Lire l`article de Ouest France

Transcription

Lire l`article de Ouest France
Monde / France
3
Les droits de l’Homme à la moulinette saoudienne
Crucifiées, décapitées, flagellées… 150 personnes ont été exécutées en Arabie depuis janvier.
Une femme adultère, un jeune manifestant, un blogueur et un poète attendent leur tour.
Comment désengorger les prisons ? Comment éviter la récidive ?
Dans un même livre, un élu de gauche et un de droite répondent.
On ne badine pas avec la charia.
Partisane d’une application rigoriste
de la loi islamique, l’Arabie Saoudite exécute à tout va. Depuis janvier,
le pays a exécuté 150 personnes,
contre 87 en 2014. Sombre record.
Amnesty International dénonce aussi les tortures infligées aux détenus.
En septembre, un émissaire saoudien a pourtant pris la direction
du panel du conseil des droits de
l’Homme de l’Onu. Un choix sidérant pour les minorités, les dissidents
et les femmes (lire en Cultures) maltraités, voire persécutés dans tout le
pays.
Lapidée à mort
Son amant écope de 100 coups
de fouet. Pour elle, ce sera la lapidation en place publique.
La mort, prix de l’adultère au pays où
Davantage de places de prisons ? Il
y en a actuellement près de 58 000
pour un peu plus de 66 000 détenus.
Nicolas Sarkozy, candidat à l’élection
présidentielle en 2012, proposait de
porter le nombre de places à 80 000.
« Je suis revenu sur cette position.
Financièrement, ce n’est pas possible », convient Stéphane Jacquot,
ancien secrétaire national de l’UMP
et conseiller de Nicolas Sarkozy sur
les politiques pénitentiaires. « Le
coût d’investissement serait phénoménal. Sans compter le coût de
fonctionnement : environ 100 € par
jour et par détenu », note Dominique
Raimbourg, député PS de LoireAtlantique. Les deux misent plutôt
sur 65 000 places.
DR / EPA / MAXPPP
Décapité puis crucifié
Ali Mohammed Al-Nimr, 17 ans, s’est
risqué à manifester contre la famille
royale en 2012. Arrêté pour activisme,
il aurait aussi avoué, sous la torture,
détenir des armes. Neveu d’un célèbre opposant (exécuté en 2011), il
est surtout coupable d’appartenir à
la communauté chiite (10 % de la population), considérée comme un ennemi de l’intérieur.
Ses jours sont comptés : il doit être
décapité puis crucifié en place publique. Son frère, étudiant aux ÉtatsUnis, et sa mère restée au pays en
appellent à l’opinion internationale et
« au président Obama » pour intercéder en sa faveur.
De gauche à droite et de haut en bas : Ali Al-Nimr, Raif Badawi, Ashraf Fayad et une manifestation de soutien
à une Sri-Lankaise condamnée pour adultère.
l’homme est roi, pour cette mère de
famille de 45 ans, employée de maison. Reste un espoir : le Sri Lanka,
son pays d’origine, a obtenu mardi la
tenue d’un nouveau procès.
Fouetté mille fois
Le blogueur saoudien Raif Badawi,
lauréat du prix Sakharov 2015 pour
la liberté de l’esprit, a été condamné en 2014 à dix ans de prison et
1 000 coups de fouet pour « insulte à
l’islam ».
La mobilisation internationale n’y a
rien fait : il a reçu 50 premiers coups
de fouet, en public, le 9 janvier. Depuis, rien. Mais la Cour suprême a
confirmé sa peine, le 7 juin.
« L’article 32 de la Charte arabe
des droits de l’Homme, ratifiée par
l’Arabie, garantit pourtant le droit à
la liberté d’opinion », note l’ONG Human Rights Watch.
Décapités au sabre
Le roi ne goûte pas ses poèmes.
L’artiste palestinien Ashraf Fayadh,
35 ans, a été condamné à la décapitation, il y a deux semaines
pour « propagande athéiste et blasphème ». Il a jusqu’au 20 décembre
pour faire appel.
Le Pakistanais Iqbal Khan, trafiquant d’héroïne, et le Saoudien Haïdar al-Radhouane jugé coupable
d’un double meurtre ont, eux, été décapités dès mardi. À coups de sabre.
Cécile RÉTO.
Estropiée par un trimaran, la victime témoigne
Un géant des mers face à un petit canot. La collision, en juin, à Lorient, n’a laissé aucune chance
à Virginie, aujourd’hui amputée d’une jambe. Avant le procès, elle raconte.
Sa vie a basculé en quelques
secondes. Virginie Le Namouric,
48 ans, a été percutée par le safran
(partie du gouvernail) du maxi-trimaran Spindrift 2, alors qu’elle se
trouvait à bord d’un canot pneumatique à l’arrêt. C’était le 16 juin, à Lorient (Morbihan), lors du départ de la
course Volvo Ocean Race.
Avec sa fille et un ami, elle accompagnait son mari, commissaire de
course bénévole. La quadragénaire,
domiciliée à Ploemeur (Morbihan),
a été violemment projetée dans
l’océan. Sa fille Lolita, 26 ans, a plongé. « Elle m’a sauvé la vie en me tenant la tête hors de l’eau. »
« Je ne me souviens de rien »,
dit-elle. Elle s’est réveillée trois jours
après l’accident avec la jambe
gauche amputée, une triple fracture
ouverte à la droite et « beaucoup de
douleur ». « J’ai demandé au chirurgien si je serai capable de remarcher ? Il m’a dit oui. C’est ce qui m’a
permis de tenir le coup. »
Aujourd’hui, Virginie est en fauteuil, en rééducation au centre de
Kerpape. « Je remarche de mieux
en mieux », avec un genou verrouillé
et une jambe mécanique provisoire.
Elle a déjà subi deux opérations. La
prochaine aura lieu en janvier. « Pour
retrouver une vie normale, ça va
prendre du temps. »
« Je n’ai pas de colère »
Virginie a porté plainte contre X début septembre. L’enquête de la gendarmerie maritime est bouclée ; le
procès fixé au 10 février au tribunal
de Lorient. « J’appréhende. Mais
c’est important pour me reconstruire. Je n’ai pas de colère. Juste
Virginie Le Namouric est en rééducation au centre de Kerpape.
besoin d’explications. »
Yann Guichard, qui était à la barre
du voilier, comparaîtra pour blessures involontaires et mise en danger
d’autrui. Propriété de la milliardaire
Dona Bertarelli, le Spindrift 2 est le
plus grand trimaran de course au
monde. Avec ses 40 m et 25 tonnes,
il se manœuvre difficilement.
Plusieurs questions se posent. À
commencer par celle de la présence
du voilier, qui n’était pas concurrent
de la course, dans un espace réservé
aux bateaux de l’organisation. « Il ne
devait pas être sur cette zone », affirmait, fin juin, Alexis Bouroz, procureur de la République. « Il aurait pu
faire plus de dégâts. Le canot, lui,
était à sa place », affirme l’avocate
de la victime, Christine Julienne. « Ça
fait partie des questions qui seront
au cœur des débats », confirme
l’avocat de Yann Guichard, Léon Del
Forno.
Nadine BOURSIER.
Le monde et la France en bref
AccorHotels dans l’hôtellerie mondiale haut de gamme Mise en garde contre un antiépileptique
La Haute autorité de santé (Has) a
rappelé, hier, les risques et les alternatives à ce médicament commercialisé en France depuis 1967 par
Sanofi, puis sous forme générique
par d’autres laboratoires. L’acide valproïque ou valproate, vendu sous les
noms Dépakine, Micropakine, Dépakote, Dépamide et génériques,
ne doit « pas être prescrit chez les
filles, adolescentes, femmes en âge
de procréer et femmes enceintes,
sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux alternatives médicamenteuses existantes », a écrit la Has. Cet
antiépileptique accroît le risque de
malformations (cardiaques, becs de
lièvre…), ainsi qu’un risque plus élevé d’autisme et des retards psychomoteurs.
Reuters
Consensus des députés sur le gaspillage alimentaire
AccorHotels a racheté le groupe hôtelier FRHI Holdings composé des
marques Fairmont, Raffles et Swissôtel, pour 2,64 milliards d’euros.
Cette plus grosse acquisition de son
histoire hisse le groupe français à la
troisième place mondiale de l’hôtellerie haut de gamme. FRHI exploite
aussi des établissements prestigieux
comme le Plaza de New York ou le
Savoy de Londres. Au total, AccorHotels comptera près de 500 établissements de luxe. L’opération sera fi-
Prisons : l’entente droite-gauche
nancée par une augmentation de capital réservée de 46,7 millions de titres AccorHotels (environ 1,8 milliard
d’euros) et par 768 millions d’euros
versés en numéraire. Les principaux
propriétaires de FRHI, le fonds d’investissement du Qatar (QIA) et le
fonds du prince saoudien Al-Waleed,
Kingdom Holding Company of Saudi Arabia (KHC), deviendront ainsi
actionnaires d’AccorHotels avec respectivement 10,5 % et 5,8 % du capital du groupe.
L’Assemblée nationale devait voter,
hier soir, un ensemble de mesures
qui doivent concourir également à
la protection de l’environnement. Le
texte reprend les dispositions destinées à empêcher les grandes surfaces de jeter de la nourriture et de
rendre leurs invendus impropres à
la consommation. La France va de-
venir « le pays le plus avancé ou un
des plus avancés au monde », s’est
félicité son rapporteur, Guillaume
Garot (PS), ancien ministre délégué
à l’Agroalimentaire et député de la
Mayenne.
Lire l’entretien avec Guillaume Garot
sur ouest-france.fr
Pour 81 % des Français, la laïcité est en danger
Huit Français sur dix jugent que la
laïcité est « en danger » et sont favorables à l’interdiction du port du
foulard islamique pour les mères accompagnatrices de sorties scolaires,
selon un sondage Ifop pour le Comité national d’action laïque (Cnal).
Alors que l’on fêtait, hier, le 110e anniversaire de la loi de séparation des
Églises et de l’État, seuls 48 % des
sondés jugent ce texte « équitable »
(-6 points en dix ans). 85 % sont favorables à la loi de 2004 interdisant
le port de signes religieux ostensibles par les élèves dans les établissements scolaires publics, un chiffre
en hausse de 30 points par rapport à
octobre 2003.
Trop peu de contraintes
pénales ?
En un an, les juges ont prononcé
moins de 900 fois cette nouvelle
peine. La personne condamnée et
laissée en liberté, est soumise à des
obligations (soins, travail…). « Pour
un contrôle plus efficace de ces
personnes, pourquoi ne pas associer les policiers et les élus locaux ? », questionne Dominique
Raimbourg.
Autre suggestion : développer le
travail d’intérêt général ? Cette peine
alternative a été prononcée 17 000
fois en 2014. C’est relativement peu.
Les collectivités ou associations ne
disposent pas toujours du personnel
nécessaire pour encadrer les délinquants soumis à ces travaux au bénéfice de la collectivité. « Un quota
pourrait être imposé aux collectivités et grandes entreprises », suggère Stéphane Jacquot.
Enfin, pour les deux auteurs, il
faut extraire des prisons les détenus
ayant des troubles mentaux, qui relèvent plus de la psychiatrie. Et favoriser, sous certaines conditions, la justice réparatrice : la rencontre entre
le condamné et la victime, encadrée
par un professionnel.
Pierrick BAUDAIS.
Prison : le choix de la raison, édition
Economica, 108 pages, 19 €
Le parcours du 3e terroriste du Bataclan
Un SMS de son épouse et les analyses génétiques ont permis
d’identifier cet Alsacien de 23 ans, qui arrivait de Syrie.
« Ton fils est mort en martyr avec
ses frères le 13 novembre. » Fin novembre, de Syrie, l’épouse de Foued
Mohamed-Aggad avait envoyé ce
SMS à sa belle-mère, qui vit à Wissembourg, à 60 km de Strasbourg.
La mère et son avocate ont averti la justice. Ce message, puis des
comparaisons ADN, ont permis aux
policiers d’identifier formellement le
corps du troisième terroriste qui s’est
fait exploser au Bataclan, à Paris.
Le commando, qui a tué 90 spectateurs, était donc composé de Foued,
cet Alsacien de 23 ans, d’Omar Ismaïl Mostefaï, 29 ans (domicilié dans
l’Essonne) et de Samy Mamimour,
28 ans (Seine-Saint-Denis).
Des jeunes du quartier
de la Meinau à Strasbourg
Les enquêteurs commencent à reconstituer son parcours. En décembre 2013, avec son frère Karim et
huit amis du quartier strasbourgeois
de la Meinau, Foued Mohamed-Aggad quitte discrètement l’Alsace.
Ces dix candidats au djihad effectuent notamment par avion la liaison
Francfort-Antalya (Turquie), avant
de gagner la Syrie. Les deux frères
Boudjellal vont mourir en combattant pour l’État islamique. Sept autres – écœurés par les horreurs qu’ils
ont vues, disent-ils – réussissent à
rentrer en France à partir de février
2014. Trois mois plus tard, ils sont in-
AFP
Ouest-France
Jeudi 10 décembre 2015
Foued Mohamed-Aggad avait rejoint la
Syrie en 2013.
terpellés à Strasbourg.
Seul Foued était resté en Syrie,
avec sa femme épousée là-bas. Le
couple venait d’avoir un enfant. Il se
disait heureux. Sa famille n’avait plus
de nouvelles depuis août.
« J’ignorais que mon fils était revenu en France. Je l’ai appris mercredi soir », indiquait hier Saïd Mohamed-Aggad, le père (divorcé) de
Foued, qui réside à Bischheim. « Si
j’avais imaginé qu’il serait impliqué
dans les attentats, je l’aurais tué
avant ». Son fils faisait l’objet d’une
« fiche S » pour radicalisation et d’une
notice d’Interpol. Il a sans doute voyagé clandestinement ou muni de faux
papiers.