Le Steinway – par Elise Simoens

Transcription

Le Steinway – par Elise Simoens
Le Steinway – par Elise Simoens
Le Concours Reine Elisabeth et la Chapelle
musicale Reine Elisabeth ne sont que
quelques témoignages qui nous rappellent
constamment l'intérêt culturel et l'érudition de
notre ancienne Reine. D'ailleurs, après leur
accession au trône en décembre 1909, l'un
des
premiers
actes
des
nouveaux
souverains fut l'achat d'un piano à queue
Steinway. Elisabeth jouait elle-même du
violon et accueillait volontiers d'illustres
pianistes. Il n'est donc absolument pas
impensable que des musiciens réputés tels
Emil Gilels, Arthur Rubinstein et György Cziffra aient exercé leur art sur son Steinway. Par
ailleurs, son amitié avec l'éminent violoniste Eugène Ysaÿea a certainement attiré au palais
une multitude d'autres pianistes.
La marque Steinway représente le summum dans l'art de la fabrication du piano. L'histoire de
Steinway trouve son origine en 1835 dans la ville de Seesen, située dans le nord de
l'Allemagne. Son fondateur, Heinrich Engelhard Steinweg, était à l'origine fabricant de
meubles, mais va rapidement devenir un facteur de piano extrêmement raffiné. Sa devise est
simple: "fabriquer les meilleurs pianos". Le dix-neuvième est l'âge d'or du piano.
Compositeurs et pianistes incitent les fabricants de piano à repousser toujours les limites de
leur art. Steinway fait de nombreuses expérimentations et imprime une marque indélébile sur
le développement du piano à queue moderne, tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Doté d'un esprit d'entreprise très développé et désireux de fuir la situation économique de
l'Allemagne, Heinrich Steinweg s'installe en 1850 aux Etats-Unis, pour y créer, trois ans plus
tard, à New York, la 'the company Steinway & sons'. Les ateliers de New York existent
encore à l'heure actuelle, mais en 1880 la famille ouvre également une usine à Hambourg.
C'est dans l'atelier allemand que le piano de la Reine Elisabeth (portant le numéro de série
104.600) fut fabriqué.
Quand Chris Maene, fabricant belge de pianos, a l'occasion d'examiner le piano à queue de
la Reine Elisabeth au palais royal en 2009, il insiste immédiatement sur sa valeur unique.
Habituellement, seuls les conservatoires et salles de concert possèdent des pianos à queue
de ce calibre, où ils sont soumis à un usage intensif et constamment entretenus. Hormis
quelques petits maux de vieillesse (comme une table d'harmonie fissurée et un chevalet
endommagé) cependant, le piano de la Reine Elisabeth se trouve encore dans son état
d'origine. L'instrument n'a jamais été confié à aucun réparateur (incompétent), ce qui
constitue une situation très rare dans le monde du piano. Maene a donc eu la tâche délicate
de ressusciter le piano (dont pratiquement plus personne n'a joué depuis la mort de la Reine
Elisabeth en 1965). La familiarité de Maene avec le son des instruments historiques était
cruciale pour la réussite de cette opération. Vu que la modification d'un petit détail peut déjà
exercer une énorme influence sur le son, le restaurateur doit, à tout moment pendant son
travail, avoir à l'esprit l'image sonore adéquate.
'Un mariage idéal entre l'excellente mécanique d'un
Steinway moderne et le son raffiné d'un instrument
historique', telle est la description du Steinway
restauré de la Reine Elisabeth donnée par le
pianiste franco-libanais Abdel Rahman El Bacha. En
tant que professeur à la Chapelle musicale Reine
Elisabeth, El Bacha est particulièrement ravi du
potentiel pédagogique de l'instrument. Le piano du
début du vingtième siècle est un instrument idéal
pour faire renaître l'esprit qui animait l'époque de
compositeurs tels que Rachmaninov et Gershwin.
Et, pour l'élève, apprendre à reproduire sur un piano
moderne le monde nuancé des sons si typiques
d'un tel instrument est un exercice extraordinaire.
L'arrivée de cet instrument à la Chapelle Reine Elisabeth a également une forte valeur
symbolique. N'est-il pas formidable que 100 ans après son achat par la Reine, cet instrument
soit désormais installé dans une institution créée par la Reine elle-même? Même le biotope
de l'instrument a été respecté. En effet, dans la Chapelle, le piano n'a pas été installé dans
une gigantesque salle de concert, mais dans un studio dont la taille rappelle le cadre original
dans lequel il se trouvait jusqu'à présent. Et la boucle est bouclée.

Documents pareils