Tabagisme du personnel du centre hospitalier de

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Tabagisme du personnel du centre hospitalier de
Revue des Maladies Respiratoires (2011) 28, 1104—1110
ARTICLE ORIGINAL
Tabagisme du personnel du centre hospitalier de
Rochefort-sur-Mer
Smoking habits among staff at the Rochefort-sur-Mer Hospital
B. Fougere a,b,c,∗, M. Underner a,b,c, P. Ingrand a,b,c,
J.-C. Meurice a,b,c
a
Unité de tabacologie, service de pneumologie, CHU la Milètrie, BP 577, pavillon Beauchant,
86021 Poitiers cedex, France
b
Service d’information médicale, CHU la Milètrie, 86021 Poitiers, France
c
Service de pneumologie, CHU la Milètrie, BP 577, pavillon Beauchant, 86021 Poitiers cedex,
France
Reçu le 30 juin 2010 ; accepté le 18 mars 2011
Disponible sur Internet le 13 octobre 2011
MOTS CLÉS
Tabagisme ;
Personnel de santé ;
Prévention ;
Hôpital ;
Épidémiologie
∗
Résumé
Objectif. — Établir un état des lieux du tabagisme du personnel hospitalier afin de mieux définir
les populations exposées et ainsi ouvrir la voie à des actions de prévention ciblées dont on peut
attendre un meilleur impact.
Patients et méthodes. — Cette enquête a été réalisée au centre hospitalier de Rochefort-surMer en mars 2008. Les données sociodémographiques de la population répondante et les
différentes caractéristiques des fumeurs ont été étudiées. La dépendance des fumeurs et le
tabagisme sur le lieu de travail ont également été évalués. Les résultats ont été comparés à
ceux de l’enquête « Baromètre tabac personnel hospitalier 2003 ».
Résultats. — Avec un taux de participation de 57 %, la population étudiée est caractérisée par
sa forte féminisation (82 %). La proportion de fumeurs est de 29 %, proche de celle retrouvée
dans la population générale (30 %) mais supérieure aux 24 % de l’enquête du Baromètre tabac
personnel hospitalier de 2003. Le personnel hospitalier est néanmoins faiblement dépendant
du tabac. L’attitude face au tabac est fortement reliée à la catégorie socioprofessionnelle. Les
agents de services hospitaliers et les aide soignants sont les plus touchés par le tabagisme et
également les plus dépendants. Enfin, l’hôpital est devenu un véritable lieu sans tabac.
Conclusion. — Il est essentiel de promouvoir des actions de prévention du tabagisme auprès
du personnel hospitalier en tenant compte de ses spécificités (forte féminisation). Des actions
ciblées devraient être réalisées auprès des catégories les plus touchées (agents des services
hospitaliers et aides-soignants).
© 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (B. Fougere).
0761-8425/$ — see front matter © 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rmr.2011.03.016
Tabagisme du personnel hospitalier
KEYWORDS
Tobacco smoking;
Health staff;
Prevention;
Hospital
environment;
Epidemiology
1105
Summary
Objective. — The aim of the study was to establish an inventory of staff in the hospital who
smoked to allow better identification of people at risk and thus develop targeted preventive
strategies, which we hoped would be more effective.
Patients and methods. — This survey was conducted at the Rochefort-sur-Mer Hospital in March
2008. The sociodemographic characteristics of the population responding and differences in
characteristics between smokers and non-smokers were examined. The level of dependence
of smokers and patterns of smoking in the workplace were also evaluated. The results were
compared with those of the survey ‘‘Baromètre tabac personnel hospitalier 2003’’.
Results. — The response rate was 57%, with the study population characterized by a high proportion of women (82%). The proportion of smokers was 29%, similar to that found in the general
population (30%) but higher than 24% of the survey of hospital staff Tobacco Barometer 2003.
The hospital staff is still weakly dependent on tobacco. The attitude to smoking was strongly
linked to socioeconomic group and the domestic staff and health care assistants were most
likely to smoke and were also the most dependent. Finally, the hospital has itself become a
smoke free environment without tobacco.
Conclusion. — It is essential to promote measures to prevent smoking among hospital staff
taking into account its specific features (high proportion of women). Targeted actions should in
particular be conducted amongst the groups of workers who are the most affected.
© 2011 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Ces dernières années, la lutte contre le tabagisme a pris
une importance considérable dans notre pays. Inscrite en
priorité du « Plan cancer » lancé par les pouvoirs publics,
elle revêt pour les professionnels de santé un caractère d’exemplarité qui renforce la crédibilité du discours
préventif auprès du public. C’est dans cette perspective
qu’intervient le Réseau hôpital sans tabac (RHST) dont les
missions portent sur la prévention et la prise en charge du
tabagisme en milieu hospitalier. La Charte hôpital sans tabac
en dix points constitue l’engagement fondamental de ses
adhérents. Cette étude a pour objectif d’évaluer la prévalence et l’évolution du tabagisme des personnels hospitaliers
et permet des comparaisons avec les observations disponibles dans la littérature.
Avec 30 % de fumeurs dans la population générale [1], la
France est encore loin de l’objectif de 20 %, chiffre instauré
par le Bureau régional pour l’Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des niveaux atteints par certains
autres pays développés comme l’Islande (20 %), le Canada
(18 %) ou la Suède (16 %) [2]. Le nouveau « Plan cancer »
2009—2013 a pour objectif de réduire le nombre global de
fumeurs à 20 % de la population générale afin de situer la
France dans la tranche basse de l’Union européenne [3].
Dans cette démarche, le personnel hospitalier joue un rôle
essentiel. En complément des soins, les professionnels de
santé ont également des missions d’éducation et de prévention en incitant les fumeurs à modifier leur comportement
et en leur expliquant les conséquences du tabagisme.
En France, l’article 4 du décret du 12 septembre 1977,
découlant de la loi du 9 juillet 1976 dite « Loi Veil », prohibait explicitement l’usage du tabac dans les établissements
de santé, pour tous les locaux destinés à accueillir, soigner ou héberger des malades [4]. Mais son application n’a
jamais pu être mise en œuvre. Ce décret fut remplacé
par la « Loi Evin » du 10 janvier 1991 qui reconnaît le principe de protection des non-fumeurs par l’interdiction de
fumer dans tous les locaux à usage collectif, clos et couverts
[5]. Cependant, cette réglementation envisageait que des
emplacements soient dédiés aux patients, visiteurs ou personnel fumeurs. Le décret du 15 novembre 2006 dit « Décret
Bertrand » [6], complété de la circulaire d’application du
8 décembre 2006, rend l’interdiction de fumer dans les établissements de santé totale, depuis le 1er février 2007.
La première enquête « Baromètre soignant » a été réalisée en 1995 et mettait en évidence un niveau de tabagisme
comparable entre les professionnels de santé (33 %) et la
population générale (34 %) [7]. En 2001, le « Baromètre soignant », réalisé auprès de neuf centres hospitaliers (CH),
prenait en compte cinq catégories socioprofessionnelles
(CSP) (médecins, infirmiers, aides-soignants [AS], sagesfemmes, masseurs kinésithérapeutes). Son objectif était
essentiellement la validation méthodologique de l’enquête.
La prévalence du tabagisme chez les soignants était alors de
33 % ; 22 % déclaraient être des ex-fumeurs et 40 % n’avoir
jamais fumé [8] (95 % des personnes interrogées avaient
répondu à la question concernant leur statut tabagique).
En 2002, l’enquête « Baromètre personnel hospitalier » s’est
étendue au personnel administratif. Elle a été réalisée
auprès de 58 établissements répartis sur l’ensemble du
territoire. La prévalence du tabagisme du personnel hospitalier était de 31 %, pratiquement identique à celle de
l’année précédente. Vingt-quatre pour cent des personnes
se déclaraient ex-fumeurs et 45 % comme n’ayant jamais
fumé [9]. En 2003, l’enquête « Baromètre tabac personnel hospitalier » concernait alors 184 établissements de soins
dont 169 ont pu être pris en compte. L’année 2003 a été
marquée par une diminution importante (24 %) de la prévalence du tabagisme du personnel hospitalier, probablement
en rapport avec le « Plan cancer ». Cette diminution étant
retrouvée à la fois chez les fumeurs quotidiens (au moins une
1106
B. Fougere et al.
cigarette par jour) et chez les fumeurs occasionnels (moins
d’une cigarette par jour). Vingt-quatre pour cent des personnes se déclaraient ex-fumeurs et 52 % comme n’ayant
jamais fumé [10].
L’enquête réalisée au CH de Rochefort-sur-Mer
(Charente-Maritime, 17) en 2008 a pour but de faire
l’état des lieux du tabagisme au sein du personnel hospitalier, afin de mieux cerner les populations exposées et ainsi
ouvrir la voie à des actions de prévention ciblées dont on
peut attendre un meilleur impact.
Population et méthodes
Population de l’étude
Cette enquête sur le tabagisme du personnel hospitalier a
été réalisée au CH de Rochefort-sur-Mer en mars 2008. Les
1062 agents de l’hôpital ont été invités à répondre à un questionnaire. Six cent six questionnaires ont été recueillis, le
taux de participation étant donc de 57 %.
Support de l’étude
Le questionnaire utilisé pour l’enquête est anonyme et
comporte 21 questions. Il a été élaboré en association avec
le service de santé au travail (SST) du CH de Rochefortsur-Mer en s’inspirant de celui qui a servi de support
à l’enquête « Baromètre tabac personnel hospitalier » de
2003 [10]. L’ensemble des questions permet de recueillir
des données sociodémographiques sur la population répondante, d’évaluer le tabagisme du personnel hospitalier
sur leur lieu de travail, de juger de la dépendance des
fumeurs et d’analyser l’influence du stress au travail sur
la consommation de tabac. La distribution de ce questionnaire à l’ensemble du personnel hospitalier s’inscrit dans
une démarche pédagogique qui vise à attirer l’attention sur
le tabagisme à l’hôpital.
Recueil des informations
Le questionnaire a été confié aux cadres de santé de tous
les services du CH le 1er mars 2008. Il leur a été demandé
de les distribuer à leurs agents mais aucune modalité de
distribution ne leur a été donnée. De ce fait, certains
cadres de santé ont simplement déposé les questionnaires
sur un bureau, les mettant ainsi à disposition du personnel.
D’autres les ont remis personnellement à leurs agents. Enfin,
quelques cadres ont établi une liste de leur personnel et ont
noté les agents qui ont répondu au questionnaire. Chaque
agent pouvait ensuite renvoyer le questionnaire rempli au
SST par courrier interne avant le 31 mars 2008.
Analyse statistique
Pour l’analyse des résultats, le terme « fumeur » fait référence aux fumeurs quotidiens (au moins une cigarette par
jour) et aux fumeurs occasionnels (moins d’une cigarette
par jour), le terme « ex-fumeur » correspond aux personnes
ayant arrêté de fumer depuis au moins six mois et le terme
« non-fumeur » fait référence aux personnes n’ayant jamais
fumé (jamais fumeur). Aucun questionnaire n’a présenté de
Figure 1. Prévalence du tabagisme (fumeurs actuels) en fonction
de la catégorie socioprofessionnelle.
donnée manquante en ce qui concerne les données sociodémographiques (sexe, tranches d’âge, CSP, horaires de travail
et services). En cas de donnée manquante au niveau du
questionnaire de Fagerström, il ne fallait pas que celle-ci
corresponde à la question 1 (Combien de temps, après vous
êtes réveillé (e), fumez-vous votre première cigarette ?) ou
4 (Combien de cigarettes fumez-vous par jour, en moyenne ?)
et il ne fallait pas plus d’une réponse manquante. En effet,
ces deux questions, 1 et 4, sont les plus importantes du questionnaire de Fagerström.
Les tests statistiques utilisés sont le test du Chi2 et le
test du Chi2 de tendance pour la comparaison des pourcentages et le test non paramétrique de Mann Whitney pour la
comparaison des moyennes.
Résultats
Données sociodémographiques
Lors de notre enquête en mars 2008, 606 agents sur les
1062 interrogés, soit 57 % des effectifs ont répondu au questionnaire. La population étudiée est caractérisée par sa
forte féminisation (82 %). Les tranches d’âges 36—45 ans et
46—55 ans représentent près des deux tiers de la population
répondante (66 %). Il apparaît des inégalités importantes
dans la représentation des CSP ; les catégories infirmiers
diplômés d’état (IDE) et AS représentant à elles seules plus
de la moitié (53 %) de l’échantillon.
Prévalence du tabagisme
Parmi les 606 répondants, 176 (29 %) sont des fumeurs
actuels, 140 (23,1 %) des ex-fumeurs et 290 (48 %) n’ont
jamais fumé. Les hommes sont plus souvent fumeurs que
les femmes (38 % contre 27 %). La tranche d’âge 18—25 ans
est celle où la prévalence du tabagisme est la plus importante. En outre, plus l’âge des sujets augmente, moins ils
ont tendance à fumer (Tableau 1). Rapporté aux effectifs,
les agents de service hospitaliers (ASH) sont les plus fumeurs
(48 %) (Fig. 1).
Dépendance tabagique
La dépendance tabagique évaluée par le test de Fagerström
montre un score moyen de 2,6/10. Le sexe ne modifie pas
Tabagisme du personnel hospitalier
Tableau 1
1107
Proportion de fumeurs actuels, ex-fumeurs et jamais fumeurs selon les tranches d’âge.
Tranches d’âges (ans)
Fumeurs actuels % (n)
Ex-fumeurs % (n)
Jamais fumeurs % (n)
18
26
36
46
56
39
30
30
27
13
9
18
27
27
20
52
52
43
46
67
—
—
—
—
—
25
35
45
55
65
Total
(17)
(41)
(60)
(54)
(4)
176
(4)
(24)
(53)
(53)
(6)
140
(23)
(70)
(86)
(91)
(20)
290
la dépendance des fumeurs parmi le personnel hospitalier. À
l’exception de la tranche d’âges 56—65 ans, la dépendance
des fumeurs augmente significativement avec l’âge (Fig. 2).
Les AS, ASH et le personnel technique sont significativement
plus dépendants que les autres CSP. La seule variable significative pour la dépendance des fumeurs est donc la catégorie
socioprofessionnelle. Une partie de l’effet de l’âge sur la
dépendance des fumeurs est liée à la catégorie socioprofessionnelle.
leurs pauses. Cinquante-six pour cent des ex-fumeurs et des
jamais fumeurs pensent que leurs conditions de travail se
sont améliorées depuis l’interdiction totale de fumer dans
les lieux publics.
Arrêt du tabac
Les données sociodémographiques concernant le personnel
du CH de Rochefort-sur-Mer sont proches de celles des autres
hôpitaux français. La population étudiée est caractérisée
par sa forte féminisation (82 %) ce qui correspond à la structure des personnels hospitaliers et à ce qui est retrouvé dans
l’enquête « Baromètre tabac personnel hospitalier de 2003 »
(80 %) [10]. Cette donnée doit être considérée en tenant
compte de la spécificité du tabagisme féminin. En effet,
les motivations au sevrage des femmes fumeuses présentent
des caractéristiques spécifiques notamment l’influence de la
prise de poids dans la démarche d’arrêt du tabac. De plus,
la dimension psychologique du tabagisme féminin (détente,
moments à soi, etc.) s’oppose aux conditions de travail en
milieu hospitalier (stress, exigence de disponibilité, etc.)
auxquelles s’ajoutent les contraintes habituelles de la vie
quotidienne des femmes.
Parmi les fumeurs, 76 % ont déjà tenté d’arrêter au moins
une fois. En regroupant les différentes CSP en deux groupes
soignants et non soignants, cette étude a noté que les soignants ont plus souvent tenté d’arrêter de fumer que les
non soignants. Parallèlement, 65 % des fumeurs souhaitent
arrêter de fumer et 50 % souhaitent une aide au sevrage
tabagique. Il existe une différence significative de la dépendance des fumeurs qui souhaitent une aide à l’arrêt du
tabac. En effet, plus la dépendance du fumeur est forte,
plus le souhait d’une aide à l’arrêt est important (Fig. 3).
Le tabagisme sur le lieu de travail
Quatre-vingt-six pour cent des personnes pensent que
l’interdiction de fumer au sein du CH est respectée. Vingtneuf pour cent des fumeurs trouvent qu’il est difficile de
respecter l’interdiction de fumer pendant les horaires de
travail et 84 % d’entre eux ont besoin de fumer durant
Figure 2. Scores moyens du test de dépendance tabagique de
Fagerström en fonction de l’âge.
Discussion
Données sociodémographiques
Tabac et personnel hospitalier
Notre enquête retrouve 29 % de fumeurs parmi les répondants qu’ils soient fumeurs réguliers (au moins une cigarette
Figure 3. Souhaits d’aide pour arrêter le tabac chez les fumeurs
en fonction de leur dépendance.
1108
par jour) ou occasionnels (moins d’une cigarette par jour).
Parmi les non-fumeurs, 23 % sont des ex-fumeurs et 48 %
n’ont jamais fumé (Fig. 1). Cette proportion de fumeurs
est plus élevée que celle retrouvée dans le « Baromètre
tabac personnel hospitalier 2003 » (24 %) [10]. La proportion importante de fumeurs ayant arrêté (23 %) pourrait
être un bon indicateur de l’intérêt et de la pertinence
des actions de prévention. Les hommes sont plus souvent
fumeurs que les femmes (38 % contre 27 %), donnée également retrouvée dans l’enquête « Baromètre tabac personnel
hospitalier 2003 » où 23 % des femmes fument contre 26 % des
hommes [10]. Comme dans la population générale, notre
étude montre que les 18—25 ans sont les plus touchés par
le tabagisme. Les ASH sont ceux qui fument les plus avec
près de la moitié de fumeurs dans cette CSP (48 %). On
aurait pu penser que cette population aurait été pénalisée
par l’augmentation du prix du tabac mais en fait, elle ne
paraît pas sensible aux campagnes de prévention. Ce constat
illustre bien l’existence d’inégalités sociales face au tabagisme [11]. Lorsque les difficultés sociales ou psychologiques
sont plus importantes, la prévention n’est peut-être pas la
priorité de ces personnes.
Dépendance tabagique et sevrage
La dépendance tabagique, évaluée par le test de Fagerström, révèle un score moyen assez faible de 2,6/10. Dans
l’enquête « Baromètre tabac personnel hospitalier 2003 »,
45 % des fumeurs allumaient leur première cigarette plus
d’une heure après le réveil traduisant également une
dépendance faible du personnel hospitalier fumeur [10].
Le personnel ayant le degré de dépendance le plus élevé
correspond le plus souvent au personnel le plus âgé, aux
agents de services hospitaliers, aides soignants et personnels techniques. Les autres données, comme le sexe, les
horaires de travail et le service, n’étant pas significatives.
L’enquête « Baromètre tabac personnel hospitalier 2003 »
retrouve ces mêmes résultats [10]. Dans l’enquête au CH de
Rochefort-sur-Mer de nombreux fumeurs et principalement
des soignants ont déjà tenté d’arrêter de fumer au moins
une fois (76 %). Parallèlement à la dépendance et aux tentatives d’arrêt, les souhaits d’arrêt sont manifestes puisque
65 % des fumeurs y pensent. Le même chiffre est retrouvé
dans l’étude de 2003 (65 %). En revanche, dans cette même
étude, seulement 48 % des fumeurs envisageaient d’arrêter
dans le mois ou dans l’année [10]. Près de la moitié des
fumeurs souhaitent une aide pour arrêter de fumeur. Le souhait d’aide en fonction de la dépendance montre que plus la
dépendance est forte, plus le souhait d’aide est important
(Fig. 3). Cette donnée est retrouvée dans le « Baromètre
santé 2000 ». Le désir d’aide à l’arrêt du tabac était d’autant
plus important que le sujet était dépendant [12].
Le tabac à l’hôpital
Près de neuf agents sur dix (86 %) pensent que l’interdiction
de fumer au CH est respectée. Dans l’enquête « Baromètre
tabac personnel hospitalier 2003 », 61 % des hospitaliers
trouvaient que la loi Evin n’était pas respectée [10]. Dans
le « Baromètre soignant 2002 », face à l’affirmation « On ne
fume pas dans tout l’hôpital », 36 % seulement répondaient
« oui » [9]. On peut donc penser que la circulaire de février
B. Fougere et al.
Figure 4. Comparaison du tabagisme du personnel hospitalier et
de la population générale.
2007 a permis à l’hôpital de devenir un véritable lieu sans
tabac [6].
Limites méthodologiques de l’étude
Il aurait été intéressant d’évaluer de façon plus précise
les critères de stress avec des questions permettant de
le quantifier. Concernant la représentation de la catégorie « Étudiant », il peut exister un biais de recrutement. En
effet, certains étudiants ont rempli le questionnaire en se
projetant dans la catégorie socioprofessionnelle de leur profession future alors qu’ils ne sont pas répertoriés dans le
personnel. Il aurait été intéressant de connaître le nombre
précis d’étudiants présents au CH au moment de l’étude et
d’intégrer cette donnée dans le questionnaire. Les questionnaires ont été donnés aux cadres de santé des différents
services en leur demandant de les distribuer à leur personnel. Aucune recommandation précise sur les modalités
de distribution ne leur a été donnée. Certains cadres de
santé se sont contentés de déposer les questionnaires sur un
bureau, les mettant ainsi à la disposition du personnel. De ce
fait, certains ont pu remplir plusieurs questionnaires favorisant un biais de recrutement. Cependant, la plupart des
cadres de santé ont distribué les questionnaires à leur personnel sans noter les agents qui l’ont reçu. Enfin, quelques
cadres ont établi une liste de leur personnel en notant les
agents ayant reçu le questionnaire et ceux qui l’ont complété et rendu. Dans ce cas, tout biais de recrutement est
évité et cela permet d’optimiser le taux de participation.
Signification de l’étude
Le bilan du tabagisme au CH de Rochefort-sur-Mer apparaît
contrasté. En effet, la prévalence du tabagisme est proche
de celle retrouvée dans la population générale et est plus
élevée que dans l’enquête « Baromètre 2003 tabac personnel hospitalier » (Fig. 4). Ces données doivent cependant
tenir compte du niveau socioéconomique de la population
rochefortaise qui semble moins aisée. Les résultats de cette
enquête aident à mieux identifier le personnel exposé au
tabagisme. La catégorie socioprofessionnelle est le critère
sur lequel il est important de mettre en place des stratégies
de prévention et de prise en charge du tabagisme. Ce sont
les groupes sociaux aux revenus moins élevés (AS et ASH)
Tabagisme du personnel hospitalier
qui devraient être les premiers concernés par les campagnes
de prévention [13]. Plutôt que des actions indifférenciées,
les résultats de l’étude ouvrent la voie à des interventions
ciblées dont on peut attendre un meilleur impact. Au regard
de ces informations, les responsables administratifs et médicaux doivent donc poursuivre l’information des hospitaliers
en matière de prévention et de prise en charge du tabagisme. Le RHST peut les aider en leur apportant son soutien
en termes de stratégie, de logistique et de formation. La
croissance du RHST de 250 hôpitaux début 2001, à près de
900 fin 2007, témoigne d’ailleurs de l’évolution du comportement du monde hospitalier vis-à-vis du tabagisme.
1109
réaliser pour renforcer la motivation de ceux qui désirent
arrêter et les aider dans leur démarche de sevrage. Pour
cela, une information et une aide plus particulière devront
être effectuées auprès des aides soignants et agents de services hospitaliers qui sont les plus touchés par le tabagisme.
En complément des campagnes nationales d’information,
des actions ciblées devront donc être menées en direction
de ces CSP. Dans une étude ultérieure, interventionnelle,
ces opérations pourront faire l’objet d’une évaluation afin
d’apprécier leur impact et les faire évoluer.
Déclaration d’intérêts
Conclusion
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
À la suite de cette enquête auprès du personnel hospitalier, une réflexion doit être menée sur le type d’action à
Annexe 1. Questionnaire
ENQUÊTE SUR LE TABAGISME DU PERSONNEL AU CENTRE HOSPITALIER DE ROCHEFORT-SUR-MER
SERVICE. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .
SEXE
Féminin
Masculin
AGE
18 — 25 ans
26 - 35 ans
36 — 45 ans
46 — 55 ans
56 — 65 ans
CATEGORIE SOCIO-PROFESSIONNELLE
I.D.E.
Technique
Médico-technique
A.S.
Administratif
Personnel de soins autres
A.S.H.
Personnel Médical
TRAVAILLEZ-VOUS
de jour
de nuit
en équipe alternante
L’INTERDICTION DE FUMER VOUS SEMBLE-T-ELLE RESPECTEE PAR LE PERSONNEL AU CENTRE HOSPITALIER ?
Oui
Non
ÊTES-VOUS FUMEUR ?
Oui (reportez-vous au A)
Non (reportez-vous au B)
Ex-fumeur (reportez-vous au B)
A — Vous êtes fumeur
Combien de temps, après vous êtes réveillé (e), fumez-vous votre première cigarette ?
Moins de 5 minutes
de 6 à 30 minutes
de 31 à 60 minutes
après 61 minutes
Trouvez-vous difficile de respecter l’interdiction de fumer dans les lieux publics ?
Oui
Non
Quelle cigarette trouvez-vous la plus indispensable ?
la première
une autre
Combien de cigarettes fumez-vous par jour, en moyenne ?
10 ou moins
11 à 20
21 à 30
31 ou plus
Fumez-vous, de façon plus rapprochée, dans la première heure, après le réveil que pendant le reste de la journée ?
Oui
Non
1110
B. Fougere et al.
Fumez-vous, même si une maladie vous oblige à rester au lit ?
Oui
Non
Trouvez-vous difficile de respecter l’interdiction de fumer au Centre Hospitalier pendant vos horaires de travail ?
Oui
Non
Fumez-vous durant vos pauses à l’hôpital ?
Oui
Non
Pensez-vous que le stress au travail vous paraît influence votre consommation tabagique ?
Oui
Non
Avez-vous déjà arrêté de fumer ?
Oui
Non
Souhaiteriez-vous arrêter de fumer ?
Oui
Non
Souhaiteriez-vous une aide pour arrêter de fumer ?
Oui
médicamenteuse
psychologique
les deux
autre. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .
Oui
B — VOUS ÊTES NON-FUMEUR OU EX-FUMEUR
Depuis l’interdiction de fumer, avez-vous constaté une amélioration de vos conditions de travail ?
Oui
Non
Si vous êtes ex-fumeur, depuis quand avez-vous arrêté de fumer ?
avant février 2007
après février 2007
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