Réflexion - le jeu à but thérapeutique
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Réflexion - le jeu à but thérapeutique
ROHART Arthur Réflexion : le jeu à but thérapeutique Objet ludique – SIGPREPA 2 - Supinfogame 1 Avant Propos Cette réflexion a été élaborée dans le cadre de mon jury de fin d’année de l’école de jeu vidéo Supinfogame. Même si elle a été élaborée par un futur concepteur de jeu vidéo, il ne faut pas y voir une réflexion qui s’adresse uniquement aux concepteurs de jeu, mais à toute personne qui désire s’informer sur l’intérêt du jeu pour une thérapie. Que vous soyez un médecin désirant utiliser un jeu en thérapie, un concepteur de jeu devant élaborer un jeu autour d’une maladie précise ou toute autre personne désirant simplement s’informer sur le sujet, cette réflexion a été pensée et élaboré pour vous. Je n’ai pas élaboré ce dossier pour démontrer que le jeu est aussi dangereux que les médias le prétendent car ce n’est pas mon but. Cette réflexion a été conçue pour montrer que le jeu peut être un outil puissant pour le traitement des maladies chroniques. Si je devais aborder cela, je me serai égaré dans mon approche. Plus encore, on pourrait y voir de l’hypocrisie car je ne ferai donc pas ma réflexion pour ma véritable cible : les patients. Je vous laisse donc la possibilité de démontrer cela, en prenant ce dossier comme argument. Je m’intéresse à l’utilisation des jeux dans un cadre thérapeutique depuis plusieurs années. A partir de ma formation, je pouvais enfin aborder la conception même de ces jeux et alors proposer une démarche pour concevoir ses jeux. Ce projet a nécessité plusieurs de mois de travail. Je n’aurai jamais pu l’élaborer sans l’aide de certaines personnes. Je tiens à remercier le docteur Charlotte Rohart, pour m’avoir permis de vous présenter le plus simplement et le plus exactement possible le monde médical. Je tiens également à remercier Fanny Blevacque, une orthophoniste qui m’a montré l’intérêt du jeu pour le monde médical. Enfin, je tiens principalement à remercier Nicole De Grandmont, une orthopédagogue mais surtout une spécialiste du jeu qui m’a épaulé tout au long de cette réflexion et sans qui rien n’aurait été possible. Enfin, je remercie tous mes proches et toutes personnes qui ont pu m’aider durant cette réflexion, tels que Sylvain Haudegond, Stéphane Rusinek, Benoît Virole, Marie Eve-Demers, Sylvain Douce … J’espère que vous apprécierez la lecture de ce dossier et qu’il répondra aux questions que vous vous posez sur l’utilisation du jeu dans un cadre médical. Le jeu à but thérapeutique 2 Sommaire Introduction I – De la thérapie au jeu 1. Les outils thérapeutiques 2. L’arrivée du jeu en thérapie 3. Vers des jeux thérapeutiques Annexe 1 : la neuro-rétroaction II – Le jeu à but thérapeutique 1. Définition générale du jeu 2. L’intérêt du jeu 3. Le jeu thérapeutique 4. La motivation du jeu à but thérapeutique 5. Soigner ou guérir ? 6. Un joueur ou un patient ? Annexe 2 : Re-Mission III – L’approche thérapeutique 1.La place du jeu : l’éducation thérapeutique 2.Le cadre d’application du jeu : la relation médecin - patient 3. La cible du jeu à but thérapeutique : la maladie 4. La maladie : possibilités et contraintes de conception Annexe 3: la Wii-Thérapie IV – Les enjeux de la conception 1. Définition 2. La recherche de capacités 3. D’une capacité au jeu 4. Le suivi du patient 5. Coopération et compétition entre le thérapeute et le patient 6. La scénarisation : un autre outil thérapeutique V – Exemple de concept 1. La dyslexie 2. Présentation du concept : Outer Space 3. Scénarisation 4. Les mini-jeux 5. La place de l’orthophoniste 6. Autres options supplémentaires Conclusion Objet ludique – SIGPREPA 2 - Supinfogame 3 Introduction Aujourd’hui, que ce soit pour oublier un contrôle de math mal digéré ou pour rencontrer d’autres personnes, le jeu est principalement utilisé en tant qu’un outil de divertissement : on joue avant tout pour se détendre le temps d’une partie. Et cela fonctionne. Le jeu est aujourd’hui connu de tous et le monde entier joue chez soi comme ailleurs, seul ou en famille. Les jeux vidéo ont réellement changé la manière dont les gens se divertissent : le jeu est devenu un produit culturel. Pourtant, certains jeux n’ont pas pour but premier de divertir : certains permettent d’instruire, d’autres de véhiculer un message politique. Comment arrive-t-on à de telles utilisations que certains appellent « détournements » ? C’est en réalité pour utiliser la puissance du jeu à d’autres fins et aider à la vie de chacun, de manières plus ludiques et efficaces. Ces personnes qui détournent le jeu comprennent en vérité le jeu mieux qu’une personne qui aurait pour seul but de divertir, car elles ont osé s’intéresser à une autre utilisation du jeu, pour finalement mieux le comprendre. Pour devenir un concepteur de jeu, je tiens à faire partie de ces personnes et je me suis donc toujours intéressé à l’utilisation du jeu dans un autre cadre que le divertissement pur. Depuis plusieurs années, je m’intéresse ainsi à l’utilisation thérapeutique du jeu. J’ai notamment réalisé un reportage, les vertus du virtuel, qui analyse la frontière entre le réel et le virtuel : il présente différentes utilisations thérapeutiques du virtuel et donc de jeux vidéo, notamment pour la lutte contre les phobies ou en tant qu’outil en psychanalyse. Ces utilisations m’ont toujours fasciné car elles montrent que le jeu peut véritablement aider à lutter contre des maladies et ainsi devenir un outil bénéfique pour le monde de la médecine. Après plusieurs années d’études de ces jeux, je tenais à franchir une étape supplémentaire. Etant élève dans une école de création de jeu vidéo, j’étais donc capable de m’intéresser au cœur même de ces jeux : leur conception. Au cours de mes recherches, j’ai réalisé que peu d’entre eux ont été conçus dans ce but et que la plupart d’entre eux était en vérité des exercices maquillés. Même s’il existe bien quelques jeux à but thérapeutique, personne n’a pris le temps de les définir. Je tenais ainsi à explorer cette voie et à en proposer une définition type. A travers cette réflexion, je tiens donc à proposer un première modèle de jeu à but thérapeutique et la démarche à avoir pour créer de tels jeux. Le jeu à but thérapeutique 4 I – De la thérapie au jeu Guérir ne se résume pas simplement à prendre un médicament. Certaines maladies nécessitent bien plus que cela, puisque le patient doit doit parfois développer ses capacités afin de lutter contre la maladie. Certains médecins se sont alors emparés de certains outils afin de renforcer leurs thérapies. Puis, ils se sont progressivement penchés vers l’utilisation du jeu. Afin de mieux comprendre comprendre leurs démarches, il est avant tout nécessaire de comprendre l’intérêt d’utiliser des outils ludiques au sein d’une thérapie. 1. Les outils thérapeutiques L’éducation thérapeutique est un ensemble de pratiques visant à permettre au patient l’acquisition de compétences, afin de pouvoir prendre en charge de manière active sa maladie, ses soins et sa surveillance. Les soignants prescrivent certains outils, outils permettant alors de combattre certaines maladies telles que des maladies chroniques1 comme le diabète, l’asthme, les insuffisances cardiaques,, etc. …. L’utilisation de ces outils ludiques a été fort présente depuis la fin de la deuxième Grande Guerre, dans le cadre de la rééducation. Ils permettent avant tout de tester les capacités du patient, patient afin de mieux les évaluer, et cela, dans un contexte où le patient sent moins le jugement de valeur toujours présent lors d’une évaluation. De nombreux outils différents sont ainsi utilisés, que ce soit les simples tests habituels réalisés à l’aide de support papier, l’utilisation l’utilisation de poupée, des jeux de construction, construction etc... On remarque également plusieurs méthodes thérapeutiques, par exemple l’art thérapie qui pousse le patient à exprimer sa forme de créativité soit par le dessin, la peinture ou les arts théâtraux. Bien sûr, l’évolution de la technologie a permis, depuis quelques années d’améliorer et de renforcer l’efficacité de l’éducation thérapeutique, grâce à l’utilisation de logiciel ou de la réalité virtuelle. Ainsi, la lutte contre les phobies est prise en charge par la cyberpsychologie2, c’est-à-dire l’utilisation de la réalité virtuelle. Les outils dépendent ainsi du domaine de la médecine, et donc, de manière générale, de la maladie visée. Les outils thérapeutiques sont donc très variés et suivent les différentes évolutions de notre société. On remarque alors que le jeu peut également être un excellent outil thérapeutique. 2. L’arrivée du jeu en thérapie L’utilisation du jeu en tant qu’objet thérapeutique peut sembler récente, notamment avec l’arrivée massive du jeu vidéo. Pourtant, la réalité est tout autre : la thérapie par le jeu existe déjà depuis bien longtemps que ce soit en psychanalyse, en psychologie ou en médecine. On peut penser, entre autres, à l’approche d’Itard3 avec la rééducation d’un enfant sauvage, Victor (de 1800 à 1801), où il essayait de lui faire placer des outils sur un 1 Maladie qui persiste dans le temps, au moins plus de 3 mois. Ces maladies ne peuvent être résolues sur une courte période. 2 Le laboratoire de Cyberpsychologie de l’UQO utilise plusieurs applications virtuelles, plus d’infos sur w3.uqo.ca 3 Jean Itard (1774 – 1838) est un médecin français du XIXe siècle, spécialisé dans la surdité et l'éducation ; Le jeu à but thérapeutique 5 I – De la thérapie au jeu mur où, préalablement, il avait dessiné le contour de ces objets. Cette première approche sera alors le commencent des bienfaits thérapeutiques du jeu. Un outil de psychanalyse L’utilisation du jeu en thérapie était avant tout liée à la psychanalyse. Ainsi, en 1927, la psychothérapeute Mélanie Klein4 a été la première à utiliser le jeu pour la psychanalyse des enfants. Le jeu est alors considéré comme l’activité naturelle de l’enfant l’enfant dans lequel il exprime ses fantasmes inconscients sexuels et agressifs. Au lieu d’une simple discussion, l’enfant jouait et chaque action était interprétée par la psychothérapeute qui pouvait alors mieux comprendre l’enfant. Bien que cette technique ait été sujette à plusieurs controverses, elle a permis de lancer une nouvelle approche de la psychanalyse des enfants. Son travail a ainsi influencé le travail de Winnicott5, qui a insisté sur le développement de la créativité des enfants par le jeu. Aujourd’hui, la même approche est reprise avec l’utilisation du jeu vidéo : le psychanalyste analyse le comportement du joueur / patient, qui devient alors la projection de ses fantasmes dans un univers virtuel. Mais ils utilisent également le jeu vidéo dans le but de recréer des situations proches de celles auxquelles les patients sont confrontés : c’est le cas du jeu Ico6, réutilisé par Michael Stora7. Le jeu à l’hôpital Le jeu est également utilisé à l’hôpital, principalement pour les enfants. Dans La thérapie par le jeu, Ivonny Linquist8 présentait les utilisations des jeux pour des enfants hospitalisés, en précisant quels types de jeu étaient utilisés pour tels types d’enfants : le but était de favoriser leur immersion ainsi que le dialogue entre le thérapeute thérapeute et le patient. patient Même si les jeux utilisés peuvent sembler démodés, cette méthode instaura les premiers principes de base concernant la thérapie par le jeu. Le jeu à l’hôpital est alors utilisé afin de favoriser le dialogue et de rendre l’hôpital plus confortable pour les enfants : cette même technique sera reprise au Centre Hospitalier Charles Perrens à Bordeaux9. L’atelier jeu vidéo utilise par exemple des jeux Nintendo pour pousser les enfants à s’exprimer. On retrouve cette même volonté dans le jeu Dolo : Kids10. Puis, la notion de « thérapie par le jeu » commença à se développer, permettant à l’aspect ludique de prendre un rôle majeur concernant la restructuration de l’enfant. D’autres jeux vidéo ont également été utilisés dans un cadre médicale. On peut citer ainsi l’exemple de la neuro-rétroaction11, utilisé auprès d’enfants victimes de troubles nerveux. 4 Mélanie KLEIN, La technique du jeu, 1927. D.W.WINNICOTT, Jeu et réalité, 1971. 6 ICO, jeu sur Playstation 2, Sony Computer Entertainment Europe, 2002. 7 Michael STORA, Guérir par le virtuel, 2005. 8 Ivonny LINDQUIST, L’enfant à l’hôpital – la thérapie par le jeu (Titre Original : Play-Therapy), 1970, disponible sur le site de l’apache (http://www.apache-france.org/media/therapie_jeu.pdf) 9 José PEREZ et François LESPINASSE, Un atelier thérapeutique « jeu vidéo », publié dans la revue « Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence " Septembre - Octobre 1996 n° 9-10 p. 501-506. 10 Dolo : Kids (www.dolodiag.fr), jeu développé par le CCCP ; 11 Cf Annexe 1 5 Le jeu à but thérapeutique 6 I – De la thérapie au jeu La « Play-Therapy » La « Play-Therapy » se base alors essentiellement sur l’importance de jouer pour les enfants vis-à-vis de leur développement. L’intérêt de ce type de thérapie est que l’enfant résout luilui-même son problème. problème Elle permet donc à l’enfant de se développer, de communiquer, de s’exprimer … Le jeu devient alors un moyen privilégié de reconstruire son monde à sa dimension et permettre un certain recul à l’enfant, par l’action même de « jouer ». Ainsi, il pourra influer son développement. En 1982, « The Asssociation For PlayTherapy12 » a été créée en vue de promouvoir la «play-therapy ». Aujourd’hui, elle compte plus de 5 000 membres dans plus de 26 pays. Plusieurs formations existent : en Angleterre, la « Play Therapy » est ainsi enseignée au niveau post graduate dans plusieurs universités13. En France, l’université de Lyon 1 enseigne notamment cette notion dans le cadre d’un cursus de deux ans14. L’utilisation du jeu dans un cadre thérapeutique est donc loin d’être récente, récente mais semble méconnue du grand public. Pourtant, son efficacité a poussé certains à concevoir des jeux spécifiques à une utilisation thérapeutique. 3. Vers des jeux thérapeutiques thérapeutiques Les premiers jeux conçus à but thérapeutique sont très rares. On retrouve certes des jeux de plateau, mais ces derniers étaient plus la retranscription des exercices, camouflés derrière un jeu. Puis, les premiers jeux vidéo à but thérapeutique sont apparus, mais souffraient également du même problème : il s’agit parfois plus d’un logiciel que d’un véritable jeu. Néanmoins, certains jeux se démarquent, comme le célèbre Re-Mission15 qui participe à la lutte contre le cancer : le jeu aide les cancéreux à parler de leurs maladies. De plus, une étude a prouvé que le jeu permettait aux traitements d’être plus efficaces. Dans la plupart des utilisations précédentes, on remarque que les jeux utilisés n’ont pas été conçus dans un but thérapeutique. thérapeutique En effet, ce sont les thérapeutes qui s’approprient les jeux,, car ils y voient un véritable intérêt pour leur thérapie. C’est donc l’utilisation de ces jeux qui leur permet de devenir « thérapeutiques ». Le jeu devient donc moyen thérapeutique, mais il reste avant tout un objet de plaisir, dénué de finalité thérapeutique. De manière générale, les thérapeutes utilisent le jeu pour la motivation qu’il procure chez le patient : le jeu est un moyen thérapeutique. thérapeutique Le ludique a pourtant des vertus thérapeutiques puisqu’il est important que le patient agisse afin de participer à sa propre thérapie, tel que le sous-entend l’éducation thérapeutique. Mais la nature du jeu peut alors développer cet impact et rendre la thérapie plus efficace : si le patient s’investit pleinement dans l’exercice, il prend alors une tout autre ampleur. ampleur 12 Association for Play Therapy : www.a4pt.org On peut citer l’exemple de York, Liverpool Hope, Roechampton Surrey, Stracthclyde 14 Plus d’infos sur le site : http://focalserv.univ-lyon1.fr/fiche_formation.php?REF=688 15 Re-Mission, jeu vidéo PC de HopeLab, 2006 ; disponible gratuitement sur le site www.re-mission.net 13 Le jeu à but thérapeutique 7 I – De la thérapie au jeu Face à ce constat, il est donc possible de créer des jeux dont la finalité thérapeutique lui permet de prodiguer des soins. L’intention thérapeutique du jeu permet alors aux mécanismes ludiques d’avoir un un impact plus conséquent parce qu’il va maquiller en quelque sorte, l’effort que le joueur doit consentir afin d’adhérer à toute l’efficacité de la thérapie : il est ainsi possible de soigner plus efficacement au travers d’un jeu. Le but de cette réflexion est d’utiliser le jeu afin de lutter contre des pathologies précises. Pour cela, je vais proposer une manière de concevoir de tels jeux. Il faut donc comprendre ce que l’aspect thérapeutique implique afin de définir la création de mécanismes de jeu. Mais avant tout chose, il faut comprendre le cœur même de cette réflexion : c’est le jeu. Le jeu à but thérapeutique 8 Annexe 1 – La neuro-rétroaction En 2002, Ethan Myers, un petit garçon de neuf ans est victime d’un accident de la route. Les médecins déclarent après diagnostic qu’il ne pourra plus jamais manger, parler et marcher sans assistance. Pourtant, en 2006, Ethan Myers va à l’école comme tous les enfants de son âge, et arrive même malgré les traces de l'accident à lire à haute voix en classe, grâce à la neuro-rétrocation, une thérapie par les jeux vidéos, développés par la compagnie Smart Brain Games. Le CyberLearning Technology LLC est compatible avec plusieurs consoles de jeu, ce qui permet de proposer le produit sur des supports et des jeux déjà bien connus des enfants et des familles. NeuroNeuro-rétroaction ou neuroneuro-feedback La neuro-rétroaction est une thérapie, utilisée auprès d’enfants victimes de troubles nerveux. Elle consiste à un entraînement à la neuro-rétroaction (neuro – feedback). Concrètement, il s’agit d’une forme de conditionnement qui récompense les joueurs en fonction des ondes mentales qu’ils produisent : le patient joue à un jeu vidéo classique et est relié par un casque équipé de capteurs au système de neuro-rétroaction. Le système est basé sur un logiciel développé par la NASA16. Interaction joueurjoueur-système Le patient joue à un jeu vidéo classique, et est relié par un casque équipé de capteurs au système de neuro-rétroaction. Le système note quand la personne à une activité cérébrale intense, voire de stress, ou quand elle est en état de relaxation. Une interaction a lieu alors entre le système et la console de jeux ou l’ordinateur afin de gérer la douleur et l’anxiété du joueur. Les données échangées entre le système et le joueur circulent par un système de neuro-rétroaction qui permet de contrôler les commandes du jeu. Le type de jeu qui fonctionne le mieux est le jeu de course de voiture (tels que Burnout17). En effet, ce type de jeu permet tout particulièrement de faire progresser l’enfant grâce aux contrôles de la voiture. Le jeu est paramétré de manière à ce que la vitesse et la direction de la voiture puisse être contrôlé plus facilement par le joueur si son état cérébral correspond à ce qui est demandé par le système de rétroaction. Par exemple, si le joueur n’est pas en état cérébral de relaxation, il aura plus de difficultés à contrôler sa voiture. Le joueur doit alors se calmer pour pouvoir diriger sa voiture avec plus de facilité. Au fur et à mesure de la thérapie, le patient apprend à se maîtriser et recouvre ses capacités. La neuroneuro-rétroaction est un donc un exemple de détournement de jeu vers une approche thérapeutique. thérapeutique. Les jeux utilisés n’ont pas été conçus pour soigner, soigner, mais un système va le permettre. permettre. Cette thérapie montre que le jeu vidéo peut être utilisé à but thérapeutique, et pas seulement psychanalyse. 16 17 National Aeronotics and Space Administration Burnout, jeu sur Playstation 2, Criterion Games, Le jeu à but thérapeutique 9 II – Le jeu à but thérapeutique II – Le jeu à but thérapeutique L’intérêt de concevoir concevoir des jeux à but thérapeutique est de favoriser le traitement des maladies visées. Afin de concevoir ces jeux, il faut avant tout de chose comprendre ce qu’est le jeu, de manière à comprendre l’intérêt de l’utiliser au cours d’un traitement. Il nous sera alors possible de mesurer l’impact du jeu à but thérapeutique. 1. Définition générale du jeu « Etudier le jeu n’a rien d’un jeu d’enfant 18» : de nombreux auteurs se sont en effet confrontés à cet exercice difficile. Non seulement la langue française impose une grande difficulté lorsqu’il faut parler de jeu, mais ses définitions diffèrent sur de nombreux points : la définition d’Huizinga19 a ainsi été reprise par Caillois20 ; Winnicott21 apportait également une autre définition du jeu, celle-ci axée sur le développement de la créativité du joueur …. Dès qu’une définition est émise, elle est aussitôt contredite. Pourtant, toutes ces définitions comportent bel et bien des ressemblances sur lesquelles je m’appuierai pour proposer une définition générale du jeu : ce sont donc les caractéristiques du jeu. Il s’agira alors d’une définition personnelle sur laquelle je m’appuierai pour expliquer pourquoi le jeu peut avoir un impact conséquent sur la thérapie. Le jeu est une activité, définie par plusieurs caractéristiques énoncées par Caillois : - libre ; le joueur ne peut pas être obligé de jouer, sans quoi le jeu perd alors sa nature de divertissement, de plaisir ; il faut donc comprendre que c’est le joueur qui vient au jeu dans le but de s’amuser ; - séparée ; le jeu sort de l’ordinaire et entraîne le joueur hors du train de vie quotidien ; lorsque le joueur se dirige vers le jeu, il veut s’évader de ce qui l’entoure ; - incertaine ; le déroulement du jeu ne doit pas être déterminé, il doit laisser au joueur l’initiative d’inventer et de créer ; - improductive ; le jeu ne produit pas de biens; tout ce qui peut être généré par le jeu ne dépasse pas son cadre ; - réglée ; le jeu est régi par un ensemble de règles qui diffèrent de la réalité ; 18 Gilles BROUGÈRES, Jouer/Apprendre, page 5, 2005. Johan HUIZINGA, Homo Ludens – Essai sur la fonction sociale du jeu, 1938. 20 Roger CAILLOIS, Les jeux et les hommes, 1958 21 D.W.Winnicottk, Jeu et réalité, 1971. 19 Le jeu à but thérapeutique 10 II – Le jeu à but thérapeutique - fictive ; le jeu impose un cadre nouveau (on parle d’univers pour les jeux vidéo) qui se démarque de la réalité ; Je vais donc proposer une définition personnelle du jeu par rapport à ces caractéristiques. Le jeu est une activité libre, définie par un cadre fictif dans lequel le joueur va devoir utiliser ses capacités créatives afin de résoudre des situations le poussant à s’évader de son train de vie quotidien, et dans lequel il ne cherche aucune production, simplement le plaisir de se divertir. 2. L’intérêt du jeu Le jeu peut paraître comme une activité futile, pour ne pas dire sans grand intérêt. Pourtant, lorsqu’on regarde un joueur qui joue, on remarque qu’il ne s’agit plus d’une banale activité, puisqu’il va vraiment prendre la chose à cœur et va se concentrer dessus : le jeu, c’est du sérieux. Mais pourquoi, alors qu’il est censé être un simple outil de divertissement, suscite-t-il un tel intérêt chez le joueur ? La réponse est simple : par la motivation qu’il procure. La motivation est définie par Nuttin22 comme ce qui « régule le fonctionnement de l’individu en interaction avec son milieu ». Guillaume Denis23 met en valeur deux principes qui expliquent la création de motivation dans les jeux : l’auto-détermination et le flow. L’auto-détermination est une théorie, dans laquelle la motivation est générée par l’activité mentale de la personne. On distingue deux types de motivations générées : - la motivation intrinsèque, via laquelle la personne agit librement à la recherche de plaisir, de satisfaction, de détente…. - la motivation extrinsèque, provoquée par des facteurs extérieurs à l’activité tels que les récompenses, la pression sociale, la compétition …. La motivation est alors provoquée par des besoins psychologiques innés, reliés à la recherche du bien-être et du développement de la personne : - le besoin d’autonomie, soit d’être maître de ses actions ; - le besoin de compétence, soit de réussir, d’être satisfait par l’accomplissement d’objectifs ; - le besoin d’appartenance sociale, soit le sentiment d’être proche de personnes importantes ; c’est l’aspect « multi-joueurs » du jeu ; 22 J. Nuttin, Motivation, Planning and Action — A Relational Theory of Behaviour Dynamics, Leuven University Press, 1985. 23 Guillaume DENIS, Jeux Vidéo Éducatifs et Motivation : Application À L’Enseignement Du Jazz, l’École des Mines de Paris, 2006 Le jeu à but thérapeutique 11 II – Le jeu à but thérapeutique L’auto-détermination va donc générer la motivation chez le joueur pour le jeu, puisqu’il est provoqué pas différents besoins. Le concept de flow découle de ce principe, puisqu’il s’agit d’une motivation intrinsèque, soit propre à la personne. Le flow est l’état d’une personne investie qui oriente l’ensemble de ses capacités sensorielles, mentales et motrices vers l’accomplissement d’une activité bien précise. Il est provoqué lors de l’équilibre entre un défi à relever et des compétences de l’individu pour le relever. Ce flow doit être généré tout au long du jeu par un ensemble de défis adaptés à la progression du joueur, des objectifs, des récompenses, mais aussi sur l’idée d’un dénouement d’une situation incertaine. Le flow va alors provoquer une implication très forte du joueur sur le jeu : une forte concentration, une fusion entre action et attention, un manque de recul par rapport à l’activité et une possible distorsion de la perception temporelle. Le flow pousse le joueur à utiliser l’ensemble de ses capacités physiques et mentales, et va permettre au joueur de se dépasser. De plus, il maintient l’intérêt du joueur pour le jeu. L’auto-détermination permet alors de pousser le joueur vers le jeu et de provoquer l’intérêt du joueur pour le jeu, en générant différentes motivations. Le flow va quant à lui intensifier cet intérêt, en poussant le joueur à utiliser l’ensemble de ses capacités en vue de se dépasser, tout en le régulant. Ces deux principes de motivations génèrent alors cette motivation qu’un joueur a pour un jeu : il peut ainsi avoir un énorme impact sur une personne. C’est donc l’intérêt même d’utiliser la puissance du jeu à des fins thérapeutiques. Afin de respecter cette visée thérapeutique, il ne faut pas pour autant dénaturer le jeu, car on n’obtiendra pas le résultat cherché, c’est-à-dire pousser le patient à se soigner par lui-même, sans pour autant y voir l’aspect pénible de l’exercice. Il faut donc définir le jeu à but thérapeutique, afin de mieux comprendre comment s’articulera la motivation du joueur. 3. Le jeu à but thérapeutique Le jeu à but thérapeutique est un jeu utilisé dans le cadre d’une thérapie. Il implique des mécanismes de jeu dont la finalité est thérapeutique. De manière générale, c’est un jeu qui procure avant tout du plaisir, celui de jouer, et de ce plaisir découle alors le soin. Si l’on considère que le jeu à but thérapeutique a pour premier objet de soigner, alors il sera tellement structuré qu’il peut y avoir l’absence de surprise et d’incertitude, ce qui créera alors des réponses déterminées : ce n’est donc plus un jeu. Ce problème est le même pour un jeu éducatif ou un jeu pédagogique puisqu’il réunit deux choses opposées: le jeu qui est défini comme une action libre et dénuée de toute utilité, et la thérapie, qui vise à soigner. Il faut donc considérer ce type de jeu comme étant un moyen de se soigner à travers des actions libres et fictives. Le jeu à but thérapeutique est avant tout chose un jeu : c’est la finalité des actions que le joueur va réaliser qui va permettre de le soigner. Il pousse le joueur à son développement. Le jeu va en effet apprendre quelque chose à son joueur. Mais le jeu à but thérapeutique s’articule autour d’un acquis préalable : Le jeu à but thérapeutique 12 II – Le jeu à but thérapeutique la maladie. Elle peut ainsi impliquer que le joueur ne va pas apprendre quelque chose, mais plutôt réapprendre. Par exemple, un jeu basé sur la rééducation implique que le joueur doit de nouveau réapprendre à marcher. Il est donc possible d’envisager que le jeu se base sur des acquis. On peut certes rapprocher le jeu à but thérapeutique du jeu éducatif, puisqu’il y a un bien, l’un comme l’autre, un apprentissage, mais le jeu pédagogique s’adresse à tous et son but est simplement de permettre à quelqu’un d’apprendre. Or, le jeu à but thérapeutique s’adresse quant à lui à une personne qui possède un acquis qui lui est propre : une maladie, ce qui implique que le joueur connaît les forces et les limites de ses propres capacités. Étant donné que le joueur n’est pas « vierge », le jeu thérapeutique nécessite de bien connaître la personne à qui il s’adresse et son type de maladie, afin de prendre en considération ses capacités et ses incapacités et de développer les mécanismes de jeux en fonction de ce type de joueur. Le jeu à but thérapeutique est avant tout un jeu dont les actions vont permettre au joueur de s’amuser, tout en luttant contre sa maladie. La finalité thérapeutique est donc au cœur même du jeu, sans pour autant le dérouter de sa nature de jeu. Il est donc important de considérer le jeu à but thérapeutique comme un jeu, sans quoi on ne profite pas de sa véritable utilité. 4. La motivation du jeu à but thérapeutique Comme nous l’avons vu précédemment, le jeu peut avoir un réel impact sur son utilisateur. Le but de cette réflexion vise alors à utiliser la motivation qu’il engendre dans le cadre d’une thérapie. L’aspect thérapeutique du jeu peut néanmoins perturber la nature même du jeu et donc la motivation qu’il va générer. Il faut donc prendre en compte comment la motivation du jeu se forme (vue précédemment) et la mettre en relation avec la visée thérapeutique. Le jeu est basé sur l’auto-détermination, qui est générée par des besoins psychologiques innés. On devra alors retrouver des éléments qui correspondent à ces trois besoins dans le jeu. Le besoin d’autonomie est l’un des plus importants : il permet au joueur d’être seul face à son objectif, pour ainsi se concentrer pleinement. Il est donc important de laisser le joueur agir seul, seul sans que le thérapeute l’aide à sa tâche. Le besoin de compétence est amené par la réalisation des objectifs du jeu : le joueur va se dépasser pour accomplir quelque chose. Ce besoin va engendrer un développement des capacités du joueur et c’est là où le jeu prend son aspect thérapeutique. Néanmoins, le développement de ses capacités doit prendre part dans des objectifs de jeu, dans lequel le hasard et l’initiative du joueur sont mises à rude épreuve. Il ne faut donc pas que le joueur comprenne que l’objectif du jeu est simplement le développement d’une capacité : il doit comprendre qu’il doit réaliser cet objectif pour le jeu uniquement et donc pour lui. Ce n’est qu’après qu’il découvrira qu’il a développé une capacité, lui permettant de se soigner. Il est important de mettre en valeur la récompense, Le jeu à but thérapeutique 13 II – Le jeu à but thérapeutique pour valoriser le joueur qui a réussi son objectif. Il faut donc montrer l’évolution du patient à travers les différentes réussites du jeu : c’est le modeling. De ce besoin découle alors le plaisir du jeu à but thérapeutique : il ne s’agit plus du plaisir comme dans le jeu en général, puisque là, il s’agit de performer en vue de progresser. Du plaisir de jouer découle alors le plaisir de se soigner. soigner Le besoin d’appartenance sociale peut être amené par l’intervention du thérapeute dans le jeu, non pas en tant qu’aide supplémentaire, mais en tant que second joueur du jeu. La communication est un élément placé au centre de la thérapie entre le patient et le thérapeute, il est donc important de reprendre cette communication au travers même du jeu. L’aspect thérapie permet alors de répondre à ce besoin. besoin Le flow va réellement apporter un grand plus à la thérapie, puisqu’il va permettre au patient de se dépasser, favorisant alors l’efficacité du traitement : si un patient mobilise toutes ses capacités, il s’acharnera alors vraiment sur la thérapie et se soignera mieux. Mais le flow dépend énormément de la conception de la nature du jeu. Il pousse alors à une conception d’un véritable jeu, dont la finalité sera thérapeutique. La motivation que suscite le jeu permet certes d’utiliser le jeu à des fins thérapeutiques, mais il faut respecter le cadre du jeu, sans quoi cette motivation n’est pas développée. 5. Soigner ou guérir ? Le jeu à but thérapeutique a donc pour but de lutter contre des pathologies, en se basant sur la nature du jeu pour favoriser la lutte contre une maladie. Faut-il alors considérer le jeu comme un médicament ? On pourrait croire que le jeu permettrai de « guérir », ou plus précisément de délivrer du mal d’une maladie par sa seule utilisation. Certaines maladies nécessitent des traitements spécifiques, tels que des médicaments ou des opérations. En effet, pour guérir, des interventions dans l’organisme sont nécessaires. Le jeu ne peut donc pas guérir, même s’il est possible d’isoler certains cas particuliers. Son utilisation thérapeutique est pourtant nécessaire. Le jeu a souvent été utilisé en tant que moyen au cours d’une thérapie : il la favorisait, sans pour autant être la thérapie. Il constituait des vecteurs de thérapie, c'est-à-dire qu’il favorisait l’efficacité du traitement, sans pour autant être le traitement. On peut alors considérer le jeu comme étant un moyen thérapeutique : il va permettre de soigner, c'est-à-dire de procurer des soins en vue d’une possible guérison du patient. Le jeu est donc un moyen thérapeutique : il permet de soigner, d’amener à la guérison, tels les outils que n’importe quel médecin pourrait utiliser. Pour ces raisons, il est important de préciser « à but thérapeutique », sans quoi cette distinction entre soigner et guérir ne paraît pas évidente. L’importance de cette distinction réside dans l’impact du jeu : utilisé en tant que vecteur thérapeutique, c'est-à-dire « soigner », le jeu peut viser toutes les Le jeu à but thérapeutique 14 II – Le jeu à but thérapeutique maladies. Le but de cette réflexion n’est pas de prouver la puissance du jeu, mais bel et bien de proposer le jeu pour favoriser la lutte des maladies. 6. Un joueur ou un patient ? Un jeu à but thérapeutique s’adresse-t-il à un joueur ou à un patient ? Le jeu et la thérapie s’adressent à deux types de personnes bien distinctes : le jeu est destiné à un joueur et la thérapie ou traitement est destiné à un patient. Le joueur est généralement défini comme « une personne qui joue », ou qui utilise un jeu. Il faut donc puiser dans la définition du jeu pour obtenir une réelle définition. Un joueur est ainsi une personne qui s’engage pleinement à vivre une expérience hors de l’ordinaire et bien distincte de son train de vie quotidien, dans le simple but de se divertir : il vient au jeu sans recherche particulière et sans y être forcé. Mais un joueur est avant tout une personne qui se prête au jeu : il se pousse ainsi pleinement dans l’optique de jouer, en utilisant toutes ses capacités et tout ce que le jeu permet de faire. Il exploite alors tout son savoir - faire dans des situations sortant de l’ordinaire : il utilise ainsi sa propre créativité ce qui entraînera alors ses capacités. À travers le jeu, le joueur va évoluer. Le patient est une personne qui reçoit une attention médicale, un ensemble de soins. Il cherche ainsi à lutter contre une pathologie qui lui est propre. À travers le traitement, il cherche à guérir. Si l’on compare les deux définitions, le patient ne peut pas devenir un joueur à travers le jeu, car un joueur ne cherche qu’à se divertir et ne recherche aucun résultat : il ne peut pas se forcer à jouer pour guérir sinon il n’y a aucune notion de se faire plaisir. Avant d’être un patient, la personne doit être un joueur afin d’être amenée vers le jeu. Le problème « joueur ou patient » n’a ainsi pas lieu d’être, puisque la personne doit être les deux à la fois : elle cherche à s’investir pleinement dans le jeu pour se divertir, mais ses actions entraîneront alors un développement, puis une possible guérison. Finalement, le véritable problème, c’est que le patient doit être un joueur avant même d’utiliser le jeu. Pour cela, il faut donc lui présenter un jeu, et non un exercice camouflé. Il s’agit ici de l’enjeu de ma réflexion. moyen oyen Le jeu à but thérapeutique est donc avant tout un jeu, utilisé en tant que m thérapeutique. Sa conception nécessite la création de mécanismes qui pousse le joueur à se développer dans un axe précis, ce qui favorisera alors une guérison. but ut Dans cette partie, nous avons compris en quoi il était nécessaire de considérer le jeu à b thérapeutique avant tout comme un jeu. On peut alors aborder l’aspect thérapeutique, pour enfin se concentrer sur la conception même du jeu à but thérapeutique. Le jeu à but thérapeutique 15 Annexe 2 – Re-Mission Titre : Re-mission (rémission24 de la tumeur) Développeur : HopeLab Genre : shoot-them-up’ 3D PlatePlate-forme : PC Disponible gratuitement sur le site officiel www.re-mission.net HopeLab est une organisation américaine à but non-lucratif, fondée en 2001 par Pam Omidyar, une chercheuse dans le domaine médical. Son but est de concevoir de véritables outils thérapeutiques pour améliorer la santé et la qualité de vie des enfants atteints de maladies chroniques. Elle a travaillé pour la lutte contre le cancer et s’attaque actuellement contre l’obésité avec le projet Ruckus Nation. L’organisation désire également s’intéresser à l’autisme, à la dépression et la drépanocytose25. Le 3 avril 2006, la compagnie sort ReRe-Mission, Mission son premier jeu vidéo pour la lutte contre le cancer, résultat d’une collaboration de plus de 5 ans entre des experts sur la maladie, des biologistes cellulaires ainsi que des psychologues. Dans ReRe-mission, mission le joueur incarne Roxxi, un nanobot qui doit combattre le cancer armé d’un canon laser en se déplaçant dans le corps de différents patients. Le jeu est un shoot-them-up’ 3D et présente aux joueurs les différentes cellules qu’il doit anéantir et protéger, de manière à expliquer la propagation de la maladie. Bien que le titre puisse sembler, à première vue, nonthérapeutique (dans le sens où il ne touche pas la maladie directement), Re-Mission est un exemple de jeu utilisé en tant que moyen thérapeutique. Une étude26 a ainsi démontré les bienfaits thérapeutiques du jeu. En effet, leur qualité de vie et leur connaissance sur la maladie s’est nettement améliorée. De plus, le jeu aide les patients à observer le régime prescrit par les médecins : ils ont aussi pu maintenir les niveaux de chimiothérapie dans leur sang et ont montré des signes d'utilisation supérieure des antibiotiques. Re-Mission permet donc aux patients de mieux accepter leur maladie, ce qui favorise alors leur traitement. ReRe-Mission est très bon exemple de jeu à but thérapeutique, puisqu’il permet de soigner et favorise donc un traitement. 24 Régression du volume d'une tumeur accompagnée de la diminution des symptômes qu'elle provoque. Maladie héréditaire, caractérisé par la présence d’une hémoglobine de structure anormale dans les globules rouges. 26 Étude réalisée sur 375 jeunes cancéreux adultes et adolescents, répartit dans plus de 34 centres médicaux à travers les Etats-Unis, le Canade et l’Autralie. 25 Le jeu à but thérapeutique 16 III – L’approche thérapeutique Réaliser un jeu à but thérapeutique ne signifie pas simplement s’attaquer à une maladie : il s’agit avant tout de s’adresser à un patient qui en est atteint. atteint. Cette dimension du mal être va particulièrement frapper l’éducation thérapeutique et donc le jeu. Pour mieux comprendre la conception du jeu à but thérapeutique, il faut avant tout définir le cadre de son application afin de comprendre ses enjeux. Cette partie vise à présenter les informations médicales nécessaires que le concepteur du jeu se doit de connaître pour identifier les forces et les limites de son jeu. I – La place du jeu : l’éducation thérapeutique L’art médical est défini par l’art de l’accompagnement. Le médecin ne doit pas assurer l’immortalité du patient, mais doit favoriser ses soins. Dans le cas de certaines maladies, il nécessite l’utilisation d’outils que seul un médecin est en mesure de sélectionner, en vue de développer les capacités chez son patient. De ce constat est alors apparue la notion d’éducation thérapeutique. Pour rappel : L’éducation thérapeutique est un ensemble de pratiques visant à permettre au patient l’acquisition de compétences, afin de pouvoir prendre en charge de manière active sa maladie, ses soins et sa surveillance. L’Organisation mondiale de la Santé a souligné 4 points pour définir l’éducation thérapeutique27 : - elle vise à former le malade pour qu’il acquière un savoir-faire adéquat entre sa vie et le contrôle optimal de la maladie, - elle fait partie intégrante des soins médicaux, - elle comprend aussi bien la sensibilisation, l'information, l'apprentissage et le support psychosocial, à la fois pour la maladie et le traitement, - elle doit permettre au malade et à sa famille de mieux collaborer avec les soignants.. L’éducation thérapeutique vise donc à développer les capacités du malade. Le jeu jeu sera alors considéré comme un soin médical puisqu’il permettra au patient de développer les capacités recherchée es, afin qu’il puisse affronter sa maladie et l’accepter. Cette notion est devenue une nécessité suite : - à l’accroissement des maladies chroniques ; certaines maladies nécessitent plus de temps et donc l’utilisation d’outils spécifiques, à fréquences régulières ; - d’une tendance générale à la prescription ; les patients recherchent davantage à prendre des médicaments, ce qui diminue l’efficacité de la prise en charge thérapeutique et 27 Organisation Mondiale de la Santé, Therapeutic patient education. Continuing education programmes for health care providers in the field of prevention of chronic diseases. Octobre 1998. Le jeu à but thérapeutique 17 III – L’approche thérapeutique développe davantage les risques encourus par certaines maladies nécessitant l’utilisation de ces outils ; - de l’évolution de la relation entre médecin et patient ; ce dernier ne connaît pas tout le langage médical et fait donc de plus en plus confiance à son médecin en demandant plus d’informations, de participations aux décisions médicales le concernant … L’éducation thérapeutique vise principalement les maladies chroniques, mais n’exclut pas les autres maladies aigües, bien que celles-ci ne nécessitent pas le développement d’une relation entre un patient et un médecin. Elle est ainsi axée sur l’apprentissage du patient et concerne tous les types de soignants et donc de maladies. Le jeu à but thérapeutique s’applique alors dans ce cadre, puisqu’il implique le développement de capacités. Néanmoins, cette réflexion approchera principalement les maladies chroniques, du fait qu’elle implique le médecin et le patient. L’éducation thérapeutique est donc avant tout axée sur la relation entre le médecin et le patient, qui ont pour but commun de lutter contre une maladie en favorisant l’échange et le dialogue. Le jeu à but thérapeutique va donc s’appliquer dans le cadre de cette éducation thérapeutique. Mais ce qu’il faut avant tout retenir, c’est qu’elle sera réalisée uniquement par des professionnels de la santé : le concepteur de jeu ne sera donc pas là lors de l’application de son jeu durant l’éducation du patient. Il ne faut donc pas le considérer en tant que médecin, car il n’entretiendra pas une relation privilégiée avec chaque patient. Le concepteur est donc un créateur d’outils, d’outils mais il faut alors prendre en compte l’importance de la relation entre le médecin et le patient, car cette relation va définir l’intérêt du jeu. II – Le cadre d’application du jeu : la relation médecin -patient Un médecin est un professionnel chargé d’organiser les soins de son patient. Son but est d’abord de le soulager d’une souffrance puis de le guérir d’une maladie. L’enjeu de sa fonction est donc la qualité du soin qu’il peut apporter au patient. Pour cela, il doit avant tout apprendre à le connaître à travers un diagnostic afin de déterminer qui il est (croyances, attitudes, connaissances), son attitude vis-à-vis de la maladie, l’acceptation de la maladie et enfin identifier et comprendre ses priorités. La connaissance du patient est obligatoire dans le cas de l’éducation thérapeutique, car elle nécessite de prendre en compte différentes réactions de ce dernier, de manière à moduler la thérapie. La relation médecin-patient est principalement verbale, ce qui nécessite de favoriser le dialogue. Pourtant, la responsabilité du patient peut également être gestuelle et comportementale. Cette relation est un processus continu et doit être toujours adaptée à l’évolution du patient (sa maladie, sa vie et son état de santé) : le médecin choisira alors d’utiliser tel ou tel outils pour telle ou telle pratique. Il doit également avoir pour but d’évaluer l’évolution du processus d’apprentissage et de ses effets. Le jeu nécessite donc d’être un outil adapté aux divers niveaux de l’évolution du patient dans un premier temps, puis servir d’outil de suivi afin que le médecin soit mieux informé de l’évolution de son patient dans un second temps. Le jeu à but thérapeutique 18 III – L’approche thérapeutique Aujourd’hui, la relation médecin-patient n’est plus seulement considérée comme une rencontre entre deux personnes, mais comme « un binôme de travail28 ». C’est donc cette force de travail qui permet de favoriser le traitement de la maladie. Le jeu à but thérapeutique peut ainsi profiter de cette force et l’intégrer dans le jeu, à travers des mécanismes de coopération, voire même de compétition. L’intérêt est de prolonger cette relation dans le jeu afin que ce dernier constitue toujours un prolongement du traitement. Le jeu nécessite alors d’être utilisé au cours d’une thérapie, ce qui peut nuire à la gratuité de l’acte de jouer, mais encore une fois, le plaisir du jeu repose avant tout sur le plaisir de voir une amélioration de sa santé qui favorisera le plaisir de mieux se soigner. L’objectif visé est que le patient luilui-même demande au médecin de jouer. jouer L’application du jeu s’exerce donc dans cette relation. Le jeu à but thérapeutique doit ainsi répondre à ses différentes attentes, en profitant alors de ce binôme qui a pour but de lutter contre une pathologie. pathologie Sa structure repose ainsi sur un jeu à 2 joueurs, de manière à favoriser le dialogue entre les deux utilisateurs. On peut alors soit favoriser la compétition et/ou la coopération pour favoriser l’intervention des deux personnes dans le jeu. jeu Ces deux propositions dépendent du type de patient auquel on s’adresse, puisque ce dernier va évoluer mentalement à travers le jeu : il change son approche vis-à-vis de la maladie. Le patient est au départ dominé par sa maladie. Pour des raisons sociales et autres, il est conscient des handicaps qu’elle lui confère et peut avoir une faible estime de soi. S’il doit affronter son médecin, il pensera qu’il sera perdant avant même de débuter et nécessite de regagner une certaine confiance en lui et surtout en l’éducation thérapeutique. Le jeu pourra être assumé de façon plus ou moins solitaire, en gardant le médecin comme la personne qui lui expliquera ses progrès et l’encouragera. Il est ainsi possible que le médecin devienne un joueur de soutien, nécessaire aux différentes actions du patient, mais il doit s’agir avant tout d’un réel prolongement de la coopération tel que nous l’avons vu en éducation thérapeutique : c’est le patient qui doit être au centre du jeu. La coopération doit donc privilégier l’action du patient. Le jeu à but thérapeutique peut donc favoriser la présence du médecin, dans un cas de coopération dans un premier temps. Le patient va alors évoluer grâce à ses propres actions et à la coopération. Petit à petit, il va donc contrôler sa maladie, maladie c'est-à-dire qu’il va apprendre à vivre avec elle et tous les handicaps. C’est ainsi que le patient et le médecin peuvent être placé en situation de joueurs en confrontation. Dans ce cas-ci, la simple idée d’affronter son propre médecin devrait réellement stimuler le patient et renforcer la relation. Le jeu à but thérapeutique peut donc favoriser la compétition entre le médecin et le patient dans un second temps. La relation entre le médecin et le patient peut donc être amenée suivant l’état du patient, à travers des mécanismes de coopération puis de compétition. Il faut néanmoins observer une différence concernant les informations recherchées par les deux joueurs, qui déterminent alors deux types de finalité différents aux mécanismes du jeu : le développement de capacité ne concernera que le patient. Le médecin, quant à lui, 28 Pr. Christian HERVÉ, La relation médecin – malade, 2002 Le jeu à but thérapeutique 19 III – L’approche thérapeutique recherchera alors à comprendre le patient et l’observer. Il faut ainsi distinguer ces deux types de joueurs à travers la conception du jeu. jeu III – La cible du jeu à but thérapeutique : la maladie La maladie est généralement définie comme une altération des fonctions ou de la santé d’un organisme vivant, mais il ne s’agit en vérité que d’une partie de ce qu’elle constitue : en effet, être malade, ce n’est pas simplement un état de santé altéré, puisque cela touche également la vision que l’on a de la maladie ou encore les comportements qu’elle implique. Le docteur Charles Honnorat29 définit la maladie comme étant à la fois un état, un ressenti et une construction sociale. On peut définir une maladie selon trois critères : - des altérations biologiques, soit les causes (les facteurs provoquant la maladie) ; - le vécu subjectif du malade, c’est à dire les symptômes (c’est à dire ce que l’on ressent vis-à-vis de cette maladie) ; - le processus de socialisation des épisodes pathologiques, c'est-à-dire l’ensemble des comportements provoqués par la maladie.. Le premier critère est principalement observé par le médecin : il va comprendre d’où provient la maladie, par rapport à une observation de son patient et ses connaissances. Il lui faudra donc agir sur ces altérations pour traiter la maladie. Il est donc nécessaire de lister les causes de la maladie pour que le jeu agisse. La conception d’un jeu à but thérapeutique nécessite nécessite de lister l’ensemble de ces causes, causes pour créer des mécanismes de jeu évolutifs qui développent alors des capacités par rapport à ces altérations. Les deux autres critères concernent le patient. Le second est l’ensemble des symptômes, c'est-à-dire des manifestations subjectives de la maladie. Le dernier critère concerne les conséquences de la maladie, soit les difficultés liées et la place que prend la maladie dans la vie du patient. Dans de nombreux cas, ces deux critères influent principalement sur la perception de la maladie : le patient ne l’accepte pas. L’un des enjeux du jeu à but thérapeutique est donc de résoudre ce problème, en favorisant son acceptation30. Il peut s’agir à la fois d’un discours, mais cela provient principalement du plaisir que le jeu dégage. Il est peut--être préférable de ne pas aborder la maladie de front, mais de créer des situations qui se rapprochent à celle-ci, pour que le patient comprenne que « ce n’est pas si grave ». Ces critères montrent notamment l’importance d’insérer des mécanismes de coopération ou de compétition, pour favoriser alors le contrôle de la maladie. La création d’un jeu à but thérapeutique vise donc la maladie, mais elle vise également le patient. patient Il faut en effet agir sur les causes de sa maladie, mais le jeu doit également agir sur ces symptômes. Ces critères devront être pris en compte lors de chaque création de mécanisme pour que le jeu s’applique alors dans le cadre de l’éducation thérapeutique. 29 30 Pr. Charles HONNORAT, Apprentissage de l’exercice médical – le malade et sa maladie, septembre 2007 C’est ce que le jeu Re-Mission a notamment réussit à apporter. Le jeu à but thérapeutique 20 III – L’approche thérapeutique Seule une étude poussée sur la maladie visée permet alors de concevoir des mécanismes de jeu efficaces. efficaces IV – La maladie : possibilités et contraintes de la conception Avant d’aborder la conception même du jeu, il faut avant tout analyser la maladie visée. La maladie présente à la fois les possibilités offertes par le jeu, mais aussi ses limites. Elle définit le cadre de la conception du jeu. Le jeu à but thérapeutique recherche le développement de capacités, en vue de soulager le patient de sa maladie. Pour définir ses capacités, il faut simplement comprendre l’objectif du traitement : qu’est-ce que le traitement cherche à développer ? Cet objectif consistera alors la finalité de chaque mécanisme : développer des capacités en vue de soulager une maladie. maladie Par exemple, dans le cadre de la rééducation, il s’agira de développer des capacités permettant au patient d’acquérir une place aussi normale que possible dans la société. Le jeu doit donc s’orienter autour du développement de ses capacités. Il faut donc comprendre quels types de capacités sont recherchés : capacité d’adaptation, capacité de contournement, capacité de correction, etc. Seule une étude poussée concernant les altérations qui provoque la maladie permet alors de construire le jeu.. Il faut vraiment maîtriser le sujet pour que le jeu ait une finalité finalité thérapeutique observable. observable Si le jeu a pour objectif de soigner, il faut avant tout comprendre ce que l’on soigne. Le développement de capacités laisse alors une certaine liberté de conception, selon le type de maladie. maladie C’est donc elle qui va montrer quelles sont les possibilités ludiques que le concepteur du jeu peut élaborer. Nous verrons que, durant la conception, il est important d’analyser les exercices pour en extraire leur intérêt, sur lequel on se basera pour élaborer des mécanismes de jeu. La conception d’un jeu implique toujours des contraintes. Dans notre cas, elles seront principalement liées aux capacités du patient. En effet, ce dernier ne dispose pas des mêmes capacités que n’importe quel joueur. Il faut donc prendre en compte ce qu’il peut faire avant de jouer, pour concevoir un jeu qui s’adapte à ses facultés,, mais surtout qu’il lui permette de profiter du plaisir du jeu. Toujours dans le cadre de la rééducation, il ne faut pas proposer un jeu qui nécessite la réalisation de mouvements très rapides, puisque certains patients ne pourront pas suivre le rythme imposé par le jeu. Il faut donc favoriser un jeu adapté au joueur. Une solution serait alors de tester les capacités du patient avant de commencer à jouer. On peut ainsi imaginer que, à travers une phase de personnalisation du jeu, le joueur présente,, qui il est,, et surtout quelles sont ses capacités en fait un prétest ! Le système de jeu s’adaptera au joueur. Quant aux symptômes,, ils sont à priori propres à chaque patient. Néanmoins, chaque maladie peut être définie par un nombre de symptômes. Il faut ainsi les lister et développer des mécanismes dans le jeu, qui aidera à soulager ces symptômes. symptômes La maladie visée définit donc le cadre dans lequel le concepteur peut créer son jeu. Il doit donc prendre en compte tout son ensemble afin que le jeu corresponde au maximum avec son intention thérapeutique. Le jeu à but thérapeutique 21 III – L’approche thérapeutique Finalement, cette partie de la conception du jeu à but thérapeutique peut clairement effrayer le concepteur du jeu, jeu, car il nécessite une grande grande connaissance de la maladie visée. Le concepteur doitdoit-il alors être avant tout un médecin? Non. Il doit simplement prendre en compte l’espace dans lequel son jeu va être réalisé, afin de bien cerner ce qu’il peut faire et ne peut pas faire. Je pense ainsi ainsi que la collaboration avec un professionnel de la maladie visée est clairement obligatoire, aussi bien pour la recherche à effectuer, effectuer, mais aussi pour valider les mécanismes de jeu imaginé. Le médecin se chargera alors de rappeler le cadre d’application du jeu. C’est le concepteur qui apportera alors son savoir à la conception du jeu à but thérapeutique. Le jeu à but thérapeutique 22 Annexe 3 – La Wii-thérapie La « WiiWii-Thérapie » est un ensemble d’exercices de rééducations qui utilisent la console Nintendo Wii et ses manettes sensibles aux mouvements afin d’aider d’aider les patients à se remuscler après une attaque ou un accident. Cette utilisation du jeu vidéo dans un cadre thérapeutique prouve que, de part ces différents aspects, le jeu permet réellement le dépassement du patient face à l’exercice. Les exercices de rééducation sont souvent répétitifs et ennuyeux pour les patients. Après analyse de la console Wii, certains docteurs ont observé une certaine similarité entre les mouvements demandés au cours des exercices de rééducation et ceux que la console poussait à réaliser. Certains centres ont alors décidé d’acquérir plusieurs consoles ainsi que quelques jeux commerciaux, dont Wii Sports. Poussé ver le jeu, le patient participe alors à un exercice de rééducation nettement plus stimulant sur le plan intellectuel. James Osborn, responsable de la rééducation de l’hôpital de Herrin dans le sud de l’Illinois, déclare : « quand les gens peuvent se concentrer sur autre chose que sur le côté fastidieux du travail physique, ils le font souvent mieux ». La console permet ainsi de renforcer certains aspects de la rééducation comme l’endurance, la dextérité ou l’équilibre. L’hôpital de Raleigh, en Caroline du Nord, a noté que les utilisateurs "s'améliorent en endurance, en force, en coordination ». De plus, à l’exemple d’un exercice de rééducation, la Wii aide les patients à résoudre un problème face à une situation quotidienne. quotidienne «Pour un patient tétraplégique qui travaille son équilibre assis, c'est incroyable ce que la Wii peut faire. Car lorsque l'activité est stimulante et qu'on est tellement absorbé, on ne se rend pas compte de l'effort que l'on fait», souligne Mme Landry, responsable à l’Institut de réadaptation de Montréal. Plus que l’apprentissage de simples mouvements spécifiques, la Wii permet réellement de rééduquer l’ensemble des parties du corps afin d’aider les utilisateurs à réapprendre certains gestes de la vie quotidienne (se coiffer, se vêtir, se laver les dents …). De plus, les jeux utilisés impliquent de combattre un adversaire, réel ou virtuel, ce qui favorisent alors la motivation du patient dans la pratique. « Parce que c'est comme un jeu, cela crée une sorte de compétition. Même s'ils boxent contre un personnage vidéo ou qu'ils jouent au tennis contre lui, c'est étonnant à quel point nos patients ont envie de battre leurs adversaires» déclare Osborn. Et aux dires de Mme Landry, le patient est encore plus motivé quand il s’agit d’affronter son propre ergothérapeute ! Albert Liaw joue au jeu de boxe, après avoir souffert d'une attaque, à cause d'un coup à la tête durant un match de boxe. Mais c’est surtout la tolérance de frustration qui est au cœur de la thérapie. Un patient peut recommencer plusieurs fois le même jeu afin de battre son adversaire ou son propre record personnel : il accepte alors l’échec et l’idée de reproduire les mêmes mouvements, ce qui est nettement plus difficile pour un simple exercice de rééducation. Le jeu à but thérapeutique 23 Annexe 3 – La Wii-thérapie Les résultats sont réellement encourageants : Matthew Turpen (cf. image), un jeune soldat de 22 ans paralysé des jambes jusqu'à la poitrine, avoue que jouer l'aide dans le processus de rééducation et brise la monotonie des exercices habituels. D’autres exemples montrent l’efficacité de l’utilisation de la console Wii. Bien que certains docteurs évoquent des risques de tendinites et de contractures, la « WiiWii-thérapie » s’implante au cœur de nombreuses instituions médicales. Interview de MarieMarie-Eve Demers, Demers, ergothérapeute au programme locomoteur amputé à l’Institut de réadaptation de Montréal. Quels sont les jeux Wii que vous utilisez principalement ? Actuellement, nous utilisons principalement le jeu WII sport incluant le tennis, le bowling, le baseball et la boxe. Qu'apportent ses jeux en particulier ? L'intérêt de l'utilisation de la WII se situe principalement au niveau de la motivation. Nous avons toujours utilisé des activités ludiques ou des jeux pour travailler certaines capacités telles que l'équilibre, la tolérance debout, la mise en charge prothétique, les réflexes, les mouvements des bras, la coordination, etc. Toutefois, certaines activités couramment utilisées en ergothérapie pour travailler ces aspects correspondent moins à la clientèle jeune ou sont peu intéressantes (ex: jeu de poche, jeu de ballons, etc). L'utilisation de la console WII garde l'intérêt et favorise la participation plus active du client qui est davantage porté à se dépasser. Comment se déroule une session de la "Wii"Wii-thérapie" ? En général, elle est utilisée comme modalité thérapeutique dans le cadre d'une approche globale. Le patient ne fait donc pas uniquement des activités avec la WII. Normalement, les séances durent de 5 à 30 minutes selon le patient et les besoins. Dans tous les cas, elles se font en présence du thérapeute qui est essentiel pour donner un retour au client afin que ce dernier travaille comme il convient. Il faut noter que la WII à elle seule n'a pas une nature thérapeutique, mais que c'est l'utilisation que l'on en fait qui l'est. Ainsi, le thérapeute doit constamment orienter le client sur sa posture, sur le poids mis sur la prothèse, la durée de l’activité, etc. A quelles fréquences ontont-elles lieux ? De quelles durées ? Il n'y a pas de fréquence cible, tout dépend de l'évolution du client et des autres besoins. PouvezPouvez-vous citer des exemples marquants qui prouvent son efficacité ? Comme je le mentionnais, l'efficacité réside surtout dans la motivation. Certains clients ont mentionné qu'ils étaient plus intéressés à venir en traitement, qu'ils avaient hâte : ils travaillaient fort physiquement sans en avoir l'impression. Je n'ai pas d'exemple marquant, mais je sais que certains clients auraient moins bien collaboré avec les outils standards. Le jeu à but thérapeutique 24 IV – Les enjeux de la conception Dans cette dernière partie, nous allons nous intéresser à la création même du jeu et à ce qu’elle implique, en vue de répondre aux dernières questions qu’une personne non initiée peut se poser. I – L’intention de jeu La conception d’un jeu à but thérapeutique est régie par une intention de jeu, c'està-dire la lutte contre une maladie précise. Pour chaque élément du jeu, il faudra se référer à celle-ci. Le plus important est donc de définir avec précision la maladie visée. C’est donc dans le cadre de cette intention que la présence d’un médecin est nécessaire. Le concepteur du jeu s’assurera que tous les éléments du jeu sont cohérents avec cette intention. La conception du jeu dépend ainsi de cette intention. De cette intention découlera un système de jeu (par exemple, les règles) ainsi qu’un gameplay. Chaque conception de jeu est ainsi différente, car chaque maladie visée est différente. Cependant, notre intention nécessite de s’intéresser à certains points particuliers de la conception, spécifique à un jeu à but thérapeutique : la création de mécanisme de jeu à but thérapeutique. II – La recherche des capacités Le jeu à but thérapeutique doit développer certaines capacités chez son joueur/patient. Il faut donc analyser ces capacités, afin de mieux les intégrer au jeu. La maladie visée a sûrement été traitée par des exercices sur lequel il faut s’intéresser. Chaque exercice ne doit cependant pas être repris et transformé en jeu, sans quoi on ne peut pas réellement concevoir un jeu, mais plutôt un exercice « plus ludique ». Pour profiter de l’intérêt du jeu, il faut comprendre la capacité que l’exercice cherche à développer : il faut l’extraire de l’exercice. Puis, il faut établir un mécanisme de jeu autour de cette capacité. L’analyse des exercices n’est donc pas le seul axe de recherche. Il faut donc analyser la maladie et comprendre quelles capacités le patient doit avoir pour lutter contre sa maladie. III – D’une capacité au jeu Chaque capacité va être placée au centre même du jeu. Le jeu servira ainsi à les développer. Pour cela, il faut créer des mécanismes de jeu qui utilisent cette capacité, c'est-à-dire qu’un élément du jeu ne peut être utilisé uniquement si le joueur utilise ou développe la capacité : par exemple, un jeu nécessite d’utiliser la capacité X que le joueur n’a pas, mais va devoir développer pour remplir les conditions du jeu ; par le jeu, il l’acquiert. Ces capacités sont en quelque sorte les moyens qui vont permettre de résoudre les objectifs du jeu. On pourrait croire que le patient, s’il n’a pas la capacité, ne pourra pas progresser, mais c’est justement le jeu qui va le pousser à l’acquérir et à la développer. Le jeu à but thérapeutique 25 IV – Les enjeux de la conception Chaque capacité dépend ainsi d’un mécanisme de jeu, qui favorisera son développement. Par ce procédé, il est ainsi possible de créer des jeux à but thérapeutique. Il existe de nombreux mécanismes de jeu différents. Cette réflexion ne vise pas à présenter comment concevoir un jeu, mais montre comment aboutir à un jeu à but thérapeutique. IV – Le suivi du patient Afin que le jeu soit un véritable outil thérapeutique, il peut présenter la progression du patient. Pour le médecin, il est nécessaire de présenter en quoi les capacités du patient ont évolué, en les présentant en rapport avec les altérations qu’a subi le patient. Le suivi peut utiliser des types d’évaluation issus du milieu médical : l’intérêt est que le médecin les connaît déjà. De cette manière, la progression est directement liée avec les connaissances précises du médecin, ce qui permet une compréhension et analyse de ces résultats. Il pourra se référer à ces grilles pour déterminer l’évolution du patient et réagir en conséquence. Le suivi doit également être présenté au patient si on veut sa collaboration. En effet si un patient connaît bien les tenants et les aboutissants d’un jeu il y adhéra rapidement et sans retenue. C’est ainsi qu’à travers le jeu, le patient découvrira quelles capacités il a développées, en quoi il évolue et donc en quoi jouer est quelque chose de bon pour lui. Il faut cependant utiliser d’autres outils graphiques que ceux employés par le médecin, pour qu’il comprenne son évolution dans le jeu : on peut ainsi se référer aux éléments du système de jeu pour concevoir cette évaluation. Le score ou encore les ressources accumulées sont de très bons outils pour présenter sa progression. On peut ainsi utiliser de nombreux éléments du jeu, tant qu’ils sont concrets et qu’ils dépendent des actions du joueur. Enfin, sa progression doit être la plus compréhensible possible, car le malade ne connaît pas tous les termes techniques de sa maladie. Il faut ainsi que le joueur comprenne rapidement en quoi il vient de se soigner. Montrer ses évolutions renforcera ainsi le plaisir du jeu à but thérapeutique, c'est-à-dire le plaisir de se soigner. La présentation de cette évolution permet donc de favoriser le plaisir du jeu et son intérêt en tant qu’outil thérapeutique. Cependant, les moyens utilisés peuvent être difficiles à mettre en place selon le support du jeu. Dans le cadre d’un jeu non numérique, le concepteur du jeu peut élaborer des grilles d’évaluation que le médecin devra remplir. Ces grilles doivent se référer à des éléments précis du jeu, afin que l’évaluation des capacités soit la plus simple possible : par exemple, inscrire le score de tel jeu, inscrire le nombre d’erreurs pour tel jeu, etc. Il est conseillé d’ajouter un guide qui explique le traitement de ces résultats. Le médecin et le patient peuvent compléter leurs propres grilles d’évaluation. Néanmoins, il s’agit d’une charge de travail supplémentaire, ce qui nécessite ainsi d’élaborer des grilles simples à comprendre et à remplir. Dans le cadre d’un jeu vidéo, ce suivi peut être établi directement par le jeu, sous la forme de statistiques. On peut ainsi montrer l’évolution dans le temps, mais aussi les capacités du patient lors de la partie. L’évolution dans le temps peut être montrée via de simples Le jeu à but thérapeutique 26 IV – Les enjeux de la conception graphiques (par exemple, des graphiques combinés). Concernant les capacités du patient, il est préférable d’utiliser un graphique radar (ou en toile d’araignée), regroupant les capacités développées et l’évaluation de chacune d’entre elles. V- Coopération et compétition entre le thérapeute et le patient La relation médecin-patient peut être intégrée au jeu, afin de prolonger la communication et le solide binôme entre les deux. Il s’agit là que d’une piste et qui n’est pas obligatoire dans le cas d’un jeu à but thérapeutique. Certains jeux peuvent donc être conçus uniquement pour le patient. De plus, certains médecins ne voudront peut--être pas jouer et préfèreront laisser le joueur agir seul. Comme nous l’avons vu, il faut d’abord valoriser la coopération puis la compétition dans le jeu. La coopération Les joueurs coopèrent, c'est-à-dire qu’ils coordonnent leurs actions et partagent leurs ressources, dans le but d’atteindre les buts ou buts subsidiaires du jeu. Le médecin et le patient peuvent coopérer à travers le jeu, mais il doit avant tout s’agir du réel prolongement de la coopération tel que nous l’avons vu en thérapie : c’est le patient qui doit être au centre du jeu. La coopération doit privilégier l’action du patient. Il est néanmoins possible que le médecin devienne un joueur de soutien, nécessaire aux différentes actions du patient. La compétition Elle désigne la lutte entre joueurs (ou contre l’intelligence artificielle de la machine) pour atteindre un objectif grâce auquel on pourra mesurer la performance de chaque joueur. Ce principe s’oppose à l’idée de compétition, puisqu’il place les deux joueurs en confrontation. Pourtant, lorsque le patient maîtrisera sa maladie et donc le jeu, l’idée d’affronter son propre médecin devrait réellement stimuler le patient et renforcer la relation. Par contre, nous sommes conscients qu’il y a un comment le patient se perçoit en regard de son médecin ? Est-il conscient que cet affrontement se jouera sur les capacités de chacun, en d’autres termes le patient se voit-il comme celui qui part perdant. D’ou l’importance de créer des mécanismes qui vont amener à égalité les deux joueurs, notamment en ajoutant une difficulté supplémentaire pour le médecin. La coopération et la compétition peuvent donc être intégré au jeu mais nécessite une attention particulière : non seulement la coopération doit suivre la compétition, mais ces deux principes nécessitent d’être équilibrer afin de ne pas décourager le joueur face à sa maladie. On peut également utiliser la scénarisation afin de favoriser l’acceptation de sa maladie. Le jeu à but thérapeutique 27 IV – Les enjeux de la conception VI - La scénarisation : un autre outil thérapeutique Durant cette réflexion, j’ai beaucoup insisté sur la création de mécanisme du jeu. Pourtant, la définition du jeu suggère que le jeu est une activité séparée, qui entraîne le joueur hors du train de vie quotidienne31. Il est possible de favoriser cet aspect, non seulement pour favoriser le jeu, mais aussi son aspect thérapeutique. La scénarisation est l’écriture de la trame dans laquelle le jeu se déroule. Il s’agit de l’univers qui permet d’immerger le joueur dans le jeu. Son but est de permettre au joueur d’accéder et de profiter pleinement du système de jeu. L’intérêt de la scénarisation dans un jeu à but thérapeutique est de détendre le patient, en l’immergeant dans un autre monde. Mais la scénarisation permet aussi de favoriser l’acceptation de la maladie, en lui montrant qu’il ne s’agit pas d’un problème isolé et qu’il ne sera pas toujours en difficultés. L’idéal serait de proposer un univers où l’on retrouve des problèmes similaires, pour éviter une confrontation directe entre le patient et sa maladie. La scénarisation peut ainsi favoriser l’approche du joueur vers le jeu et donc apporter une grande aide thérapeutique. La conception d’un jeu à but thérapeutique diffère ainsi d’un jeu à l’autre, puisqu’elle est conditionnée par l’intention de jeu. Pourtant, on peut déterminer certains facteurs communs communs entre chaque jeu. Il faut ainsi analyser la maladie, afin d’identifier d’identifier la ou les capacité(s) visée(s) et construire un mécanisme de jeu autour d’elle(s) et enfin les placer au centre même d’un jeu. Il faut également intégrer un suivi de la progression du patient, afin que le jeu puisse être un outil thérapeutique. Enfin, la relation entre le médecin et le patient peut également être placée au centre du jeu. Il ne s’agit donc pas de définir la conception d’un jeu à but thérapeutique, mais une proposition proposition de conception. 31 Partie II, Définition générale du jeu. Le jeu à but thérapeutique 28 V – Exemple de concept Cette partie présente un concept de jeu à but thérapeutique. Plus qu’un exemple de jeu, il s’agit avant de mettre en application cette réflexion et surtout de mieux percevoir l’importance de la maladie sur le jeu. En effet, les parties précédentes ne pouvaient pas aborder de manière plus détaillé l’approche du jeu par rapport à la maladie, ca chacune d’entre elle est différente. Je me suis donc concentré sur la dyslexie et je propose un concept de jeu vidéo pour la Nintendo DS. Il ne s’agit s’agit pas là d’un travail de créativité, car l’important est bel et bien la finalité thérapeutique du jeu. I – La dyslexie La dyslexie est un trouble bien méconnu du grand public. Tantôt définie par un simple trouble d’écriture, la dyslexie est un problème bien plus vaste que cela. Non seulement, elle regroupe d’autres problèmes ou types de dyslexie, mais elle implique davantage les facultés d’une personne, personne plus que de simple problème d’apprentissage. C’est la raison pour laquelle je tenais à proposer un exemple de jeu à but thérapeutique autour de cette maladie. Il s’agit d’une maladie que tout le monde semble connaître mais qui nécessite d’être redéfinie, redéfinie notamment dans le cadre d’un concept. De plus, cette maladie n’est parfois pas guérissable, ce qui montre alors la nécessité d’un outil thérapeutique pour soulager le patient de celle-ci. Enfin, la maladie permet de proposer des mécanismes ludiques variés, présentant alors tout l’intérêt de la réflexion en amont. 1. Définition possible La raison pour laquelle la dyslexie est bien mal perçue par le grand public est simple : les définitions du terme dyslexie ont évolué et sont variables en fonction des auteurs. Néanmoins, il est possible de proposer une définition qui semble se rapprocher de l’avis général. La dyslexie peut être définie comme un trouble spécifique du langage écrit avec absence d’acquisition de leurs automatismes chez des enfants normalement intelligents, normalement scolarisés qui ne sont pas issus d’un milieu défavorisé, sans troubles sensoriels. 2. La différence avec un retard de lecture Attention : il faut bien faire la différence entre le retard de lecture et la dyslexie. Le retard d’acquisition de la lecture est un trouble transitoire et les enfants commettent les mêmes erreurs que des enfants plus jeunes. La dyslexie est par contre un trouble persistant puisque les patients garderont des troubles de la lecture toute leur vie et il y a une déviance par rapport à la normale (erreurs pathologiques). La dyslexie peut être un trouble neurologique : il s’agit donc d’une altération de symptômes et donc de maladie. C’est donc ce type de dyslexie que je vise à travers ce concept. 3. Les deux grands types de dyslexie On distingue deux grands types de dyslexies : la dyslexie phonologique et la dyslexie de surface. la dyslexie phonologique est un déficit dans le processus de développement de la stratégie alphabétique. Il s’agit principalement de difficultés sur le plan phonologique (manipulation des sons). On observera surtout des confusions entre des sons, des oublis, ajouts et inversions de sons. Le jeu à but thérapeutique 29 V – Exemple de concept la dyslexie de surface est un déficit au niveau de la stratégie orthographique : difficulté dans la lecture de mots irréguliers. Cependant, les cas sont moins fréquents. Souvent, une personne cumule ces deux types de dyslexies. 4. Les capacités à développer chez le patient dyslexique Avant d’établir un concept, il est nécessaire de lister l’ensemble des capacités que l’on devait traiter dans le jeu. J’ai regroupé ces capacités en plusieurs catégories. La structuration spatiale Certains dyslexiques ont parfois du mal à se concentrer sur un élément qui se déplace, ce qui aura alors des incidences sur la lecture (capacité de lire de gauche à droite, de haut en bas). Ils ont également de grandes difficultés à se repérer dans l’espace. La discrimination visuelle On observe des confusions dues à des ressemblances visuelles, notamment entre deux lettres (u/n, ou/on, m/n, b/d/p/q,…). Les habiletés phonologiques phonologiques Il s’agit de l’ensemble des traitements qui concernent la forme sonore des mots. On peut alors regroupés plusieurs capacités. La perception fine de la parole et discrimination auditive : quand il existe des confusions de sons (f/v, ch/j, s/z, t/d, k/g, p/b) entre les sourdes et sonores (les sourdes étant les sons ne faisant pas vibrer les cordes vocales tels que f, ch, s, p, t, k, et les sonores faisant vibrer les cordes vocales comme v, z, j, d, g, b). On peut également observer d’autres types de confusions auditives entre les sons proches m/n, b/d, f/s,… La conscience phonologique : quand il existe des difficultés à diviser la parole en rimes, syllabes et sons. Il peut s’agir alors de difficultés à repérer les mots composés d’un même son, à soustraire la syllabe initiale dans un mot, à inverser des syllabes, à soustraire ou inverser un son... La mémoire phonologique : ils rencontrent également plus de difficultés à se souvenir des bonnes prononciations et il s’agit alors d’un problème lié à la mémorisation. La rapidité et précision d’accès au mot (lexique mental sémantique, phonologique et orthographique) : il peut s’agir de difficultés dans les tâches qui nécessitent un traitement rapide (dénomination d’images). Le jeu à but thérapeutique 30 V – Exemple de concept II – Présentation du concept : Outer Space Outer Space est le premier jeu vidéo conçu pour les personnes dyslexiques en vue de les soigner à travers différents mini-jeux simples, amusants et addictifs. Il s’agit donc d’un ensemble de mini-jeux pour la NintendoDS. A travers la présentation du jeu, nous verrons la justification thérapeutique de chaque point. Pourquoi un jeu vidéo ? Mon but était de proposer un concept qui présente des vertus thérapeutiques très développés. En analysant la maladie, je me suis aperçu que la dyslexie est une maladie qui nécessite des exercices oraux, sonores et visuels. visuels Il était donc nécessaire d’utiliser un support de jeu où l’on pourrait utiliser aussi bien le son, la voix et l’image. Le jeu vidéo s’est donc imposé comme étant la solution à utiliser car il va favoriser la lutte contre la maladie. Je tenais à aborder cette maladie en tant qu’exemple pour ma réflexion et aborder une autre maladie n’aurait pas pu présenter tout l’intérêt de ma réflexion. réflexion III - Scénarisation Scénarisation Dans une galaxie très lointaine, deux robots multifonctions, EmP et son assistant MeD, remplissent différentes missions pour les services des différents extraterrestres qui font appel à eux. Bien qu’ils aient parfois dû mal à comprendre leurs besoins, ils arrivent toujours à les satisfaire. Cependant, un grave accident a détruit une partie de la station spatiale où vivent les extra-terrestres. EmP et MeD vont devoir travailler dur afin de la reconstruire. Ce scénario permet à l’enfant dyslexique de ne pas aborder sa maladie de front : le placer face à un dyslexique ne ferait que lui rappeler sa maladie, ce qui peut le décourager. Il faut donc l’éloigner le plus possible de ses problèmes. Ainsi, l’idée d’incarner un robot permet de ne pas parler de dyslexie, tout en abordant des problèmes de compréhensions avec les extra-terrestres. IV - Présentation du support Le jeu est conçu pour la Nintendo Ds. Durant l’ensemble du jeu, la console est tenue à la verticale. Deux grandes raisons me poussent à utiliser cette console : la vision de l’objet par le dyslexique et ses capacités techniques. Le jeu à but thérapeutique 31 V – Exemple de concept Tout d’abord, il est important d’utiliser une console de jeu puisqu’elle permet de rassurer le dyslexique. En effet, ce dernier a beaucoup souffert de sa maladie et pense qu’il est très différent des autres. Lorsque ce dernier utilise des outils spécifiques à la dyslexie (comme des lettres avec des dessins etc.), ces outils peuvent lui rappeler cette différence car ils ne sont pas ordinaires. Il était alors important d’utilisé un objet ordinaire que des personnes non-dyslexiques pourraient utiliser. Ainsi, lorsqu’un joueur dyslexique verra la console, il réalisera qu’il s’agit d’un objet de tous les jours qu’il va devoir utiliser comment n’importe qui d’autre : il ne veut pas donc pas appréhender le support, ce qui n’est pas possible avec d’autres supports. De plus, la console de jeu conditionne le patient à jouer et non à se préparer pour un exercice, ce qui stimule d’autant plus sa motivation. Ensuite, c’est également un choix technologique. Le choix tactile est très important pour les dyslexiques, car le stylet est une sorte de stylo numérique, ce qui permet de recréer la sensation d’écrire. De plus, le toucher favorise également l’apprentissage ludique chez le dyslexique, notamment au niveau du séquençage. Enfin, la console permet de recréer une condition de lecture puisque la console peut être tenue comme un livre. On peut ainsi proposer des jeux qui rappelleront la lecture. V – Les minimini-jeux 1. Sélection des jeux Les extra-terrestres contactent EmP et MeD afin de faire appel à eux pour différentes missions. En effet, ces extra-terrestres ne peuvent pas réaliser certaines tâches et seul Emp et son co-équipier peuvent les accomplir. Le joueur consulte la carte de la galaxie afin de sélectionner une planète. Le joueur consulte ainsi un tableau de bord pour choisir de nouvelles missions, utiliser ses points stars, rejouer à certaines missions ou observer le suivi de sa progression. Le dyslexique a donc le choix de sélectionner le type d’entraînement qu’il souhaite réaliser. C’est donc lui qui est aux commandes de son propre traitement, ce qui permet une nouvelle approche à l’éducation thérapeutique. 2. La discrimination visuelle Les extra-terrestres ne parlent pas tous le même langage et nos deux robots ne connaissent pas les langages de tout l’univers. Ainsi, le robot EmP doit parfois décoder le message car seul lui peut découvrir ce qu’il signifie. Lors de chaque nouveau mini-jeu, la règle de ce dernier nécessite d’être décodée. Sous la forme d’un mini-jeu de lettres, les joueurs doivent déchiffrer le message pour comprendre ce qu’ils doivent réaliser. Ces messages prennent la forme de phrases dans lesquelles les lettres sont parfois inversées. Le joueur doit alors retrouver les messages en se référant à son alphabet. Les lettres inversées sont souvent les lettres b/p/q/d, m/n, ou/on ou encore u/n. Le joueur doit ensuite réécrire le message à l’aide du stylet. Le jeu à but thérapeutique 32 V – Exemple de concept Ce mini-jeu permet à l’enfant de développer la discrimination visuelle. Par ce jeu, il développe alors la capacité de mieux distinguer certaines lettres. Il est nécessaire qu’un dyslexique réalise souvent des exercices de discrimination visuelle. De plus, la récompense (débloquer le jeu) permet de motiver davantage le dyslexique à traduire le message : il accepte beaucoup mieux cet exercice. 3. Présentation des mini-jeux Chaque planète correspond à une catégorie de mini-jeu qui développe un aspect particulier de la dyslexie. Sur chaque planète, le joueur peut consulter la demande des différents extra-terrestres qui correspondent à différentes variations du jeu (niveaux de difficultés, conditions supplémentaires…). Ces planètes sont au nombre de 5 : Spatia, Prolon, Meta, Memoria et Raprecia. La dyslexie est une maladie très vaste, qui nécessite de développer et de corriger de nombreuses capacités. Chaque mini-jeu va alors aborder un aspect différent de la dyslexie, tout en contrôlant son apprentissage : en effet, à travers un mini-jeu minuté, on s’assure que le dyslexique va entraîner une capacité précise. L’utilisation de mini-jeu permet de contrôler la capacité que l’on cherche à développer. Il s’agit ainsi d’un exemple qui permet également de montrer tout l’intérêt de ma réflexion. Il ne faut pas considérer qu’il s’agit du seul type de jeu adapté. De plus, les minis-jeux ne font pas l’ensemble du jeu. Le joueur dyslexique incarne MeD. Il doit réaliser différentes missions qui prennent la forme de mini-jeux. Chacun d’entre eux visent à développer les capacités dont un enfant dyslexique a besoin pour être soulagé de sa maladie. maladie Chaque planète correspond à un type de mini-jeu et donc un type de capacité visée. J’ai sélectionné 3 exemples de jeux. Spatia : la structuration spatiale Certains dyslexiques n’ont pas la capacité de suivre un élément qui se déplace de gauche à droite, de haut en bas, ce qui enclenche des problèmes de lectures. Ils ont également de grandes difficultés à se repérer dans l’espace. Il faut alors proposer un jeu qui nécessite de se concentrer sur un élément qui se déplace de gauche à droite, de haut en bas. J’ai ainsi élaboré un jeu d’action, qui nécessite de toucher cet élément quand le joueur en a la possibilité. Des monstres ont envahis cette usine. Emp va devoir les arrêter, mais ils sont très rapides ! Les monstres se déplacent de gauche à droite, de haut en bas, sur les deux écrans. Lorsqu’un monstre apparaît sur l’écran tactile, le joueur a la possibilité de le toucher. Tout au long du jeu, le nombre de monstre augmente. Le joueur va ainsi se concentrer sur un élément qui se déplace, ce qui lui permet de Le jeu à but thérapeutique 33 V – Exemple de concept développer une capacité nécessaire à la lecture. De plus, le joueur tient sa console à la verticale, ce qui recréer alors la position du livre lors de la lecture. De plus, ils vont également s’entraîner à se repérer dans l’espace, puisqu’ils doivent analyser les contraintes de l’environnement pour agir. Le jeu peut permettre à des dyslexiques de lire, en développement la capacité nécessaire dans des conditions similaires, sans pour autant les placer de front avec un livre. Il est possible de jouer à deux à ce jeu. Le second joueur pourra déposer des objets pour piéger les monstres. Prolon : la perception fine de la parole Certains dyslexiques ont beaucoup de mal à distinguer certains sons et ils ne sont pas entraînés à les distinguer. J’ai donc imaginé un jeu dans lequel le dyslexique doit les distinguer et les prononcer correctement. Dans ce jeu, Emp doit aider un extra-terrestre à revenir sur sa planète. Pour cela, il doit le guider. Le problème, c’est que cet extra-terrestre parle une langue étrange et ne distingue ainsi que certains sons. Emp va devoir parler ce langage étrange pour réaliser cette mission, en évitant les vaisseaux ennemis et les astéroïdes. Le joueur dirige un petit vaisseau à l’aide de sa voix. Il doit ainsi utiliser certains sons pour progresser. Ces sons sont des oppositions de sourdes et de sonores. Ils changent selon la partie. Par exemple, pour distinguer f/v et et s/z, on peut établir la liste de commandes suivantes : - prononcer « fô » pour se diriger vers la droite - prononcer « vô » pour se diriger sur la gauche - prononcer « si » pour avancer - prononcer « zen » pour reculer Par ce simple mini-jeu, le joueur doit distinguer des sonores et des sourdes, sans pour autant passer par un simple exercice. Il est possible de jouer à ce jeu à deux. Le second joueur dirige également le vaisseau et les deux joueurs doivent alors émettre les sons en même temps pour avancer. Raprecia : la rapidité et précision d’accès au mot Certains dyslexiques ont des difficultés à associer rapidement des sons à des images. Il faut ainsi entraîner la personne à cela. Le jeu se déroule dans une usine. Un tapis roulant présente un grand nombre d’objets dont certains extraterrestres aimeraient s’emparer, mais ce tapis va beaucoup trop vite pour eux. Les objets défilent de gauche à droite sur les deux écrans. Chaque extraterrestres annonce l’objet qu’il désire (le mot est écrit dans une bulle) et le joueur doit utiliser son stylet afin de Le jeu à but thérapeutique 34 V – Exemple de concept donner le bon objet au bon extra-terrestre. Il s’agit alors d’un exercice de rapidité, mais dans lequel le joueur s’entraîne à associer des images à des mots ou des sons. C’est donc à travers ce simple jeu qu’un dyslexique peut développer cette capacité. Il est possible de jouer à ce jeu à deux : le second joueur affronte le premier et celui qui donne le plus d’objets aux extra-terrestres gagnent la partie. VI - La place de l’orthophoniste Un second joueur peut rejoindre la partie afin d’aider le joueur principal, mais aussi pour l’affronter dans différents jeux. Chaque jeu peut être joué à deux. L’orthophoniste incarne le robot MeD et peut aider le dyslexique lors de certaines missions, en vue ainsi de favoriser sa réussite et de gagner alors plus de points stars. Pour cela, le joueur dyslexique devra utiliser ses points pour upgrader MeD afin d’acquérir de nouvelles fonctions afin de participer à certaines missions de coopération, dans lesquelles Med aide Emp, ou à des compétitions, dans lesquelles MeD peut affronter EmP dans chaque mini-jeu. C’est donc le dyslexique qui va amener l’orthophoniste dans le jeu : c’est donc lui décide s’il a besoin de soutien et quand il est prêt à affronter son orthophoniste. VII – Autres options 1. Le suivi de progrès Les progrès du joueur sont sauvegardés tout au long de la partie, de manière à présenter son évolution. Après chaque mini-jeu terminé, un écran présente au joueur ses résultats, soit le score ainsi que sa place dans le classement du score. Puis, le jeu montre également l’évolution de ses performances pour ce mini-jeu. Il est également possible de comparer ses statistiques avec un autre joueur. Un orthophoniste peut ainsi consulter l’évolution du dyslexique à travers l’ensemble des mini-jeux. Il s’agit alors d’un outil de suivi. C’est encore plus motivant quand le dyslexique a de meilleurs résultats que son orthophoniste ! 2. Utilisez les points stars et personnalisez votre vaisseau Le menu d’achat permet d’utiliser les points accumulés dans les différents jeux afin de réparer sa base spatiale, mais aussi acheter de nouveaux vaisseaux ou encore de nouvelles fonctions pour son robot assistant. Cette option permet de pousser le dyslexique à personnaliser son « outil thérapeutique ». Cette partie présente donc un exemple de concept, élaboré autour de la dyslexie. On peut peut apercevoir que chaque élément du jeu peut avoir une finalité thérapeutique. Chaque maladie est différente et il existe sans doute plusieurs possibilités de concepts. Le jeu à but thérapeutique 35 Conclusion Le jeu à but thérapeutique peut donc soigner les maladies chroniques. Il favorise une approche beaucoup plus ludique de l’éducation thérapeutique, mais le jeu va également intensifier la motivation du patient et donc l’efficacité du traitement. Le jeu est donc un moyen thérapeutique très puissant qui nécessite d’être utilisé dans un cadre thérapeutique. A travers la lecture de ce dossier, vous possédez maintenant les rudiments d’une première approche de ce qu’est un jeu à but thérapeutique. Certains reprendront peut être mes propos pour aborder des points supplémentaires du jeu à but thérapeutique et je l’espère, car cela montre ainsi toute la diversité de ce type de jeu. Le futur du jeu à but thérapeutique est clair : le jeu vidéo permettra en effet de lutter sur de nombreux points supplémentaires des maladies qu’il n’était pas possible d’aborder sans une technologie appropriée. Il y a un grand avenir pour le jeu à but thérapeutique et le jeu vidéo permettra de donner un nouveau souffle pour l’éducation thérapeutique. Le jeu est certes très mal vu par un grand nombre de personnes et il peut être difficile de parler alors de « jeu vidéo pour soigner », alors qu’on parle de « jeu vidéo pour tuer ». Il n’y a pas de personnes qui crachent sur cette nouvelle culture, mais des personnes qui sont mal informées et qui ne connaissent pas le jeu. Notre devoir est donc de les informer pour mieux les amener vers l’utilisation du jeu en éducation thérapeutique. Le jeu à but thérapeutique a donc un grand avenir, mais il reste encore de nombreuses étapes à franchir pour l’instaurer en tant qu’outil thérapeutique reconnu. Je serai surement présent dans ces étapes en tant que concepteur de ces jeux, mais on retrouvera également des médecins, des patients ou toute autre personne désirant se rallier à cette ambition. Il ne faut cependant pas oublier que l’objectif n’est pas de soigner des patients pour se racheter auprès des personnes qui jugent le jeu vidéo comme violent. Non, il s’agit de montrer que le jeu peut avoir une toute autre dimension et donc un grand impact sur notre société. Le jeu peut donc être utilisé pour se divertir, mais aussi pour soigner. Il y a sans doute d’autres terrains à explorer dans lesquels le jeu pourrait tant apporter. Certains ont déjà été explorés comme l’art ou encore l’éducation. L’évolution de notre société permet l’émergence de nouveaux domaines et le jeu doit s’y intéresser. Le jeu à but thérapeutique 36