FICHE SPECTACLES - Théâtre du Nord
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FICHE SPECTACLES - Théâtre du Nord
FICHE SPECTACLES LE RÊVE D’ANNA & VIOLET © photos Ivan Boccara Le rêve d’Anna MARIONNETTES, THÉÂTRE DÈS 8 ANS – 1h Au Théâtre de l’Idéal à Tourcoing / Théâtre du Nord Violet MARIONNETTES, THÉÂTRE DÈS 14 ANS – 1h10 Au Grand Bleu à Lille Dossier commun à deux spectacles de la compagnie Trois six trente, dans le cadre d’un partenariat entre le Grand Bleu et le Théâtre Du Nord Le Grand Bleu – Etablissement National de Production et de Diffusion Artistique 36 avenue Marx Dormoy – 59000 LILLE 03.20.09.88.44 / www.legrandbleu.com / legrandbleu.over-blog.fr / [email protected] Théâtre du Nord – Centre Dramatique National Lille Tourcoing Nord-Pas-de-Calais Grande salle : 4, place du Général de Gaulle – BP 302 – 59026 LILLE CEDEX L’Idéal : 19, rue des Champs – 59200 TOURCOING 03.20.14.24.24 / www.theatredunord.fr / [email protected] Distribution LE RÊVE D’ANNA VIOLET TEXTE Eddy Pallaro TEXTE Jon Fosse MISE EN SCENE Bérangère Vantusso TRADUCTION Terje Sinding INTERPRÉTATION Anne Dupagne, Guillaume Gilliet, Christophe Hanon, Julie Monnier, Philippe Rodrigez-Jorda MISE EN SCENE Bérangère Vantusso CONCEPTION ET RÉALISATION MARIONNETTES Bérangère Vantusso, Marguerite Bordat, Einat Landais, Sébastien Puech, Carole Allemand, Sar Bartesaghi Gallo, Nathalie Régior, Michel Ozeray, Sophie Coeffic, Laurent Huet SCÉNOGRAPHIE Marguerite Bordat CRÉATION LUMIERE Maryse Gautier CRÉATION SONORE Aline Loustalot PRODUCTION Compagnie Trois six-trente COPRODUCTION Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN, Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées, Théâtre Am Stram Gram de Genève, Scène Vosges. INTERPRÉTATION Anne Dupagne, Guillaume Gilliet, Christophe Hanon, Sébastien Lenthéric, Julie Monnier, Philippe Rodrigez-Jorda CONCEPTION ET RÉALISATION MARIONNETTES Bérangère Vantusso, Marguerite Bordat, Einat Landais, Cécile Boivert, Elsa Maurios, Michel Ozeray, Claire Rabant, Sara Bartesaghi Gallo, Nathalie Régior SCÉNOGRAPHIE ET COSTUMES Marguerite Bordat CRÉATION LUMIERE Olivier Irthum CRÉATION SONORE Arnaud Paquotte et le groupe Cheresse (Arnaud Paquotte, Jean-Philippe De Gheest, Hugues Warin) INGÉNIEUR DU SON Alban Moraud AVEC LA PARTICIPATION DE La Région Île-de-France PRODUCTION Compagnie Trois six-trente REMERCIEMENTS TGP-CDN de Saint-Denis. Un spectacle Odyssées, biennale de création en Yvelines conçue par le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN. COPRODUCTION Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées, CCAM – SN de Vandoeuvre-les-Nancy, le Nouveau théâtre – CDN de Besançon et de Franche-Comté, L’Arc – SN du Creusot, L’Apostrophe – SN de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise, Direction des Actions culturelles de Gonesse EN COLLABORATION AVEC Le Conseil Général des Yvelines. LA COMPAGNIE TROIS-SIX-TRENTE EST conventionnée par la DRAC Lorraine et soutenue par le Conseil régional Lorraine. AVEC Le soutien financier du Conseil Général de Lorraine, l’aide à la production d’Arcadi, le soutien du Conseil Général de Seine Saint-Denis REMERCIEMENTS La Dynamo de Pantin, TGP-CDN de Saint-Denis LA COMPAGNIE TROIS-SIX-TRENTE EST conventionnée par la DRAC Lorraine et soutenue par le Conseil régional Lorraine. Les spectacles Le rêve d’Anna Une fable où l’onirisme brouille les pistes entre utopies et adversités, rêve et réalité. La nuit, Anna fait un rêve. Un cheval blanc, auquel elle livre ses angoisses et qui la réconforte, la rejoint. Du haut de ses sept ans, elle ne sait pas toujours où est la frontière entre songe et réalité, ce qui lui joue des tours, surtout à l’école, où ses amis ont parfois du mal à la suivre… Elle vit seule avec son père qui essaie de l’aider. Lui, est en recherche d’emploi, confronté au cauchemar de la compétition à outrance. Mais au fond, qu’est-ce qui est “vrai” ? Est-ce que le cheval du rêve d’Anna existe moins que les recruteurs de son père ? Scènes du quotidien, rêves et impressionnants affrontements mythologiques s’alternent dans un décor mouvant. Grâce à l’interprétation des comédiens, au travail ciselé du son et de la lumière, les marionnettes d’une rare présence expriment jusqu’aux frémissements de l’âme. Violet Une histoire de quelques heures qui semble sans importance... Sauf pour ceux qui la vivent. Dans le sous-sol d’une usine abandonnée, un groupe d’ados - cinq marionnettes de deux mètres aux allures réelles - vient répéter sa musique. Oscillants entre l’enfance et l’âge adulte, des adolescents cherchent la lumière avec leur façon d’aimer et leur violence, avec des mots et des silences, et leurs difficultés à vivre avec le groupe et avec euxmêmes. La langue méticuleuse de Jon Fosse, aux répliques courtes, doublée du côtoiement étonnant d’acteurs et de marionnettes, donne à cette histoire une portée troublante et universelle. Sur scène, cette histoire prend des allures de chorégraphie dans un jeu qui bascule de l’hyperréalisme au lyrisme du transport amoureux. La compagnie Trois-six-trente En 1999, Bérangère Vantusso réunit autour d’elle plusieurs artistes, comédiens, musicien, éclairagiste et crée la compagnie trois-six-trente. Les fondateurs de cette compagnie sont toujours membres de l’équipe actuelle : Anne Dupagne, Eddy Pallaro, Arnaud Paquotte, Olivier Irthum. Au fil des créations d’autres partenaires ont étoffé le cercle : Marguerite Bordat, Guillaume Gilliet, Philippe Rodriguez-Jorda, Junie Monnier, Nathalie Régior, Ivan Boccara, Adél Kollár, Einat Landais, Sara Bartesaghi Gallo, Christophe Hanon, Sébastien Lenthéric, Maryse Gauthier, Aline Loustalot, Sébastien Puech. Chaque nouveau spectacle est l’occasion de continuer à creuser ensemble le sillon d’un langage théâtral particulier. En 2004, Catherine Hubin intègre la compagnie et crée le poste d’administratrice de production. Elle quitte sa fonction en 2014 et est relayée par Christine Tiana. Depuis 2006, Florence Kremper s’occupe de la communication et de la diffusion. La démarche de création s’oriente dès le début vers un théâtre où se rencontrent marionnettes, comédiens et compositions sonores, développant un langage singulier au service des écritures contemporaines. C’est la question du renouvellement des formes et le désir d’aller vers un théâtre hybride, au croisement des arts plastiques et du théâtre, qui guide la compagnie. En 2006, avec la création de Kant de Jon Fosse, Bérangère Vantusso affirme l’identité de la compagnie trois-six-trente en imposant l’hyperréalisme (tombé en désuétude au début du XX° siècle) comme source de renouveau du lien entre le théâtre et la marionnette contemporaine. Elle conçoit avec Marguerite Bordat d’étranges personnages, au seuil du vivant et du mort, dont la présence singulière trouble la perception du réel et ouvre un espace de jeu théâtral inédit. Bérangère Vantusso décide alors d’entamer un « cycle hyperréaliste ». Elle met en scène Les Aveugles de Maeterlinck, L’herbe folle d’Eddy Pallaro (à jouer en appartement) et Violet de Jon Fosse. Récemment elle crée Personne(s), une installation plastique mettant en scène 19 marionnettes hyperréalistes dans un théâtre immobile, qui sera présentée au Théâtre du Nord (cf. « Pour aller plus loin »). http://www.troissixtrente.com/ BÉRANGÈRE VANTUSSO Comédienne formée au CDN de Nancy, elle découvre la marionnette en 1998 aux côtés de François Lazaro, puis d'Emilie Valantin au CDN d’Orléans. Elle fonde la Compagnie troissix-trente en 1999. Elle met en scène les spectacles de la compagnie où marionnettes, comédiens et compositions sonores sont au service des écritures contemporaines de Jon Fosse, Eddy Pallaro, Valérie Rouzeau, Christian Caro... Elle collabore également aux créations d'autres metteurs en scène (Arnaud Meunier, Antoine Caubet, Guillaume Vincent, Sylvain Maurice, Fabrice Murgia, Paul Desvaux et Fabrice Melquiot) en créant des marionnettes ou codirigeant la mise en scène pour les parties marionnettes. Elle est artiste invitée au TNT de 2011 à 2013. Elle est membre de l'Ensemble artistique du Théâtre de Sartrouville-CDN qui participe du projet artistique développé par Sylvain Maurice depuis janvier 2013. © Tami Notsani Notes d’intentions autour des spectacles, par Bérangère Vantusso « Le Rêve d’Anna est construit comme une grande broderie à deux faces : celle que l’on regarde, « la belle », et l’autre, « la moche », celle que l’on cache, pleine de noeuds et de couleurs mélangées. Eddy Pallaro nous invite à changer de point de vue sur les choses, à les regarder d’ailleurs, de plus haut, de plus bas, depuis le rêve, ou depuis la colère, depuis les yeux d’Anna, de son père, du Cheval ou du Taureau. Ces acrobaties de la pensée éclairent le monde avec le souffle poétique de son écriture théâtrale. Monter Le Rêve d’Anna aujourd'hui répond pour moi au désir d’aborder toutes ces questions avec les jeunes spectateurs. J’ai envie d’investir théâtralement le décalage qui existe entre différentes façons d’appréhender le monde selon que l’on est un adulte ou un enfant. La question sociale, particulièrement celle du travail et du pouvoir (son corollaire), mérite d’être abordée avec le jeune public car elle fait partie de son quotidien. Le Rêve d’Anna est aussi l’occasion d’élargir mon travail sur l’hyperréalisme en marionnettes. Les personnages liés à la réalité d'Anna seront « joués » par des marionnettes et ceux liés au père par des acteurs. » « Violet est une pièce qui sonde la complexité de l’adolescence. Elle met en scène 5 adolescents de 15 ou 16 ans. Les garçons ont créé un groupe de rock, ils ne savent pas encore vraiment jouer, ils viennent d’acheter leurs instruments. Ils « jouent » de la musique parce qu’ils ont passé l’âge de « jouer » aux petits soldats. Ils répètent dans les sous-sols de l’usine abandonnée qui leur sert d’horizon au quotidien. On imagine bien que les pères et les pères des pères y ont travaillé. Eux rêvent sans doute d’une autre vie. La fille est amoureuse. Du batteur ? Du guitariste ? L’amour est le point névralgique de toute la pièce, comme souvent dans les pièces de Jon Fosse, qui dit lui-même que « le triangle amoureux est la meilleure situation théâtrale qui soit ». Les tensions et les non-dits qui parcourent ce groupe font vibrer tous les bouleversements de la créativité, du mal être, de la sexualité, de la rivalité, du sentiment amoureux. Violet n’est pas une histoire au sens propre, c’est plutôt « un instant » que le spectateur est invité à partager avec ces jeunes gens. Prendre le temps de les regarder être, de se reconnaître en eux, de se souvenir, de sourire d’un regard échangé furtivement, de redouter ou de souhaiter le combat. Violet est aussi une pièce sur l’émancipation, sur la nécessité de passer par le chaos pour affirmer son identité et devenir « un adulte ». Derrière cette émancipation, la question de nos héritages est posée, celle du passé qui nous construit et qui guide imperceptiblement nos relations aux autres et à nous-mêmes. (…) En lisant Violet, je sens que quelque chose est sur le point d’exploser, quelque chose d’extrêmement fragile. Je voudrais rendre compte de cette fragilité d’être, de l’immense besoin d’amour et de reconnaissance qui précède l’explosion. » Les pistes et prolongements évoqués dans cette fiche sont loin d’être exhaustifs. Ces pistes peuvent vous aider à avoir une meilleure appréhension du spectacle en amont de votre venue et vous donner des idées pour préparer au mieux votre groupe à la réception du spectacle. Certaines d’entre elles peuvent aussi être travaillées comme un prolongement. 1. L’univers de la compagnie : marionnettes hyperréalistes et onirisme Des marionnettes hyperréalistes Depuis 2006, la compagnie Trois six trente travaille avec des marionnettes hyperréalistes. Bérangère Vantusso explique ce choix de la marionnette hyperréaliste : « Moi, je monte toujours des spectacles où il y a des marionnettes et, depuis 2006, je travaille avec des marionnettes hyperréalistes. Je dirais que c’est presque un choix qui préexiste à tout. Je me pose la question dans l’autre sens, c’est-à-dire que, à partir de ce choix esthétique dont je n’ai toujours pas fini de faire le tour dans mon travail de mise en scène, je me dis quelle pièce serait intéressante à monter pour que ce travail sur la marionnette hyperréaliste fasse sens et puisse apporter quelque chose de supplémentaire, que ce soit plus intéressant que de le monter avec des acteurs ; enfin, on pourrait le monter avec des acteurs mais que ce soit différent, que ça apporte réellement quelque chose. » « Le fait d’utiliser des marionnettes hyperréalistes non seulement dans leurs visages, dans leurs expressions, mais aussi dans leurs postures donne une « illusion réelle » de vie. Nous travaillons énormément à leur construction, à leur gestuelle, à leur manipulation en groupe et cela nous conduit peu à peu à élaborer un lexique de jeu très dense qui se nourrit de l’interaction entre les humains et les marionnettes : mon travail de recherche se noue autour de ce qui s’incarne des uns chez les autres, les acteurs-manipulateurs « portant » les marionnettes dans tous les sens du terme, pas seulement physiquement mais dans leurs émotions, dans ce qu’elles ont envie de dire... Au fond, on ne sait même pas si ce sont des marionnettes... » « Ces marionnettes portent en elles toute la réalité de la vie, sans être vivantes. Le trouble de leur présence sur scène ouvre un espace de jeu étonnant qui se situe au croisement de trois présences, celle de l’acteur, de la figure hyperréaliste et du poème du texte. » (extraits d’entretiens autour du Rêve d’Anna et de Violet – voir les entretiens complets en annexe de ce document) Photographies de l’atelier de construction des marionnettes pour le spectacle Violet. © Ivan Boccara. D’autres photographies sont visibles sur : http://www.troissixtrente.com/latelier/#photos-violet Depuis le début du 20ème siècle, l'art de la marionnette a connu un grand renouveau. Alors que la pratique traditionnelle de la marionnette mettait l’accent sur l’objet, reléguant le marionnettiste à un rôle caché, on observe désormais une implication totale de celui-là sur la scène. Le marionnettiste est corps, voix, acteur en interaction avec d’autres acteurs, se mouvant avec eux et d’autres marionnettistes dans un espace scénique qui peut être lui-même personnage. L'influence des formes japonaises, le bunraku notamment (où chaque personnage est manipulé par trois marionnettistes à vue) se fait sentir. De plus en plus, le marionnettiste s'affirme comme une personne réelle à côté de sa marionnette: ils vont pouvoir dialoguer ensemble. Paradoxalement, cette présence sur scène de l'acteur permet à la fois de mettre à distance la marionnette (on ne cherche plus à tromper le public en lui faisant croire à l'illusion que le spectacle auquel il assiste serait vrai) et de lui donner de l'importance (elle peut être un personnage avec qui on dialogue). L'art de la marionnette affirme ainsi à la fois sa parenté avec le théâtre de comédiens et son indépendance en tant qu'art du spectacle à part entière. Apparu à la fin des années 1960 aux Etats-Unis, l'hyperréalisme est caractérisé par une représentation poussée à l’extrême du visible. Tout chez ces marionnettes rappelle l'être humain : leur physionomie, leurs cheveux, ainsi que leurs vêtements ou accessoires. Les membres inférieurs et supérieurs sont assez longs et fins, ce qui permet de les manipuler avec une certaine grâce et donne de l'amplitude aux gestes des marionnettes. Par ailleurs un contrôle (une petite tige de bois) est fixé à l'arrière du bassin de chaque marionnette, ce qui donne un maintien et un basculement dans les déplacements très réalistes. La présence de ces marionnettes hyperréalistes, éminemment troublantes puisqu’elles figurent toute la réalité de la vie sans être vivantes, puisqu’en côtoyant sur le plateau le corps de l’acteur, invente un autre type et une autre qualité de présence scénique. Propositions et sources d’inspiration possibles : Image 1 : Gisèle Vienne, LAST SPRING : A prequel, 2011 Installation mettant en scène un adolescent incarné par une poupée ventriloque et animée. Présentation de l’œuvre sur : https://www.youtube.com/watch?v=eu9e0hInDLs Gisèle Vienne est une artiste franco-autrichienne. Son oeuvre mêle la chorégraphie, la mise en scène théâtrale et les arts plastiques, notamment la création de marionnettes. Sur scène, elle crée des pièces sombres et violentes explorant les thèmes de la cruauté, de la sexualité et de la mort. Son registre puise dans le rapport malaisé à l'objet anthropomorphe, dans les faits divers sordides, les concepts de rituel et de magie noire et les légendes autrichiennes. Dans presque tous ses spectacles créés depuis 200, elle fait apparaître des mannequins d’enfants ou d’adolescents, statiques la plupart du temps. Image 2 : Julika Mayer (compagnie Là Où), Des nouvelles des Vieilles, 2007 Julika Mayer se présente comme manipulatrice d’objet et de marionnette et metteur en scène. Entre 2007 et 2010, elle a développé un cycle de créations baptisé « Les Vieilles », fondé d’une part sur la collecte et la restitution de témoignages de femmes âgées, d’autre part sur la mise en jeu d’une vieille femme hyperréaliste avec laquelle l’interprète entre en dialogue physique. Image 3 : Ron Mueck, Young Couple, 2013 Image 4 : Ron Mueck, Boy, 1999 Image 5 : Salmon Jamie, Chris, 2007 Image 6 : Duane Hanson, High School Student, 1990 Image 7 : Duane Hanson, Children playing game, 1979 Image 8 : Duane Hanson, Seated Child, 1972 Dans les deux spectacles, les marionnettes sont parfois abandonnées, inertes, dans l’espace, et le rôle est alors repris par un des acteurs, dans un jeu d’identification et de distanciation. Les marionnettistes, vêtus de noir, manipulent les marionnettes, le plus souvent à plusieurs. Il y a donc un effet de proximité et de dépendance de la marionnette à ses marionnettistes. De fait, « la compagnie a souhaité alterner sans cesse entre donner l’illusion d’avoir de vrais adolescents sur scène (et cela alors que les acteurs manipulateurs sont sans cesse sur scène et visibles du public) et montrer une autre réalité : des marionnettes qui nous donnent l'illusion du réel mais qui ne sont pas « vraies ». Ainsi, sa mise en scène n'hésite pas à faire se « reposer corporellement » les deux marionnettes tandis que leurs deux voix respectives passent du stade d'acteurs-manipulateurs à celui d'acteurs. » (extrait du compte-rendu d’une rencontre entre Bérangère Vantusso et le public du Théâtre Gérard Philipe, à l’issue d’une représentation de Violet). Photographies issues du spectacle Le Rêve d’Anna et Violet. On y aperçoit les marionnettistes, aux vêtements sombres, qui manipulent les marionnettes. Propositions : - Travail sur l’expression « être une marionnette ». A quel(s) moment(s) dans votre vie avezvous l’impression d’être des marionnettes ? D’être manipulés ? - Travailler sur la symbolique des manipulateurs comme des personnes qui aident à relever la marionnette qui représente l’enfant (dans Le Rêve d’Anna) ou l’adolescent (dans Violet). Discussion en groupe sur les aides à disposition de l’adolescent : qui l’aide à se relever ? Qu’est-ce qui l’aide à grandir ? - Pour appréhender le travail de manipulation de marionnettes à taille réelle, demander à un élève de jouer la marionnette ; deux ou trois autres camarades lui bougent les bras, la tête, les jambes. Onirisme À première vue, l’univers de Bérangère Vantusso est hyperréaliste. Les marionnettes semblent presque vivantes et les situations sont enracinées dans la réalité et la banalité de la vie. Et pourtant, l’onirisme vient nous surprendre et bouscule notre vision du monde par l’intrusion de l’irrationnel, de l’utopie ou de forces telluriques tout droit sorties de nos rêves d’enfants... De cet aller-retour incessant entre un côté et l’autre du miroir naît un vertige pour déterminer qui détermine quoi. Référence possible : Pour Bérangère Vantusso, le travail de Hayao Miyazaki (réalisateur de Mon voisin Totoro, Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro, Ponyo sur la Falaise etc.) est une source d’inspiration. Dans ses films, on a souvent une situation de départ proche du réel, du quotidien, puis l’onirisme s’installe progressivement, le réel se mélange à l’irréel. Propositions : - Travailler sur l’apparition de l’étrange dans un mouvement. Par exemple, effectuer un mouvement routinier, « banal » ou quotidien, en se déplaçant dans l’espace. Y ajouter progressivement de l’étrange, de l’absurde ou du bizarre en le répétant frénétiquement, en y adjoignant un léger tic, en changeant son rythme, son intensité, etc. Tester plusieurs formes, essayer, se tromper, recommencer. Il ne s’agit pas de tomber dans la caricature, mais d’essayer de trouver des détails, presque imperceptibles, qui font comprendre au spectateur que quelque chose d’anormal est en train de se passer. - On peut également créer des décalages entre un texte dit et un langage non verbal, un positionnement du corps qui dit l’inverse. Essayer de décrypter les situations, de trouver des propositions subtiles, non caricaturales, discrètes. 2. Autour du Rêve d’Anna Approcher le texte d’Eddy Pallaro et sa mise en scène Travailler à partir du texte du Rêve d’Anna, écrit par Eddy Pallaro. Quelques extraits sont proposés en annexe de ce document. Propositions : * Inviter les élèves à découvrir le texte du Rêve d’Anna en lisant un des extraits présentés en annexe. * Mettre des mots sur l’expérience de lecture. - Vous pouvez demander aux élèves ce qui caractérise l’univers de la pièce. - Proposer des adjectifs ou une série de mots pour qualifier le texte. - Dans quel registre de langue se situe-t-on ? A quelle époque ? - Imaginer une suite à cet extrait. - Proposer aux élèves d’imaginer ce que pourrait dire le cheval à Anna. Echanger sur les écrits produits. * Imaginer une mise en scène d’un extrait du Rêve d’Anna, lu par groupe de deux, trois ou plus. - Imaginer une répartition/distribution des rôles au sein d’un petit groupe : chaque personnage peut être joué par un comédien ou bien par plusieurs comédiens, il peut y avoir plusieurs metteurs en scène, par exemple. Cela peut être l’occasion d’évoquer la réalité et la diversité des métiers de la création liés au spectacle vivant (comédien, metteur en scène, costumier, créateurs sons et lumière, scénographe etc.). Créer les conditions d’un travail en groupe, d’une collaboration, d’une confrontation des idées. Privilégier les essais, les tentatives, les expérimentations, comparer et débattre de « ce qui marche » ou pas. Veiller à ce que les différents membres du groupe respectent les propositions des autres et conservent une attitude bienveillante les uns envers les autres. - Réfléchir ensemble à une scénographie : comment représenter l’espace du spectacle, à travers un décor et une lumière ? On peut s’appuyer sur les indications proposées par l’auteur à travers les didascalies. Les représentations peuvent être figuratives ou abstraites, réalistes ou non, situer l’intrigue dans un lieu ou une époque spécifique, etc. - De la même façon, on peut imaginer une ambiance sonore. Les sons choisis (musique, bruitages, etc.) peuvent venir souligner des éléments du texte, les appuyer ou au contraire, en prendre le contre-pied pour créer un décalage. - Imaginer les costumes ou la façon de représenter chaque personnage. A quoi doivent ressembler Anna, son père, son amie etc. ? Réaliser des croquis, voire des maquettes à partir de morceaux de tissus. Rêves, cauchemars, imaginaires, réalités et mythologie… Dans Le Rêve d’Anna, la frontière entre le rêve et la réalité n’est pas toujours évidente à marquer. Anna ne fait pas bien la distinction entre les apparitions de son cheval la nuit et les relations avec ses camarades de classe le jour. Son père cherche du travail et pour lui, la réalité frôle parfois le cauchemar. Pour le spectateur, il n’est pas non plus facile de déterminer si l’on se situe dans un univers réel ou imaginaire… Dans les rêves d’Anna et de son amie Louise, un cheval blanc et un taureau apparaissent. Ces figures, quasi-mythologiques, chimériques, sont douées de parole et de raison, si bien qu’il est difficile de savoir si elles ont un fondement réel. Le cheval blanc qui vient habiter les rêves d’Anna devient également une sorte d’ami imaginaire. Le choix d’employer le mot « chimère » pour la présentation du spectacle n’est sans doute pas innocent. Chaque fantasme, chaque crainte a son double dans ce spectacle, cheval ou taureau… Pourquoi celui du père ne serait pas la chimère, créature mythologique malfaisante ? DÉFINITION CHIMÈRE (Larousse) : - Animal fabuleux ayant la tête et le poitrail d'un lion, le ventre d'une chèvre et la queue d'un serpent. - Être ou objet bizarre composé de parties disparates, formant un ensemble sans unité. - Par extension : Projet séduisant, mais irréalisable ; idée vaine qui n'est que le produit de l'imagination ; illusion : Poursuivre des chimères. Références possibles : Image 1 Image 2 Image 1 : Le Cauchemar, de Johann Heinrich Füssli, 1781 Image 2 : Chimère en bronze provenant d'Arezzo. Art étrusque, fin du Ve ou début du IVe siècle avant J.-C. (Museo Archeologico, Florence.) Propositions : - Enclencher une discussion autour de la thématique du rêve : Qu’est-ce qu’un rêve ? A votre avis, est-ce qu’il faut rêver ? Pourquoi ne pas passer sa vie dans les rêves ? - A partir de l’étude du tableau Le Cauchemar, de Johann Heinrich Füssli, imaginez le cauchemar de la personne sur le lit. - Décrivez un lieu de cauchemar et un lieu de rêves puis dessinez-les. - Décrivez un « ami imaginaire » qui pourrait recueillir toutes vos confidences. - Demandez aux élèves de décrire ou de dessiner (ou les deux) la créature imaginaire qui représente le mieux leurs peurs et/ leurs rêves. - Travailler autour de la représentation de la chimère, ou bien des figures du taureau et du cheval dans la mythologie. Le monde du travail, la recherche d’un emploi Le père d’Anna est en recherche d’emploi, confronté à la dure loi du marché du travail et à ses frustrations. Propositions : - Enclencher une discussion autour de la thématique du travail : A quoi ça sert de travailler ? Le travail peut-il rendre heureux ? Peut-on tout accepter pour travailler ? - Après le spectacle, enclencher la discussion : Pourquoi le père d’Anna refuse‐t‐il la proposition de Mac and Mac ? Comment avez-vous perçu ces deux personnages ? Trouvez deux adjectifs pour qualifier leur façon de parler. Le double Tout est double dans la pièce d’Eddy Pallaro. Chaque personnage trouve son contraire, son équivalent. Le Cheval et le Taureau, l’adulte et l’enfant, l’imaginaire et le réel, le rêve et le cauchemar, l’école et l’entreprise. « Tout est double et pourtant rien n’est binaire, et c’est bien là que la pièce atteint sa dimension philosophique. L’échelle des valeurs « convenues » est remise à plat, avec beaucoup d’humour et de tendresse, mais sans complaisance. » (dossier du spectacle) Proposition : - Travailler le thème du double dans le fantastique (littérature et cinéma) : Quels sont les motifs récurrents ? (cf. bibliographie et filmographie dans « pour aller plus loin ») 3. Autour de Violet Développer des hypothèses à partir du titre… En amont du spectacle, le titre est indiqué au tableau pour permettre aux élèves d’émettre des hypothèses sur le contenu du spectacle, de formuler leurs attentes. On peut donc travailler, à partir des propositions des élèves, sur : - les connotations de la couleur (couleur secondaire qui peut être obtenue en mélangeant du bleu et du rouge – idée de mélange), - la sonorité du mot (proche de viol, violence, vieux-laid…), - la symbolique de la couleur (longtemps confondue avec le noir, elle a parfois été associée au deuil, à l’affliction, à la perte. Dans le domaine de l’ésotérisme, elle est attachée aux rituels d’initiation. C’est aussi la couleur du rêve, de la mélancolie, de la solitude), - les autres utilisations du mot (violette, Violetta, Purple Rain, Purple Haze etc.) Ces hypothèses et attentes pourront être reprises à l’issue du spectacle pour être confirmées ou infirmées. Selon vous, pourquoi l’auteur a-t-il choisi ce titre ? Cf. extrait du compte-rendu d’une rencontre entre Bérangère Vantusso et le public du Théâtre Gérard Philipe, à l’issue d’une représentation de Violet : « C'est vrai qu'en Français, « Violet » c'est d'abord la couleur, et un mot dur que l'on peut rapprocher du viol, de la violence. Je me suis interrogée sur ce titre. C'est la traduction du titre d’origine en norvégien. – Lilla. Mais ce titre est en fait porteur d’un double sens, il évoque la couleur bien entendu mais il signifie aussi « petit ». Violet est une pièce sur l’émancipation, sur la capacité à faire des choix, le grand enjeu de l’adolescence. » Approcher le texte de Jon Fosse et sa mise en scène Travailler à partir du texte de Violet, écrit par Jon Fosse. Quelques extraits sont proposés en annexe de ce document. Jon Fosse, né en 1959 en Norvège, est un romancier, poète, et essayiste déjà reconnu lorsque sa première pièce, Et nous ne serons jamais séparés, est mise en scène en 1994 dans son pays. Aujourd’hui traduite dans plus de vingt langues, son oeuvre théâtrale est à l’affiche dans le monde entier : il est ainsi l’auteur dramatique norvégien le plus joué depuis Ibsen. Le texte de Jon Fosse joue sur la banalité et l’absence des mots. Les répliques sont courtes, tranchantes mais aussi ambivalentes. La répétition du « oui » est intéressante dans le sens où Violet traite de l’affirmation de l’identité de l’adolescent à travers ses choix mais aussi par ses hésitations. Les silences et points de suspension mettent en valeur le questionnement des personnages. Finalement, c’est le dialogue sous-jacent le plus important. Propositions : * Inviter les élèves à découvrir le texte de Jon Fosse en lisant un des extraits présentés en annexe. * Mettre des mots sur l’expérience de lecture. - Vous pouvez demander aux élèves ce qui caractérise l’univers de la pièce. - Proposer des adjectifs ou une série de mots pour qualifier le texte. - Dans quel registre de langue se situe-t-on ? A quelle époque ? - Imaginer une suite à cet extrait. - Selon vous, pourquoi les personnages n’ont pas de nom (Le Garçon, La Fille, Le Bassiste, Le Chanteur) ? - Comment analysez-vous le rythme des répliques ? Pourquoi selon vous les phrases ne sont pas toujours terminées ? Quel effet cela vous fait-il ? * Mise en scène – par groupe de deux élèves Le professeur donne secrètement à chaque élève une situation à jouer. La situation donnée au premier élève peut varier, tout en étant en rapport avec le thème de l’adolescence et les sujets abordés par la pièce (ex : une invitation à aller dans un café, à créer un groupe…). Pour le second élève, la consigne sera toujours la même : il ne peut utiliser que les mots « oui », « non » ou les silences. L’avantage de cet exercice est double : le premier élève, qui n’est pas au courant de la consigne donnée à son camarade, finira sans doute par ressentir un certain agacement par la répétition des répliques ou des non – répliques. Le second élève devra compenser les silences par le jeu et laissera le langage du corps s’exprimer. * Travailler le rythme du texte : comment mettre en valeur la répétition des répliques, les silences ? On peut même en éducation musicale accompagner la diction du texte et les silences de percussion. Si l’on considère que les répétitions du texte sont comme les battements du cœur de l’adolescent, on peut transcrire en accélérant, ralentissant ou en suspendant les battements, les différentes émotions ressenties. Faire se mêler les répliques des personnages dans une sorte de chœur peut aussi être intéressant pour montrer la non communication qui existe parfois entre les personnages. * Ecriture – après la venue au spectacle Faire imaginer le dialogue sous-jacent, les pensées des personnages : qu’est-ce que la garçon voudrait dire à la fille ?, Qu’est-ce que la fille voudrait dire au batteur ? , Qu’est-ce que le garçon voudrait dire au batteur ? etc. L’adolescence Violet est une pièce qui parle de la beauté, de la fragilité, de la violence, de la complexité de l’adolescence. Elle met en scène cinq adolescents : le Garçon, la Fille, le Batteur, le Chanteur, le Bassiste. Ils ont 16 ou 17 ans. Les garçons ont créé un groupe de musique, ils ne savent pas encore vraiment jouer, ils viennent d’acheter leurs instruments. La fille est amoureuse. Du batteur ? Du guitariste ? Ils répètent dans les sous-sols de l’usine abandonnée qui leur sert d’horizon au quotidien. On imagine bien que les pères et les pères des pères y ont travaillé. Eux rêvent sans doute au succès, à une autre vie, créative et libre. Les tensions et les non-dits qui parcourent leurs relations font vibrer les bouleversements de la créativité, du mal être, de la sexualité, de la rivalité, du sentiment amoureux. * Des corps en mutation Le terme « adolescence » vient du latin « adolescere » qui signifie « grandir vers ». En effet, il s’agit d’une période de mutation des corps. Les marionnettes utilisées dans le spectacle Violet sont plus grandes que la taille humaine pour représenter ces corps d’adolescents qui ont grandi trop vite et dans lesquels ils ne sont pas toujours à l’aise. Extrait de la note d’intention de Violet de Bérangère Vantusso: « Violet est le quatrième volet d’un cycle de mise en scène interrogeant le rapport au réel. (…) La langue de Jon Fosse est propice à ce déplacement du réel car elle porte déjà en elle ce doute sur ce qui « est » vraiment. Le vocabulaire est épuré, les répliques sont courtes et méticuleusement découpées, les mots se répètent trop souvent pour être « vrais ». Ce doute sur la provenance de la parole, doublé du côtoiement entre acteur et marionnette, donne au texte une portée inédite. Pour « jouer » ces cinq adolescents, Marguerite Bordat et moi-même avons conçu cinq marionnettes hyperréalistes, qui sont plus grandes que la taille humaine - environ 2m20. Ce sont les corps maladroits des jeunes gens qui nous ont inspiré ces nouvelles sculptures. Membres trop longs, jambes maigres, mouvements hésitants. Ils seront trop grands parce que leurs corps ne sont pas finis, pas encore adaptés au monde adulte. Ils seront trop grands parce que nous les regarderons de près, parce que leur violence nous dépasse et que leur désir est immense. Ils seront « marionnettes à l’image du réel » parce que c’est bien l’Adolescence que Jon Fosse sonde dans sa pièce et non les adolescents, leur donner l’allure de la vie sans la vie c’est se pencher sur l’essence de leur existence avant de les envisager dans leurs individualités. » Références possibles : Image 1 Image 2 Image 1 : Gravure de Sir John Tenniel représentant Alice au pays des merveilles. Image 2 : Extrait du dessin animé Alice au pays des merveilles de Disney, 1951 Proposition : - Oral : Quels sont les moments où vous vous êtes sentis trop grands ? * L’apparence, le paraître L’apparence est un thème sous-jacent de la pièce : d’abord par le choix de mise en scène qui fait se mouvoir des corps trop grands dans un espace confiné, mais également par le texte de Jon Fosse. Les relations conflictuelles qui s’instaurent entre les personnages se concentrent par exemple autour d’un attribut : les cheveux. L’apparence est un thème sous-jacent de la pièce : d’abord par le choix de mise en scène qui fait se mouvoir des corps trop grand dans un espace confiné, mais également par le texte de Jon Fosse. Les relations conflictuelles qui s’instaurent entre les personnages se concentrent par exemple autour d’un attribut : les cheveux. Dans le texte, on peut imaginer que les adolescents ne savent pas jouer de la musique, mais qu'ils créent un groupe pour paraître et séduire les filles… Ils se créent une identité qui ne correspond pas forcément à leur essence profonde. * Une violence sous-jacente L’adolescence est aussi l’âge des confrontations avec soi-même mais aussi avec les autres. Les choix et désirs s’expriment parfois par la violence et ceci chez tous les adolescents. D’ailleurs, dans la pièce, le garçon, brutalisé au départ, devient violent à son tour, à la fois par ses gestes et par ses paroles (cf. extrait n°6). « Des fois on aimerait bien retourner comme quand on était un peu plus petit, que tout le monde nous aimait, tout le monde nous disait qu’on était un peu beau. C’est un peu puéril mais de temps en temps on se dit que c’était bien quand on était petit, c’était tout doux. C’est dommage que la vie aille de plus en plus dure. » (extrait du film L’heure de la piscine de Valérie Winckler) Un espace sombre et clos L’espace scénique proposé dans le spectacle est particulièrement sombre, la lumière est froide, il n’y a pas de fenêtres. Le décor est gris, noir. Tout cela se passe dans un sous-sol, lieu de répétition du groupe, qui ne semble pas particulièrement agréable. C’est un endroit coupé du monde extérieur. Proposition : - Imaginez un dénouement tragique au spectacle ou imaginez que tous les personnages aient été effectivement enfermés dans un espace à huis clos. Que se serait-il passé ? - Après le spectacle, discuter de la scénographie du spectacle. Selon vous, pourquoi la compagnie a fait ces choix de décors, de lumières ? Si vous étiez metteur en scène, auriezvous privilégié un autre choix ? La musique Omniprésente, dans la fable comme dans le spectacle, la musique remplit plusieurs fonctions : - elle recueille et exprime les désirs d’ailleurs et d’émancipation ; - elle remplace les mots, maladroits, pour dire le magma des émotions ; - elle rythme le spectacle, ponctue ou brise les silences, alterne démonstrations puissantes et solos intimistes. Extrait d’un entretien avec Bérangère Vantusso : « La musique est au cœur de la pièce. Elle est ce qui relie les personnages, ce qui les fait exister, rêver. C’est la musique qu’ils jouent (les morceaux qu’ils répètent ensemble), c’est aussi leur musique intérieure, instinctive, directe. La création sonore est l’œuvre du bassiste Arnaud Paquotte qui fait partie des fondateurs de la compagnie trois-six-trente et qui en réalise depuis 10 ans toutes les musiques (en live ou enregistrées). Ce qui me touche dans son approche du son au théâtre c’est qu’elle est avant tout celle d’un musicien. Ce qui l’intéresse à chaque fois c’est de sonder la pulsation de la pièce plus que son atmosphère, son contexte ou sa narration. En 2010, Arnaud a créé le groupe Cheresse avec deux autres musiciens bruxellois, Jean-Philippe De Gheest et Hugues Warin. Leur musique est puissante, tendue et poétique, elle fait penser à un volcan. Elle semble faite sur mesure pour Violet et leur formation (basse, batterie, guitare) ressemble étrangement au groupe de la pièce... C’est Cheresse qui a créé la musique de Violet. » Proposition : Bérangère Vantusso explique avoir eu sans cesse en tête la musique des Clash ou des Sex Pistols en élaborant le spectacle. On peut dès lors inviter les élèves à écouter quelquesunes des chansons qui ont donné au punk-rock des années 1960-1980 son image de rébellion et de jeunesse : - The Doors, The Unknown Soldier (1968), qui figure dans la bande-son du film de 1987 Good Morning, Vietnam ; - Sex Pistols, God save the Queen (1977), qui reprend en le décapant l’hymne britannique ; - The Clash, Career Opportunities (1977), qui dénonce les insipides et rares débouchés professionnels offerts à la jeunesse britannique ; - The Clash, London calling (1979), qui déplore l’arrivée de Margaret Thatcher au pouvoir ; - The Clash, Should I stay or should I go? (1981), formule qui traduit bien les tensions et les incertitudes de l’adolescence. PEU DE TEMPS DEVANT VOUS ? ON RÉCAPITULE ! Des idées de choses à faire en classe/groupe avant la venue au spectacle 1/ Evoquer le titre du spectacle. Que vous évoque « Le rêve d’Anna » ou « Violet » ? A partir des premières idées, imaginer de quoi peut parler le spectacle (histoire, personnages) ? Que va-t-on voir (couleurs, formes, objets) ou entendre (sons, musiques, bruitages) ? Garder une trace des mots utilisés pour pouvoir comparer après le spectacle. 2/ A partir de cette discussion, inventer une affiche du spectacle. Créer un dessin ou un collage, y ajouter le titre du spectacle, le nom de la compagnie, le logo du Grand Bleu etc. 3/ A partir d’une photographie du spectacle, décrire ce que l’on voit (objectivement), ce que l’on comprend ou interprète. Comparer ces éléments avec les idées que l’on a eues à propos du titre. 4/ Lire un extrait du texte. Qui sont les personnages, que se passe-t-il ? Pour Violet, évoquer les silences, les non-dits, les « trous » dans le texte. 5/ Si vous étiez metteur en scène du spectacle, quel décor choisiriez-vous pour représenter cette histoire ? Pourquoi ? Et quels costumes ? 6/ Pour appréhender le travail de manipulation de marionnettes à taille réelle, demander à un élève de jouer la marionnette ; deux ou trois autres camarades lui bougent les bras, la tête, les jambes. 7/ Lancer quelques mots clés relatifs à chaque spectacle. A quoi leur font penser ces mots, comment mettre ces idées sur scène ? Par exemple : - Le Rêve d’Anna : rêve, relation père/fille, travail, petite fille… - Violet : adolescence, groupe de rock, fille, garçon, répétition… Des idées de choses à faire en classe/groupe après la venue au spectacle 1/ Mettre des mots sur l’expérience de spectateur. Qu’avons-nous vu (couleurs, formes, objets, attitudes des corps, des marionnettes) ? Qu’avons-nous entendu (voix, rythmes, sons, instruments) ? Qu’avons-nous ressenti (émotions) ? Comparer cela avec les mots utilisés avant le spectacle. 2/ Selon vous, de quoi le spectacle parle-t-il ? Quelles sont les thématiques exploitées ? Y décelezvous des questions de société, ou des parallèles à faire avec votre vie ? - Pour Le Rêve d’Anna, discuter des personnages de Mac and Mac. Qui sont-ils ? A qui ou à quoi vous font-ils penser ? - Pour Violet, discuter de 3/ Commenter les choix de mise en scène qui ont été faits pour le spectacle (attitudes, postures physiques, choix des marionnettes, rythme, intentions de jeu, décor, costumes, lumières etc.) : selon vous, pourquoi la compagnie a fait ces choix ? 4/ Proposer un nouvelle mise en scène pour une des scènes du spectacle. 5/ Décrire (par les mots) les marionnettes utilisées dans le spectacle. Essayer d’en dégager des caractéristiques, des qualificatifs. On peut également essayer de les représenter (par l’image), soit en essayant d’être le plus fidèle à ce que l’on a vu, soit en essayant plutôt de retranscrire l’impression qu’elles nous ont laissées (notamment par rapport à une taille, une couleur, une netteté ou un flou, un caractère etc.). Note : si vous produisez des choses en classe (recueil de mots, créations visuelles etc.), l’équipe des relations avec le public du Grand Bleu serait très heureuse si vous pouviez nous les envoyer ! Merci d’avance ! Pour aller plus loin Autour de l’univers de la compagnie - Le LaM vu par… BÉRANGÈRE VANTUSSO Samedi 11 avril à 11h - LaM, 1 allée du Musée, Villeneuve d’Ascq. Regard personnel et sensible de Bérangère Vantusso, metteur en scène, sur les œuvres du LaM, Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut de Villeneuve d’Ascq. Laissez-vous surprendre ! LaM, 1 allée du Musée, Villeneuve d’Ascq. Entrée libre, réservation au 03 20 19 68 68 - Personne(s), installation pour un théâtre immobile Du 31 mars au 18 avril, du mardi au samedi de 12h30 à 19h, Théâtre du Nord - Lille Pour créer Kant et Violet de Jon Fosse et Les Aveugles de Maeterlinck, Bérangère Vantusso a conçu avec Marguerite Bordat dix-neuf marionnettes de tailles diverses (de 1,20m à 2,15m) que l’on retrouve ici dans trois tableaux étroitement reliés : La Chambre, Les Oiseaux, Les Sentinelles. Au spectateur d’investir l’espace de jeu théâtral et de se laisser chuchoter à l’oreille les liens entre ces personnes, entre la réalité et la chimère. - Pour en savoir plus sur la compagnie Trois six trente : http://www.troissixtrente.com/ - Extrait vidéo de Violet : https://vimeo.com/99743731 Autour de la marionnette - Fiche thématique sur l’art de la marionnette, réalisée par l’équipe du Grand Bleu http://www.legrandbleu.com/_docs/fckeditor/file/documents/Fiche_thematique_marionnette.pdf - Didier Plassard, « Marionnettes réalistes, marionnettes hyperréalistes : pour une mutation du regard » dans PUCK n° 17 – Le point critique, Editions Institut International de la Marionnette / L’entretemps, 2010 « Avant même l‘intervention d‘un manipulateur, dans l‘immobilité de leurs poses ordinaires, les marionnettes donnent l‘illusion de personnes réelles, plongées dans leurs pensées. » Dans cet article, Didier Plassard conclut ainsi : «…le marionnettiste rend à la figure son statut d‘objet pour rompre l‘empathie née de sa ressemblance avec le vivant. L‘acteur, ainsi, se fait opérateur de déréalisation : face au pouvoir de sidération de la sculpture hyperréaliste, il rappelle avec force que les apparences de la vie ne sont pas la vie. » - « Marionnettes, territoires de création », exposition itinérante sur les arts de la marionnette contemporaine en France, commissaire d’exposition Evelyne Lecucq, 2012. Document de présentation de l’exposition disponible sur : content/uploads/2012/10/themaa-exposition-marionnettes2.pdf http://www.saisonsdelamarionnette.fr/wp- Autour du rêve et de la réalité, de l’onirisme, de l’imaginaire - Le rêve et la réalité, Brigitte Labbé et Pierre-François Dupont-Beurrier, 2009 (dès 6 ans) Comment savoir, là ; maintenant, si on rêve ou si on ne rêve pas ? Impossible. On ne peut pas savoir avec une totale certitude si, là, tout de suite, on rêve ou si on est éveillé. - Pour de vrai, pour de faux, Brigitte LABBÉ et Michel PUECH, 2008 (dès 6 ans) Faut-il toujours dire la vérité, alors que mentir est parfois bien pratique ? Dans la vie, le mélange du vrai et du faux éveille la curiosité et suscite la réflexion. - Les films d’animation de Hayao Miyasaki, notamment Le Voyage de Chihiro, 2001 / Le Château ambulant, 2004 / Ponyo sur la falaise, 2008 - Les Aventures d’Alice aux pays des merveilles, roman de Lewis Caroll, 1865 et/ou Alice au pays des merveilles, film réalisé par Tim Burton, 2010 - La Science des rêves, film de Michel Gondry, 2006 Stéphane Miroux mène une vie monotone qu'il compense par ses rêves. Devant des caméras en carton, il s'invente une émission de télévision sur le rêve. Un jour, il fait la connaissance de sa voisine, dont il tombe amoureux. D'abord charmée par les excentricités de cet étonnant garçon, la jeune femme prend peur et finit par le repousser. Ne sachant comment parvenir à la séduire, il décide de chercher la solution de son problème là où l'imagination est reine... - Rêves, film d’Akira Kurosawa, 1990 « Quand il rêve, l'homme est un génie. Il est audacieux et intrépide comme un génie. Voilà ce à quoi je me suis attaché au moment de filmer ces huit rêves. Pour faire un film de ce scénario, il était indispensable de s'exprimer avec audace et sans peur... comme dans un rêve. » (présentation du réalisateur) - Donnie Darko, film de Richard Kelly, 2001. Donnie Darko, un adolescent en marge, intelligent mais perturbé, a un ami imaginaire, Frank, un lapin géant au visage effrayant. Lorsque, par miracle, Donnie échappe à la mort, Frank lui annonce que la fin du monde adviendra dans 28 jours, 6 heures, 42 minutes et 12 secondes. Autour de la thématique de l'ami imaginaire : - Moi et Rien, de Kitty Crowther, 2000 Un album intimiste sur la mort d’un proche et sur la disparition. Lila se crée un ami, à partir de rien, un ami imaginaire, sans autre fonction sans doute que d’être à ses côtés. - Le chien invisible de Claude Ponti, 2000, L’Ecole des Loisirs Oum-Popotte vit seul avec ses parents en carton, qui parfois sourient, parfois sont de mauvaise humeur. Un jour, en rentrant de l'école, il reçoit quelque chose sur la tête. Ensuite il se passe des choses bizarres qui lui font découvrir qu'en fait il n'est pas seul du tout. - Petits sauvages, David Almond, 2009, Actes Sud Papiers Elaine a perdu son père et ne parvient pas à oublier cet homme fantaisiste et drôle. Elle s’invente un ami imaginaire, Petit Sauvage, dit Skoosh et passe ses journées avec lui dans le jardin ouvrier de la famille. Le monde du travail - Le travail et l'argent, Brigitte LABBÉ et Michel PUECH, 2006 (dès 6 ans) L’homme ne travaille pas seulement pour vivre, mais aussi pour transformer le monde. L’argent permet d’échanger les fruits du travail, et souvent, il donne un grand sentiment de liberté. - Ressources humaines, de Laurent Cantet, 1999 Frank, jeune étudiant dans une grande école de commerce, revient chez ses parents le temps d'un stage qu'il doit faire dans l'usine où son père est ouvrier depuis trente ans. Affecté au service des ressources humaines, il se croit de taille à bousculer le conservatisme de la direction qui a du mal à mener les négociations sur la réduction du temps de travail. Jusqu'au jour où il découvre que son travail sert de paravent à un plan de restructuration prévoyant le licenciement de douze personnes, dont son père. - L’Emission de télévision, texte théâtral de Michel Vinaver, 1988 Deux collègues, chômeurs à 50 ans, sont pressentis pour raconter leur vécu dans une émission de “reality show”. La différence à l’école - Stargirl, roman de Jerry Spinelli, 2003 (à partir de 12 ans) - Oui à la différence, ouvrage documentaire réalisé par les enfants de l’école de Vitruve, et le généticien et écrivain Albert Jacquard, 2004 (à partir de 7 ans) Expérience pédagogique en milieu scolaire sur la tolérance. Sur base de photographies, les enfants de l'école de Vitruve (Paris XXe) s'expriment autour du thème de la différence. - Klaus Kordon, Lutt et les mystères de l’amour, 1997 - Sherman Alexie, Le Premier qui pleure a perdu, 2008 - Jin-Heon Song, Pibi mon Etrange Ami, 2008 Le double Dans le fantastique (littérature et cinéma) : - La Merveilleuse histoire de Peter Schlemihl, Adalbert von Chamisso - Les Aventures de la nuit de la Saint- Sylvestre, E.T.A Hoffmann, - L’Ombre, Hans Christian Andersen. - Monsieur le juge Harbottle, Joseph Sheridan Le Fanu ;. - W.S, L.P. Hartley. - L’Homme qui avait été Milligan, Algernon Blackwood. - Bonne nuit, MR. James ! Clifford Simak, - La Mascarade de Howe, Nathaniel Hawthorne. - William Wilson, Edgar Allan Poe. - Lui ? Guy de Maupassant - Le Coin plaisant, Henry James. - The Double, Fedor Dostoïevski. Filmographie : - Faux-Semblants, David Cronenberg. - Birdman, Alejandro Gonzàlez Inarritu. - Black Swan de Darren Aronofsky. - The Dobble de Richard Ayoade. - Ennemy de Denis Villeneuve. Autour de l’adolescence Ouvrages de référence : - L’adolescence, Philippe Jeammet Edition Solar, 2002 - Adolescences : repères pour les parents et les professionnels, Sous la Direction de Philippe Jeammet, Edition La Découverte, Fondation de France, 2002 - Savoir communiquer avec les adolescents, Edith Tartar Goddet Editions Retz, 2002 - L'adolescence à risque : corps à corps avec le monde, dir. par David Le Breton.- Paris : Autrement, 2002 (Collection Mutations) - Violente adolescence : pulsions du corps et contrainte sociale, Dir. Serge Lesourd.Toulouse : Erès, 1998. Au cinéma : - La Belle personne, Christophe Honoré, 2008 - Elephant, Gus Van Sant, 2003 - Paranoid park, Gus Van Sant, 2007 - Will Hunting, Gus Van Sant, 1997 - La Fureur de vivre, Nicholas Ray, 1956 - Le Cercle des poètes disparus, Peter Weir, 1989 - Echo Park, L.A. Richard Glatzer, 2006 - Bully, Larry Clarck, 2001 - Les Beaux gosses Riad Sattouf, , 2009 - No et moi, Zabou Bretitman, 2009 - Jeune et jolie, François Ozon, 2013 - Shelter, Dragomir Sholev - Camille redouble, Noémie Lvovsky, 2011 - L’Heure de la piscine, court-métrage de Valérie Winckler, 1995 Pendant quatre ans, la réalisatrice a photographié des élèves de la 6ème à la 3ème pour saisir le passage de l'enfance à l'adolescence. Ici, elle les filme à l'heure propice de la piscine, où les corps sont particulièrement en vue et en jeu. - Sofia Coppola, Virgin suicides (2000) Dans une ville américaine tranquille et puritaine des années 70, Cecilia Lisbon, treize ans, tente de se suicider. Elle a quatre sœurs, de jolies adolescentes. Cet incident éclaire d'un jour nouveau le mode de vie de toute la famille. L'histoire, relatée par l'intermédiaire des garçons du voisinage obsédés par ces sœurs mystérieuses, dépeint avec cynisme la vie adolescente. - Abdellatif Kechiche, L’Esquive (2004) Un groupe d'adolescents d'une cité répète, pour leur cours de français, un passage de la pièce Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux. Abdelkrim, dit Krimo, qui initialement ne joue pas dans la pièce, tombe amoureux de Lydia. Pour tenter de la séduire, il obtient le rôle d'Arlequin et entame les répétitions. En littérature - Fabrice Melquiot, Kids (2002) Des adolescents cherchent à (sur)vivre pendant et après la guerre ; c’est l’expérience du conflit en Yougoslavie qui sous-tend la pièce, mais le propos n’en a pas moins une dimension universelle. - Eleanor Catton, La Répétition (2011) A partir d’un fait divers – la relation amoureuse d’un professeur de musique avec une de ses élèves du lycée – la jeune auteure néo-zélandaise interroge la perception que chacun a de soi-même et des autres, les ruses que l'on adopte pour confirmer ou démentir l'image que l'on voudrait donner de soi ou que l'on subit… - Alain Julien Rudefoucauld, Le Dernier contingent (2012) Les destins croisés de Marco, Sylvie, Xavier, Malid, Manon et Thierry, des adolescents de la région bordelaise qui dans leur langue crue et puissante, urgente et rugueuse, disent et témoignent de la violence de l’époque et de l’incurie des systèmes. Ce dossier est disponible en libre téléchargement sur notre site www.legrandbleu.com / Les actions du Grand Bleu / Accompagnement pédagogique ou bien directement sur les pages des spectacles Le rêve d’Anna et Violet. ANNEXE N°1 // Extraits de textes EXTRAIT 1 – Le Rêve d’Anna ANNA On est en retard. LE PÈRE D’ANNA Je croyais que je l’aurais, ce boulot. ANNA Tu ne vas pas au travail ? LE PÈRE D’ANNA Pas aujourd’hui. ANNA Tu n’es pas en colère ? LE PÈRE D’ANNA Juste un peu déçu. ANNA Tu ne vas pas tout casser pendant que je ne serai pas là ? LE PÈRE D’ANNA Pourquoi voudrais-tu que je casse tout ? ANNA Il y en a, quand ils perdent leur poste, ils perdent les pédales et se mettent à courir partout. LE PÈRE D’ANNA Tu en as des idées. Je vais bien finir par trouver. J’ai encore des rendez-vous. ANNA On pourrait rester à la maison. LE PÈRE D’ANNA Tu ne vas pas recommencer. ANNA Il parle. LE PÈRE D'ANNA Qui? ANNA Le cheval. LE PÈRE D'ANNA Il te parle? ANNA Oui. LE PÈRE D'ANNA Et qu'est-ce qu'il te dit? ANNA Que tu vas trouver du travail. LE PÈRE D'ANNA Tu lui diras que c'est gentil de penser à moi. ANNA Tu vas trouver du travail. LE PÈRE D'ANNA Il te dit autre chose ? ANNA Non. C'est tout. LE PÈRE D'ANNA Tu lui parles de moi alors? ANNA Un peu. LE PÈRE D'ANNA Tu le remercieras pour son attention. Dis lui que tout va s'arranger. C'est un sacré cheval que tu as. ANNA Oui. LE PÈRE D’ANNA Prends soin de lui. Tâche de le garder. ANNA C’est lui qui prend soin de moi. LE PÈRE D’ANNA Tu ne fais pas des jalouses avec un cheval comme ça ? ANNA Oh là là, si. LE PÈRE D’ANNA A qui tu en as parlé ? ANNA A toi et à Louise. LE PÈRE D’ANNA Et qu’est-ce qu’elle t’a dit ? ANNA Que j’avais de la chance d’avoir un cheval. Et puis après, elle a dit que je devais être très malheureuse aussi, parce qu’un cheval comme ça, je n’en aurais jamais en vrai. Et ça c’est terrible. Elle a tout compliqué. LE PÈRE D’ANNA Ne l’écoute pas. C’est déjà bien d’en avoir un. Même si c’est en rêve. Elle voulait t’embêter. ANNA Tu crois ? LE PÈRE D’ANNA Oui. Si elle t’embête encore, garde-le pour toi. EXTRAIT 2 – Le Rêve d’Anna A l’école. LOUISE Tu l’as vu? ANNA Oui. Il est revenu. LOUISE Tu as de la chance. ANNA Il me manquait tellement. LOUISE Qu’est‐ce que vous avez fait ? ANNA On a volé. Et toi ? Tu rêves des fois ? Tu ne m’en parles jamais. LOUISE Non. ANNA Tu ne rêves pas ? LOUISE Non. ANNA Ma pauvre. LOUISE J’aimerais bien que ça m’arrive. ANNA Ça ne doit pas être facile pour toi. LOUISE Il paraît qu’on rêve tout le temps. Il y a ceux qui s’en souviennent et ceux qui ne s’en souviennent pas. ANNA Et toi tu ne t’en souviens pas. LOUISE C’est ça. ANNA Si tu n’as pas de rêves, c’est peut-être que tu es comblée. LOUISE Je n’y avais pas pensé. J’ai peut‐être tout ce qu’il me faut. Dans ce cas, tu es plus à plaindre que moi. C’est toi la malheureuse. ANNA Je ne suis pas malheureuse. LOUISE Si, tu es malheureuse, puisque tu rêves de quelque chose que tu n’as pas. ANNA Ça ne me rend pas malheureuse, bien au contraire. Quand je rêve de lui c’est comme s’il était là. LOUISE Les rêves, c’est pas vrai. EXTRAIT 3 - Le Rêve d’Anna Dans l’entreprise MAC Nous sommes très contents de vous LE PÈRE D’ANNA Merci MAC On voit que vous avez une certaine expérience de ce poste. LE PÈRE D’ANNA J’aime beaucoup mon travail. AND MAC Les autres employés sont très élogieux envers vous. LE PÈRE D’ANNA J’ai été très bien accueilli. Ça compte. MAC Mais vous savez. LE PÈRE D’ANNA Oui. AND MAC Vous êtes trois et nous n’avons qu’un poste à pourvoir. Et malheureusement ou heureusement, vous avez tous les trois un niveau très très très élevé. Ça va être dur de vous départager. LE PÈRE D’ANNA Ça veut dire quoi ? MAC Ça veut dire que nous avons encore besoin d’un peu de réflexion. Il va falloir que vous nous montriez que vous tenez à cet emploi. AND MAC Vous êtes tous les trois vraiment très très très très bons. Ecoutez. Nous n’allons pas vous mentir. Si nous en avions l’utilité nous vous embaucherions tous les trois. LE PÈRE D’ANNA Mais ? MAC Nous n’en avons pas l’utilité. Voilà. AND MAC Si vous deviez nous donner trois raisons de ne pas les embaucher ? LE PÈRE D’ANNA Quoi ? AND MAC Les deux autres. Si vous deviez nous donner de bonnes raisons de ne pas les embaucher, qu’est- ce que vous diriez ? LE PÈRE D’ANNA Ça n’est pas à moi de les juger. MAC Ils ne se sont pas gênés eux. Ils ont été très critiques à votre sujet. LE PÈRE D’ANNA Vous ne me ferez pas rentrer dans ce petit jeu. AND MAC Il faut savoir ce que vous voulez. MAC Si vous voulez obtenir le gros lot, il va falloir nous donner de bonnes raisons de vous garder. Nous n’avons pas vocation à jouer les assistantes sociales. LE PÈRE D’ANNA Je ne demande pas la charité. Je veux faire mon métier, c’est tout. Après, vous me prenez ou vous ne me prenez pas. Mais vous n’avez pas besoin d’être méprisants, ni pour eux, ni pour moi. MAC Excusez-nous. AND MAC Nous ne voulions pas vous blesser. EXTRAIT 4 - Violet Le Garçon Bon La Fille Oui je vais y aller alors Le Garçon Comme s’il était un peu inquiet Tu reviendras un peu plus tard dans la soirée alors La Fille D’accord A moins que Avec un léger rire c’est quand même pas terrible cet endroit et du coup oui non non je ne sais pas Le Garçon comme s’il ne voulait pas qu’elle revienne Comme ça tu pourrais nous écouter jouer La Fille Ça me ferait plaisir Mais pas aujourd’hui Le Garçon Non La Fille Une autre fois peut-être Le Garçon Hésitant Oui Mais on n’est pas très bon La Fille Nerveuse Il n’y a pas longtemps que vous avez commencé de toute façon Le Garçon Non La Fille Peut-être que je elle s’interrompt. Bref silence. La fille se dirige vers la porte Le Garçon Tu t’en vas La Fille Inquiète Oui Le Garçon Peut-être hésitant, un peu embarrassé peut-être qu’on pourrait se retrouver après dans la soirée Il s’interrompt EXTRAIT 5 - Violet LE GARÇON C’est pas si mal ici quand même LA FILLE Si LE GARÇON On peut y répéter en tout cas LA FILLE Peut-être LE GARÇON Oui Bref silence LA FILLE Viens on s’en va EXTRAIT 6 - Violet LE GARCON Tu sors avec tout le monde. Le garçon lui tire les cheveux plus fort LA FILLE Arrête. Tu me fais mal. Non non arrête. S'il te plaît Silence. Le garçon ne bouge pas, tient toujours la fille par les cheveux. Arrête. Non. Arrête. Bref Silence. Tu me fais peur. S'il te plait. Arrête. Silence. Non arrête s'il te plait. LE GARCON T'es une pute hein. ANNEXE N°2 // Entretien autour du Rêve d’Anna Entretien avec Bérangère Vantusso : Propos recueillis lors des répétitions en décembre 2013 à l’Espace Gérard-Philipe de Sartrouville « ... Oui, moi ce qui me plaît aussi, c’est d’aborder cette question avec les enfants, soit si c’est des représentations tout public que cela puisse ouvrir un dialogue entre parents et enfants et puis, si c’est des scolaires que cela puisse justement permettre de soulever cette question du travail, du chômage, de la dignité, de la politique aussi parce que les deux personnages de Mac and Mac tiennent un discours très coloré. Je dis parfois qu’ils ont un discours que je qualifie de libéral décomplexé. En même temps, ce qui m’intéresse dans ces personnages, c’est de ne pas en faire des caricatures mais de rendre compte à quel point ils tiennent un discours intégré. Ils pourraient très bien être deux gars très sympathiques, un peu « bobos » qui travaillent dans un cabinet de graphisme et avoir des propos comme ceux-là qui ne sont plus choquants alors qu’ils sont choquants. Après, dans la deuxième scène entre le père et Mac and Mac, pour moi, on bascule aussi d’un réel comme si on était dans une séance de recrutement où on lui dit « il va falloir faire vos preuves » et puis, on bascule dans le cauchemar du père. A partir du moment où il dit qu’il refuse le poste, on bascule complètement dans un univers onirique. On essaye d’écrire un départ très, très, très réaliste mais avec deux Mac and Mac un peu étranges. Ils ont des perruques, par exemple, tous les deux. Ce sont des comédiens ? Oui. J’ai pris le parti de traiter Anna et tout son monde en marionnettes, donc Anna, Louise, Mattéo, le cheval et le taureau. Le père, lui, est un acteur tout comme Mac and Mac. J’avais envie en fait de matérialiser les deux réalités, le décalage entre les deux réalités mais le dispositif scénique fait que plus on avance, plus on se rend compte que ces deux réalités vont se mélanger. Au final, c’est peut-être Anna qui va aider son père à travers sesrêves. C’est un peu comme si les rôles étaient inversés... Oui, ce qui n’est pas très bon non plus. C’est aussi une situation particulière parce qu’il n’y a pas de maman. C’est une relation père-fille. Souvent dans les familles monoparentales, l’enfant peut porter la difficulté d’un de ses parents... Oui. Par exemple, la scène où il rentre ivre, si on la lit dans un contexte réel de nos vies à nous, c’est très brutal voir son père dans cet état. On ne va pas faire ça. On est plus dans un traitement où tout bouge et, dans son ivresse, il rencontre tous les personnages du rêve. Il rencontre le cheval, il rencontre tous les éléments du rêve d’Anna, il les voit mais dans une sorte de vision un peu grisée... En vérité, je me pose souvent la question en montant la pièce, mais si c’était dans la vraie vie, ce n’est pas agréable de voir son père dans cet état. De la même manière, ce père, il est compréhensif effectivement mais il y a aussi des moments où il n’est pas disponible aussi. Et ça, moi en tout cas, je veux qu’on le sente. Au début, il n’est pas disponible pour elle ; sa copine Louise, la relation n’est pas non plus très simple puisqu’on est un peu sur une sorte de chantage affectif, de mensonge, de rivalité d’enfants. Soncopain Mattéo dont elle semble être un peu amoureuse, il lui dit qu’elle ne comprend rien, qu’elle est tout le temps dans la lune, que tout le monde voit ça et elle, elle ne le voit pas. C’est aussi pour ça qu’elle crée son rêve, ..., parce qu’autour, elle n’arrive pas vraiment à s’exprimer. C’est son jardin secret ... c’est ce qui vous a intéressé dans ce texte ? Oui, c’est la relation, c’est de dire ... comment nos réalités, c’est peut-être aussi parce je suis maman maintenant, j’ai deux petites filles, et comment nos réalités ne sont pas complètement cloisonnées. En tout cas, qu’elles ne devraient pas l’être. La réalité des parents et celle des enfants est très différente, qu’on peut, nous aussi prendre ce que eux vivent sans seulement dire : « Ah, oui, c’est mignon... » mais que leur réalité d’enfant, on doit lui donner plus de crédit que ce que l’on ne fait souvent... sans tomber... Pour moi, par exemple, cette pièce, c’est le contraire de Peter Pan ; le côté, l’enfance éternelle. Je déteste cette idée qu’il faut rester des enfants et notre capacité à rêver, je pense qu’on la conserve tout en étant adulte mais comment on est à l’écoute de ça. Ce n’est pas le père qui écrase le rêve, ce n’est pas non plus Anna qui vit dans un monde complètement à part, dans une bulle. Elle ne vit pas dans une bulle parce que les rêves qu’elle fait, ils sont très aux prises avec la réalité. C’est la prendre en compte mais pour autant ne pas rêver avec, si je comprends bien... Oui, c’est ça. On la respecte, elle est prise en compte mais ce n’est pas pour autant qu’on se met au niveau des enfants ? Voilà. D’ailleurs, il lui à la fois que c’est un sacré cheval qu’elle a et, à la scène d’après, il lui dit que ce n’est qu’un rêve, qu’il ne faut pas qu’elle l’oublie car ses copains se moquent d’elle à l’école, qu’il faut qu’elle fasse la part des choses. Il ne s’embarque pas dans le rêve d’Anna. Je trouve ça beaucoup plus sain. C’est comme si ses rêves lui permettaient de mieux comprendre cette réalité ? C’est exactement ça. Au niveau de la mise en scène, on voit ici la chambre... Au départ de la pièce, on est dans un décor assez réaliste qui nous fait penser à un appartement où il y aurait d’un côté le salon et de l’autre la chambre sauf qu’en fait, les murs peuvent pivoter. On est à la fois, sur un traitement réel et, en même temps, on bascule tout le temps du rêve à la réalité. Là, on a le tableau noir de l’école et au fond, se jouent les scènes avec Mac and Mac. On a commencéì les répétitions il y a dix jours. Ce décor, il évolue et parfois on est dans des scènes où on prend un parti pris plus réel, on va être comme ça ou comme ça, on recompose. Une des choses qu’on s’est dite, c’est que le décor ne doit jamais, ..., à partir du moment où on a eu cette image, on ne doit jamais y revenir. On est tout le temps dans quelque chose où il y en a un mur qui se déplace, puis l’autre qui s’ouvre, qui se retourne et il n’y en qu’un seul qui revient ; on ne doit jamais revenir au point de départ. C’est quelque chose qui est en train d’avancer comme ce que vivent à la fois Anna et le père. Du coup, c’est un décor qui permet assez facilement de basculer du rêve à la réalité. On sent bien au début, dans la pièce, les choses sont bien cadrées, on sait quand on est dans le rêve et quand on est dans le réel. Puis, très vite, ça se brouille, d’abord il y a le cheval qui intervient alors que normalement, il n’a rien à faire là puisque c’est sensé être dans la réalité et puis, de plus en plus, on brouille. Le cheval, il est magnifique... et le taureau, on ne verra toujours que la tête ? Alors, le taureau, pour moi, il y a un lien très fort entre le taureau et Mac and Mac. Donc, en fait, le taureau, j’avais envie de le représenter un peu comme une sorte de force qui est autour, quelque chose de dangereux qui serait dans le ciel. En fait, le taureau, il est surtout matérialisé par le grand tissu noir que vous voyez au fond, qui, par un jeu de lumière et de mouvement va vibrer et parfois devenir très impressionnant. Il y a notamment une scène de combat entre le cheval et le taureau où le noir envahit et le cheval ressort, ça fait assez peur. Finalement, cette grande tête n’apparaît que dans la toute dernière scène, c’est-àdire quand le taureau arrive dans le réel, que finalement tout à coup, on le voit. Au début, on n’est que dans la projection, ..., comment il nous impressionne, comment il nous fait peur pour autant. On n’arrive pas vraiment à cerner comment il peut être, on dit qu’il est dix fois plus gros, j’avais envie de ne le faire apparaître que dans la toute dernière scène où là, il va yavoir cette tête et une discussion sur le lit entre ce gros taureau, le cheval et Anna. Quand vous travaillez, vous vous adressez d’abord au jeune public ou vous vous dites que c’est pour tout public. Est-ce que vous vous posez la question ? Moi, je préfère me dire qu’il est pour tout public mais je me rends compte que, par rapport au travail que je peux faire d’habitude, je me pose souvent la question de la lisibilité des signes que l’on envoie et en même temps, c’est pas de s’adapter parce que je pense qu’on sous-estime les enfants, leurs capacités, leur intelligence, leur compréhension, leur sensibilité, juste parfois des choses où sur des conventions théâtrales ça me plairait d’aller, je me dis qu’ils ne vont pas suivre parce qu’ils n’ont pas les références, ils n’ont pas tout ça. C’est plus à cet endroit-là que je me pose la question des enfants. Après, il y a le choix d’aborder cette pièce mais cette pièce, elle met autant en scène un adulte qu’une enfant même si c’est dans la relation que c’est intéressant. A part ça, je ne travaille pas autrement. C’est vrai que ça pose beaucoup de questions. Par rapport au décor, on se demande dans quel milieu on est ; on n’avait pas envie que ce soit non plus la misère... c’est beaucoup de subtilité même dans les choix des costumes. Je pense que ce n’est pas une pièce caricaturale, je pense qu’elle a une complexité qu’il faut entendre. Et le choix des marionnettes, quelle intention vous aviez car il y a beaucoup de réalisme ? Moi, je monte toujours des spectacles où il y a des marionnettes et, depuis 2006, je travaille avec des marionnettes hyperréalistes. Je dirais que c’est presque un choix qui préexiste à tout. Je me pose la question dans l’autre sens, c’est-à-dire que, à partir de ce choix esthétique dont je n’ai toujours pas fini de faire le tour dans mon travail de mise en scène, je me dis quelle pièce serait intéressante à monter pour que ce travail sur la marionnette hyperréaliste fasse sens et puisse apporter quelque chose de supplémentaire, que ce soit plus intéressant que de le monter avec des acteurs ; enfin, on pourrait le monter avec des acteurs mais que ce soit différent, que ça apporte réellement quelque chose. Pour Anna, on a fait deux marionnettes, dans deux dimensions, on a fait deux fois la même. Elle est à l’échelle d’une enfant et elle est à l’échelle un demi. C’est un peu comme s’il y avait la Anna du réel et la Anna du rêve. Sauf que très vite, dans ce principe de brouiller les cartes, elles vont être toutes les deux, notamment quand le père rentre ivre, il les voit toutes les deux. Il est dans une forme de rêverie éthylique... Au fur et à mesure, elle va prendre de la place. Ça permet aussi de travailler la relation avec le cheval, ça marche très bien au niveau des proportions : la petite Anna sur ce grand cheval. Le cheval est très impressionnant quand il bouge, il est très poétique. Je vais vous les montrer. » ANNEXE N°3 // Entretien autour de Violet Entretien avec Bérangère Vantusso, Propos recueillis par Cécile Brochard pour theatrecontemporain.net en 2012. « Comment s’est forgée votre intuition d’allier la marionnette et les écritures contemporaines? J’ai d’abord été formée au théâtre d’acteurs, mais suite à ma rencontre avec le marionnettiste François Lazaro j’ai eu envie de créer des spectacles utilisant la marionnette. Après trois premières créations où l’on avait recours à des marionnettes de forme plus traditionnelle, l’hyperréalisme est venu d’une double circonstance (comme souvent dans la vie) : d’une part la rencontre en 2006 avec un premier texte de Jon Fosse sur Kant m’a donné une affinité forte avec cette langue, très ambivalente, très syncopée, où la question du réel est centrale ; et d’autre part, la découverte des sculptures de Ron Mueck. Cela a engendré une nouvelle collaboration avec Marguerite Bordat (déjà scénographe de la compagnie) qui sculpte et peint les têtes qui « ont l’air vraies » de mes spectacles. La piste de l’hyperréalisme a ouvert un champ de possibles insoupçonné. J’ai découvert qu’elle était porteuse de formes nouvelles, non exploitées, d’un potentiel énorme restant à découvrir. Quel trouble de la perception du réel votre travail met‐il en jeu ? Le fait d’utiliser des marionnettes hyperréalistes non seulement dans leurs visages, dans leurs expressions mais aussi dans leurs postures donne une « illusion réelle » de vie. Nous travaillons énormément à leur construction, à leur gestuelle, à leur manipulation en groupe et cela nous conduit peu à peu à élaborer un lexique de jeu très dense qui se nourrit de l’interaction entre les humains et les marionnettes : mon travail de recherche se noue autour de ce qui s’incarne des uns chez les autres, les acteurs‐manipulateurs « portant » les marionnettes dans tous les sens du terme, pas seulement physiquement mais dans leurs émotions, dans ce qu’elles ont envie de dire… Au fond, on ne sait même pas si ce sont des marionnettes… Ce trouble trouve un écho particulièrement fort dans l’écriture de Jon Fosse qui s’y prête vraiment, de par son questionnement permanent sur ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, autant que par sa forme au langage extrêmement stratifié. On ne peut pas jouer cette langue de manière naturaliste. Pour la donner à entendre, il faut absolument y déplacer le corps et la marionnette facilite cette transposition. Quel est le projet à la base de « Violet » ? C’est d’abord le désir que j’aie de parler de l’adolescence, un moment de la vie dont on garde tous un souvenir fort, celui d’une période de créativité, de rivalité, d’amour dans la cour du collège. L’idée étant de parler aujourd’hui d’une période intemporelle et de porter un regard générationnel empreint de tendresse sur ces personnages. Et puis tous mes spectacles sont traversés en fil rouge par cette question de l’être dans le changement et de la transformation de la forme : dans chacun, il est question d’un moment de passage : dans Kant c’était l’enfance, la prise de conscience du monde ; dans Les Aveugles, la mort, le bascul vers l’au‐delà ; ici il s’agit de la charnière entre l’enfance et l’âge adulte. Cela induit une cohérence implicite à mes choix de textes, qui permet à mon théâtre de se frayer un chemin dans les écritures. Au final, Violet vient boucler un cycle, formé par Kant, Les Aveugles et L’herbe folle d’Eddy Pallaro en 2009. Comment mettez‐vous en scène l’Adolescence ? Le texte évoque des gamins, très jeunes, quinze ou seize ans à peine, qui se réunissent pour faire de la musique dans un local. Il y a là quatre garçons et une fille. A l’occasion de ces répétitions, ils expérimentent non seulement leurs nouveaux instruments, mais les prémices de sentiments, d’enjeux, de rivalités, de luttes de pouvoir qui vont faire monter la tension. Le personnage central vient de vivre un deuil qui le fait basculer dans l’âge adulte avant les autres, et cette transformation ressurgit sur toutes les relations du groupe. La violence est déjà présente dans l’écriture de Fosse, il ne faut donc pas la contourner, elle sous‐tend le suspense, la peur. Mais elle ne doit pas je crois être trop appuyée, trop noircie. Le titre d’origine en norvégien – Lilla – est porteur d’un double sens, il évoque la couleur bien entendu mais il signifie aussi « petit ». Violet est une pièce sur l’émancipation, sur la capacité à faire des choix, le grand enjeu de l’adolescence. Devenir soi, dans l’ambivalence de ses affirmations personnelles et des limites posées par le regard des autres. L’écriture de Fosse illustre ce mouvement de balancier où tout ce qui est affirmé est immédiatement contredit. Partant de là, la mise en scène des marionnettes, qui sont volontairement plus grandes que les humains, d’environ deux mètres de haut, est un travail de narration et de mise en mouvement chorégraphié ; d’autant que la musique tient un rôle central dans Violet : elle est à la fois le thème, qui mobilise ces jeunes dans leur local et les fait rêver ensemble, mais aussi le vecteur d’un véritable échange d’énergies entre le texte et le spectateur. Le groupe Cheresse qui explore une musique rock très sonore tout en revendiquant des influences classiques et Arnaud Paquotte qui fait partie de la compagnie depuis ses débuts, ont créé un morceau symphonique à tiroirs, une bande son comme un play‐back sur lequel les personnages parlent ou sur lequel s’écoute leur petite musique intérieure. L’écriture de Fosse contient un dialogue sous‐jacent qui dit plus que les mots : je voudrais faire en sorte que le spectateur entende ce dialogue. » ANNEXE N°4 // INTERVIEW DE BERANGERE VANTUSSO Extraite de Manip, le journal de la marionette, n°27 (juillet/août/septembre 2011)