de la SOciété Française d`Orthopédie Pédiatrique

Transcription

de la SOciété Française d`Orthopédie Pédiatrique
N°26
La Gazette
de la SOciété Française d’Orthopédie Pédiatrique
Février - Mars 2009 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours
Bureau de la SOFOP
Président : J.M. Clavert
1er Vice-Président : C.Morin - 2e Vice Président : C.Bonnard - Futur 2e Vice Président : C. Romana
Ancien Président : J.F. Mallet
Secrétaire Général : J.L. Jouve
Trésorier : P. Lascombes
Membres du Bureau : B. de Billy, S. Bourelle, P Journeau, A Kaelin, P Mary, P Wicart,
Editorial SO.F.O.P.
Henri Bensahel nous a quittés. C’est un des piliers
des fondations de notre discipline qui s’en va. Nul
ne peut nier son rôle majeur dans l’organisation
internationale de l’Orthopédie Pédiatrique. Pour
avoir participé aux premières grandes réunions
de l’EPOS, j’ai pu apprécié son talent pour les relations internationales, pour sa vision inspirée de
la réunion au sein d’une société savante de personnes qui en avaient une envie parfois très modérée. Son action ne s’est pas arrêtée à l’Europe,
mais a concerné le monde entier avec un partenariat privilégié avec la POSNA et la création de
l’IFPOS. Il a su aussi créer un journal international
d’Orthopédie Pédiatrique indépendant de la domination américaine. C’est une oeuvre immense
et définitive qu’Henri Bensahel a réussie. Qu’il en
soit remercié. Cette dimension internationale ne
doit pas masquer la qualité de l’équipe d’Orthopédie Pédiatrique qu’il a créée à l’hôpital Robert
Debré. Georges Penneçot, son successeur à la
direction du service, nous relate toute cette épopée dans ce numéro de la Gazette. Au nom de
tous les Orthopédistes Pédiatres Français, je me
permets d’assurer Madame Bensahel et toute
sa famille de toute notre sympathie en ces moments douloureux.
Le numéro de la Gazette est consacré à l’Orthopédie Pédiatrique Strasbourgeoise et à sa difficile naissance au travers des conflits franco-allemands. Ces douleurs accumulées se sont parfois
révélées être de véritables atouts. C’est ainsi qu’à
l’Université de Strasbourg se sont succédés les
jeunes agrégés les plus brillants, Allemands et
Français, dans une compétition d’excellence en
vitrine de chacun des deux pays. Aujourd’hui,
Strasbourg est devenue capitale de l’Europe et
Fondateur
J.C. POULIQUEN †
Editorialiste
H. Carlioz (Paris)
Rédacteur en chef
C. MORIN (Berck)
Membres :
J CATON (Lyon)
P CHRESTIAN (Marseille
G FINIDORI (Paris)
J L JOUVE (Marseille
symbolise avec son Parlement la réconciliation
des anciens frères ennemis. Il a fallu beaucoup
de patience et de bonne volonté pour réunir
tous les orthopédistes pédiatres de la région sur
un seul site et effacer toute l’héritage éclaté de
l’envahisseur allemand. La culture rhénane faite
de consensus et de respect de l’intérêt collectif
a beaucoup aidé la réalisation d’une fusion qui a
enrichi tout le monde.
Strasbourg a aussi fait, en ce début d’année 2009,
la une du monde de la santé par la venue de notre Président Nicolas Sarkozy pour inaugurer le
Nouvel Hôpital Civil de Strasbourg, pour présenter ses voeux à tous les personnels de santé et
pour installer la Mission Marescaux qui doit proposer des idées pour refonder les CHU par des
ordonnances qui remplaceront les ordonnances
Debré de 1958. C’est une lourde tâche et nous
avons tous conscience que c’est aussi une nécessité. La recherche médicale Française est en
perte de vitesse dans le concert international.
Nous avons en France une des meilleures Médecines au monde. Il est urgent de nous donner
les moyens de demeurer dans l’excellence. Ces
réflexions touchent aussi bien la Médecine Française en général que l’Orthopédie Pédiatrique en
particulier. Les CHU sont à un tournant de leur
histoire. J’espère que nous aurons tous l’énergie
nécessaire à bien négocier ce virage. Le message
le plus important du discours de Strasbourg du
Président de la République a été de bien faire
la différence entre les centres hospitaliers qui
auront «un seul patron», le directeur, et les CHU
qui seront placés sous la protection de Valérie
Pécresse avant de l’être sous celle de Roselyne
Bachelot. Ce message est capital pour notre ave-
R KOHLER (Lyon)
P LASCOMBES (Nancy)
G F PENNEÇOT (Paris)
M RONGIERES (Toulouse)
J SALES DE GAUZY (Toulouse)
R VIALLE (Paris)
et le “ GROUPE OMBREDANNE”
Correspondants étrangers
M BEN GHACHEM (Tunis)
R JAWISH (Beyrouth)
I. GHANEM (Beyrouth)
Editeur
SAURAMPS MEDICAL
S.a.r.l. D. TORREILLES
11, boul. Henri IV
CS 79525
34960 MONTPELLIER
Cedex 2
Tél. : 04 67 63 68 80
Fax : 04 67 52 59 05
nir qui doit rester fortement médicalisé dans sa
gouvernance. Fin 2009, notre environnement
législatif devrait être complètement transformé:
loi Pécresse pour les Universités, loi Bachelot
pour les hôpitaux, ordonnances Marescaux pour
les CHU. Ceux qui feront de la résistance seront
les perdants. Il faut utiliser cette énergie de réforme pour développer notre spécialité qui a
l’immense avantage d’être très universitaire et
peu concurrencée par le secteur privé. Nous
avons beaucoup d’atouts pour réussir dans ce
contexte de remise en cause du monde de la
santé dans ses capacités de gestion, d’efficience
et de qualité.
Bonne année à tous les membres de la SOFOP.
Bonne année à tous les Orthopédistes Pédiatres.
Jean Michel CLAVERT Président de la SOFOP
Edito.........................................................................1
par Jean-Michel Clavert
Hommage à Henri Bensahel............................2
par Georges Penneçot
Histoire de l’orthopédie pédiatrique
à Strasbourg..........................................................3
par Ivan. Kempf, Pierre Kehr,
Claude Karger, Jean-Michel Clavert
La technique de Luque Galveston................9
par Marie Christine Maximin-Giacomelli
Ostéosynthèse des fractures
épiphyso-métaphysaires
de l’enfant par Broches
à Butée réglable................................................ 13
par Philippe Gicquel,
Ludovic Schneider
Le cas du jour..................................................... 16
par Jean Langlais
Le coin de l’historien....................................... 17
par Pierre Chrestian
Le cas du jour : la réponse............................. 19
par Jean Langlais
Ces livres qu’il faut avoir lus.......................... 20
par Rémi Kohler
la Gazette est dorénavant publié en format A4, afin d’être directement imprimée
à partir de votre ordinateur via notre adresse www.livres-medicaux.com
Hommage à Henri Bensahel
par Georges Penneçot
de le côtoyer régulièrement après qu’il eut mis fin à ses activités hospitalo-universitaires. C’est pourquoi je souhaite lui
rendre l’hommage qu’il mérite en insistant sur l’homme qu’il
était que n’ont connu que ceux qui ont eu l’occasion de travailler avec lui.
Sa ligne de conduite a toujours été dictée par son grand humanisme, par une conception de la vie basée sur les valeurs
du travail et de la famille. Au sein de son service c’était un
organisateur donnant une large responsabilité à chacun de
ses élèves, très proche et disponible pour le personnel infirmier. Il avait gardé un goût pour les avancées technologiques, je me souviens avec quel enthousiasme il m’avait soutenu lorsque nous débutions nos travaux dans le domaine
de l’analyse du mouvement. Il n’avait cessé de me pousser
dans cette voie et venait régulièrement discuter des avancées dans ce domaine. Quand il fut nommé consultant, il tint
à me préciser immédiatement qu’il ne voulait pas interférer
avec la façon de gérer le service. Pendant plusieurs mois il
se fit discret mais toujours disponible quand je lui demandais conseil. Ces derniers temps il était moins présent, trop
occupé à poursuivre ses contacts internationaux, mais dès
qu’il revenait il souhaitait me raconter ce qu’il avait fait, les
contacts qu’il avait eus, et les projets qu’il poursuivait souhaitant toujours m’y associer.
C’est en 1992 que j’ai véritablement connu le Pr. H. Bensahel. Depuis cette date nous avons toujours entretenu des
rapports chaleureux aussi bien quand je fus son agrégé,
que lorsqu’il me céda la chefferie de service en 1996 pour
devenir consultant, puis ensuite alors qu’il n’avait plus de
fonction officielle mais qu’il gardait une activité débordante
continuant à œuvrer au développement de l’Orthopédie Pédiatrique Française en ayant une action déterminante dans
la création de sociétés savantes internationales et à travers
son action au sein du J.P.O..
Pour les plus jeunes d’entre nous rappelons qu’il fut l’un des
pères fondateurs du GEOP devenu SOFOP, que c’est sous
son impulsion que fut créée l’EPOS en 1981, puis plus récemment l’IFPOS. Son action inlassable dans le domaine international a permis à l’orthopédie pédiatrique française d’avoir
une reconnaissance internationale. C’est dans son sillage
que les plus anciens parmi nous se sont sentis impliqués et
sont devenus membres actifs de ces différentes sociétés.
J’ai eu le privilège de travailler à ses côtés depuis 1992 et
2
Il accordait sa confiance aux gens, il avait toujours un a priori
favorable, il a parfois révisé son jugement mais cela lui coûtait. Ses élèves lui sont restés très attachés et jusqu’à la fin ils
ont gardé avec lui des rapports privilégiés ne se limitant pas
au seul domaine chirurgical.
Toujours disponible sa porte était ouverte, nos échanges débordaient du domaine chirurgical et bien souvent nous terminions en refaisant le monde. Je sentais dans ces conversations que sa vie s’était construite sur des bases solides
mettant au premier plan le respect, la tolérance et les valeurs familiales. Il s’inquiétait régulièrement du parcours de
mes enfants et me parlait avec plaisir et fierté de ses enfants
et petits enfants pour lesquels il avait toujours su réserver
une disponibilité importante.
Le décès du Pr H. Bensahel m’a touché profondément, je
m’associe à la peine de sa femme et de ses enfants et petits
enfants, je souhaite que nous gardions en mémoire son action pour notre spécialité mais aussi et surtout ses qualités
humaines.
Histoire de l’orthopédie
pédiatrique à Strasbourg
par Ivan Kempf, Pierre Kehr, Claude Karger, Jean-Michel Clavert
Histoire de la Médecine à Strasbourg
(JM Clavert)
Histoire de l’orthopédie pédiatrique strasbourgeoise
durant les occupations allemandes (JM Clavert)
Strasbourg abrite une des plus vieilles Facultés de Médecine
françaises, créée en 1540. Notre région a beaucoup souffert
des conflits européens et c’est avec fierté qu’elle accueille
aujourd’hui le Parlement européen, symbole d’identité et de
stabilité pour Strasbourg. Durant son histoire Strasbourg a
été plus de 4 siècles dans le Saint Empire Romain Germanique
(1263-1681) qui accorda à la ville une très large autonomie
et un rôle universitaire important. Elle fut ville libre du
Royaume de France durant un siècle (1681-1792), puis
française à la Révolution jusqu’à nos jours avec cependant
deux occupations allemandes (1870-1919 et 1940-1944).
Strasbourg comporte des communautés religieuses très
diverses et équilibrées en volume. La cohabitation est
harmonieuse depuis des siècles avec une communauté
juive importante. Luther a été très suivi à Strasbourg
et la communauté protestante est puissante. Malgré
cette diversité et malgré des cliniques confessionnelles,
Strasbourg possède un hôpital civil qui accueille toutes
les communautés et tous les niveaux sociaux. Il existe une
réelle égalité culturelle face à la maladie et le service public
est très largement majoritaire. En-dehors de l’Hôpital civil
(qui deviendra Hôpitaux Universitaires en 1991), il existe
plusieurs cliniques confessionnelles mais une seule clinique
de seulement 200 lits réellement privée à but lucratif.
La notion de CHU a préexisté à Strasbourg aux ordonnances
Debré de 1958. Très tôt, la collaboration entre l’Université et
l’Hôpital civil s’est installée dans les habitudes Alsaciennes.
Cela est probablement dû à la volonté allemande en 1870
d’installer une vitrine universitaire médicale à Strasbourg.
Les plus brillants agrégés allemands ont été nommés à
Strasbourg (dont Von Recklinghausen, Madelung). Après
la première guerre mondiale, les Français ont eu la même
action en nommant de jeunes professeurs particulièrement
brillants (dont Leriche). La chirurgie a toujours été un pôle
d’excellence à Strasbourg. La tradition allemande d’un très
grand patron a structuré l’Hôpital Civil en deux grandes
cliniques concurrentes et couvrant chacune toutes les
surspécialités: la clinique Chirurgicale A et la Clinique
Chirurgicale B. Cette tradition explique l’apparition tardive
de la Chirurgie Infantile à Strasbourg car chaque clinique
voulait se l’approprier. C’est durant les années 60 que
la Faculté de Médecine sous la direction du Doyen Jean
Clavert, a remplacé les grandes cliniques de Médecine et
de Chirurgie par des services spécialisés correspondant
aux disciplines d’aujourd’hui. La Chirurgie Infantile est née
en 1967 de cette action. La chaire de Chirurgie Infantile a
été confiée au Professeur Paul Buck. Sa tâche consistait à
regrouper sous son autorité toutes les activités chirurgicales
pédiatriques éparpillées dans les anciennes cliniques datant
du temps allemand. Ce travail ne sera totalement achevé
qu’à la fin du 20ème siècle.
Les Allemands pensaient rester définitivement à Strasbourg.
Ils se sont donc lancés dans de grands travaux de
construction dans tous les domaines dont l’hôpital. C’est
ainsi que naquirent la clinique chirurgicale qui deviendra
la Chirurgie A (1884), le Centre de Traumatologie (1901),
l’Hôpital Stéphanie (fondation de la Comtesse Stéphanie
von Wefel Hamilton, épouse du Stathalter d’Alsace Lorraine
1912), la clinique chirurgicale qui deviendra la Chirurgie B (
1914). Chacune de ces cliniques disposait d’un secteur de
chirurgie osseuse et d’une unité d’enfants. C’est donc une
situation particulièrement éclatée et généraliste que les
Français retrouveront en 1944.
Histoire de l’Orthopédie Pédiatrique après la deuxième
guerre mondiale (C Karger)
A Strasbourg, la prise en charge des enfants porteurs
d’affections de l’appareil locomoteur est passée par
une période « tripolaire » avant de se concentrer sur un
site unique, le service de chirurgie infantile du CHU de
Hautepierre.
Historiquement, les deux pôles qui ont été à l’origine d’une
prise en charge spécifique de l’orthopédie pédiatrique ont
été :
• l’Hôpital « Stéphanie » dont l’historique est rapporté par le
Professeur Pierre KEHR
• le Centre de Traumatologie et d’Orthopédie de la Sécurité
Sociale dont la genèse est relatée par son ancien Directeur
Médical, le Professeur Ivan KEMPF
Jean Michel CLAVERT évoquera la création et le
développement du service de chirurgie infantile du CHU,
ainsi que le processus de regroupement de toute l’activité
orthopédique pédiatrique Strasbourgeoise sur ce site.
L’hôpital Stéphanie et le Secours orthopédique pour
enfants infirmes (Pr P Kehr)
Fig. 1 : L’hôpital Stéphanie et le Secours orthopédique pour enfants infirmes
(Pr P Kehr). Carte postale probablement de 1919 ou 1920. La dénomination de
« Asile des estropiés » est la traduction littérale de l’appellation allemande de
« Krüppelheim ».
3
Histoire de l’orthopédie
pédiatrique à Strasbourg
par Ivan Kempf, Pierre Kehr, Claude Karger, Jean-Michel Clavert
L’origine de l’Hôpital Stéphanie
L’Hôpital Stéphanie (Fig. 1), appelé plus tard « Hôpital
chirurgical orthopédique Stéphanie » a été créé en 1912,
alors que l’Alsace faisait partie, depuis 1870, du Reich
allemand. Sa création a été l’œuvre de la comtesse Stéphanie
von Wedel Hamilton, l’épouse du Statthalter (représentant
de l’empereur) d’Alsace-Lorraine. Ce fut sur une idée du
Professeur Fritz Lange (Fig. 4), ancien assistant de Madelung
à Strasbourg, que la comtesse se décida à mettre en route
une opération philanthropique dans le but de recueillir les
fonds nécessaires à la création de l’Hospice Stéphanie. Le
terme d’hospice ne doit pas induire en erreur : largement
uti­lisé au début de ce siècle, repris de l’allemand Hospiz,
il désigne en fait un établissement de soins. A Strasbourg,
l’Hospice Stépha­nie fut, dès son ouverture, un éta­blissement
de soins hautement spécialisé.
L’épouse suédoise du nouveau Statthalter, la comtesse
Stéphanie von Wedel, née Hamilton (1852-1937), s’attacha
immédiatement à l’Alsace, se fit le défenseur du maintien
de la culture et de la langue françaises dans le Reichsland
et anima de nom­breuses œuvres de bienfaisance. La plus
importante de celles-ci fut de se dévouer à la création du
Kruppelheim (foyer pour infir­mes) que le professeur Lange
avait en projet pour Strasbourg. Un vaste terrain fut choisi
au Stockfeld, au sud du faubourg du Neuhof. Lange inspira
les plans de l’architecte Karl Bonatz. La comtesse von Wedel
se chargea, elle, de trouver une grande partie des fonds
nécessaires, notam­ment grâce aux «fêtes de la fleur» qu’elle
organisait dans toute la région, assurant le patronage de ces
fêtes de charité dont elle four­nissait elle-même les fleurs
(Fig. 2).
Fig. 2 : Carte postale émise au profit de l’œuvre de bienfaisance de la Comtesse
Stéphanie von Wedel Hamilton. Le texte de la carte postale disait : « zu Gunsten
eines KRUPPELHElMS … » (en faveur d’un Foyer pour infirme)
4
Toutes les communes de l’Alsace-Lorraine d’alors
participèrent probablement à ces fêtes des fleurs, ce
qui expliquera, bien plus tard, la renommée de l’Hôpital
Stéphanie qui s’étendait de la frontière luxembourgeoise au
nord à la frontière suisse au sud.
En 1912, fut créée l’association pri­vée (selon la Loi Locale
d’Alsace-Moselle de 1908, loi toujours en vigueur de nos
jours) qui s’appellera, après le retour à la France, Secours
ortho­
pédique pour enfants infirmes en Alsace et en
Lorraine.
L’association avait pour membres fondateurs des particuliers,
mais aussi des collectivités locales ; la plupart des communes
du Reichsland d’Alsace-Lorraine (Départements d’Alsace et
Moselle) s’étaient inscrites.
Le futur Etablissement de soins et d’éducation pour infirmes
d’Alsace et de Lorraine (Elsass-Lothringische Kruppel-Heilund Erziehungsanstalt) précisait ainsi son triple but :
«Rétablir l’état des malades par un traitement chirurgical et
mécano-orthopédique approprié à chaque cas.
«Procurer aux malades l’instruc­tion nécessaire pendant leur
séjour.
«Leur fournir les appareils et chaussures orthopédiques
néces­sités par leur infirmité.»
En outre, l’association se pro­posait d’«éclairer la population
sur l’importance du traitement précoce de toutes les
infirmités, afin d’empêcher les déformations définitives».
Alors que le Krüppelheim n’était pas encore terminé, la
comtesse Stéphanie quitta Strasbourg ; vic­time de l’affaire
de Saverne (novembre 1913), son époux avait été muté
le 1er mai 1914. Dès le mois d’août 1914, Bogumil Lange
(orthopédiste installé à Strasbourg et frère de Fritz Lange),
mobilisé dans le Service de santé militaire, fut nommé à
Strasbourg, la plus grande des villes allemandes proches
du front. Il se préoccupa de faire du Kruppelheim un
vaste établisse­ment d’orthopédie de guerre (Fig. 3). C’est
lui qui donnera à celui-ci le nom de sa bienfaitrice, nom
qu’il porte encore aujourd’hui : Orthopädisches Lazarett
Stephanienheim. L’établissement, qui sera inauguré en
1916, comportait en principe 130 lits et des ateliers pour la
fabrication de prothèses, ainsi qu’une salle de classe, animée
par deux enseignants.
Fig. 3 : L’Hôpital Stéphanie pendant la Guerre de 1914-1918
Histoire de l’orthopédie
pédiatrique à Strasbourg
par Ivan Kempf, Pierre Kehr, Claude Karger, Jean-Michel Clavert
Fig. 4 : De gauche à droite, le Professeur Fritz Lange, créateur de l’Hôpital Stéphanie, le Docteur Edmond Allenbach, qui en fit un grand service d’orthopédie, le Professeur
Adolphe Jung, qui le transforma en service de chirurgie orthopédique moderne du CHU de Strasbourg.
1919 – 1954 : les trente-cinq années de la direction
d’Edmond Allenbach
C’est après la Première Guerre mondiale que l’Hospice Stépha­
nie (Hôpital orthopédique) prend son essor d’établissement
destiné aux enfants infirmes. Dès 1919, son directeur est
Edmond Allenbach (1885-1968). Après avoir soutenu
sa thèse en 1911 à la Faculté de médecine allemande,
Edmond Allenbach (Fig. 4) avait été assistant de Madelung
à la Chirurgische Klinik. Il était allé à Paris compléter sa
formation auprès de Louis Ombrédanne, à l’hôpital des
Enfants-Malades. En 1919, le professeur Sencert lui confiera
à Strasbourg un poste de chef de clinique à temps partiel
dans sa clinique chirurgicale A, mais Allenbach donnera
sa démission en 1921. Il ne revien­dra à la Faculté qu’une
trentaine d’années plus tard, en 1949, suc­cédant à Marcel
Meyer comme chargé de cours d’orthopédie. Allenbach
va ainsi créer un centre d’orthopédie unique en France.
Utilisant la nouvelle structure édifiée et installée avant 1918,
il adopte avec intelligence le «système allemand», qui sépa­
re formellement l’orthopédie «froide» de la traumatologie,
assurée par des chirurgiens géné­ralistes.
Le plus fort contingent des malades se compose alors
d’en­fants atteints de déformations rachitiques. Les autres
affections traitées à Stéphanie sont la tuber­culose osseuse
et articulaire, les scolioses, les malformations congénitales
de l’appareil loco­
moteur, les séquelles de polio­
myélite.
En outre, écrivit Allenbach, «tous les appareils, corsets,
tuteurs, membres artificiels, chaussures orthopédiques,
sont fabriqués dans les ateliers qui sont installés à l’hospice
même et qui fonction­nent sous la direction et le contrô­le du
chirurgien en chef. L’avan­tage qui en résulte est immense. Il
est possible de fabriquer des appareils appropriés à chaque
cas et d’y apporter toutes les modifi­
cations devenant
nécessaires». Quant à l’instruction des petits malades, elle est
complétée par deux classes régulières installées à proximité
des salles de malades et par des leçons particulières. En été,
l’école se fait en plein air sur les galeries de cure. Enfin les
infirmes guéris ou stabi­lisés sont orientés et guidés dans le
choix d’un métier.
1936 
: cession aux Hospices civils et création du
sanatorium du Lac-Blanc
Des difficultés financières vont obliger le Secours
Orthopédique à céder l’Hôpital Stéphanie aux Hospices
Civils de Strasbourg le 1er avril 1936. Les Hospices Civils de
Strasbourg, pour respecter le contrat, acquièrent l’Hôtel du
Lac Blanc, situé à 1145 mètres d’altitude et le font transformer
en Sanatorium Orthopédique, spécialisé dans le traitement
de la tuberculose osseuse par cure d’héliothérapie en
altitude et d’hyper alimentation, à l’instar de ce qui se faisait
alors aussi bien en Savoie qu’à Berck Plage.
Cet établissement du Lac Blanc fonctionnera jusqu’en 1988
sous l’autorité du Chef de Service de l’Hôpital Stéphanie. Il
sera ensuite revendu, ayant perdu sa raison d’être et parce
que n’étant plus aux normes.
1958 – 1974 : les seize années de la direction d’Adolphe
Jung
Au départ à la retraite (1954) d’Edmond Allenbach, Adolphe
Jung (1902-1992) (Fig. 4) va lui succéder en 1958, après une
période intérimaire assurée par un élève du professeur
Fontaine, Erwin Wiest (1915-1987). Ancien agrégé de Leriche
à la clinique chirurgi­cale A, Jung arrive de l’Univer­sité de la
Sarre où il a été direc­teur de la clinique chirurgicale et vicerecteur. Il vient d’obtenir à Strasbourg la chaire de patholo­
gie chirurgicale. Ainsi, par la nomination du professeur Jung,
l’Hôpital Stéphanie devient partie inté­grante du C.H.U. de
Strasbourg, avec attribution de postes de chefs de cliniques
et d’internes.
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Histoire de l’orthopédie
pédiatrique à Strasbourg
par Ivan Kempf, Pierre Kehr, Claude Karger, Jean-Michel Clavert
Sous son impulsion, l’activité chirurgicale orthopédique se
développe, les abords directs du mal de Pott, la chirurgie
de la sciatique, les ostéotomies de hanche se pratiquent de
plus en plus. Ses travaux font autorité, en particulier dans la
chirurgie de l’artère vertébrale, le traitement chirurgical du
thorax en enton­noir, l’appareillage des amputés du membre
supérieur par ciné-prothèses.
L’arrivée, en 1966, d’Ivan Kempf (né en 1928) (Fig. 5 et
6), nommé pro­
fesseur agrégé à Stéphanie où il restera
pendant un an, permet de moderniser le traitement, tant
orthopédique que chirurgical, des scolioses. Cette activité
prendra de plus en plus d’ampleur, tant en ce qui concerne
le traitement orthopédique avec les possibilités de l’atelier
orthopédique qui se spécialise dans les corsets lyonnais en
plexidur, de Milwaukee, que pour le traitement chirurgical
des scolioses avec la technique de Harrington. En 1971, une
aile supplémentaire sera édifiée, avec des blocs opératoires
modernes.
cette chirurgie et créera plus tard, après le départ en retraite
de Gabriel Lang, un service spécialisé en chirurgie du rachis
dans l’Hôpital Central.
Héritier d’une tradition allemande d’orthopédie enfantsadultes, l’Hôpital Stéphanie offre un magnifique terrain
pédagogique, la jeune femme par exemple atteinte de
coxarthrose dysplasique ayant encore son dossier de
luxation congénitale de l’enfance dans les archives, avec les
radiographies de l’époque, ce qui permettra aux chirurgiens
de mieux comprendre la dégradation de l’articulation par la
dysplasie.
1994 voit le départ de Pierre Kehr pour le Centre de
Traumatologie et d’Orthopédie de la Caisse régionale
d’Assurance Maladie où il succède au Professeur Yvan Kempf
et en 1995, l’équipe est transférée à la clinique chirurgicale B
de l’Hôpital central. C’est là que le Professeur Jean-Paul Steib
poursuit la destinée orthopédique de Stéphanie de par son
activité dédiée au rachis et en particulier au traitement de
la scoliose.
Fig. 5 : Ivan KEMPF et Edgar STULZ au Centre de Traumatologie
1974 – 1995 : les vingt et une années de la direction de
Gabriel Lang
Un orthopédiste issu de la cli­nique chirurgicale A, Gabriel
Lang (né en 1931), agrégé depuis 1965, succédera en 1974
au Pro­fesseur Jung à la tête de l’Hôpital. La même année,
sera nommé agrégé et affecté à Stéphanie, Pierre Kehr (né
en 1937), ancien interne et ancien assistant - chef de clinique
du Professeur A. Jung.
Sous leur impulsion, l’activité chirurgicale se développe
fortement aussi bien dans les domaines de chirurgie
pédiatrique (chirurgie de la dysplasie de hanche, scolioses,
pieds bots) que de la chirurgie adulte (coxarthrose,
gonarthrose, rachis).
La création du Service de chirurgie infantile à l’Hôpital de
Hautepierre en 1975 entraînera une progressive diminution
de l’orthopédie pédiatrique à l’Hôpital Stéphanie, sauf en ce
qui concerne le traitement des déviations rachidiennes.
En 1982, ils incitent Jean-Paul Steib, assistant-chef de clinique
à se former aux techniques chirurgicales nouvelles pour le
traitement de la scoliose. Jean-Paul Steib se passionne pour
6
Fig. 6 : l’équipe chirurgicale du Centre de Traumatologie en 1965. Au premier
rang, à gauche, le Professeur Paul BUCK ; au fond à droite, le Professeur Ivan
KEMPF
Le Centre de Traumatologie et d’Orthopédie (Pr I Kempf,
C Karger)
Après la guerre de 1939 – 1945, la « Clinique des Assurés
Sociaux » pratiquait la chirurgie générale, comme la plupart
des établissements privés de l’époque. Sous l’impulsion de
son Directeur Edgar STULZ (Fig. 5), fut créé un petit secteur
pédiatrique comprenant une chambre de 6 lits. Les petits
patients étaient principalement opérés de pathologies
digestives, ce recrutement étant favorisé par les relations
Histoire de l’orthopédie
pédiatrique à Strasbourg
par Ivan Kempf, Pierre Kehr, Claude Karger, Jean-Michel Clavert
privilégiées qu’entretenait le Docteur STULZ avec les patrons
de pédiatrie, en particulier celui de l’Institut de Puériculture.
STULZ affectionnait par ailleurs la chirurgie des becs de
lièvre, qu’il pratiquait sous anesthésie au Chloroforme.
Lors du décès d’Edgar STULZ (1963), le Professeur Paul
BUCK (Fig. 6), futur fondateur du service de chirurgie
infantile du CHU, prit la relève jusqu’en 1967. Il développa
significativement l’activité d’orthopédie pédiatrique et le
traitement des fractures de l’enfant.
Après un court passage à l’Hôpital Stéphanie (1966 – 1967),
le Professeur Ivan KEMPF prit la direction de l’établissement
qui prendra le nom de Centre de Traumatologie. Cette
dénomination traduisait la volonté de dédier l’activité de ce
Centre exclusivement à l’appareil locomoteur.
Le Professeur KEMPF a, pendant toute sa carrière, montré
un intérêt et une curiosité pour l’orthopédie pédiatrique. Il a
effectué des visites chez QUENEAU à Paris et chez CAHUZAC à
Toulouse. Il a été pendant de nombreuses années consultant
dans des Instituts de pathologie neuro-orthopédique. Cette
activité pédiatrique concernait principalement le grand
enfant et l’adolescent, alors que les hanches et pieds des
plus petits étaient traités d’abord à l’Hôpital Stéphanie,
puis au service de chirurgie infantile. Le Professeur KEMPF
a développé une activité de prise en charge orthopédique
des scolioses, suite à des séjours au Centre de Berck, en
mettant au point une nouvelle technique de confection des
corsets. Il a également traité de nombreux enfants atteints
de séquelles de polio, et effectué les premiers allongements
de membres selon la technique de LE CŒUR.
L’année 1975 a été marquée par l’ouverture d’un nouvel
établissement : le Centre de Traumatologie et d’Orthopédie
(C.T.O.) d’Illkirch. Bernard BRIOT, qui avait rejoint l’équipe
d’Ivan KEMPF en 1972, s’est vu confier le secteur pédiatrique
au nouveau C.T.O. Après un séjour aux USA (chez D.
MacEWEN), il a développé la chirurgie de la scoliose par
technique de Harrington, puis par Luque. BRIOT a accueilli
ILIZAROV à Strasbourg et s’est beaucoup investi dans sa
méthode. Le service d’enfants a été confié à Claude KARGER
en 1990, suite au départ à la retraite de Bernard BRIOT.
Dès 2002, une convention de fonctionnement a été établie
entre le C.T.O. et le service de chirurgie infantile du Professeur
Jean Michel CLAVERT, pour que les scolioses puissent être
opérées au CHU de Hautepierre, compte tenu de difficultés
de disponibilité de lits de soins postopératoires au CTO. En
2005, l’activité pédiatrique du C.T.O. a été définitivement
transférée au service de chirurgie infantile du CHU avec
transformation du poste de Claude KARGER en praticien
hospitalier.
Le service de Chirurgie Infantile de sa création au
regroupement de toutes les activités d’Orthopédie
Pédiatrique en son sein. (JM Clavert)
Le service de Chirurgie Infantile a été créé au CHU de
Strasbourg en 1968 (Fig. 7). Cette période correspond au
moment où la Faculté de Médecine a mis fin aux grandes
cliniques issues de la période allemande où un très grand
patron chapeautait toutes les spécialités chirurgicales. La
Clinique Chirurgicale Infantile a été confiée au Professeur
Paul Buck qui était directeur du centre de Traumatologie à la
suite du Pr Stulz. Il avait été le premier Agrégé du Professeur
Fontaine (Clinique Chirurgicale A), élève du Professeur
Leriche et de l’école d’Alexis Carrel. Un agrégé dans les
années 50 avait plusieurs spécialités chirurgicales dans ses
compétences. Le Pr Buck avait fait de la chirurgie vasculaire et
cardiaque, de la chirurgie thoracique, de la chirurgie générale
et de l’orthopédie. A l’époque, un agrégé n’était nommé
que pour 9 ans comme les chefs de cliniques sont nommés
Fig. 7 
: le Pavillon LERICHE,
site de création du service de
chirurgie infantile en 1968
7
Histoire de l’orthopédie
pédiatrique à Strasbourg
par Ivan Kempf, Pierre Kehr, Claude Karger, Jean-Michel Clavert
actuellement pour 2 ans. A l’issue de ces 9 ans, l’agrégé était
obligé de se trouver une autre clinique d’accueil et c’est ainsi
que Paul Buck fit une période d’activité libérale dans les
cliniques privées ou confessionnelles de la ville. Il est devenu
ensuite directeur du Centre de Traumatologie où il eut pour
agrégé le Pr Kempf qui venait de l’Hôpital Stéphanie. Le Pr
Buck était le grand spécialiste des fentes labio-palatines et
il recrutait le grand Est de la France. Il fut donc choisi pour
prendre en charge la chirurgie infantile naissante en 1968. Il
recruta le Docteur Jean Berger, chef de clinique en Chirurgie
B, chargé de l’orthopédie Infantile, et le Docteur Jean Meyer
qui exerçait cette spécialité en ville. Ainsi commençait à naître
une orthopédie pédiatrique en Clinique Chirurgicale Infantile
à Strasbourg. La discipline continuait à exister à l’Hôpital
Stéphanie et au centre de Traumatologie sous la direction
du Pr Kempf qui succédait au Pr Buck. En 1978, je devenais
chef de clinique, chargé de l’orthopédie pédiatrique dans
un contexte très concurrentiel. Le service quittait des locaux
très vétustes au Pavillon Leriche pour rejoindre le nouvel
Hôpital de Hautepierre dans un environnement d’hôpital
«Mère-Enfants». Ce déménagement et son environnement
pédiatrique spécialisé a été très favorable. Progressivement,
j’arrivais à augmenter le recrutement du service et les activités
dans les années 80. L’environnement pédiatrique devenant
de plus en plus nécessaire à la pratique de l’Orthopédie
Pédiatrique, cette activité s’est progressivement arrêtée dans
les autres cliniques. L’hôpital Stéphanie a fermé en 1995 et
l’activité orthopédique pédiatrique, objet de la fondation
s’est arrêtée. Le centre de Traumatologie a arrêté son activité
d’Orthopédie Pédiatrique avec la venue du Dr Karger dans le
service de Chirurgie Infantile en 2002. Ainsi progressivement
toute l’activité d’Orthopédie Pédiatrique était regroupée
dans le service de Chirurgie Infantile. L’activité d’orthopédie
pédiatrique s’est également éteinte en ville avec le départ à
la retraite du Dr Jean Berger en 2003. Actuellement en Alsace,
toute l’Orthopédie Pédiatrique est regroupée sur le service
de Chirurgie Infantile. L’hôpital de Colmar qui faisait un peu
d’Orthopédie Pédiatrique a arrêté. A Mulhouse, seul JeanNoël Ligier a une activité d’Orthopédie Pédiatrique, dans un
contexte libéral. Il est attaché au service de Strasbourg où il
vient opérer ses scolioses.
Le regroupement tardif de l’Orthopédie Pédiatrique
Strasbourgeoise s’explique par l’histoire. Il a fallu près d’un
siècle pour sortir de l’empreinte majeure que les Allemands
ont appliqué aux hôpitaux de la ville dans le cadre d’une
politique d’occupation qui se voulait brillante et définitive.
La technique de Luque Galveston
par Marie Christine Maximin-Giacomelli
ramener vers la tige dont les deux pieds ont été introduits
dans l’épaisseur des ailes iliaques. Cette technique n’a pas
la prétention de corriger la rotation vertébrale car les points
d’appui des fils sur les lames sont appliqués trop loin du
centre instantané de rotation des vertèbres, situé au milieu
du corps vertébral de chaque vertèbre. Elle permet toutefois
de corriger dans les 3 plans de l’espace et d’améliorer la
statique sagittale de la colonne.
Le but du traitement n’est donc pas de corriger ad integrum la
scoliose mais d’en arrêter la progression, tenter de redonner
une plus grande ampliation thoracique et diminuer, voire
stabiliser l’insuffisance respiratoire restrictive qui évolue
souvent pour son propre compte malgré une correction
satisfaisante de la colonne [2] permettre au patient d’avoir
à nouveau une station assise confortable et pouvoir être
verticalisé. En effet, la verticalisation est primordiale chez ces
patients pour assurer une ventilation respiratoire efficace, un
transit régulier et la lutte contre l’ostéoporose. L’ostéopénie
limite souvent le choix du type d’ostéosynthèse, car les
crochets deviennent alors agressifs avec un haut risque de
fracture vertébrale lorsqu’ils sont mis en charge.
Fig.1 : principe de réduction de la scoliose selon le technique de Luque
Galveston
Technique chirurgicale
Principe
La technique de Luque Galveston est une chirurgie
d’arthrodèse postérieure du rachis avec prise pelvienne
utilisant la tige en U pré formée de Moseley (Fig. 1 et 2). Elle
a vu le jour au Mexique en 1972 pour traiter une fracture
dislocation du rachis cervical de niveau C3-C4. Elle a été mise
au point par Eduardo Luque et son collègue neurochirurgien
Verdura. Eduardo Luque adapte et développe cette technique
peu onéreuse pour traiter les scolioses des patients atteints
de poliomyélite [1]. Le principe de correction des scolioses
d’origine neuromusculaire consiste à respecter et utiliser les
propriétés visco élastiques de la colonne vertébrale pour la
La technique chirurgicale
L’ostéosynthèse selon Luque est segmentaire, chaque
niveau vertébral de T2 -T3 à L5 est relié à la tige par des
fils sous lamaires, doubles, de taille 10 dixième à l’étage
thoracique et 12 dixième à l’étage lombaire. Cette technique
est réservée aux patients non marchant du fait du risque de
lésion médullaire existant au passage des fils entre la lame
et le sac dural.
Le patient est installé en décubitus ventral en prenant
soin de dégager les globes oculaires (risque de cécité par
appui prolongé), l’abdomen (pour limiter le saignement
per opératoire en l’absence d’appui sur la veine cave), les
épaules en abduction et les coudes en flexion (en prenant
garde de ne pas étirer les plexus brachiaux, éviter l’appui
sur le nerf cubital au coude). Deux billots sont mis au niveau
thoracique et un large sous les épines iliaques antérieures et
supérieures.
Fig. 2 : tige en U de Moseley
9
La technique de Luque Galveston
par Marie Christine Maximin-Giacomelli
L’enregistrement des potentiels évoqués mixtes neurogènes
(PEMN) n’est pas nécessaire car les patients ne marchent pas.
Un cell saver est utilisé pour compenser les pertes sanguines
per opératoires. Elles peuvent être importantes, surtout chez
les patients atteints de dystrophie musculaire de Duchenne.
L’amplificateur de brillance est nécessaire au cours de
l’intervention pour visualiser la direction de la pénétration des
tiges dans les ailes iliaques. La visibilité des ailes iliaques est
vérifiée avant le champage du patient.
L’incision cutanée est médiane postérieure de T1 à S1.
L’hémostase du tissu sous cutané est faite soigneusement à
la pince bipolaire en prenant soin de ne pas brûler la peau
afin d’éviter les risques de déhiscence cutanée et le risque de
contamination infectieuse. L’aponévrose est ouverte sur les
épineuses. Les gouttières para rachidiennes sont libérées des
muscles para spinaux en sous périosté jusqu’à l’extrémité des
processus transverses. L’abord non traumatique sous périosté
permet de limiter le saignement. Les ailes iliaques sont ensuite
préparées en les abordant directement sur leur crête ce qui crée
un pont musculaire au dessus du plan des transverses, entre
les crêtes iliaques et les processus transverses des vertèbres
lombaires. Les articulations sacro iliaques ne sont pas ouvertes.
Des pointes carrées de taille croissante vont préparer le trajet
des extrémités de la tige en U. Le point d’entrée se situe à 1cm
latéralement de l’articulation sacro iliaque et 1cm en dessous
de la crête sur son versant endo pelvien. La direction de visée
est repérée extérieurement au patient en mettant la main sur
10
le grand trochanter. Le trajet dans l’épaisseur de l’aile iliaque
est subjectif car affaire de sensation manuelle pour être sûr
de ne pas faire de fausse route. Il est aussi possible de libérer
la face exo pelvienne de l’aile iliaque en sous périosté pour
contrôler de visu l’absence d’extériorisation des pointes carrées
puis de la tige. Un contrôle scopique est fait au début et à la
fin du trajet de la pointe carrée de plus gros diamètre. L’étape
de mise en place de la tige dans le bassin est primordiale et
doit être faite avec la plus grande attention. La réduction de
la scoliose va se faire au dessus de l’ancrage dans la vertèbre
pelvienne. Il faut que la direction et l’assise de la base du mât
soient idéales pour y accrocher une vertèbre après l’autre et
relier ce système poly articulaire qu’est la colonne à son tuteur
central, la tige. La taille de la tige est alors choisie. Le diamètre
idéal pour sa rigidité est du 6,5 mm en inox et la longueur
dépend de la taille du tronc du patient, en général elle oscille
entre 33 et 35 cm. Les pieds de la tige sont alors introduits dans
les ailes iliaques. Un nouveau contrôle scopique de la position
des tiges est réalisé (Fig. 3). Puis chaque espace intervertébral
de L5-S1 à T2-T3 est ouvert une fois les processus épineux
sectionnés. Le ligament jaune est ouvert à la pince gouge
puis plus largement à la pince de Kerissson pour laisser passer
deux fils métalliques doubles sous chaque lame vertébrale.
La prudence s’impose au sommet de la courbure et au niveau
thoracique où les veines épidurales prennent la tangente et
sont turgescentes. Il est bon d’avoir du Surgicel sur la table de
l’instrumentiste si une hémostase s’avère nécessaire.
La technique de Luque Galveston
par Marie Christine Maximin-Giacomelli
Puis tous les plans, musculaire, aponévrotique, sous cutané et
cutané sont soigneusement fermés au fil résorbable sur deux
drains de Redons placés dans le tissu sous cutané.
Il s’agit d’un montage immédiatement stable qui ne nécessite
pas la protection par un corset.
Indications
Fig. 3 : trajet de la tige dans l’aile iliaque.
Les fils sont ensuite passés en sous lamaire de L5 vers T2, en
douceur pour ne pas brutaliser le contenu du sac dural. Ils
sont pour cela pré cintrés en hameçon dont l’extrémité est
mousse (boucle du fil double brin). Chaque double fil est
ensuite enroulé autour d’un bras de la tige, la partie distale
à l’extérieur de la tige et la partie proximale à l’intérieur. Le
double brin est tortillé dans le sens inverse des aiguilles d’une
montre, suffisamment solidaire de la tige pour ne pas pénétrer
dans le canal médullaire (Fig. 4). A cette étape, la colonne est
encore très éloignée de la tige et la trajectoire des épineuses
traverse souvent par deux fois l’axe de la tige.
Cette technique est réservée aux patients non marchants,
soit d’origine neurologique soit d’origine musculaire, du
fait du risque de lésion médullaire lors du passage des fils
métalliques.
Pour les patients atteints de Cerebral Palsy, F Miller [3]
recommande la prise en charge chirurgicale de ces scolioses
thoraco lombaires à grande courbure unique dès que l’angle
de Cobb atteint 60° et que le cartilage en Y est fermé pour
ne pas risquer un effet vilebrequin du fait de la croissance
restante du tronc. L’angle de Cobb peut-être seulement de 30°
si la réductibilité est faible sur les bending. Dans notre équipe,
nous ajoutons les critères cliniques d’inconfort à savoir un
appui ischiatique prédominant en station assise et la fermeture
de l’angle ilio lombaire qui peut s ‘avérer être douloureux par
frottement des côtes sur l’aile iliaque.
Pour les patients atteints de dystrophie musculaire de
Duchenne de Boulogne, les critères requis n’attendent pas
la scoliose à grand rayon de courbure. Il faut pouvoir opérer
ces patients avant la détérioration de la fonction cardiaque
et pulmonaire dès que le cartilage tri radié est fermé. Cette
fenêtre thérapeutique correspond à 5 ans après la perte de la
marche.
Résultats de deux études
Fig. 4 : passage des fils sous la lame vertébral
Une fois tous les fils métalliques placés, le serrage sur la tige
se fait en plusieurs fois, toujours de la direction caudale vers la
direction crâniale, ce qui permet de réduire progressivement le
rachis en respectant et utilisant ses propriétés visco élastiques.
Les épineuse ne franchissent parfois pas tout le long l’espace
entre les bras de la tige en U ce qui donne l’image d’un dollar
américain sur la télécolonne de face. Puis les extrémités des
tortillons sont sectionnées à la pince coupante en laissant 1cm
en place, elles sont ensuite tordues et orientées vers l’intérieur
ou l’extérieur de la tige pour ne pas traumatiser les plans sous
cutanés. Un dispositif de traction transversale (DTT) est placé
à la partie proximale de la tige pour rigidifier le montage et
stabiliser les tiges dans le pelvis. Un lavage est réalisé.
La partie accessible de l’arc postérieur des vertèbres et
des transverses est avivée au ciseau de Stagnara. La greffe
autologue est issue des épineuses prélevées auparavant. Elle
est surtout mise au niveau lombaire.
Il s’agit de deux études rétrospectives concernant les patients
de notre service
atteints de dystrophie musculaire de Duchenne (Fig. 5) d’une
part et d’autre part ceux atteints de Cerebral Palsy.
La première a été réalisée en 2001 et comporte 13 myopathes
opérés sur une période de 10 ans, à un âge moyen de 14
ans et 7 mois (13 -17 ans), à 5 ans de la perte de la marche.
Tous présentent une insuffisance respiratoire restrictive à
56% de la capacité vitale théorique et deux d’entre eux une
cardiomyopathie dilatée. 10 garçons ont une lordo scoliose
pré opératoire avec une cyphose dorsale à 14° (0°-28°) et une
lordose lombaire à 17° (15°-38°). L’angle de Cobb est à 30°
(12°-80°) et le bassin est oblique par rapport à l’horizontale de
15° en moyenne (0°-50°). En post opératoire l’angle de Cobb
est mesuré à 12° (2°-38°), le bassin oblique est à 8° (0°-36°), la
cyphose dorsale à 21° (10°-34°), la lordose lombaire est à 28°
(5°-46°). Au recul de 5 ans, la perte de correction est de 0,4° au
niveau de la scoliose, de 2,2° pour le bassin oblique, il existe
un gain de cyphose de 0,8° au niveau thoracique et la lordose
lombaire reste stable.
La seconde étude porte sur 31 patients atteints de Cerebral
Palsy, non marchants, opérés de 1997 à 2007. Cette cohorte
comporte 16 filles et 15 garçons, d’âge moyen 16 ans et 4 mois
(12-17 ans) au moment de l’intervention. Le recul moyen est
de 2 ans. L’angle de Cobb pré opératoire est de 80,4° (41°-118°)
11
La technique de Luque Galveston
par Marie Christine Maximin-Giacomelli
et le bassin oblique est à 20,7° (2°-55°). La correction permet
d’obtenir un angle de Cobb à 36,5° (12°-108°) soit à 63% et
un bassin oblique à 5,1° (0°-26°) soit à 73%. Au recul, la perte
de correction de l’angle de Cobb est inférieure à 2° et celle du
bassin oblique est de 1,3°.
Nos résultats sont comparables à ceux de la littérature. Pour
les patients atteints de dystrophie musculaire de Duchenne
et traités par la technique de Luque Galveston, l’angle de
Cobb pré opératoire est à 35,1° dans la série de Bellen [4]
avec un bassin oblique à 14,4° ; la scoliose est corrigée à 68%
et le bassin oblique à 77%. A plus de 2 ans de recul, la perte
de correction est de 2° pour l’angle de Cobb et de 9° pour
l’obliquité du bassin. Dans la serie de Bell [5], l’angle de Cobb
pré opératoire est de 66° avec un bassin oblique de 18°. Ces
angles sont corrigés respectivement à 54% et 42%. La perte de
correction au recul de 3 ans est de 4,3° pour l’angle de Cobb et
inconnue pour le bassin oblique.
Dans les séries de Miller, Bulman [6], Bell et Rinsky [7], qui
traitent des scolioses de patients atteints de Cerebral palsy,
le pourcentage de correction de l’angle de Cobb est de 71%,
61,7%, 54% et 82%. Dans notre série, la correction est plus
faible à 52,2% car la moyenne pré opératoire des angles de
Cobb est plus élevée. Par contre, la correction de bassin oblique
de notre série (75,5%) est dans la moyenne des corrections
rapportées par ces auteurs (72,5%, 79,3%, 42% et 86,8%). Au
recul, Miller constate une perte de correction de 2,6° au niveau
de la scoliose et de 0,5° au niveau du bassin oblique.
Conclusion
La technique de Luque Galveston est donc une technique
que nous utilisons pour traiter la scoliose des patients non
marchants atteints de pathologie neuromusculaire. Elle est
bien adaptée à ce type de scoliose et au terrain ostéoporotique
du patient. Elle permet une correction satisfaisante de la
déformation et sa stabilisation. Le nursing des patients peut
être ainsi poursuivi dans une situation de confort pour eux,
leur famille et les soignants.
Tableau 1 : comparaison des résultats de la littérature utilisant la
technique de Luque Galveston
Fig. 5 : garçon de 13 ans DMD, radiographies pré et post opératoires de face et de profil
Bibliographie
1. Eduardo Luque R. The Anatomic Basis and Development of Segmental Spinal
Instrumentation. Spine, 1982, Vol. 7, n°3, 256-259
2. Miller F., Moseley C.F., Koreska J., Eng P., Levison H.: Pulmonary function and
scoliosis in Duchenne dystrophy. J of Pediatr Orthop, 1998, 8, 133-137
3. Miller F. Spinal deformity. In: Miller F. Cerebral Palsy. Springer-Verlag, 2004
New York. P. 433-522
4. Bellen P., Soudon PH. , Hody JL. : La place de la chirurgie dans le traitement des
séquelles des dystrophies musculaires. Acta Orthop. Belg., 1982, 48, 281-306
12
5. Bell D.F., Moseley C.F., Koreska J.: Unit Rod segmental spinal instrumentation
in the management of patients with progressive neuromuscular spinal
deformity. Spine, 1989, vol. 14, n° 12, 1301-1307
6. Bulman WA., Dormans JP., Ecker ML., Drummond DS.: Posterior spinal fusion for
scoliosis in patients with cerebral palsy: A Comparaison of Luque Rod and Unit
Rod Instrumentation. J of Pediatr Orthop, 1996, 16, 314-323
7. Rinsky LA. Surgery of spinal deformity in cerebral palsy. Twelve years in the
evolution of scoliosis management. Clini Orthop 1990; 253, 100-9
Ostéosynthèse des fractures épiphyso-métaphysaires
de l’enfant par Broches à Butée Réglable
par Philippe Gicquel et Ludovic Schneider
immobilisation plâtrée est mise en place pour 4 à 6 semaines
et les broches sont ôtées généralement à 6 semaines.
Fracture de l’olécrâne [3,4] (Fig. 2).
Fig. 1 : broche à butée réglable [3,4]
Introduction
Les fractures épiphysaires ou épiphyso-métaphysaires de
l’enfant requièrent un traitement adapté qui doit à la fois
permettre de restaurer les surfaces articulaires et préserver
les zones de croissance. Le traitement orthopédique ou
l’utilisation de broches de Kirchner ne permettent pas
toujours une réduction ou une stabilisation suffisante.
L’usage de vis ou plaques est quant à lui souvent illicite en
raison des conséquences qu’elles peuvent produire sur les
cartilages de croissance par lésion de la vascularisation ou
par atteinte directe liée par exemple au volume des implants.
Dans le même but de préserver la vascularisation de ces zones
de croissance, l’abord chirurgical doit être le plus restreint
possible et une technique réalisable à ciel ouvert mais
également par voie percutanée nous paraissait préférable
[1]. C’est pour répondre à ces différents problèmes que nous
avons développé ce concept de broches à butée réglable
(Fixano® puis SBI®). Après étude biomécanique [2,4], nous
l’avons appliqué à partir de 1999 aux fractures de l’olécrâne
[3] puis depuis janvier 2002 à d’autres sites fracturaires avec
de bons résultats cliniques et radiologiques [4,5].
Matériel et principes techniques
Le principe de cette technique est d’allier la simplicité de
mise en place des broches et leur faible encombrement
préservant au mieux les zones de croissance, à une tenue
voisine de celle d’une vis biomécanique [2,4]. Ceci est permis
par l’utilisation d’une broche de 1,8 mm de diamètre, à
extrémité filetée, sur laquelle est glissée après mise en place
de la broche, une butée verrouillable conférant à l’implant la
forme d’une vis (Fig. 1). Cette technique est applicable à de
nombreux types ou localisations fracturaires et est réalisable
à ciel ouvert mais également en percutané.
Deux broches à extrémité filetée sont généralement utilisées
et mises en place de façon divergente, après réduction
de la fracture. Une butée est glissée sur chaque broche et
appliquée par une pince ou au mieux par un guide mèche
contre le fragment osseux (ou cartilagineux). Elle est ensuite
verrouillée jusqu’à rupture du système de verrouillage
autocassable. Les broches sont ensuite sectionnées. Une
Fig. 2 : ostéosynthèse d’une fracture de l’olécrâne [3,4]
Le patient est installé préférentiellement en décubitus
latéral, bras sur support et avant-bras pendant sauf s’il y a une
fracture de col radial associée justifiant d’un embrochage
centro-médullaire. L’abord est généralement percutané, la
réduction étant optimisée par effet poinçon et aisément
contrôlable sous radioscopie. En cas de défaut de réduction,
le foyer est bien entendu ouvert. Après réduction, les broches
sont placées au moteur. La progression des broches est
suivie sous radioscopie de manière à contrôler leur sortie à
travers la corticale notamment antérieure et éviter de blesser
les éléments vasculo-nerveux. Deux broches sont utilisées.
Leur mise en place se fait de façon divergente, de manière
à ce que leur bissectrice soit globalement perpendiculaire
au trait de fracture. L’ancrage dans la corticale opposée n’est
pas obligatoire mais augmente la stabilité. La butée est
ensuite glissée sur la broche et appliquée contre le fragment
proximal. Elle est verrouillée jusqu’à rupture du système
autocassable. Une compression supplémentaire de manière
à réduire au mieux le diastasis inter-fragmentaire peut alors
être appliquée au moteur ou plutôt manuellement en se
servant du mandrin comme d’un tournevis. La seconde
broche est ensuite placée de façon similaire. Les broches
sont enfin sectionnées à 2 ou 3 mm en amont de la butée.
Le matériel est laissé en place 5 à 6 semaines, tout comme la
contention plâtrée, de type brachiopalmaire.
Fracture du condyle latéral [4] (Fig. 3).
La voie d’abord habituelle, latérale ou postéro-latérale est
utilisée. Le patient est installé en décubitus dorsal et le
membre supérieur repose sur une tablette à bras. En cas de
fracture déplacée, l’abord percutané n’est pas possible. En
effet, le contrôle radioscopique de la qualité de réduction est
difficile, en raison du caractère incomplet de l’ossification de
la trochlée chez des patients souvent jeunes. L’intervention
est réalisée sous garrot pneumatique. Après réduction,
les broches sont placées au moteur de façon divergente.
13
Ostéosynthèse des fractures épiphyso-métaphysaires
de l’enfant par Broches à Butée Réglable
par Philippe Gicquel et Ludovic Schneider
Une compression au niveau de la broche horizontale est
possible évitant ainsi un diastasis articulaire, par contre elle
est déconseillée pour la broche ascendante qui traverse le
cartilage de croissance. Le matériel est laissé en place 5 à
6 semaines tout comme une contention plâtrée de type
brachiopalmaire.
être libéré et récliné en arrière. L’intervention est réalisée
sous garrot pneumatique. Après réduction, les broches sont
placées au moteur de façon divergente. Une compression
au niveau des broches est possible chez les grands enfants,
la fusion du cartilage de croissance apophysaire ne posant
alors pas de problème. Le matériel est laissé en place 5 à
6 semaines tout comme une contention plâtrée de type
brachiopalmaire.
Fracture de la cheville [4] (Fig. 5).
Le patient est installé simplement en décubitus dorsal.
La réduction et la stabilisation par broche à butée est
généralement réalisable en percutané, tout comme
dans un vissage avec vis canulée. En effet, les éléments
nobles tendineux ou vasculo-nerveux les plus proches
des malléoles sont postérieurs, ce qui rend le brochage
percutané peu risqué et la réduction par manœuvre externe
ou par poinçonnage est souvent aisée. La mise en place des
broches est faite le plus souvent parallèlement au cartilage
de croissance permettant ainsi de rajouter de la compression
pour fermer le diastasis fracturaire. La traversée du cartilage
de croissance est parfois nécessaire, sans rajouter alors de
compression hormis celle réduisant le diastasis fracturaire.
Le matériel est laissé en place 5 à 6 semaines tout comme la
contention plâtrée, par botte généralement.
Fig. 3 : ostéosynthèse d’une fracture du condyle latéral [3,4]
Fracture de l’épicondyle médial [4] (Fig. 4).
Fig. 5 : ostéosynthèse d’une fracture de la cheville [3,4]
Fig.4 : ostéosynthèse d’une fracture de l’épicondyle médial [3,4]
La voie d’abord médiale classique est utilisée. Le patient est
installé en décubitus dorsal et le membre supérieur repose
sur une tablette à bras. L’abord percutané n’est pas possible
en raison du contrôle nécessaire du nerf ulnaire qui doit
14
Fracture du massif des épines tibiales [5] (Fig. 6).
L’intervention est réalisable par arthrotomie mais
l’arthroscopie a notre préférence. L’installation se fait le plus
souvent avec un appui sous la cuisse de manière à permettre
une flexion aisée. Les voies d’abord classiques sont utilisées
permettant une exploration de toute l’articulation et la
réparation d’ une éventuelle incarcération méniscale. Une
fois celle-ci levée, le fragment est réduit et fixé par la broche
à butée. Dans ce cas, une seule broche est utilisée. La butée
est préalablement verrouillée sur la broche à une distance de
25 à 30 mm de la pointe. La broche est ensuite introduite par
la voie médiale et plantée dans le fragment puis enfoncée au
moteur après réduction jusqu’à placer la butée au contact
du massif des épines. La bonne réduction est vérifiée sous
contrôle arthroscopique et éventuellement radioscopique.
La broche est ensuite sectionnée mais juste en sous cutané
de manière à l’ôter aisément 6 semaines plus tard sans avoir
Ostéosynthèse des fractures épiphyso-métaphysaires
de l’enfant par Broches à Butée Réglable
par Philippe Gicquel et Ludovic Schneider
recours à une nouvelle arthroscopie. Une immobilisation
par attelle ou plâtre est mise en place jusqu’à l’ablation du
matériel.
quant à la stabilité notamment, nous les ont fait adopter
dans quasiment toutes les fractures épiphysaires du coude
de l’enfant. Dans les fractures de cheville, les broches à butée
réglables sont également devenues d’utilisation fréquente,
et elles se partagent les indications des fractures du massif
des épines tibiales avec le vissage ou le laçage.
Références
Fig. 6 : ostéosynthèse d’une fracture des épines tibiales
Conclusion
La facilité d’utilisation des broches à butée réglable, que
ce soit en percutané ou à foyer ouvert, et les bons résultats
1. Gicquel Ph, De Billy B, Karger C, Clavert JM. Olecranon fractures in children.
Review of a series of 26 patients with a mean follow-up of 59 months. J Pediatr
Orthop 2001 ; 21 :141-147.
2. Gicquel P, Maximin MC, Boutemy P, Karger C, Kempf JF, Clavert JM. Biomechanical
analysis of olecranon fracture fixation in children. J Pediatr Orthop 2002 ;
22 :17-21.
3. Gicquel Ph, Maximin MC, Karger C, Clavert JM. Surgical technique and
preliminary results of a new fixation conceps of olecranon fractures in Children.
J Pediatr Orthop, 2003, 23, 398-401.
4. Gicquel Ph, Giacomelli MC, Karger C, Clavert JM. Behandlung epiphysärmetaphysärer Frakturen bei Kindern mit einem neuartigen Implantat. Der
Gewindestift mit justierbarer Verriegelung (Fixano®). Treatment of EpiphyseoMetaphyseal fractures in Children with an Origina Implant. The threaded pin
with an adjustable lock (Fixano®). Operat Orthop Traumatol, 2005, 17, 51–
65.
5. Gicquel P. Arthroscopie chez l’enfant. In : Encyclopédie Médico chirurgicale.
Techniques Chirurgicales-Orthopédie-traumatologie. Elsevier-Masson.
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Le cas du jour
par Jean Langlais
Un jeune garçon de 10 ans se présente avec des douleurs
cervicales associées à de la fièvre évoluant depuis 4 jours. Une
notion de traumatisme cervical a été retrouvée dans les jours
précédant l’admission.
L’examen clinique retrouve une raideur du cou, sans
adénopathies cervicales. Aucun déficit neurologique n’est
observé. La CRP est à 95, la VS à 104 et les globules blancs
à 8600 dont 74% de polynucléaires neutrophiles. Des
hémocultures sont pratiquées.
Les radiographies standard du rachis cervical sont normales,
pas de lésions osseuses pas de modification de l’espace
rétropharingé (Fig. 1).
L’enfant est hospitalisé et mis en traction cervicale. A la
scintigraphie on note une hyperfixation nette dans la région
cervicale haute sans autre localisation infectieuse (Fig. 2).
Ceci évoque soit une spondylodiscite ou une ostéomyélite
vertébrale, soit une tumeur vertébrale. Sur les clichés
dynamiques en flexion-extension il n’existe pas de diastasis
anormal entre l’odontoïde et l’axis et donc la stabilité
rachidienne est parfaite. Un examen tomodensitométrique
retrouve un aspect de lyse de la partie supérieure de la dent
d’odontoïde (Fig. 3). L’ IRM pratiquée confirme aussi bien en T1
qu’en T2 une lésion de l’apophyse odontoïde avec un œdème
péri-lésionnel important. Elle montre un canal médullaire tout
à fait sain avec un bon passage du liquide céphalo-rachidien
autour de la moelle et donc l’absence de compression
médullaire (Fig. 4).
Quelque idée sur le diagnostic ?
Conduite à tenir ?
Fig. 1 : Radiographies standards initiales (J0) du
rachis cervical.
Fig. 2 : Scintigraphie au technétium corps entier : fixation du rachis Fig. 3 : en TDM une érosion de la partie supérieure de l’apophyse odontoïde.
cervical haut sans autre foyer à distance.
Fig. 4 : IRM du rachis cervical à J1 de l’hospitalisation : hyper
signal de l’apophyse odontoïde et absence de lésion de la
moelle.
16
Le coin de l’historien
par Pierre Chrestian
C’est au cours de sa réunion de novembre 2008 que la SOFOP a tenu à honorer deux de ses membres, Jean Mallet et Georges
Filippe. Ils ont fait valoir, à des moments différents, les droits à cesser leur activité d’orthopédiste pédiatre. La rédaction de la
Gazette remercie Pierre Chrestian, l’incontournable historien de la SOFOP, de lui avoir fait parvenir les textes accompagnant
la remise des médailles.
JEAN MALLET
Jean Mallet m’est forcément sympathique car ce fut un
orthopédiste libéral de renom avec une très forte empreinte
pédiatrique. C’est un homme de rigueur, de constance,
c’est ce qui lui a permis d’avoir un nom et une expérience
irremplaçable dans le traitement de la luxation congénitale
de hanche. Ce qui prouve que les libéraux peuvent apporter
énormément à la SOFOP lorsqu’ils se consacrent à un
créneau très précis et accumulent une expérience unique
profitant de leur lieu d’exercice ici l’OUEST.
C’est sa persévérance qui frappe. Il est l’un des pères
fondateurs de la Société d’Orthopédie de l’Ouest, société
d’économie mixte, hospitalière et libérale avec une revue
qui est tout sauf régionale. On ne peut pas parler de Jean
Mallet sans parler de son éternel complice Rey, à la clinique
St Léonard dont ils ont contribué à créer le succès.
Jean Mallet a été un pionnier de l’association orthopédique
qui va devenir pour nous un mode d’exercice incontournable.
En ce sens, il a été la aussi un novateur.
Interne des hôpitaux de Paris, élève de Pierre Petit et
de Godard d’Allaines, il appartient à une génération de
chirurgiens « taiseux ».
Il parle peu, il agit, en témoigne sa direction remarquable
du « symposium sur la chirurgie des ménisques externes de
l’enfant ».
On peut difficilement parler de Jean Mallet sans parler de
son fils Jean-François.
Malgré un service de renseignement bien documenté, (bien
que les renseignements généraux ne sont plus ce qu’ils
étaient), je n’ai pas pu savoir si les colères séismiques étaient
un apanage familial !
Je voudrai terminer ce bref hommage par une anecdote
humoristique, véritable scoop qui en dit long sur le
personnage : à la fin symposium sur les ménisques discoïdes
pour fêter son succès, nous avons invité Jean Mallet, sur une
idée de Rémi Kohler au Crazy Horse Saloon, et bien vous
ne le croirez pas, il n’a jamais quitté son imperméable de la
soirée !
GEORGES FILIPPE
Rien de plus difficile que de brosser le portrait d’un homme
modeste et discret.
Ami de toujours, de 30 ans (sans la connotation ironique
que l’on pourrait y voir), nous sommes passés par les mêmes
épreuves, les mêmes affres, assistant à une véritable guerre
entre orthopédistes et viscéralistes pour les nominations.
Pire que les Capulet et les Montaigu.
Ceci illustre à mes yeux sa vertu principale : la TENACITE !!
Le pied et le rachis sont ses deux domaines de prédilection.
C’est un rigoureux, formé à la bonne école de St Vincent de
Paul, dans la droite ligne des élèves de Pierre Petit, s’inscrivant
dans la continuité de cette pensée orthopédique. C’est un
solide et c’est un homme sage.
Pour avoir eu à traiter de nombreux malades communs, j’ai pu
mesurer la profonde empathie qui l’anime et l’attachement
que lui porte ses malades.
Au cours d’un de nos séjours communs au Portugal
dans le cadre de l’invitation de nos amis Portugais à des
cycles de conférences, j’ai pu apprécier son aura dans ce
pays… toujours avec modestie. C’est un de nos grands
ambassadeurs !
Merci Georges pour tout, ta rigueur, ta ténacité, ton
obstination ! Damsin lui succède, c’est du pareil au même.
17
MANUEL DE SURVIE
DU CHIRURGIEN
Revol, Servant
Isbn : 9782840235521
Réunions à venir
1-4 avril 2009
Lisbonne
28ème réunion de l’EPOS
395 pages
29 avril – 2 mai
Boston (USA)
Réunion annuelle de la POSNA
www.posna.org
Prix : 33 €
4-6 juin 2009
Le Touquet
Réunion conjointe SFCR-SFNCR-GES
(40ème anniversaire du Groupe d’Etude
de la Scoliose)
10 au 13 juin 2009
Toulouse
Congrès de la Société Française de Pédiatrie et de
l’Association des Pédiatres de Langue Française
www.pediatrie2009.org
25-27 juin 2009
Caen
Réunion commune « Franco-Britannique »
Contact : JF Mallet
23-26 septembre 2009
Scottsdale, Arizona, USA
63 ème réunion de l’AACPDM (American academy
for cerebral palsy)
18
Ecrit par des chirurgiens pour des chirurgiens, l’idée initiale de ce
livre était celle d’une sorte de « manuel des castors juniors », de «
couteau suisse » dans lequel on trouverait toutes les notions pratiques qui sont quotidiennement utiles au chirurgien, mais qu’on ne
lui a pas apprises, ou mal, ou il y trop longtemps. Bien sûr, il n’était
pas question de parler ici de chirurgie, puisque le lecteur est par définition hautement compétent sur le sujet. Mais quelques notions
médicales de première nécessité nous ont paru utiles.
L’habileté des auteurs est d’y avoir intégré un grand nombre de textes officiels, difficiles à réunir, et de fournir ainsi une base permanente et réactualisable de tout ce qui oriente et réglemente notre
profession. La lecture de certains de ces textes donne « froid dans le
dos ». L’impression vague de rétrécissement de l’espace mental que
chacun ressent dans son activité, sans toujours trouver les mots justes pour l’exprimer, se transforme en la prise de conscience d’un
terrifiant constat, au fur et à mesure que les auteurs juxtaposent les
arguments : non seulement le chirurgien est menacé d’extinction,
mais la chirurgie elle-même se trouve en péril… » Alain C. Masquelet
Le cas du jour :
réponse à un problème de “dent gâtée”
par Jean Langlais
Les hémocultures sont revenues positives à staphyloccocus
aureus.
Il s’agit donc d’une ostéomyélite du processus odontoïde.
Le traitement antibiotique est débuté dès le cinquième jour
de l’hospitalisation par Céfotaxime-Fosfomycine en IV pour
une durée de 15 jours. En 24 heures les signes cliniques
disparaissent. Un relais antibiotique per-os pendant 2 mois
(Oxacilline) est institué, associé au port d’une minerve (Fig. 5).
Fig. 5 : Traitement par port d’une minerve pendant 2 mois.
Thibaut a été revu à 9 ans de recul. Il va parfaitement bien. Il
est en première et joue couramment au football. La mobilité
du cou et l’examen neurologique sont strictement normaux.
Les clichés dynamiques en flexion-extension retrouvent une
distance atloïdo-axoïdienne de l’ordre de 6 mm en flexion. Il
montre de plus, une apophyse odontoïde surmontée d’une
image osseuse, qui n’existait pas avant l’infection. Cette
image osseuse est bien mobile avec le reste de l’apophyse de
l’odontoïde (Fig. 6).
été traités par un ou plusieurs gestes chirurgicaux.
Le traitement conservateur a été proposé par certains. Mais,
tous ces cas étaient des adultes. Ils ont été traités par halocast
associé à des antibiotiques. La fusion atloïdo-axoïdienne peut
se pratiquer secondairement et une fusion spontanée est
toujours possible.
Dans notre cas, nous avons évoqué le diagnostic par
la scintigraphie et confirmé cette ostéoarthrite par les
hémocultures et l’IRM. En effet, nous n’avons pas eu besoin de
faire de ponction vertébrale en raison de la bonne réponse au
traitement médical.
Au début, l’examen radiologique standard était entièrement
normal. Il n’y avait pas du tout d’élargissement de la région
rétro-pharyngienne comme c’est souvent le cas dans ces
atteintes de la charnière crânio-rachidienne. L’IRM a été pour
nous la méthode la plus sûre pour montrer une infection aiguë
comme cela était le cas chez beaucoup d’auteurs.
Les clichés dynamiques de l’IRM sont très utiles pour rechercher
une instabilité vraie occipito-cervicale avec ou sans signes
cliniques de compression médullaire.
La stabilité de la région atloïdo-axoïdienne et atlantooccipitale est due essentiellement au ligament cruciforme
(Fig. 7). Le ligament transverse de l’atlas associé à ces deux
expansions (supérieure et inférieure) suffit pour maintenir
le processus odontoïdien dans sa bonne position. Nous
pensons qu’il faut une atteinte de ce ligament pour avoir une
instabilité. Dans notre cas, il n’y avait pas d’instabilité et donc
les ligaments étaient probablement intacts. Seule la distance
C1-C2 était un petit peu augmentée, vraisemblablement à
cause de l’effilage de l’odontoïde. Du fait de la disposition de
l’apophyse odontoïde par rapport à l’arc antérieur de C1 on
pourrait se demander s’il ne s’agissait pas d’une ostéoarthrite
de l’articulation antérieure C1-C2.
Fig. 6 : Clichés dynamiques à 5 ans : distance atloïdo-axoïdienne à 6 mm et
présence d’un « séquestre » surmontant l’apophyse odontoïde.
Quoi qu’il en soit, il va très bien et nous avons décidé de ne
rien lui faire de particulier et de le suivre régulièrement.
Discussion
L’atteinte par une infection de l’articulation antérieure atloïdoaxoïdienne est très rare chez l’enfant, seuls deux cas existent
dans la littérature1, 2. Les premières descriptions de cette
atteinte ont été rapportées par Makins et Abbot en 1896.
Depuis cette époque, environ quarante cas ont été rapportés
dans la littérature. Il s’agit essentiellement d’adultes qui ont
Fig. 7 : Eléments de stabilisation de la charnière et articulation antérieure C1-C2.
19
Le cas du jour :
réponse à un problème de “dent gâtée”
par Jean Langlais
L’odontoïde est maintenant surmonté d’une image osseuse
qui semble soudée au reste de l’apophyse odontoïde qui est
effilée. On peut se demander s’il ne s’agit pas, en fait, d’un
séquestre osseux de l’apophyse odontoïde plutôt que d’un
véritable os odontoïdeum qui serait mobile par rapport à
l’apophyse odontoïde et immobile par rapport à l’arc antérieur
de l’atlas sur les clichés dynamiques.
En conclusion, nous pouvons dire qu’une arthrodèse C1C2 chez l’enfant doit être pratiquée s’il existe des signes de
compression médullaire soit cliniques, soit radiologiques. L’IRM
en flexion montrant alors qu’il existe des lésions du ligament
cruciforme et/ou une destruction importante de l’apophyse
odontoïde. Le traitement conservateur doit toujours être
possible dans le cas contraire.
Bibliographie
1 - Di Rocco M, Tasso L, Fondelli MP, Romanengo M, Giacchino R, Borrone C - Case of
the month : a child with stiff neck - Eur J Pediatr 1997; 156 : 737-8
2 - Dimaala J, Chaljub G, Oto A, Swischuk L - Odontoïd osteomyelitis masquerading
as a C2 fracture in an 18 month old male with torticolis : CT and MRI features Emerg Radiol 2006; 12 (5) : 234-6
Ces livres qu’il faut avoir lus
par Rémi Kohler
Ce titre, en forme de cri d’alarme d’un chirurgien orthopédiste de renom pour son métier et plus
largement sur l’hôpital public -où il travaille depuis presque 40 ans - doit nous interpeller ! Dans
son livre destiné au grand public, le Professeur L. Sedel se propose de nous éclairer sur le fonctionnement de nos hôpitaux et sur les mutations qui s’y déroulent (moins visibles mais tout aussi
importantes que l’application des 35 heures !). Il se livre aussi à un acte politique, au moment où
s’opère une modification profonde de notre système de soins dans son ensemble (cf Loi Hôpital
Santé patient territoire). Nos dirigeants n’ont de cesse de dénoncer le déficit de l’hôpital public (la
santé n’a pas de prix, mais elle a un coût – 11 % du PIB dont la moitié pour l’hôpital) et de proposer
une approche comptable et « médico économique » rigoureuse (l’hôpital entreprise)pour pallier
cette augmentation régulière.
- Peut-on faire mieux, à moyens constants ? (voire moindres !). Certes, la crise n’épargne personne,
mais ce raisonnement achoppe sur le terrain, celui que chacun de nous pourra observer comme «
patient potentiel» : l’actualité récente, marquée par des dysfonctionnements hospitaliers graves a
attiré l’attention sur les conditions de travail difficiles des personnels, victimes d’un profond malaise psychologique, et ne sont pas étrangères à la désaffection pour certaines carrières (chirurgie,
anesthésie, infirmières.). Les enjeux, mais aussi les risques de ces orientations « politiques » doivent
donc être bien pesés, et l’auteur a toute légitimité pour nous éclairer :.L. Sedel est chef de service
d’un hôpital parisien (Höpital Lariboisière APHP) où il exerce son triple métier qui le passionne :
chirurgien « soignant », enseignant (Professeur Paris 7) et chercheur de renom dans le domaine de
la biomécanique et des biomatériaux. Il est l’actuel Président de la Société Française de Chirurgie
Orthopédique (SOFCOT) et a été Conseiller ministériel (B Kouchner).
- Les nombreux chapitres de son livre, bien loin du spectaculaire et de la prouesse technique, décryptent des aspects variés et mal connus du public ; ils nous aident surtout à écarter de nombreuses idées reçues en s’appuyant sur des exemples concrets, tirés de sa longue expérience : le
fonctionnement des services d’urgence , du bloc opératoire, le rôle des « cadres de santé », de « l’
administration hospitalière», le poids des procédures réglementaires, la place du secteur privé à
l’hôpital, l’accueil des patients en situation précaire, une comparaison avec d’autres systèmes (RU,
USA), le principe de précaution……
Dans ce parcours critique -et constructif-, L. Sedel témoigne de beaucoup d’humanité et de considération pour les soignants (infirmières, aide soignantes, internes) : il les a cotoyés au cours d’une
longue épreuve personnelle qu’il décrit en l’intercalant à sa réflexion de fond. Son regard, porté
depuis « l’autre côté de la barrière », n’est pas le moindre intérêt de ce livre.
Nul doute que cette rencontre sur ce grand problème de société qu’est l’Hôpital public attirera un
public nombreux et suscitera une riche discussion.
NDLR : ce texte constitue l’annonce d’une rencontre-débat dont l’invité sera Laurent Sedel, le 28
avril à Lyon, les animateurs de cette réunion étant R. Kohler, J. Riondet et J. Caton
20