l`entrée des gourmands

Transcription

l`entrée des gourmands
OPÉRA
Le rêve de Charles
Garnier ne s’est réalisé
qu’au IIIe millénaire.
L’Opéra a désormais
son restaurant.
Une adresse très
contemporaine ouverte
à la fois sur l’animation
des grands magasins
et sur la magie du
Palais Garnier. Une
prouesse architecturale
conçue par Odile Decq,
l’auteur du musée
d’Art contemporain
de Rome. Et une
entreprise de longue
haleine conduite
par le restaurateur
Pierre François Blanc.
L’ENTRÉE DES GOURMANDS
R ep or ta ge p ho to : Fr an ç oise H ugu ier / V U ’ pou r Pol ka M ag a z i n e
PARIS, JANVIER 2012
Des feuilles de verre
hautes de 6 mètres ferment
la façade de l’Opéra
Restaurant. De jour comme
de nuit, les lumières
de la ville jouent avec cette
prouesse technique.
FRANÇOISE HUGUIER
PARIS, JANVIER 2012
Jeux de miroirs, jeux
de couleurs. Aller se laver les
mains est une expérience.
Véritable ballet entre
les voûtes, les colonnes du XIXe siècle
et la mezzanine d’Odile Decq.
116 I polka #17
Vue de la mezzanine
sur le tapis et les fauteuils
« rouge Decq ».
FRANÇOISE HUGUIER PARIS, JANVIER 2012
La clef de voûte est dégagée, comme le souhaitait la Commission nationale
des monuments historiques. Des pieds porteurs soutiennent la coque de plâtre de la mezzanine.
Des étoiles au menu
C
par B r i g i t t e G e n e s t a r
ent trente-six ans ! L’Opéra
parisien a enfin son restaurant comme ceux de New
York, Londres, Madrid,
Sydney ou Shanghai. Le
soir, la lumière d’hiver
joue avec la gigantesque façade de verre du restaurant du
Palais Garnier. Côté rue Halévy, cette nouvelle adresse parisienne a réussi l’exploit de
pousser, comme une perle, dans un monument jamais retouché depuis sa création
sous Napoléon III. Si les passants distraits
ne remarquent pas le tapis rouge déroulé au
pied de la façade Est de l’Opéra Garnier,
ils chercheront la porte d’entrée de ce lieu
très contemporain, inauguré en juillet 2011 :
pas ou peu de signalétique, monument
historique oblige. La ténacité du restaurateur Pierre François Blanc et le talent de
l’architecte Odile Decq l’ont emporté.
Charles Garnier en avait rêvé mais,
faute d’argent, les abonnés devaient souper
dans leur loge. Début 1970, l’administrateur
de l’Opéra, Rolf Liebermann, s’attelle à un
projet qui ne voit pas le jour. Plus récemment, dans les années 90, le Fouquet’s et
l’architecte Richard Peduzzi lancent une
opération– soutenue par Pierre Bergé – qui
va tomber à l’eau.
« C’est cinq ans de préparation, trois
heures de travail par jour, sept jours sur sept.
C’est le projet d’une vie », avoue le petit-fils
de Clément Blanc qui a ouvert le chemin de
la restauration à la famille avec la célèbre
brasserie des Halles, Au Pied de cochon. Le
jeune restaurateur, diplômé de Dauphine
et de l’Ecole de management de Lyon, a
commencé par la finance de marché avant
de poursuivre la tradition familiale.
Après deux ans de discussions et de
concurrence avec dix autres candidats, c’est
sur une plage bretonne qu’Odile Decq a
appris que son dossier, présenté avec Pierre
François Blanc, était retenu par la direction de l’Opéra. Cette architecte à l’allure
d’une Nina Hagen adoucie a respecté à la
118 I polka #17
lettre le cahier des charges imposé par la
Commission nationale des monuments
historiques. « Je me suis sentie à l’aise.
Charles Garnier était un baroque avantgardiste. Ce n’est pas une architecture
statique. » Le bâtiment dont la construction
fut achevée en 1875 repose sur des structures métalliques habillées de pierre dans
lesquelles passent le système de chauffage et les gaines de ventilation... Le défi :
ne rien accrocher aux murs ni à la voûte,
dont la clef devait rester dégagée afin que
l’ensemble soit réversible et le décor d’origine intact. Pari remporté après deux ans
de travail, le projet architectural d’Odile
Decq, qui est entre autres l’auteur du Musée
d’art contemporain de Rome, le Macro, et
la directrice générale de l’Ecole supérieure
d’architecture, est approuvé
à l’unanimité des membres
de la Commission nationale
des monuments historiques.
L’exploit architectural est
salué, mais Pierre François
Blanc n’est pas encore au bout
de ses peines. L’ensemble du
quartier est classé et le projet,
approuvé, est menacé par le
plan d’urbanisme. Il faudra
encore beaucoup d’énergie, de
sang-froid et de ténacité pour
surmonter cet obstacle inattendu. La complexité du dossier freine les avocats. Pierre
François Blanc défend sa cause tout seul.
Après quatre ans de démarches, d’autorisations et « quelques cheveux perdus », les
travaux commencent. Ils vont durer un an.
L’entrée de la Rotonde des abonnés,
là où les fiacres déposaient les spectateurs,
abrite aujourd’hui, entre ses colonnes,
L’Opéra Restaurant. A l’origine espace
vide, il est désormais fermé par une succession de feuilles de verre en forme de vagues,
fines et hautes de 6 mètres. Cette façade en
verre monumentale ne s’ancre jamais dans
les piliers existants. Une véritable prouesse
technique. Le lieu donne sur les immeubles
haussmanniens, les imposants lampadaires
et les larges trottoirs qui annoncent la foule
des grands boulevards.
Le restaurant occupe une surface de
788 mètres carrés ordonnée autour de trois
espaces : la salle ouverte à la lumière et à la
rue, le bar « lounge » tourné vers les portes
intérieures de l’Opéra et la mezzanine,
glissée entre les colonnes, qui domine le
lieu où la symétrie d’origine est camouflée
mais la clef de voûte dégagée. Un cumulus
blanc en suspension envahit le niveau supérieur moulé par les colonnes. Odile Decq y
voit une forme fantasmagorique. L’intérieur
de ce nuage est habillé d’un rouge vif, le
« rouge Decq », qui crée un univers intime et
chaud, une ambiance différente de la grande
salle inondée de lumière. Des pieds porteurs
fondus à l’ensemble architectural soutiennent cette belle
coque de plâtre. Les marches
du grand escalier, recouvertes
de moquette rouge, lui donnent
une allure théâtrale.
Le Palais Garnier a longtemps été pour son public
un lieu pour voir autant que
pour être vu. C’était un lieu
de rencontres, de bavardages
autour d’un verre ou d’une
assiette. Avec le temps, L’Opéra
Restaurant devrait trouver une osmose avec
cette grande maison, une planète à part où
tout est très organisé, planifié longtemps
à l’avance. Et qu’il est agréable de prendre
le thé avec un opéra dans le murmure des
répétitions, le son des cuivres et des cordes,
ou de se retrouver autour de plats fins, classiques et modernes, signés par le chef deux
étoiles Christophe Aribert et le chef Yann
Tanneau, l’un savoyard et l’autre breton.
Seul regret : que le nom proposé par Odile
Decq pour baptiser ce lieu magique n’ait pas
été retenu. Le fantôme de l’Opéra.
LE DÉFI : NE RIEN
ACCROCHER
AUX MURS
NI À LA VOÛTE,
AFIN QUE
L’ENSEMBLE SOIT
RÉVERSIBLE
L’Opéra Restaurant, place Jacques-Rouché,
Paris IXe. Tél. : 01 42 68 86 80.
www.opera-restaurant.fr

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