le camp de royallieu durant la seconde guerre mondiale
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le camp de royallieu durant la seconde guerre mondiale
LE CAMP DE ROYALLIEU DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE !"#$%&'(()*+,,---( (&.'/.((---('011 !"#$%#!!&&&!$'"" LES ORIGINES M ai 1940. Une fois encore la guerre frappe Compiègne, que les Allemands bombardent les 16 et 17 mai 1940. A Royallieu, petit village de la périphérie, l’ancienne caserne construite au début du siècle retrouve le rôle qu’elle a déjà connu au cours de la Première Guerre mondiale, celui d’hôpital militaire. Entre 1939 et 1940, Royallieu abrite un hôpital qu’une croix rouge sur fond blanc signale aux aviateurs allemands. (Photo Hutin) Le 22 juin 1940, la convention d’armistice coupe la France en deux. Occupant une large zone nord, l’armée allemande réquisitionne une partie des bâtiments de Royallieu pour son casernement. Ceux qui restent servent à loger des réfugiés belges et français. Jusqu’en décembre 1940, Royallieu est utilisé comme camp de prisonniers de guerre et dénommé “Frontstalag 170 KN 654” puis vidé de ses occupants, envoyés dans les Stalags en Allemagne. De juin 1941 à la fin août 1944, sous l’appellation de “Frontstalag Cachet de la poste 122”, il devient un camp d’internement allemande du camp. (Doc Annales pour tous ceux que le IIIème Reich conHistoriques Compiègnoises) sidère comme ses adversaires (prisonniers politiques, résistants, Juifs, ressortissants des pays Alliés…), constituant ainsi une réserve d’otages destinés à être fusillés ou déportés en représailles. Royallieu est le seul camp en France qui dépende exclusivement de l’administration allemande, la Wehrmacht puis, à partir de l’été 1942, de la Sicherheitpolizei-Sicherheitsdienst (Sipo-SD), c’est à dire le Service de Sûreté nazi, installé 74 avenue Foch à Paris. 2 !"#$%&'(()*+,,---& (&.'/.((---('011 Les infrastructures du camp Les nazis utilisent les installations existantes en les renforçant : un mur est construit le long du chemin de Saint Germain au Bac de Jaux et une palissade en bois de trois mètres de haut est érigée du côté de la rue du Mouton (cf. plan page 14-15). Mirador entouré de fils de fer barbelés. L’enceinte de barbelés et un mirador. (Photo Annales Historiques Compiègnoises) Des chicanes barrent les routes d’accès au camp. A l’intérieur de l’enceinte, un triple réseau de fils de fer barbelés, montés sur des chevaux de frise, est disposé le long de la clôture sur 6 à 8 mètres de profondeur et 2,5 mètres de haut. Des miradors équipés de projecteurs permettent la surveillance du camp la nuit. Des pancartes précisent : « Danger. Si vous approchez des barbelés, la sentinelle fera feu. ». (Photo Royallieu 80 ans d’histoire) Jean Hoen, ancien détenu « racial » de Royallieu, décrit l’intérieur de Royallieu : le camp se compose « d’une suite de bâtiments blancs couverts de tuiles, bas et longs, à un étage, alignés systématiquement autour d’un terrain nu (…) ». Int lieu Mé en d inte Intérieur du camp de Royallieu. Dessin réalisé par Auguste Ménage en décembre 1942 alors qu’il y était interné. (Coll. Mémorial de l’internement et de la déportation, don de Monsieur André Pourvoyeur). 3 !"#$%&'(()*+,,---1 (&.'/.((---('011 Sur un espace de 15 hectares, 24 baraques de 60 mètres de long et 15 mètres de large s’alignent selon un plan en « U » ouvert sur l’entrée. Vue aérienne du camp de Royallieu après 1945. (AD Oise, fonds Jean-Pierre Besse, 71 J) Cette disposition a facilité la division en trois secteurs principaux, cloisonnés entre eux par des fils de fer barbelés : ■ Le camp A rassemble l’essentiel des prisonniers français (politiques, résistants, réfractaires au S.T.O.). Plan du camp A dessiné par un interné à Royallieu, vraisemblablement en avril 1942. (Coll. Mémorial de l’internement et de la déportation, don de M. André Pourvoyeur) ■ Le camp B est réservé aux ressortissants des pays en guerre contre l’Allemagne, en particulier des anglosaxons, ils y bénéficient de conditions de détention moins rigoureuses. Bien que l’essentiel de l’administration allemande soit installée hors du camp, certains de ses services y sont implantés : tri des internés à leur arrivée, bureaux de l’habillement, de la censure … ■ Le camp C est occupé au fil du temps par les Russes, les internés français « spéciaux » (détenus dits « d’honneur »), les femmes, les prisonniers réputés « difficiles » (mutins) et surtout, entre Vue prise depuis l’entrée du camp de Royallieu décembre 1941 et juillet prise après la guerre. (Photo Hutin) 1942, par les Juifs. 4 !"#$%&'(()*+,,---2 (&.'/.((---('011 LES INTERNÉS D e 1941 à 1944, on estime à 54 000 le nombre d’internés qui ont transité par Royallieu : ce sont principalement des prisonniers administratifs, des résistants, des personnes arrêtées au cours des rafles ou comme otages, des opposants politiques – notamment des communistes, des internés « raciaux » notamment les Juifs. Certains viennent des nombreuses prisons et des camps d’internement de France. Origine des convois arrivant au camp de Royallieu. (D’après Christian BERNADAC, le train de la mort) 5 !"#$%&'(()*+,,---3 (&.'/.((---('011 Motifs d’internement En France, les deux tiers des résistants arrêtés furent internés à Royallieu : ils représentent 58,6% des détenus, les opposants politiques 12,6%, et les internés « raciaux » 11,5%. Dès juin 1941, date de Départ de la prison de Compiègne vers Royallieu. l’attaque allemande contre (Photo A.D. Oise) l’URSS, les nazis arrêtent systématiquement les membres du Parti communiste et les sympathisants, en particulier de nombreux élus ainsi que des syndicalistes. Ils vont marquer la vie du camp à tel point que la partie réservée aux prisonniers politiques sera surnommée « le camp des communistes ». L’ADMINISTRATION DU CAMP L Les responsables allemands , administration du camp, d’abord confiée à la Wehrmacht, passe progessivement sous le contrôle de la Sipo-SD. A partir de l’été 1942, c’est la SipoSD et elle seule qui décide du sort des internés, qui désigne les otages et les détenus à déporter. Les troupes de la Wehrmarcht assurent le fonctionnement du camp. S’y ajoutent des gardiens chargés de la surveillance. Certains ont marqué les internés par leur brutalité et leur sadisme. Le Reichführer Himmler (à gauche), haut responsable des camps de prisonniers, de concentration et d’extermination. (Photo Editions Atlas) 6 !"#$%&'(()*+,,---4 (&.'/.((---('011 Ainsi, des témoignages désignent le SS Jäger comme étant le plus féroce des « hommes aux chiens », surveillant le camp la nuit et faisant régner la terreur en lançant son berger allemand Klodo et son bulldog Prado à la poursuite de détenus, qu’il contraint à des courses épuisantes à travers le camp. Gardiens du camp de Royallieu. (AD Oise, fonds Xavier Lepêtre, 41 Jp.) Les détenus Les Allemands se déchargent des tâches matérielles sur certains détenus, dans un système d’auto administration plus ou moins efficace selon la cohésion du groupe et son organisation. A la tête des internés se trouve le doyen du camp, qui prend ses ordres tous les matins auprès des gardiens allemands. Il est assisté d’un adjoint, d’un chef de police et de son équipe, chargés du maintien de l’ordre. Chaque chef de bâtiment reçoit les instructions du doyen, auquel il présente tous les matins la liste des malades présents à l’infirmerie et de ceux qui souhaitent consulter un médecin. Il est aidé d’un sous-chef et d’un adjoint auxquels incombent les tâches administratives et la distribution des vivres. Ces détenus logent dans des chambres particulières au sein de chaque bâtiment. Lorsqu’au cours de l’été 1943 les autorités allemandes confient à des détenus de droit commun les responsabilités jusqu’alors assumées par les communistes, ceux-là font alors preuve d’une grande brutalité, escomptant ainsi bénéficier de la clémence des Allemands. Cette nouvelle organisation a pour objectif de briser tout esprit de solidarité entre internés, ce qui entraîne une lutte acharnée pour s’emparer de ces postes-clés. 7 !"#$%&'(()*+,,---/ (&.'/.((---('011 LA VIE AU CAMP L es conditions d’internement du camp de Royallieu ne peuvent certes pas se comparer avec celles subies par les détenus tirés des prisons, encore moins avec celles des camps de concentration et d’extermination. Il n’en demeure pas moins que la pénurie de nourriture ou l’absence de soins ont conduit certains internés à la maladie ou à la mort. L’arrivée Chaque jour, de nouveaux prisonniers viennent grossir les rangs des internés du camp. Pour éviter les manifestations hostiles de la population, c’est la nuit ou très tôt dans la matinée que les Allemands acheminent les détenus au camp. Après un parcours à pied depuis la gare de Compiègne, ils sont dirigés vers les bâtiments et subissent une fouille systématique. Les Allemands confisquent l’argent, les bijoux et tout ce qui peut servir à écrire. En effet, le règlement interdit toute correspondance pendant les deux mois qui suivent l’arrivée à Royallieu. Les détenus passent une visite médicale devant un médecin allemand. Ils reçoivent ensuite une plaque en zinc gravée d’un numéro de matricule. Plaques matricules en zinc (haut) et carton. P.H.L. veut dire Polizeihaftlager, camp de détention de la police. Le “C” désigne Compiègne. Vers la fin de la guerre, le métal, devenu rare, est réservé à la fabrication d’armes ou de munitions. Les Allemands décident alors de remplacer les plaques d’identification en zinc par des marques en carton. (Doc Annales Historiques Compiègnoises) 8 !"#$%&'(()*+,,---5 (&.'/.((---('011 Robert Tremon est un ancien interné de Royallieu, arrêté pour son appartenance au Front Uni de la Jeunesse Patriotique (FUJP), mouvement communiste de résistance. Il raconte son arrivée au camp : « (…) A gauche la campagne, à droite une haute clôture de fils de fer barbelés électrifiés, derrière, des hommes curieusement habillés, des bâtiments et des baraques en bois. (…) Il y a un appel nominatif qui dure longtemps. Ensuite, on nous coupe les cheveux à la tondeuse, puis nous devons donner tout ce que nous avons : montre, bague, portefeuille, qui sont mis dans un sachet. On nous passe au cou une cordelette avec une plaque portant un numéro. « 34021 » sera désormais mon seul signe distinctif. » Les conditions matérielles Les structures d’internement s’avèrent rapidement insuffisantes pour faire face à l’accroissement continu du nombre de détenus. L’entassement dans les chambrées et le sous-équipement sanitaire favorisent la prolifération des parasites et le développement des maladies. Si l’admission à l’infirmerie du camp a pu parfois signifier une mort à brève échéance, elle a néanmoins favorisé de nombreuses évasions. Bon de commande de fournitures pharmaceutiques (Doc. ONAC de l’Oise) La pénurie alimentaire s’ajoute à la promiscuité. Les rations quotidiennes sont insuffisantes et ne fournissent pas l’apport calorique nécessaire à l’organisme. Certains internés bénéficient des colis de la Croix Rouge, mais les stigmates de la faim apparaissent malgré tout, particulièrement chez les Juifs qui sont soumis à un régime plus sévère que les autres détenus. 9 !"#$%&'(()*+,,---6 (&.'/.((---('011 10 !"#$%&'(()*+,,---(' (&.'/.((---('011 Un rapport du commissaire de police de Compiègne donne un aperçu des conditions de vie des internés de Royallieu. (Archives Départementales de l’Oise) Une journée à Royallieu L’organisation de la vie à l’intérieur du camp est entièrement laissée à l’initiative des internés. Ils n’ont affaire aux soldats de la Wehrmacht que pour les formalités d’entrée et les appels journaliers. Le travail se résume à des corvées de nettoyage ou de soupe. Robert Tremon décrit l’organisation d’une journée : « Appel à 8h dans la cour (…). A 12h, une soupe d’un litre et demi est servie. A 17h, nouvel appel et distribution d’un quart de boule de pain avec beurre et confiture. Tout le monde doit être couché avant 21h. ». Les horaires doivent être scrupuleusement respectés par les internés. En 1943, la vie change quelque peu, comme le souligne Gérard Bouazid, dans la France torturée (Ed. FNDIRP) : « Nul doute, une orientation nouvelle a conduit le commandant SS de Royallieu à modifier le rôle du camp. La machine de guerre Allemande a sans cesse besoin d’accroître sa production. Il faut alimenter en main d’œuvre les camps de concentration du Reich où l’on pratique « l’extermination par le travail ». Désormais, ce n’est plus la répression qui est le but essentiel, elle devient un moyen de recrutement ». 11 !"#$%&'(()*+,,---(( (&.'/.((---('011 Fiche de renseignement adressée au commandant du camp de Royallieu par Louis MICHEL, délégué de la Croix-Rouge à Compiègne. Parmi les internés, on peut relever le nom de Geneviève de Gaulle, nièce du Général de Gaulle, et celui de Marcelle Gueudelin (avec une erreur sur l’orthographe du patronyme), résistante beauvaisienne morte en déportation. (Doc O.N.A.C. de l’Oise) 12 !"#$%&'(()*+,,---(& (&.'/.((---('011 S’adapter, s’occuper Pour la majorité des internés, il faut résister à l’avilissement lié à la détention. Pour cela, certains détenus se groupent pour organiser des activités culturelles ou sportives. Les compétences individuelles sont mobilisées pour dispenser des cours ou des conférences, apprendre le jardinage, les jeux de société, et organiser des matchs de football ou de basket en fonction des aptitudes physiques et de la quantité de nourriture. S’évader L’obsédant espoir des prisonniers est de s’évader avant leur déportation. Nombreux furent ceux qui essayèrent, peu y sont parvenus. L’évasion la plus connue se produit le 22 juin 1942. Ce jour là, 19 communistes ont pu fuir par un tunnel Entrée du tunnel ayant servi à l’évasion du 22 juin 1942. de 48 mètres de long, creusé (A.H. de Compiègne) des semaines durant. Onze d’entre eux ne seront jamais repris. L’évasion fait grand bruit dans le camp et à l’extérieur. Le général von Stulpnagel, commandant militaire en France, vient enquêter et annoncer des mesures de représailles. D’autres trouvèrent en eux les moyens de s’échapper de leur univers carcéral. Ainsi, un détenu anonyme raconte l’un de ses instants « d’évasion »: « Je n’avais jamais vu que les nuages étaient si beaux avec leur architecture toujours recommencée, leurs coloris si nuancés. Nous ne savions pas encore que les ciels d’Allemagne sont toujours gris, comme le reflet de la tristesse sur la terre. » Membre d’un réseau de résistance, le poète Robert Desnos (1900-1945) est arrêté en février 1944. Interné à Royallieu puis déporté au camp de Terezin (Tchécoslovaquie), il évoque son passage à Compiègne : 13 !"#$%&'(()*+,,---(1 (&.'/.((---('011 Plan du camp de R Plan du camp A dessiné par un interné à Royallieu, vraisemblablement en avril 1942. (Coll. Mémo - A1 à A8 les bâtiments pour internés de sexe masculin - B1 à B3 les services administratifs allemands - B4 à B8 les internés américains - C1 les douches - C2 à C8 réservés aux femmes et aux enfants - Les autres bâtiments affectés aux différentes activités du camp (magasins de viv - Entre le E2 (la cantine) et le F1 (la cuisine), le fameux tunnel qui a permis l’évasio 14 !"#$%&'(()*+,,---(2 (&.'/.((---('011 camp de Royallieu : 2. (Coll. Mémorial de l’internement et de la déportation, don de M. André Pourvoyeur) gasins de vivres, cuisines, entrepôts, ateliers, etc…, rmis l’évasion massive du 22 juin 1942 (voir page 13) (document André Poirmeur) 15 !"#$%&'(()*+,,---(3 (&.'/.((---('011 Sol de Compiègne (extraits) …… Sol de Compiègne ! Terre grasse et cependant stérile Terre de silex et de craie Dans ta chair Nous marquons l’empreinte de nos semelles Pour qu’un jour la pluie de printemps S’y repose comme l’œil d’un oiseau Et reflète le ciel, le ciel de Compiègne Avec tes images et tes astres Lourd de souvenirs et de rêves Plus dur que le silex Plus docile que la craie sous le couteau …… Et craie et silex et silex et craie Sol de Compiègne ! Sol fait pour la marche Et la longue station des arbres, Sol de Compiègne ! Pareil à tous les sols du monde !, Sol de Compiègne ! Un jour nous secouerons notre poussière sur ta poussière Et nous partirons en chantant. Et nous partirons en chantant. Nous partirons en chantant En chantant vers nos amours La vie est brève et bref le temps Nous laisserons notre poussière Dans la poussière de Compiègne Et nous emporterons nos amours Nos amours qu’il nous en souvienne Qu’il nous en souvienne Robert Desnos 16 !"#$%&'(()*+,,---(4 (&.'/.((---('011 Les exécutions Combien de détenus sont morts de faim, de maladie, ou victimes de leurs geôliers ? Les exécutions, beaucoup moins nombreuses qu’on a pu l’écrire, ont commencé en décembre 1941. Les prisonniers communistes ont été fusilExécution d’un résistant lés comme otages principale(Photo FNDIRP) ment en forêt de Compiègne, à la citadelle d’Amiens et au Mont Valérien à Suresnes. (Doc. A.D. Oise) 17 !"#$%&'(()*+,,---(/ (&.'/.((---('011 D LES CONVOIS VERS L’ALLEMAGNE e récentes recherches permettent d’établir que vingt-neuf grands convois au moins sont partis de Compiègne de 1941 à 1944, déportant près de 40 000 personnes. Si les trois premiers transports, en 1942, ont concerné les personnes arrêtées à titre politique et surtout les Juifs, ce sont essentiellement les Résistants qui, entre 1943 et 1944, furent déportés. Comment sont-ils organisés ? Royallieu dépendant directement de l’autorité allemande, la Préfecture de l’Oise n’a aucun pouvoir sur le fonctionnement du camp ni sur les convois qui en partent. Sur l’ordre des hauts responsables nazis, le Hauptsurmführer1 Illers, responsable à Paris du bureau chargé des internés, établit une liste de déportés en 4 exemplaires, sans mentionner le nom ou la localisation du camp. Les copies sont adressées aux responsables nazis de Paris et de Berlin, ainsi qu’au commandant du camp concerné. En application de l’article 13 de la convention d’armistice, des trains sont réquisitionnés auprès de la SNCF quelques jours avant le départ. Ils sont composés de wagons destinés au transport des Wagon utilisé pour le transport des détenus. marchandises. Les (Photo Fondation pour la Mémoire de la Déportation) volets d’aération sont obturés par du fil de fer barbelé. Un wagon plat équipé d’une mitrailleuse est attelé à chaque convoi pour prévenir les tentatives d’évasion. 1 Grade dans la SS correspondant à celui de capitaine. 18 !"#$%&'(()*+,,---(5 (&.'/.((---('011 « Le grand voyage2 » Les Allemands contraignent les internés à traverser Compiègne à pied pour les emmener à la gare, au quai dit « des déportés ». De multiples tentatives d’évasion, le plus souvent vouées à l’échec, se produisent durant ce Le quai des déportés de la gare de Compiègne trajet. Les déportés sont (Photo Hutin) généralement escortés par des éléments de la Feldgendarmerie et des militaires allemands, fréquemment accompagnés de gendarmes français de l’ancien département de la Seine. En effet, suite aux plaintes émises par les brigadiers et les policiers de l’Oise, chargés à l’origine de cette tâche, la Préfecture a été contrainte de recourir aux forces des départements voisins. Les conditions de transport sont telles qu’à chaque convoi, de nombreux déportés meurent. Les trois jours et deux nuits que duraient en général le voyage restent parmi les souvenirs les plus poignants des survivants. Un déporté rescapé de cet enfer raconte : « L’entassement, la faim, la soif, les odeurs torturaient les déportés qui étaient victimes de punitions en cas de tentative d’évasion, ce qui se produisait pratiquement à chaque transport. » (anonyme). Certains tentent de s’échapper. Ainsi, le 6 avril 1944, un déporté évoque les représailles après une tentative d’évasion : « un officier SS parut, escorté d’un interprète. Il beugla qu’à cause des tentatives d’évasion, il avait décidé de nous ôter nos vêtements. Il sortit son revolver. Les triques s’abattirent. Pour nous, anciens des centrales, la mise à poil tenait de la routine. La longue file de nos corps blêmes, gesticulant avec maladresse sous ce ciel lourd de neige, avait quelque chose de poignant et de ridicule tout ensemble. » (témoignage anonyme). 2 Jorge Semprun. 19 !"#$%&'(()*+,,---(6 (&.'/.((---('011 Paul PICOT écrit à sa femme depuis Royallieu le 20 mars 1944. (Document Collection Défense de l’Homme) Quelques convois parmi ceux qui rythmèrent la vie du camp Le 06 juillet 1942, 1 175 personnes, en majorité des communistes, sont déportées à Auschwitz. Ils seront les premiers déportés Résistants à être tatoués. Comme ils portèrent un numéro supérieur à 45 000, ce transport sera appelé « le convoi des 45 000 ». Le 22 janvier 1944, 2 000 hommes sont envoyés à Buchenwald dans le cadre de l’opération Meerschaum (écume des mers) destinée à démanteler la Résistance française par des interventions militaires. En outre, dès janvier 1944, les responsables nazis souhaitent vider les camps d’internement en France et déportent des dizaines de milliers de détenus pour les utiliser comme travailleurs forcés dans les usines d’armement. 20 !"#$%&'(()*+,,---&' (&.'/.((---('011 Tableau réalisé par le SD ONAC d’après les chiffres de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. Le 2 juillet 1944, un convoi part pour Dachau avec 2 200 déportés. 900 d’entre eux périront au cours du voyage. Monsieur Roger Bellot a fait partie de ce convoi, surnommé « le train de la mort ». Il témoigne des conditions inhumaines du voyage : « Ce jour là, la chaleur était déjà très forte dans la matinée. Nous avons attendu le train de 6h à 12h en gare de Margny les Compiègne. Nous avons été entassés par les allemands avec force coups dans un convoi composé d’un wagon aux parois métalliques attelé à des wagons de transports en bois. Le wagon en métal était un véritable four. A notre arrivée à Reims à 21h00, le chef de gare a refusé d’accueillir le convoi à cause de l’odeur dégagée par les cadavres en décomposition dans les wagons. Parmi les déportés se trouvaient 3 anciens prisonniers de droit commun employés comme chauffeurs par la Gestapo de Toulouse. Les autres déportés les ont lynchés à leur arrivée à Dachau. » 21 !"#$%&'(()*+,,---&( (&.'/.((---('011 Stèle à la mémoire du dernier train de Royallieu. (Photo ONAC de l’Oise) 17 août 1944, part le dernier transport arrivant à destination. Prévu pour le 14 août, ce train préparé par les Allemands est bloqué par l’action de 2 résistants de Vieux Moulin (près de Compiègne), qui font sauter la locomotive. Les détenus, dont Jacques Vigny, sont transférés par camion dans un autre train stationné en forêt de Compiègne (carrefour Bellicart) car les ponts et les voies de chemin de fer sont détruits par l’aviation alliée. Malgré cela, le convoi part le 17 août à destination de Buchenwald. Jacques Vigny et Pierre Bur faisaient partie de ce convoi. Ce dernier décrit les conditions inhumaines du voyage : « Une chaleur étouffante tombe sur Compiègne. Au camp d’internement de Royallieu, 1250 hommes (…) sont rassemblés sur la place d’appel. (…) Ils sont embarqués dans des camions. Un convoi se forme et s’ébranle en direction du carrefour Bellicart où l’attend un train de wagons à bestiaux. [Des wagons prévus pour] huit chevaux, 40 hommes ! Il n’y aura pas de chevaux, et les hommes ne seront pas quarante par wagon mais bien 80, 100, 110, voire 120 entassés comme des bestiaux. (…) Voilà quatre longs jours que nous étouffons dans nos cages, quatre longs jours que nous vivons des scènes plus atroces les unes que les autres, que nous pataugeons dans nos excréments qui se mêlent au maltofruit de la Croix Rouge, que nous côtoyons des cadavres et des fous… Mais ne le sommes nous pas tous plus ou moins ? ». In Un pas, encore un pas… pour survivre, Amicale des Anciens Déportés à Neu-Stassfurt. 22 !"#$%&'(()*+,,---&& (&.'/.((---('011 L’ultime convoi. Le 25 août 1944, les Allemands font partir un dernier convoi de Royallieu. Le 26 août, il est définitivement stoppé par l’action de la Résistance et des cheminots qui le détournent sur la voie de Péronne Préparation d’un attentat contre une ligne de chemin de fer. Montdidier, Des soldats (Photo JB) britanniques, aidés par les habitants du voisinage, forcent les portes des wagons et libèrent les survivants. Tableau réalisé par le SD ONAC d’après les éléments fournis par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. 23 !"#$%&'(()*+,,---&1 (&.'/.((---('011 S IN MEMORIAM ur le site de l’ancien camp, qui accueille le mémorial de l’internement et de la déportation, plusieurs stèles ou plaques commémorent le martyre des prisonniers et déportés de Royallieu. Stèle à la mémoire des déportés de Royallieu sur le monument aux morts érigé en 1972. (Photo ONAC de l’Oise) Parmi les internés de Royallieu, des noms connus apparaissent : ■ Michel Clemenceau, fils de Georges Clemenceau ■ Pierre et Geneviève de Gaulle, respectivement frère et nièce du Général de Gaulle, ■ Charlotte Delbo, déportée Résistante, ■ Robert Desnos, poète et écrivain, ■ le Colonel Frédéric Manhès, compagnon de lutte de Jean Moulin, ■ Albert Sarrault, homme politique français (1872-1962), président du Conseil de 1933 à 1936, ■ Jorge Semprun, écrivain, ministre de la culture du gouvernement espagnol entre 1988 et 1991, élu à l’Académie Goncourt en 1996. ■ Marie-Claude Vaillant-Couturier, veuve de Paul Vaillant-Couturier (1892-1937), journaliste et rédacteur en chef du journal L’Humanité de 1928 à 1937. 24 !"#$%&'(()*+,,---&2 (&.'/.((---('011 Stèle en mémoire des internés au camp de Royallieu (Doc. ONAC de l’Oise) Le cadre représentant une croix de Lorraine a été érigé par des prisonniers de guerre allemands après la Seconde Guerre mondiale. Il a été transféré au Musée de la Libération situé à l’Hôtel National des Invalides (Paris). Le quai des déportés Devenu le symbole de la déportation dans l’Oise, ce quai de la gare de Margny-lesCompiègne se situe dans le prolongement du quai des voyageurs. Destiné dans un Stèle à la mémoire des déportés. premier temps à (Photo ONAC de l’Oise) être utilisé pour le fret, il a été classé à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques. Une stèle à la mémoire des 50 000 hommes et femmes partis de Compiègne pour les camps nazis y a été inaugurée le 2 juillet 2000. Un projet de mémorial, composé de deux wagons et de figurines en métal devrait rapidement voir le jour. 25 !"#$%&'(()*+,,---&3 (&.'/.((---('011 Ouvrages généraux POUR EN SAVOIR PLUS Azéma Jean-Pierre, De Munich à la Libération, Editions du Seuil, 1992. Azéma Jean-Pierre, Bédarida François (dir.), Vichy et les Français, Fayard, 1993. Besse Jean-Pierre, Pouty Thomas, Les fusillés, Les Editions de l’Atelier, 2006. Durand Yves, La France dans la seconde guerre mondiale, Colin, 1989. Ouvrages sur l’Oise et sur le camp de Royallieu Besse Jean-Pierre, L’Oise septembre 1940-septembre 1944, Chez l’auteur, 1994, Conseil Général de l’Oise, 1944 l’Oise est libérée !, Archives départementales de l’Oise, 2004. Husser Beate, Besse Jean-Pierre, Leclère-Rosenzweig Françoise, Frontstalag 122 Compiègne-Royallieu, Archives départementales de l’Oise, 2008. Leclère-Rosenzweig Françoise, l’Oise allemande (25 juin 1940 2 septembre 1944), Résistance 60, 2004. Leprêtre Xavier, De la Résistance à la Déportation, CompiègneRoyallieu 1940-1944, Compiègne, 1994. Leprêtre Xavier, Même au péril de la liberté, Senlis-Chantilly 19401944, Noyon, 1993. Poirmeur André, 1939-1945, Compiègne, 1962. Pouteau Sylvain, Royallieu Compiègne 80 ans d’histoire, Montargis, 1993. Articles -N°61-62 des Annales Historiques Compiégnoises, Il y a cinquante ans, la seconde guerre mondiale dans l’Oise, 1995. -N°28 des Annales Historiques Compiégnoises, La Seconde Guerre mondiale dans l’Oise, hiver 1984-1985 CD Rom « Résistance 60 », La Résistance dans l’Oise, Association pour des Etudes sur la Résistance Intérieure, Paris, 2003. 26 !"#$%&'(()*+,,---&4 (&.'/.((---('011 REMERCIEMENTS ■ La Fondation pour la Mémoire de la Déportation, ■ la Société d’Histoire moderne et contemporaine de Compiègne, éditeur des Annales Historiques Compiégnoises, ■ M. Lagouche Jean (✝), alors responsable du Musée de l’Aviation de Warluis (Oise). ■ M. Terrier Jean-Marie, adjoint au directeur des Archives Départementales de l’Oise, ■ Les membres du comité de lecture, madame et messieurs ■ Bellot Roger, président de l’Association des Déportés, Internés et Familles de Disparus, ■ Besse Jean-Pierre, docteur en histoire, président de l’association Résistance 60, ■ Biette Ernest (✝), alors président de l’Association Départementale de l’Oise des Déportés, Internés, Résistants, Patriotes et leurs Familles, ■ Rosenzweig Françoise, docteur en histoire, ■ Vigny Jacques, ancien interné de Royallieu et trésorier de l’Amicale des Anciens Déportés de Neu-Stassfurt. ■ Zerline Raymond, président du Comité d’Entente des Associations issues de la Résistance et de la Déportation de l’Oise, ■ Les anciens internés de Royallieu et leurs familles qui, par leurs remarques et conseils, ont permis de corriger les quelques erreurs relevées dans les précédentes éditions de ce livret. Une stèle, située Rue de Harley à Compiègne à côté d’un pont qui enjambe l’Oise, rappelle aux passants la mémoire des déportés. (Doc Annales Historiques Compiègnoises) !"#$%&'(()*+,,---&/ 27 (&.'/.((---('011 !"#$%&'()*+,-!.+*%/%01234256 Livret réalisé par le Service Départemental de l’Oise de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre 6, rue du Franc Marché - BP 50739 - 60007 BEAUVAIS Cedex ()*+&,%-.".!!.!"-//0.1 !"#$%&'(()*+,,---&5 2345678476&"$!!&9:;3<<6=><??&&&! (&.'/.((---('011