Exèdre / Exedra
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Exèdre / Exedra
Stories Edra B ra n d S torie s / Ed ra « La poésie est la force de la vie » / “The Life Force Behind Design” Exèdre / Exedra Par / By Lise Coirier 1 — Fernando and Humberto Campana, Boa sofa, Mirragio, miroirs / mirrors 2 — Valerio Mazzei 3 — Monica Mazzei sur le sofa Flap de Binfaré devant le fauteuil Getsuen de Masanori Umeda / on a Flap sofa designed by Binfaré and, in front of the Getsuen chair by Masanori Umeda with Swarovski 1. Edra takes its name from the Greek word exedra, meaning “a seat out of doors.” The term describes a circular bench structure designed for conversations and gatherings. Tucked away amongst Tuscany’s hills and valleys near Pisa, Edra’s offices sit to the south of the major Italian fashion houses in Brianza, farther north in Lombardy’s Alpine foothills. For close to 30 years, Edra has turned designed history clichés on their head, creating icons that bring together the latest technologies with highly experimental craftsmanship. Siblings Valerio and Monica Mazzei have thrown themselves into their family company, using their passion and expertise to transform traditions and bring out the very best in Italian design. TL # 25 Le nom Edra dérive de l’exèdre (en grec, « qui est dehors »), une pièce circulaire qui est ouverte à la conversation et à la rencontre. Lovée entre les collines et les vallées de la Toscane, près de Pise, Edra est située au sud des grandes maisons italiennes de la Brianza qui se concentrent quant à elle au nord, dans les Préalpes lombardes. Elle n’a cessé de se détourner depuis près de trente ans des clichés de l’histoire du design en créant des icônes combinant les hautes technologies et un artisanat très expérimental. Valerio et de sa sœur Monica Mazzei qui sont investis corps et âme dans cette entreprise familiale ont renouvelé, grâce à leur passion et à leur expertise, les traditions de haute facture du design italien en le portant au sommet de son art. 139 Depuis 1987, la recherche appliquée aux matériaux, la technologie, l’artisanat et les valeurs de confort et d’usage universel ont été les moteurs d’Edra et de son design d’avant-garde. Valerio et sa sœur Monica s’inscrivent dans la continuité de l’affaire familiale qui démarra ses activités en 1949. Ils se sont rapidement associés à Massimo Morozzi comme directeur artistique, jusqu’à sa récente disparition. Dans un contexte culturel qui lui est propre, les expérimentations les plus osées ont nourri ces trente dernières années. L’esprit de l’entreprise est souvent assimilé à celui d’une femme, « La Edra », comme si chaque création était enfantée pour lui donner une vie particulière. La culture qui imprègne chaque concept sort de l’ordinaire ; c’est donc un parcours très singulier qu’Edra propose aux architectes et collectionneurs, la préfiguration d’un nouvel espace-temps au sein des lieux de vie privés et publics. Le concept de « Tropical Modernity » dont parle Paola Antonelli (MoMA) est tout à fait au reflet de la culture d’Edra qui a joué de cette parabole de l’île pour ouvrir sur son jardin des délices sans jamais en divulguer ses secrets : « Edra Garden of Delights / Tropical Garden ». Non conventionnelle et en quête de talents, Edra a renforcé son identité avec Massimo Morozzi, lorsque celui-ci présenta en 1987 à la galerie Marconi une première collection « I Nuovissimi » suite à des workshops qu’il dirigea à la Domus Academy à Milan. Il en découla ensuite de nombreuses collaborations et typologies de mobilier conçus par des designers aux quatre coins du monde, y inclus les siennes (Paessagi Italiani…) : le sofa Non Stop de Maarten Kusters, l’assise Tatlin de Mario Cananzi & Roberto Semprini, le sofa Island d’Alessandro Mendini et les fauteuils Flowers, Getsuen et Soshun de Masanori Umeda. Toutes ces créations sont devenues des icônes de design. La défunte Zaha Hadid réalisa aussi avec Edra sa première collection de design industriel en 1988, le sofa Navy, Woush et Red ainsi que sa table sculpture Metal Carpet en vitrorésine. 2. 3. Since 1987, Edra’s avant-garde design has been driven by technology, craftsmanship, applied research in materials and the values of comfort and universality. Valerio and his sister Monica have carried on the family tradition of the company created in 1949. Early on, they hired Massimo Morozzi to serve as the art director, a position he kept until his recent passing. His “Paessagi Italiani” remain iconic. Thanks to his cultural guidance, the last three decades at Edra have been full of bold experiments. Oftentimes, the company is imagined as a woman, la Edra, who gives birth to each unique creation. The company’s unusual culture shines through in everything it produces. Edra invites architects and collectors to embark with them on a journey through a new space-time paradigm in private and public spaces. MoMA’s Director of R&D, Paola Antonelli, has talked about a “tropical modernity.” Edra evokes this island mentality in its “Garden of Delights/Tropical Garden” project, inviting visitors into its magical land without ever revealing its secrets. As an unconventional company eager to find new talents, Edra struck gold in 1987 when the Marconi gallery exhibited Massimo Morozzi’s first collection, “I Nuovissimi,” the result of workshops held by the designer at the Domus Academy in Milan. Numerous furniture collaborations followed, bringing in designers from the far corners of the earth. Among them Maarten Kusters’ Non Stop sofa, Mario Cananzi & Roberto Semprini’s Tatlin chair, Alessandro Mendini’s Island sofa and Masanori Umeda’s Flowers, Getsuen, and Soshun seats. All of these creations went on to become design icons. The late Zaha Hadid completed her first industrial design collection with Edra in 1988, featuring the Navy, Woush and Red sofas in addition to the sculptural Metal Carpet, made from organic glass. Stories Bran d S tori e s / Edra 140 4. Un design intégral e t stru ctu r e l Ce sera sans doute avec l’arrivée de Francesco Binfaré qu’Edra va connaître un autre grand tournant, s’interrogeant sur de nouvelles configurations du sofa. Binfaré avait collaboré de très près avec Vico Magistretti chez Cassina à des créations d’une esthétique nouvelle tel le canapé Maralunga. Avec sa maîtrise de l’innovation dans le sofa, Binfaré a exploré encore plus loin des mécanismes nouveaux pour le moduler. Ainsi est né L’Homme et la Femme en 1993, On the Rocks en 2010, Sfatto en 2011… Il s’y est ajouté le sofa Flap réalisé à partir d’une base tubulaire qui prend une forme sinueuse adaptée à l’anatomie et à l’ergonomie de chacun et, On the Rocks (découlant de l’observation en bord de mer), à l’allure plus sensuelle avec son recouvrement en textile 3D et ses dossiers flexibles et ajustables. La révolution continue avec le modèle Standard qui est composé de coussins « intelligents » (smart pillows) malléables, une recherche de vingt ans menée par le designer depuis le sofa L’Homme et La Femme. L’Absolu pousse encore plus loin la versatilité du Standard en proposant des formes plus irrégulières et un recouvrement très sensuel en velours ou en tissus de chenille. Ces créations sortent du lot grâce à la recherche patentée d’Edra menée sur le mélange de mousses, Gellyfoam®. I nt egral , st ru ct u ral des i gn With Francesco Binfaré’s arrival, Edra hit another turning point, which led the company to rethink sofa configuration. Binfaré had previously worked closely with Vico Magistretti at Cassina to design a new aesthetic, as illustrated by the Maralunga sofa. Binfaré then took his innovative approach to sofa design one step further, rethinking design’s very mechanisms. Thus he created L’Homme et la Femme in 1993, On the Rocks in 2010 and Sfatto in 2011. Another sofa, Flap, uses tubular steel to form a sinuous shape designed to accommodate individual body types and ergonomic needs. On the Rocks, which drew its inspiration from seaside observations, has a more sensual silhouette thanks to its 3D textiles and flexible, adjustable backs. The revolution continues with the Standard, which consists of flexible “smart” pillows that Binfaré struck upon after 20 years of research. L’Absolu takes the versatility of Standard to the next level with more irregular shapes and luxurious covers available in velvet or chenille. These creations owe their singularity to Edra’s patented Gellyfoam® foam padding mixture. H and c raf t ed des i gn m eets art and t ec h nolo gy Sofà Gran Khan by Binfaré and the Grinza armchairs by the Campana brothers take the tactile experience even further. The armchairs are made from thick leather that is carefully selected by Monica Mazzei. She is the person chiefly responsible for perfecting the designs and choosing the highest quality fabrics to cover the sofas. These coverings range from matte and shiny fabrics to velvets, soft mixtures of cotton, polyester and viscose and materials created through collaborations with companies like Swarovski, in the case of Flap. She explains, “Edra works with structured fabrics. They have body, flexibility and structure to them, which allows for a full, 3D, tactile, sensory experience.” Valerio Mazzei adds, “Edra’s pieces are universal and can adapt to different contexts. They are pieces of art more than they are pieces of furniture. We make bold creations that mix well with other pieces in any number of interiors. In the end, harmony comes from personality and personalisation. Our sofas and chairs are able to be site-specific. 4— Francesco Binfaré, On the Rocks 5— Humberto & Fernando Campana, Aster Paposus 6— Francesco Binfaré, Absolu TL # 25 Le design artisana l fa it a p p e l à l’a rt et à la technolo g ie Poussant encore plus loin la tactilité et le rapport à la matière, le sofa Gran Khan de Binfaré, tout comme les fauteuils Grinza des Campana subliment le cuir épais soigneusement sélectionné par Monica Mazzei. C’est elle, « la couturière », qui met au point le design et la qualité des tissus qui vont venir ensuite recouvrir les sofas, depuis les textiles mats et luminescents, des doux mélanges de coton, polyester et viscose, des velours, jusqu’à des collaborations avec des firmes comme Swarovski pour le Flap... « Les textiles sont structurels chez Edra. Ils ont du corps, de la souplesse et de la structure, en 3D, pour plus de tactilité et de sensorialité », souligne-t-elle. « Les pièces d’Edra répondent à une universalité d’usages et à un contexte, ce sont des pièces d’art plus que des pièces de mobilier, des pièces fortes qui peuvent se mélanger à d’autres dans la diversité des 5. Stories Bran d S tori e s / Edra Stories 142 B ra n d S torie s / Ed ra 143 8. qu’au Brésil. Dans un registre esthétique plus luxueux, les miroirs, tables basses et commodes Miraggio en méthacrylate coloré miroitant des Campana rappellent eux aussi la densité et le chaos des favelas du Brésil. Autre création surprenante des deux frères, le Boa offre une assise souple qui s’enchevêtre comme le corps d’un serpent autour d’un tube de polyuréthane recouvert de velours de 120 m de long. Les créations des Campana révèlent une vraie connivence avec les Mazzei. Outre les assises informelles, il y a d’autres pièces marquantes qui sont nées de cette exploration de l’imaginaire: Cabana, cinq étagères circulaires en fibres de raphia nouées main, les cabinets Scrigno en bois métallisé à l’intérieur et en mosaïque de méthacrylate miroitant à l’extérieur, Jenette ou encore Corallo… Parmi les nouveaux arrivants qui vont faire leur chemin au sein d’Edra, il y a le talentueux Jacopo Foggini avec ses assises Ella, Gilda B., Gina et Alice, en méthacrylate transparent, de style très libre et féminin. Ainsi, avec Foggini, Campana et Binfaré, Edra sort des standards du design pour partager la magie de l’invention. 7. You can see this with the Campanas’ Leatherworks chairs at the Castello di Ama, which enter into conversation with the works of Louise Bourgeois and Michelangelo Pistoletto in a space that blends contemporary pieces together with paintings in the grand rooms of the Chianti vineyard property. Another example of this can be found at the restaurant and café at the Musée d’Orsay in Paris.” During our visit to Edra’s offices and showroom, rather than suggesting we visit the company’s workshops, the Mazzeis invited us to discover the manufacturing processes behind such iconic pieces as the Rose chair and the Boa. Each piece is clearly the result of a complex, elaborate process. This is certainly the case with the Vermelha chair, an undisputed icon created in 1998 by the Campana brothers that was featured in MoMa’s “Project 66” exhibition in New York. To make the Vermelha chair, 500 metres of cotton rope are threaded through an aluminium and steel frame and tied into random knots during a 45-hour-long process. Favela is another Campana creation using natural materials: pine inside and teak outside. These chairs require an expertise that is only found in Brazil. Miraggio is a more luxurious series. These mirrors, coffee tables and dressers are made from shimmering methacrylate Coloreflex. For the Campanas, they are yet another reminder of the density and chaos of Brazil’s favelas. Boa is another of the brothers’ surprising creations. 120 metres of velvet-covered polyurethane tubes are set in a tangled, snake-like shape that forms a flexible seat. It is clear from the Campanas’ creations that they share a close complicity with the Mazzeis. In addition to the informal seats, other striking creations have been borne of the creators’ exploration of their imaginations. The Cabana bed uses hand-knotted synthetic raffia veils and the Scrigno containers feature wood lacquered with metal enamel on the inside and methacrylate mirror mosaics on the outside. That’s not even mentioning the creative work that goes into Jenette or Corallo. A recent addition to Edra’s roster is Jacopo Foggini, who created the free, feminine Ella, Gilda B., Gina and Alice chairs in translucent polycarbonate. With Foggini, Campana and Binfaré on its team, Edra is leaving design banalities behind to show its clients the powerful magic of invention. www.edra.com À lire / Further reading: True Stories with Edra, 1987-2007, ed. by Cristina Morozzi, published by Edra TL # 25 intérieurs. L’harmonie découle finalement d’une personnalité et d’une personnalisation. Le sofa ou l’assise s’inscrit dans un espace “site specific” comme ça été le cas des Leatherworks des Campana au Castello di Ama, en dialogue avec Louise Bourgeois et Pistoletto, entre l’espace contemporain et celui des fresques des grandes salles de cet espace vinicole du Chianti, le restaurant et le café au musée d’Orsay à Paris... », poursuit Valerio Mazzei. En nous promenant dans l’entreprise et son showroom, les Mazzei ne proposent pas une visite des ateliers de production mais une découverte des modes de fabrication de leurs pièces iconiques comme la Rose chair, le Boa… C’est ainsi que l’on comprend mieux la complexité et la construction très élaborée de chaque pièce, dont la Vermelha chair, sans doute l’une de leurs icônes créée en 1998 par les frères Campana, et qui fut intégrée à l’exposition « Project 66 » au MoMA de New York. La Vermelha demande 500 mètres de corde de coton qui sont noués de manière aléatoire pendant 45h autour d’un cadre en aluminium et acier. Favela est aussi une création des Campana en matériaux naturels (le pin pour l’intérieur et le teak pour l’extérieur), dont l’expertise relève d’un savoir-faire local impossible à faire ailleurs 9. 7 — Jacopo Foggini, Gilda B. (Gilda Bojardi, dir. Interni magazine), chaises / chairs, polycarbonate extrudé / extruded polycarbonate 8 — Fernando & Humberto Campana, Favela, chaise en assemblage libre de bois / carefree way of making a wooden chair 9 — Fernando & Humberto Campana, Vermelha, 500 mètres de corde de coton enroulés autour d’un cadre en métal / 500 meters of cotton rope, a wrap-around chair on a metal frame Interiors with Edra, 1987-2006; Interiors with Edra, 2nd edition in 2013, Silvana Editoriale: une sélection des intérieurs réalisés par Edra en Italie et dans le monde /A selection of Edra’s interiors in Italy and worldwide.