérielle des titres au porteur qui lui sont remis avant de pouvoir procéder à leur inscription sur le registre ou devra-t-il procéder, en outre, à des vérifications sur l’identité du détenteur et remonter dans la chaîne de détention du titre? En effet, certaines jurisprudences existent autour de la responsabilité de banques pour avoir admis des titres viciés. Les titres au porteur peuvent effectivement être affectés d’un vice, dans la mesure où ils peuvent notamment avoir été falsifiés, perdus, endommagés ou volés26. Cependant, l’article 41 de la Loi de 1915 n’envisage pas l’hypothèse de vice du titre et prévoit uniquement que l’action au porteur indique: Toutefois, il semble que le législateur, par l’article 42 (2) de la Loi, ait réservé la mission de dépositaire aux professions réglementées précisément parce que celles-ci doivent respecter l’article 42 (2) de la Loi AML. Dès lors, il semble prudent de conclure que le dépositaire est soumis aux règles d’identification des bénéficiaires économiques en vigueur en matière d’exigences imposées par la Loi AML et se doit de pousser l’identification des actionnaires jusqu’au bénéficiaire économique ultime. C. Quid de l’immobilisation des titres au porteur? «la date de l’acte constitutif de la société ainsi que la date de sa publication; le montant du capital social, le nombre et la nature de chaque catégorie d’actions, ainsi que la valeur nominale des titres ou la part sociale qu’ils représentent; la consistance sommaire des apports et les conditions auxquels ils sont faits; les avantages particuliers attribués aux fondateurs; la durée de la société; le jour l’heure et la commune où se réunit l’assemblée générale annuelle.» Sauf dans le cas des titres au porteur qui n’auraient pas été déposés dans les dix-huit mois de l’entrée en vigueur de la Loi et qui seront par conséquent frappés d’une annulation suivie d’une réduction de capital corrélative (article 6(5)), les titres au porteur ayant fait l’objet d’une procédure d’immobilisation, dans le respect de l’article 42 (1) de la Loi de 1915 modifiée, seront conservés par le dépositaire qui ne pourra s’en dessaisir, sauf dans l’un des quatre cas de figure envisagés par l’article 42 (6) de la Loi de 1915 modifiée. Dès lors, il semble évident que le dépositaire doive à tout le moins effectuer la vérification matérielle des titres, en s’assurant que ceux-ci indiquent bien les mentions requises par la Loi. Enfin, la possession du titre n’emportant plus la présomption de propriété dudit titre, il y a lieu de s’interroger sur la valeur juridique que revêtent encore ces titres tels qu’immobilisés. A ce stade et en l’absence de jurisprudence sur le sujet, l’analyse de la Loi ne permet pas de conclure que le dépositaire doive s’assurer que les titres qui lui sont remis soient exempts de tout vice. En effet, qu’advient-il des titres au porteur support papier? La notion d’immobilisation induirait que les anciens titres au porteur papier soient conservés avec le registre, le législateur n’ayant pas envisagé une procédure de destruction comme cela avait été le cas pour la loi relative aux actions dématérialisées de 2013 où le concept de dématérialisation impliquait une destruction des anciens titres papier. Cependant, au vu de la jurisprudence décrite ci-avant et applicable à d’autres professions réglementées (in casu, les banques), et en vertu du principe de prudence, il y a lieu de constater que le dépositaire devrait à tout le moins relever les erreurs ou falsifications grossières sur les titres. .............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 26. La circulation des titres, P. Mousel et F. Fayot, p. 1359, Droit bancaire et financier, ALJB, volume 3, édition 2004. 26 – ACE 2014/10 ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg – Kluwer Réforme du régime des actions au porteur D. Quid des droits sur les titres au porteur immobilisés? le registre. L’actionnaire ne pourra donc pas se prévaloir de ce certificat en tant que titre de propriété et celui-ci ne remplace aucunement les titres au porteur immobilisés. A l’inverse du système de titres au porteur en place avant l’entrée en vigueur de la Loi, le détenteur des titres n’est pas présumé en être le propriétaire. 2.3. Régime de responsabilité du dépositaire En effet, comme établi ci-avant, la simple tradition du titre (in casu la remise au dépositaire) n’emporte plus le transfert de propriété. Le dépositaire et les organes de gestion encourent des sanctions tant pénales que civiles en cas violation de la Loi. En conséquence, le dépositaire qui détient les titres au porteur suite à leur immobilisation les détient pour le compte de l’actionnaire qui en est le propriétaire. 2.3.1. Responsabilité civile Dès lors, les droits découlant de ces titres au porteur, tels que le droit de vote ou les droits financiers, sont exercés par l’actionnaire et non par le dépositaire. Il y a donc lieu de constater que ce régime se différencie de celui de la fiducie, souvent utilisé dans le cadre des titres au porteur, avant l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi, par lequel le fiduciaire, en tant que détenteur des titres, était considéré en être le propriétaire et pouvait par conséquent exercer notamment son droit de participation à l’assemblée générale, ainsi que son droit de vote. Ces derniers étant réservés aux seuls propriétaires des titres (et par exception au créancier gagiste en vertu de l’article 9 de la loi du 5 août 2005). 2.2.2. Inscription sur le registre des actions au porteur Une fois les titres remis au dépositaire pour immobilisation, le dépositaire doit, aux termes de l’article 42 (3) de la Loi, procéder au maintien d’un registre des actions au porteur. Cette disposition précise, en outre, que ce registre doit être conservé au Luxembourg. Enfin, les mentions suivantes doivent également êtres portées au registre, en vertu de cette disposition: – la désignation précise de chaque actionnaire et l’indication du nombre des actions ou coupure; – la date du dépôt; et – les transferts avec leur date ou la conversion des actions en titres nominatifs. 2.2.3. Remise d’un certificat d’inscription à l’actionnaire par le dépositaire La responsabilité civile du dépositaire pourra être engagée, en cas de non-respect des obligations suivantes découlant des articles l’article 42, paragraphes 3, 4 et 6 de la Loi: – obligation du maintien du registre des actions au porteur au Luxembourg et/ou obligation en termes de contenu de ce registre et/ou obligation de nondivulgation à un actionnaire d’inscription ne le concernant pas; – obligation de détention des titres au porteur immobilisés et/ou d’inscription sur le registre et/ou de délivrance du certificat demandé par l’actionnaire et/ou d’inscription du transfert de titres; et – obligation de conservation des titres immobilisés, en dehors des quatre exceptions prévues par la loi, qui est calquée sur la responsabilité des administrateurs ou membres du directoire. En d’autres mots, l’article 59 de la Loi de 1915, ainsi que la responsabilité civile de droit commun sont applicables au dépositaire. 2.3.2. Responsabilité pénale Le dépositaire risque également d’engager sa responsabilité pénale, en vertu des dispositions de l’article 171-2 (2), s’il contrevient sciemment aux dispositions de l’article 42, paragraphes 3, 4 et 6 de la Loi, décrites ci-avant. Une amende pénale de 500 euros à 25.000 euros pourra alors lui être infligée. 2.3.3. Autres cas de responsabilité? Même si la Loi ne le prévoit pas spécifiquement, le dépositaire étant un membre d’une profession règlementée, soumis à une autorité ou un ordre professionnel, il n’est pas à exclure que des sanctions d’ordre disciplinaire lui soit également infligées, le cas échéant. A la suite de l’immobilisation et de l’inscription sur le registre, un certificat constatant toutes les inscriptions concernant un actionnaire peut être délivré à ce dernier à sa demande. Cependant, ce certificat se contente de constater les inscriptions relatives à l’actionnaire qui figurent dans Kluwer – ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg ACE 2014/10 – 27 Droit des sociétés 3. Impact sur les contrats de garantie financière Le Conseil de l’Ordre du Barreau de Luxembourg avait, à juste titre, fait remarquer que le Projet de Loi ne prenait pas en compte la répercussion des changements dans la législation des actions au porteur sur le régime des garanties financières et en particulier sur la Loi de 2005 alors qu’en pratique, les actions sont un objet de gage très fréquent. En matière de dépossession de gage, la Loi de 2005 distinguait traditionnellement entre les «instruments financiers transmissibles par inscription en compte»27, les «instruments financiers au porteur dont la cession s’opère par la seule tradition28», les «instruments financiers nominatifs dont la transmission s’opère par un transfert sur les registres29», des «instruments financiers à ordre30» et des «instruments financiers autres que ceux énumérés31». Sous le régime de la Loi, les actions au porteur ne pourraient plus être qualifiées comme «instruments financiers au porteur dont la cession s’opère par la seule tradition», étant donné que leurs transferts ne s’opèrent plus par simple tradition. On aurait pu les qualifier d’ «instruments financiers autres que ceux énumérés», mais la procédure de dépossession prévue par la Loi de 2005 est incompatible avec celle prévue par la Loi. En effet en cas de tels instruments, la Loi de 2005 prévoit que «la dépossession se réalise à l’égard de tous les tiers lorsque la constitution du gage a été notifiée à ou acceptée par l’émetteur des instruments financiers nantis ou, si les instruments financiers sont tenus par un tiers détenteur de gage, par la notification à ou l’acceptation de celui-ci32». Mais, comme l’a relevé le Conseil de l’Ordre du Barreau de Luxembourg, la notification ou l’acceptation par l’émetteur, qui ne connaît pas nécessairement le porteur, ne semble pas appropriée. De plus, le dépositaire nommé aux fins de l’immobilisation n’est pas un tiers détenteur du gage étant donné qu’il est nommé par l’émetteur, et non par les parties au gage. Les parties pourraient certes nommer le dépositaire nommé par la société aux fins de la procédure d’immobilisation également comme tiers détenteur du gage, mais, d’une part, ceci supposerait l’accord du dépositaire à ces fins et, d’autre part, un tel arrangement compliquerait la situation du dépositaire qui détiendrait les actions au porteur dans une double qualité33. Le législateur a donc créé la catégorie des «instruments financiers au porteur déposés auprès d’un dépositaire». L’article 5 paragraphe 2, b prévoit désormais que la dépossession de ces instruments peut être réalisée par une inscription du gage en marge de l’inscription des instruments financiers sur le registre du dépositaire. Comme nous l’avons vu, l’article 42 (4), dernier alinéa, de la LSC précise que le registre est consultable par l’actionnaire pour les inscriptions qui le concernent mais rien n’interdirait aux créanciers gagistes de pouvoir le consulter sinon du moins de demander un certificat relatif à l’inscription du gage délivré par le constituant34. 4. Dispositif transitoire et encadrement répressif En vue d’assurer une certaine sécurité juridique et de garantir l’efficacité du nouveau régime des titres au porteur, le législateur a autorisé une période transitoire de sorte à permettre aux sociétés visées de se conformer à la nouvelle législation. Ainsi, l’organe de gestion de la société émettrice a l’obligation de désigner un dépositaire dans un délai de six mois à compter du 18 août 2014. En parallèle, les actions et parts au porteur en circulation qui ont été émises avant l’entrée en vigueur de la Loi doivent être immobilisées dans un délai maximal de dix-huit mois. Néanmoins, cette période transitoire a été encadrée par un dispositif de sanctions à la fois civiles et pénales et le contrevenant, qu’il s’agisse du conseil d’administration pour avoir manqué de nommer un dépositaire ou encore pour avoir admis l’exercice des droits attachés à des titres pourtant suspendus, ou les actionnaires qui n’auraient pas immobilisé leurs titres dans les délais impartis, se trouveront lourdement réprimés. 4.1. Délai pour désigner le dépositaire et sanctions 4.1.1. Le 18 février 2015, date butoir pour désigner le dépositaire Une période transitoire est aménagée par la Loi au cours de laquelle le conseil d’administration ou le directoire de la société émettrice, selon le cas, dispose d’un délai de six mois à compter de l’entrée en vi- .............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 27. 28. 29. 30. 31. Article 5 (2) de la LSC. Article 5 (2) b de la Loi de 2005. Article 5 (2) c de la Loi de 2005. Article 5 (2) d de la Loi de 2005. Article 5 (3) de la Loi de 2005. 28 – ACE 2014/10 32. 33. 34. Article 5 (3) de la Loi de 2005. Projet de Loi, Avis du Conseil de l’Ordre du Barreau de Luxembourg, 27 mai 2014, page 4. Projet de Loi, Avis du Conseil de l’Ordre du Barreau de Luxembourg, 27 mai 2014, page 4. ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg – Kluwer Réforme du régime des actions au porteur gueur de la Loi, pour désigner un dépositaire35. Concrètement, cela signifie que l’organe de gestion de la société émettrice doit désigner le dépositaire pour le 18 février 2015 au plus tard. tion du capital social de l’article 67 alinéa 7 de la LSC. Allant encore plus loin, la Loi instaure un nouveau cas d’exclusion des associés en prévoyant une réduction de capital social. 4.1.2. Après le 18 février 2015, application de sanctions pénales à l’égard de l’organe de gestion A. Suspension automatique des droits de vote des actions non encore immobilisées et ses corollaires La Loi introduit un nouvel article 171-2 dans la LSC en prévoyant une peine d’amende pouvant aller de 5.000 euros à 125.000 euros à l’encontre des gérants ou des administrateurs qui, sciemment, n’auront pas tenu un registre des actions nominatives conformément à l’article 39 de la LSC ou qui n’auront pas désigné un dépositaire ou déposé les actions et parts au porteur auprès dudit dépositaire conformément aux dispositions du nouvel article 42 de la LSC. Les droits de vote attachés aux actions au porteur qui n’ont pas été immobilisées dans le délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la Loi sont automatiquement suspendus à l’expiration de ce délai jusqu’à leur immobilisation37. Cette période de six mois, initialement de dix-huit mois38, est extrêmement courte, mais est nécessaire afin de remédier aux lacunes constatées et considérées comme très graves par le Forum Mondial et afin d’assurer la conformité de la loi à la norme internationale. Il est à souligner que si le nouvel article 171-2 de la LSC vise l’absence d’établissement d’un registre des actions au porteur, il est également d’application pour le défaut de tenue d’un registre des actions nominatives. 4.2. Délai pour immobiliser les actions et parts au porteur et sanctions 4.2.1. Le 18 février 2016, date butoir pour les détenteurs d’actions et de parts au porteur afin d’immobiliser leurs titres au porteur Les détenteurs bénéficient d’un délai de dix-huit mois commençant à courir à partir de la date d’entrée en vigueur de la Loi afin de déposer leurs titres au porteur auprès du dépositaire désigné et donc de se faire inscrire au registre36. Concrètement, cela signifie que les détenteurs d’actions ou de parts au porteur doivent déposer leurs titres pour le 18 février 2016 au plus tard. 4.2.2. Néanmoins, dès le 18 février 2015, des sanctions vont s’appliquer automatiquement et iront crescendo Compte tenu de l’impossibilité de toucher les détenteurs des actions et parts au porteur qui demeureront anonymes faute de s’être déclarés dans les temps, la Loi a prévu des mécanismes de blocage avec un caractère automatique qui s’attacheront directement aux titres eux-mêmes et qui portent directement atteinte à l’un des attributs fondamentaux des actionnaires qui est leur droit de vote attaché à leurs actions. Ce mécanisme de sanction ressemble en tous points aux sanctions qui trouvent à s’appliquer en cas de non-libéra- Cette sanction de la suspension des droits de vote en cas de non immobilisation des titres au porteur tire sans doute son inspiration d’autres situations juridiques qui imposent des obligations déclaratives aux actionnaires dans la poursuite d’un but de transparence, comme par exemple celle qui prévoit une sanction de privation des droits de vote en cas de nonrespect des règles de franchissement de seuils dans les sociétés cotées. En découlent les conséquences que les distributions de dividendes sont différées jusqu’à la date d’immobilisation, à la condition que les droits à la distribution ne soient pas prescrits (après cinq ans39) et sans qu’il y ait lieu à paiement d’intérêts40. L’exercice du droit de vote attaché aux titres ainsi visés se trouve lui aussi affecté puisque les détenteurs de titres au porteur aux assemblées générales se verront refuser l’accès aux assemblées générales et leurs titres ne seront pas pris en compte pour le calcul du quorum et des majorités au cours des assemblées générales41. B. Sort des titres au porteur non immobilisé dans les temps a. Annulation des titres, un nouveau cas légal d’exclusion d’un actionnaire? Les actions au porteur non immobilisées dans le délai de dix-huit mois, doivent obligatoirement être annulées et il doit être procédé à une réduction de capital souscrit d’un montant correspondant. Ce délai de dixhuit mois est également assez court étant donné que .............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. 35. 36. 37. 38. Article 6 (1) de la Loi. Article 6 (2) de la Loi. Article 6 (3) de la Loi. Article 4 du Projet de Loi 6625. 39. 40. 41. Kluwer – ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg Article 2277 du Code Civil Article 6 (3) de la Loi. Article 6 (4) de la Loi ACE 2014/10 – 29 Droit des sociétés le délai initialement prévu par le Projet de Loi était de huit ans. 5.1. Mise en conformité des statuts? 5.1.1. Sociétés créées après le 18 août 2014 Les fonds correspondant au montant du capital réduit sont déposés à la Caisse de Consignation jusqu’à ce qu’un ayant droit en demande la restitution. Si à l’expiration d’un délai de trente ans, aucun ayant droit n’a demandé la restitution des fonds consignés, ceux-ci sont acquis à l’Etat. b. Situation d’une absence totale d’immobilisation de titres au porteur De grandes zones d’ombre subsistent autour de la question de savoir ce qu’il adviendrait des sociétés se trouvant dans la situation de devoir annuler toutes leurs actions au porteur si aucun détenteur ne se manifeste dans les délais légaux. Si la suspension des droits de vote présentait un caractère automatique, le législateur a sans doute oublié de toiser la question du caractère automatique ou de plein droit de la réduction de capital social et les éventuelles mesures à prendre par les organes sociaux dans ce cas de figure. Dans la situation donnée, il est permis de penser que l’organe de gestion de la société devrait constater l’absence de manifestation de la part de ses actionnaires dans les délais impartis et convoquer une assemblée générale à l’effet de se prononcer sur la réduction de capital social, convocation à la suite de laquelle il convient de se demander si les actionnaires récalcitrants bénéficieraient encore d’ultime chance de pouvoir se déclarer. En l’absence de toute réponse des actionnaires, la société et son organe de gestion seraient alors dans une sorte d’impasse et il est permis de se demander si la société pourrait déclarer son état de manière volontaire ou si le Ministère Public pourrait d’office prononcer la dissolution judiciaire de la société. 4.3. Actions et parts au porteur émises après le 18 août 2014 Afin d’être exhaustifs, nous soulignons que les actions ou parts au porteur émises après l’entrée en vigueur de la Loi ne bénéficieront pas du régime transitoire susmentionné dans la mesure où elles devront se conformer dès leur création aux nouvelles exigences d’immobilisation. 5. Questions spécifiques qui se posent au praticien Nous évoquerons ici brièvement une série de questions qui peuvent déjà se poser ou se poseront dans un avenir proche dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi et qui feront l’objet d’une étude plus approfondie à l’occasion d’une prochaine publication sur le sujet. 30 – ACE 2014/10 Il apparaît de manière assez évidente que toute société nouvellement créée et tombant dans le champ d’application de la Loi qui opterait pour le régime des titres au porteur immobilisé, devra mentionner dans ses statuts que les titres au porteur émis par ladite société seront immobilisés auprès d’un dépositaire. 5.1.2 Quid des sociétés antérieurement créées et faisant une nouvelle émission d’actions au porteur sous l’empire de la Loi? A défaut pour le législateur d’avoir prévu une immobilisation de plein droit des titres au porteur qui ne seraient pas immobilisés de manière volontaire par leurs détenteurs dans les délais impartis, une situation assez confuse pendant le laps de temps s’écoulant entre le 18 août 2014 et le 18 février 2015 pourrait consister à avoir des titres au porteur déjà émis mais non immobilisés et des titres au porteur émis après le 18 août 2014 immobilisés d’emblée. 5.2. Exercice par le titulaire des droits attachés aux titres immobilisés L’exercice par le titulaire des titres au porteur des droits attachés à ses titres immobilisés est un sujet qui a, pour ainsi dire, été complètement laissé de côté par le législateur. 5.2.1 Droit de vote Il est à supposer que le certificat constatant toutes les inscriptions délivré par le dépositaire à la demande de l’actionnaire au détenteur de titres au porteur immobilisé présentera un intérêt au regard de l’exercice par ce dernier de son droit de vote. Ce même certificat d’inscription doit permettre la participation de son détenteur aux assemblées générales. 5.2.2. Dividendes L’exercice des droits patrimoniaux attachés aux titres immobilisés n’ont pas fait l’objet de dispositions particulières de la part du législateur. Dans le cas d’un versement de dividendes par la société émettrice, il est permis de se demander si la société devra verser les sommes correspondantes entre les mains du dépositaire, à charge pour ce dernier de créditer le compte de l’actionnaire du même montant et si ledit paiement entre les mains du dépositaire présentera un caractère libératoire pour la société vis-à-vis de son actionnaire. ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg – Kluwer Réforme du régime des actions au porteur 5.3. Opérations affectant les titres au porteur immobilisés Outre les opérations de cession qui ont été précédemment abordées sous le point 1.2.2., la mise en gage de titres au porteur immobilisés soulève la question de l’intervention du dépositaire dans ce type d’opérations et une éventuelle signature du contrat de nantissement en présence du dépositaire. Il y a tout lieu de penser que le dépositaire sera également tenu d’apposer la mention du nantissement dans le registre des titres au porteur immobilisés. 6. Conclusion Le Luxembourg, en introduisant l’immobilisation des actions auprès d’un intermédiaire réglementé, a adopté un système hybride de maintien de l’action au porteur mais tout en en modifiant profondément les caractéristiques. La pratique nous dira au final si cette option était préférable à celle d’abolir le régime des actions au porteur, choisie par la Belgique par exemple. Une chose est sûre, le nouveau régime des actions au porteur constitue un grand pas vers plus de transparence tout en préservant un certain anonymat envers les tiers, les autres actionnaires et la société émettrice. Kluwer – ACE Comptabilité, fiscalité, audit, droit des affaires au Luxembourg ACE 2014/10 – 31