la loi et les medias en republique du niger
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LA LOI ET LES MEDIAS EN REPUBLIQUE DU NIGER Par GAYAKOYE SABI Abdourahamane, Magistrat Président du Tribunal de Grande Instance d’Arlit La Loi Et Les Medias En Republique du Niger Copyright © 2009, Fondation pour les Médias en Afrique de l’Ouest ISBN 978–9988–1–2560–8 Tous droits réservés. Toute représentation, publication, adaptation ou reproduction, même partielle,par, tous procédés (stockage dans un système de recherche documentaire, transmission sous toutes formes par tout moyen, électronique ou mécanique, photocopie et enregistrement) faite sans l’autorisation préalable du titulaire des droits d’auteur, est illicite. Composition par GertMash Desktop Services, Tel. +233–21–251386 Conception de la Couverture et Impression : QualiType Limited, Accra, Ghana. 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Chercher la justice à travers l’introduction des poursuites judiciaires au profit des journalistes, des médias et des citoyens poursuivis par les Etats et d’autres acteurs pour avoir fait valoir leur droit à la libre expression ; 4. Promouvoir les normes professionnelles des médias en vue de renforcer leurs capacités à soutenir la gouvernance et la culture démocratiques ; 5. Renforcer les connaissances et la sensibilisation parmi les citoyens quant à leurs droits à libre expression ; et renforcer l’environnement des médias grâce à la recherche et à la publication des données, à l’information ainsi qu’à l’analyse des développements, des tendances et des questions relatifs aux politiques, à la législation et à toute autre question pouvant toucher les médias et la libre expression ; 6. Soutenir le développement ou le fonctionnement des institutions et/ou des projets qui cherchent à promouvoir le développement et la durabilité des médias. Pour plus d’informations, Veuillez vous adresser à: Media Foundation for West Africa P O Box LG730, Legon Accra, Ghana Tel: 233–21–242470 Fax: 233–21–221084 E-mail: [email protected] Web site: http://www.mfwaonline.org Directeur Exécutif: Prof. Kwame Karikari INTRODUCTION The Law and the Media in Niger L MFWA ’un des obstacles à l’avènement du pouvoir démocratique au Niger comme un peu partout sur le continent Africain, a été sans doute l’étouffement des libertés. La liberté de presse considérée absolument comme participant à l’expression des autres libertés, a été la première à être interdite. Ainsi, dès son accession à l’indépendance en 1960, le Niger a comme certains pays africains, institué un monopole d’Etat sur tous les médias. Pourtant, après la proclamation de la République le 18 décembre 1958, l’adoption de l’ordonnance N° 59-135 du 21 juillet 1959 portant sur la liberté de la presse, inspirée de la loi française du 29 juillet 1881, a suscité un espoir de voir se créer et s’exercice librement la presse indépendante. En fait, malgré cette loi dont l’article 1er dispose que « L’imprimerie et la librairie sont libres », aucun média n’a été admis à paraître. Le régime militaire qui a exercé le pouvoir politique de 1974 jusqu’en 1990, avait conservé le principe du monopole étatique des médias tout en autorisant la parution de quelques journaux qui ne pouvaient que diffuser des informations sportives, culturelles ou religieuses. L’avènement de la conférence nationale le 29 juillet 1991, va mettre fin au totalitarisme des régimes précédents par l’institution d’un régime démocratique et permettre l’apparition d’une presse libre et indépendante. La presse sous toutes ses formes va connaître un développement extraordinaire. La diffusion de l’information qui était un monopole d’Etat va devenir libre et se caractériser par une prolifération de journaux et radios privés et également par l’apparition d’une chaîne de télévision privée. Une nouvelle génération de journalistes va naître et changer radicalement le traitement de l’information. Cette nouvelle presse en état d’ébullition, sans expérience, sans moyens matériels et financiers et respectant peu la déontologie, sera tolérée dans ses excès. La modification du paysage politique accompagnée de la nouvelle dynamique médiatique va nécessiter une nouvelle législation qui va à 1 La Loi et les Media en Republique Du Niger MFWA la fois combler le quasi vide juridique en matière de liberté de presse et règlementer le nouvel espace médiatique ainsi crée. Le régime transitoire de la conférence nationale encore sous l’effervescence de l’institution d’une nouvelle société respectueuse des droits de l’homme et des libertés fondamentales, va adopter trois importantes ordonnances qui vont pour l’essentiel, constituer jusqu’aujourd’hui encore, les fondements de l’exercice de la liberté de la presse au Niger. Ces ordonnances vont réglementer le régime de la liberté de la presse, de l’audiovisuel et créer le conseil supérieur de la communication, organe de régulation des médias. Au paravent, le gouvernement transitoire a fait adopter par référendum, la constitution du 26 décembre 1992. Celle-ci rompt avec les constitutions précédentes en plaçant au premier rang, les droits fondamentaux de l’Homme. Parmi les libertés essentielles énumérées et reprises par la constitution actuelle1, figure la liberté d’expression. Depuis la conférence nationale, le régime de la liberté de presse consacré par la constitution et les lois, sera sans cesse modifié au gré du pouvoir politique de chaque époque, au détriment des médias et des journalistes. Les pressions constantes exercées par les différentes organisations professionnelles des médias sur le politique pour le respect de la liberté de presse, la dépénalisation des délits de presse et la libération du fonds d’aide à la presse, s’ils n’ont pas toujours portées leurs fruits, ont néanmoins contribué au maintien des grands principes de la liberté de la presse. Cette remise en cause constante de la liberté de la presse a été accompagnée à certaines périodes par des persécutions exercées par le pouvoir politique à l’égard des journalistes. Les menaces, enlèvements, molestations et emprisonnement de journalistes étaient fréquents. Les saccages et fermetures illégales des locaux des organes de la presse privée étaient devenus des méthodes de représailles contre 1 L’article 23 de la constitution nigérienne du 9 août 1999 actuellement en vigueur dispose : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, d’opinion, d’expression, de conscience, de religion et de culte… ». 2 The Law and the Media in Niger MFWA les journalistes qui osaient critiquer la politique gouvernementale.2 Ainsi donc, en dépit de l’avancée significative qu’à connu le régime de la liberté de la presse au Niger, le paysage médiatique nigérien reste toujours marqué par des contraintes de tous ordres. Malgré la libéralisation de l’espace médiatique, la presse publique reste encore de fait, sous le monopole d’Etat. Quant à la presse privée, le manque de libération du fonds d’aide de l’Etat institué à son profit afin qu’elle puisse se développer, reste toujours bloqué. De ce fait, plusieurs journaux quotidiens ou périodiques n’ont pu survivre aux difficultés d’ordre financières. Ceux qui ont survécu sont constamment harcelés par des procès qui leurs sont intentés dans la majorité des cas par le pouvoir politique. Malgré tout, la liberté de la presse reste une réalité au Niger. Les acquis de la conférence nationale en matière de liberté de presse n’ont jamais été remis en cause de manière sérieuse grâce aux différentes pressions exercées par les organisations professionnelles des médias. Celles-ci gagnent de plus en plus en influence et sont désormais consultées par les pouvoirs publics pour toutes les questions relatives à la presse. Ainsi, le temps du monopole sur les médias s’est effacé pour faire place à celui d’une véritable d’Etat liberté de la presse nonobstant l’époque des incertitudes qui a failli remettre en cause les acquis. 2 A titre d’exemple, l’emprisonnement pendant plus de 6 mois de Mr Maman Habou et Mr Oumarou Keïta respectivement directeur de publication et rédacteur en chef du journal « Le Républicain » pour avoir diffusé dans son numéro hors série du 5 août 2006, un article intitulé : “ Hama Amadou (1er ministre du Niger de décembre 2000 au 31 mai 2007) lâche l’occident pour l’Iran”. 3 La Loi et les Media en Republique Du Niger MFWA Le temps du monopole d’Etat sur les médias C’est la période de l’exercice du pouvoir autoritaire qu’à connu le Niger de 1960 à 1991. L’exercice des libertés était interdit sinon rigoureusement contrôlé. La presse libre était inexistante. Tous les médias étaient monopole d’Etat pendant cette longue période (31ans) où le régime civil et la junte militaire avaient gouvernés. La liberté de la presse sous la première République de 1960 à 1974 Après la proclamation de la République le 18 décembre 1958, le gouvernement de l’époque avait très vite adopté une ordonnance n° 59–135 du 21 juillet 1959 portant loi sur la liberté de la presse.3 Quasi reproduction de la loi française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, cette ordonnance réglementait les conditions et modalités de publication des journaux. Elle prévoyait et réprimait également les crimes et délits commis par voie de presse ou par tout autre moyen de publication. Elle instituait deux principes précieux pour la liberté de presse et d’expression : 1. Le principe de la liberté de la presse écrite4 ; 2. Le principe de la déclaration préalable de publication.5 Cette ordonnance ne sera pourtant jamais appliquée. En fait, les autorités politiques de l’époque portées au pouvoir par le PPN-RDA6 avec l’aide de la France coloniale, avaient interdit l’exercice de toutes les libertés. Les opposants au régime furent arrêtés et incarcérés ou 3 4 5 6 Voir journal officiel de la République du Niger du 1er août 1959. Article 1er de l’ordonnance : « L’imprimerie et la librairie sont libres. ». Article 3 de l’ordonnance : « Tout journal ou écrit périodique peut être publié sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement après la déclaration prescrite par l’article 5. ». Parti progressiste Nigérien du Rassemblement Démocratique Africain. 4 The Law and the Media in Niger MFWA contraints à l’exile. Aucun journal n’était autorisé à paraître à l’exception du quotidien gouvernemental “ le temps du Niger ” qui servait à la propagande politique. Quant à la presse audiovisuelle, le gouvernement en a fait un monopole7 par la création d’un établissement public de l’Etat dénommé Office de Radiodiffusion Télévision du Niger (ORTN). Les journalistes qui y travaillent ont le statut de fonctionnaire. Cette proscription de l’exercice de la liberté de la presse va se perpétuer pendant la période d’exception issue du premier coup d’Etat militaire. L’état de la liberté de presse sous le régime militaire de 1974 à 1991 Dès son arrivée au pouvoir, la junte militaire avait suspendu la constitution et dissout l’assemblée nationale. Dès lors, l’exercice des libertés n’avait aucune base légale. La liberté d’expression était totalement interdite. Les journalistes exerçant dans les seuls médias d’Etat autorisés à répandre l’information gouvernementale étaient arrêtés et emprisonnés au moindre écart de langage. En 1989, vers la fin du régime militaire, le nouvel homme placé à la tête de la junte contribua au retour de la liberté d’expression par l’application de sa politique dite de “décrispation”. Les citoyens pouvaient s’exprimer librement mais étaient privés de moyen de presse pour se faire entendre. L’accès aux médias d’Etat était toujours réservé à l’information et à la propagande gouvernementale. Quelques journaux privés rigoureusement contrôlés par l’Etat, furent autorisés à paraître et à diffuser uniquement des informations culturelles, religieuses ou 7 Loi N° 67–011 du 11 février 1967 portant création de l’Office de Radiodiffusion Télévision du Niger ; JORN du 1er mars 1967 en son article 2 : « L’ORTN, dont le siège est à Niamey, détient le monopole de la diffusion par voie hertzienne d programmes sonores et visuels sur toute l’étendue du territoire de la République du Niger. Elle assure le service public national de la Radiodiffusion et de la Télévision, en vue de satisfaire les besoins d’information, d’éducation, de culture et de distraction du public. ». 5 La Loi et les Media en Republique Du Niger MFWA sportives. Cette situation va perdurer jusqu’à l’avènement de la conférence nationale qui va changer radicalement le paysage sociopolitique du Niger. Le temps des libertés conquises à la conférence nationale Obtenue suite aux différentes pressions exercées sur le régime militaire par la société civile et le mouvement des scolaires et étudiants, la conférence nationale tenue à Niamey du 29 juillet au 31 novembre 1991, va sans doute marquer un tournant décisif pour l’avenir politique du Niger par l’institution d’une véritable démocratie pluraliste consacrant une large place aux libertés et droits fondamentaux de l’Homme. La presse sera à l’avant-garde car plusieurs textes lui seront consacrés. Ces textes qui subiront quelques modifications au gré des régimes qui se succèderont, seront toutefois maintenus jusqu’aujourd’hui dans leur principes essentiels pour la liberté de la presse. Texte fondateur de l’avènement de la liberté de la presse : la constitution du 26 décembre 1992 Adopté sous le gouvernement de la transition démocratique de la conférence nationale, la constitution du 26 décembre 1992 va consacrer deux dispositions importantes pour la liberté de la presse : 1. L’article 24 qui dispose : « Toute personne a droit à la liberté pensée, d’opinion, d’expression, de conscience, de religion et de culte… ». 2. L’article 112 qui crée un organe indépendant de régulation des médias. Il a pour « mission d’assurer et de garantir la liberté et l’indépendance des moyens de communication audiovisuelle et de la presse écrite dans le respect de la loi. Il veille au respect de la déontologie en matière d’information et à l’accès équitable des partis politiques, 6 The Law and the Media in Niger MFWA des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication. ». Toutes les constitutions qui vont se succéder dont celle du 09 août 1999 actuellement en vigueur, ont reconduit ces dispositions qui constituent des acquis indéniables pour l’exercice de la liberté d’expression en général et de la liberté de presse en particulier. Les autres lois régissant la liberté de la presse Elles sont au nombre de 3 et régissent : le régime de la liberté de la presse, le conseil supérieur de la communication et la communication audiovisuelle. L’ordonnance N° 99–67 du 20 décembre 1999 portant régime de la liberté de la presse8 Cette ordonnance contient d’importantes dispositions très positives pour l’exercice de la liberté de la presse, mais également des aspects négatifs qui fort heureusement sont peu significatifs. (a) Les aspects positifs de l’ordonnance Actuellement en vigueur, cette ordonnance est une quasi reproduction de l’ordonnance N° 93-029 du 30 mars 1993 portant régime de la liberté de la presse9 adoptée par le haut conseil de la République du gouvernement transitoire de la conférence nationale. Elle a rétablit les principes cardinaux garantissant la liberté de la presse que le régime militaire issu du coup d’Etat de 1996 avait supprimés par la loi N° 97–26 du 18 juillet 199710 et qui avait permis la plus grande répression que la presse n’ ait jamais connue au Niger. 8 Voir journal Officiel de La République du Niger, Spécial N° 4 du 31 mai 2000. Voir Journal Officiel de La République du Niger du 25 juin 1993. 10 Voir Journal Officiel de La République du Niger, Spécial N° 7 du 25 juillet 1997. 9 7 La Loi et les Media en Republique Du Niger MFWA L’ordonnance N° 99–67 du 20 décembre 1999 portant régime de la liberté de la presse énonce certains principes fondamentaux pour l’exercice et la garantie de la liberté de la presse. On peut citer : • L’article 1ER : « La presse écrite et audiovisuelle ainsi que la diffusion et l’impression sont libres. Le droit à l’information est un droit inaliénable de la personne humaine. ». • L’article 4 : « Tout journal ou écrit d’information générale peut être publié sans autorisation de parution préalable. Il doit faire l’objet de déclaration au parquet du Procureur de la République du lieu d’impression dans les formes prescrites par la loi… ». • L’article 12 : « Le journalisme est une profession. Est journaliste professionnel, la personne qui, dans une ou plusieurs entreprises de presse écrite, parlée ou télévisée, quotidienne ou périodique, accomplit un travail de collecte et de traitement de l’information et fait dudit travail son occupation principale, régulière et rétribuée et en tire la majeure partie de ses revenus. ». • L’article 15 : « Lorsqu’un organe d’information générale change radicalement son orientation, le journaliste qui estime ne plus pouvoir y travailler, peut invoquer la clause de conscience et prétendre aux mêmes indemnités que celles accordées dans le cas d’un licenciement abusif. ». • L’article 37 : « L’Etat a le devoir d’aider directement ou indirectement les organes d’information d’intérêt général qui contribuent à l’exercice du droit du public à l’information. A cet effet, il est créé un fonds d’aide des entreprises de presse d’intérêt général géré par le conseil supérieur de la communication et alimenté par une contribution de l’Etat, de ses démembrements et de toute société de communication, publicité et distribution de presse. ». Pour la poursuite et la répression des crimes et délits commis 8 The Law and the Media in Niger MFWA par voie de presse, l’ordonnance contient des dispositions qui atténuent la pression de l’appareil judiciaire sur les journalistes. Ainsi : • La poursuite de certains délits est subordonnée dans la plus part des cas au dépôt préalable d’une plainte de la victime. Outre, le retrait de la plainte à toute étape de la procédure, met fin à la poursuite.11 • Lorsque le prévenu rapporte la véracité des faits diffamatoires, il est renvoyé des fins de la poursuite.12 • Une immunité est accordée aux parlementaires pour les discours tenus au sein de l’assemblée nationale ainsi que pour les rapports imprimés à son ordre, lorsqu’ils recèlent des faits tombant sous les incriminations prévues par la lois sur la presse. Outre, les journalistes sont également couverts par cette immunité pour les comptes rendus des séances publiques de l’assemblée nationale fait de bonne foi dans les journaux et médias audiovisuels. Il en est d même pour les comptes rendus fidèles qu’ils font pour les débats judiciaires.13 • Lorsque le ministère public requiert l’ouverture d’une information pour diffamation, injure, outrage ou provocation au crime ou délit, il est tenu dans son réquisitoire introductif, d’articuler ou qualifier les faits à peine de nullité de la poursuite.14 • L’action publique et civile résultant des crimes, délits et contraventions sur la presse se prescrivent par 3 mois révolus à compter du jour où ils ont été commis ou du jour du dernier acte de poursuite ou d’instruction.15 11 Voir les articles 68 et 69 de l’ordonnance 99–67 du 20 décembre 1999. Voir l’article 56 de l’ordonnance susvisée. 13 Voir idem l’article 62. 14 Voir idem l’article 71. 15 Voir idem l’article 83. 12 9 La Loi et les Media en Republique Du Niger (b) MFWA Les aspects négatifs de l’ordonnance • Elle permet la détention préventive des journalistes ; • Elle admet la poursuite en flagrant délit ; ce qui permet au ministère public qui est une partie au procès, de décerner mandat de dépôt contre les journalistes dès la poursuite ; • Le délit de diffusion de fausses nouvelles prévu par les dispositions de l’ordonnance est contraire à la liberté de la presse car il punit très souvent les opinions exprimées par les journalistes, lesquelles opinions échappent à la répression. • La répression des délits de presse prévus par l’ordonnance est sévère car en plus de l’emprisonnement, le condamné doit payer une amende obligatoirement prononcée par le juge à titre de peine principale. Outre, l’amende peut atteindre la somme de 2 000 000 F, ce qui est excessif. La loi N° 2006–24 du 24 juillet 2006 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement du conseil supérieur de la communication (C.S.C.) La création du C.S.C., organe constitutionnel indépendant de régulation des médias, est l’une des innovations majeures de la conférence nationale. Il a été créé par acte N° XL/CN du 3 novembre 1991, puis inscrit dans toutes les constitutions successives. L’ordonnance N° 93-21 du 30 mars 1993, adoptée par le haut conseil de la République du gouvernement transitoire de la conférence nationale fut la première à légiférer sur la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement du C.S.C. La loi N° 2006–24 du 24 juillet 2006 actuellement en vigueur et celles qui l’ont précédées, ont repris quasiment le contenu de l’ordonnance de 1993, excepté la composition de cet organe que le politique a modifié plusieurs fois dans le dessein d’en prendre le contrôle. L’importance du C.S.C. est fondamentale pour la garantie de 10 The Law and the Media in Niger MFWA l’exercice de la liberté de presse. Cette garantie réside à la fois dans sa nature et dans ses attributions. (a) La nature du C.S.C. L’article 1er de la loi 2006 dispose : « Le conseil supérieur de la communication (C.S.C) est une autorité administrative indépendante du pouvoir politique. Il est chargé de la régulation des médias.». L’indépendance effective du C.S.C. dépend de sa composition. Actuellement, il est composé de 11 membres permanents nommés par décret du Président de la République16 dans les conditions ci après : — — — — — — — — — — un membre désigné par le Président de la République ; un magistrat désigné par le Président du conseil supérieur de la magistrature sur proposition du ministre de la justice, garde des sceaux ; un membre désigné par le Président de l’assemblée nationale ; un membre désigné par le Premier ministre sur proposition du ministre de la communication ; un membre désigné par le chef de file de l’opposition ; un membre désigné par les associations des droits de l’Homme et de la promotion de la démocratie ; un membre désigné par les associations féminines ; un membre désigné par le barreau ; deux membres désignés par les journalistes professionnels et les techniciens des communications et télécommunications du secteur public ; un membre désigné par les professionnels des médias du secteur privé. Il faut ajouter que tous les membres à l’exception du magistrat 16 Article 29 de l’ordonnance 2006-24 du 24 juillet 2006 portant composition, organisation, attribution et fonctionnement du conseil supérieur de la communication. 11 La Loi et les Media en Republique Du Niger MFWA et de l’avocat doivent être désigné parmi les professionnels des médias ayant au moins une expérience de 10 ans. (b) Les attributions du C.S.C. Le C.SC a pour mission de : — — — — — — — — — — — garantir la liberté de l’information et de la communication conformément à la loi ; garantir et assurer la liberté et la protection de la presse ainsi que tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi ; garantir l’indépendance des médias publics et privés en matière d’information ; assurer la promotion de l’information documentaire ; garantir l’accès équitable des partis politiques, des syndicats, des associations et des citoyens aux médias ; garantir l’utilisation rationnelle et équitable des organismes publics de la presse et de la communication audiovisuelle par les institutions de la République, chacune en fonction de ses missions constitutionnelles et d’assurer le cas échéant, les arbitrages nécessaires ; veiller au respect de l’éthique et de la déontologie conformément à la charte des journalistes professionnels au Niger ; veiller au respect des conventions internationales sur la communication, ratifiées par le Niger ; veiller au respect de l’expression pluraliste de courants de pensée et d’opinion dans la presse et la communication audiovisuelle, notamment pour les émissions d’information politique ; fixer les règles concernant les conditions de production, de programmation et diffusion des émissions officielles des organes de communication lors des campagnes électorales ; superviser la création et la mise en place du conseil de presse ; 12 The Law and the Media in Niger — — — — — — — — MFWA veiller au niveau des médias, au respect des normes réglementaires en matière de propagande politique, de publicité et en contrôler l’objet ; saisir les autorités administratives et/ou judiciaires des pratiques restrictives de la concurrence ; contribuer à la protection des identités culturelles nationales, notamment par la promotion des langues nationales ; contribuer à la promotion de la culture et à la création littéraire et artistiques nationales ; veiller à la protection de l’enfance et de l’adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à la disposition du public par un service de communication audiovisuelle ; veiller à ce que des programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient pas mis à disposition du public par un service de radio et de télévision, sauf lorsqu’il est assuré, par le choix de l’heure de diffusion ou par tout procédé technique approprié, que des mineurs ne sont normalement pas susceptibles de les voir ou de les entendre ; lorsque des programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs sont mis à disposition du public par des services de télévision, veiller à ce qu’ils soient précédés d’un avertissement au public et qu’ils soient identifiés par la présence d’un symbole visuel tout au long de leur durée ; veiller à ce que les programmes ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité. Depuis le coup d’état militaire de 1999, le C.S.C. a toujours été dirigé par des membres provisoirement installés en attendant l’élaboration d’une nouvelle loi qui n’ a été adoptée qu’en 2006 et le C.S.C lui-même n’ a été installé qu’ en avril 2007. On peut noter avec satisfaction que le nouveau C.SC., vient de faire libérer le fonds d’aide 13 La Loi et les Media en Republique Du Niger MFWA à la presse que le pouvoir politique tardait depuis des années à débloquer. C’est un évènement important pour les médias privés nigériens même s’il critiquent la sélection des entreprises de presse choisies pour recevoir cette aide. En tout état de cause, une partie de cette aide sera consacrée à la maison de la presse pour la formation de tous les journalistes. L’ordonnance 93–31 du 30 mars 1993 portant sur la communication audiovisuelle Prise également par les autorités politiques de la transition démocratique de la conférence nationale, l’ordonnance N° 93–31 du 30 mars 199317 constitue le droit positif nigérien en matière de communication audiovisuelle. Dans ses principes fondamentaux, l’ordonnance affirme le principe de la liberté de la communication audiovisuelle.18 Elle fait de l’accès aux services de communication audiovisuelle un droit pour le citoyen en disposant à son article 2 : « Les citoyens nigériens ont droit à des services de communication audiovisuelle sur l’ensemble du territoire national. ». Outre, l’ordonnance fixe les règles concernant les entreprises de communication audiovisuelle19, leur financement20 et leur contrôle. Elle détermine le cahier des charges des radios et télévisions21 ainsi que les modalités de leurs programmes.22 Le conseil supérieur de la communication délivre les autorisations d’exploitation des radios et télévisions et le cas échéant en ordonne le retrait23. Il veille également au respect de la déontologie des moyens de communication audiovisuelle conformément aux conventions internationales de la communication et à la charte des journalistes professionnels du Niger. 17 18 19 20 21 22 23 Voir Journal Officiel de La République du Niger, Spécial N° 12 du 25 juin 1993. Article 1er de l’ordonnance N° 93-31 du 30 mars 1993. Articles 12 à 15 de l’ordonnance susvisée. Article 16 à 19 de l’ordonnance susvisée. Article 27 à 34 de l’ordonnance susvisée. Articles 20 à 26 de l’ordonnance susvisée. Articles 10 et 11 de l’ordonnance susvisée. 14 The Law and the Media in Niger MFWA Conclusion On peut conclure que le Niger dispose d’un droit positif garantissant l’exercice de la liberté de la presse. Il faut y ajouter la déclaration universelle des droits de l’homme et la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples qui font partie intégrante à la constitution, ainsi que le pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le Niger. La charte des journalistes professionnels adoptée le 04 juillet 1997 par l’ensemble des organisations des médias publics et privés du Niger, vient compléter cette législation. Toute la question qui se pose est de savoir d’une part si le politique aura toujours la capacité de légiférer par rapport au droit de la presse dans le respect de la constitution et des textes internationaux, et d’autre part si la justice rendue contre les journalistes sera impartiale. Pour sa part, la cour constitutionnelle a eu à censurer certaines dispositions de la loi organique sur le conseil supérieur de la communication, ce qui est très encourageant. Il appartient cependant aux organisations des médias et celles de la société civile en général de continuer la lutte afin de consolider les acquis et voir se pérenniser cette presse libre et indépendante dont toute société a besoin pour son épanouissement. 15 La Loi et les Media en Republique Du Niger 16 MFWA