VUdICIn2 - Vu d`ici et d`ailleurs
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Vu d’ici n° 2 n° 2 décembre 2006 / janvier 2007 page 1 ● Avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre, du Conseil Régional d’Ile de France et de la maison des Tilleuls ● Historique d’un journal idée du journal n’est pas venue comme çà. Il y a d’abord eu des débats que nous organisions sur des sujets divers : « 17 octobre 1961 » avec Jean Luc Einaudi, « droits des femmes » avec Zahia Ichou et Betty Soulié, deux élues de la ville… Des présentations de livres par leurs auteurs : « Pays de malheur ! » par Stéphane Beaud, « L’islam, la République et le monde » par Alain Gresh 1… Des rencontres avec des gens de théâtre : Mohamed Rouabhi, Philip Boulay, Elsa Solal… Nous avons chaque fois réfléchi et mis en œuvre de multiples procédés pour recueillir la parole des habitants : salons de thé, cafèt’citoyennes, débats publics. Cependant nous ne pouvions nous contenter de recueillir la parole, la fonction du centre social, inscrit dans le champ de l’éducation populaire, vise aussi à accompagner structurer, soutenir et organiser la parole, les actions des habitants. Il existe aujourd’hui différentes formes de prise de L’ Vu d’ ici comble, nous étions plus de cent personnes. Puis la même chose pour le second débat au Forum avec Alain Gresh, Mohamed Rouabhi et Thierry Leclère qui intervenaient sur le rôle et le fonctionnement des médias, notamment dans le traitement des révoltes. A la fin de cette rencontre, j’ai lancé une invitation au public pour réfléchir ensemble à la création d’un journal donnant la parole aux habitants. Durant plusieurs mois, nous nous sommes retrouvés à une dizaine de personnes chaque semaine pour tenter de définir ce que nous voulions et ne voulions pas. Le projet prenant forme dans la réflexion, je me suis rapprochée de différents partenaires financiers pour vérifier qu’il pourrait intéresser certains d’entre eux. Sans soutien financier, ce journal n’aurait pas vu le jour. Un journal que nous voulions de qualité, avec des moyens et une équipe compétente – journaliste, responsable iconographie, maquettiste – pour faire avec nous, accompagner et former, mais surtout pas à notre place. Nous l’avons pensé pour que les habitants puissent s’en saisir à n’importe quel moment. Dans un accompagnement pour tous, car souvent le rapport à l’écrit fait peur, et en particulier pour ceux qui ne maîtrisent pas l’écrit. Nous nous sommes donc réunis de mars à juin sans savoir si ce projet serait soutenu, puis dès les premières réponses nous avons franchi l’étape suivante, écrire • • • « Printemps des quartiers », 3ème rencontre européenne des régies de quartier, Vincennes, avril 2000. Photo Joss Dray n°2 parole, la création de l’exposition « Quelques unes d’entre nous, faire vivre et voyager nos rêves » en est une, la sortie prochaine de notre agenda et du diaporama aussi (voir p. 6 et 7). Tout comme le film « Ceci est notre quartier à 93° » 2, la création d’une pièce de théâtre en cours ou l’enquête sociologique conduite par Stéphane Beaud avec les habitants. Bien sûr notre champ d’intervention est limité, une petite équipe, peu de moyens et surtout aucune possibilité d’agir sur des questions essentielles : l’emploi, le logement, l’école, la formation, la santé, etc. Que nous reste-t-il ? Offrir un lieu accueillant au cœur du quartier pour permettre au maximum d’habitants des Tilleuls et de Blanc-Mesnil de se croiser, se parler et parler de tout sans tabous. C’est aussi la volonté du conseil d’administration de la maison des Tilleuls et de la municipalité qui soutient fortement ces lieux, les maisons pour tous. Ainsi, dans les statuts la participation des élus a été réduite à quatre personnes pour augmenter le collège habitants et passer à neuf personnes, ce qui rend les habitants majoritaires. Cette brève présentation est importante pour comprendre et saisir le contexte des actions de la maison des Tilleuls. Nous menions notre petite vie tranquille et connaissions des périodes un peu moins tranquilles… Parfois nous étions bousculés par les jeunes qui en demandaient plus et autrement, parfois par des adultes se disant insatisfaits de nos réponses. Puis, il y a eu les révoltes d’octobre, novembre. Là tout s’est accéléré. Le bâtiment touché, il y avait urgence, l’équipe, le conseil d’administration aussitôt présents dans la rue, consternés, dépassés, mais à côté des habitants. Nous avons écouté, échangé, et petit à petit, accompagné le désir de réaction, l’envie de certains habitants de reprendre leur place dans le tourbillon d’analyses venant d’ailleurs, sur eux, les gens des quartiers populaires. Assemblées populaires, marches, la conférence de presse convoquée par les habitants, un début d’organisation collective: tracts, réunions, pétition… Puis, d’un commun accord, le désir de poursuivre les échanges et d’élargir les points de vue en invitant des chercheurs, des médecins, des historiens… pour aider à mieux saisir la complexité du réel. Le premier débat eut lieu le 17 décembre 2005, à la maison des Tilleuls, avec Saïd Bouamama, sociologue. Salle Bi-mestriel réalisé par les habitants de Blanc-Mesnil Seine-Saint-Denis (93) SOMMAIRE Historique d’un journal p. 1 p. 2 Colère Bonne et mauvaise moralité à Roissy p. 3 Droit de vote des étrangers p. 4 Méditation sur la colère p. 5 Quelques unes d’entre nous p. 6 Ma vision du monde p. 8 L’alphabétisation des Tilleuls p. 8 Indigènes, un film qui dérange p. 9 L’atelier d’écriture p. 10 Associations p. 10 Zinc, un rap qui parle d’ici p. 11 Agenda p. 11 Proche-Orient, extension des guerres p. 12 Vu d’ici page 2 n° 2 tion du journal, et nous sommes arrivés à la conclusion qu’elle était impossible. Quel que soit le sujet abordé, l’auteur de l’article dans son traitement émet un avis, un jugement, un parti-pris, qu’il soit positif ou négatif. Ce journal a été conçu en ce sens, pour croiser les points de vue, les opinions des habitants et élargir nos représentations en donnant la parole dans chaque numéro à un invité. Certes certains sujets ne font pas consensus, mais, à l’image des débats que nous organisons régulièrement, nous ne sommes pas dans la recherche du consensus. Nous sommes dans une tentative collective de compréhension du monde, nous tâtonnons, nous essayons de trouver de multiples espaces d’expression, pour qu’ensemble quels que soient notre histoire, notre statut, notre origine, nous puissions faire un bout de route, dans le conflit, la contradiction mais surtout le respect. Nous croyons sincèrement qu’une telle démarche, même si elle bouscule, peut nous aider dans nos façons de penser et d’agir. Zouina Meddour Directrice de la maison des Tilleuls • • • les articles, concevoir le premier numéro. Lors d’une séance de travail avec Denis Sieffert, rédacteur en chef de Politis, nous avions évoqué différentes problématiques liées au journal et en particulier son accueil par le public : nous savions qu’il serait autant salué que contesté. Il fallait donc que chaque auteur se prépare à assumer son papier, que la ligne éditoriale soit bien réfléchie, que les réactions des lecteurs puissent aussi nous aider à améliorer le journal tant dans son contenu que sur la forme. Vu d’ici numéro 1 est sorti le 10 octobre 2006, diffusé par tous les membres du comité de rédaction, envoyé par courrier aux adhérents de la maison des Tilleuls, ainsi qu’à l’ensemble de nos partenaires. Déposé dans divers lieux publics: médiathèque, centre de santé… Il peut aussi être lu en ligne. ● sur le vif ncore une. Pourquoi elle et pas une autre ? Je ne sais pas. Toujours estil que cette semaine du mois de septembre fut « la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Depuis que j’ai repris mon poste d’accueil, à la maison des Tilleuls, il ne se passe pas une journée sans que je ne reçoive des parents, des mamans seules avec leurs enfants, qui ne savent pas où aller dormir. Qui se retrouvent dans de telles difficultés financières qu’elles ne peuvent même pas prendre le bus ou téléphoner. E Colère Comment voulez-vous que l’on vive dans une société où tout est dirigé par l’argent ? Une société où la vie n’est faite que pour ceux qui ont ce qu’il faut sur leur compte en banque. Comment peut-on faire, je vous le demande, pour s’en sortir, si le système ne fait qu’augmenter la souffrance, l’humiliation et le désespoir ? Lorsque l’on n’arrive plus à payer son loyer, les quittances EDF, GDF, les assurances, le téléphone, etc. Plus le temps passe, plus on s’enfonce. Sachez que pour un chèque de 27r refusé, vous devez payer 24r de frais de dossier, ce qui devient 51r plus 52r par chèque refusé. Ajoutez à cela 17r80 pour constitution de provision et 22r par valeur rejetée. Ceci n’est qu’un aperçu du fonctionnement des banques: il faut bien qu’elles vivent! Pourquoi ne pas donner aux personnes à découvert, le pouvoir de régler leurs dettes sans rajouter des frais énormes ? Pour EDF/GDF, maintenant, il y a deux Les premières réactions ne se sont pas fait attendre et nous pouvons considérer que le journal a été plutôt bien accueilli. Mais nous avons surtout eu des contributions orales et aimerions aujourd’hui recueillir votre avis par écrit. Nous avons également essuyé des critiques un peu plus virulentes (voir sur le site du journal), que nous ne comprenons pas, en particulier lorsqu’on nous reproche « de porter atteinte gravement à la déontologie ». Si tel était le cas, nous ne manquerions pas de réparer notre erreur mais dans la mesure où il s’agit d’attaques sans démonstration des faits, nous poursuivrons notre chemin. Un autre reproche nous est adressé : « un journal sans un minimum de neutralité », ce qui occasionne la perte d’un soutien financier. La neutralité fut longuement débattue lors de la concep- factures. Il suffit d’une mensualité non payée pour se retrouver avec 18 r 42 de frais de gestion. Sous peine de non règlement, tout sera coupé et les frais de l’intervention s’élèveront à 45 r 45. Si vous voulez changer la date du prélèvement automatique ce service (?) s’élève à 3 r 11. Je vous laisse faire le calcul… Arrêtez d’augmenter les loyers! Lorsque l’on ne gagne que le SMIC, je vous laisse imaginer ce qui reste pour vivre ou survivre. Le système profite de la faiblesse des gens : « Prenez soin de vous, profitez, vous pouvez augmenter votre découvert ou ouvrir un compte etc. » Toutes ces maisons de prêt d’argent n’ont aucun scrupule et savent que ceux qui empruntent sont ceux qui auront des difficultés. Car bien souvent on emprunte une première fois pour rembourser, puis on réemprunte pour liquider le premier prêt, et ainsi de suite… Pourquoi n’aurions-nous pas le droit au bien-être ? de profiter d’une maison, de rentrer dans un magasin sans se culpabiliser d’acheter. Pourquoi n’aurions-nous que le droit de regarder la vitrine ? « Regarde, c’est beau, mais ce n’est pas pour toi ! » Et si il n’y avait que cela… il faut encore se nourrir, payer la chambre d’hôtel et, si vous avez des enfants, régler les problèmes de couches, de nourrice (si vous avez la chance de travailler !) Bien sûr, des gens vous diront que vous ne savez pas gérer votre compte, que vous avez les services sociaux, le Secours Populaire, des aides financières (qui se réduisent de plus en plus), et si par malheur vous dites que vous touchez le RMI, ne venez pas vous plaindre car vous bénéficiez de toutes les aides. Que savent-ils, que connaissent-ils des privations, de manger des nouilles tous les jours ? Lorsqu’il n’y a plus de nouilles, il nous reste le pain. 1 : Pays de malheur ! : un jeune de cité écrit à un sociologue, Younes Amrani, Stéphane Beaud, La Découverte, 2004. L’islam, la République et le monde, Alain Gresh, Fayard 2004, réédition, Hachette Littératures, 2006. 2 : Réalisé par Roland Moreau avec les habitants des Tilleuls, La Cathode vidéo. Permanence Vu d'ici les vendredis de 15h30 à 18h30 à la maison des Tilleuls 7 square Maurice Audin – Blanc-Mesnil Tel. 01 45 91 97 00 mail : [email protected] site : http://vudici.maisondestilleuls.org Que savent-ils de regarder l’argent qu’il y a dans son porte-monnaie avant d’acheter la boîte de conserve correspondant à cette somme ? De la détresse de voir ces mamans logées dans des hôtels depuis plus de cinq ans avec chaque jour les enfants qu’il faut sortir lorsqu’on ne rentre que le soir. Mon envie de hurler me prend au ventre bien des jours. Quel sera leur avenir, s’ils en ont un encore, sachant qu’ils n’ont rien pour plus tard ? Ils auront seulement le pouvoir de respirer de l’air pollué comme la vie. Quel avenir – ou souvenir – pour ces enfants qui vivent dans ces carrés de pièces? Je vous crie mon désespoir, ma douleur, mon envie de frapper par des mots qui pourraient parvenir à l’un d’entre vous. Qui sait ? Il y a peut être des miracles ? Messieurs les ministres, je vous laisse sur vos sièges, engourdis par vos discours qui n’atteignent que vous. Un jour, peut être, je franchirai la porte de votre assemblée que je voudrais comprendre, mais y a-t-il encore quelque chose à comprendre ? Vous faites et défaites les lois. Il vous arrive même de les détourner Alors il faut peut être espérer ? Il ne s’agit plus de sortir de vos repaires seulement pour les élections. Messieurs les ministres, je vous le demande au nom de tous ceux qui sont ou qui seront un jour dans l’impossibilité de faire face à une situation difficile. Vous avez le pouvoir et le devoir de changer les choses. Alors merci de faire une halte sur nous. Colette Haut : Trappes 1994, manifestation contre la double peine. Bas : Valenciennes, 17 octobre 2005, défilé organisé pour « la journée du refus de la misère ». Photos Joss Dray Vu d’ici ● n° 2 témoignage aéroport Charles de Gaulle, à Roissy, est sorti de terre en 1974, les aéroports du Bourget et d’Orly ne pouvant plus supporter la croissance du transport aérien, et s’est implanté sur trois départements : la Seine-SaintDenis, le Val d’Oise et la Seine-et-Marne. Quasiment seuls les fonctionnaires ou assimilés pouvaient évoluer sur cette plateforme, police, gendarmerie, douanes, les personnels des entreprises publiques ADP et Air France qui assuraient à l’époque une mission de service public. Plusieurs accords ont été passés entre les entreprises et les départements sur lesquels s’étendait l’aéroport. Pour faire face à un développement des activités commerciales, des emplois ont été créés et proposés aux chômeurs des communes riveraines en échange d’avantages fiscaux. Mais cela ne suffisait pas. Les offres d’emploi étant trop importantes, un accord supplémentaire avec les départements riverains établissait qu’en échange de nouvelles déductions fiscales des chômeurs de longue date et des jeunes issus des quartiers populaires avec une formation d’insertion professionnelle assurée par des associations (Jeremy) pourraient travailler à Roissy. Cette opération fut un réel succès, ces salariés (Jeremy) sont aujourd’hui, après des années d’ancienneté, des agents compétents et une force dans leurs entreprises. Actuellement, nous sommes plus de 83 000 salariés à être titulaires d’un titre d’accès (badge) en zones réservées de la plate-forme de l’aéroport Charles de Gaulle. Une habilitation chère à nos yeux car elle nous permet de travailler tout simplement, conscients des responsabilités et du rôle qui est le nôtre dans l’effort de L’ page 3 encore rémunéré au SMIC après des années d’ancienneté, voilà où est le danger! La sûreté d’un aéroport passe par une véritable prise de conscience de nos dirigeants pour trouver de vraies solutions aux problèmes que connaît le monde du transport aérien. Depuis le 11 Septembre 2001, le transport aérien mondial a connu des bouleversements d’une part sur le plan réglementaire, avec de nouvelles procédures par exemple, mais aussi sur le plan économique. Nos aéroports ont subi tous ces bouleversements dans leur totalité ou presque ! Nous, personnels, ainsi que nos entreprises, avons fait le nécessaire pour repenser et renforcer la sûreté et la sécurité de nos avions. Mais l’Etat dans sa course aux petites économies a exigé à coups de ou six ans pour certains). Ces dernières années de nombreux salariés se sont défendus en justice contre cette politique obtenant souvent gain de cause. Une jurisprudence en découle qui aurait protégé les salariés mais n’a pas été appliquée. Par conséquent d’autres salariés sont et seront victimes de ces mesures. La notion de «moralité» est sélective selon qu’il s’agit de juger du comportement d’un patron ou d’un salarié. En juin 2006, l’inspection du travail et l’URSSAF ont épinglé la société CMN sur les chantiers d’ADP. Celle-ci ne déclarait pas tous ses salariés. Les dirigeants de l’entreprise n’ont pas pour autant été inquiétés et ont pu continuer à exercer leur activité en zones réservées (zones nécessitant un badge). De même le sous-préfet avait réquisitionné (loi de la guerre d’Algérie) les salariés en grève de CBS, en octobre 2005, et mis fin au mouvement en menaçant du retrait des badges les grévistes pour rendre service à leur employeur. 2 Depuis un mois et, curieusement, à l’approche des échéances électorales, le ministre de l’Intérieur, par le biais de directives préfectorales et d’une énorme médiatisation, fait d’une pierre deux coup : des dizaines de salariés de confession musulmane sont avertis de l’abrogation de leur badge et mis en situation de perdre très rapidement leur emploi sans préavis ni indemnité. Aucun fait précis ne leur a été communiqué qui puisse justifier cette décision préfectorale. On peut en déduire que ces décisions sont fondées uniquement sur des pratiques religieuses. Le préfet de Seine-Saint-Denis invoque seulement que ces salariés présenteraient un risque de « vulnérabilité ou de dangerosité » pour la plate-forme aéroportuaire, sans aucune preuve. Bien au contraire, celui-ci motive sa décision en considérant que c’est au salarié « d’apporter la preuve d’un comportement insusceptible de porter atteinte à la sûreté aéroportuaire ». Ils sont victimes de discrimination religieuse. Mais plus grave encore, s’attaquer au badge des salariés de confession musulmane et le médiatiser occulte que ce sont tous les salariés qui pourraient perdre le fiches relatives à des personnes mises en leur d’un moment à l’autre. Des familles cause. Mais la mise à jour des fichiers de entières se sont retrouvées brutalement police judiciaire ne s’est pas améliorée sans plus aucun revenu à la suite d’un faute de liaisons informatiques entre les retrait de badge. Plusieurs organisations syndicales et assoparquets et les gestionnaires des fichiers. Dans son avis, la CNIL a exprimé sa ciations des droits de l’homme n’ont cessé, préoccupation au sujet des conditions dans ne cessent et ne cesseront d’interpeller nos lesquelles ces fichiers sont actuellement dirigeants, nos élus et le préfet sur l’intoléutilisés dans le cadre des enquêtes admi- rable subjectivité des dispositions légales nistratives et a estimé nécessaire d’appeler prises ces dernières années. Elles découà nouveau solennellement l’attention du lent d’une politique sécuritaire mise en place par le gouvernegouvernement sur les risques ment qui invite les graves et réels d’exclusion ou ... s’attaquer au Français à abandonner d’injustice sociale qu’ils comportent du fait des nombreux badge des salariés leur liberté en échange d’une pseudo sécurité. dysfonctionnements constatés de confession L’absence de motivation et sur la quasi-impossibilité pour les personnes de faire musulmane occulte les rend d’autant plus injustes et discriminatoivaloir, en pratique, leurs droits. que ce sont tous res. Elles portent atteinte La CNIL a en conséquence réiaux libertés et à l’état de téré ses propositions d’amélio- les salariés qui droit. ration du dispositif. Les inves- pourraient perdre tigations dans les fichiers de Moustafa police judiciaire STIC et le leur... JUDEX ont conduit la CNIL à 1 : Rapport d’activité 2005 de la CNIL procéder dans 44 % des cas à des mises à 2 : Voir Libération du 10 novembre jour ou à la suppression de signalements 2006, « Ordre moral à l’aéroport », erronés ou dont le délai de conservation Christian Boltanski. était expiré. 1 Certains de nos collègues qui ont été embauchés dans le cadre d’une réinsertion sociale (Jeremy) se voient reprocher des erreurs de jeunesse commises plus de dix ans avant leur embauche et, plus grave encore, leurs passés étaient connus et avaient fait l’objet d’un entretien au moment de la remise du badge (il y a cinq quitter d’une amende. De se faire contrôler par un policier plein de préjugés et de colère s’ils sont de nature à ne pas se laisser humilier. Tous ces exemples sont authentiques et bien d’autres que je ne peux citer, une enquête étant en cours. Le samedi 8 juillet 2006, dans le cadre de l’exercice du droit d’accès indirect, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) constate des dérives dans la consultation administrative des fichiers de police judiciaire STIC et JUDEX et émet des recommandations au gouvernement La dernière fois que le ministère de l’Intérieur a mis en place des procédures d’apurement des fichiers STIC, en 2004, elles ont permis d’éliminer 1 241 742 Bonne et mauvaise moralité à Roissy sûreté et de sécurité des usagers, des biens et des personnels. Pour preuve, des stages obligatoires de sûreté doivent être organisés par nos différentes sociétés pour leurs employés exerçant une activité sur le site. Nous avons ensemble contribué au développement spectaculaire de Roissy et à la prospérité de nos entreprises respectives. Mais le temps où un aéroport était investi d’une mission de service public est révolu. Aujourd’hui on assiste à une mise en concurrence des différentes entreprises sous la pression de quelques grandes multinationales qui exigent sauvagement des coûts de production et d’exploitation bon marché et demandent à l’Etat de plus en plus d’exonérations fiscales. La politique libérale exercée dans nos entreprises a comme conséquence directe d’aggraver et de généraliser la précarité du personnel de Roissy, une précarité dangereuse pour le titulaire du badge mais aussi pour la sûreté de l’aéroport. Messieurs les députés, légiférez afin de valoriser nos métiers en obligeant chaque entreprise exerçant une activité à réévaluer les salaires et à respecter ses salariés ! On ne doit pas faire d’un titulaire de badge un smicard ! Un tiers des personnels est Lyon 2000, biennale d’art contemporain : l’art sur la place, thème « le territoire ». Photo Joss Dray décrets, la « bonne moralité » sans débloquer les moyens d’étude sérieuse des dossiers de demande ou de renouvellement de badges. Le ministère de l’Intérieur soumet des lois à l’Assemblée nationale qui les vote dans la foulée, puis le préfet les applique par des décrets préfectoraux horriblement subjectifs. On a vu ainsi la loi Vaillant élargir le pouvoir des contrôles de Police. La loi Sarkozy déterminer les conditions d’attribution, de suspension ou de suppression des habilitations (terrorisme et spoliation). Le renforcement de la loi Sarkozy élargit ces conditions pour les amener à la « mauvaise moralité ». Les services de délivrance des habilitations se mettent à consulter les fichiers STIC (Système de traitement des infractions constatées) et JUDEX (Système judiciaire de documentation et d’exploitation) qui, jusque là, n’étaient pas consultables. Depuis l’application de tous ces décrets, des hommes et des femmes vivent la peur au ventre. Ils sont avec les employés des centrales nucléaires et ceux des ports, obligés d’avoir à l’esprit leurs habilitations à chaque décision quotidienne. Aujourd’hui, pour eux, il est risqué d’exprimer son désaccord avec son patron dans l’exercice d’un mandat syndical. De se disputer bruyamment avec son conjoint. D’être en difficulté financière pour s’ac- Vu d’ici page 4 n° 2 Droit de vote des étrangers De qui se moque-t-on ? point de vue n’ont qu’à opter pour la nationalité française. Ils oublient que l’octroi de la nationalité française est une faveur et ous entrons dans une période que l’on qualifie non un droit, de surcroît, rien n’est fait pour faciliter l’acde campagne électorale. Cependant toute une cès à la nationalité française, bien au contraire. frange de la population constituant notre pays Dans l’Union européenne à quinze, sept pays ont donné ne sera pas impliquée, en ce sens le droit de vote aux étrangers pour les élecqu’elle restera muette étant donné la législa- Des résultats tions municipales, puis dix dans l’Union tion en vigueur qui interdit aux immigrés non européenne des vingt-cinq. Ces pays ont fait qui confirment un premier pas dans la mise en œuvre de la communautaires 1 de voter. C’est pourtant la France qui a fait appel à la que l’opinion citoyenneté basée sur la résidence, la France main d’œuvre étrangère dans les années 60. s’honorerait de les accompagner sur ce cheCes immigrés résident donc en France depuis publique min qui rend le suffrage un peu plus univerplus de quarante ans et ont contribué au déve- est désormais sel. D’autant que 56 % contre 39 % de partiloppement de notre pays. Aujourd’hui, ils ont cipants à un sondage de la Commission des enfants qui ont souvent la nationalité fran- durablement nationale consultative des droits de çaise et peuvent voter mais qui vivent dans la favorable l’Homme du 21 mars 2005, se sont déclarés difficulté l’exclusion de leurs parents de la favorables au droit de vote des résidents société française. Une exclusion qui témoigne à l’extension étrangers non communautaires aux élections d’une persistance à instrumentaliser les popu- de ce droit. municipales. Des résultats qui confirment lations des pays les plus pauvres ou ancienneque l’opinion publique est désormais durament colonisés et à leur dénier toute reconnaissance. blement favorable à l’extension de ce droit. Selon moi, voter devrait constituer le terreau où le « vivre Tout comme la troisième opération « Votation citoensemble » pourrait s’épanouir. A défaut de vivre ensem- yenne » qui s’est déroulée du 16 au 22 octobre 2006 dans ble, nous vivons face à face. une centaine de villes de France et a suscité une imporLes immigrés n’ayant pas le droit de vote n’en sont pas tante mobilisation, notamment étudiante. Plus de 500 moins un enjeu électoral. L’immigration occupe même une bureaux de vote étaient mis à disposition de tous les résiplace prépondérante au sein des différentes campagnes dents, français et étrangers, afin de leur permettre de électorales et dans tous les discours politiques. Mais ils n’ont pas le loisir de sanctionner par leur bulletin de vote ceux-là même qui les insultent ou se moquent d’eux. Le droit de vote des immigrés était inscrit parmi les 110 propositions de François Mitterrand en 1981. Devenu Président de la République, il n’a jamais appliqué cette mesure qui pourtant aurait contribué à mieux vivre ensemble et surtout lui aurait permis d’honorer ses promesses. Souvenons-nous aussi de Jacques Chirac qui déclarait, le 19 juin 1991, à Orléans : « Comment voulez-vous que le travailleur français qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler… si vous ajoutez le bruit et l’odeur, hé bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et ce n’est pas être raciste que de dire cela ». Ce genre de déclaration insupportable, honteuse et diffamatoire ne constitue même pas un obstacle à l’accession aux plus hautes responsabilités de notre Etat. On peut donc en déduire qu’il est facile de dire tout et n’importe quoi sur les immigrés puisque ces derniers ne peuvent s’exprimer. Le droit de vote des immigrés est donc devenu un vrai phénomène de société, il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Ceux qui sont pour sont relativement sympathiques et humanistes, mais ils ne sont pas assez radicaux, on ne s’exprimer sur cette question. Des voix se sont égalesait pas quand ils veulent appliquer cette mesure si elle ment élevées de tous les bancs de l’arc parlementaire en doit être prise. faveur d’une telle réforme. Lors des précédentes opéraCeux qui sont contre sont dans l’erreur, la non-recon- tions « votation citoyenne », 40 000 participants en 2002, naissance et dans le paradoxe permanent. Ils réclament 66 000 en 2005 s’étaient déplacés pour déposer un bulleplus de comportement citoyen, or le droit de vote est la tin dans l’urne et donner leur opinion sur la question. base-même d’une citoyenneté « réussie ». Ils invoquent Dans notre commune, une consultation, initiée par M. le le principe de réciprocité, c’est-à-dire qu’ils exigent que Maire, nous a dévoilé qu’une large majorité de citoyens si un Algérien, un Marocain ou un Sénégalais vote en s’était également prononcée pour le droit de vote et d’éliFrance, un Français puisse voter en Algérie, au Maroc, gibilité des immigrés extra-communautaires. Je me ou au Sénégal. Bien sûr, ce serait l’idéal, toutefois si réci- réjouis du résultat de cette consultation. Des voix se sont procité il doit y avoir, nous ne pouvons attendre que ce cependant élevées pour évoquer le caractère illégal et soient des dictatures qui donnent l’exemple. onéreux de cette consultation. D’autres affirment que si les immigrés veulent voter, ils A défaut de pouvoir me prononcer sur la légalité, je ● N trouve la démarche de consultation intelligente et ce, quelle que soit la question posée. Ceux qui trouvent que cela coûte cher sont un peu en décalage avec la réalité, je pense que les immigrés méritent mieux que ces analyses au rabais. Il faut aussi rappeler que les dotations financières dont bénéficie notre commune se font en fonction du nombre de ses habitants et non du nombre des électeurs. Je n’ai jamais accompagné mon père au bureau de vote et il ne m’a jamais incité à voter. Pour remédier à cela, je vais toujours voter en compagnie de mes enfants et j’essaye de convaincre mes concitoyens que le droit de vote pour les immigrés est une mesure salvatrice et bénéfique pour nous tous. Rachid 1 : Le Traité de Maastricht (1992) a institué une citoyenneté de l’Union. Les citoyens de l’Union sont les personnes ayant la nationalité d’un Etat membre. Le Traité leur accorde le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes. Consultation pour le droit de vote des étrangers, juin 2006, école maternelle France Bloc Sarrazin, Blanc-Mesnil. Photo Joss Dray ● Le 31 décembre C’est la date limite pour s’inscrire sur les listes électorales. « Si vous ne vous occupez pas de la politique, c’est elle qui s’occupera de vous »*. Cela laisse peu d’alternative à l’hésitation... Plutôt que de nous laisser prendre en tenaille, tentons, tous ensemble, de faire entendre des revendications populaires et radicales. * Cf. « Ceci est notre quartier à 93° » Vu d’ici n° 2 page 5 • • • France-Algérie du 6 octobre 2001 – juste après le 11 Septembre – . Ce match aurait dû être un match de réconciliation entre les deux peuples et les gens des quartiers mais cela a été une grosse désillusion. Les Français ont été outrés que des jeunes issus de l’immigration envahissent le terrain et sifflent la Marseillaise (alors qu’elle a aussi été sifflée quelques années après par les Corses dans une bien plus grande neutralité médiatique). Cela a fait exploser la notion d’équipe black-blanc-beur. Et juste après, ce fameux 21 avril 2002, on a eu Le Pen qui s’est retrouvé au deuxième tour des élections. Un véritable électrochoc. Heureusement contrebalancé par de nombreuses manifestations auxquelles j’ai participé. Le 11 Septembre 2001 avait de toute façon marqué un tournant dont nous payons encore les conséquences. Méditation sur la ● récit de vie colère J’ai habité à Garge-lès-Gonesse avec des gens qui portaient des noms arabes et des prénoms français qui ne cessaient pas de m’intriguer. Mais je crois que je n’ai vraiment entendu parler de cette histoire que vers trente ans. Le 17 octobre 1961, en particulier, allait faire irruption dans le champ du débat et rompre l’amnésie collective. Je réalisais alors que je n’avais jamais parlé qu’avec mes parents de la guerre d’Algérie, ce qui ne m’avait pas permis d’en mesurer l’échelle. e sentiment de la colère m’a accompagné tout au long de ma vie. Je crois qu’il a débuté dès ma naissance lorsque expulsé du ventre maternel dans les cris et les pleurs, je me suis retrouvé exposé aux yeux du monde et aux premières réflexions standardisées des uns et des autres : « Pour les yeux, c’est sa mère mais pour le reste, c’est le portrait de son père tout craché… ». Puis il y a ce souvenir d’enfance, je devais avoir une dizaine d’années, de la cour de récréation de l’école Il y a eu aussi notre colère à tous face à la mort de Henri Barbusse à Garge-lès-Gonesse. Au moment de Hassan Laaraj, en 1993. Il avait tout juste 21 ans et était nous mettre en rangs, pour regagner la classe, une mon voisin, nous jouions au foot ensemble. Nous bousculade se produit, et sans avoir rien eu le temps devions avoir un match important le surlendemain de de comprendre, je me retrouve frappé, gratuitement, sa mort, après une virée dans une boîte de nuit de la Ferté-sous-Jouarre qui s’est terminée par le directeur de l’école. Cet incident rapporté à mon père me fait revenir le len- Je croyais qu’on tragiquement. La mort de Hassan a fait demain, sûr de moi, en avertissant le direc- allait les écouter monter une colère terrible car la justice ne trouvait pas les coupables alors que teur d’une intervention familiale en cas de et que plus rien son assassinat s’était déroulé sous les récidive. A ma grande stupéfaction, je l’entends encore, dans la salle des profes- ne serait jamais yeux de centaines de gens. Nous faisions à ce moment là partie de l’association seurs, lancer à la cantonade : « En Algérie, comme avant. Jeunes et citoyens et avec la famille, les ses parents venaient me demander du pain et, ici, ils prétendent me dicter ma conduite… ». proches, l’avocat, le maire de Blanc-Mesnil, le centre social, nous étions tous très mobilisés. Nous avons été Qu’avions-nous pu partager en Algérie ? Ma colère naissait d’un sentiment d’humiliation et elle un certain nombre à bloquer le palais de justice de allait par la suite m’accompagner avec force. On m’a Meaux et la chancellerie pour demander des comptes. menti sur mon histoire et celle de mes parents. On ne Nous avons organisé des tournois de football à sa m’a pas raconté l’histoire entre l’Algérie et la France, mémoire et une place porte aujourd’hui son nom, mais les «événements» qui se sont transformés en véritable les coupables n’ont jamais été retrouvés. guerre, et qui étaient totalement absents de la vie publique. Quelques images bien sûr se sont accrochées à Ma colère a beaucoup été liée à l’histoire du foot franl’enfance: ma mère devant le poste de télévision lors- çais. J’aurais pu devenir un joueur professionnel mais que le général de Gaulle prononçait son célèbre «je j’ai toujours été à la limite du hors jeu. vous ai compris». Des manifestations dont j’entendais Pour moi, la coupe du monde de 98 a été une coupe du monde pour les sponsors et les partenaires privés, parler sans bien savoir à quoi elles se rapportaient. J’ai pourtant fait partie de cette guerre sans même le pour les Français d’une certaine catégorie sociale vouloir. Mes parents m’ont raconté, plus tard, que de mais pas du tout une coupe du monde populaire, les l’argent collecté pour le FLN était déposé dans mon gens des quartiers n’avaient pas trouvé de place au stade. En revanche, rappelez-vous le match • • • couffin pour échapper aux contrôles de la police. L Après le choc médiatique des avions s’écrasant sur les deux tours jumelles du World Trade Center de New York, l’ambiance est devenue ultra-sécuritaire et raciste : dès qu’il y avait un acte de violence ou de délinquance, on éprouvait un soulagement lorsque ce n’était pas un Arabe ou un Noir qui l’avait commis… Et il y a bien sûr les révoltes d’octobre-novembre 2005. Lorsque les jeunes ont commencé à brûler, j’étais partagé entre la colère et la compréhension car ils passaient à l’acte et disaient leur révolte. Je croyais qu’on allait les écouter et que plus rien ne serait jamais comme avant. Combien de jeunes ont été tués par la police sans que cela n’ait jamais attisé un feu de cette ampleur ? Aujourd’hui, on parle « d’anniversaire des émeutes », mais un anniversaire cela évoque la fête, les gâteaux, les bougies… on est loin de cela. Cette année était surtout une année de commémoration. Cela nous a permis de faire notre deuil. J’ai participé à la marche de Clichy, c’était un moment vraiment douloureux, et puis il y avait ces banderoles « Morts pour rien » mais je ne veux pas penser qu’ils sont morts pour rien. Ils vont rester le symbole d’un renouveau qui pourrait se produire dans les quartiers. Cette révolte va marquer une date : celle où il faut prendre en compte que les jeunes des banlieues ont des choses à dire. Mo.R. Gauche : Place Hassan Laaraj, 1995. DR. Droite : Guerre d’Algérie : DR, collection privée. Vu d’ici page 6 n° 2 agenda 2007 (+ DVD diaporama) Quelques unes d’entre nous Par le collectif de femmes de la maison des Tilleuls Format 20 x 21cm, 128 p., couverture cartonnée en quadri À commander auprès du collectif à la maison des Tilleuls Prix : 15 euros + 3 euros de frais de port Prix adhérent maison des Tilleuls : 8 euros + 3 euros de frais de port Quelques unes «Quelques unes d’entre nous» est l’histoire d’une rencontre à la maison des Tilleuls, le cheminement fragile et fort dans différents processus de création, exposition, diaporama, film, agenda, DVD… de femmes de tous âges et de toutes origines, désireuses de se réapproprier l’image, l’écriture, la parole. A l’automne 2005, après ce que nous avons convenu d’appeler «les révoltes», le groupe, très impliqué dans la mobilisation du quartier, s’est constitué en collectif. « Toutes ensemble » est devenu leur devise pour aller de Marseille à Lille, de Bruxelles à Lisbonne, en passant par Bobigny ou Stains. Leur nombre ne leur fait pas peur, elles étaient au départ une dizaine et sont aujourd’hui quelque trente femmes qui ne cessent d’accueillir les autres. Une ronde d’invention et d’attention ouverte à toutes, à tout moment. Pour un petit morceau de partage ou un long périple ensemble, vers le connu ou l’inconnu. La découverte de soi et des autres, la découverte d’être une force ensemble. C’est cette histoire qu’elles tentent ici d’inscrire dans l’histoire du monde, qu’elles ont revisité pour en adresser un autre regard. «Se rejoindre dans le groupe, c’est se transformer, aujourd’hui ne sera plus comme hier» (Taco). Carole J’ai dabord pensé que c’était impossible et trop ambitieux mais finalement on n’a cessé de réaliser des choses que je n’aurai jamais cru pouvoir devenir réelles. Lorsque je regarde en arrière, nous avons parcouru un sacré chemin. Aujourd’hui, je me sens un peu comme une vedette. On parle de nous, nous sommes reconnues, c’est énorme. Arlette C’était une nouvelle expérience et une continuité. La possibilité de pouvoir transmettre tout ce que l’on a vécu tout au long de lexposition, de nos voyages, de nos rencontres. C’est aussi flatteur pour nous de pouvoir faire découvrir des choses qui peuvent aussi être partagées par dautres. Victoire Quand les gens vont découvrir l’agenda, ils vont comprendre ce que nous faisons à la maison des Tilleuls. Nous voulons partager notre vision du monde avec eux. Leur faire comprendre que dans la vie, il faut lutter ensemble. Wahide Faire quelque chose que l’on n’avait jamais fait jusqu’à maintenant, c’est génial. Cela m’a rappelé lorsque je suis allée, en novembre 89, avec mon mari casser le Mur de Berlin. On est ensemble. On n’a peur de rien. Taous Il nous a fallu trois mois de travail intensif. Je ne sais pas lire, je ne sais pas écrire mais je sais fabriquer quelque chose et je suis contente d’avoir participé à ce projet. Et puis nous allons pouvoir le diffuser, démarrer une vraie activité de création. La maison des Tilleuls est devenue notre deuxième maison. d’en Vu d’ici n° 2 page 7 Photos Joss Dray Djohra Cela m’a apporté beaucoup. De la joie. Du plaisir. J’apprend beaucoup de choses nouvelles. En parlant du passé, cela me remémore plein de choses. Les fêtes, les dates importantes pour tout le monde. Cela fait remonter une mémoire collective. ntre nous Habiba C’est encore découvrir autre chose que je n’imaginais pas. Que le groupe puisse fabriquer cela. Cela nous a demandé de réfléchir et de choisir. Maintenant, çà marche ou çà ne marche pas mais avant même d’entendre le retour des autres, nous sommes fières de ce que nous avons fait. Absa C’est une vraie responsabilité de faire un agenda. Il faut travailler avec son intelligence. L’agenda, ce n’est pas pour soi, c’est quelque chose que l’on offre à quelqu’un. Ce ne sont pas des paroles en l’air. C’est un vrai cadeau. On reçoit beaucoup et on donne beaucoup. C’est un acte d’hospitalité. Vu d’ici page 8 n° 2 Ma vision du monde par P.R.V. Photos Joss Dray Chaotique est ma vision du monde ! Evidemment, elle n’est pas la vôtre. Des hommes pervertis par la société ou bien la société pervertie par nous les hommes ? Des hommes aveuglés par leur crédulité ou tout simplement des hommes perdus par leur non-crédibilité ? Une religion, d’un point de vue intérieur simple et limpide, qui régit un mode de vie actuel par sa législation et s’applique encore à bien d’autres domaines, ce qui me pousse à avoir un comportement intègre. Est-ce une religion incomprise à laquelle on ne fait pas attention ? Qui n’est pas forcément la passion d’une nation mais la constatation d’un peuple en manque de convictions ? Au final, elle finit par une mauvaise compréhension. J’ai peur que l’ignorance ne soit devenue science et que l’égarement ne soit synonyme de bon sens. Voilà la cause d’un séisme annoncé. Je dirai que l’éducation tient un rôle principal dans une conscience lucide. A savoir que le travail sur soi, vers l’autonomie, n’est surtout pas à exclure, bien au contraire, c’est la clé d’une vertu, l’humilité. Bizarrement, en écrivant moi-même cette vision du monde, je constate que l’une, l’éducation, ne vas pas sans l’autre, l’humilité, comme Adam et Eve. Sans principes, sans repères, l’individu est voué à la perversion. Les mots spécieux et fallacieux s’accordent bien avec le caryotype de l’espèce humaine. L’Alphabétisation des Tilleuls ● action ls sont là, assis devant nous, dans une salle de la maison des Tilleuls. Il n’y a pas si longtemps, ils étaient au Maroc, en Turquie, en Inde, au Pakistan, au Sri Lanka, au Mali, en Sierra Leone… Ils ne parlent pas notre langue, nous ne parlons pas la leur. A défaut de pouvoir communiquer, nous nous sourions. Nous avons tout de même échangé un bonjour. I Nous ne parlons pas leur langue, ils ne parlent pas la nôtre, mais nous avons un objectif commun, à court terme, que chacun, chacune, à la sortie du cours, reparte avec son bagage un peu augmenté, et à plus long terme, que nous puissions communiquer par la parole, qu’ils puissent comprendre le français, le parler, l’écrire, qu’ils aient les outils pour établir des relations avec leurs voisins, les enseignants de leurs enfants, les commerçants, les administrations, le médecin… Première nécessité : faire connaissance. J’ai écrit leur nom et leur prénom ainsi que les nôtres sur des cartons. Nous pourrons nous identifier, nous nommer : “Je A la fin de l’année, il restera encore un m’appelle, tu t’appelles, il, elle s’appelle, long chemin avant que chacun se soit vous vous appelez”… complètement approL’emploi du tu ou du Cette soif de comprendre, prié le français mais vous, grande interrole plus difficile sera gation ! Puis nous de connaître, d’apprendre fait. L’an prochain nommons en français qu’exprime la population d’autres bénévoles, le matériel que nous dans d’autres grouutiliserons, les objets des cités, qui en parle ? pes, assureront la qui nous entourent. suite. Nous recherNous exprimons les actions que nous cherons pour chacun, pour chacune, le accomplissons : je prends, je mets, j’ou- groupe dans lequel il ou elle trouvera les vre, je ferme, j’allume, j’éteins… C’est le meilleures conditions pour progresser. début d’un long travail au cours duquel nous élargirons nos centres d’intérêt pour La majorité des personnes qui fréquentent couvrir l’ensemble de la vie quotidienne. les cours de l’association sont des femmes Nous apprendrons les mots nécessaires à car ces cours ont lieu dans la journée, penexprimer le temps, les durées, l’heure, les dant les heures de classe. Plusieurs de ces dates, les lieux, les distances, les direc- femmes ne sont jamais allées à l’école dans tions. Les mots pour indiquer une appré- leur pays, d’autres l’ont fréquentée peu de ciation, un sentiment, un jugement. temps. Pour certaines, c’est le premier contact avec un apprentissage scolaire et, Difficile d’entendre et de prononcer des pour elles, il y a de l’inquiétude: suis-je sons qui n’existent pas dans sa langue, de capable? est-ce que je peux comprendre? construire des phrases en utilisant articles écrire, n’est-ce pas trop difficile pour moi? et prépositions. Difficile de se lancer Mais l’expérience montre que toute perdevant les autres au risque de susciter des sonne peut progresser quel que soit son rires. Mais nous avons déjà ri lorsque je âge. Lorsqu’on est capable d’assumer une me suis aventurée à prononcer leur nom, famille, on a les qualités intellectuelles entreprise parfois difficile pour un pour apprendre mais il est difficile de sortir Français, et nous rirons encore souvent, de son rôle de mère de famille, de laisser un sans moquerie, sans ironie, du rire de la moment les tâches ménagères et de prendre confiance et de l’amitié. Peu à peu, l’assu- du temps pour soi, pour s’instruire, alors rance vient ; on ose un mot puis plusieurs. qu’il y a tant de choses à faire à la maison. Après des tâtonnements, des essais, des Si la plupart ont le soutien et les encourageerreurs, enfin s’exprime la joie d’avoir ments de leur famille, il arrive que quelfranchi l’obstacle de la timidité, d’avoir ques unes doivent affronter les doutes, trouvé les mots, de s’être fait comprendre. voire la réprobation de leur entourage. Je me sens profondément solidaire de ces femmes, de toutes les femmes. Nous accomplissons les mêmes tâches au sein de nos foyers, nous avons la même volonté d’agir pour que nos enfants soient heureux, nous avons le même désir de vivre dans un monde en paix. Nos différences sont accessoires, nous avons l’essentiel en commun. Ce qui s’exprime auprès des bénévoles de l’association, auprès de l’accueil de la maison des Tilleuls, c’est un formidable besoin, une formidable envie d’apprendre pour soi-même, pour être indépendant, pour être en phase avec ses enfants, pour accéder à une formation professionnelle, pour valoriser son expérience, ce qui est impossible si le niveau en langue française est trop faible. Les dispositifs qui existent sont largement insuffisants et quelquefois difficiles d’accès. De nombreux adultes auraient besoin de remises à niveau dans les matières essentielles, de formation informatique… Les associations, malgré leur engagement, sont loin de couvrir les besoins. Cette soif de comprendre, de connaître, d’apprendre qu’exprime la population des cités, qui en parle ? Elle semble totalement ignorée des pouvoirs publics. Elle est complètement passée sous silence par la plupart des médias. C’est pourtant une autre image de nos quartiers qui mériterait d’être connue, une image positive, une image porteuse d’espoir. Yvette Sauvage Cours d’alphabétisation à la maison des Tilleuls. Photos Nadia Vu d’ici n° 2 page 9 Indigènes, un film ● cinéma qui dérange… par Aïcha orti le 27 septembre sur les écrans français, Indigènes, de Rachid Bouchareb, avec Samy Naceri, Jamel Debbouze, Samy Bouajila, Roschdy Zem et Bernard Blancan, tous primés a Cannes, a reçu le Prix de l’interprétation collective 2006. S Un film qui aura beaucoup fait parler de lui et dérangé plus d’une personne. En voici le synopsis: Durant la Seconde Guerre mondiale, quatre tirailleurs, Abdelkader, Messaoud, Saïd et Yassir, qui jusqu’alors n’avaient jamais foulé le sol français, vont s’engager comme 130000 autres “Indigènes” dans l’armée française pour libérer “la mère patrie” de l’ennemi nazi. Nous suivons donc leur recrutement, nous voyons se dérouler leurs ambitions, tous semblent vraiment animés par le patriotisme, hormis le personnage de Samy Naceri, qui dit le faire pour l’argent… Nous accompagnons donc leurs péripéties, qui servent de trame à d’importantes revendications de la part du réalisateur. Il met en avant les inégalités de traitement au sein des bataillons: dans une des scènes, l’un des quatre va déclencher une révolte générale car les tirailleurs des colonies n’ont pas le même repas que les autres: ils n’ont pas droit à la tomate. Un peu plus tard, alors qu’on sait leur instruction obligatoire, celle-ci n’a pas lieu, ils n’apprennent pas à lire et à écrire. Ces dénonciations d’injustice sont appuyées par des scènes où on les voit chanter la Marseillaise avec beaucoup de conviction. On apprend également que leur courrier est censuré, ce qui va jusqu’à empêcher une histoire d’amour entre l’un des quatre et une provinciale. Pour finir, ils ne recevront aucune reconnaissance. Alors même qu’ils ont délivré un village, ils n’ont pas le droit de poser sur les tous les manuels. Pour reprendre l’expresphotos, tandis que d’autres soldats n’ayant sion de Jamel Debbouze, il s’agit d’un « rien fait » vont être vus comme les «post-it» de l’Histoire. Beaucoup ont néanmoins découvert grâce à «valeureux défenseurs de la France». Le dénouement est tout aussi tragique, qui Indigènes, une toute autre réalité de la montre le seul survivant du bataillon aller Seconde Guerre mondiale. C’est une bonne sur la tombe de ses amis, morts pour la chose. Reste à savoir si, aussi vite que les France, puis retourner à sa triste vie, dans sa pensions décidées, des pages seront ajouchambre d’un foyer Sonacotra. Il a servi la tées aux manuels d’histoire. Si rapidement après le débat sur «l’effet positif de la coloFrance et voilà comment il a été remercié. Mot de la fin: sur les pensions de ces com- nisation» 1 de la loi du 23 février 2005, je reste sceptique… battants toujours gelées. Indigènes a donc dérangé les pouvoirs publics, en effet, tous ces hommes qui ont Mais le film aura donc au moins eu le feint de découvrir l’atrocité de traitement mérite de titiller notre gouvernement, de qui a été réservée à ces combattants fran- réparer une injustice commise depuis si longtemps et que perçais. Remettre leur pension à sonne jusqu’ici n’avait flot a donc paru une évi- Il y aura donc contestée. Il aura appris dence. Nous nous rappelons à de nombreux Français l’émotion de Jacques Chirac un avant Indigènes après avoir vu le film, et en et un après Indigènes une page de l’Histoire. C’est donc un combat à quelques jours, décidé de réparer 50 ans d’injustices. Certes à moin- saluer, celui de Rachid Bouchareb qui a dre coût, puisqu’il ne reste plus énormé- défendu son film, celui des acteurs, qui se ment de tirailleurs à dédommager. Mais il a sont investis dans le projet, et ont été payés pour une fois pris le taureau par les cornes au tarif syndical… Comme nous l’a dit et réagi avant la sortie du film, avant que Jamel au Rex, «il ne s’agit pas de faire des l’opinion publique ne prenne à coeur l’his- entrées mais de raconter une histoire». Une démarche honorable donc et à saluer. toire de ces Indigènes. Le film a aussi dérangé tous les tenants de Un film qui sert une cause, mais au prix de l’Education nationale: 60 ans d’histoire de quelques dégâts collatéraux, qui eux aussi France et un chapitre qui figure absent de dérangent. nus d’eux, dans des sociétés dont ils ignorent totalement la langue, la culture et l’environnement. On imagine toute la tragédie vécue par ces hommes à 98% analphabètes, parachutés sans transition de la brousse dans la civilisation de l’écriture et jetés en pâture à un ennemi dont le savoir, l’instruction et le développement matériel en font un des peuples pilotes du monde». Et enfin, pour conclure, il est regrettable surtout qu’à la fin du film, n’ait pas été rappelé le massacre des familles de ces mêmes Indigènes, le 8 mai 1945 à Sétif. En effet, pourquoi ce film, qui se veut lutter contre les inégalités, en commet une et ce dès le casting? Pourquoi seuls les tirailleurs maghrébins sont-ils mis en avant? Rappelons-le, tous les tirailleurs des colonies ont été dans le même combat puis dans la même «galère». Sans parler de quelques erreurs historiques. Celle où l’on aperçoit un tracteur dans un champ – après quatre ans de guerre cela fait bien longtemps qu’il n’y a plus d’essence pour les tracteurs (quand ils n’ont pas été réquisitionnés) – peut sembler anecdotique. En revanche, alors qu’en théorie le recrutement de l’ensemble des troupes africaines repose sur l’engagement volontaire, comme ce qui est véhiculé dans le film, il faut préciser que cela n’a pas toujours été le cas. Dommage qu’aucune allusion à cette réalité n’ait été faite: en Afrique noire, «Les indigènes à la carrure d’athlète étaient ramassés et attachés par une corde autour des reins avec comme lieu de destination ad patres la boucherie nazie», raconte Théodore Ateba Yene dans «Cameroun, mémoire d’un colonisé » (L’Harmattan, 1998). Le Malien Bakari Kamian rappelle, dans «Des tranchées de Verdun à l’église Saint-Bernard», (Karthala, 2001), «le drame de ces jeunes gens transplantés de la brousse et obligés d’aller se battre des années durant dans des pays et sous des climats totalement incon- Il y aura donc un avant Indigènes et un après Indigènes, dans lequel tous les enfants issus de l’immigration seront les petits-fils de ces soldats. Un après Indigènes, qui indique alors une nouvelle vérité, et donne une clé d’explication aux émeutes de novembre dernier. Un après Indigènes plein de raccourcis nocifs pour toute une jeunesse en quête de reconnaissance. Un exemple? Invités à une avant-première au Sénat, en juin 2006, Isabelle Giordano s’adresse à la salle, remplie essentiellement de banlieusards: services jeunesse, centres sociaux… et nous dit: «Nous avons tenu à inviter un public qui n’a pas l’habitude d’aller au cinéma, et qui est concerné par ce film». Une phrase, deux réalités: les banlieusards, espèce inculte qui ne va pas au cinéma – à une époque où la majorité de mes amis a sa carte UGC… – ; un film qui nous concerne, avec un casting de jeunes issus de l’immigration, qui traite de l’immigration… En revanche, pour découvrir, des chefsd’oeuvre de grands cinéastes, je pense qu’on ne nous aurait pas invités. 1 : Loi du 23 février 2005, selon laquelle « les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Après la cérémonie du 11 novembre 1999, au Tata sénégalais de Chasselay (Rhône), nécropole où sont ensevelis les tirailleurs étrangers exterminés par les nazis en 1940. Photos Joss Dray En haut à droite : Août 1917. Tirailleurs étrangers dans l’armée française. Ils venaient du Soudan, Dahomey (Bénin), Guinée, Somalie, Tunisie, Indochine… BDIC Vu d’ici page 10 L’atelier d’écriture avec Laurence Ubrich des auteurs en herbe… Cet atelier d’écriture a commencé il y a quelques semaines à peine. Il s’agit de poursuivre l’initiation à l’univers des contes que la plupart des enfants ont suivi lors de leurs séances de « racontage ». De lecteurs, ils sont devenus auteurs. Ces histoires ont toutes été imaginées et rédigées par eux. Ces écrivains en herbe ont déjà appris à structurer une histoire, donner de la chair à un personnage, élaborer des dialogues et des rebondissements, créer le suspens. Ces trois contes, encore en «construction», sont des œuvres collectives. L’atelier permet également aux enfants de réfléchir ensemble, d’inventer ensemble. Pour que l’imaginaire soit partagé et devienne une aventure de groupe. « Il était une fois un pirate qui se nommait Benjamin. Il avait une jambe de bois, une barbichette et un crochet à la place de sa main. Il était grand et maigre et portait un chapeau avec une tête de mort. C’était un pirate très gentil : il ne tuait personne, car il avait pitié des autres. Au contraire, Benjamin avait une ancre pour aller sauver ses amis. L’animal domestique du pirate était un perroquet appelé Coco. Alors que Benjamin était un jour en mer, sur son bateau, le perroquet est soudain venu se poser sur son épaule. « Est-ce que tu veux rester avec moi ? », demande le pirate au perroquet. « Oui, je veux rester avec oite ! » C’était un oiseau qui parlait « verlan » ! Le pirate dit alors : « Viens avec moi dans toutes mes aventures ». A partir de ce jour, Benjamin et son perroquet sont devenus de très grands amis. Mais un jour, Coco s’est fait kidnapper. Benjamin était malheureux et furieux en même temps. Il décide de tout essayer pour le retrouver, car sans lui il ne peut rien faire… « Je ne peux plus rire, sortir en mer ou discuter. Sans Coco, rien ne va plus. Mais je vais tout faire pour le retrouver. Personne ne m’arrêtera ! » Benjamin décide alors d’aller voir Marc. Après Coco, c’est le meilleur ami du pirate. Marc est toujours là pour donner des conseils à Benjamin. « Je crois que Coco a été emmené vers le Nord, du côté de la forêt… » Le pirate prend la route en suivant les indications de son ami. Sur son chemin, il rencontre un mort-vivant avec des têtes de mort. Ce dernier crie : « Ha, ha ! Je vais te tuer et t’emmener avec moi au cimetière ! » Mamadou, Kamel et Bilel « Il était une fois, un petit garçon qui se nommait Jean. Il rêvait d’être archéologue comme son père. Un jour, après l’école, il part au bord de la mer et creuse dans le sable, en espérant trouver quelque chose qui date de l’Antiquité. Peu après, Jean trouve une épée magique où il est inscrit : « Epée appartenant à Albert Defranc. » Le soir même, le petit garçon rentre chez lui et s’endort. Alors qu’il se trouve dans un profond sommeil, un ange gardien très vieux et très barbu lui conseille de remettre l’épée à sa place. Mais Jean lui dit : « Non ! Je veux savoir qui est Albert Defranc ! » L’ange gardien lui répond qu’il le regrettera, car il pourrait avoir des ennuis. Le lendemain, Jean veut continuer ses recherches, malgré son rêve étrange. Les recherches deviennent vite un véritable casse-tête, car le petit garçon revient toujours à la case départ… Son père étant archéologue, Jean lui téléphone. Ce dernier va alors sur Internet et rappelle son fils un peu plus tard. « Allo, fiston ! Albert Defranc habitait à Lugdunum (Lyon) » Jean décide donc de se rendre là-bas… Anissa et Hanem Que va trouver Jean à Lugdunum ? Parviendra-t-il à récolter des informations sur Albert Defranc ? La fameuse épée trouvée dans le sable a-t-elle des pouvoirs ? Bientôt la suite des aventures de ce petit apprenti archéologue. La maison des Tilleuls 7, square Maurice Audin, Blanc-Mesnil est ouverte à tous du lundi au vendredi avec un accueil de 8h à 20h et le samedi de 9h à 19h. Vous pouvez y prendre une carte d’adhésion familiale à 5 euros pour l’année qui vous fera bénéficier de tarifs réduits pour des sorties et pour les spectacles du Forum et vous permettra de recevoir Vu d’ici. Tél. : 01 45 91 97 00 Fax : 01 45 91 97 09 www.lamaisondestilleuls.org [email protected] Découvrez, au fil des numéros les associations (dix-neuf) au service des habitants et domiciliées à la maison des Tilleuls : Par Rolande Kid’s School « What is your name ? » c’est l’une des premières questions que l’on apprend à poser à la «Kid’s School». Dans la bonne humeur et en chansons, les enfants de 7 à 11ans, rebaptisés James, Polly, Jane, John, Mary, Lucy, Bob, Ken, Jack, etc., se retrouvent chaque mercredi, dans une ambiance très « british » et ludique. Ils s’imprègnent de la langue de Shakespeare tout en acquérant de bonnes bases et un « perfect accent » pour suivre une classe de 6ème sans problème en anglais ! Les horaires varient selon les niveaux, de 9 h à 13 h. Renseignements : 01 48 66 71 66 Les Abeilles laborieuses – aide aux devoirs Le soutien scolaire a débuté en 1983 au Centre Social (alors ALFA), animé par l’actuel Président, L. Essaid et Ahmed, animateur, et s’est poursuivi avec l’aide de bénévoles, d’enseignants et d’étudiants. Devant l’importance de la demande, nous nous sommes constitués en association sous le nom Les Abeilles laborieuses. L’association possède l’agrément du CLAS, et fonctionne en étroite collaboration avec les collèges (Mandela, Descartes, Coton). Les cours, donnés par des intervenants, des enseignants et des étudiants, tous bénévoles, ont lieu les lundi (français), mardi (anglais), de 17 h à 19 h et le samedi (mathématiques) de 10 h à 12 h. La cotisation s’élève à 50 euros pour une matière, 80 euros pour deux matières avec conditions particulières pour les fratries. Les intervenants sont à la disposition des parents à chaque fin de cours et deux réunions de parents d’élèves sont organisées chaque année, ainsi que des sorties culturelles. Renseignements au 01 45 91 10 78. Erratum: dans le n°1 de Vu d’ici, l’article titré «Qui était Charles Le Mansois» signé de Albert Mériau laissait attendre aux lecteurs un portrait de Charles Le Mansois, haute figure de Blanc-Mesnil alors qu’il s’agissait davantage de sa rencontre dans l’évocation des souvenirs de Jean, 81 ans, qui a toujours vécu aux Tilleuls et en raconte les temps forts et les transformations. Nous proposons de revenir faire un portrait plus fidèle dans un prochain numéro. La rédaction La suite des aventures de Benjamin le pirate et de Coco le perroquet, nous emmènera sur la piste de « La Grande Terreur du village ». Il sera question d’un château hanté, d’un combat à l’épée et de l’amitié du gentil bandit des mers avec son oiseau exotique… Vont-ils se retrouver ? Benjamin sortira-t-il vainqueur de ce duel avec « La Grande Terreur » ? « Il était une fois un villageois qui se nommait Zulio. Il avait une femme qui s’appelait Zulie. Ces derniers avaient une fille, Zuliette. Tous les jours, elle allait au marché vendre des petites bricoles pour rapporter un peu d’argent à ses parents. Mais un jour, Zuliette se fait capturer par Osiris, l’ennemi de son père. Zulio décide donc d’aller à la recherche de sa fille. Sur le chemin, il rencontre un de ses amis qui lui conseille de prendre la route la plus proche du château d’Osiris, car il sait que c’est lui qui a capturé Zuliette. » Hawa et Mariam Les recherches de Zulio le mèneront sur la piste d’un loup sanguinaire, de Zulino le fidèle compagnon et de bien d’autres personnages plus ou moins inquiétants. Le papa de la petite Zuliette sera-t-il assez fort pour vaincre le cruel Osiris ? Parviendra-t-il à passer de l’autre côté de la falaise ? n° 2 Vu d’ ici Août 2004, plage de Gaza-ville. Photos Joss Dray Président d’honneur : Hervé Bramy Directrice de la publication et de la rédaction : Zouina Meddour Rédactrice en chef : Marina Da Silva Responsable iconographie : Joss Dray Photos Alphabétisation : Nadia Comité de rédaction : Aïcha, Albert, Colette, Fatiha, P.R.V., Mohamed, Moustafa, Rachid, Rolande, RaVince, Zouina et Laurence Ubrich. Avec la contribution de Alain Gresh, Yvette Sauvage et du collectif “Quelques unes d’entre nous”. Webmaster : Farid Anani Conception maquette : Costanza Matteucci Réalisation : Frédéric Schaffar Impression : 4 M Impressions 93189 Montreuil Vu d’ici ● musique n° 2 Artiste, avec son copain Mel-K, a créé le groupe rap «Zinc». Dans le film documentaire «Nightmare of Blankok» et sur son blog 1 tourne le premier morceau enregistré en studio. Cinq morceaux sont en attente de finances pour passer à l’étape «studio». Si «Zinc» a tout juste un an, l’Artiste est déjà critique sur lui-même et percutant dans ses convictions. Avec lucidité, il sent la violence qui est en chacun… et dénonce le double nonsens: des médias qui exploitent cette violence pour gonfler l’audimat, et des politiques qui exploitent la peur de l’autre, mais sont incompétents pour réduire les fractures sociales. L’ Dans ton groupe Zinc, qui compose les textes? J’écris depuis cinq ans, mais cela ne fait qu’un an que je rappe et que le groupe existe. Avec Mel-K, on se connaît depuis l’âge de huit ans. On a grandi ensemble, dans la même rue, on a été dans le même lycée, joué au foot ensemble et vécu les mêmes choses. Tous les deux, on se connaît vraiment bien, c’est pour cela que ça marche. Mais en fait, le rap ce n’est pas facile. Il faut de la technique. Je peux écrire en dix minutes, comme en trois jours. J’écris mes textes très «carrés», sur chaque mesure, ainsi je peux les poser sur n’importe quel «instru». Avec Mel-K, on essaie de respecter les mêmes règles. On aime bien quand c’est symétrique. C’est pour cela que notre blog s’appelle «Rime sur mesure»: le rap c’est comme la couture ou même la haute couture, il faut que ce soit bien calé. Mel-K et moi, nous écrivons chacun de notre côté, chacun a son point de vue et son style, mais nous faisons ensemble les refrains. Plus le refrain est facile, plus les gens ont envie de le chanter. Et parfois, quand je me balade, j’entends des personnes fredonner le refrain, ça me fait bizarre! Mais ce que je fais c’est d’abord pour moi. Si cela rejoint ce que les autres aiment, c’est que je suis un peu fédérateur. Dans ton rap, de quoi parles-tu? Dans le rap, tout a déjà été dit. Il faut donc faire différent. Je trouve que les rappeurs s’opposent inutilement entre les commerciaux et les non-commerciaux. Moi, je fais ce que j’aime. “Tout ce qu’on vit et voit nous permet de vivre sans télé“. “Chaque choix décide de ma vie, ma vie décide mes choix“. Avec Mel-K, on parle d’ici, de notre cité, de ce que l’on voit, de ce que l’on veut faire, de ce que l’on vit. On n’est pas toujours en galère. On n’est pas des miséreux! On écrit comme on vit! C’est comme si je parlais à un pote, je lui dis quand ça va bien et quand ça va mal. Quand tu te lèves le matin parfois tu es content, parfois tu as la haine… Quand des gens te critiquent, et en plus si ce qu’ils te disent est vrai, tu as la haine et tu te donnes à fond. C’est comme au travail, quand le patron te gueule dessus, tu donnes tout pour faire mieux. Est-ce que cela t’a poussé à améliorer ton style? Au début, nous pensions que ce que nous faisions c’était bon, mais c’était un peu n’importe quoi. Maintenant, nous nous critiquons nous-mêmes, ce qui nous permet de faire un son propre. Il y a déjà des morceaux que je n’assume plus. La chanson «Jugés sur notre apparence» est mieux que la première, mais je ne rappais pas dans les temps, je ne suivais pas la musique, je chuchotais dans le micro. Pour «Garde un œil» page 11 (dans le film «Nightmare of Blankok»), je l’ai écrit en 20 minutes, on l’a posé en une demi-journée… mais quand je l’écoute, je vois trop de défauts. Aujourd’hui, ma voix a changé, je ne rappe plus pareil, je n’écris plus pareil. Je dois encore m’améliorer et ensuite seulement je ferai une Mix-tape. Je vais faire cela tranquillement. Si je tourne un clip, je ne vais pas me mettre en costard avec plein de belles voitures. Je veux être comme je suis tous les jours. Je veux que ce soit vrai. (Oussama et Mohamed, auteurs du film documentaire « Nightmare of Blankok », arrivent et participent activement à l’interview.) aurait pas eu les émeutes et les médias faisant un classement sur les mecs qui brûlaient les voitures ! C’était à qui brûlerait le plus ! Alors qu’ici, on galère. Quand tu es au chômage tu fais quoi ? “On aime la voir danser, dans le journal télévisé. Je l’ai dans mes pensées, Elle rêve de brûler l’Elysée”. Je parle de la violence qui est en chacun de nous. Le comble c’est que cela nous plait de regarder cette violence. Pour preuve : les scores d’audience qu’ont fait les émeutes au journal de 20 h ! Que faut-il pour changer ce système ? Du travail ! Si tu as du travail, de l’argent, tu ne vas pas casser ton emploi ! Qui va brûler le bus qu’il prend pour aller au boulot ? Pourquoi irais-tu détériorer les commerces où tu trouves ta nourriture et celle des autres ? Si un mec a galéré pour trouver du travail, il ne va pas aller casser celui des autres. Ce système est comme un cercle, un cercle vicieux. AGENDA Les rendez-vous à ne pas manquer ● A la maison des Tilleuls Le vendredi 8 décembre, de 15h30 à 18h30. Le collectif «Quelques unes d’entre nous» vous convie à son Salon de thé afin de présenter son nouvel agenda et diaporama 2007. (Voir p. 6 et 7). ● Le 15 décembre, rencontre avec MarieGeorge Buffet, députée de la circonscription, lors du Salon de thé. De 14h à 15h30. ● Noël et l’Aïd seront fêtés le 23 décembre au cinéma Louis Daquin (76, rue VictorHugo – Blanc-Mesnil) avec une séance de cinéma offerte aux familles et suivie d’un goûter. Le soir, repas offert à la maison des Tilleuls. (Sur réservation). ● Vous pourrez aussi fêter votre soirée du Jour de l’An avec parents et amis dans la simplicité et la convivialité à la maison des Tilleuls. ● Au Forum – 1/5, place de la Libération – 93 150 Blanc-Mesnil. Tél. 01 48 14 22 00: Le mercredi 20 décembre à 20h30 Montreuil-Blanc-Mesnil sur monde. Un atelier théâtre mené depuis l’an dernier avec les habitants des deux villes sur le thème « l’exil », à partir de textes littéraires du monde entier. Textes, images, théâtre et vidéo. Mise en scène Philippe Lanton et Evelyne Pelletier. Mise en images, Dominique Aru. Le vendredi 22 décembre à 20h30. Africolor dédié aux musiques de la Réunion et de Madagascar. (Sortie proposée par la maison des Tilleuls. Tarif: 3 euros) Du mercredi 17 au samedi 20 janvier à 20h30. Casey, rappeuse originaire de Blanc-Mesnil, porte haut la révolte et fait entendre la parole de ceux à qui on ne la donne jamais. ● A La Médiathèque Edouard Glissant – 1/5, place de la Libération – 93150 Blanc-Mesnil. Tél. 0148142219 Le samedi 16 décembre à 17h30. Découverte de la comédie musicale indienne. Le samedi 13 janvier à 17h30. Le groupe Sounan donnera un concert de rythmes traditionnels et dansants d’Afrique de l’Ouest. Pour les plus jeunes (dès 8 ans), le samedi 27 janvier à 15h, rencontre avec Yaël Hassan, auteur de plus d’une trentaine de livres pour la jeunesse. ● Au Grand Parquet – 20 bis, rue du Département – 75018 Paris. Tél. 01 40 05 01 50 Du jeudi 7 au samedi 23 décembre. «Bougouniéré invite à dîner», par la compagnie malienne BlonBa. Bougouniéré dirige une ONG humanitaire à Bamako et invite à dîner un riche bailleur prêt à l’aider. Le dîner va prendre des allures de catastrophe… Une pièce de Jean-Louis Sagot Duvauroux et Alioune Ifra Ndiaye, mise en scène, Patrick Le Mauff. Avec Diarrah Sanogo, Michel Sangaré et Lassine Coulibaly. ● A l’Univers, 16 rue Danton – 59000 LilleMoulins – Tél/Fax: 03 20 52 73 48. http://lunivers.free.fr Les vendredi 12, samedi 13 et dimanche 14 janvier 2007. L’association Vidéorème de Roubaix invite à des rencontres à Lille autour de films d’atelier réalisés avec ou par des habitants des quartiers populaires. Projection de «Ceci est notre quartier à 93°» dans le cadre de la manifestation. « Zinc » : Un rap qui parle Dans ton Rap tu demandais « pourquoi tout détruire pour construire » ? Oui, je dénonçais le mythe de ceux qui, comme Sarkozy, veulent nettoyer au Karcher, tout casser, détruire les immeubles, pour tout reconstruire à zéro. On sait très bien qu’il n’y aura pas assez de place pour ne mettre que des pavillons ! Plutôt que de détruire ce serait plus utile de rénover, de faire plus d’activités, de trouver du travail pour les chômeurs ! “Marianne, Marianne, tes valeurs se meurent. Soit disant terre d’asile, ton pays en péril part en vrille. Dehors il pleut, c’est ta France qui pleure. T’inquiètes pas, si Dieu le veut on partira, enfin… si on peut.” Dans ce passage je m’adresse à Marianne, symbole de la France, car ses valeurs « liberté – égalité – fraternité », on ne les voit plus. Je parle des sans-papiers qui se font renvoyer, et des Fançais qui souffrent, sont tristes et rêvent de partir des cités… s’ils le peuvent. Tu te situes donc comme un rappeur engagé ? Le rap, ce n’est pas d’abord pour danser, mais pour dénoncer. Si tu n’es contre rien, tu restes chez toi et tu dors, ou tu fais de la variété française. Moi je veux que l’on change tout le « système » car ce système ne fonctionne pas. S’il fonctionnait, il n’y d’ici “Nos espoirs sont en papier, se font braquer par un briquet, nos espoirs sont fragiles et peuvent partir en fumée…“ Que ferais-tu pour qu’il y ait du travail? Moi je ne suis pas politicien. Je pose les problèmes, c’est à eux de trouver les solutions. Le gouvernement est élu pour ça. Si tu votes c’est pour qu’il trouve des solutions à nos problèmes. Franchement, parmi les candidats (aux présidentielles), je ne vois personne. Soit ils ont du charisme… pour empirer le système, soit ils n’ont pas de programme et ne représentent personne. Je vais aller voter juste pour ne pas faire monter le Front national et ceux qui jouent sur la peur des autres. Oui, je crois qu’écrire un morceau de rap n’est pas suffisant. Je suis réaliste, personne ne m’écoute à part ceux qui vont sur mon blog. Pour l’instant dans le rap, je ne suis pas connu. Pour moi, c’est donc important d’aller voter ! RaVince 1 : Blog du groupe « Zinc » (Blanc-Mesnil – 93 150) : rimesurmesure.skyblog.com Vu d’ici page 12 Proche-Orient : Extension des guerres tribune libre quait une sanction contre le Fatah, à la fois pour sa corruption et pour le faible bilan du « processus de paix ». Mais, Irak qui sombre dans la guerre confessionnelle, pour avoir « mal voté », les Palestiniens allaient être punis, malgré les déclarations optimistes de Washington ; notamment par l’Union européenne qui, avec l’aval de la des centaines de tués en Afghanistan, où les tali- France, décida de priver l’Autorité d’aides directes, contribans semblent rencontrer un appui encore limité, buant un peu plus à l’effondrement des conditions matémais grandissant ; un Liban qui peine à se rielles des populations et au délitement remettre de la guerre des 34 jours et des ... la «feuille de route», des institutions palestiniennes. destructions massives opérées par l’avia- entérinée par les tion israélienne ; des manœuvres militaires Le 27 juin 2006, après de fortes tenaméricaines (avec la participation de la Etats-Unis, la Russie, sions, toutes les organisations palestiFrance) au large des côtes de l’Iran et des l’Union européenne niennes (à l’exception du Djihad islamimenaces de bombardements de ce pays et que) signaient un texte appelant à une de ses installations militaires ; une et les Nations unies, solution politique fondée sur la création Palestine prise au piège entre l’offensive affirmait que l’Etat d’un Etat palestinien aux côtés de l’Etat de l’armée israélienne à Gaza et la décid’Israël et limitant les actions de la résission des Etats-Unis et de l’Union euro- palestinien serait tance armée aux territoires occupés. Cet péenne de geler toute aide directe. Cinq créé avant la fin 2005 ! accord ouvrait la voie à la constitution ans après les attentats du 11 Septembre et d’un gouvernement d’unité nationale le déclenchement de ce que le président des Etats-Unis capable d’entamer des négociations de paix. Le lendeGeorge W. Bush a appelé « la guerre contre le terrorisme », main, l’armée israélienne « retournait » à Gaza, sous préqui s’est depuis reconvertie en « guerre mondiale contre le texte de l’enlèvement d’un de ses soldats, en réalité pour fascisme islamique », le Proche-Orient sombre dans un « liquider » le Hamas ; depuis on assiste à une « réoccupachaos incontrôlable. Jamais, depuis 1967, la région n’a tion » du territoire, à des destructions sans nombre, à un connu autant de crises brûlantes et simultanées. Si cha- bilan de plus de 300 morts… cune possède sa logique propre, elles sont liées par mille et un fils, rendant plus difficiles les solutions partielles et L’action israélienne, faite de bombardements de centrales accélérant la course à l’abîme de toute la région. électriques et de ministères, d’arrestations de dirigeants politiques et de destruction de maisons, d’utilisation de Il est évident à tout observateur un tant soit peu sérieux civils comme boucliers humains relève du « crime de que l’administration américaine actuelle porte une respon- guerre ». Le gouvernement suisse, dépositaire des convensabilité majeure dans l’extension du chaos au Proche- tions internationales sur le droit humanitaire, notait le 4 Orient. La stratégie de George W. Bush a ajouté la guerre juillet 2006 « qu’il n’y a pas de doute qu’Israël n’a pas pris à la guerre, la destruction à la destruction, les réfugiés aux les précautions requises par le droit international pour proréfugiés. Mais il serait trop schématique de ne pas voir là téger les populations civiles et les infrastructures». aussi, les résultats d’une longue histoire, d’un point de vue partial des Etats-Unis et de l’Union européenne, d’un Guerre contre les Palestiniens, guerre contre le Liban, ces refus de s’attaquer au problème fondamental de la région, deux offensives relèvent de la même stratégie : imposer et en priorité celui autour duquel se cristallisent tous les une « solution » conforme aux seuls intérêts d’Israël. autres, le drame palestinien. Jamais, depuis quarante ans, la politique israélienne n’a reçu un tel soutien occidental : peu de voix officielles disNous sommes entrés dans la quarantième année de l’occupation, celle de Gaza, de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est, sans oublier le Golan syrien. Malgré les innombrables résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, malgré les déclarations lénifiantes – la « feuille de route », entérinée par les Etats-Unis, la Russie, l’Union européenne et les Nations unies, affirmait que l’Etat palestinien serait créé avant la fin 2005 ! –, tout empire en Palestine. ● L’ Durant deux années, les autorités de Tel-Aviv ne cessaient d’affirmer que Yasser Arafat était un « obstacle à la paix ». Mais le décès du leader palestinien en novembre 2004 ne changea rien : malgré son remplacement par M. Mahmoud Abbas (Abou Mazen), le gouvernement d’Ariel Sharon refusa de négocier et décida de poursuivre sa politique « unilatérale ». Le retrait de Gaza, l’été 2005, salué par les responsables politiques et les médias occidentaux comme un « acte courageux », portait, en réalité, un coup mortel à ce qui restait des accords d’Oslo : le principe selon lequel la paix passait par la négociation bilatérale. Pour les Palestiniens de Gaza, l’évacuation ne se traduisit par aucune amélioration de leur situation, bien au contraire. Alors que la colonisation se poursuivait et s’intensifiait en Cisjordanie et que le « processus de paix » se résumait à une phrase dans les communiqués de la « communauté internationale », le Hamas remporta les élections de janvier 2006. Faut-il vraiment s’en étonner ? Sa victoire mar- n° 2 sidentes, sauf celle du Vatican, se font entendre. Et l’entrée au gouvernement israélien d’Avigdor Lieberman, un raciste doublé d’un fasciste, ne semble émouvoir ni l’Union européenne ni les Etats-Unis. Le Hamas est né en 1987 à Gaza, à l’issue de vingt années d’occupation israélienne, porté par la première Intifada ; le Hezbollah s’est créé dans la lutte contre l’occupation qui a suivi l’invasion israélienne du pays du Cèdre en 1982. Quelle nouvelle organisation violente surgira des décombres actuels du Liban ? Que peut-on faire ? Voici la réponse du député palestinien Moustapha Barghouti : « Une manière de corriger la situation est de faire ce qui a été fait avec succès en Afrique du Sud, appliquer des sanctions. Un élément clef est de rompre les relations militaires avec Israël, le quatrième exportateur d’armes dans le monde. Nous avons besoin d’un mouvement de non coopération militaire qui se concentre sur les désinvestissements dans ce domaine et qui lie les relations économiques avec Israël à l’application du droit international et l’application des résolutions internationales. » Un mouvement puissant en ce sens s’est développé dans le monde anglo-saxon. L’accord d’association entre l’Union européenne et Israël offre à Bruxelles d’immenses possibilités puisqu’il prévoit explicitement la possibilité de suspendre celui-ci en cas de violation de son article 2 : « Les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, stipule-t-il, se fondent sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui guide leur politique intérieure et internationale et constitue un élément essentiel de cet accord. » C’est pourquoi, le 10 avril 2002, en pleine opération « Rempart » en Cisjordanie, le Parlement européen avait demandé, à une large majorité, à la Commission et au Conseil « la suspension de l’accord d’association euro-méditerranéen UEIsraël ». En vain… N’est-il pas temps de revenir à cette mesure qui permettra à l’Union européenne de mettre ses actes en accord avec ses paroles, de soutenir l’application du droit international et de jouer un rôle actif au ProcheOrient ? Alain Gresh Beit Hanoun, nord de la bande de Gaza, août 2004. Au lendemain du retrait de l’armée israélienne après un mois d’occupation. Photos Joss Dray