la loi et les medias en republique du niger

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la loi et les medias en republique du niger
LA LOI ET LES MEDIAS EN
REPUBLIQUE DU NIGER
Par
GAYAKOYE SABI Abdourahamane, Magistrat
Président du Tribunal de Grande Instance d’Arlit
La Loi Et Les Medias En Republique du Niger
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non gouvernementale indépendante à but non lucratif basée à Accra, capitale du
Ghana. Elle a été fondée en 1997 pour défendre et promouvoir les droits et libertés
des médias, et plus généralement pour aider à étendre la liberté d’expression en
l’Afrique de l’Ouest.
Nos objectifs
Les objectifs de la MFWA sont de:
1. Renforcer la sensibilisation et aborder les violations des droits des médias et
de la libre expression grâce au suivi des abus et des attaques ;
2. Promouvoir le développement et l’expansion des droits des médias et de la
libre expression par le biais des réformes législatives et de politique ;
3. Chercher la justice à travers l’introduction des poursuites judiciaires au
profit des journalistes, des médias et des citoyens poursuivis par les Etats et
d’autres acteurs pour avoir fait valoir leur droit à la libre expression ;
4. Promouvoir les normes professionnelles des médias en vue de renforcer leurs
capacités à soutenir la gouvernance et la culture démocratiques ;
5. Renforcer les connaissances et la sensibilisation parmi les citoyens quant à
leurs droits à libre expression ; et renforcer l’environnement des médias grâce
à la recherche et à la publication des données, à l’information ainsi qu’à
l’analyse des développements, des tendances et des questions relatifs aux
politiques, à la législation et à toute autre question pouvant toucher les médias
et la libre expression ;
6. Soutenir le développement ou le fonctionnement des institutions et/ou des
projets qui cherchent à promouvoir le développement et la durabilité des
médias.
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Directeur Exécutif: Prof. Kwame Karikari
INTRODUCTION
The Law and the Media in Niger
L
MFWA
’un des obstacles à l’avènement du pouvoir démocratique au Niger
comme un peu partout sur le continent Africain, a été sans doute
l’étouffement des libertés. La liberté de presse considérée absolument
comme participant à l’expression des autres libertés, a été la première
à être interdite. Ainsi, dès son accession à l’indépendance en 1960, le
Niger a comme certains pays africains, institué un monopole d’Etat
sur tous les médias.
Pourtant, après la proclamation de la République le 18 décembre
1958, l’adoption de l’ordonnance N° 59-135 du 21 juillet 1959 portant
sur la liberté de la presse, inspirée de la loi française du 29 juillet 1881,
a suscité un espoir de voir se créer et s’exercice librement la presse
indépendante. En fait, malgré cette loi dont l’article 1er dispose
que « L’imprimerie et la librairie sont libres », aucun média n’a été
admis à paraître.
Le régime militaire qui a exercé le pouvoir politique de 1974
jusqu’en 1990, avait conservé le principe du monopole étatique des
médias tout en autorisant la parution de quelques journaux qui ne
pouvaient que diffuser des informations sportives, culturelles ou
religieuses.
L’avènement de la conférence nationale le 29 juillet 1991, va
mettre fin au totalitarisme des régimes précédents par l’institution
d’un régime démocratique et permettre l’apparition d’une presse libre
et indépendante. La presse sous toutes ses formes va connaître un
développement extraordinaire.
La diffusion de l’information qui était un monopole d’Etat va
devenir libre et se caractériser par une prolifération de journaux et
radios privés et également par l’apparition d’une chaîne de télévision
privée. Une nouvelle génération de journalistes va naître et changer
radicalement le traitement de l’information. Cette nouvelle presse en
état d’ébullition, sans expérience, sans moyens matériels et financiers
et respectant peu la déontologie, sera tolérée dans ses excès.
La modification du paysage politique accompagnée de la nouvelle
dynamique médiatique va nécessiter une nouvelle législation qui va à
1
La Loi et les Media en Republique Du Niger
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la fois combler le quasi vide juridique en matière de liberté de presse
et règlementer le nouvel espace médiatique ainsi crée. Le régime
transitoire de la conférence nationale encore sous l’effervescence de
l’institution d’une nouvelle société respectueuse des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, va adopter trois importantes ordonnances
qui vont pour l’essentiel, constituer jusqu’aujourd’hui encore, les
fondements de l’exercice de la liberté de la presse au Niger. Ces
ordonnances vont réglementer le régime de la liberté de la presse, de
l’audiovisuel et créer le conseil supérieur de la communication, organe
de régulation des médias. Au paravent, le gouvernement transitoire a
fait adopter par référendum, la constitution du 26 décembre 1992.
Celle-ci rompt avec les constitutions précédentes en plaçant au premier
rang, les droits fondamentaux de l’Homme. Parmi les libertés
essentielles énumérées et reprises par la constitution actuelle1, figure
la liberté d’expression.
Depuis la conférence nationale, le régime de la liberté de presse
consacré par la constitution et les lois, sera sans cesse modifié au gré
du pouvoir politique de chaque époque, au détriment des médias et
des journalistes. Les pressions constantes exercées par les différentes
organisations professionnelles des médias sur le politique pour le respect
de la liberté de presse, la dépénalisation des délits de presse et la
libération du fonds d’aide à la presse, s’ils n’ont pas toujours portées
leurs fruits, ont néanmoins contribué au maintien des grands principes
de la liberté de la presse.
Cette remise en cause constante de la liberté de la presse a été
accompagnée à certaines périodes par des persécutions exercées par
le pouvoir politique à l’égard des journalistes. Les menaces,
enlèvements, molestations et emprisonnement de journalistes étaient
fréquents. Les saccages et fermetures illégales des locaux des organes
de la presse privée étaient devenus des méthodes de représailles contre
1
L’article 23 de la constitution nigérienne du 9 août 1999 actuellement en vigueur
dispose : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, d’opinion, d’expression,
de conscience, de religion et de culte… ».
2
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les journalistes qui osaient critiquer la politique gouvernementale.2
Ainsi donc, en dépit de l’avancée significative qu’à connu le
régime de la liberté de la presse au Niger, le paysage médiatique
nigérien reste toujours marqué par des contraintes de tous ordres.
Malgré la libéralisation de l’espace médiatique, la presse publique reste
encore de fait, sous le monopole d’Etat. Quant à la presse privée, le
manque de libération du fonds d’aide de l’Etat institué à son profit
afin qu’elle puisse se développer, reste toujours bloqué. De ce fait,
plusieurs journaux quotidiens ou périodiques n’ont pu survivre aux
difficultés d’ordre financières. Ceux qui ont survécu sont constamment
harcelés par des procès qui leurs sont intentés dans la majorité des
cas par le pouvoir politique.
Malgré tout, la liberté de la presse reste une réalité au Niger.
Les acquis de la conférence nationale en matière de liberté de presse
n’ont jamais été remis en cause de manière sérieuse grâce aux
différentes pressions exercées par les organisations professionnelles
des médias. Celles-ci gagnent de plus en plus en influence et sont
désormais consultées par les pouvoirs publics pour toutes les questions
relatives à la presse. Ainsi, le temps du monopole sur les médias s’est
effacé pour faire place à celui d’une véritable d’Etat liberté de la
presse nonobstant l’époque des incertitudes qui a failli remettre en
cause les acquis.
2
A titre d’exemple, l’emprisonnement pendant plus de 6 mois de Mr Maman
Habou et Mr Oumarou Keïta respectivement directeur de publication et rédacteur
en chef du journal « Le Républicain » pour avoir diffusé dans son numéro hors
série du 5 août 2006, un article intitulé : “ Hama Amadou (1er ministre du Niger
de décembre 2000 au 31 mai 2007) lâche l’occident pour l’Iran”.
3
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Le temps du monopole d’Etat sur les médias
C’est la période de l’exercice du pouvoir autoritaire qu’à connu le
Niger de 1960 à 1991. L’exercice des libertés était interdit sinon
rigoureusement contrôlé. La presse libre était inexistante. Tous les
médias étaient monopole d’Etat pendant cette longue période (31ans)
où le régime civil et la junte militaire avaient gouvernés.
La liberté de la presse sous la première République de 1960 à
1974
Après la proclamation de la République le 18 décembre 1958, le
gouvernement de l’époque avait très vite adopté une ordonnance n°
59–135 du 21 juillet 1959 portant loi sur la liberté de la presse.3 Quasi
reproduction de la loi française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse, cette ordonnance réglementait les conditions et modalités de
publication des journaux. Elle prévoyait et réprimait également les
crimes et délits commis par voie de presse ou par tout autre moyen de
publication. Elle instituait deux principes précieux pour la liberté de
presse et d’expression :
1. Le principe de la liberté de la presse écrite4 ;
2. Le principe de la déclaration préalable de publication.5
Cette ordonnance ne sera pourtant jamais appliquée. En fait, les
autorités politiques de l’époque portées au pouvoir par le PPN-RDA6
avec l’aide de la France coloniale, avaient interdit l’exercice de toutes
les libertés. Les opposants au régime furent arrêtés et incarcérés ou
3
4
5
6
Voir journal officiel de la République du Niger du 1er août 1959.
Article 1er de l’ordonnance : « L’imprimerie et la librairie sont libres. ».
Article 3 de l’ordonnance : « Tout journal ou écrit périodique peut être publié
sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement après la déclaration
prescrite par l’article 5. ».
Parti progressiste Nigérien du Rassemblement Démocratique Africain.
4
The Law and the Media in Niger
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contraints à l’exile. Aucun journal n’était autorisé à paraître à
l’exception du quotidien gouvernemental “ le temps du Niger ” qui
servait à la propagande politique.
Quant à la presse audiovisuelle, le gouvernement en a fait un
monopole7 par la création d’un établissement public de l’Etat dénommé
Office de Radiodiffusion Télévision du Niger (ORTN). Les journalistes
qui y travaillent ont le statut de fonctionnaire.
Cette proscription de l’exercice de la liberté de la presse va se
perpétuer pendant la période d’exception issue du premier coup d’Etat
militaire.
L’état de la liberté de presse sous le régime militaire de 1974 à
1991
Dès son arrivée au pouvoir, la junte militaire avait suspendu la
constitution et dissout l’assemblée nationale. Dès lors, l’exercice des
libertés n’avait aucune base légale. La liberté d’expression était
totalement interdite. Les journalistes exerçant dans les seuls médias
d’Etat autorisés à répandre l’information gouvernementale étaient
arrêtés et emprisonnés au moindre écart de langage.
En 1989, vers la fin du régime militaire, le nouvel homme placé
à la tête de la junte contribua au retour de la liberté d’expression par
l’application de sa politique dite de “décrispation”. Les citoyens
pouvaient s’exprimer librement mais étaient privés de moyen de presse
pour se faire entendre. L’accès aux médias d’Etat était toujours réservé
à l’information et à la propagande gouvernementale. Quelques journaux
privés rigoureusement contrôlés par l’Etat, furent autorisés à paraître
et à diffuser uniquement des informations culturelles, religieuses ou
7
Loi N° 67–011 du 11 février 1967 portant création de l’Office de Radiodiffusion
Télévision du Niger ; JORN du 1er mars 1967 en son article 2 : « L’ORTN, dont
le siège est à Niamey, détient le monopole de la diffusion par voie hertzienne d
programmes sonores et visuels sur toute l’étendue du territoire de la République
du Niger. Elle assure le service public national de la Radiodiffusion et de la
Télévision, en vue de satisfaire les besoins d’information, d’éducation, de culture
et de distraction du public. ».
5
La Loi et les Media en Republique Du Niger
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sportives. Cette situation va perdurer jusqu’à l’avènement de la
conférence nationale qui va changer radicalement le paysage
sociopolitique du Niger.
Le temps des libertés conquises à la conférence nationale
Obtenue suite aux différentes pressions exercées sur le régime militaire
par la société civile et le mouvement des scolaires et étudiants, la
conférence nationale tenue à Niamey du 29 juillet au 31 novembre
1991, va sans doute marquer un tournant décisif pour l’avenir politique
du Niger par l’institution d’une véritable démocratie pluraliste
consacrant une large place aux libertés et droits fondamentaux de
l’Homme. La presse sera à l’avant-garde car plusieurs textes lui seront
consacrés. Ces textes qui subiront quelques modifications au gré des
régimes qui se succèderont, seront toutefois maintenus
jusqu’aujourd’hui dans leur principes essentiels pour la liberté de la
presse.
Texte fondateur de l’avènement de la liberté de la presse : la
constitution du 26 décembre 1992
Adopté sous le gouvernement de la transition démocratique de la
conférence nationale, la constitution du 26 décembre 1992 va
consacrer deux dispositions importantes pour la liberté de la presse :
1. L’article 24 qui dispose : « Toute personne a droit à la liberté
pensée, d’opinion, d’expression, de conscience, de religion
et de culte… ».
2. L’article 112 qui crée un organe indépendant de régulation
des médias. Il a pour « mission d’assurer et de garantir la
liberté et l’indépendance des moyens de communication
audiovisuelle et de la presse écrite dans le respect de la
loi. Il veille au respect de la déontologie en matière
d’information et à l’accès équitable des partis politiques,
6
The Law and the Media in Niger
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des associations et des citoyens aux moyens officiels
d’information et de communication. ».
Toutes les constitutions qui vont se succéder dont celle du 09
août 1999 actuellement en vigueur, ont reconduit ces dispositions qui
constituent des acquis indéniables pour l’exercice de la liberté
d’expression en général et de la liberté de presse en particulier.
Les autres lois régissant la liberté de la presse
Elles sont au nombre de 3 et régissent : le régime de la liberté de la
presse, le conseil supérieur de la communication et la communication
audiovisuelle.
L’ordonnance N° 99–67 du 20 décembre 1999 portant régime de
la liberté de la presse8
Cette ordonnance contient d’importantes dispositions très positives
pour l’exercice de la liberté de la presse, mais également des aspects
négatifs qui fort heureusement sont peu significatifs.
(a)
Les aspects positifs de l’ordonnance
Actuellement en vigueur, cette ordonnance est une quasi reproduction
de l’ordonnance N° 93-029 du 30 mars 1993 portant régime de la
liberté de la presse9 adoptée par le haut conseil de la République du
gouvernement transitoire de la conférence nationale. Elle a rétablit
les principes cardinaux garantissant la liberté de la presse que le
régime militaire issu du coup d’Etat de 1996 avait supprimés par la loi
N° 97–26 du 18 juillet 199710 et qui avait permis la plus grande
répression que la presse n’ ait jamais connue au Niger.
8
Voir journal Officiel de La République du Niger, Spécial N° 4 du 31 mai 2000.
Voir Journal Officiel de La République du Niger du 25 juin 1993.
10
Voir Journal Officiel de La République du Niger, Spécial N° 7 du 25 juillet 1997.
9
7
La Loi et les Media en Republique Du Niger
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L’ordonnance N° 99–67 du 20 décembre 1999 portant régime
de la liberté de la presse énonce certains principes fondamentaux
pour l’exercice et la garantie de la liberté de la presse. On peut citer :
• L’article 1ER : « La presse écrite et audiovisuelle ainsi que la
diffusion et l’impression sont libres. Le droit à l’information
est un droit inaliénable de la personne humaine. ».
• L’article 4 : « Tout journal ou écrit d’information générale peut
être publié sans autorisation de parution préalable. Il doit faire
l’objet de déclaration au parquet du Procureur de la
République du lieu d’impression dans les formes prescrites
par la loi… ».
• L’article 12 : « Le journalisme est une profession. Est
journaliste professionnel, la personne qui, dans une ou plusieurs
entreprises de presse écrite, parlée ou télévisée, quotidienne
ou périodique, accomplit un travail de collecte et de traitement
de l’information et fait dudit travail son occupation principale,
régulière et rétribuée et en tire la majeure partie de ses
revenus. ».
• L’article 15 : « Lorsqu’un organe d’information générale
change radicalement son orientation, le journaliste qui estime
ne plus pouvoir y travailler, peut invoquer la clause de
conscience et prétendre aux mêmes indemnités que celles
accordées dans le cas d’un licenciement abusif. ».
• L’article 37 : « L’Etat a le devoir d’aider directement ou
indirectement les organes d’information d’intérêt général qui
contribuent à l’exercice du droit du public à l’information. A
cet effet, il est créé un fonds d’aide des entreprises de presse
d’intérêt général géré par le conseil supérieur de la
communication et alimenté par une contribution de l’Etat, de
ses démembrements et de toute société de communication,
publicité et distribution de presse. ».
Pour la poursuite et la répression des crimes et délits commis
8
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par voie de presse, l’ordonnance contient des dispositions qui atténuent
la pression de l’appareil judiciaire sur les journalistes. Ainsi :
• La poursuite de certains délits est subordonnée dans la plus
part des cas au dépôt préalable d’une plainte de la victime.
Outre, le retrait de la plainte à toute étape de la procédure,
met fin à la poursuite.11
• Lorsque le prévenu rapporte la véracité des faits diffamatoires,
il est renvoyé des fins de la poursuite.12
• Une immunité est accordée aux parlementaires pour les
discours tenus au sein de l’assemblée nationale ainsi que pour
les rapports imprimés à son ordre, lorsqu’ils recèlent des faits
tombant sous les incriminations prévues par la lois sur la
presse. Outre, les journalistes sont également couverts par
cette immunité pour les comptes rendus des séances publiques
de l’assemblée nationale fait de bonne foi dans les journaux
et médias audiovisuels. Il en est d même pour les comptes
rendus fidèles qu’ils font pour les débats judiciaires.13
• Lorsque le ministère public requiert l’ouverture d’une
information pour diffamation, injure, outrage ou provocation
au crime ou délit, il est tenu dans son réquisitoire introductif,
d’articuler ou qualifier les faits à peine de nullité de la
poursuite.14
• L’action publique et civile résultant des crimes, délits et
contraventions sur la presse se prescrivent par 3 mois révolus
à compter du jour où ils ont été commis ou du jour du dernier
acte de poursuite ou d’instruction.15
11
Voir les articles 68 et 69 de l’ordonnance 99–67 du 20 décembre 1999.
Voir l’article 56 de l’ordonnance susvisée.
13
Voir idem l’article 62.
14
Voir idem l’article 71.
15
Voir idem l’article 83.
12
9
La Loi et les Media en Republique Du Niger
(b)
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Les aspects négatifs de l’ordonnance
• Elle permet la détention préventive des journalistes ;
• Elle admet la poursuite en flagrant délit ; ce qui permet au
ministère public qui est une partie au procès, de décerner
mandat de dépôt contre les journalistes dès la poursuite ;
• Le délit de diffusion de fausses nouvelles prévu par les
dispositions de l’ordonnance est contraire à la liberté de la
presse car il punit très souvent les opinions exprimées par les
journalistes, lesquelles opinions échappent à la répression.
• La répression des délits de presse prévus par l’ordonnance
est sévère car en plus de l’emprisonnement, le condamné
doit payer une amende obligatoirement prononcée par le juge
à titre de peine principale. Outre, l’amende peut atteindre la
somme de 2 000 000 F, ce qui est excessif.
La loi N° 2006–24 du 24 juillet 2006 portant composition,
organisation, attributions et fonctionnement du conseil supérieur
de la communication (C.S.C.)
La création du C.S.C., organe constitutionnel indépendant de régulation
des médias, est l’une des innovations majeures de la conférence
nationale. Il a été créé par acte N° XL/CN du 3 novembre 1991, puis
inscrit dans toutes les constitutions successives. L’ordonnance N°
93-21 du 30 mars 1993, adoptée par le haut conseil de la République
du gouvernement transitoire de la conférence nationale fut la première
à légiférer sur la composition, l’organisation, les attributions et le
fonctionnement du C.S.C. La loi N° 2006–24 du 24 juillet 2006
actuellement en vigueur et celles qui l’ont précédées, ont repris
quasiment le contenu de l’ordonnance de 1993, excepté la composition
de cet organe que le politique a modifié plusieurs fois dans le dessein
d’en prendre le contrôle.
L’importance du C.S.C. est fondamentale pour la garantie de
10
The Law and the Media in Niger
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l’exercice de la liberté de presse. Cette garantie réside à la fois dans
sa nature et dans ses attributions.
(a)
La nature du C.S.C.
L’article 1er de la loi 2006 dispose : « Le conseil supérieur de la
communication (C.S.C) est une autorité administrative indépendante
du pouvoir politique. Il est chargé de la régulation des médias.».
L’indépendance effective du C.S.C. dépend de sa composition.
Actuellement, il est composé de 11 membres permanents nommés
par décret du Président de la République16 dans les conditions ci après :
—
—
—
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—
—
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—
—
—
un membre désigné par le Président de la République ;
un magistrat désigné par le Président du conseil supérieur
de la magistrature sur proposition du ministre de la justice,
garde des sceaux ;
un membre désigné par le Président de l’assemblée
nationale ;
un membre désigné par le Premier ministre sur proposition
du ministre de la communication ;
un membre désigné par le chef de file de l’opposition ;
un membre désigné par les associations des droits de
l’Homme et de la promotion de la démocratie ;
un membre désigné par les associations féminines ;
un membre désigné par le barreau ;
deux membres désignés par les journalistes professionnels
et les techniciens des communications et
télécommunications du secteur public ;
un membre désigné par les professionnels des médias du
secteur privé.
Il faut ajouter que tous les membres à l’exception du magistrat
16
Article 29 de l’ordonnance 2006-24 du 24 juillet 2006 portant composition,
organisation, attribution et fonctionnement du conseil supérieur de la
communication.
11
La Loi et les Media en Republique Du Niger
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et de l’avocat doivent être désigné parmi les professionnels des médias
ayant au moins une expérience de 10 ans.
(b)
Les attributions du C.S.C.
Le C.SC a pour mission de :
—
—
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—
—
—
—
garantir la liberté de l’information et de la communication
conformément à la loi ;
garantir et assurer la liberté et la protection de la presse
ainsi que tous les moyens de communication de masse dans
le respect de la loi ;
garantir l’indépendance des médias publics et privés en
matière d’information ;
assurer la promotion de l’information documentaire ;
garantir l’accès équitable des partis politiques, des syndicats,
des associations et des citoyens aux médias ;
garantir l’utilisation rationnelle et équitable des organismes
publics de la presse et de la communication audiovisuelle
par les institutions de la République, chacune en fonction
de ses missions constitutionnelles et d’assurer le cas
échéant, les arbitrages nécessaires ;
veiller au respect de l’éthique et de la déontologie
conformément à la charte des journalistes professionnels
au Niger ;
veiller au respect des conventions internationales sur la
communication, ratifiées par le Niger ;
veiller au respect de l’expression pluraliste de courants de
pensée et d’opinion dans la presse et la communication
audiovisuelle, notamment pour les émissions d’information
politique ;
fixer les règles concernant les conditions de production, de
programmation et diffusion des émissions officielles des
organes de communication lors des campagnes électorales ;
superviser la création et la mise en place du conseil de
presse ;
12
The Law and the Media in Niger
—
—
—
—
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—
—
MFWA
veiller au niveau des médias, au respect des normes
réglementaires en matière de propagande politique, de
publicité et en contrôler l’objet ;
saisir les autorités administratives et/ou judiciaires des
pratiques restrictives de la concurrence ;
contribuer à la protection des identités culturelles nationales,
notamment par la promotion des langues nationales ;
contribuer à la promotion de la culture et à la création
littéraire et artistiques nationales ;
veiller à la protection de l’enfance et de l’adolescence et
au respect de la dignité de la personne dans les programmes
mis à la disposition du public par un service de
communication audiovisuelle ;
veiller à ce que des programmes susceptibles de nuire à
l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs
ne soient pas mis à disposition du public par un service de
radio et de télévision, sauf lorsqu’il est assuré, par le choix
de l’heure de diffusion ou par tout procédé technique
approprié, que des mineurs ne sont normalement pas
susceptibles de les voir ou de les entendre ;
lorsque des programmes susceptibles de nuire à
l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs
sont mis à disposition du public par des services de
télévision, veiller à ce qu’ils soient précédés d’un
avertissement au public et qu’ils soient identifiés par la
présence d’un symbole visuel tout au long de leur durée ;
veiller à ce que les programmes ne contiennent aucune
incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de
race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité.
Depuis le coup d’état militaire de 1999, le C.S.C. a toujours été
dirigé par des membres provisoirement installés en attendant
l’élaboration d’une nouvelle loi qui n’ a été adoptée qu’en 2006 et le
C.S.C lui-même n’ a été installé qu’ en avril 2007. On peut noter avec
satisfaction que le nouveau C.SC., vient de faire libérer le fonds d’aide
13
La Loi et les Media en Republique Du Niger
MFWA
à la presse que le pouvoir politique tardait depuis des années à
débloquer. C’est un évènement important pour les médias privés
nigériens même s’il critiquent la sélection des entreprises de presse
choisies pour recevoir cette aide. En tout état de cause, une partie de
cette aide sera consacrée à la maison de la presse pour la formation
de tous les journalistes.
L’ordonnance 93–31 du 30 mars 1993 portant sur la
communication audiovisuelle
Prise également par les autorités politiques de la transition démocratique
de la conférence nationale, l’ordonnance N° 93–31 du 30 mars 199317
constitue le droit positif nigérien en matière de communication
audiovisuelle. Dans ses principes fondamentaux, l’ordonnance affirme
le principe de la liberté de la communication audiovisuelle.18 Elle fait
de l’accès aux services de communication audiovisuelle un droit pour
le citoyen en disposant à son article 2 : « Les citoyens nigériens ont
droit à des services de communication audiovisuelle sur l’ensemble
du territoire national. ».
Outre, l’ordonnance fixe les règles concernant les entreprises
de communication audiovisuelle19, leur financement20 et leur contrôle.
Elle détermine le cahier des charges des radios et télévisions21 ainsi
que les modalités de leurs programmes.22
Le conseil supérieur de la communication délivre les autorisations
d’exploitation des radios et télévisions et le cas échéant en ordonne le
retrait23. Il veille également au respect de la déontologie des moyens
de communication audiovisuelle conformément aux conventions
internationales de la communication et à la charte des journalistes
professionnels du Niger.
17
18
19
20
21
22
23
Voir Journal Officiel de La République du Niger, Spécial N° 12 du 25 juin 1993.
Article 1er de l’ordonnance N° 93-31 du 30 mars 1993.
Articles 12 à 15 de l’ordonnance susvisée.
Article 16 à 19 de l’ordonnance susvisée.
Article 27 à 34 de l’ordonnance susvisée.
Articles 20 à 26 de l’ordonnance susvisée.
Articles 10 et 11 de l’ordonnance susvisée.
14
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Conclusion
On peut conclure que le Niger dispose d’un droit positif garantissant
l’exercice de la liberté de la presse. Il faut y ajouter la déclaration
universelle des droits de l’homme et la charte africaine des droits de
l’Homme et des peuples qui font partie intégrante à la constitution,
ainsi que le pacte international relatif aux droits civils et politiques
ratifié par le Niger. La charte des journalistes professionnels adoptée
le 04 juillet 1997 par l’ensemble des organisations des médias publics
et privés du Niger, vient compléter cette législation.
Toute la question qui se pose est de savoir d’une part si le politique
aura toujours la capacité de légiférer par rapport au droit de la presse
dans le respect de la constitution et des textes internationaux, et d’autre
part si la justice rendue contre les journalistes sera impartiale. Pour sa
part, la cour constitutionnelle a eu à censurer certaines dispositions de
la loi organique sur le conseil supérieur de la communication, ce qui
est très encourageant.
Il appartient cependant aux organisations des médias et celles
de la société civile en général de continuer la lutte afin de consolider
les acquis et voir se pérenniser cette presse libre et indépendante
dont toute société a besoin pour son épanouissement.
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La Loi et les Media en Republique Du Niger
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