Les Laurentides et le

Transcription

Les Laurentides et le
V O L U M E
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N U M É R O
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N O V E M B R E
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Les Laurentides et le
développement social
Les affaires municipales,
c’est aussi du développement social
Paul Bernard
La mesure du développement social
V O L U M E
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N O V E M B R E
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SOMMAIRE
Le mot de la rédaction
Trois dossiers importants
Éditorial
Les organismes communautaires
et le développement social
3
7
Chez nous en région…
À vous la parole
Dossier :
Les Laurentides et le
développement social
Autour du municipal
Dossier :
Les affaires municipales, c’est
aussi du développement social
Dossier :
La mesure du
développement social
DOSSIER>
Les Laurentides et le
développement social
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PHOTO : ISABELLE THÉRIEN
PHOTO : MARTIN GIRARD
DOSSIER>
La mesure du
développement social
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66
On a lu pour vous
Nouvelles brèves
Lectures utiles
MICHEL MOREL,
DANIÈLE AVELINE,
RÉAL BOISVERT,
MICHAEL WATKINS
LEMOTDELARÉDACTION
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Trois dossiers importants
Enfin finies ces vacances! Une bonne chose de réglée, on peut enfin
passer aux choses sérieuses.
Pour ce numéro, nous vous offrons plusieurs dossiers importants.
En premier lieu, nous vous présentons un dossier à caractère régional :
Les Laurentides et le développement social. Avec la collaboration de
Lysanne O’Sullivan, présidente du Conseil régional de développement
social des Laurentides et Vice-présidente de la Conférence régionale des
élus, ainsi que celle de Catherine Landry-Larue, de la Coopérative de travail
Essor Conseil, nous avons rencontré un nombre important de personnes,
des élus municipaux, des gestionnaires et des personnes intervenant sur
le terrain. De toutes ces rencontres semble vouloir émerger un message
assez clair, soit celui d’une région où les acteurs semblent vraiment
vouloir travailler ensemble au développement de leurs milieux.
Un second dossier, bien d’actualité: Les affaires municipales, c’est aussi
du développement social! Pour réaliser ce dossier, notre collègue Danièle
Aveline a, elle aussi, multiplié les rencontres et les échanges, tant avec des
élus municipaux qu’avec des citoyens et des observateurs. En outre, elle
nous offre aussi le point de vue des deux associations municipales, l’Union
des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités.
Le troisième dossier est d’envergure. Il porte sur la question de la mesure
du développement social, ou, plus spécifiquement, sur la question des
indicateurs de développement social. Notre collègue Réal Boisvert a reçu
le mandat d’élaborer des indicateurs relatifs au développement des communautés. Pour mener à bien cette démarche, il entend s’inspirer des
grands principes du développement social et s’appuyer sur la participation
des acteurs concernés. Un premier texte présenté dans ce dossier décrit la
démarche et la place de la participation des acteurs concernés dans cette
démarche. D’autres textes rappellent les travaux menés par Paul Bernard
de même que ceux de Maurice Lévesque. Il est évident que la revue
DEVELOPPEMENT SOCIAL suivra de près l’évolution de cette démarche et
en rendra compte régulièrement dans ses pages.
Consultez notre site
La Toile du développement social au Québec
www.inspq.qc.ca/DeveloppementSocial
est un site web complémentaire à la revue. On y trouve des informations
pratiques concernant les publications récentes, les événements à surveiller
ainsi que des références utiles.
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Le DS Express est une lettre mensuelle d’information destinée à ceux et
celles qui s’intéressent aux questions de développement social. On peut
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plaisir d’en faire la promotion. On peut nous communiquer ces informations par courrier électronique ([email protected]).
À vous la parole…
Vous souhaitez réagir à l’un des textes publiés dans la revue ? Vous avez
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Vous avez envie de le faire connaître ? Vous souhaitez nous suggérer des
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Revue DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Institut national de santé publique du Québec
500 René-Lévesque Ouest, bureau 9.100
Montréal, Québec, H2Z 1W7
La rédaction.
Bonne lecture.
Concernant la distribution de la revue…
La revue est distribuée par le biais de réseaux d’organismes afin de limiter les frais postaux. Il peut arriver que des personnes, engagées dans leur milieu,
reçoivent plusieurs copies de la publication. Nous leur demandons de retourner les copies inutilisées auprès de l’organisme distributeur en lui demandant
de remédier à la situation. Par ailleurs, pour favoriser une diffusion plus efficace de la revue, pourquoi ne pas la faire circuler dans votre milieu une fois que
vous en avez terminé la lecture ? Ce serait là un moyen de nous aider à mieux rejoindre les personnes et organisations engagées en développement social.
Nous vous en remercions.
La rédaction.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
1
ÉDITORIAL>
PAR MICHEL MOREL
RÉDACTEUR EN CHEF
Les organismes communautaires
et le développement social
Dans le présent numéro, sous la rubrique À vous la parole!
Renaud Beaudry, de la TROC – Centre-du-Québec/Mauricie
vient lancer une invitation à un colloque sur le thème Pour
relever le défi de la reconnaissance et du soutien de l’action
communautaire au Québec. Renaud a intitulé son texte :
« L’action communautaire québécoise : la clé de l’évolution
sociale et citoyenne au Québec! ». Le point de vue est
clairement affirmé.
n le sait, les démarches sur le
développement social mobilisent beaucoup d’organisations depuis quelques années,
surtout aux niveaux local et régional,
alors qu’au niveau central, on semble surtout prendre acte de ce qui
se fait dans les milieux. Rappelons
qu’au point de départ, en 1997-1998,
plusieurs représentants d’organismes communautaires furent
sceptiques et critiques face aux
démarches sur le développement
social, quelques-uns y voyant une
opération parachutée du central,
alors que d’autres se méfiaient de
l’intérêt nouveau que suscitaient
chez les organismes publics les
questions de pauvreté et d’exclusion, de participation sociale et
de citoyenneté.
O
Aujourd’hui, en 2005, où en sommesnous ? Dans quel contexte inscrire
l’appel lancé par les organisateurs
du colloque Pour relever le défi de la
reconnaissance et du soutien de l’action communautaire au Québec ?
D’abord, comme le rappelle Renaud
Beaudry, il faut mentionner le fait
que le Québec s’est doté d’une
Politique de reconnaissance et de
soutien de l’action communautaire:
« Celle-ci est, selon plusieurs, un bon
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DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
compromis entre les prérogatives de
l’État québécois et les aspirations
légitimes du mouvement communautaire ». Mais il s’empresse
d’ajouter : « Le hic, c’est que l’actualisation de cette Politique a été chamboulée par de nombreux changements
de titulaires ministériels, banalisée
par les réformes en cours dans
plusieurs ministères et, somme toute,
victime de la valse hésitation du
gouvernement à l’égard de notre
mouvement ».
Le texte de Beaudry précise le but
du colloque : « … nous pressons les
différents ministères du gouvernement du Québec, les milieux de la
recherche, le secteur philanthropique
québécois et les milliers d’organisations communautaires de passer de
l’incertitude et de la méfiance à une
volonté partagée et solidaire d’agir
ensemble pour lutter contre les inégalités sociales et pour améliorer
la qualité de vie des citoyens et
citoyennes du Québec ». Puis, plus
loin, il insiste sur l’importance du
mouvement communautaire :
« Rappelons en effet que les organismes communautaires constituent
au Québec un réseau exceptionnel
dont on ne retrouve aucune correspondance ailleurs dans le monde
occidental. Ce réseau visionnaire, innovateur et expérimental est, comme le
signale Suzanne Péloquin du ROC 031,
le secret le mieux gardé de notre
société. Son action est trop souvent
menée dans l’ombre. Pourtant ce
réseau peut, si plusieurs conditions
sont réunies, assumer un rôle de
premier plan dans le développement
social, le développement des communautés et le développement de la
citoyenneté partout au Québec ». Il y
va ensuite d’un souhait : « Il importe
donc que le colloque permette l’expression de la valeur et de l’originalité de l’action communautaire pour
éviter qu’elle ne soit noyée ou submergée par un vent de réforme
généralisateur et insensible aux initiatives issues des milieux ». Il suggère ensuite un certain nombre de
moyens par lesquels l’État pourrait
mieux supporter le mouvement
communautaire.
On ne saurait aborder la question
du développement social en négligeant l’apport du mouvement
communautaire. Cette conviction,
affirmée d’emblée par les organisateurs du Forum de 1998, et confirmée par les conclusions formulées
par les participants eux-mêmes, a
toujours été présente dans les
débats sur le développement social.
Il en est de même pour la question
de la participation sociale.
Mais au-delà des discours, c’est
dans le cadre concret de la définition des actions à mener sur le
terrain que se situe le défi de l’arrimage entre, d’une part, les convictions et les pratiques des organismes
communautaires et, d’autre part,
les orientations retenues par les
acteurs institutionnels. Le constat
s’impose: l’arrimage entre l’action
des groupes communautaires et celle
des institutions publiques est encore
et toujours semé d’embûches. Ce
sont « deux cultures qui s’affrontent »
mentionnait Lise Gervais2 dans un
texte en 2000. « Deux cultures, mais
aussi deux légitimités » comme nous
l’écrivions en mars 20003. L’une
issue du milieu, portée par des
citoyens et citoyennes engagés,
travaillant, à leur façon, au mieuxêtre de leurs concitoyens et concitoyennes. L’autre légitimité étant
celle des institutions publiques
mises en place par l’État, chargées,
elles aussi, de voir au mieux-être
des personnes, mais à partir d’orientations circonscrites, définies
principalement par les ministères
sectoriels, et de pratiques validées
par l’appareil hiérarchique. Deux
cultures, deux légitimités et deux
formes de solidarité sociale. L’une
étant l’expression de la volonté
collective de veiller au bien-être de
chacun, par des politiques et des
programmes conçus et adoptés par
des politiciens-politiciennes élus
démocratiquement pour porter ces
responsabilités; l’autre étant l’expression de citoyens-citoyennes
désireux d’agir eux-mêmes sur des
situations ou des enjeux. La première forme de solidarité sociale
reposant sur la démocratie de
représentation, l’autre se réclamant
d’une démocratie de participation.
Aujourd’hui, 5 ans plus tard, les
choses ont-elles vraiment changé ?
Comment qualifier aujourd’hui les
rapports entre le communautaire et
l’institutionnel ?
Un débat nécessaire et urgent
Quelle est la place des organismes
communautaires dans le développement social du Québec ? C’est
bien là la question centrale du
colloque de la TROC – Centre-duQuébec/Mauricie. Et il est grandement temps que ce débat ait lieu.
Que l’invitation provienne du
secteur communautaire ne surprendra probablement personne. Il reste
à souhaiter que les ministères et
organismes ciblés par les organisateurs du colloque soient présents et
que les débats qui s’y dérouleront
soient porteurs de rapprochement.
1 Regroupement des organismes communautaires
de la région de Québec.
2 Développement social, participation sociale et organismes communautaires, Bulletin DÉVELOPPEMENT
SOCIAL, Volume 1, numéro 2, mars 2000, p.9.
3 Pourquoi un dossier « Organismes communautaires
et développement social ? », Michel Morel, Bulletin
DÉVELOPPEMENT SOCIAL, Volume 1, numéro 2,
mars 2000, p.2.
CHEZNOUSENRÉGION
Cette rubrique vise à faire connaître ce qui se fait dans les localités et les régions en matière de développement social.
Le lecteur y trouvera des informations utiles concernant des activités menées dans les milieux. Ces informations nous
sont fournies par les instances de concertation régionales en développement social, par les responsables du dossier
développement social des Conférences régionales des élus, de même que par les organisations locales elles-mêmes.
À cet effet, nous invitons les organisations à nous acheminer les informations relatives à leurs activités, sous forme
de brèves nouvelles, à l’adresse : [email protected].
Assemblée de fondation du RQDS
Les membres du comité de coordination du RQDS organisent actuellement
la tenue d'une rencontre des régions et ce dans le cadre de l'Assemblée
de fondation du RQDS. Outre l’assemblée de fondation et les élections en
vue de former le Conseil d’administration, l’événement propose aux participants une période d’échanges et de réflexion sur l’intersectorialité et
le réseautage entre les acteurs (obstacles et opportunités, conditions et
stratégies). La rencontre aura lieu à Québec, les 10 et 11 novembre 2005.
Les modalités entourant le déroulement et le contenu
de cette rencontre de première importance seront
transmises prochainement aux répondants régionaux.
Pour information :
Roxanne Lauzon, Conférence régionale des élus de l’Outaouais,
(819) 663-2480 poste 223 [email protected]
Mauricie
Les nouvelles de la Mauricie sont bonnes.
Depuis cinq ans, la Mauricie est engagée dans une démarche de concertation et de mobilisation visant le développement social individuel et collectif
par des actions concertées visant la lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale.
Les partenaires actuels de cette entente, soit l’Agence de développement
de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de la Mauricie
et du Centre-du-Québec, la Conférence régionale des élus, Emploi-Québec,
la Sécurité du revenu et le ministère des Affaires municipales et des Régions
sont satisfaits des résultats. Ils affirment leur volonté de continuer, voire
même, d’intensifier leurs efforts et souhaitent s’adjoindre de nouveaux
partenaires et mettre à la disposition de la région, en collaboration avec
les instances de la CRÉ, leurs expertises et leurs efforts afin de prendre une
part active dans le nouveau plan quinquennal de la Mauricie.
Pour la mise en œuvre de cette entente de collaboration, un comité de coordination régional est composé de la coordonnatrice, d’un représentant des
ministères régionaux signataires de l’entente, de Centraide Mauricie et
d’un(e) représentant(e) de chacun des territoires de MRC. Ces derniers sont
mandatés par un comité pour faire les liens entre les territoires de MRC
et le palier régional. Un comité de suivi assure un rôle administratif et est
composé des directeurs régionaux des signataires de l’entente.
Nous pouvons conclure que nous avons une meilleure connaissance de
l’état de situation du développement social des territoires de la Mauricie.
Des mécanismes de collaboration pour la mise en commun d’expertises
sociales prennent forme. La mouvance des organisations nous incite à
clarifier les rôles du local par rapport au régional et ce, surtout dans une
perspective de cohérence tant demandée par les acteurs locaux. Quant au
soutien aux territoires, pierre d’assise du Consortium, il repose inévitablement sur les liens, le réseautage, une bonne circulation de l’information
et enfin l’assurance de la continuité.
Le développement social s’est définitivement tracé une place au Québec
depuis le Forum provincial de 1998, notamment dans les nouvelles collaborations entre le milieu municipal, celui du développement régional et les
divers acteurs sociaux. Il est certain que la Mauricie s’est démarquée par son
leadership en développement social et qu’elle a été porteuse d’espoir par la
volonté affirmée des partenaires à travailler ensemble pour le mieux-être de
la collectivité. Tout n’est pas facile mais le dialogue est présent.
La prochaine étape nous interpelle à renouveler
nos partenariats et à créer les alliances nécessaires à l’avancement du développement social
de la Mauricie. Nous croyons encore que «faire
ensemble» fait la différence. Le nouveau plan
quinquennal que la région s’est donnée sera-t-il
porteur de changements favorables à la poursuite et au renforcement des initiatives de
développement social sur tout le territoire de la
Mauricie? Il est de la prétention des partenaires
impliqués tant au local qu’au régional de répondre par l’affirmative. On pourrait dire qu’on a le
vent dans les voiles pour aborder cette nouvelle
entente de partenariat en développement social.
Pour information:
Cécile Thériault
Consortium Développement social
Téléphone: (819) 693-3937
Courriel: [email protected]
Site Web: http://www.agencesss04.qc.ca
http://www.cre-mauricie.qc.ca
CÉCILE THÉRIAULT
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
3
Lanaudière
Une année d’action autour de la question du logement
Ils étaient plus de 60 acteurs du développement social présents à l’assemblée générale de la Table des partenaires du développement social de
Lanaudière le 25 mai dernier. La coordonnatrice, Chantal Lalonde, a tracé
un portrait des travaux réalisés au cours de la dernière année tels que la
tenue de la journée « Action Collectivité » qui a permis de faire connaître
à 80 intervenants en développement social les programmes du gouvernement fédéral; l’organisation d’une campagne de sensibilisation sur
le logement social qui a permis de déposer à l’Assemblée nationale une
pétition de 2600 signatures pour l’augmentation du financement au logement social et l’assouplissement des programmes; la démarrage du projet
« Habitat-Santé, » qui vise la rénovation de résidences ayant des problèmes
de moisissure avec des impacts négatifs sur la santé; la réalisation d’un
site internet permettant l’accès à plusieurs documents sur la région et le
support aux six comités locaux de développement social par l’octroi de
150 000 $ à 15 projets qui visent la lutte contre la pauvreté, la réussite
scolaire, le réseautage, l’insertion en emploi, la sécurité alimentaire et
la participation citoyenne.
Grandpré du comité local de D’Autray, Éric Gourde du comité local de
Montcalm, Laurent Marcoux délégué par l’Agence de développement
de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, Daniel
Brazeau délégué par la Table des Préfets, Pierre Desrochers du Ministère
de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) et Jean Jeté délégué de la
Table de l’Éducation.
Le développement d’approches novatrices en logement social, la poursuite
du projet Habitat-Santé, la sécurité alimentaire, la création d’une Fondation
communautaire, la planification communautaire Jeunesse et la signature
d’une nouvelle entente spécifique en développement social seront les
priorités de la Table pour 2005-2006.
Pour les coprésidents de la Table, soit Estelle Dionne et Alain Coutu, la
Table des partenaires du développement social de Lanaudière est devenue,
au fil des années, un outil de développement majeur dans notre région.
Elle incarne désormais un exemple de la force du partenariat et de la
richesse d'une approche transversale.
Le nouveau conseil d’administration est composé de Mesdames Estelle
Dionne du comité local de Les Moulins, Ginette Gagnon du comité local de
Joliette, Josée Mailhot du comité local de L’Assomption, Denise Robitaille
déléguée par la Table régionale des organismes communautaires (TROCL),
Manon Bonin du Ministère des Affaires municipales et des régions (MAMR)
et Messieurs Alain Coutu du comité local de la Matawinie, Jocelyn De
On peut se procurer le rapport d’activités ou toute autre documentation
en lien avec le développement social de Lanaudière sur le site internet à
l’adresse www.tpdsl.org ou téléphoner au (450) 759-9944.
Chantal Lalonde, coordonnatrice entourée des 2 coprésidents soit Alain Coutu
Comité local de MRC Matawinie et Estelle Dionne comité local de MRC Les
Moulins. Autres administrateurs: Eric Gourde, du comité local de Montcalm,
Manon Bonin du MAMR, Josée Mailhot du comité local de l’Assomption,
Ginette Gagnon du comité local de Joliette, Pierre Desrochers du MESS Sécurité
du Revenu, Jocelyn de Grandpré du comité local de D’Autray et Laurent Marcoux
de la DSP. Sont absents sur la photo: Jean Jetté de la Table de l’Éducation,
Daniel Brazeau de la Table des Préfets et Denise Robitaille de la TROCL.
Source : Chantal Lalonde (450) 759-9944
Table des partenaires du développement social de Lanaudière
reflètent les préoccupations de l’ensemble des acteurs et citoyens, tout
en offrant des pistes de solution.
Laurentides
La concertation dans la MRC des Pays-d’en-Haut
par Catherine Landry-Larue
Présidente Table de concertation de Sainte-Adèle
Le modèle de concertation développé dans la MRC des Pays-d’en-Haut
est unique au Québec. Il sert de véritable levier à la participation
citoyenne de la communauté. Les tables de concertation réunissent des
acteurs des milieux sociaux, politiques, communautaires et économiques
et ce sont des citoyens bénévoles qui en assument la présidence.
Chacune des municipalités de la MRC a sa table de concertation, avec
sa couleur propre, teintée de ses caractéristiques locales. Les tables sont
articulées autour de l’identité municipale des organismes, entreprises et
individus qui les constituent. Elles sont toutes des lieux où les citoyens
et organismes véhiculent et reçoivent des informations, montent des
projets pour revitaliser le milieu et donnent un soutien moral ou technique à des initiatives locales. Les objets de discussion et sujets à l’ordre
du jour n’y sont pas inscrits dans une problématique particulière, mais
4
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Parallèlement, la MRC a également des tables thématiques, soit la table
des aînés, la table adulte-emploi et la table jeunesse, subdivisée en deux
sous-comités, soit le 0-5 ans et le 6-18 ans.
Ce vaste mouvement découle d’une volonté d’adapter les services de
proximité du CSSS des Pays-d’en-Haut. Pour favoriser le bien-être de sa
population, le CSSS des Pays-d’en-Haut a voulu sonder ses besoins. Il a
commencé à expérimenter l’implantation de « l’approche milieu » au sein
de son territoire, au début des années 1990. Il s’agissait de faire évoluer
la desserte de services en passant d’un cadre de prise en charge, dirigé
par des politiques ministérielles centralisées, vers un mode de gestion
participative impliquant le client et son écosystème dans l’application
des traitements. On générait, par le fait même, une dimension préventive face aux problèmes de santé de la communauté. Dans cette perspective de prévention, le CSSS a développé des mécanismes de consultation
se voulant un retour sur les préoccupations des intervenants agissant
sur les déterminants de la santé.
En support aux tables de concertation s’est greffé le Regroupement de
ces tables avec ses partenaires. Cette structure est née suite à la tenue
d’un premier forum des tables de concertation de la MRC des Pays-d’enHaut, qui visait à mettre en commun les priorités locales, à échanger
autour des problématiques concernant la santé et la qualité de vie, le
Vers une concertation régionale sur la sécurité alimentaire
Par Céline Poissant, DSPE et Chantal Lalonde, coordonnatrice de la Table
des partenaires du développement social de Lanaudière
La DSPE de Lanaudière et la Table des partenaires du développement social
de Lanaudière (TPDSL) travaillent conjointement, depuis peu, à amorcer
une démarche de réflexion et de concertation intersectorielle régionale
sur la sécurité alimentaire.
Cette nouvelle collaboration entre les deux partenaires se situe dans une
perspective élargie de la sécurité alimentaire et se rapproche de celle
proposée par le bureau européen de l’OMS, selon laquelle :
La DSPE et la TPDSL souhaitent donc concerter l’ensemble des acteurs
de l’alimentation pour trouver des solutions locales et régionales aux
différents problèmes de sécurité alimentaire. Concrètement, les deux
partenaires envisagent la réalisation d’une étude évaluative en vue de
mieux connaître les positions officielles et les engagements (réalisés et
prévus), en cette matière, des diverses organisations régionales concernées; l’organisation d’un forum régional sur cette problématique; ainsi
que l’élaboration d’un plan d’action régional. Peut-être envisagera-t-on dans
Lanaudière, comme il en est question dans la région de Montréal-Centre2,
la possibilité de mettre sur pied un Conseil de politique alimentaire, c’està-dire une structure consultative permanente mandatée pour se pencher
sur les différents enjeux de l’alimentation ?
« Chacun a, à tout moment, les moyens tant physiques qu’économiques
d’accéder à une alimentation suffisante pour mener une vie active et saine;
les aliments sont produits et distribués d’une manière respectueuse des
processus naturels et, par conséquent, durable; la consommation et la
production d’aliments reposent sur des valeurs sociales qui sont à la fois
justes, équitables et morales; l’aptitude de chacun à acquérir des aliments
est garantie; les aliments proprement dits sont satisfaisants sur le plan
nutritionnel et acceptables sur les plans personnel et culturel; les aliments
sont obtenus d’une manière qui respecte la dignité humaine. »1
Cette perspective rejoint les réflexions qui se développent de plus en plus
dans le milieu de la santé publique. On est arrivé au constat qu’il faut
s’attaquer aux causes structurelles de l’insécurité alimentaire et non
seulement chercher à assurer l’accès des personnes démunies aux aliments.
Il apparaît même pertinent d’aborder globalement un ensemble de
problèmes liés à l’alimentation qui touchent l’ensemble de la population
et qui sont associés au système agroalimentaire. Dans une optique de
développement social et de développement durable, il faut se poser
collectivement des questions sur les modes de production, de distribution
et de transformation des aliments pouvant entraîner des problèmes de
santé (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, etc.), des risques
sanitaires (maladie de la vache folle, grippe aviaire, etc.) ou l’insécurité
alimentaire d’une partie de la population.
décrochage social et le développement local et à en dégager des priorités sous-régionales. Le Regroupement réunit des représentants de
toutes les tables locales et thématiques, du CSSS, des élus municipaux,
des organismes communautaires et des acteurs oeuvrant dans des
organismes à portée régionale ou sous-régionale.
Le Regroupement est maintenant devenu un organisme à but non
lucratif dont la mission est de : « Définir une vision globale du développement, en tenant simultanément compte du contexte économique,
politique, social, culturel et environnemental dans lequel les citoyens
vivent et développer des stratégies reposant sur la mise à contribution
optimale des ressources du milieu ». Le Regroupement permet, par la
participation active des citoyens, la circulation d’informations qui aident
à mieux définir les priorités sous-régionales et à fournir des appuis
moraux aux projets promus dans la MRC ou dans les tables de concertation, lorsque ces projets ont une portée régionale.
Les tables de concertation ne sont pas qu’un mécanisme de consultation pour le CSSS. Elles ont des retombées directes dans leurs communautés. Ainsi, par exemple, le Conseil Jeunesse des Pays-d'en-Haut pilote
un vaste projet de réussite éducative. À Sainte-Marguerite, la Société
d’horticulture, l’Association des gens d’affaires et la distribution de lait
et galettes dans les écoles sont trois projets directement issus de la
table de concertation. À Sainte-Adèle, l’accueil des nouveaux arrivants,
la politique familiale et le comité du logement abordable sont nés de la
concertation locale. À Saint-Adolphe-d'Howard, la table de concertation
Présentation du comité (de gauche à droite): Céline Poissant agente de
recherche à la DSPÉ, Chantale Riel agente de concertation de la TPDSL, Gilbert
Mathieu de la Fédération de l'UPA, Sylvie Boucher de Moisson Lanaudière,
Maurice Paquin du Conseil régional de l'environnement de Lanaudière (CREL),
Monique Ducharme nutritionniste et agente de planification des programmes
à la DSP et Martial Landreville du MAPAQ (absent sur la photo).
1 Équiterre,. La sécurité alimentaire : Un enjeu de société, une responsabilité de tous les intervenants de la chaîne
alimentaire, Montréal, 2004, p. 13-14.
2 Direction de santé publique de Montréal Centre. « Vers un Conseil de politique alimentaire à Montréal »,
dans Des gestes plus grands que la panse, Montréal, Dossier 10, novembre 2004.
a mené tout un débat sur la planification des loisirs offerts aux jeunes et
a contribué grandement à faire progresser le dossier. À Wentworth-Nord,
le service des premiers répondants est né d’un travail de la table de concertation. Toutes les tables se sont impliquées dans la mise en place
d’un système de transport collectif. Partout, des élus ou représentants
municipaux participent aux tables, répondent aux questions et sont à
l’écoute des suggestions mises de l’avant.
Une autre retombée directe de la mise en place de
ce modèle de concertation est la multiplication
de projets récompensés par le Réseau
québécois des Villes et Villages en santé
(VVS). Toutes les municipalités de la MRC
adhèrent à VVS. Toutes les tables de concertation s’intéressent à ce réseau sur lequel
elles diffusent de l’information. Plusieurs
délèguent des représentants au colloque
annuel de l’organisme. Le Regroupement des
tables de concertation et des Partenaires
de la MRC des Pays-d'en-Haut a d’ailleurs
posé sa candidature pour être l’hôte du
colloque international 2006. La réponse a
été positive et la MRC des Pays-d'en-Haut,
conjointement avec Val-David et SaintJérôme, recevra le prochain colloque
international à l’automne 2006.
CATHERINE
LANDRY-LARUE
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 1 • NOVEMBRE 2005
5
Nord-du-Québec
Le Comité de développement social
de la Baie-James : Projets et réalisations
Depuis sa création en 2000, le Comité de développement social de la
Baie-James (CDSBJ) s’est progressivement élargi en accueillant dans
ses rangs des représentants de divers organismes gouvernementaux,
paragouvernementaux, communautaires et socio-culturels, de sorte
que le comité compte actuellement plus de 20 membres actifs.
Somme toute, les actions du CDSBJ sont très mobilisatrices et ont un
impact certain sur la qualité de vie de la population nord-québécoise;
il s’agit d’un bilan très positif pour une si jeune organisation et il semble
bien que les défis à relever dans les prochaines années soient à la hauteur des attentes des membres du CDSBJ.
Bien qu’au tout début il ne semblait pas évident de concilier les intérêts
de groupes si différents, il est apparu, avec le temps, qu’une telle diversité d’acteurs tant locaux que régionaux amène une dynamique très
particulière au sein du Comité, dynamique basée essentiellement sur le
respect des opinions des différents membres, ainsi que sur la convivialité et la recherche de consensus.
Gilbert Lemay, président du CDSBJ
Manon Laporte, porte-parole du CDSBJ.
418-748-3575, poste 5114
Cette dynamique intersectorielle s’est rapidement traduite en de
nombreuses réalisations au cours des 5 dernières années, dont nous
n’énumérerons que les principales :
1- Incorporation du CDSBJ;
2- Réalisation d’un inventaire des actions en développement
social dans la région;
3- Premier colloque régional en développement social, tenu
à Lebel-sur-Quévillon à l’automne 2003, sous le thème Vivre
le Nord-du-Québec : quand le social rejoint l’économique;
4-Rencontre de travail sur les objectifs et orientations du
CDSBJ en mars 2005;
5- Première assemblée générale annuelle en juin 2005 au cours
de laquelle les membres ont unanimement résolu de donner
une plus grande visibilité au CDSBJ : création d’une signature
visuelle, élaboration d’un plan de communication, etc.;
6- Élaboration d’un plan d’action triennal 2005-2008 en
développement social;
7- Participation aux Portraits de communauté de Lebel-sur-Quévillon,
Chapais, Valcanton, Villebois et Chibougamau, et dans un proche
avenir, Matagami et Radisson;
8- Adhésion récente de Matagami au réseau VVS, toutes les autres
localités de la région en faisant déjà partie.
Parmi les grands projets pour la prochaine année, mentionnons :
1- Adhésion au Réseau québécois de développement social et participation active à toutes les activités provinciales en développement social;
2- Démarches de négociation d’une entente spécifique en développement social pour la région du Nord-du-Québec;
3- Mission France-Québec : participation en septembre de 2 représentants de la direction de santé publique du Centre régional de santé
et de services sociaux de la Baie-James à une mission d’observation
en France sur les pratiques en matière de développement social, de
soutien aux familles et de réduction des inégalités sociales.
6
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Les membres du Comité de développement social de la Baie-James
Jean-Jacques Bouillon, Localité de Villebois
Patrick Compartino, Commission scolaire de la Baie-James
Louise Duplessis, Carrefour Jeunesse Emploi
de la Jamésie (secteur Chapais)
Jean-Robert Gagnon, Centre local de développement de la Baie-James
Nicole Gosselin, Ministère de l’Emploi
et de la Solidarité sociale – Emploi-Québec
Patricia Hébert, Ministère du développement économique,
de l’Innovation et de l’Exportation
Christiane Jalbert, Centre de santé de Radisson
Marie-Claude Labbé, Centre de santé Lebel
Ginette Laberge, Comité condition féminine Baie-James
Manon Laporte, CRSSS de la Baie-James
Mireille Lechasseur, Centre de santé de Chibougamau
Michel Leduc, Carrefour Jeunesse Emploi de la Jamésie
Gilbert Lemay, CRSSS de la Baie-James
Yvan Moreau, Conférence régionale des élus de la Baie-James
Cécile Philippon, Localité de Valcanton
Germain Provencher, Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale
et de la Famille – Sécurité du revenu
Darlène Savard, SADC - Matagami
Sandra St-Pierre, TROC-10
Nathalie Truchon, SADC de Chibougamau-Chapais inc.
de même que des représentants du Centre d’études collégiales à
Chibougamau, du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale –
Emploi-Québec (Chibougamau).
Mentor-Nord Québec;
des rencontres pour explorer, se « re-connaître » et…se choisir.
Comment susciter l’ouverture d’une fenêtre sur le monde pour des jeunes et des moins
jeunes en regard aux multiples perspectives de carrière s’offrant à eux? Comment arriver à
recenser et à valoriser les ressources humaines du milieu afin de contribuer à l’édification de citoyens modélisants ? Par ailleurs, comment créer un espace constituée d’une
fierté d’appartenance pour les citoyens de la belle région de la Jamésie, région qui souffre de l’exode de ses jeunes mais aussi, de ses moins jeunes ? Défi de taille considérant
un contexte des plus instable du point de vue socio-économique!
Pour répondre adéquatement à ce défi, il apparaissait impératif de contribuer à la création de rencontres afin de contrer l’isolement tant humain que géographique, quelles
que soit la distance et quelles que soit la perspective à explorer. C’est ainsi qu’a germé
l’idée de former des jumelages par le biais du mentorat. Ainsi, depuis le début de mars
2005, des expériences de jumelages ont débuté à Chapais, entre des jeunes en exploration
de carrière et des mentors possédant le profil des critères recherchés par les mentorés.
Conscient de l’impact bénéfique de cette initiative, le projet est en voie de devenir
régional et de ce fait- et en concordance avec la mission du Carrefour Jeunesse-emploi
de la Jamésie- il supportera le parcours des jeunes jamésiens de 12 à 35 ans, en démarches d’exploration, d’orientation ou de réorientation de carrière, possédant peu ou pas
d’expérience sur le marché du travail ciblé, en vue d’être jumelés à des ressources
humaines du milieu.
Belle initiative qui assurément, rapportera tant aux individus qu’à la communauté dans
la reconnaissance des « potentiels » qui prévalent en régions éloignées.
Montréal
En mars dernier, le Forum
régional sur le développement
social de l’île de Montréal
tenait un colloque sur les
approches intégrées en
développement social urbain.
L’événement réunissait 250
personnes et fut, de l’avis
des participants, un véritable succès. Les actes du
colloque « Les approches
intégrées en développement social urbain : enjeux
et défis » sont maintenant
disponibles.
Pour information:
http://www.credemontreal.qc.ca/Publications/
Developpementsocial/Actesapprochesintegre230905.pdf
Pour information : Carrefour jeunesse-emploi de la Jamésie
Louise Duplessis, Tél. : (418) 745-3895, [email protected]
PAR RENAUD BEAUDRY
ÀVOUSLAPAROLE
TROC CENTRE-DU-QUÉBEC/MAURICIE
MEMBRE DU COMITÉ ORGANISATEUR DU
COLLOQUE POUR RELEVER LE DÉFI DE LA RECONNAISSANCE
ET DU SOUTIEN DE L’ACTION COMMUNAUTAIRE AU QUÉBEC
L’action communautaire québécoise : la clé de
l’évolution sociale et citoyenne au Québec!
a Table régionale des organismes communautaires en santé et services
sociaux Centre-du-Québec/Mauricie organise au printemps prochain
un colloque dont le titre, « Pour relever le défi de la reconnaissance et du
soutien de l’action communautaire au Québec » se veut tout à la fois une
pressante invitation et un appel à la mobilisation, Une invitation d’abord
afin de poursuivre dans la foulée des efforts accomplis depuis quelques
années pour faire partager cette conviction que l’action communautaire
québécoise constitue la clef de l’évolution sociale et citoyenne au Québec.
Un appel ensuite, car nous pressons les différents ministères du gouvernement du Québec, les milieux de la recherche, le secteur philanthropique
québécois et les milliers d’organisations communautaires de passer de
l’incertitude et de la méfiance à une volonté partagée et solidaire d’agir
ensemble pour lutter contre les inégalités sociales et pour améliorer la
qualité de vie des citoyens et citoyennes du Québec. Un projet somme
toute qui est à notre mesure puisque les forces en présence pour l’affronter sont nombreuses et mobilisées : 5 000 organisations présentes sur
l’ensemble du territoire québécois, 20 000 travailleuses et travailleurs
L
engagéEs, plus de 100 000 citoyennes, militants, bénévoles impliquéEs et
plus d’un million de Québécois et de Québécoises rejoints.
Rappelons en effet que les organismes communautaires constituent au
Québec un réseau exceptionnel dont on ne retrouve aucune correspondance ailleurs dans le monde occidental. Ce réseau visionnaire, innovateur et expérimental est, comme le signale Suzanne Péloquin du ROC 031,
le secret le mieux gardé de notre société. Son action est trop souvent
menée dans l’ombre. Pourtant ce réseau peut, si plusieurs conditions sont
réunies, assumer un rôle de premier plan dans le développement social, le
développement des communautés et le développement de la citoyenneté
partout au Québec. Le dira-t-on assez ?
(Suite page 8)
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
7
(Suite de la page 7)
Un colloque pour relever le défi de l’action communautaire au Québec
L’invitation est donc lancée au milieu communautaire, à leurs alliés
et à leurs partenaires pour mener ensemble une réflexion sur ces enjeux
de taille qui confrontent un mouvement communautaire capable de
grandes avancées sociales mais qui se retrouve encore en situation de
péril. Le colloque des 2 et 3 mars 2006 à Trois-Rivières entend contribuer
à créer de nouveaux leviers collectifs de reconnaissance et de soutien, de
concert avec les partenaires historiques du mouvement communautaire
québécois. Des chercheurEs viendront répondre à la question que se
posent plusieurs politiciens « Le communautaire, qu’est-ça donne ? ».
Des gens vont y témoigner de leurs expériences de communauté solidaire
et en santé.
Le colloque vise aussi à ce que les participants passent outre la peur et le
repli sur soi pour découvrir (ou redécouvrir) la stratégie de co-production
avec l’État2 qui anime nombre d’organisations du tiers secteur et du
secteur communautaire. On va lancer des idées, des projets et signer des
ententes de solidarité car, finalement, ce colloque c’est un peu beaucoup
une mission de gens du communautaire portés par leur vision positive et
qui font un voyage dans les autres pays que sont les milieux de la philanthropie, les milieux de la recherche et les milieux institutionnels du gouvernement du Québec.
Pour enrichir la réforme Couillard d’une vision juste
de l’action communautaire
Et puis ce colloque ne saurait passer sous silence l’actuelle réforme
pilotée par le ministre de la Santé et des Services Sociaux dont la particularité est de donner l’impression qu’elle a pour but de répondre aux seuls
défis spécifiques du réseau public. Si l’intégration et la hiérarchisation
sont des réponses adéquates à l’immobilisme et à la compétition historique entre les établissements et les professionnels de la santé, cette
recette, appliquée aux organismes communautaires, va dépouiller l’action
communautaire de ses forces et priver la population d’une réponse adaptée à ses besoins. Il importe donc que le colloque permette l’expression
de la valeur et de l’originalité de l’action communautaire pour éviter
qu’elle ne soit noyée ou submergée par un vent de réforme généralisateur
et insensible aux initiatives issues des milieux.
Pour relancer une Politique de reconnaissance empêtrée dans
l’administratif, la contradiction et l’absence de vision politique
Par ailleurs, le colloque du printemps prochain entend bien revenir sur
la Politique de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire.
Celle-ci est, selon plusieurs, un bon compromis entre les prérogatives de
l’État québécois et les aspirations légitimes du mouvement communautaire. Le hic, c’est que l’actualisation de cette Politique a été chamboulée
par de nombreux changements de titulaires ministériels, banalisée par
les réformes en cours dans plusieurs ministères et, somme toute, victime
de la valse hésitation du gouvernement à l’égard de notre mouvement.
On a l’impression parfois que le gouvernement actuel se demande encore
aujourd’hui, s’il doit combattre l’ennemi « communautaire » à cause de
son fort penchant à lutter pour la justice sociale ou encore, s’il doit
chercher à le récupérer pour sa grande capacité à produire entraide et
services à prix compétitifs.
8
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Au Québec, les gouvernements, quelles que soient leurs allégeances,
ont intérêt à comprendre qu’un fort mouvement communautaire est
bénéfique pour eux et surtout pour la population. Ce qu’il faut savoir
ici, c’est que le mouvement communautaire carbure à l’implication des
citoyens, se mobilise pour corriger des injustices (droits, accessibilité,
respect, intégration), se défonce en produisant activités et services grâce
à sa liberté d’action et s’engage à la vue manifeste de la persistance de
la pauvreté au Québec.
Le mouvement communautaire peut continuer et faire plus, si on
supporte son accès au carburant populationnel, par exemple par un État
qui met à sa disposition ses moyens de communication. Les groupes
communautaires peuvent faire beaucoup et mieux encore par un soutien
financier étatique qui préserve et encourage cette liberté d’action, si
efficace, efficiente et performante. L’État québécois peut créer un fonds
capitalisé et dédié à l’action communautaire, par une participation des
sociétés d’État et des entreprises québécoises. La fiscalité québécoise,
par ailleurs très imaginative pour l’aluminium, la recherche, l’agriculture,
peut donner du souffle à la générosité des citoyens et des entreprises. Le
livre blanc de l’ex-ministre de la Santé, Marc-Yvan Côté, donne une solide
piste à l’actuel gouvernement libéral.
La liste est longue3 de solutions, de nouveaux moyens, de possibles pour
qui a une vision et reconnaît tout le potentiel d’une société plus participative, plus responsable et plus juste par l’action communautaire. Imaginez
un instant ce que les 400 participantEs, motivéEs par la mise en marche
d’une révolution sociale et citoyenne à portée d’imagination et de solide
volonté, pourront se dire et faire ensemble au colloque pour relever le défi
de la reconnaissance et du soutien de l’action communautaire au Québec.
On vous donne rendez-vous à Trois-Rivières, les 2 et 3 mars 2006. Voilà un
événement que ne peut manquer Développement social!
1 Regroupement des organismes communautaires de la région de Québec.
2 Les interfaces entre l’État et le tiers secteur au Québec, mars 2005, Jean Proulx, Denis Bourque, Sébastien Savard.
3 La programmation du colloque «Pour relever le défi de la reconnaissance et du soutien de l’action communautaire au Québec» sera disponible en novembre 2005. Grâce à la collaboration du Secrétariat à l’action
communautaire autonome, 5 000 organismes communautaires et les membres du comité interministériel de
la Politique de reconnaissance recevront la programmation.
DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
PAR LYSANNE O’SULLIVAN
PRÉSIDENTE DU CONSEIL ET VICE-PRÉSIDENTE DE LA
CONFÉRENCE RÉGIONALE DES ÉLUS DES LAURENTIDES
Le Conseil régional de développement
social des Laurentides
Le Conseil régional de développement social des Laurentides
est un jeune organisme qui voit ses origines dans la tournée
provinciale de réflexion sur le développement social de 19971998, menée à l’initiative du Conseil de la santé et du bienêtre. L’organisme de concertation a d’abord vu le jour comme
commission permanente de développement social du CRDLaurentides, une commission sans réelle autonomie administrative et financière mais avec un certain pouvoir d’influence.
ujourd’hui, le Conseil régional de développement social des
Laurentides est un organisme dûment incorporé qui regroupe des
personnes issues des tables de concertation locales des MRC, des personnes provenant du milieu de la santé et des services sociaux, des
réseaux de la solidarité sociale et de l’éducation, du milieu des affaires, du
développement économique, d’une municipalité, des représentants des
secteurs jeunes, aînés et condition féminine, de l’environnement. Le
Conseil travaille activement afin de mettre en place des tables de concertation dans chacune des MRC de la région des Laurentides et doit également travailler avec acharnement afin d’assurer un minimum de
financement pour soutenir ses activités.
A
Notre organisation, bien que jeune, a néanmoins arrêté une vision et des
valeurs qui fondent nos actions :
Le conseil régional de développement social des Laurentides est porteur d’une
vision de développement social harmonieux, où ses actions, à travers les différents acteurs et actrices en développement social, contribuent au développement de l’être humain, en équilibre avec le milieu économique, écologique,
social et culturel. Les valeurs d’équité, de solidarité, de justice sociale,
d’éthique et de respect de l’environnement sont porteuses de cette vision.
En conformité avec ce modèle, le conseil s’engage dans des actions axées
sur la convivialité et la solidarité des rapports humains qui visent des
perspectives de démocratie, de développement du plein potentiel de chacun,
de développement des appartenances à la collectivité, d’entraide et de
solidarités sociales, de participation sociale et citoyenne à part entière,
de réussite personnelle et sociale et de développement du capital social
favorable au mieux-être des personnes et des collectivités.
Le passage du CRD à la CRÉ
Dans la région laurentienne la venue de la Conférence régionale des élus
(CRÉ) a modifié la façon de faire préalablement établie par le CRD-L. Le
conseil d’administration de la CRÉ Laurentides est composé de 35 mairesses et maires et de 12 personnes représentant autant de secteurs socioéconomiques : développement social, développement économique,
entreprise, environnement, culture, éducation, forêt, partenaires du
marché du travail, loisirs, tourisme, transport terrestre avancé, agroalimentaire. Au sein du comité exécutif de la CRÉ on retrouve les 8 préfets
et deux membres provenant des secteurs socioéconomiques, soit le
secteur développement social et le secteur développement économique.
Concernant son fonctionnement, le conseil d’administration a décidé de
créer douze comités sectoriels, selon les différents secteurs établis, et de
leur octroyer une partie du Fonds de développement régional que chaque
comité administre en collaboration avec la CRÉ. Chaque comité dépose,
pour adoption par la CRE, son plan d’action, puis détermine les critères
d’approbation des projets et les différents processus de diffusion de l’information. Il est important de noter que chacun de ces comités est décisionnel. La personne représentant le secteur au CA de la CRÉ assume la
présidence du comité, 2 mairesses ou maires se retrouvent à la vice-présidence, un membre jeune et 8 personnes représentent chacune des 8 MRC.
En outre, le comité sectoriel peut aussi s’adjoindre des personnes ressources.
Les trois grands types de développement (social, économique, écologique)
sont inextricablement reliés au développement de l’être humain et à l’environnement global (sociohistorique, géopolitique, culturel) dans lequel il se
trouve. Ainsi dans notre culture de société démocratique, le développement
économique contribue au développement de l’être humain quand il est
prospère et équitable. Le développement écologique apporte une contribution au développement de l’être humain quand il est viable et durable. Le
développement social renforce le développement humain quand il s’appuie
sur la convivialité et la solidarité.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
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DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Le Conseil régional de développement social
des Laurentides et le soutien de la CRÉ
Le conseil régional de développement social est donc l’instance régionale
de concertation en développement social et il travaille en étroite collaboration avec le comité sectoriel qui lui, relève de la CRÉ. Bien humblement
nous pouvons dire que le conseil régional de développement social des
Laurentides a bien tiré son épingle du jeu malgré sa jeunesse et le manque
de financement. Les membres du conseil d’administration, et particulièrement les préfets, peuvent reconnaître l’apport essentiel du développement
social dans chacun des milieux. C’est ainsi que nous disposons de leur
appui dans le cadre de la négociation d’une entente spécifique de
développement social.
Des objectifs
Le conseil régional de développement social a identifié certains
objectifs à rencontrer :
• Intensifier la concertation entre les organismes locaux et régionaux
du développement social afin de soutenir le développement social des
territoires de MRC.
• Mettre en commun les connaissances en développement social
et les rendre disponibles pour mieux comprendre et agir sur les
problématiques sociales.
• Démontrer l’impact du développement social sur le développement
de la région des Laurentides.
• Mobiliser et être le catalyseur des organismes de développement
social afin de répondre aux besoins des personnes et des organismes
de la communauté.
• Établir des liens hors région permettant le transfert des expériences
et des expertises en développement social.
Des priorités d’action
Dans notre plan d’action nous avons ciblé un certain nombre
de priorités d’action :
• Le renforcement des solidarités et du tissu social.
• La lutte contre la pauvreté, ses causes, ses conséquences.
• Le transport collectif.
• Le logement abordable.
• La valorisation de la famille.
• La sécurité alimentaire.
• La sécurité physique.
• La santé mentale et sociale.
Un contexte particulier
Un enjeu important en ce qui concerne la région est la mise en place de
la Communauté Montréal métropolitaine (CMM) alors que certaines
de nos MRC se retrouvent incluses dans la CMM et d’autres non. Il semble
bien que cette méga structure supra municipale disposera de bien des
responsabilités et de pouvoirs. Pour plusieurs, il semble difficile de penser
concilier la mise en place d’une CMM avec le développement d’un sentiment d’appartenance à la région. Montréal est vital pour le Québec,
mais on ne saurait penser le développement du Québec sur le modèle
montréalais. Il ne faut jamais oublier que l’une des forces du Québec,
c’est sa diversité.
10
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Les activités en cours
Actuellement, nous mettons nos énergies à la négociation d’une entente
spécifique en développement social pour la région des Laurentides avant
l’été 2006. Un projet en ce sens a été déposé au CA de la CRE et le processus suit son cours.
De plus, nous continuerons à fournir des avis à la CRÉ, en fonction de
l’actualité, et nous poursuivrons les objectifs identifiés dans notre plan
d’action, sur la base des moyens financiers dont nous disposerons.
Le Conseil régional de développement des Laurentides est fier du travail
accompli. Il importe souligner la complicité et l’amitié qui lient les
membres du conseil et les partenaires qui ont tous le même objectif : un
développement équilibré dans les Laurentides. Nul doute nous pouvons
dire que les décideurs de la région ont emboîté le pas et que l’avenir
semble annonciateur de bonnes nouvelles et d’actions prometteuses
pour la population des Laurentides.
La région des laurentides et ses MRC
ENTREVUE>
PAR MICHEL MOREL
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Entrevue avec Charles Garnier
Président de la Conférence régionale
des élus des Laurentides
DS : Parlez-nous de la mise en place
de la conférence régionale des élus
des Laurentides.
CG : Si on se reporte au passé, j’étais un de ceux
qui critiquait vivement la composition du CRD,
qui contestait la majorité des représentants de
la société civile. Mon point de vue n’était pas
négatif envers les membres, mais bien plutôt par
rapport au manque de participation des élus qui
auraient dû être là et qui n’ont pas pris la place
qui leur revenait à l’époque. Quand le gouvernement Libéral a mis en place les CRÉS, initialement il était question que ce soit seulement des
élus. Par la suite cela a évolué, on a fait de la
place à la société civile. Encore là, j’avais des réticences parce qu’on se retrouvait comme l’ancien
CRD, avec une cinquantaine autour de la table.
Ma première réaction a été de dire, on a changé
les lettres CRD pour les lettres CRÉ. Je trouvais
que c’était difficile de faire consensus quand on
était une cinquantaine autour de la table. Je
voyais encore la problématique de nos élus qui
ne prendraient pas leur place.
Je me rappelle avoir fait des pressions auprès du
ministère pour dire que ça prenait deux CRÉ dans
les Laurentides, l’une pour le Sud et l’autre pour
le Nord. On a une région qui est très longue, on
part du Nord de Laval et on va jusqu’à MontLaurier. Évidemment, les problèmes du Nord ne
sont pas les mêmes que ceux du Sud. On a fait
un débat là-dessus entre maires et la décision
finale fut de maintenir une seule CRÉ. Je me suis
rallié à l’idée. Je dois dire que j’ai été agréablement surpris, dès les premières réunions, du
fonctionnement de l’organisation, d’avoir une
répartition équitable en les 8 MRC et aussi de la
création de 12 secteurs d’intervention. Je suis
donc très satisfait de l’évolution de la CRÉ. Si j’ai
pris la relève à la présidence de la CRÉ, suite à la
démission de Robert Poirier, c’est parce que je
crois à la CRÉ. Mon prédécesseur, Robert Poirier,
a fait un travail dynamique et efficace et on a un
mode de fonctionnement très intéressant.
DS : Comment s’est fait le choix des 12 secteurs
d’activités et comment s’est fait le choix d’intégrer au nombre de ces secteurs d’activité, la
question du développement social.
CG : Il y a eu des discussions au niveau
des maires : y aura-t-il ou non des socioéconomiques. Parce qu’on ne parle plus de
société civile, il y un consensus régional qui dit
que nos élus sont aussi des membres de la
société civile particulièrement impliqués.
C’est pour ça qu’on parle des secteurs socioéconomiques. Pendant le même temps, les
28 représentants socioéconomiques de l’époque
du CRD se sont réunis pour discuter de ce qu’ils
entendaient faire comme proposition aux élus.
Ils ont ainsi convenu qu’il y avait 12 secteurs
extrêmement importants. Parallèlement, les élus
avaient déterminé 8 secteurs importants. Élus
et représentants socioéconomiques se sont vite
entendus sur le fait qu’il y aurait 12 secteurs, dont
celui du développement social. Aujourd’hui, je
pense qu’à travers le Québec il n’y en a pas
beaucoup de CRÉ qui fonctionnent comme nous
et qui génèrent autant de partenariats.
d’année, on a une reddition de compte qui
permet aux élus de constater le bilan et de faire
certaines recommandations. Il me semble que
c’est unique au Québec. Notre idée derrière tout
ça c’était de dire : «on va leur laisser l’argent,
c’est eux qui savent comment faire les projets».
Moi à mon avis c’est le coup de maître.
Ce qui est assez unique c’est la façon dont le
Fond de développement régional est partagé
entre les 12 secteurs socioéconomiques. Dans
la plupart des CRÉ on a reproduit le même
fonctionnement que les CRD : des projets qui
passent au travers de la permanence et qui sont
ensuite amenés au CA pour décision. Chez nous
c’est le contraire, l’argent est distribué aux
12 comités sectoriels au début de l’année financière, au moment du dépôt des plans d’action
des comités. Ensuite ce sont les comités qui
gèrent les projets, qui les acceptent sur la base
de leurs critères et qui gèrent les projets. En fin
CHARLES GARNIER
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
11
ENTREVUE>
PAR MICHEL MOREL
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Blandine Piquet Gauthier
Directrice de la santé publique - Laurentides
DS : Quelle est votre lecture de l’état
du développement social de la région
des Laurentides?
BPG: Quand on regarde la région des Laurentides,
globalement, on est porté à considérer que la
situation socio-économique est plutôt favorable.
Mais il faut regarder de plus près, car les
Laurentides, c’est une région un peu particulière,
composée de trois sous-régions. La plus peuplée
de ces sous-régions est le Sud, avec des villes
importantes qui constituent la banlieue nord de
Montréal. Les populations y sont généralement
plus jeunes et plus favorisées que dans les
autres sous-régions, ce qui vient jouer sur
la moyenne des Laurentides. Les statistiques
régionales nous induisent en erreur, parce que
la majorité de la population, presque 50 % est
au Sud. Donc, même si on a l’impression que
la région est plutôt favorisée, ce n’est pas vraiment le cas. Et j’ajouterai que même à l’intérieur
du territoire du sud, il y a des poches de pauvreté.
Par contre, dès que l’on va vers le centre, la
région de Saint-Jérôme ou encore plus au nord,
le territoire d’Antoine-Labelle particulièrement,
là on a vraiment au niveau social, et socioéconomique de grosses difficultés: faible niveau
de scolarité, décrochage scolaire, chômage et
emplois précaires.
DS : Les Laurentides, pour plusieurs, c’est une
région de villégiature, de tourisme; comment
cela vient-il influer sur la population?
BPG : Ici, il y a un a priori qu’il faut combattre.
Souvent les gens pensent que du moment que
c’est touristique, c’est riche, or les résidents,
les locaux qui travaillent dans le tourisme, ont
des emplois plutôt précaires, des emplois
qui ne durent pas toute l’année, des emplois
peu rémunérés avec des horaires extrêmement
difficiles. Par exemple pour le territoire des
Sommets, vers Sainte-Agathe, le développement
du Mont Tremblant a entraîné un appauvrissement de la population de la région et ça,
la plupart des gens ne le savent pas, ne le
comprennent pas parce qu’ils pensent que le
Mont Tremblant c’est tellement merveilleux,
que cela a attiré beaucoup d’emplois. Oui,
cela a attiré beaucoup d’emplois mais pas
nécessairement des emplois de qualité, ni des
emplois stables. Au CSSS des Sommets on
a noté que la négligence envers les enfants a
augmenté quand le Mont Tremblant s’est
développé. La négligence a augmenté parce que
les enfants sont seuls, les parents travaillent
dans les hôtels, ils travaillent avec des horaires
de fou pendant la période touristique. Il faut
vraiment s’enlever de l’idée que développement
touristique égale richesse pour la population
de la région.
DS : Un tel développement a sans doute fait
en sorte que le prix des loyers augmente?
BPG : Tout à fait, cela concourt à l’appauvrissement de la population. Les logements sont
devenus inabordables, d’ailleurs pour la table
régionale en développement social c’est une
des priorités avec le transport. Le transport
est aussi un élément très important parce
qu’évidemment, il n’y a pas de transport en
commun, aussi bien pour les personnes qui veulent accéder aux services que pour les jeunes.
DS : Vous parliez d’un fort taux de décrochage
scolaire dans la région.
BPG : En effet, le taux est élevé, et plus on va
vers le nord du territoire, plus la proportion est
importante. Pourquoi ne terminent-ils pas leur
secondaire? Je pense que beaucoup d’éléments
liés à l’avenir et au travail interviennent. Quand
on habite Antoine-Labelle, il y a la forêt qui offre
des emplois attirants pour les jeunes. Toutes
les causes du phénomène n’ont pas encore
été bien élucidées, mais on travaille
là-dessus justement pour essayer
de voir ce qui pourrait être développé
pour stimuler cet intérêt pour les
études. C’est l’un des objets de
l’entente sur la réussite éducative
des Laurentides qui touche
l’ensemble des Laurentides.
BLANDINE PIQUET GAUTHIER
12
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Le PREL est un projet qui réunit les partenaires
de la réussite éducative des jeunes dans les
Laurentides. Il y a 13 partenaires dans le projet,
évidemment le milieu de la santé, beaucoup de
partenaires du milieu scolaire, Emploi Québec,
le forum jeunesse, Ressources humaines
développement des compétences Canada,
Secrétariat à la jeunesse… Ensemble, on s’est
donné un plan d’action sur trois axes :
• rechercher et comprendre les causes de l’abandon scolaire, essayer de trouver les moyens qui
pourraient nous permettre de travailler à lutter
contre ce phénomène,
• convaincre et rassembler : on veut informer et
mobiliser les partenaires socio-économiques,
les municipalités, les parents, les jeunes pour
obtenir des engagements de tous les partenaires en faveur de la persévérance scolaire,
• et puis finalement agir au profit de la persévérance scolaire, de la réussite éducative, ça
c’est le point auquel je tiens et que je rappelle
toujours : la diplomation.
(Suite page 14)
ENTREVUE>
PAR CATHERINE LANDRY-LARUE
COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL
Au-delà des initiatives ponctuelles,
il faut soutenir la consolidation
LINDA DÉRY
ENTREVUE AVEC LINDA DÉRY,
COORDONNATRICE DU REGROUPEMENT
DES ORGANISMES COMMUNAUTAIRES
DES LAURENTIDES (ROCL)
e plus en plus d’acteurs sociaux s’entendent sur la nécessité de financer la mission
des organismes communautaires, plutôt
que de les obliger à mettre sur pied des projets
pour leur assurer un financement nécessaire
à leur survie. Bien que ces projets aient très
certainement des retombées positives sur leur
milieu, les organismes ont un rôle important
bien déterminé à assumer, découlant de
besoins soulevés par la communauté et visant
une participation citoyenne et une transformation sociale à long terme.
D
Cette position qui est d’ailleurs maintenant
reconnue dans la politique gouvernementale
sur l’action communautaire est soutenue activement par le Regroupement des organismes
communautaires des Laurentides (ROCL), qui
représente 140 organismes de la région et qui
invite d’emblée à reconnaître les valeurs portées
par ces organismes. Linda Déry, coordonnatrice
du ROCL, insiste en soulignant que le
développement social est au cœur des pratiques
communautaires et que le travail des organismes est orienté par une vision globale de la
personne qu’ils perçoivent comme un citoyen,
plutôt qu’un client, en misant sur ses expériences et son potentiel. De même, cette vision
globale implique le travail sur les déterminants
sociaux de la santé et du bien-être.
Si l’on considère que le développement social
doit émerger de la communauté, on peut également envisager les organismes communautaires comme levier de ce développement. En
effet, branchés sur le terrain, les organismes
agissent sur les problèmes sociaux et mettent
en place des approches novatrices pour les
contrer. Ils suscitent la participation citoyenne
et offrent une tribune et des espaces de participation aux personnes exclues. Par conséquent,
ils entretiennent aussi le rôle de citoyens actifs,
capables d’agir sur leur milieu de vie. Les orga-
nismes communautaires rendent visibles et
dénoncent les situations d’injustice sociale et
misent sur la solidarité.
C’est d’ailleurs un des enjeux principaux que de
favoriser la citoyenneté active. « On sent un net
recul sur le plan de la démocratie et des possibilités de s’investir dans les décisions. Il faut donner,
à tous ceux qui le désirent, des espaces de participation et d’influence; sinon, il y a une perte sur le
plan du développement social ».
Le rôle du ROCL va donc au-delà de sa présence
à titre de porte-parole et d’interlocuteur face
aux instances politiques. En plus d’animer la
concertation des organismes communautaires
de la région, de faire des représentations en
matière de défense de droit ou de besoins de
financement, le ROCL donne des formations
aux conseils d’administration et employés du
secteur. Ainsi, ces derniers s’approprient les
enjeux, les principes et les approches véhiculés
par le milieu communautaire et peuvent les
transmettre au sein de leur milieu. Le ROCL
insiste sur l’importance de la participation
citoyenne des personnes qui fréquentent
les organismes :
« …Les gens peuvent réellement reprendre pouvoir
sur leur vie en partageant leur savoir et leur vécu.
Il faut reconnaître leur apport et développer un
savoir collectif. On ne peut pas décider d’en haut,
sans tenir compte des connaissances de la base ».
Reste maintenant à transmettre cette vision à
nos décideurs, afin qu’eux aussi comprennent
qu’il est important de « consolider avant d’aller
développer davantage et qu’il est frustrant de voir
pousser des petits projets, financés en fonction
d’objectifs imposés par les bailleurs de fonds et
laissés à eux-mêmes au terme de l’entente. On
crée des attentes dans la communauté et on ne
consolide pas ces avancées ». L’épuisement
qui découle de cette recherche continuelle de
financement entraîne souvent un roulement de
personnel, phénomène qui va largement à l’encontre de la philosophie décrite précédemment,
puisque l’expertise collective se dissipe.
Le mouvement communautaire est toutefois
fort dans les Laurentides : « On est capable
d’avoir un rapport de force parce qu’on est très
solidaire et qu’on représente une diversité de
secteurs ».
En terme de gains, cette année, les sommes
destinées à la mission des organismes ont été
quelque peu augmentées permettant aux
organismes d’actualiser leur rôle: « c’est une
brèche vers la reconnaissance financière ». Il est
essentiel aussi de faire valoir que le rôle des
organismes n’est pas de suppléer aux instances
gouvernementales en offrant des services à prix
plus avantageux. «On sait que c’est impossible
pour les services de santé et les services sociaux de
répondre à toutes les demandes, car eux aussi
sont sous financés. C’est facile de référer les gens
vers le communautaire, mais le réseau a une obligation légale de rendre les services, les organismes
c’est autre chose, on est né parce qu’il y a un
besoin qui a été nommé par la communauté et on
est là pour répondre à ce besoin, avec une toute
autre façon de le voir, avec une appropriation collective, une approche d’éducation populaire et de
démarche de sensibilisation ».
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
13
DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Organismes communautaires :
Profil régional des Laurentides
PAR MARIE-JOSÉE OUELLET,
SECRÉTARIAT À L’ACTION COMMUNAUTAIRE AUTONOME DU QUÉBEC
ans la foulée du Plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire, le Secrétariat à l’action
communautaire autonome du Québec (SACA)
a été mandaté afin de produire des profils
régionaux sur le soutien financier gouvernemental versé aux organismes communautaires
afin de mieux connaître leur réalité et ce, dans
chacune des régions du Québec. Ces profils
seront diffusés au cours de l’automne. Voici un
avant goût de ce que vous y trouverez.
D
Afin de pouvoir comparer la réalité socioéconomique des régions les unes entre les
autres, le SACA a développé un outil. À partir de
certaines variables sélectionnées1, cet outil situe
la région des Laurentides comme celle ayant
la situation socioéconomique la plus favorable.
La population de la région représentait 6,6 %
de la population québécoise.
(Suite de la page 12)
Il y a des projets qui se mettent en place comme
le projet J’embauche un élève qui réussit où on
essaye de demander aux employeurs de ne pas
embaucher un jeune plus de tant d’heures, de
s’assurer de ses résultats scolaires pour qu’il y
ait un lien entre les deux. En fait, on sait que
beaucoup de jeunes veulent gagner de l’argent
et subissent l’attrait de l’argent rapide. Certains
doivent aussi payer leurs études et finalement
quand un jeune travaille à temps plein, va à
l’école, il n’a pas le temps d’étudier.
On a mis en place une structure avec une
coordinatrice du projet au niveau de la région,
et pour chaque territoire (divisé en sud, centre
et nord), il y a un agent de concertation qui
travaille à mettre en place le projet en lien avec
l’entente MSSS-MEQ. Le travail de cette année
a été de finaliser ce plan d’action qui a été
présenté au mois de novembre 2004 et je pense
qu’à l’automne, ça va vraiment démarrer.
DS : Est-ce qu’on doit comprendre que cette
façon de faire, de s’impliquer dans ce genre de
14
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
La région des Laurentides compte 174 organismes communautaires (4,2 % de l’ensemble
des organismes communautaires soutenus
selon ce mode au Québec) soutenus en appui
à la mission globale. Ces organismes se partagent une enveloppe de 14,6 millions de dollars
(4,5 %). En moyenne, les organismes de la
région sont mieux soutenus, avec 83 929 $,
que dans le reste de la province où le soutien
financier moyen est de 78 493 $.
Dans certaines municipalités régionales de
comté (MRC), le soutien financier moyen versé
est supérieur à la moyenne régionale. Ces
MRC sont celles de La Rivière-du-Nord (93 881 $),
Deux-Montagnes (91 749 $) et Thérèse-deBlainville (86 449 $). Notons que ces territoires
étaient également les plus populeux.
Les organismes communautaires génèrent
une activité économique à ne pas négliger.
Dans la région des Laurentides, on évalue leur
importance économique à plus de 38 millions
de dollars. On estime à plus de 940 le nombre
d’emplois à temps plein dans ce secteur, ce
qui placerait le secteur communautaire au quatrième rang des employeurs les plus importants
dans la région. De plus, on évalue à plus de
75 000 le nombre de personnes qui pratiquent
le bénévolat dans la région2.
1 Perspectives démographiques (2001-2026), variation de la population
(1991-2003), revenu personnel disponible par habitant (estimation
2003), assistance-emploi (2004), scolarité (2001), taux de chômage
(2003), pourcentage de la population en milieu rural (2001), rapport de
dépendance démographique (2004) et profil de dépendance
économique (2001).
2 À partir de l’enquête de Statistique Canada Canadiens dévoués,
Canadiens engagés : points saillants de l’Enquête nationale de 2000
sur le don, le bénévolat et la participation, publiée en août 2001.
projet est révélatrice du rôle de votre
organisation dans le développement social?
BPG : Dans notre plan régional en santé
publique, on s’était donné un défi qui était
d’exercer une influence positive sur les communautés qui se mobilisent et je pense que
lorsqu’on agit sur les déterminants de la santé,
les déterminants sociaux, habitudes de vie,
etc. C’est pour cela que la DSP est activement
impliquée dans le projet PREL. Je pense que l’on
ne verra pas les résultats dans un an ou deux,
mais d’ici une dizaine d’années, quand ces
jeunes seront devenus adultes.
DS : Quels sont vos liens avec
le secteur municipal?
BPG : À l’automne, je vais aller présenter les
portraits de santé dans toutes les réunions de
préfets des MRC. C’est sûr que j’orienterai ma
présentation sur ce qui est en lien avec ce qu’ils
peuvent faire. En terme d’habitudes de vie, j’ai
déjà des idées. Je trouve que l’on ne s’implique
pas assez, par exemple, dans les schémas
d’aménagement. Je pense que c’est important
car ces aménagements doivent favoriser les
saines habitudes de vie et on peut avoir un effet
déterminant sur les municipalités.
J’aimerais travailler de plus en plus avec les
municipalités, parce que je suis docteur mais je
parle de santé. Pour la santé, ce n’est pas d’un
docteur dont on a besoin, c’est de l’ensemble
de tous les éléments d’une communauté :
milieu scolaire, milieu municipal. Je regrette un
peu qu’il n’y ait pas de gens du milieu municipal
dans le PREL. Si on avait avec nous une ou deux
MRC, ça nous donnerait du poids.
DS : Quels sont les liens entre la DSP et les
organismes communautaires du territoire?
BPG : À la Direction de santé publique, on s’est
vraiment positionnés dans un rôle de deuxième
ligne, c’est-à-dire d’expertise, d’accompagnement du centre de santé. Notre objectif, c’est
vraiment que les groupes communautaires
travaillent avec le Centre de santé. Donc,
concernant les organismes communautaires,
mon souhait ultime serait qu’ils soient en lien
très étroit avec les CSSS. Le local, la première
ligne, c’est vraiment sur le terrain que cela se
passe. Je voudrais vraiment que la DSP se place
au niveau de la deuxième ligne, au niveau du
soutien et de l’expertise.
PAR MICHEL MOREL, COLLABORATION DANIÈLE AVELINE
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Rencontre avec Hubert Meilleur,
Maire de Mirabel
Mirabel est une ville qui s’est énormément développée depuis
vingt ans. Sa population est passée de 16000 en 1987 à 35 000
habitants aujourd’hui. Son maire, Hubert Meilleur a des
convictions fortes et n’a pas peur de les exprimer. Il est
convaincu que si on veut vraiment développer un sentiment
d’appartenance dans une communauté ou une ville, il faut
le faire avec les gens du milieu.
ort de ses 22 années d’expérience politique, il est d’ailleurs très
sceptique quant à la réelle volonté de décentraliser du gouvernement :
« En fait, on ne voit pas la véritable volonté de Québec de transférer des
pouvoirs aux régions. Je n’ai pas besoin d’argent mais surtout de plus de
pouvoir d’agir. Par exemple, en créant la Communauté métropolitaine de
Montréal , le gouvernement est venu faire en sorte de tuer le développement
en région. Si vous voulez vous donner des outils de développement, vous pourrez
le faire seulement avec l’accord de la CMM. Je vous rappelle que les membres
du Conseil de la CMM ne sont pas élus, c’est les maires des grandes villes qui
sont à l’exécutif et qui décident pour les villes à l’intérieur de la région métropolitaine de Montréal ».
F
Il ne pense pas non plus que les Conférences régionales des élus viennent
changer quoi que ce soit car les CRÉ, selon lui, n’ont pas vraiment le
pouvoir de décider. Et il précise : « Je ne vois pas dans la pratique de changements, seul le discours change. Les grosses machines à Québec gardent le
pouvoir et nous, les élus locaux ne sommes pas capables de décider pour nos
citoyens. Et on n’a pas d’élus assez forts pour contrer ce pouvoir central».
Le développement social à Mirabel
M. Meilleur affirme que si la Ville réussit à faire un peu de développement
social c’est quand elle parvient à passer à côté des pouvoirs centraux.
Il cite l’exemple du parc du Bois de Belle Rivière :
« On a créé une OSBL pour être capable de développer
ce projet. S’il était à la Ville, il serait bien trop cher
à gérer. On serait pris dans les carcans syndicaux et
on l’aurait abandonné faute de moyens ».
Il parle du développement social comme d’une
« nécessité » qui vise à donner une qualité de vie à
tous. Pour illustrer ses propos, M. Meilleur cite
l’exemple du budget de 239 000$ que
Mirabel octroie aux maisons de jeunes,
ainsi que le prêt de locaux aux organismes, afin que ces derniers offrent
des activités aux personnes et les
sortir de leur isolement.
Pour avoir les moyens d’offrir des services et de faire du développement
social il y a, selon lui des conditions à réunir « Il faut se donner une richesse
par le développement économique. Je suis d’accord avec le fait qu’il faut
protéger les territoires agricoles mais les lois sont mal définies. À Mirabel il
y a 12000 hectares de terrains qui ne serviront jamais à des fins agricoles
et qu’on pourrait développer autrement pour créer des revenus additionnels.
Cela permettrait alors d’avoir les moyens de faire du développement social ».
Le développement économique
M. Meilleur nous explique les problèmes qu’il rencontre alors qu’un promoteur veut s’établir à Mirabel et a besoin de 2500 acres pour développer
un projet résidentiel : « On ne pourra jamais faire ça car Québec nous en
empêche, on n’a pas ce pouvoir-là. De plus ici on commence à manquer de
main-d’œuvre».
M. Meilleur affirme que sa ville est la moins taxée si on la compare à des
villes qui offrent des services comparables. Et la situation économique
est plutôt bonne : « Une étude nous dit que le revenu moyen est de 53 000 $
et le taux de chômage de 4%. On a beaucoup de travailleurs en aérospatial.
Pour nous c’est important qu’ils vivent et travaillent dans la région ».
Il rappelle également que le développement économique est primordial
pour la municipalité car : « L’industrie paie le double de taxes du résidentiel.
Et l’industrie ne coûte rien au niveau service, alors que les résidents consomment des services de loisirs, de culture, etc. ».
La place des citoyens
En arrivant à la Ville, le maire de Mirabel a créé des Comités locaux d’action municipale (CLAM), aujourd’hui, un autre modèle est mis de l’avant :
quatre Commissions dont une de développement social permettent aux
citoyens de s’exprimer. « Souvent on est obligé d’expliquer pourquoi on ne
fait pas ceci ou cela : c’est parce que Montréal ou Québec nous en empêchent.
Avec les Commissions on espère que cela va donner à la Ville une force
de frappe ».
Par ailleurs la vie communautaire est dynamique à Mirabel et plus de
700 bénévoles s’impliquent. Les citoyens ont besoin de sentir un sentiment d’appartenance et ce n’est pas, selon M. Meilleur, en déracinant les
jeunes qu’on peut y arriver: « On envoie les jeunes du secondaire dans une
grosse polyvalente car il n’y en a pas ici. Quand on pense qu’au-delà de 30%
de nos jeunes décrochent, c’est parce qu’on les a déracinés de leur milieu
et on a coupé le contact entre l’école et les parents ».
En concluant, M. Meilleur affirme qu’il y a une sorte d’équité dans le
développement d’un milieu entre différentes catégories de citoyens :
« Mirabel est un bon exemple où la fusion de 14 municipalités a permis
d’entretenir un réseau routier dans la partie rurale grâce à la richesse foncière
d’autres secteurs ».
HUBERT MEILLEUR
MAIRE DE MIRABEL
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
15
SURLETERRAIN>
PAR MICHEL MOREL, COLLABORATION DANIÈLE AVELINE
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Le parc du Bois de Belle Rivière,
entrevue avec Stéphane Michaud de la CPEM
de 25 groupes sont impliqués. Le
Flores, un organisme qui travaille
avec des personnes handicapées,
les scouts, les services correctionnels du Canada, les retraités,
l’Association chasse et pêche,
Katimavik Canada, des projets
d’intégration avec Emploi Québec,
sont autant de partenaires qui ont
permis d’avoir la main-d’œuvre
nécessaire pour l’entretien.
LES MEMBRES DE LA CORPORATION POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT À MIRABEL
La petite histoire du parc
Le Parc du bois de Belle Rivière est
un espace de 2 km2 qui a fait
l’objet d’investissements publics
importants mais qui a finalement
été laissé à l’abandon pendant
environ 7 ans. À l’origine, il appartenait au gouvernement fédéral,
puis, devant les coûts d’entretien
importants, le fédéral en a confié
la gestion au provincial qui, après
plusieurs années d’opération,
est arrivé à la même conclusion.
Aujourd’hui, c’est la Corporation
pour la protection de l’environnement
à Mirabel (CPEM) qui en est le gestionnaire. Cette OBNL existe depuis
1991 et a pour mission la protection
de l’environnement à Mirabel. Le
Conseil d’administration est constitué de bénévoles, de représentants de la Ville et de citoyens.
Monsieur Michaud nous explique
le cheminement de la CPEM :
« On voulait conserver le parc, avec
sa vocation environnementale.
C’est quand le Conseil régional des
Laurentides a décidé de sauvegarder
le parc qu’on a eu une réelle ouverture. On ne savait pas trop comment
faire, c’est avec le temps qu’on a
avancé. Dans un premier temps,
on a obtenu des fonds du CRD
et la municipalité nous a donné le
mandat de développer le parc».
Même si un objectif d’auto financement était fixé, après 8 ans d’efforts, l’organisme constate que
l’objectif était impossible à atteindre, même si les résultats sont
importants, puisque l’autofinancement atteint 45%. Ceci est exceptionnel car en Amérique du Nord,
les parcs à vocation publique de
ce genre s’autofinancent à 35%.
Le maire de Mirabel, un homme
connu comme un amoureux de la
nature, est Président de la CPEM
et les rapports sont excellents avec
la municipalité.
Le partenariat dans toutes les
phases de développement
La remise en état du parc aura pris
5 ans et le travail pour chaque
étape s’est fait avec les organismes
du milieu. La première vocation est
le maintien du parc comme tel: le
stationnement, l’entretien général.
Cela se fait principalement avec
des organismes partenaires, plus
STÉPHANE MICHAUD
16
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Au-delà du travail effectué, toute
une vie communautaire est sousjacente au projet : « Mettre en
présence des gens de différents
milieux crée un milieu très riche. On
organise des activités de reconnaissance, des événements et des sorties
pour les bénévoles ». Monsieur
Michaud explique les difficultés
particulières auxquelles le projet
doit faire face : « On a essayé de
créer une synergie. Il y a une heure
sur deux qui est faite par un bénévole, ce qui est un grand défi. Le personnel permanent est très réduit. Il
y a des apprentissages à faire et de
l’éducation à faire avec les employés,
car on ne peut tout attendre des
bénévoles qui peuvent être irréguliers
ou qui ne font pas tout à fait les
choses comme des professionnels.
On ne donne pas un service dans les
mêmes conditions qu’une municipalité et il faut expliquer ce qu’on a
réussi à faire dans des conditions
parfois assez difficiles».
De projet en projet, la CPEM s’associe de nouveaux partenaires.
Cette année, par exemple, l’aménagement de la plage va se faire
avec la collaboration de la compagnie NAYA qui finance le matériel
pour les constructions. Un autre
exemple : un groupe qui fait des
activités médiévales et qui fréquente le parc depuis 7 ans. Ils ont
construit des infrastructures pour
eux mais qui servent pour des
événements d’autre nature. Dans
le chapiteau ont lieu des fêtes
comme celle des employés de la
caisse Desjardins. Différents services leur sont offerts sur place
comme les repas, le coucher, la
sécurité, etc.
ENTREVUE>
Et le développement social
dans tout ça?
Monsieur Michaud « On développe
un parc mais on est aussi un plateau
d’intégration et on fait du développement social structurant sur
plusieurs niveaux. On voit là toute
une générosité des personnes qui
travaillent et des bénévoles. Notre
travail est basé sur l’estime de soi
et le respect de l’être humain.
Aujourd’hui, on est une sorte de
plateau de travail et on travaille
globalement sur plusieurs axes. C’est
vraiment du développement social ».
Monsieur Michaud s’enthousiasme
lorsqu’il parle du parc : « Il y a un
sentiment de fierté qui se dégage
chez les partenaires: une vingtaine
d’OBNL, une cinquantaine de bénévoles et une quarantaine d’employés
l’été sont fiers de participer à une
cause régionale et sociale. Ce parc
est un joyau chez nous et on est fier
de contribuer à son développement,
c’est un bon exemple de développement social où l’humain est au
centre des préoccupations».
Les projets futurs
Le prochain projet est de consolider
les services à la clientèle et d’ouvrir
en pensant aussi à la clientèle internationale. Monsieur Michaud parle
de la notoriété du parc en ces termes : « On est bien connu, mais pas
encore assez. On n’a pas un gros
budget de promotion, cela fonctionne par le « bouche à oreille ». On
n’est pas encore investi du côté de la
population urbaine ». Et il mentionne la croissance importance de la
clientèle : « Alors que la fréquentation
du parc était de 12 000 personnes par
année en 97, ce sont 60 000 personnes qui le fréquentent aujourd’hui.
On est ouvert à l’année et on a
développé des activités spécifiques
pour l’hiver ».
Là où les gouvernements ont
échoué, la CPEM semble donc réussir à maintenir un parc accessible
à la population, tout en permettant
d’offrir des plateaux de travail à une
population plus vulnérable.
PAR CATHERINE LANDRY-LARUE
COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL
EN COLLABORATION AVEC L’ÉQUIPE DE RÉDACTION
Entrevue avec Marc Gascon
Maire de Saint-Jérôme
Président du Réseau québécois des Villes et villages en santé RQVVS
DS: Quel est le rôle d’un maire
en développement social?
Marc Gascon : C’est l’affaire de la communauté
entière, de s’occuper de son développement. Chacun
a un rôle particulier : le communautaire, le gouvernemental, le monde des affaires, etc. Tous sont responsables de la santé de la communauté, à tous points
de vue. Il faut tisser des liens positifs entre les milieux.
Les projets Villes et Villages en Santé sont d’ailleurs
de bons leviers en matière de développement social.
C’est une démarche de concertation par laquelle on
demande aux gens d’agir sur leur milieu, en fonction
des besoins spécifiques de chacune des communautés.
DS : Par quels moyens une municipalité
peut-elle favoriser les arrimages avec les
gens d’affaires?
M.G. : Les municipalités étant le palier de gouvernance le plus près de la communauté, doivent sensibiliser les gens d’affaires à l’importance de favoriser
de bonnes relations avec les citoyens. Elles doivent
également les inciter à s’impliquer dans la vie municipale, à donner leur avis et non seulement à agir
comme commanditaires. Les gens d’affaires doivent
être consultés. C’est ce que nous avons fait dans le
cadre de la revitalisation du centre-ville. Il faut que les
gens d’affaires soient constamment à l’écoute des
citoyens. Ce n’est pas parce qu’un commerce est
établi depuis longtemps dans une municipalité qu’il
peut se permettre de faire ce qu’il veut et croire que
les citoyens vont l’approuver. Toujours dans le cadre
de la revitalisation du centre-ville, on se demandait
si c’était la ville ou les commerçants qui devaient
entamer les démarches. Lorsque les gens ont pris
connaissance des plans, ils ont exprimé de nombreuses critiques et réserves. Plusieurs ne croyaient
pas à cette revitalisation et ne semblaient pas avoir
de vision d’avenir. Le programme de rénovation
des façades était un programme partagé où la ville
s’impliquait financièrement. Les deux ou trois
premiers commerçants étaient réticents au départ,
mais maintenant, autant les citoyens que les commerçants, sont convaincus du bien-fondé de cette
démarche. La cohésion sociale, c’est important.
DS : Quelles sont les
problématiques
sociales présentes
dans votre ville ?
M.G. : La problématique du logement ne
nous touche pas trop…
on accorde beaucoup
de permis de
construction et les
nouveaux résidents
amènent une nouvelle
richesse, une nouvelle
culture…
MARC GASCON
Le vieillissement de la
population nous touche
davantage, d’autant plus que les personnes âgées
n’ont pas nécessairement les mêmes moyens
financiers qu’avant leur retraite. La ville investit
annuellement des sommes importantes pour mettre
en place des logements abordables destinés aux
personnes âgées. On utilise des programmes tels
qu’Accès-Logis, pour faire un projet de logements
conjointement avec des organismes du milieu.
DS : Les décisions prises à la Ville
ont-elles des répercussions sur la santé
et la cohésion sociale?
M.G. : Effectivement, les décisions prises au Conseil
de Ville ont d’importantes répercussions, mais il
faut spécifier qu’elles ne sont pas l’œuvre d’un seul
homme. Depuis les 10 dernières années, les choses
ont beaucoup changé et pour le mieux. Étant donné
que Saint-Jérôme est une vieille ville, on pensait qu’il
n’y avait plus de développement à faire. La fusion
des quatre villes a été très profitable et cela s’est bien
passé. La ville était dotée d’un cégep et de centres
commerciaux, d’une bonne vie associative. Les cultures différentes ont été faciles à combiner. Il ne fallait
pas que l’ancienne ville de Saint-Jérôme s’impose;
il était important de reconnaître les particularités de
chacune des quatre villes. Intégrer les 500 employés
représentait une tâche importante, compte tenu de
l’existence de 5 syndicats de cols bleus et de 5 de cols
blancs. Toutes les conventions collectives sont maintenant renégociées.
(Suite page 19)
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
17
SURLETERRAIN>
PAR MICHEL MOREL
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Le Coffret
Rencontre avec Line Chaloux
Le Coffret est l'organisme régional en matière d'accueil et
d'établissement des immigrants dans les Laurentides. Situé
dans la ville de St-Jérôme, le Coffret œuvre depuis 1990 à
l'encadrement des nouveaux arrivants et à la promotion de
la régionalisation de l'immigration.
Le Coffret est logé au Méridien 74, mais, qu’est-ce que le Méridien 74 ?
C’est un centre communautaire qui permet à une trentaine d’organismes
d’organiser une diversité d’actions. Parmi les organismes présents, se
trouvent des organismes qui étaient déjà là à l’époque où le Méridien 74
était une église paroissiale avec une fabrique qui gérait la paroisse : les
scouts, le Cercle des fermières, les clubs d’âge d’or et des comptoirs d’aide
alimentaire. À ces services et activités, se sont ajoutés d’autres organismes
qui cherchaient des locaux pour s’installer. Line Chaloux, directeure
générale du Centre, explique : « Notre organisation a toujours eu une préoccupation d’être une sorte de laboratoire communautaire et de servir d’incubateur communautaire, donc on a toujours eu des locaux pour permettre
à des nouveaux organismes de se développer ».
Méridien 74 héberge aussi d’autres types d’activités comme les
Alcooliques anonymes, les Dépendants affectifs anonymes et les
Gamblers anonymes. Tous les dimanches, se tiennent également des
activités religieuses, comme les messes, pour permettre à la paroisse de
garder son identité et à la communauté de se rencontrer dans ce lieu-là.
Un petit groupe de personnes âgées du quartier qui avaient des activités
depuis une vingtaine d’années (les Adorateurs) continuent à se réunir ici.
Mais qu’est-ce que le Coffret ?
Parmi les organismes importants au Méridien actuellement, le Coffret
est celui qui prend le plus d’espace et qui mène le plus d’activités. Cet
organisme est né à la fin des années 80, dans les Laurentides, après une
étude démographique sur le vieillissement de la population, la dénatalité
et l’immigration. Line Chaloux : « Parmi les recommandations de l’étude, il
était proposé de mettre sur pied un organisme qui aiderait l’intégration des
nouveaux arrivants, un besoin réel car il n’y avait aucun organisme du genre
dans la région. Le sigle Coffret signifie : Centre d’Orientation et de Formation
pour Favoriser les Relations Ethniques ».
La vocation du Coffret, c’est l’intégration des immigrants mais surtout le
rapprochement interculturel et la sensibilisation à la diversité culturelle,
autant au niveau des institutions dans l’application des services adaptés
qu’auprès de la population pour l’ouverture à la différence. « On a fait des
expositions dans les écoles, des interventions auprès des corps policiers pour
faire de la formation. Avec les CLSC, on s’assure que dans notre région, les
LINE CHALOUX
18
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
services sont adaptés pour bien répondre à la communauté immigrante pour
faire en sorte que personne ne va tomber entre deux chaises ». Le partenariat
que le Coffret a développé au cours des quinze dernières années semble
porter fruit puisque aujourd’hui, les CLSC, les écoles, le service de sécurité
appellent l’organisme pour son expertise. Par exemple, avant de placer
un enfant dans une famille d’accueil, la DPJ fait appel au Coffret, comme
médiateur dans un dossier. « On a vraiment pu développer un partenariat
qui fait en sorte de protéger les immigrants dans leur absence de référence
face à nos mesures de sécurité et à nos mesures sociales » souligne
la directeure.
Le coffret s’implique aussi dans le rapprochement interculturel, notamment entre les immigrants et la population du quartier. Fort du constat
que les gens vivent les mêmes difficultés et ont les mêmes besoins de se
créer des réseaux, d’être soutenus dans leurs démarches et d’être outillés
pour développer des plans de vie, l’organisme a conçu un projet nommé :
Fortification de quartier. Line Chaloux le décrit ainsi : « Notre objectif est
d’offrir un concept intégré de services à la population, d’environ 800 personnes qui vient chez nous chaque semaine. On va accueillir la personne qui
vient chercher un service d’aide alimentaire et on va l’accompagner pour
qu’elle identifie quels sont les autres services dont elle aurait besoin pour ne
plus avoir besoin de fréquenter le service d’aide alimentaire ». Le projet de
fortification de quartier vise donc à créer des réseaux où les gens vont
développer des habilités pour être en mesure de reprendre confiance en
eux, capables de se projeter dans un avenir, de développer des liens avec
les autres et où ils vont être l’acteur principal de leur devenir.
Cette idée de créer des réseaux est présente dans toutes les activités,
comme dans la salle de couture aménagée en partenariat avec le Cercle
des fermières. Dans cette salle, se fait de la récupération de vêtements
pour les réfugiés, ce qui permet de créer des liens et de créer un petit
réseau entre les femmes qui
vivent de l’isolement. Le café
Internet est un autre exemple.
L’objectif du café Internet dans
un premier temps, c’était de
permettre aux réfugiés, puis
aux immigrants en général,
d’avoir un lieu de communication économique avec
leur famille. Le café Internet
fonctionne bien et il permet
de briser l’isolement chez
les hommes.
DOSSIER>
LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Pour réaliser ces nombreuses activités, le Coffret s’associe à de nombreux
partenaires en éducation, en santé, au niveau des divers ministères avec
qui les nouveaux arrivants doivent transiger.
Le Coffret développe aussi des activités culturelles pour les communautés
immigrantes (Africains, Colombiens, Vénézuéliens, Péruviens, Equatoriens,
Costa Ricains), afin qu’ils brisent leur isolement et réussissent à garder
vivante leur origine culturelle. En général, le Coffret offre un accompagnement
et un soutien aux familles et aux personnes dans leurs démarches :
processus de francisation, alphabétisation avec des professeurs bénévoles,
insertion sociale par des activités d’insertion semi professionnelle, etc.
(Suite de la page 17)
On a bâti un plan stratégique à partir de consultations menées auprès des
élus, de la direction de la ville et des citoyens. Le plan de match découle
des différentes visions exprimées, tant par l’administration municipale
que par les citoyens. Notons que l’environnement est un enjeu important
pour les citoyens des Laurentides.
Tous les services de la municipalité doivent faire un bilan des échanges
qu’ils ont avec les citoyens. Les fonctionnaires sont sensibles à ces
principes, étant eux-mêmes citoyens.
DS : Quels sont les problèmes auxquels vous voulez vous attaquer et
vos préoccupations en matière de développement social?
MG: Saint-Jérôme, en tant que capitale régionale, abrite les grands services
gouvernementaux. En conséquence, il y a une importante immigration
des personnes plus vulnérables qui viennent gonfler les rangs des pauvres
et des aînés. Le tissu social est cependant d’une mixité intéressante, car
plusieurs jeunes familles viennent également s’établir ici.
On a mis en place une politique familiale et une politique culturelle. On a
un projet de centre communautaire à vocation multiple, géré par et pour
les aînés. On fait en sorte que les aînés se prennent en main pour mettre
sur pied un projet qui sera à leur image et qui saura interférer avec les
autres ressources du milieu.
Le Coffret, c’est aussi :
•une banque d’environ 200 logements;
•des conseils avant la signature du bail;
•une banque d’interprètes;
•une aide à l’inscription des enfants dans les écoles;
•un accompagnement des personnes dans les démarches
auprès des institutions publiques et privées
(Centre Travail Québec, carte d’assurance-maladie,
numéro d’assistance sociale, Bell téléphone,…);
•une source d’information et de référence vers les
ressources locales et régionales
•un club de jumelage en sollicitant la collaboration
des familles québécoises afin de faciliter l’intégration
rapide des nouveaux arrivants.
DS : Le fait d’être un Centre de services pour la région des Laurentides
vous apporte-t-il des problématiques spécifiques ?
MG : Le centre de détention fait partie de nos réalités et il occasionne une
forme d’immigration. Une personne condamnée provoque souvent la
migration de sa famille: cette dernière souhaite lui rendre visite et favoriser
sa réintégration.
Saint-Jérôme a également un hôpital psychiatrique, ce qui est comporte
un certain nombre de défis.
Les Laurentides sont appelées à se développer énormément, mais l’argent
ne suit pas, probablement parce qu’on est près de Montréal. Ceci fait partie
de nos enjeux régionaux. De plus en plus de ressources communautaires
viennent suppléer aux services gouvernementaux, ce qui mobilise les gens
sur des responsabilités qui appartiennent au gouvernement.
Un organisme communautaire, le Coffret accueille les immigrants qui
nous alimentent en matière de nouvelles richesses culturelles. Il est
important de bien les intégrer à nos communautés. On est leur terre
d’accueil et, malgré le choc des cultures, ils sont fort motivés à s’intégrer.
Pour favoriser les échanges, on parle avec eux, on communique, autour
d’une table. L’intégration passe par le ventre !
Notre mission est de faire en sorte que tous vivent bien ensemble. On est
le palier de gouvernement le plus proche des citoyens. On veut créer des
milieux de vie où les humains, élus et citoyens, se parlent.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
19
ENTREVUE>
PAR CATHERINE LANDRY-LARUE
COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL
EN COLLABORATION AVEC MICHAEL WATKINS, ÉQUIPE DE RÉDACTION
MRC des Pays-d’en-Haut
Entrevue avec Charles Garnier
Préfet de la MRC des Pays-d’en-Haut
Vice-président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM)
M. Charles Garnier est un préfet élu au suffrage
universel… particularité, puisqu’il n’y en a que
sept dans cette situation au Québec. Il y a
quatre ans, le ministère responsable des municipalités a offert la possibilité de rémunérer un
préfet s’il était élu par suffrage universel plutôt
que nommé par ses pairs. M. Garnier note bien
la distinction:
« La principale différence, c’est qu’un préfet élu
au suffrage universel ne porte pas deux chapeaux.
À l’époque où j’étais également maire, les gens
de ma municipalité passaient avant ceux de la
MRC », avoue d’emblée M. Garnier.
Après avoir élucidé son statut, nous lui avons
demandé quelles étaient ses priorités en
matière de développement social…
M. Garnier identifie alors cinq thèmes pour
décrire les efforts en matière de développement
social dans son milieu; la jeunesse, le logement,
le transport, le vieillissement de la population et
la politique culturelle sous-régionale. Il explique
l’interrelation entre ces problématiques et ses
préoccupations à titre de préfet.
Selon M. Garnier, l’exode des jeunes est un des
enjeux importants de la MRC des Pays-d'enHaut, comme d’ailleurs de celle des Laurentides.
Ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs.
D’abord, bien que les jeunes soient en mesure
de trouver du travail dans la MRC, les salaires
versés sont maigres et souvent insuffisants
pour assumer le coût des logements. En effet,
en raison de l’affluence de touristes, il est possible pour les propriétaires de hausser les prix des
loyers, sachant qu’ils pourront être loués par les
villégiateurs. Les jeunes tendent donc à quitter
la région pour trouver de l’hébergement ou pour
terminer leurs études.
La MRC, en collaboration avec la Ville de SainteAdèle, a voulu contrer cet exode en implantant
un parc industriel (l’ancienne usine de papier
La Rolland) pour inviter les entreprises de haute
technologie à s’installer ici. « Ces entreprises four-
20
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
nissent généralement des emplois bien rémunérés,
suscitant davantage l’intérêt des jeunes »,
souligne le préfet. On voudrait maintenant bâtir
des logements autour de ces entreprises pour
inciter les jeunes à s’y installer et rester dans la
région.
M. Garnier souligne l’importance de développer
des logements abordables en notant que les
données foncières sont un peu trompeuses.
En effet, la MRC des Pays-d’en-Haut est caractérisée par une population hétérogène où la
richesse côtoie la pauvreté. Elle est constituée
de villégiateurs, généralement très bien nantis,
et de résidents qui ont, pour la majorité, des
emplois peu rémunérés provenant de l’industrie
touristique, principal moteur économique de la
région. La MRC est donc riche sur le plan foncier,
mais pas dans la réalité. Des initiatives sont
maintenant entreprises pour favoriser la construction de logements abordables. La MRC a été
novatrice à cet égard en mettant en place une
mesure octroyant 1 500 $ par unité de logement
abordable bâtie, financée à partir des sommes
dédiées au pacte rural.
Toutefois, la problématique du logement ne
touche pas seulement les jeunes ou les personnes moins bien nanties, elle touche aussi les
personnes dépourvues de moyen de transport,
car elles doivent habiter aux abords de la route
117, là où les logements sont généralement
plus dispendieux. Ainsi, bien que des logements
plus abordables soient disponibles dans les
villages des extrémités Est et Ouest de la MRC
(c’est-à-dire les villages de Sainte-Marguerite
et de Wentworth Nord), le transport n’y est
pas développé et il faut absolument posséder
une voiture pour y résider. Pour éventuellement
remédier à cette situation, la MRC des
Pays-d’en-Haut a investi des sommes
et formalisé une entente avec la MRC
Laurentides et la commission scolaire pour
instituer un système de transport en commun
allant de Piedmont à Saint-Jovite. L’Axe EstOuest devra être développé dans une phase
subséquente. Cette ligne de transport en commun permet de faciliter l’accès aux centres
de formation continue et aux lieux de travail.
De plus, l’Entraide bénévole des Pays-d'en-Haut
soutient le transport aux aînés et aux personnes
handicapées. M. Garnier ajoute : « Le transport ne
se veut pas un projet rentable, mais il répond vraiment à un besoin ».
Le vieillissement de la population est également
préoccupant, puisque la MRC prévoit un accroissement important de sa population âgée.
(D'ici une dizaine d’années, plus du quart de la
population aura plus de 65 ans). Bien que le
phénomène présente les mêmes tendances à
l’échelle provinciale, la MRC des Pays-d’en-Haut
sera particulièrement touchée, car on anticipe
une immigration de personnes retraitées
cherchant à convertir leur résidence secondaire
en résidence principale.
On peut aussi pressentir un embourbement
accru sur le plan de l’accès aux soins de santé.
La MRC n’ayant pas d’hôpital sur son territoire,
les quelques cliniques médicales, aux horaires
restreints, doivent répondre à des problèmes
de santé qui se dessinent d’une manière
grandissante. Comme très peu de médecins
sont assignés à la région, la communauté
devra se pencher sur des moyens alternatifs
pour assumer les besoins de sa population
vieillissante.
Parallèlement à cette croissance démographique, la MRC devra être prudente sur le plan
du développement en raison des infrastructures, et plus particulièrement dans les municipalités de Sainte-Adèle, Saint-Sauveur et Morin
Heights où l’on prévoit une très haute densité
de population. Pour les municipalités à l’Est et à
l’Ouest, le développement à outrance n’est pas
nécessairement souhaité, car, comme le dit
M. Garnier, « ça pourra rester des petits paradis
naturels ».
Notons que la MRC investit aussi sur le plan
culturel. En réalisant une politique culturelle
sous-régionale, elle garnit aussi un fonds
culturel (17 500 $/année) pour tenir des
événements gratuits.
Les véhicules hors route, qui ont causé toute
une cohue entre amateurs et villégiateurs de
la région, ont eu des impacts en matière de
retombées économiques sur la MRC des Paysd’en-Haut, même si le conflit a eu lieu dans la
DOSSIER>
MRC Laurentides Cette dualité entre la paix
des citoyens et les retombées économiques
des véhicules hors route demande à ce qu’on
trouve des compromis.
La qualité de vie est importante au sein de
la MRC des Pays-d’en-Haut, et nombre de
citoyens se mobilisent pour mettre sur pied
des projets visant à revitaliser le milieu.
Soulignons, à ce titre, que la MRC des Paysd’en-Haut fut la première MRC à adhérer, de
même que ses 8 municipalités, au Réseau
québécois des Villes et Villages en Santé.
PAR MICHEL MOREL
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Rencontre avec
Jean-Paul Cardinal
Maire de Sainte-Adèle, Vice-président Comité sectoriel de développement
social de la CRÉ, président du CLD de la MRC des Pays-d’en-Haut, président
de la Corporation du parc d’affaires La Rolland et membre du comité culturel
de la MRC des Pays-d’en-Haut.
Le développement social est donc au cœur
des préoccupations…
Sainte-Adèle, un des enjeux du développement social est lié à la composition de
la population. Le problème auquel on est
confronté réside dans la cohabitation, sur un
même territoire, des villégiateurs, des touristes
et des résidents. Bien que les relations entre ces
groupes d’individus puissent être très chaleureuses, la présence des villégiateurs et des
touristes augmente considérablement l’évaluation foncière et donne un faux indice de richesse. JEAN-PAUL CARDINAL
Les résidents vivent principalement au service
des touristes et la pauvreté est camouflée.
sommes à réunir afin d’obtenir une subvention.
Les coûts réels sont beaucoup plus grands que
« Les projections démographiques de notre
ce que reconnaît le gouvernement, soit de l’ordre
Municipalité (Sainte-Adèle) démontrent que cet
de 30 %. Bien que la Ville investisse par le biais
état de fait n’est pas sujet à s’amoindrir : on
de dons de terrains et d’exemptions de taxes, les
prévoit une grande immigration en provenance
coûts de construction ne cessent d’augmenter.
des centres urbains », confirme M. Cardinal.
Les instigateurs tentent maintenant, avec le
L’immigration attendue sera largement constituée député, de faire pression sur les décideurs pour
de retraités; par ailleurs, les résidents contiqu’ils facilitent le processus et tiennent compte
nueront de trouver de l’emploi dans l’industrie
des ressources de chaque milieu.
tertiaire, c’est-à-dire dans le domaine des services.
La Conférence régionale des élus (CRÉ) travaille
« D’autre part, ajoute M. Cardinal, le milieu social
également sur ces enjeux avec la collaboration
et communautaire est déjà développé… Saintedes membres de la société civile.
Adèle est déjà assez active, mais il faut maintenir
et stimuler la participation des gens ». Monsieur
« Dans notre milieu, les gens de la communauté, de Cardinal précise toutefois que « les membres
concert avec les conseillers municipaux, travaillent de groupes communautaires peuvent parfois se
sur le développement social, selon leurs intérêts »,
montrer radicaux dans leurs positions, et il peut
confie le Maire. Ainsi, la table de
être difficile de discuter, car ils ne permettent pas
concertation de Sainte-Adèle travaille beaucoup de compromis. Ils sont cependant des acteurs du
au niveau de la famille. En découle d’ailleurs une développement social et il faut travailler avec eux ».
révision de sa politique familiale. Le logement
social fait également l’objet d’un enjeu : on
Les Laurentides sont par ailleurs affligées d’un
planifie la construction de 40 logements; on vit
taux de décrochage scolaire important et de plus
toutefois une problématique concernant les
perdent une grande partie de leurs jeunes
À
lorsque ceux-ci poursuivent des études postsecondaires. Par la suite, il est fréquent qu’ils
trouvent du travail en milieu urbain et qu’ils ne
reviennent pas. Le Maire aimerait arriver à créer
un sentiment d’appartenance au milieu, afin
que ces jeunes reviennent à Sainte-Adèle après
leurs études.
Les programmes de sport-études qu’offre la
polyvalente en ski et en danse sont intéressants,
mais ils ne rejoignent qu’un certain nombre
d’élèves, ne répondant pas au budget ni aux
intérêts de tous. La Ville est limitée dans son
pouvoir d’action, puisque le cheminement scolaire est de juridiction provinciale. Toutefois, elle
participe ou fait la promotion des programmes
déployés par la commission scolaire, tel que
« J’embauche un élève qui réussit » et dégage un
policier, à raison de 5 jours/semaine, pour favoriser les bons rapports au sein de la polyvalente.
Selon M. Cardinal, le rôle du maire est aussi de
s’inspirer des expériences et initiatives des autres
municipalités. C’est donc en s’impliquant au
sein d’autres instances comme le Comité multipartite sur l'avenir des cours municipales, l'Union
des Municipalités du Québec, la Conférence
régionale des élus et le Conseil des maires de la
MRC, qu’il est possible pour le maire de SainteAdèle de se ressourcer et partager des idées.
« Il m’apparaît maintenant clair que le rôle
d’une municipalité est capital en matière de
développement social. Le maire dirige le palier de
gouvernement le plus près du citoyen. Il a une
portée et un pouvoir sur des décisions se rapportant au bien-être collectif. Il catalyse les énergies
et soutient les démarches de l’ensemble de sa
communauté. Le maire est le premier porteur
de l’expression sociale de son milieu », conclut
Jean-Paul Cardinal.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
21
SURLETERRAIN>
PAR MICHAEL WATKINS
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Mobilisation d’une communauté,
ski et économie sociale
Alison Drylie est agente de développement, responsable du
parc rural, au CLD des Pays-d’en-Haut. Parmi les projets en
développement social mis de l’avant dans les Pays-d’en-Haut,
la station de ski du Mont-Avalanche retient l’attention.
me Drylie explique qu’au
début des années 2000, la
station, alors propriété privée,
était menacée de fermeture en raison de sa vétusté et d’un trop faible
achalandage. Comme la station
était malgré tout le principal employeur de la région en saison hivernale, la Chambre de commerce de
Saint-Adolphe-d’Howard, organisme
à but non lucratif, avait alors pris la
décision de l’acquérir dans le but
d’assurer la survie des activités,
donc des emplois, et de faire en
sorte que les résidents du village
puissent avoir accès à des sports
d’hiver. Comme la Chambre de
commerce ne disposait pas des
fonds suffisants, la municipalité
s’est chargée de cautionner l’achat.
M
Un nouvel organisme à but non
lucratif avec un conseil d’administration autonome a été formé il y
a environ deux ans. L’OBNL Station
de sports Mont-Avalanche regroupe
donc un ou deux représentants de
la municipalité, un ou deux de la
Chambre de commerce, des membres utilisateurs et des résidents
de la municipalité. La direction
générale de la station a été confiée
à l’ancienne directrice de l’école de
ski, Hélène Bertrand. Plusieurs
partenaires de la région, notamment, le CLD, la MRC et la SADC
des Laurentides se sont joints au
groupe de travail dans le but de
monter un dossier de financement
pour la modernisation des
équipements. Déjà une première
étape a été franchie, c’est-à-dire
22
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
encore complété, en plus de la possibilité d’accueillir des réceptions,
la station désire éventuellement
offrir des services aux camps de
jour ainsi qu’aux amateurs de vélo
de montagne grâce à l’addition de
nouvelles infrastructures.
nismes à but non lucratif, M. Sylvain
Audet, qui a beaucoup d’expérience
auprès des stations de ski à but
non lucratif et qui a collaboré
étroitement à la rédaction du plan
de développement et du plan
d’affaires.
« L’implication du CLD à l’ensemble
du projet s’est traduite au départ
par de l’accompagnement lors de la
rédaction du plan d’affaires. Nous
avons ensuite participé au comité
de concertation mis sur pied et
financé en grande partie par Emploi
Actuellement, les administrateurs
Québec », souligne Mme Drylie.
se préparent à déposer un impor« À part moi-même du CLD, ce comité
tant plan d’affaires auprès
était constitué de Marcel Lachaîne
d’Investissement Québec dans le
d’Emploi Québec, Sylvain Forget,
but de procéder à l’amélioration des président du conseil de la station,
infrastructures, principalement du
Hélène Bertrand, directrice générale
système de remontées mécaniques ainsi que d’un employé de la station »
et de faire en sorte que la station
poursuit-elle. Plusieurs rencontres
puisse offrir des activités à l’année
ont eu lieu, et un premier octroi
longue. Le magnifique chalet sera
est venu du CLD, à partir du Fonds
rénové et les cuisines seront
d’investissement en économie
améliorées pour pouvoir accueillir
sociale; le Fonds de la ruralité a
des réceptions. L’objectif est de
également octroyé un montant
faire en sorte que la station de
ainsi que le centre financier aux
sports devienne vraiment le moteur entreprises de la Caisse populaire
économique du village. Les gens
à partir de son fonds de dévelopse sont vraiment mobilisés autour
pement local.
de ce projet. Comme l’entreprise se
veut une entreprise d’économie
Ce financement a notamment
sociale, la tarification est faite en
permis de retenir les services d’un
fonction des familles du village qui consultant spécialiste des orgabénéficient de programmes et de
rabais, particulièrement les familles
à plus faible revenu. La station offre
même des cours de ski gratuits
aux enfants qui fréquentent les
centres de la petite enfance de
la municipalité.
« Le CLD a tenu à s’impliquer dans
le projet en raison du caractère d’entreprise d’économie sociale qu’il y a
reconnu, notamment par la centaine
d’emplois qu’il génère en saison
hivernale et le potentiel de maintien
éventuel de plusieurs de ces emplois
à l’année, la mission sociale qu’il
s’est donnée et sa valeur en tant que
moteur économique de la municipalité, mais surtout parce que ce
sont les gens du village eux-mêmes
qui se sont pris en main », conclut
Mme Drylie.
l’amélioration du système d’enneigement artificiel qui était la
principale lacune de la station.
Celle-ci peut maintenant débuter
ses activités plus tôt et prolonger
plus tard au printemps et ne pas
être constamment à la merci des
caprices de dame nature.
En ce qui a trait aux activités estivales, bien qu’il ne soit pas possible
de tout dévoiler pour l’instant parce
que l’aspect financement n’est pas
ALISON DRYLIE
DOSSIER>
PAR MICHEL MOREL
ÉQUIPE DE RÉDACTION
MRC des Laurentides
Rencontre avec Ronald Provost, Préfet de la
MRC Les Laurentides et Maire de Brébeuf et
Sylvain Bouliane, Directeur général de MRC
RONALD PROVOST
Quels sont les enjeux de développement
social de la MRC Les Laurentides ?
La Vision de la MRC a beaucoup évolué. Le
développement social n’était pas la première
préoccupation, mais avec les enjeux du transport
collectif, on a constaté que, de cette problématique, en découlaient plusieurs autres. En effet,
le transport est très important pour l’économie
du territoire.
Les maires ont tenu un lac à l’épaule et le logement social est apparu comme étant l’un des
aspects à développer dans un futur pas si lointain. Il s’agit d’un important enjeu, pour les
petits salariés, étant donné la venue d’Intrawest
qui a fait augmenter le coût des résidences et
l’accroissement constant du nombre de personnes âgées. Les partenaires veulent créer un fonds
pour soutenir ce type de développement.
Quelles sont les caractéristiques de la MRC ?
Le territoire comprend 18 municipalités, de ValMorin à la Minerve (250 KM2, au-delà de 100 km
du Nord au Sud), abritant une population permanente de 40 000 habitants, population qui
double avec la villégiature.
Une des principales grandes villes de la MRC
est Sainte-Agathe, qui a connu une période de
léthargie et qui, maintenant, se dynamise énormément et monte de très beaux projets. Cette
ville est principalement associée à la santé, à
cause de l’hôpital. L’autre ville d’importance est
Mont Tremblant, la forestière, la rurale, la pauvre,
la riche, qui génère toute une économie qui n’est
pas évidente… Il y a aussi le nord, avec notamment Labelle et La Minerve; dans cette dernière
municipalité, il se vit beaucoup de pauvreté.
pied dans la ville de Tremblant. On veut aussi
développer des boucles à Sainte-Adèle et à
Saint-Sauveur.
Quelles sont les perspectives d’emploi ?
À cause de l’exode des jeunes, les Laurentides
vivent un grand manque à gagner en terme de
capacité de la main d’œuvre. Plusieurs activités
attirent les jeunes et de nombreux retraités
s’établissent ici, mais les possibilités de se
trouver un emploi dans un domaine spécialisé
sont limitées.
Le transport en commun, c’est un choix social,
ce n’est pas rentable. La MRC n’a cependant
pas recommandé la poursuite de ce système en
2005, parce qu’il coûte très cher. Étant donné
que 30 % de la clientèle ne paie pas pour l’autobus, sur un budget de $360 000, on n’aura pu
récupérer que $ 30 000. L’objectif a été atteint
en termes d’utilisateurs, étant donné que la
clientèle était précisément celle visée, soit les
étudiants et les travailleurs. Il faudra donc
couper la partie nord du réseau (Tremblant à
Labelle) pour plutôt prolonger vers St-Jérôme
et cela va être remplacé par un système de
« Chemin faisant » à 2000 passages, en collabo-
Les emplois peu spécialisés favorisent le
décrochage des jeunes. Le programme
« j’embauche un élève qui réussit », a exercé une
bonne sensibilisation à ce phénomène auprès
des employeurs.
On observe du raccrochage scolaire à l’âge de
20 ans. Le territoire abrite 5 centres de formation
professionnelle où sont donnés des cours postsecondaires.
La MRC a démontré de la compétence en
déployant ce système de transport en commun.
Le projet a démarré en septembre 2004; il a par
la suite fallu ajuster les horaires, mais la progression des passages a été constante. L’objectif
était de 20 000 passages par jour de Labelle à
St-Sauveur.
SYLVAIN BOULIANE
Quel est l’apport du transport en commun ?
Les besoins des travailleurs et des étudiants
adultes ont justifié l’organisation du transport
en commun. Dans un premier temps, étant
donné un certain scepticisme des gens face à
l’utilisation de ce service, on a décidé de se concentrer sur l’axe Nord-Sud pour en faire l’expérimentation. Deux boucles ont également été
développées; elles se dirigent vers la colonne
vertébrale du système, soit l’axe de la route 117 :
un taxi bus dessert St-Faustin six fois par jour et
on utilise un système qui avait déjà été mis sur
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
23
DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
ration avec le transport scolaire. Cependant, le
service ne sera plus dispensé les fins de semaine
et l’été.
L’expérimentation du taxi bus a démontré pour
sa part les mêmes résultats : ça coûte aussi
très cher, et ce, pour un nombre de personnes
beaucoup moins élevé. Pour seulement 200
personnes, il a fallu assumer un coût de 20 000 $;
la mise en place de nouvelles boucles coûterait
encore plus cher, puisque déployée sur un plus
grand territoire. Le défi à relever, c’est de trouver
le meilleur système qui fera en sorte que les
municipalités périphériques aient un accès à la
route 117. On pense entre autre à développer
du covoiturage. La définition des horaires pose
également des problèmes. Il faut avoir une
colonne vertébrale forte.
La subvention du ministère du transport est de
20 000 $, ce qui est insuffisant pour mettre sur
pied un système de transport qui réponde aux
besoins.
Le coût pour l’usager : 10 billets pour 25 $, ou
5 $ le passage, ou une passe de 75 $ par mois.
À Mont-Tremblant, le transport dans le réseau
St-Jovite-Tremblant coûte 1 $. Ce faible tarif s’explique par les distances qui sont plus courtes.
Cependant, sur le réseau Laurentides/Pays-d'enHaut, on n’a pas de structure qui permette de
charger en fonction de la distance du parcours.
Le fait d’être un lieu de villégiature apporte une
certaine richesse foncière qui permet à la MRC
de développer les milieux dévitalisés. Pour que
les moins nantis puissent aller vivre dans les
périphéries où les résidences sont moins chères,
pour créer une nouvelle occupation du territoire,
il est impératif d’offrir du transport.
C’est la MRC qui a donné le premier aval sur le
plan du transport; le CLE, DRHC, la Commission
scolaire, les caisses populaires, etc., se sont
associés dans ce projet. Il était difficile de convaincre les élus d’investir, puisqu’on ne pouvait
garantir la quantité d’usagers.
24
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Les maires ont tenu un lac à l’épaule et le logement social est
apparu comme étant l’un des aspects à développer dans un
futur pas si lointain. Il s’agit d’un important enjeu, pour les
petits salariés, étant donné la venue d’Intrawest qui a fait
augmenter le coût des résidences et l’accroissement constant
du nombre de personnes âgées. Les partenaires veulent créer
un fonds pour soutenir ce type de développement.
On est présentement en recherche de commandites auprès des marchands d’alimentation, des
restaurateurs, des caisses, d’Intrawest qui a déjà
mis sur pied pour leurs travailleurs un système
de transport et qui ont intérêt à ce que leur
circuit soit prolongé. L’autofinancement est visé
afin de ne pas être à la merci des subventions
qui ne sont pas récurrentes.
Il faut aussi négocier avec les employeurs : on
peut leur demander de payer 1 $ pour chaque
employé qui utilisera le transport en commun;
on peut aussi leur demander d’être flexibles face
aux horaires de travail, de les agencer avec le
transport.
Quels sont les autres projets importants
en terme de développement social ?
La prévention de la criminalité est un projet,
mené sur trois ans, qui vise à diminuer la
criminalité, notamment les crimes à la propriété.
Montréal, Québec, les Laurentides et deux
autres MRC ont été ciblées pour faire l’objet de
cette étude.
Dans les grandes villes, on se sent généralement
en sécurité, ce qui n’est pas le cas dans les municipalités en périphérie, surtout en ce qui concerne
les personnes âgées et les personnes seules.
On tente donc de développer des stratégies qui
favoriseront un sentiment de sécurité. Il faut
arrêter de diriger les gens vers les grandes villes
et mieux aménager les milieux dévitalisés.
Un autre projet avec Bell Canada permet de
fournir de la fibre optique à toutes les munici-
palités de notre MRC, ce qui répond aux besoins
des petites municipalités et des travailleurs
autonomes dont le nombre grandit.
Les 18 municipalités et les écoles sont maintenant filées, par le biais de la fibre optique
en un réseau qui nous appartient et qui dessert
tout le territoire. On pense à peut-être mettre
en place une structure juridique pour gérer
la desserte de la haute vitesse. Les profits
pourraient être affectés au logement.
L’avenir est prometteur car les municipalités
et la MRC ont une vision commune et veulent
faire de la perspective de la décentralisation
de services gouvernementaux une opportunité
de développement pour leur milieu.
ENTREVUE>
PAR CATHERINE LANDRY-LARUE
COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL
EN COLLABORATION AVEC L’ÉQUIPE DE RÉDACTION
Quand le développement économique
rencontre le développement social
Rencontre avec Daniel Desjardins, directeur général de la Chambre de commerce de Sainte-Agathe
Comité intersectoriel de la CRÉ Laurentides – Développement économique
a Chambre de Commerce de Sainte-Agathedes-Monts est reconnue comme étant l’une
des plus actives. Cet organisme est d’avantgarde puisqu’il a su, entre autres, réunir le
milieu communautaire et le monde des affaires.
Son directeur, M. Daniel Desjardins, y est pour
quelque chose : bien impliqué dans son milieu et
faisant preuve de dynamisme, il a su marier ses
expériences professionnelles acquises tant dans
le milieu des affaires que dans le milieu communautaire. Son cheval de bataille : permettre aux
secteurs économique et communautaire de parler sur un pied d’égalité.
L
Comme les organismes communautaires sont
souvent sous-financés, M. Desjardins s’est
donné comme mission de leur développer un
petit côté entrepreneurial… Pourquoi n’iraient-ils
pas chercher des commandites au lieu de se sentir victimes du manque de subvention? D’autre
part, les entreprises privées peuvent aussi
gagner un petit côté humain, en offrant des
tarifs avantageux aux clientèles desservies par
certains organismes, par exemple, en s’impliquant dans la gestion d’un organisme qui offre
des services complémentaires, ou encore, en
devenant administrateurs.
Le directeur explique qu’il « tente de former le
communautaire à aller chercher des commandites,
étant donné qu’ils connaissent maintenant les
gens du commerce et qu’ils peuvent s’en faire des
alliés. Le communautaire n’a pas à quémander,
il a à négocier. Les élus ne sont pas sensibles aux
revendications, ils veulent travailler avec les gens ».
La Chambre de Commerce se veut aussi
porteuse de reconnaissance : elle véhicule les
bons coups du communautaire et souligne
l’apport des entreprises privées qui démontrent
une conscience sociale. Notons à ce titre deux
exemples, pour ne prendre que ceux-ci : La Ville
de Sainte-Agathe-des-Monts est l’hôte d’un
projet très novateur d’aquaculture (on nourrit
les laitues à partir d’excréments de la truite).
Lorsque le projet a eu des retombées trop importantes pour la structure en place et qu’il y a eu
trop de laitues, les promoteurs ont donné les
surplus à l’Ombrelle, un Centre communautaire
de femmes victimes de violence. D’autre part,
récemment, une association travaillant auprès
des personnes ayant des incapacités, a demandé
la création d’un prix visant à récompenser les
entreprises qui font l’embauche de personnes
handicapées. Cette association voulait
démontrer de la reconnaissance aux entreprises
qui intégraient les personnes handicapées sur
le marché de l’emploi. Le renversement des dualités se fait donc sentir!
Tout ce réseautage ne s’est cependant pas
fait spontanément, il fallait d’abord initier ces
échanges! La table de concertation mise sur pied
par la Chambre de Commerce en est la grande
responsable… « C’est la concertation qui a
favorisé les contacts et l’implication commune
des deux milieux », avoue le directeur général.
Ces activités de réseautage lui ont d’ailleurs valu
un Coq d’argent, l’an dernier, se positionnant
comme deuxième ville de l’année à la Fédération
des Chambres de Commerce du Québec.
«Le réseautage est très important parce que la
majorité des entreprises sont très petites. Elles sont
référées lorsqu’elles font partie de la Chambre de
Commerce. Comme directeur, je participe aussi
aux activités de levée de fonds et aux événements
développés par les entreprises de mon milieu»,
confie-t-il.
Découle de toute cette implication un impact
important sur la vie économique du milieu… les
locaux commerciaux sont maintenant presque
tous occupés : « Il ne reste que 9 locaux libres, alors
qu’encore l’année dernière il y en avait 42 », précise
M. Desjardins.
Les entrepreneurs et organismes de cette
municipalité ont compris l’apport positif de leur
Chambre de Commerce, considérant qu’à l’heure
actuelle, 337 entreprises sont membres, sur une
possibilité de 470.
DANIEL DESJARDINS
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
25
DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
MRC Thérèse-De-Blainville
Entrevue avec Robert Bourque
PAR RENÉE DESJARDINS
COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL
Robert Bourque est organisateur communautaire au CSSS
Thérèse-de-Blainville. Nous avons discuté avec lui des
priorités et initiatives en développement social à la MRC
Thérèse-de-Blainville.
elon Robert Bourque, le
développement social doit
obligatoirement être issu de la
société civile. Il doit, dit-il, stimuler
la participation citoyenne et favoriser la santé et le bien-être collectif.
Pour comprendre le développement
social, dit-il, il faut savoir qu’il y a
des commandes qui proviennent
d’en haut, des décideurs, des divers
paliers de gouvernement, et d’autres
qui viennent de la communauté.
Ces commandes doivent toutes être
réalisées en concertation entre les
gouvernements et la société civile.
Mais ce sont celles issues de la
communauté qui doivent être privilégiées, si l’on veut parler de véritable développement social.
S
À Thérèse-de-Blainville, la planification régionale est issue des enjeux
terrains, lesquels seront sondés lors
d’un sommet sur le développement
social qui aura lieu à l’automne
2005. Il s’agira d’une occasion pour
le milieu de réfléchir sur les orientations qu’il doit se donner.
Certaines d’entre elles existent
depuis de nombreuses années.
La concertation jeunesse s’est
organisée par la suite. Au début,
le consortium jeunesse voyait à
l’organisation de tous les services
dédiés à l’ensemble de la jeunesse.
Cette table est maintenant subdivisée en plusieurs comités, chacun
représentant un groupe d’âge précis. Les tables municipales sont
apparues les dernières.
Une centaine d’organismes participent activement à ce vaste mouvement. Ils proviennent en majeure
partie du réseau de la santé et
des services sociaux, des groupes
communautaires, des clubs sociaux
et des ressources intermédiaires.
La composition des tables se fait
naturellement, en fonction des
problématiques qui y sont discutées en fonction des missions
des organismes.
Dernièrement, les organismes
communautaires se sont retirés
Thérèse-de-Blainville est habitée par des tables de concertation, en guise
un important mouvement de conde moyen de pression contre les
certation organisé depuis plusieurs actuelles façons de faire gouverneannées, mais davantage développé mentales, notamment en termes
et structuré depuis 5 ans. On y
de financement.
compte au total 14 tables de concertation, de toutes sortes : tables
Dans le but de soutenir ce mouvethématiques, tables municipales
ment et de ramener l’expertise du
et tables du consortium jeunesse.
milieu communautaire aux tables,
Les tables thématiques portent sur ces dernières ont envoyé une lettre
la santé mentale, la pauvreté, la
à l’agence de santé, démontrant
violence conjugale, la déficience
clairement l’appui des municiintellectuelle, le troisième âge, etc. palités et de tous les acteurs des
tables de concertation aux organismes communautaires.
La CRÉ (Conférence régionale des
élus) appuie également les revendications du milieu. Elle veut permettre aux organismes de recevoir
davantage de financement pour
remplir leurs missions. En d’autres
termes, elle privilégie un financement stable, récurrent, plutôt qu’un
financement par projets, qui est
perpétuellement à recommencer.
Les tables de concertation sont plus
ou moins actives selon les enjeux
en cours, le dynamisme des participants, les budgets. Au fil du temps,
elles ont organisé et monté de
nombreuses initiatives, notamment
en sécurité alimentaire, en hébergement, en services aux aînés, à la
famille, à l’enfance, à l’adolescence
et aux parents, en réussite éducative,
en prévention de la violence et du
suicide, en déficience intellectuelle,
etc. Elles font un important travail
de sensibilisation et d’information
sur les ressources disponibles. Elles
favorisent les rapports entre les
réseaux publics, communautaires,
municipaux et privés.
Notons, de façon plus concrète,
quelques actions qu’elles ont
mises sur pied : collecte
et distribution de
nourriture pour les
familles en situation de pauvreté;
hébergement
ROBERT BOURQUE
26
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
d’urgence pour des familles en difficulté; répit de soirée et de fin de
semaine pour les parents; organisation d’un salon de la famille; travail
de milieu dans les parcs; travail de
corridor dans les écoles; travail de
rue; ententes partenariales sur
la réussite éducative; projets de
réinsertion sociale; formation des
intervenants; ateliers de prévention
auprès des jeunes; bottins de ressources des services jeunesse et des
services aux aînés; ateliers pour les
parents; ateliers de sensibilisation
contre la violence auprès des jeunes;
support dans les organismes scolaires; maison de répit, etc.
Les organisateurs communautaires
font le lien entre les différentes
tables, qu’elles soient « jeunesse »,
municipales ou thématiques, afin
de faire circuler l’information. Ils
ont pris la décision de ne pas s’investir dans la concertation au nom
du CSSS. « Nous sommes trois sur le
territoire et nous insistons sur le fait
que lorsque nous participons, nous
sommes intervenants communautaires et non représentants de l’établissement (CSSS), ce qui rend notre
position moins ambiguë ».
SURLETERRAIN>
PAR MICHAEL WATKINS
ÉQUIPE DE RÉDACTION
L’imagination
au service de la cause
Rencontre avec Josée Aubin, directrice du Centre Rayons de Femmes
e Centre Rayons de Femmes est un organisme
à but non lucratif qui vient en aide aux
femmes en difficulté sur le territoire de la
MRC Thérèse-de-Blainville.
L
« L’une des particularités du centre est de ne pas
se limiter à mettre des diachylons sur des plaies,
mais plutôt de se trouver constamment dans
l’action », de confier la directrice du Centre.
Le Centre Rayons de femmes est présent à
plusieurs tables de concertation, entre autres,
le comité d’économie sociale à la Société de
développement économique, également à la
Table d’employabilité des Basses-Laurentides,
région où les femmes ont tendance à occuper
des emplois atypiques, à temps partiel et peu
rémunérateurs. « Par notre participation à cette
table, nous souhaitons promouvoir le développement de programmes de conciliation travailfamille, de retour au travail, pour venir en aide
aux femmes », ajoute Mme Aubin.
Selon son dernier rapport d’activités, le Centre
aurait répondu au cours de la dernière année à
au-delà de 3000 appels et reçu près de 2200
visites, donc beaucoup de femmes! Les femmes
qui frappent à la porte du Centre peuvent être
aux prises avec toutes sortes de problèmes, elles
peuvent tout aussi bien être riches ou pauvres,
elles peuvent provenir de diverses communautés ethniques, etc. Les situations qu’elles
vivent sont tout aussi variées : violence conjugale, difficulté à se loger, problèmes financiers,
séparation ou divorce, problèmes d’estime de
soi, problèmes de santé mentale, recherche
d’un sens à leur vie. Le CSLC dans les Laurentides
accuse un manque à gagner de 48 millions $, et
les femmes doivent attendre plus de huit mois
avant d'obtenir des services, ce qui l’amène à
référer beaucoup de cas au Centre.
Parmi les autres implications du centre, on peut
nommer L’R des centres de femmes Québec,
la Fédération des femmes du Québec et le
Regroupement des organismes communautaires
des Laurentides. En bref, Rayons de femmes
veut disposer de suffisamment de contacts et
connaître toutes les tables pour trouver réponse
à toute situation qui lui est apportée.
Rayons de femmes organise annuellement une
importante campagne de financement qui
comporte deux volets : recueillir des fonds, mais
aussi assurer la visibilité de l’organisme. « Par
cette campagne, je peux entrer en contact avec les
commerçants du milieu et donner de la visibilité
au Centre », explique Mme Aubin, ajoutant que
le milieu économique est d’une grande aide, en
autant que l’on aille vers lui. L’outil principal de
la campagne de financement est un spectacle
professionnel. La dernière édition a d’ailleurs
permis aux spectateurs d’entendre Dorothée
Berryman. La directrice avoue que toutes
ces activités causent un important surcroît
de travail, mais les retombées en valent très
certainement la peine.
JOSÉE AUBIN
L’organisme offre des rencontres individuelles,
mais l’objectif est plutôt d’intégrer les femmes
au sein d’un groupe de soutien pour briser leur
isolement. Le Centre utilise la formation
Antidote, un programme de dix séances reconnu
partout au Québec et développé par un Centre
de femmes de Cabano pour accroître l’estime de
soi. Le Centre a aussi développé le programme
« Déjeuners entre elles » où les femmes peuvent
échanger sur l’actualité, la politique, etc. Elles
ont l’occasion de discuter de sujets choisis,
entre elles, mais aussi avec d’autres femmes
qui sont dans l’action et dont l’expérience est
intéressante. Ces dernières deviennent des
ressources pour le Centre et, de l’aveu de la
directrice, même si elle reçoit des critiques parce
qu’elle fréquente des « femmes d’affaires », elle
considère qu’il est essentiel de créer ce genre de
maillage. À titre d’exemple, Mme Aubin rappelle
que lors d’un souper de femmes, elle avait parlé
d’un dossier sur la tenue d’activités à caractère
pornographique à Saint-Eustache. Suite à leurs
représentations auprès des autorités municipales
et policières, le dossier avait fait la manchette
et l’activité avait été dénoncée pour finalement
être annulée.
Le Centre joue également un rôle d’accueilréférence. Il transmet l’information aux femmes
qui doivent être dirigées ailleurs, que ce soit le
CAVAC, le CALAC, la Licorne ou autres, et s’assure que ces femmes y obtiennent les services
appropriés. Cela signifie qu’il faille parfois faire
preuve d’audace et de ténacité pour obtenir des
résultats. Le Centre n’hésitera jamais à utiliser
toutes les ressources, qu’il s’agisse du réseau,
du communautaire, du monde des affaires ou
du monde politique pour trouver la solution à
un problème vécu par une femme.
Sur un autre plan, le Centre Rayons de femmes
a été le promoteur, avec Accès-logis, d’un projet
de logement de plusieurs millions de dollars à
Blainville. Ce projet de 32 logements, qui a coûté
25 000 $ à Rayons de femmes, est né du besoin
de plusieurs femmes, en majorité monoparentales et ayant de la difficulté à se loger
convenablement sur le territoire. L’organisme
les Habitations solidaires assume maintenant
la gestion des lieux.
Le Centre est subventionné par le ministère
de la Santé et des Services sociaux, mais les
subventions ne suffisent pas. Deux personnes
y travaillent à temps plein, une autre bénéficie
d’un programme d’expérience au travail d’une
durée limitée et une vingtaine de bénévoles
contribuent aux activités. La directrice avoue
que le personnel est sous-payé pour la quantité
énorme de travail qu’il fournit.
Mme Aubin confirme que son expérience lui
démontre que les gens, lorsqu’on les sensibilise,
sont de façon générale, ouverts à la cause
des femmes. Il suffit d’un peu d’imagination,
de beaucoup de travail et de persévérance pour
que la situation des femmes devienne plus
équitable.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
27
DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
MRC Antoine-Labelle : le renouvellement
des pratiques au service de la forêt
La Rouge, Mont-Laurier, Ferme-Neuve, Mont-Saint-Michel… tant de municipalités
qui évoquent la région éloignée, les magnifiques pourvoiries, les grands espaces et
la nature vierge. En effet, la MRC Antoine Labelle est largement caractérisée par sa
relation avec la forêt. Sa vie économique en est très dépendante.
e vaste territoire, bien que démontrant un
développement accru depuis une quinzaine
d’années, comporte de nombreux enjeux,
notamment sur le plan social. On pense ici à
quelques caractéristiques répandues dans la
grande région des Laurentides, telles que l’accès
aux soins de santé, les ressources limitées pour
faire face au vieillissement de la population, le
transport et l’exode des jeunes vers les centres
urbains; mais la MRC est aussi confrontée à des
problématiques plus particulières à son milieu.
C
Un enjeu qui reste au cœur des préoccupations
depuis toujours est celui de l’occupation du territoire. Inviter la population à prendre niche sur
ce beau coin de pays n’est pas chose facile, étant
donné que tout y est à bâtir; mais c’est vraiment
essentiel au développement économique du
milieu. Fermer des villages, vous avez déjà
entendu parler? C’est le sort que pourraient avoir
à subir certaines de ces micros agglomérations
qui, n’ayant pas suffisamment de population
DENISE JULIEN
28
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
YVON CORMIER
pour perpétuer les services municipaux, se
retrouveraient seules, livrées à elles-mêmes.
L’industrie touristique est en conflit avec l’industrie forestière, bien qu’elle entretienne des liens
d’interdépendance avec celle-ci. Étant donné les
enjeux du développement économique, ces deux
industries sont condamnées à vivre ensemble :
la pénétration dans les pourvoiries nécessite
absolument une cueillette forestière pour créer
des passages. Les pourvoiries n’auraient pas les
moyens de le faire elles-mêmes. De plus, il faut
que certaines municipalités pénètrent ces territoires afin d’offrir des services aux villégiateurs,
qui, autrement, seront incapables de s’y rendre.
Les villégiateurs recherchent un endroit propice
à la chasse et la pêche où règnent la paix
et le silence; ils sont cependant quelques fois
confrontés à l’outillage forestier quelque peu
bruyant…Comme la forêt occupe 80 % du
marché et que deux emplois sur cinq provien-
GHISLAIN CLAVELL
ROGER LAPOINTE
nent de l’industrie touristique, il est capital de
favoriser l’arrimage entre les deux.
Bien que les travailleurs de l’industrie forestière
jugent important que les normes soient sévères,
ils s’objectent à ce que des pénalités soient
appliquées pour des motifs qu’ils ne jugent pas
valables et qui ne reflètent pas une véritable
connaissance de la forêt.
Les négociations avec les décideurs et avec le
Ministère des Ressources naturelles, entamées
depuis maintenant quelques années, devaient
considérer les particularités de la forêt des
Hautes-Laurentides. Il fallait assurer la rentabilité des usines et la pérennité de la forêt.
L’opinion publique est cependant très critique.
Pourtant, on ne récolte qu’un arbre sur trois et
on les catégorise en fonction de leur espérance
de vie avant les récoltes. Ainsi, le travail sylvicole
permet une amélioration de 40 % de la forêt.
« Contrairement à la croyance populaire, les coupes
à blanc sont très rares sur ce territoire et font
l’objet de rationnel, tel que la préservation d’une
espèce qui ne survivrait pas si de telles mesures
n’étaient pas entreprises ». Les facteurs politiques
prennent donc une grande importance dans ce
bout de pays et, « lorsqu’on est en région éloignée,
on se sent aussi distancé des décideurs provinciaux. Même si les représentants régionaux travaillent à l’amélioration de la qualité de vie de ce
milieu, la population doit avoir une voix politique
malgré le facteur d’éloignement ».
Aux prises avec un problème particulier, doublé
de contraintes législatives pénalisantes, la
MRC Antoine Labelle s’est vue confrontée à la
possibilité de fermeture de certains moulins.
Prévoyant que d’autres régions pourraient
potentiellement subir les mêmes répercussions,
et à force de concertation, le milieu s’est doté
d’un comité de partenaires pour lancer un projet
de laboratoire expérimental. Cette nouvelle
structure a été financée dès 2004. Les acteurs
des milieux économiques, politiques, sociaux,
environnementaux et récréotouristiques ont
donc rallié leurs efforts dans une réflexion commune pour permettre au tourisme et la foresterie
d’arrimer leurs activités sur le même territoire.
Cette conciliation est soutenue par un incontournable de cette contrée, la Coopérative
forestière des Hautes-Laurentides, qui joue un
rôle sur le plan du développement économique,
bien sûr, mais également en matière de préservation de l’environnement.
MICHEL ADRIEN
La Coopérative a une forte expertise sur le plan
de la foresterie et de l’aménagement et est propriétaire d’une pourvoirie. Elle fait la planification d’utilisation du terrain, l’aménagement de
l’agriculture (jardin) et la formation. Elle fournit
l’équipement et prête son Centre de production
de plants. La Coopérative de travailleurs des
Hautes-Laurentides est aussi actionnaire de
certaines usines clientes : elle participe à l’approvisionnement et à l’essor de ces entreprises.
Elle a également développé une expertise particulière à la région des Hautes-Laurentides, qui
se caractérise par la présence de trois types
de forêts (feuillus, résineux et mixtes). La
coopérative alloue d’ailleurs 3 % de son budget
annuel en formation, qu’elle considère essentielle pour que les employés comprennent bien
les enjeux liés à l’entretien des arbres et les
normes liées à la coupe.
En parallèle à ces démarches, la Table forêt des
Hautes-Laurentides cherche à créer des partenariats pour l’employabilité sur le plan de la forêt.
On veut favoriser l’insertion des gens éloignés
du marché du travail, en collaborant avec la
commission scolaire et en faisant la valorisation
du métier.
D’autre part, pour stimuler l’emploi et conserver
la population, on encourage, par des mesures
financières, les jeunes à reprendre l’entreprise
forestière de leurs parents. On souhaite aménager un camp de bûcherons afin de communiquer
l’héritage culturel de la région aux touristes.
Ce camp pourrait devenir une entreprise
d’économie sociale.
DEBORAH BÉLANGER
Ce milieu éloigné et très dynamique offre une
vision de la richesse des ressources naturelles
contenues sur le territoire des Laurentides.
Simultanément, il démontre à quel point la
méconnaissance du grand public face à l’exploitation de la forêt peut avoir des répercussions
directes sur une communauté. L’économie de la
MRC Antoine Labelle est fragile, puisque liée à la
nature, mais le tissu social qui alimente cette
économie est pour sa part impliqué et déterminé
à offrir un milieu de vie de qualité en symbiose
avec l’environnement.
« Lorsqu’on est en région éloignée, on se sent aussi distancé
des décideurs provinciaux. Même si les représentants
régionaux travaillent à l’amélioration de la qualité de vie
de ce milieu, la population doit avoir une voix politique
malgré le facteur d’éloignement ».
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
29
RENCONTRE>
PAR CATHERINE LANDRY-LARUE
COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL
EN COLLABORATION AVEC L’ÉQUIPE DE RÉDACTION
Rencontre avec les acteurs
de la MRC Antoine Labelle
Quelle est la situation de votre MRC?
Dans le passé, nous étions associés à la grande
région de l’Outaouais. Nous sommes toujours
situés aux extrémités d’une région, que ce soit
l’Outaouais ou les Laurentides. Nous devons
avoir droit de parole, d’écoute et d’intervention
dans les grands débats.
En terme d’enjeux du développement social, on
peut citer : la participation au destin collectif,
l’exode des jeunes, la population vieillissante,
l’augmentation des services qui permettraient la
venue d’une plus grande quantité de villégiateurs,
une gamme de services suffisants pour nos
résidents, la diversification de l’économie, etc.
Sur le plan de l’éducation, nous avons un pavillon collégial du CEGEP de St-Jérôme et des cours
universitaires de l’Université du Québec en
Outaouais, mais c’est limité. Les jeunes se dirigent donc vers les grandes villes pour étudier
et n’en reviennent pas.
Les programmes comme « Jeunes en tête » sont
importants pour inciter les jeunes à revenir
dans le milieu et les aider à trouver un emploi en
région. Mont-Laurier est une ville centre qui
apporte un ensemble de services dont peuvent
bénéficier les municipalités de la MRC.
Les logements sont abordables, le logement
social n’est pas un problème majeur. L’exode des
jeunes est un problème beaucoup plus important, auquel s’ajoutent les services pour les
personnes vieillissantes, les services de santé, le
transport, le maintien de l’école, le maintien de
l’église. Les services sont peu accessibles et on
doit se battre pour les sauvegarder.
Quels sont les enjeux
de développement économique ?
Le développement économique est principalement lié à la forêt et aux activités récréotouristiques… On doit permettre aux deux types
d’activités de survivre… Les forestiers exploitent
la nature et les villégiateurs veulent en profiter…
Nous avons mis en place une table de concerta-
30
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
tion pour arrimer le tout. (Un autre texte aborde
cette question).
L’enjeu majeur demeure l’occupation du territoire. Il faut créer des conditions de prospérité
en aménageant le milieu pour maintenir les activités économiques, sinon on risque la fermeture
de certains villages.
À L’Annonciation, on constate une immigration
des gens provenant de Mont Tremblant et de
Labelle. Ces municipalités ne sont plus abordables sur le plan foncier ce qui engendre un
problème même si au départ, les logements
étaient abordables.
Toutefois, on réalise souvent que la combinaison
de deux problèmes constitue une solution! Par
exemple, le développement forestier est récent
dans la prise en charge du développement
industriel. On devait cultiver nos forêts pour
les garder en santé, ce qui est venu contrer le
problème de chômage chez les hommes.
Quel impact la venue d’Intrawest
a-t-elle eu pour l’ensemble de la région?
La venue d’un tel projet a forcément eu des
impacts importants : les jeunes peuvent maintenant travailler à Tremblant et cela contribue à
contrer l’exode… le développement de l’Aéroport
(Tremblant-la Rouge) a nécessité beaucoup
de discussions avec les résidents. Par contre,
Tremblant amène un bon développement, et
donne une vitrine internationale à notre région.
Il y a cependant des gens qui veulent voir autre
chose que Tremblant et on doit leur procurer
d’autres loisirs ou activités.
Les effets ne se manifestent pas beaucoup
à Mont-Laurier, sauf par la perte de la maind’œuvre. Toutefois, certains villégiateurs
montent au nord et tombent en amour avec
les grands espaces et les rivages.
Tremblant a donc un effet de débordement,
qui serait sûrement accentué si un réseau routier
adéquat était développé.
Participaient à la rencontre :
Michel Adrien, Maire de Mont-Laurier
Deborah Bélanger, Mairesse de la Rouge
Yvon Cormier, Directeur du CLD
Roger Lapointe, préfet adjoint,
Maire de Mont St-Michel
Denise Julien, Représentante
à la CRÉ du secteur forêt
Stéphane Lapointe,
Directeur adjoint du CLD
Ghislain Clavell, Directeur général
Coopérative forestière hautes laurentides
Dans certains secteurs, la valeur des propriétés
a augmenté de près de 30 %, et plus, notamment au bord de l’eau. Par contre, dans certaines
municipalités plus éloignées, on constate des
baisses de prix.
Quels sont les partenariats sur lesquels la
région s’appuie pour le développement social ?
Le communautaire a une place et joue un rôle
important sur le plan de l’entraide, en raison
des milieux éloignés. La région semble avoir
une facilité à mobiliser les gens et ici les réseaux
familiaux existent encore, les générations se
côtoient et, par conséquent, les jeunes voient
et participent dès leur jeune âge à la vie communautaire.
Plusieurs batailles ont été menées dans la
région et on constate des résultats. Par exemple,
l’avènement du secteur scolaire collégial a fait
augmenter le taux de scolarisation, et ce, particulièrement pour les filles.
Il y a peu d’autochtones dans la région et la
Coopérative travaille avec eux sans aucune difficulté. Par ailleurs, la capacité de la région de faire
place aux gens venus d’ailleurs est très grande.
On reconnaît leur apport, il n’y a pas de clivage.
De leur côté, les maires et les institutions
travaillent en étroite collaboration et permettent
d’influencer les instances politiques supérieures.
Pour conclure, les représentants de la MRC nous
donnent une image de ce qu’ils sont : « On vit
comme une famille : on a nos chicanes, mais on
est solidaires entre nous ! »
PAR MICHEL MOREL, COLLABORATION DANIÈLE AVELINE
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Une table de concertation
en développement social dans la MRC
de Deux-Montagnes et Sud de Mirabel
Ginette Roy est coordonnatrice du service de l’animation
communautaire de la Ville de Saint-Eustache et Yves Paquette,
organisateur communautaire au CLSC Jean-Olivier Chénier.
Ils nous ont parlé du Regroupement pour le développement
social. (RPDS) de la MRC Deux-Montagnes et sud de Mirabel.
Ce regroupement est issu de
différentes concertations sur le
territoire et des suivis des travaux
effectués dans la foulée de la
Politique de santé bien-être de la
région des Laurentides. Les partenaires regroupés à cette occasion
ont trouvé intéressant d’avoir une
table de concertation régionale plus
large qui regardait l’ensemble des
problématiques alors que les autres
tables existantes dans la région,
plus pointues, répondaient à des
clientèles ou à des problématiques
particulières.
Ainsi est né le RPDS où sont représentés les partenaires qui oeuvrent
dans le développement social
comme : le Centre local de développement (CLD), des tables de concertation, des organismes communautaires, les CLSC, les Commissions
scolaires, des municipalités, des
organismes parapublics, etc.
Les enjeux de développement
social de la MRC
Yves Paquette énumère les problématiques sociales présentes dans
la région : « Ce qui ressort ici après le
diagnostic fait par les partenaires
c’est le transport, le logement, la
pauvreté, le décrochage scolaire et le
vieillissement de la population ».
Le RPDS est toujours là en appui et
permet aux membres de se concerter, de faire des liens mais chaque
enjeu est porté par des tables
sectorielles.
En ce qui concerne le transport,
Yves Paquette précise : « Le transport
Nord-Sud n’est pas un problème, il y
a un train, mais à l’interne de la
MRC dans le sens Est-Ouest cela ne
fonctionne pas. Un comité transport
a été mis sur pied afin de trouver
des solutions ».
Ginette Roy décrit ainsi le territoire:
« Il y a des poches de pauvreté même
si le territoire pourrait être qualifié de
classe moyenne dans son ensemble.
Il y a aussi des résidences luxueuses
dans certains secteurs. D’autres
quartiers sont plus pauvres. À
St-Eustache, on retrouve des îlots
de pauvreté ».
Le vieillissement de la population
est une préoccupation grandissante
et d’ailleurs le RPDS a décidé d’organiser un colloque sur le troisième âge
qui devrait se tenir en octobre 2005.
À cette occasion, les acteurs du
milieu, les intervenants et les aînés
vont se pencher sur les actions à
entreprendre dans le futur afin de
s’adapter à cette nouvelle réalité.
Ginette Roy remarque : « En effet, le
phénomène de vieillissement touche
tous les services et aussi bien les
clients que les employés et les bénévoles vieillissent et on doit prendre
un virage important dans nos
organisations ».
Yves Paquette indique que la
pauvreté est un autre enjeu important, notamment chez les jeunes
familles. : « On va développer un projet en sécurité alimentaire auprès
des jeunes familles qui ont des
enfants de 0 à 6 ans. On pourra offrir
des ateliers de cuisine avec les
enfants, mettre sur pied des jardins
communautaires, des groupes
d’achat, etc. Deux haltes-garderies
mobiles vont être consolidées pour
offrir le service de garde pendant les
activités de sécurité alimentaire ». La
Fondation Lucie et André Chagnon
vient tout juste d’accorder son
support pour financer ce projet sur
trois ans.
régional de développement social
mais n’est pas présente dans les
instances locales, sauf au Comité
transport où elle était présente
dans la phase de démarrage.
Les nouveaux défis à relever
à l’avenir
Ginette Roy est confiante dans
l’avenir du RPDS : « Le regroupement
demeure une instance de concertation qui va s’assurer que les projets
continuent à se réaliser en fonction
des orientations qui sont prises et
où tous les acteurs sont là pour faire
valoir leur point de vue ». Et Yves
Dans le logement, la crise était pire Paquette est convaincu que : « Le
ici qu’à Montréal en ce qui concerne RPDS permet de redéfinir le rôle de
le nombre de logements vacants.
chacun, ce qu’il peut faire dans son
Le projet du RPDS est d’avoir un
organisation pour développer tel ou
organisme qui chapeaute cette
tel projet. C’est un levier important
problématique et dont c’est la
pour le milieu. Il peut permettre aussi
mission première. Les HLM sont
de favoriser l’émergence de groupes
surtout pour les personnes âgées
communautaires ou de projets issus
sauf à Saint-Eustache où il y a les
du milieu » .Le meilleur exemple
HLM jeunes familles. La MRC fait
est sans doute le comité transport
partie de la CMM et cela peut être
qui s’est incorporé et vole de ses
perçu comme un inconvénient
propres ailes.
car toutes les personnes de cette
grande région peuvent appliquer
Ginette Roy conclut en signalant
pour avoir une place en HLM et
un défi important pour la MRC :
peuvent passer éventuellement
« On a de grandes zones agricoles à
avant les gens de la région selon
Saint-Eustache et les ruraux ont des
les critères d’admission. Par contre, préoccupations et des visions difselon Ginette Roy, cela peut
férentes que celles des citadins pour
favoriser le regroupement de
le développement global de la MRC ».
familles.
C’est un défi commun à plusieurs
Comment se passe la concertation MRC du Québec, mais ceci est une
autre histoire…
avec les institutions publiques
de santé
Les liens avec le secteur de la
santé se font surtout par le CLSC,
d’ailleurs Yves Paquette apporte un
soutien technique au regroupement. Dans la région, la Direction
de Santé publique siège au Conseil
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
31
PAR CATHERINE LANDRY-LARUE
COOPÉRATIVE DE TRAVAIL ESSOR CONSEIL
Rencontre avec Ronald Tittley,
Préfet de la MRC d’Argenteuil, Marc Carrière,
Directeur général de la MRC Argenteuil
PAR CATHERINE LANDRY-LARUE
se pencher sur la question, on a formé une table
de concertation qui avait pour mission d’évaluer
les moyens d’améliorer la santé globale de la
population. L’objectif était de contrer le diabète
de type 2. On a donc décidé de mettre en place le
programme 0-5-30. Le milieu s’est concerté pour
Quelle est votre vision
évaluer les ressources disponibles. On a constaté
du développement social dans votre milieu?
un manque de ressources sur le plan des loisirs
(RT) Nous en sommes soucieux et nous avons
pris des engagements. Dans le pacte rural, nous (seulement 2 municipalités ont des installations). On a formulé le plan d’action 0-5-30.
avons réservé des montants pour le développement social que nous voulons investir plus parti- Une personne sera embauchée pour le mettre
culièrement dans le transport collectif et dans le en place. Le CSSS, la commission scolaire et un
partenaire privé vont investir dans la réalisation
programme 0-5-30 (o tabagisme, 5 fruits et
de ce plan, ce qui est novateur au Québec.
légumes, 30 minutes d’éducation physique).
Considérant les prévisions en matière de croisNous voulons que l’ensemble de la MRC puisse
sance démographique et les différences intraen bénéficier.
régionales sur le plan de la défavorisation, on
estime qu’Argenteuil est souvent englobée dans
(MC) Sur le plan socio-économique, la MRC
RONALD TITTLEY
les autres caractéristiques des Laurentides.
Argenteuil est encore largement défavorisée.
Les données contenues dans le portrait de santé L’exode des jeunes et le vieillissement de la popuréseau. C’est donc à partir d’une richesse fonlation sont des faits bien réels dans notre MRC.
de la population d’Argenteuil sont inquiétantes
cière uniformisée que s’est développé ce réseau
et préoccupantes. C’est dans Argenteuil que
pour favoriser les municipalités rurales.
l’espérance de vie est la moins élevée par rapport (LD) Les actions qui sont posées par les élus
visent à inciter le tissu social à participer à la
à l’ensemble de la région des Laurentides. Pour
Nous avons un service de transport adapté
démarche de revitalisation.
depuis 1993. Toutes les municipalités participent
MARC CARRIÈRE
au financement du transport adapté. On a
(MC) Plusieurs partenaires régionaux travaillent
récemment modifié la mission de la commission
davantage en concertation. On discute à la
de transport adapté pour développer le transport
Conférence régionale des Élus (CRÉ) de la
en commun.
nécessité de reconnaître les différences.
Il faut reconnaître la différence, pour bien
regarder la totalité de la composition du milieu. On veut développer le covoiturage et le taxibus
pour essayer, par la bande, de contrer l’exode des
Par exemple, le seul indice qui influençait la
jeunes, de favoriser l’accès aux soins de santé,
répartition des argents du pacte rural était
etc. On veut formaliser une entente avec la
l’indice de défavorisation, ce qui fait que
commission scolaire pour utiliser les autobus
Harrington, une Municipalité 700 habitants,
scolaires à des fins de transport en commun.
a reçu davantage que Lachute.
RT = Ronald Tittley
MC = Marc Carrière
LD = Lise Desrochers
Nous avons aussi mis en place une initiative
qui s’appelle Villes et villages branchés (4 des 9
municipalités ont des écoles). Par un geste de
solidarité régionale, afin de permettre aux
municipalités qui n’ont pas d’école de se munir
de fibre optique, les municipalités partagent un
32
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
(RT) La pauvreté est réelle dans notre milieu.
Le taux de scolarité est peu élevé et beaucoup
de gens vivent de l’assistance sociale. On a un
centre de tri où on peut employer des gens,
mais plusieurs préfèrent recevoir un chèque
sans avoir à travailler. Il faut inciter au travail.
DOSSIER> LES LAURENTIDES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
et Lise Desrochers,
Directrice du CLD Argenteuil
Quels sont les enjeux
de développement social?
Pauvreté, exode, vieillissement, culture,
personnes handicapées.
Quand il y a une difficulté sur le territoire, comme
la forêt par exemple, on se concerte pour résoudre
la problématique et outrepasser les conflits: on a
fait une étude, on a organisé des visites avec les
médias, on amène les élèves des écoles afin qu’ils
comprennent les répercussions, etc.
(RT) On essaie de mettre des mesures en place
par le pacte rural, mais c’est du côté de l’éducation que c’est le plus difficile à réaliser.
On a d’ailleurs invité les citoyens réfractaires
au développement, dans le cadre du projet de la
Rivière Rouge. On veut que tout le monde y
trouve son compte. C’est une approche porteuse
d’avenir qui se fait dans le respect.
(MC) Le financement joue un rôle en ce sens, car
la sous-scolarisation, bien que reconnue, n’est
pas financée à sa juste valeur. Les maires posent
nombre d’actions, mais ils doivent débourser
eux-mêmes.
(LD) L’économique ne peut pas ignorer le social…
Pour faire du développement économique,
on a besoin de personnel en santé physique et
financière, de compagnies, d’argent neuf; il faut
valoriser la région pour inciter les gens à s’y
établir…. L’enjeu économique est directement lié
au bien-être des gens.
(MC) En parallèle, on connaît les conditions de
réussite pour favoriser l’économie, mais il faut
inciter les jeunes à développer l’entreprenariat,
il faut les interpeller face à la santé et à la scolarisation; il faut répondre à leurs besoins. Sur le
plan de l’implication citoyenne, il faut stimuler
une participation sensibilisée.
Il y a beaucoup d’espoir et de volonté depuis
plusieurs années, et les retombées commencent
à être visibles. Les chefs d’entreprise s’engagent
dans le milieu. Par exemple, les Eaux NAYA ont
investi dans la réfection de l’auditorium de
la polyvalente. Cette compagnie s’est montrée
intéressée à s’impliquer dans le milieu et, de
concert avec la municipalité, a identifié là un
projet avec une belle portée.
La MRC pose des gestes durables; comme les
municipalités n’ont pas suffisamment de
ressources, on se tourne vers les partenaires
LISE DESROCHERS
privés. Pour le projet de route verte, qui traversera Lachute dans l’axe est-ouest, nous avons
regroupé 31 partenaires financiers (25 parmi eux
viennent du privé). Ils ont tous démontré une
réelle volonté de participer en s’impliquant dans
le milieu. En guise de reconnaissance, on leur
offre des plaques. Des gens s’étaient mobilisés
pour recruter tous ces partenaires. Leur implication permettra de ne pas augmenter les quotesparts de chacune des municipalités. Tous les
acteurs posent des gestes pour améliorer la
santé des gens. Les entreprises s’impliquent,
puisqu’en améliorant la qualité de vie des travailleurs, leur personnel devient plus productif.
Lorsqu’on fait de la prospection industrielle,
les élus ont le réflexe de demander à l’entreprise
privée quelle sera sa contribution en matière de
développement social; les entreprises se montrent souvent interpellées. Il y a deux types
d’approches face à l’économie : on peut être
directif et interventionniste, ou laisser le marché
gérer l’économie. On se situe entre ces deux
approches et on intervient avec les partenaires.
Les gens connaissent le rôle qu’ils ont à jouer.
On entretient les relations entre les municipalités, la ville centre et les citoyens. Les bureaux
de la MRC sont situés dans les mêmes locaux
que ceux du CLD, afin de générer de la solidarité
et du respect. Au CLD d’Argenteuil, la présidence
n’est pas assumée par un élu; on incite à une
représentativité citoyenne; on ne veut pas travailler en vase clos.
De plus en plus, on développe le sentiment
d’appartenance à Argenteuil. On veut notamment développer la route des arts et favoriser la
culture afin de rejoindre d’autres intérêts. On
fait beaucoup d’accompagnement pour faciliter
le cheminement auprès des instances politiques.
On remarque une grande redistribution de la
richesse en matière de gestes solidaires.
On essaie de ne pas dépendre des sommes
gouvernementales… Il faut réaliser nos projets
en fonction de nos propres réalités. On insiste,
lorsqu’on est devant le Ministre, sur les réalisations accomplies par la communauté. Ainsi, on
peut dire « On a fait un bout, pouvez-vous nous
aider avec le reste? » Il est plus facile d’obtenir
un soutien lorsqu’on a déjà démontré que l’on
se prend en main.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
33
SURLETERRAIN>
PAR MICHAEL WATKINS
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Initiative communautaire
intégrée dans la MRC d’Argenteuil
a MRC d’Argenteuil compte neuf
municipalités qui totalisaient
en 2001 une population de près
de 29 000 personnes.
Essentiellement constituée d’une
ville centre, Lachute, et de municipalités rurales, la MRC affiche
aujourd’hui des indicateurs de
pauvreté très révélateurs de sa dévitalisation. Argenteuil est caractérisée
par une population vieillissante,
une croissance démographique
inférieure à celle des Laurentides
et de l’ensemble du Québec, une
main-d’œuvre peu scolarisée, plus
du quart de sa population à faible
revenu, un taux de décrochage
scolaire et de suicide chez les jeunes
parmi les plus élevés au Québec
et une espérance de vie de deux à
trois ans inférieure à celle de l’ensemble de la population du Québec.
L
du Centre d’entraide d’Argenteuil,
de la Conférence régionale des
élus des Laurentides, du Centre
de santé et des services sociaux
d’Argenteuil, du Centre local
de développement d’Argenteuil, du
Centre local d’emploi, de la Sécurité
du revenu, d’Emploi Québec, du
député provincial et du Laurentian
Literacy Council.
Le choix qu’a fait le groupe de s’en
remettre à une initiative communautaire intégrée comme outil de
développement social l’a amené à
effectuer une planification et une
documentation rigoureuses de sa
démarche fondée sur les théories
et les pratiques émergentes en
matière de développement social.
De l’aveu de Mme Anne-Marie
Forget, directrice du Centre
d’entraide d’Argenteuil, l’utilisation
Des organismes communautaires,
systématique d’outils de planificaafin de trouver des moyens de
tion se veut novatrice et demande
vaincre la pauvreté sur leur terribeaucoup de temps et de travail
toire, ont mis sur pied la Table de
au comité organisateur. « Cette inilutte à la pauvreté d’Argenteuil. Celle- tiative interpelle tous les partenaires
ci, composée de bénévoles, d’orga- potentiels de la collectivité qui ont
nismes communautaires et publics, tous un rôle à jouer pour remédier
s’est donnée pour mission de
aux problèmes de notre collectivité,
regrouper les personnes et les
et nous sollicitons leur implication »,
organismes concernés dans le but
précise cette dernière.
de sensibiliser la population aux
causes et conséquences de la
La première phase du projet élaboré
pauvreté. L’initiative est rendue
consistait essentiellement en une
possible grâce à l’apport financier
consultation des différents parte-
De gauche à droite:
Benoît Audet, organisateur communautaire,
CSSSA; Anne-Marie
Forget, directrice, CEA;
Danielle Lemay, directrice, CLE sécurité du
revenu; Danielle Hay,
directrice, LLC; Jo-Anne
Viau, intervenante
communautaire
engagée par le comité
pour faire la recherche
et la coordination pour
l'évènement.
34
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
naires et des personnes à faible
revenu dans le but d’identifier
des pistes d’action. Au cours de
l’automne 2005, suivra un forum
sur la pauvreté et le développement
social qui devrait mener à
l’implantation d’initiatives communautaires intégrées.
Les objectifs de ce projet de
forum sur la lutte à la pauvreté
et de développement social dans
Argenteuil sont la réunion de
l’ensemble des acteurs sociaux
concernés et des personnes vivant
avec un faible revenu pour définir
une vision territoriale commune
de la pauvreté, la mise en commun
des multiples réalités territoriales,
le partage réel d’information et
l’élaboration d’un cadre de
référence commun visant la réduction de la pauvreté. Pour créer
ce pont entre les organismes et les
personnes vulnérables d’Argenteuil,
le comité applique une approche
ascendante centrée sur les besoins
de la communauté, c’est-à-dire qui
place le citoyen au cœur du processus de changement. La population
ayant rarement l’occasion de participer à la définition des enjeux, des
stratégies et des actions qui la
concernent, la démarche de consultation vise à stimuler sa participation à l’identification des problèmes
et des solutions. Afin d’ajouter aux
chances de succès de sa démarche,
le comité bénéficie de l’accompagnement et de l’encadrement
de l’Institut TAMARACK qui facilite
l’évaluation des dilemmes et la
recherche de solutions.
Le succès de la démarche dépend
justement de la capacité du comité
d’atteindre ses objectifs : miser sur
le potentiel des personnes pour le
développement de solutions
alternatives, impliquer les partenaires publics et privés dans le
soutien aux pratiques alternatives,
renforcer la capacité des groupes
communautaires par la formation
et la diffusion de leurs innovations,
sensibiliser la population aux effets
et conséquences de la pauvreté.
L’implantation d’une telle initiative
communautaire intégrée comme
outil de développement social est
en quelque sorte une marche à
suivre pour la prochaine décennie.
Une fois élaboré, le plan d’action
doit appartenir à la collectivité,
c’est-à-dire que le processus de
sélection commande des façons de
faire qui doivent être expérimentées
au fur et à mesure. La réalité du
territoire d’Argenteuil et la
dynamique de son milieu lui sont
propres, et aucune formule toute
faite ne saurait lui convenir. C’est
pourquoi les options explorées
comme façons de faire doivent
être constamment réajustées.
« Dans le meilleur des mondes, nous
aurions un plan d’action au lendemain du forum, mais cela semble
peu probable, confirme Mme Forget,
ajoutant que ce qui semble plus
probable se dessine comme la deuxième phase, une étape qui commandera l’apport de ressources humaines
compétentes qui feront le développement du milieu. »
Questionnée à savoir comment le
plan d’action qui sera élaboré pourra s’arrimer aux actions menées par
la CRÉ, aux plans d’action des CSS,
de la santé publique ou du CLD,
Mme Forget répond qu’un tel arrimage n’est pas nécessairement le
but visé, mais considère que ces
institutions devraient être partenaires et à l’écoute des besoins du
milieu. Toujours selon la directrice,
la réussite de la démarche est
intimement liée à la volonté de
chacun, et l’on souhaite que la
structure de gouvernance permette
justement de faire le pont entre la
population et les diverses institutions concernées.
DOSSIER>
PAR MICHEL MOREL
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Entrevue avec Mme Lise Desrochers
Directrice CLD Argenteuil
DS : Quelle importance votre CLD
accorde-t-il au développement
social dans ses actions?
LD : Au Québec, de façon générale,
la mission d’un organisme comme
le nôtre est de recevoir des demandes de subvention, de les étudier,
d’évaluer leur viabilité et d’autoriser
des octrois. Notre ancien Conseil
de développement D’Argenteuil
accomplissait déjà des tâches similaires avant même la création des
CLD en 1988-1989. En effet, notre
organisme a toujours eu comme
mission de favoriser le développement des projets d’économie
sociale. Donc, à cette époque, nous
n’avions pas de budgets réservés
à l’économie sociale et déjà on
accueillait chaque dossier sur la
base de sa valeur. Alors, quand le
nouveau gouvernement nous a
demandé de réserver des sommes
à l’intention des projets de
développement social, on a alors
constaté que, d’une certaine
manière, nous avions déjà une
longueur d’avance. Notre conseil
d’administration a toujours été
soucieux des aspects de développement économique, de création
d’emploi, de prospection des
investissements.
DS : Comment vous assurez-vous
que les divers secteurs de
l’économie de votre région aient
leur mot à dire au sein de votre
organisation
LD : Le milieu communautaire
occupe une place importante au
sein de notre conseil d’administration. De nombreux autres acteurs
sont représentés : le milieu de la
santé et des services sociaux, le
transport adapté, les personnes
handicapées, le secteur commer-
cial, l’industrie forestière, le secteur
des services à l’enfance, etc. Le
conseil d’administration se réunit
environ six fois par an. Cependant,
pour être efficace, nous avons
instauré un comité d’investissement
qui prend les décisions concernant
les budgets que nous accordons
aux organisations. Lorsque nous
recevons une demande, le président, le vice-président et le trésorier
se réunissent et invitent également
les gens concernés. Par exemple,
nous invitons des représentants du
secteur des services à l’enfance, des
centres de la petite enfance, lorsque
nous devons étudier un dossier
qui concerne l’économie sociale
et l’enfance. C’est alors eux qui étudient la demande et qui prennent
la décision, quant au support que
nous devons accorder.
DS : Outre les sommes que votre
organisme octroie à des projets,
quel rôle jouez-vous dans votre
milieu ?
LD : Le travail de notre CLD englobe
évidemment d’autres aspects,
eux aussi forts pertinents pour le
développement social et économique ; il offre de l’accompagnement et des services conseil aux
entreprises et aux organisations.
Par exemple, j’offre une fois par
an une formation sur le rôle et le
fonctionnement d’un conseil
d’administration des organismes
sans but lucratif. Ce que je constate,
c’est une amélioration du fonctionnement des organismes, une réduction des difficultés rencontrées.
l’organisme École-usine recy-pro.
Il s’agit en fait d’une entreprise
d’insertion sociale qui se spécialise
dans la récupération du matériel
électronique et informatique. Cette
entreprise recueille, auprès des
particuliers et des entreprises, des
équipements jugés désuets. Le personnel de l’entreprise évalue alors
la possibilité de mettre à niveau
les équipements recueillis. Si on ne
peut envisager une « seconde vie »
à l’équipement, on procède alors à
son démantèlement et à l’envoi de
ses composantes à des firmes de
récupération. Les appareils réparés,
pour leur part, sont vendus à prix
modiques. Cette entreprise répond
à de véritables besoins puisque
sa croissance est constante. Nous
assistons même à un développement au plan international; des
ententes ont été conclues avec le
Chili et l’Afrique du Sud.
L’entreprise s’adresse à de jeunes
décrocheurs. Elle leur inculque certaines connaissances techniques et
leur permet également d’apprendre
à s’initier au marché du travail et à
ses exigences. Notre taux de succès
auprès de ces jeunes se situe à
90%. D’ailleurs, en plus de leur
démarche de stage, les jeunes qui
sont passés par École-usine recypro peuvent bénéficier d’un suivi de
deux à trois ans. Certains, une fois
qu’ils ont quitté l’entreprise, reviennent parfois y faire du bénévolat ; il
s’agit d’une forme de mentorat.
cour des miracles. Cette entreprise
origine d’une école privée de danse
de notre région, qui a initié un
projet qui s’adresse à des jeunes qui
quittaient l’école. Les jeunes étaient
invités à s’inscrire dans un parcours
d’un an. À la fin de l’année, le
spectacle qu’ils avaient monté était
présenté au public. Les spectacles
qui ont été produits ont été
exportés, présentés dans d’autres
régions du Québec et même, au
Casino de Montréal. Mais ce qui est
tout aussi admirable, ce sont les
retombées de ce projet. En effet,
monter un spectacle nécessite de
s’adjoindre des techniciens aux
décors, à l’éclairage, etc. Dans le
cadre de ce projet, les jeunes se
sont donc initiés à ces techniques.
Ces jeunes peuvent maintenant être
appelés à travailler pour des productions qui se réalisent chez nous.
Le Bureau du cinéma d’Argenteuil,
qui coordonne les services offerts
aux producteurs qui viennent dans
notre région, fait appel à cette main
d’œuvre formée et compétente,
pour améliorer son offre de services.
LISE DESROCHERS
Un autre projet qui suscite notre
fierté c’est l’entreprise Production
DS : Pourriez-vous me donner
quelques exemples de projets que
vous avez soutenus ?
LD : Je pourrais vous présenter
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
35
AUTOURDUMUNICIPAL>
À l’occasion du processus des fusions municipales amorcé en
2000, des compétences spécifiques ont été dévolues aux
grandes villes par le gouvernement du Québec. C’est ainsi que
les villes devront élaborer un plan relatif au développement
de leur territoire qui prévoit notamment les objectifs poursuivis par la Ville en matière de développement communautaire, économique, social et culturel.
Pourquoi pas profiter de l’occasion pour entreprendre une
vaste mobilisation des acteurs et des citoyens autour des
enjeux de développement de la Ville? C’est ce qu’ont fait,
chacune à leur manière, les villes de Gatineau et de TroisRivières. Nous avons rencontré des élus municipaux et
des fonctionnaires de ces deux villes.
Trois-Rivières : première grande
Ville du Québec à adopter une
Politique de développement social
Entretien avec Sylvie Tardif, conseillère municipale deTrois-Rivières et avec Lynn O’Cain, responsable de la rédaction de la politique
Par Danièle Aveline et Réal Boisvert, équipe de rédaction
L’élaboration de la Politique : une vaste
opération de mobilisation
a démarche d’élaboration de la Politique a
connu des moments importants. Lynn O’Cain
explique: «Une consultation au printemps et
une à l’automne 2004 ont connu un véritable succès; dans la première étape 150 organisations ont
été invitées, et 34 documents de réflexion ont été
produits. Par la suite, le cadre de référence original
a été amélioré. Les groupes concernés, dans la
deuxième étape, ont pu se prononcer formellement
sur le document comprenant un ensemble de
propositions. Quelques jours plus tard, une consultation auprès des citoyens était organisée sous la
formule d’une rencontre d’information suivie d’une
période d’échanges et de questions.»
L
Parallèlement à cette démarche, un travail de
sensibilisation et de consultation a été mené
dans tous les services de la Ville afin de leur
expliquer ce qu’est le développement social et
en quoi cela interpelle l’ensemble des activités
de la municipalité. Un atelier de formation, qui
présentait de vraies situations issues des services
eux-mêmes, a permis d’atteindre cet objectif.
Sylvie Tardif, conseillère responsable de la
Politique énonce avec enthousiasme : « Cette
démarche d’éducation populaire a été une occasion
importante de former des personnes qui vont être
ensuite les porteurs des actions en développement
social sur le terrain. »
36
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Le développement social au cœur
de la politique municipale
Le développement social à Trois-Rivières relève
du Centre local de développement; ainsi, le
développement économique est au même
niveau que le développement social. Au même
titre que les fonctionnaires, les élus du Conseil
municipal ont eu à se sensibiliser au développement social. Dans les réunions du Conseil
municipal, chaque conseiller apporte ses préoccupations : le culturel, l’économique, l’environnement, etc. Mais des alliances et des
complicités se développent selon les sujets
abordés. Et, il semble que cela soit le cas pour
le développement social, puisque la Politique
a été votée à l’unanimité. Celle-ci comprend,
outre des grandes orientations, la mise sur
pied d’un comité permanent
de suivi et d’un fonds de
développement social
qui va aider la Ville à
mener sa mission et
qui pourrait permettre de financer des
organismes ou
LYNN O’CAIN ET
SYLVIE TARDIF
la participation citoyenne dans des quartiers
où il n’y a pas de culture de mobilisation. C’est
d’ailleurs un des axes de la politique de rapprocher les citoyens de la municipalité. La
Politique touche l’ensemble des citoyens et
pas juste les plus démunis : c’est ce que
souhaitaient les élus.
Des axes d’intervention privilégiés
Parmi les nombreux axes d’intervention contenus dans la Politique, certains seront priorisés :
entre autres, le logement social. Sylvie Tardif
précise : « Les quartiers populaires se vident et on
a comme priorité de ramener les familles. Ce qui
nous intéresse c’est la mixité :
AUTOURDUMUNICIPAL>
amener dans un même quartier des personnes
moins nanties avec du nouveau monde de la
classe moyenne. Mais il y a peu de terrains
disponibles dans les premiers quartiers, et les
rénovations sont onéreuses dans des logements
anciens. Une réflexion est amorcée par la Société
immobilière des premiers quartiers, créée depuis un
an. On aimerait récupérer les maisons abandonnées qui sont un problème pour la Ville, les rénover
pour permettre aux petits salariés d’accéder à la
propriété. C’est le genre d’actions qu’on pourrait
retrouver dans le Plan d’action en développement
social.» Pour les organismes du milieu, c’est la
participation citoyenne et le développement
communautaire qui ressortaient comme priorités. De leur côté, les citoyens ont exprimé leurs
préoccupations pour le transport dans son sens
large et la sécurité urbaine.
Une conseillère municipale engagée et qui veut
poursuivre le travail amorcé
Sylvie Tardif, quant à elle, exprime avec conviction ce qui l’anime : « Personnellement, c’est la
participation citoyenne qui me motive; donner
une voix de plus aux gens qui en sont privés, c’est
le sens de mon engagement dans la politique
active. Cette ville n’appartient pas à 17 élus mais
à 125 000 personnes; il faut leur donner la parole.
Les citoyens sont les mieux placés pour savoir ce
qui est bon pour eux. Comme élu, on doit être connecté avec les citoyens, être en interrelation avec
eux, pour faire les bons choix en fonction de leurs
besoins, de leurs intérêts. Prendre une décision
implique d’avoir des points de vue, de faire des
débats, de s’exprimer. On n’a pas toujours l’unanimité, mais on prend la meilleure décision quand
on a entendu les différentes positions exprimées. »
La prochaine étape demeure un enjeu important pour la responsable du développement
social à la Ville : faire adopter un plan d’action
en développement social dans la première
année du nouveau Conseil municipal élu en
novembre 2005. Tout un défi pour Sylvie Tardif
qui compte bien être encore là pour cette étape
cruciale…et qui définit son rôle ainsi : « Je me
vois comme une médiatrice culturelle qui permet
aux différents milieux de se comprendre. Mon
rôle est de faire comprendre aux élus les réalités
sociales et au milieu communautaire la réalité
des élus. »
La participation citoyenne :
constituante incontournable
des affaires municipales à Gatineau
Entretien avec Lawrence Cannon, conseiller municipal et avec Suzanne Dagenais,
responsable de la planification stratégique à la Ville
PAR DANIÈLE AVELINE, ÉQUIPE DE RÉDACTION
Le citoyen au cœur de la planification de la
nouvelle Ville
« Avec la venue de la nouvelle ville, on s’est doté
d’un cadre de référence, d’une planification
stratégique, en y associant les citoyens, les organismes et les employés municipaux. C’était une
occasion extraordinaire pour bâtir une nouvelle
Ville qui nous ressemble. On s’est donné une
vision sur 25 ans. Pour une période de 5 ans, quatre directions stratégiques sont retenues dont les
villages urbains et la gouvernance participative »,
dit Lawrence Cannon avec enthousiasme en
parlant de la démarche dont le cœur est la participation citoyenne. Les citoyens ont exprimé
leurs rêves pour cette nouvelle ville tout en
préservant aussi leur identité propre et leur
premier lieu d’appartenance.
Suzanne Dagenais, chef de la planification
stratégique n’est pas à convaincre du bien-
fondé de cette approche : « Le plan stratégique se
veut inspirant, porteur de changement pour les
citoyens qui y ont largement contribué. Il traite de
tous les aspects de la vie municipale. Et on rentre
de plein front dans la dynamique sociale de la
communauté! », soutient-elle.
Le Plan stratégique 2005 est large, mais comporte tout de même 24 actions dites majeures
que les services municipaux entreprendront
en cours d’année. Un plan plus détaillé en
développement social va préciser comment
la Ville intervient pour résoudre les problématiques sociales. Mais dores et déjà on peut
affirmer que le développement social n’est
pas étranger à la planification stratégique.
Lawrence Cannon affirme : « Le sentiment d’appartenance a été ébranlé par la fusion. La planification a permis aux citoyens de reprendre
confiance. Le maintien des communautés et le
concept de villages urbains reposent sur ce
sentiment local d’appartenance. Même au Conseil
municipal, la mentalité de clocher, c’est terminé.
Tout le monde se sent appartenir à la même Ville.»
Gatineau se préoccupe aussi des citoyens
moins organisés, des nouveaux venus
Certains citoyens plus marginalisés n’ont
pas les moyens ou la capacité de s’exprimer,
contrairement aux représentants des groupes
organisés. C’est une préoccupation importante
pour Lawrence Cannon qui veut s’assurer que
(Suite page 38)
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
37
AUTOURDUMUNICIPAL>
(Suite de la page 37)
rôle plus important, notamment en développement social. « Avec les années et l’interrelation
de plus en plus importante entre les paliers de
gouvernement, les citoyens attendent que le
municipal puisse répondre aux problèmes sociaux
de la communauté, » souligne Lawrence Cannon
qui ajoute : « On a assisté à un transfert peu à peu
de responsabilités vers le municipal, on n’a aucun
problème à accueillir plus de responsabilités à
condition que les ressources suivent. D’ailleurs, on
est la ville qui a investi le plus au Québec dans le
logement social ces dernières années. »
tous les citoyens auront la parole. « Nous avons
un engagement vis-à-vis des citoyens et nous
souhaitons imprégner cette culture de participation dans tout l’appareil administratif. L’ensemble
de nos actions doit permettre aux citoyens de
s’exprimer. Par exemple, les commissions sont des
lieux privilégiés pour débattre entre élus, citoyens
et groupes. On va faire en sorte qu’elles soient
plus connues et y donner davantage de place aux
citoyens », confirme-t-il.
Suzanne Dagenais ajoute que la dynamique
présente dans les quartiers a été respectée.
« Les associations de quartiers très actives sont
des sortes de pépinières d’idées pour améliorer
la vie des citoyens, se sont des expertes de leur
milieu de vie et il est important qu’on considère
leur point de vue et qu’on travaille avec elles. Les
groupes communautaires sont en lien avec les
personnes plus marginalisées » affirme-t-elle.
Et pas question de mettre sous le boisseau, à
entendre Lawrence Cannon, ce concept de participation citoyenne qui se concrétise par des
gestes significatifs. « On a voté des budgets pour
développer une culture de participation gatinoise
et on pense pouvoir aller loin dans ce sens » dit-il.
D’ailleurs la Ville a adopté un Cadre de référence
en matière de participation des citoyens aux
affaires municipales1 en février 2005 où elle
prend des engagements à respecter certains
principes et crée des structures de participation.
Ce Cadre constitue une pierre d’assise pour
l’ensemble des politiques et des actions
menées par la municipalité.
38
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
LAWRENCE CANNON
Gatineau se veut une ville ouverte, considérant
que tous les groupes, quelle que soit leur provenance, constituent une richesse. En entrant
dans la maison du citoyen, cette volonté politique est frappante : des œuvres d’art provenant
de toutes les communautés culturelles jalonnent le grand hall d’entrée et invitent tous les
citoyens à se sentir chez eux.
Gatineau et la décentralisation
Comme toutes les municipalités, Gatineau est
interpellée par le gouvernement pour jouer un
Être élu municipal : une fonction noble pour
Lawrence Cannon
« Aujourd’hui, il y a du cynisme vis-à-vis de la politique. Il faut rétablir la situation, dire que c’est
noble de travailler pour les citoyens et redonner
de la crédibilité aux institutions publiques. Cela
procure un énorme sentiment d’accomplissement
de faire avancer sa Ville. Pour ma part, j’ai des
valeurs et la politique me permet de les pousser et
d’être intègre dans mon engagement. Gatineau a
tablé sur la participation citoyenne et ma grande
satisfaction est d’y avoir contribué. Les actions et
gestes qui sont posés aujourd’hui ne sont pas
contestés car les citoyens et les groupes ont été
partie prenante de ce processus », conclut monsieur Cannon, qui n’a pas dit son dernier mot.
Car s’il tire sa révérence de la scène municipale
en novembre, c’est pour mieux se préparer pour
le fédéral.
1 Ce document ainsi que la Planification stratégique sont disponibles
à l’adresse : www.ville.gatineau.qc.ca
DOSSIER>
PAR DANIÈLE AVELINE
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Les affaires municipales c’est aussi
du développement social
Quels sont les enjeux soulevés par les nouvelles réalités
sociales auxquelles sont confrontées les municipalités du
Québec? Le transfert de responsabilités aux élus municipaux
dans le champ du développement social soulève-t-il des
interrogations? Pourront-ils exercer pleinement ces nouveaux
mandats et à quelles conditions? La décentralisation va-t-elle
être propice à une plus grande démocratisation? Va-t-elle
remettre en cause l’universalité et l’accessibilité des services
aux citoyens et faire perdurer les injustices sociales?
Du développement social dans les municipalités
ar les services traditionnels qu’elles offrent
(transport, habitation, infrastructures,
culture, activités communautaires, loisirs,
etc.), les municipalités sont directement interpellées par l’amélioration de la qualité de vie
des citoyens et donc participent de plein pied
au développement social.
P
Par ailleurs, les municipalités font face à des
changements importants en terme de dynamiques sociales qui ont une incidence sur les
collectivités et vont au-delà de leur sphère de
compétence traditionnelle, les obligent à
adapter les services municipaux à ces nouvelles
réalités et à les diversifier. La hausse du nombre
d’immigrants entraînant une plus grande diversité de la population, une main-d’œuvre en
perte de vitesse, l’exode des jeunes, les inégalités flagrantes entre les plus nantis et les pauvres, la territorialisation de la pauvreté sont
quelques exemples qui illustrent ces changements.
Mais c’est sans contredit la question du vieillissement de la population qui va transformer
de façon majeure la réalité sociale de demain.
Si le vieillissement démographique de la population est un phénomène connu, la rapidité de
son évolution et l’ampleur de ses effets sont
encore difficiles à bien appréhender. Au Québec,
la part des personnes âgées de 65 ans et plus
est passée de 5% pendant la moitié du 20e siècle à 13% aujourd’hui et elle pourrait se situer
autour de 16% en 2011. On sait aussi que les dis-
À l’occasion des élections municipales qui se tiendront pour
la première fois dans toutes les municipalités du Québec en
même temps, en novembre 2005, la revue Développement
social est allée à la rencontre de ceux et celles qui, aux quatre
coins du Québec, sont interpellés directement par ces questions : des élus municipaux, des citoyens impliqués dans leur
milieu, des organismes communautaires actifs dans les
municipalités. Ils nous ont confié leurs appréhensions et
leurs espoirs.
parités régionales, urbaines et rurales de cette
problématique seront importantes.1 Dans ce
contexte, les services municipaux auront un
virage rapide et important à entreprendre tant
dans l’habitat, que dans le transport, les services de loisirs et de culture, dans l’aménagement
des lieux publics et le développement social.
Louise Major, mairesse de Rawdon, affirme
d’emblée que le conseil de la Ville de sa Ville lie
le développement économique au développement social : « Il y a de nombreux besoins dans
la ville et on ne veut pas mettre tous nos œufs
dans le même panier mais la préoccupation de
développement social est toujours sous-jacente
dans les décisions » et elle ajoute : « La ville a fait
le choix de redynamiser son centre ville pour valoriser l’artère commerciale et développer un sentiment d’appartenance en favorisant l’utilisation
des équipements municipaux comme la plage
municipale et les parcs. Ces actions améliorent
la qualité de vie et deviennent en même temps des
attraits touristiques ». D’aucuns trouvent que les
municipalités ont des difficultés à s’adapter aux
nouvelles réalités sociales. Stéphan Reichhold,
coordonnateur de la Table de concertation des
organismes au service des personnes réfugiées
et immigrantes du Québec, trouve qu’on n’est
pas très avancé à cet égard : « Les municipalités
devraient jouer un rôle plus important dans les
services de proximité aux immigrants, ils devraient
adapter les services en prenant en compte la
diversité culturelle de la population. Une autre
façon de s’impliquer et de faire en sorte d’embaucher davantage d’employés provenant des
communautés culturelles et des minorités visibles,
surtout à Montréal ».
Des municipalités comme Rawdon sont des
exemples de réussite en la matière et Louise
Major voudrait bien pouvoir faire profiter
d’autres municipalités de cette expérience positive : « Rawdon a connu historiquement un succès
dans l’intégration des immigrants. Il n’y a pas de
ghetto russe ou polonais, les citoyens originaires
d’environ 25 ethnies différentes sont intégrés dans
la communauté. Le projet Origine et mémoires va
permettre de questionner les gens qui sont là
depuis longtemps afin de comprendre comment
ils se sont adaptés. On veut mieux comprendre et
tabler sur notre succès dans l’avenir ».
Marie Turcotte, cheffe de délégation des personnes handicapées dans le cadre du Sommet de
MARIE TURCOTTE
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
39
DOSSIER> LES AFFAIRES MUNICIPALES C’EST AUSSI DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Louise Major, mairesse de RAWDON : une femme engagée dans le monde municipal
Mon expérience personnelle part de mon implication dans la communauté : du comité d’école,
à la Commission scolaire comme Commissaire, puis comme mairesse de Rawdon. Quand on
veut changer les choses il faut mettre la main à la pâte. J’observe que dans le domaine municipal l’impact des décisions est direct et on voit le résultat concret et vérifiable de nos décisions.
Ce que je dis aux femmes : il faut se placer aux endroits où nos réflexions vont porter fruit.
Malheureusement, cette fonction prend beaucoup de temps. C’est un moment de ma vie où
je peux me le permettre : mes enfants sont autonomes, mon conjoint apprécie mon choix
et me supporte. Pour une jeune mère, c’est plus difficile.
Dans ma MRC, où siège une majorité d’hommes, j’observe qu’ils ont aussi une sensibilité
sociale mais ont une façon différente d’aborder les dossiers et dans ce sens, les femmes et les
hommes sont très complémentaires. Les citoyens amènent aussi les conseillers municipaux
à cheminer et à avoir des préoccupations plus sociales.
Montréal, de son côté plaide pour que l’ensemble des services municipaux mettent de l’avant
le principe de l’accessibilité universelle qui
facilite la vie quotidienne des personnes handicapées, mais aussi de l’ensemble des citoyens :
« Dans le cas des aménagements urbains, il coûte
très cher de rattraper les oublis faits dans le passé.
C’est moins cher de penser, dès le départ, dans
une perspective d’accessibilité universelle ». Et
François Vermette, du Réseau québécois des
OSBL d’habitation, déplore que l’implication des
municipalités dans le domaine du logement
social soit très variable et insuffisante par rapport aux besoins : « Il existe une grande diversité
d’implication des municipalités dans l’habitation.
Certaines se dotent de politiques d’habitation. Elle
peut se retrouver aussi dans les grandes orientations d’un plan d’urbanisme. Par contre, des
municipalités, même parmi les petites, affirment
leur volonté de faire du logement moins cher et
investissent dans ce sens, parfois même plus que
les programmes exigent ». Lotfi Khiari du groupe
Aliment-action St-Michel à Montréal, déplore
que la sécurité alimentaire ne soit pas une priorité pour les municipalités « Il y a des liens entre
LOTFI KHIARI
40
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
le développement social et l’urbanisme, par exemple, des terrains disponibles peuvent être convertis
en jardins communautaires. La démarche de
sécurité alimentaire doit s’inscrire dans une intervention globale dans un quartier et la ville doit
faire des liens entre ses différents plans de développement comme l’urbanisme et le développement
social. La sécurité alimentaire participe au
développement social car, en lien avec d’autres
interventions, elle permet aux personnes de se
prendre en main ».
Du nouveau rôle des élus municipaux
De plus en plus de municipalités et de MRC se
dotent d’orientations, de stratégies, ou de plans
d’action en matière de développement social.
De plus, le gouvernement du Québec a clairement indiqué qu’il était disposé à remettre aux
élus municipaux des leviers de développement
régional.
Jean-François Aubin, du Projet de revitalisation
urbaine de Trois-Rivières, note les changements
qui s’opèrent : « Il y a un certain nombre d’années,
les municipalités étaient surtout responsables des
infrastructures comme la voierie, les vidanges etc.
Les perceptions demeurent et pourtant le rôle des
municipalités a beaucoup changé, il s’est élargi
avec les loisirs et sports, le développement social
et communautaire. La réaction des élus évolue
aussi, avant le développement social était perçu
comme une dépense de plus, aujourd’hui, les élus
sont fiers d’avoir une politique de développement
social à Trois-Rivières ».
Les Conférences régionales des élus (CRÉ), nouvellement constituées, doivent élaborer un plan
quinquennal de développement de leur région,
comprenant entre autre, le développement
social. Au nombre des nouvelles responsabilités
qui incombent aux élus municipaux via les CRÉ,
on retrouve le Plan d’action gouvernemental en
matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion
sociale dans lequel les CRÉ devront déterminer
des priorités d’actions et des territoires défavorisés à privilégier.
Bien que ces organismes soient encore jeunes,
plusieurs doutent du rôle réel qu’elles pourront
jouer dans le développement social. Jean-François
Aubin a une opinion réservée à ce sujet : « La CRÉ
est en train de s’articuler et on ne peut pas trop
compter sur elle. Son énergie a été surtout mise
sur des négociations entre les élus sur les fonds
d’investissement. Pour le développement social,
pas grand-chose a été fait jusqu’à date ».
Cependant les élus sont plutôt confiants. Louise
Major d’emblée affirme : « Je crois au nouveau
rôle des CRÉ dans les régions à condition que cela
parte des municipalités locales qui peuvent faire
monter les besoins locaux qu’elles connaissent
bien. Il y a des disparités très importantes dans
une même région et il faut en tenir compte. Des
municipalités plus petites n’ont pas les mêmes
besoins et elles doivent les faire connaître aux
préfets des municipalités locales et à la CRÉ. Il
faut aussi apprendre à laisser de côté les préoccupations uniquement locales et développer une
vision régionale et arriver à une certaine équité
dans la région ».
Isabelle Bombardier, citoyenne de Trois-Rivières,
constate que certains élus, plus sensibles au
développement social, sont des sortes d’émissaires dans les instances municipales : « On a
une excellente contribution de la Conseillère Sylvie
Tardif qui défend vraiment le projet au Conseil de
Ville et nous supporte. On a du faire nos preuves
pour convaincre d’autres élus qui sont plus portés
vers le développement économique, mais les
choses évoluent peu à peu ».
Martine Carrière : jeune et candidate aux élections municipales à Montréal
J’ai 24 ans et la politique m’intéresse. J’ai eu une première expérience aux élections fédérales
et j’ai décidé de faire le saut au municipal car je veux être près du monde. Le palier municipal
ne fait pas la manchette et pourtant on peut prendre des petites décisions au jour le jour qui
ont un impact important pour la qualité de vie des citoyens.
Je défends des causes comme le développement durable, qui sont soutenues par ma génération.
Il faut faire des efforts pour avoir plus de jeunes élus au municipal. Mais il y a des obstacles pour
un jeune candidat : déposer 1000 $, avoir un réseau et des amis.
En politique, il ne faut pas avoir peur de se lancer : quand je me suis présentée contre Pierre
Pettigrew au fédéral, je ne pouvais pas espérer gagner… pourtant il y avait moins de 500 voix
de différence. Les prévisions en donnaient 12 000!
Si je ne gagne pas au municipal, je ne vais pas être complètement découragée et je vais continuer à
faire mon petit bout de chemin et si l’occasion se représente, je vais peut-être encore y penser…
nies, les gouvernements successifs, aux prises
avec les difficultés de certaines régions et
devant l’état des finances publiques ont tenté
de transférer aux paliers inférieurs certaines
responsabilités.
ISABELLE BOMBARDIER
Quant à la légitimité des élus locaux, sur la
scène régionale, plusieurs s’interrogent. Par
exemple, Francine Blais, première préfète élue
au suffrage universel au Québec, à la MRC le
Granit, avance : « C’est important que les préfets
soient élus au suffrage universel, cela leur donne
de la légitimité auprès des citoyens et ces derniers
savent mieux ainsi ce que fait la MRC. De plus,
cela assure que la vision qui sera défendue, sera
celle de l’ensemble des municipalités composant
la MRC. Je sais que peu de MRC se sont prévalues
de cette possibilité et je trouve cela dommage. Je
l’explique par le fait que les maires sont obligés de
quitter leur poste et s’ils ne gagnent pas leur élection comme préfet, et se retrouvent devant rien ».
De la décentralisation
Le gouvernement entend également décentraliser des activités jusqu’ici offertes par ses
services vers les municipalités et les MRC. La
question de la décentralisation n’est pas un
phénomène nouveau. Depuis plusieurs décen-
Francine Blais exprime sur la décentralisation un
point de vue partagé par plusieurs municipalités:
« On a des réserves : on ne veut pas accepter des
mandats dans n’importe quelle condition. Il y a
des principes de base à négocier avec le gouvernement dans un premier temps qui servira de cadre
de référence. On a l’expérience de mandats qui
nous ont été confiés dans les MRC et qu’on ne
peut plus exercer dans les mêmes conditions. Par
exemple, on a reçu le mandat d’élaborer des schémas d’aménagement dans les années 80 et on
recevait pour ce faire 80 000$. Or, ce montant n’a
jamais été indexé depuis ». Sylvie Tardif, conseillère municipale de Trois-Rivières, abonde dans
ce sens : « Il y a beaucoup de résistance actuellement. Si les responsabilités viennent avec des
montants suffisants et indexés, il y aura peut-être
de l’ouverture. Par exemple, la démarche actuelle
d’élaboration d’un plan de développement social
s’est faite à même les budgets de la Ville, contrairement à la Politique familiale ». Pour sa part,
Yolette Lévy, conseillère municipale à Val d’Or,
demeure confiante du bien-fondé de confier des
responsabilités nouvelles aux municipalités
tout en apportant des mises en garde : « La
municipalité est en fait un gouvernement : elle a
un territoire bien délimité, elle dessert quotidiennement les citoyens en leur offrant des services
publics de proximité très importants. Elle est donc
bien placée pour accueillir des services décentralisés à condition que le gouvernement n’impose
pas ses façons de faire. Les élus politiques municipaux vont dans le sens du mieux-être de leur po-
pulation et auront cette préoccupation dans les
services décentralisés aussi ».
Les organismes communautaires ont des
réserves plus importantes et expriment leurs
craintes de voir certains principes d’universalité,
d’équité entre les citoyens et entre les régions,
mis à dure épreuve. Pierre Gaudreau, du Réseau
d’aide aux personnes seules et itinérantes de
Montréal, expose ce point de vue clairement :
« On est plutôt réservés et peu favorables à la
décentralisation de responsabilités dans le champ
social. On doit avoir des critères nationaux et des
programmes qui doivent garantir des droits universels. Il faut vraiment éviter de mettre les services
PIERRE GAUDREAU
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
41
DOSSIER> LES AFFAIRES MUNICIPALES C’EST AUSSI DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
sociaux dans les mains des autorités politiques
locales et revenir en arrière comme dans les
années 60 où il y avait une accessibilité aux services très inégale sur le territoire. Dans certains
cas, le phénomène « pas dans ma cour » fait en
sorte qu’on refile le problème au voisin quand
on a une vision juste locale ».
Un point de vue que semble partager Stephan
Reichhold qui prend l’exemple des communautés culturelles : « À chaque fois qu’il y a un
mouvement de décentralisation au Québec, le
dossier de l’immigration, de l’intégration et des
relations interculturelles se perd très rapidement
car ce n’est plus une priorité d’action pour les
régions, pour la population et donc pour les
électeurs. Le gouvernement joue un rôle essentiel,
notamment dans les efforts de régionaliser les
immigrants ».
Marie Turcotte, pour sa part, y voit aussi une
perte dans le rapport de force qu’ont les organismes de défense par rapport au gouvernement:
« Dans les municipalités et les régions où il y a peu
de personnes handicapées, elles risquent de ne
pas être prioritaires. Il faut une masse critique
pour faire un rapport de force. Pour des organismes comme le nôtre, cela devient très difficile
aussi de faire notre travail dans toutes les régions
et au niveau local ».
De son côté, François Vermette s’inquiète de
l’accessibilité et de l’efficacité de certains programmes lorsque se sont les élus locaux qui ont
le pouvoir : « La décentralisation peut poser problème car certains élus locaux ont des objections
et décident de ne pas participer aux programmes
même lorsqu’ il y a des demandes. Des citoyens
sont ainsi privés de logements sociaux. On s’interroge aussi sur la disponibilité de ressources compétentes dans toutes les régions pour la mise en
œuvre des programmes ».
En tout état de cause, pour plusieurs, il reste
des débats importants à faire avant de se lancer
dans la décentralisation sans en mesurer tous
les enjeux. Stéphan Reichhold signale : « Au
Québec, il n’y a jamais eu vraiment de débat sur
la prise en charge du dossier des immigrants et
des communautés culturelles et du partage des
mandats entre les différents paliers. Les immigrants sont parmi les plus pauvres au Québec et
on a l’impression que, tant qu’il n’y a pas de crise
majeure, on ne s’interroge pas vraiment sérieusement ».
« Le gouvernement
joue un rôle essentiel,
notamment dans les
efforts de régionaliser
les immigrants »
STEPHAN REICHHOLD
De l’exercice de la citoyenneté
La participation des citoyens sur la scène
municipale est souvent déficiente. Le taux
de participation aux élections, ou dans les
instances formelles de consultation, conseils
municipaux ou d’arrondissement en sont des
signes probants. Pourtant, certaines municipalités réussissent à solliciter une participation
citoyenne autour d’enjeux qui concernent
directement les citoyens et on observe alors
une nouvelle dynamique entre les élus et les
résidents.
Isabelle Bombardier, jeune citoyenne de TroisRivières, a été gagnée par l’enthousiasme que
suscite le projet de revitalisation urbaine : « C’est
tout nouveau pour moi de m’impliquer dans un
comité de citoyens et je vais continuer car cela
m’apporte beaucoup : on découvre des façons de
faire différentes de ce qu’on connaît. Sur le plan
des relations humaines aussi, on a de la reconnaissance des autres. Cela est stimulant de voir
que cela donne des résultats. On peut se sentir
gêné comme citoyen de ne pas tout comprendre
mais peu à peu, on nous intègre et on répond à
nos questions. Il y en a pour tous les goûts dans
toutes les activités qui sont développées et tous
peuvent trouver leur place. Ce qui me motive,
c’est la force qu’on a ensemble, les nouvelles idées
qui émergent et la dynamique qu’on a réussi
à démarrer ».
JEAN-FRANÇOIS AUBIN
42
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Jean-François Aubin, pense que l’intervention
communautaire repose sur la capacité de rejoindre les citoyens qui doivent être au cœur de
l’action : « À partir d’une vaste enquête participative, on est allé cogner à un millier de portes dans
le quartier. La question la plus importante était :
avez-vous le goût d’avoir une suite à cette démarche? La réaction a été positive et beaucoup
de citoyens ont alors décidé de s’impliquer. C’est
la base de notre travail : aller rejoindre les gens
directement là où ils sont et de les interpeller. Un
élément clé du succès de la démarche est un bon
travail d’animation du milieu, car cela devient
bureaucratique si il n’y a pas de participation ».
Yvon Jackson, citoyen de Saint-Pierre à Montréal,
ne compte plus le temps qu’il consacre aux
projets de son quartier, c’est naturel pour lui et
comme il connaît tout le monde dans le quartier,
il trouve toujours des personnes ressources
pour donner un coup de main : « Je m’implique
depuis que je suis jeune, c’est de là que me vient
le goût de participer à ma communauté. Quand
tu t’impliques dans ton quartier, tu es plus porté
à faire attention à ta maison, à aimer ta ville et
à en prendre soin. Tu aimes encore mieux ton
quartier car tu sens qu’il t’appartient. Tu contribues à améliorer ta qualité de vie et celle des
autres citoyens ».
Un peu d’histoire...
Août 1934
M. le maire Grégoire, de Québec, était à
Montréal hier. Interrogé sur les résultats de
la conférence interprovinciale, il a dit que
M.Taschereau n’a pas besoin de consulter
les villes, que le congrès de l’Union canadiennes des municipalités a déjà répondu
que les villes se ruineront si elles continuent à défrayer l’administration de l’assistance aux chômeurs et, en même temps, à
contribuer le tiers des allocations. Pendant
la conférence, la ville de Québec a envoyé
à M.Bennett un télégramme lui disant
que les villes ne veulent plus contribuer
aux secours directs. Nous voulons tous
que l’aide aux chômeurs soit entièrement
à la charge des gouvernements des
provinces et d’Ottawa.
Yolette Lévy, elle, témoigne des efforts que
fait Val-d’Or pour améliorer la participation :
« L’exercice de la citoyenneté est exigeant mais
nous pouvons améliorer la participation
citoyenne par de petits gestes. Par exemple, nous
tablons sur les huit Conseils de quartiers qui
permettent aux citoyens de développer une vision
collective de leur quartier et nous voulons les
utiliser en leur donnant un pouvoir de recommandation marqué ».
Le débat sur le partage des responsabilités
entre les villes et les gouvernements ne date
pas d’aujourd’hui...
Lucille Rocheleau, citoyenne de Val-David fait
un témoignage éloquent de ce qu’apporte
l’implication citoyenne : « Quand on reste sur son
petit terrain, il ne se passe pas grand-chose, la vie
s’arrête un peu. J’ai décidé de m’impliquer à Val
David où je me suis installée pour ma retraite.
C’est un village où il y a une vie communautaire
importante et dynamique. Ainsi j’ai rencontré des
gens et je me suis fait des relations dans le milieu.
En s’impliquant dans la communauté, on contribue et je suis convaincue que
tout le monde a quelque
chose à apporter à son
environnement ».
Les villes comprennent qu’elles sont gagnantes
lorsqu’elles mettent à contribution les citoyens.
Yvon Jackson se souvient « Au début on trouvait
qu’on était pas mal seuls pour monter notre
projet, mais plus ça allait plus on avait l’appui
de la Ville. Un ingénieur qui ne vit pas dans le
quartier s’aperçoit qu’il a besoin des citoyens.
On a convaincu la Ville de changer une piste
cyclable de côté de rue car on a une connaissance
pointue du terrain ».
MICHEL ADRIEN
YVON JACKSON
Michel Adrien : premier maire noir
du Québec
Venu à Mont Laurier pour y enseigner les
mathématiques dans les années 1970,
Michel Adrien fait des interventions
auprès du conseil municipal pour que
soient installés des équipements de loisirs
pour les enfants de Des Ruisseaux, municipalité aujourd’hui annexée à Mont Laurier.
Il s’est vite retrouvé porte-parole d’un
comité de citoyens, et de fil en aiguille, en
est venu à intervenir régulièrement au
Conseil municipal de Des Ruisseaux où il
est invité à poser sa candidature à la suite
d’une vacance. Ce qu’il fait volontiers.
Après l’annexion, il est sollicité pour poser
sa candidature à la mairie de Mont Laurier.
Dès le début, il a le soutien populaire
(80% des voix exprimées). Et Mont Laurier
ne compte que 3 ou 4 habitants d’origine
haïtienne…
« Après 30 ans d’enseignement, premier
Président de race noire d’un syndicat
d’enseignant au Québec, premier Président
du Conseil d’Administration du Centre
hospitalier de Mont Laurier, premier
Président intérimaire du CSS Lanaudière.
Pour les gens ce n’était pas surprenant de
me voir là. Les citoyens de Mont Laurier sont
habitués de composer avec des citoyens
venus d’ailleurs et s’ils estiment votre apport
à la communauté positif, ils vous acceptent
comme un des leurs ».
LUCILLE ROCHELEAU
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
43
DOSSIER> LES AFFAIRES MUNICIPALES C’EST AUSSI DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Yolette Lévy, conseillère municipale
de Val d’Or, originaire d’Haïti
La meilleure façon de s’intégrer est de faire
des activités dans la communauté avec les
enfants, ou dans le syndicat par exemple.
L’intégration va aussi avec le respect de la
communauté d’accueil et il faut s’adapter
par rapport à notre pays d’origine. Il y a une
sorte de dialectique entre le nouveau venu
et le natif. L’étranger est celui qui peut lever
la patte n’importe quand. Si tu décides de
rester il faut qu’il y ait une adaptation à ton
nouveau pays. Être élue est la démonstration
qu’on est bien accepté.
En conclusion
La plupart des interventions soulèvent la
complexité des enjeux sur la place que devraient
occuper les municipalités dans le développement
social. Quoiqu’il en soit, le débat est ouvert et
les municipalités ont, avec le nouveau rôle que
veut leur donner le gouvernement, une occasion unique de se donner une vision élargie de
leur rôle. L’appréhension globale de leur communauté ou de leur région les fait sortir de leur
rôle traditionnel d’élus de villes cherchant à
attirer des entreprises et créer de la richesse,
sans avoir une vision toujours claire de la finalité de leurs actions.
Cependant les craintes sont nombreuses de voir
le gouvernement, désirant se défausser sur les
élus locaux de services, notamment sociaux,
dont les coûts sont inflationnistes alors que les
municipalités ont des revenus qui plafonnent.
Partout au Québec, les élus locaux réfléchissent
à la place que doivent occuper les citoyens qui
ne sont plus perçus comme de simples payeurs
de taxes ou des consommateurs de services.
Comment les citoyens pourront-ils exercer un
pouvoir démocratique sur les orientations qui
les concernent directement dans un contexte où
une grande majorité semble manifester un
44
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Yolette Lévy, conseillère municipale,
encourage les femmes à se présenter aux
élections municipales
Il faut bien expliquer aux femmes comment
faire une campagne électorale car elles ne
sont pas habituées à se battre et à faire du
coude dans des passages parfois étroits.
Elles ont pourtant bien des compétences
(vécu, gestion du budget familial, éducation
des enfants, etc.) très utiles pour la scène
municipale.
désintêret pour les élections? La participation
citoyenne sur la scène municipale est à l’ordre
du jour!
D’ailleurs de plus en plus de municipalités font
des expériences pour améliorer la participation
citoyenne, dans un environnement que les
citoyens maîtrisent mieux que le politique : le
quartier, la qualité de vie, l’environnement, etc.
Quand les enjeux sont plus proches, les citoyens
exercent une vigilance auprès des élus locaux,
ce qui renforce la démocratie participative. On
a rencontré plusieurs citoyens et citoyennes
qui s’impliquent dans leurs communautés,
qui se réalisent et éprouvent un désir d’actions
collectives.
Mais la grande majorité ne manifeste-t-elle pas,
pour la chose politique, un doute lié à une grave
crise de la représentation politique doublée parfois d’une méfiance due aux dérapages ou aux
abus de confiance?
Des organismes communautaires et des mouvements sociaux, de leur côté, sont porteurs de
créativité et témoignent de la richesse et de la
diversité des actions qu’ils sont prêts à entreprendre en partenariat avec les municipalités.
Ils expriment cependant fortement leurs
Sylvie Tardif, conseillère municipale de
Trois-Rivières : Je suis une femme et je suis
féministe aussi.
Mes préoccupations de femme vont émerger dans tous mes choix et je veux amener
les femmes à donner leur point de vue, par
exemple sur le choix d’un module dans un
parc. Je travaille aussi à l’interne de la Ville
pour faire féminiser les textes, y compris la
Politique de développement social. Toutes
les valeurs du développement social
comme la solidarité, la démocratie, le bienêtre des citoyens sont aussi des préoccupations de femmes. Par contre, il n’y a pas un
axe spécifique dans la politique, on aura
sûrement des actions plus précises à mettre de l’avant dans le plan d’action.
appréhensions sur la décentralisation dans le
domaine social et posent clairement la question
de l’imputabilité des élus locaux et du risque de
fragmentation des actions sur le territoire. Ils
réaffirment le rôle important de l’État garant
des valeurs de justice, d’équité.
Le Québec, en entreprenant de revoir le partage
des responsabilités entre les différents paliers
de l’administration publique, afin de mieux les
adapter aux besoins des citoyens et par l’intérêt
accru de ces derniers à vouloir participer à la
prise de décision, a ouvert un large débat dans
la société civile et chez les élus locaux.
Les élections de novembre sauront-elles susciter le même intérêt, permettront-elles de
poursuivre la réflexion et d’apporter un renouveau des candidatures, dans un contexte où le
rôle des élus locaux est en pleine mutation ?
1 Voir :Les effets du vieillissement de la population québécoise sur la
gestion des affaires et des services municipaux,MAMR, oct.2004
L’intervention municipale en matière de
développement social: une tendance lourde
PAR MICHEL TREMBLAY
MAIRE DE RIMOUSKI
PRÉSIDENT DE L’UMQ
’intervention municipale en matière de développement social est bel
et bien un état de fait… qui reste à reconnaître, notamment et particulièrement sur le plan de la fiscalité. Pendant longtemps, on a considéré que le rôle des municipalités se limitait à fournir des services de
première ligne en matière de voirie, d’hygiène et de traitement de l’eau.
Les exemples démontrant que l’intervention du milieu dans des sphères
allant au-delà des seuls services à la propriété abondent. Et plusieurs de
ces responsabilités, qui touchent la sphère sociale, émanent directement
du gouvernement du Québec.
L
L’adoption du projet de loi 56 le démontre on ne peut mieux. Sanctionné
le 17 décembre 2004, cette loi modifie la Loi assurant l’exercice des droits
des personnes handicapées et fait de l’intégration sociale des personnes
handicapées un enjeu majeur. Les municipalités sont tenues, de par cette
législation, d’assumer certaines responsabilités, visant à favoriser l’intégration des personnes handicapées à la société. Les municipalités de
15 000 habitants et plus ont désormais l’obligation de produire, chaque
année, un plan d’action et de le mettre en œuvre. Toute municipalité,
peu importe sa taille ou sa région, devra par ailleurs assurer l’accès des
personnes handicapées à des services de transport adapté sur son territoire, et ce, à compter du 17 décembre prochain.
D’autres obligations législatives ont amené certaines municipalités à
intervenir dans la sphère du développement social. En septembre, après
de deux ans de travail, la Ville de Trois-Rivières a été la première à procéder
à l’adoption d’une politique municipale en développement social. C’est
dans le contexte des fusions municipales qui a fait naître la nouvelle Ville
de Trois-Rivières en 2002, que la démarche d’élaboration de la politique a
débuté. Comme l’a souligné le maire de la ville, M. Yves Lévesque, à l’occasion du dévoilement officiel de la politique, Trois-Rivières ne s’est pas
cantonné au strict cadre légal, mais est allée
plus loin. En effet, la Ville de Trois-Rivières a
pris le temps de consulter les partenaires et
la population sur la question du développement social. De plus, la démarche
élaborée par le Comité responsable du
développement social a trouvé écho
auprès de nombreuses autres villes et de
municipalités québécoises.
La sensibilisation du milieu municipal à la réalité du développement
social n’est pas que le fruit des obligations légales. Les exemples de cette
réalité abondent. Ne soulevons que le cas des 110 municipalités, MRC
ou arrondissements1 qui se sont, ou sont en voie de se doter d’une
politique familiale.
On pourrait citer également cette initiative de la Ville de Sherbrooke, qui
s’est dotée d’une Politique d’accueil et d’intégration des immigrants, avec
la collaboration du ministère des Relations avec les citoyens et de
l’Immigration. Cette politique identifie des moyens de faciliter l’intégration des nouveaux arrivants sur le territoire de Sherbrooke, qui compte
des ressortissants de 55 pays. « Cet élément fait partie des nouvelles responsabilités qui sont arrivées sur notre table de travail. Étant donné que nous
sommes les élus les plus près des citoyens, les villes sont sollicitées dans les
sphères sociales et communautaires, relève le maire de Sherbrooke et 1er
vice-président de l’UMQ, M. Jean Perrault. Un bon exemple de ce
phénomène est l’injection de 50 000 $ de la Ville dans un projet pilote avec
quatre organismes communautaires, dont une banque alimentaire et une
cuisine collective ».
L’intervention du milieu municipal dans la sphère du développement
social est une tendance lourde. Mais, plus que jamais, le gouvernement
du Québec doit prendre acte que la fiscalité des municipalités n’est plus
adaptée aux multiples responsabilités qu’elles doivent assumer. À leurs
fonctions, liées à l’origine aux services à la propriété et financées par
l’impôt foncier, se sont ajoutées depuis 20 ans, des fonctions de services
aux personnes qui devraient normalement être financés par des revenus
liés à la fonction de redistribution de la richesse, outil fiscal qu’elles ne
possèdent pas. En plus de devoir assumer les dépenses supplémentaires
transférées par le gouvernement du Québec au cours des 20 dernières
années, les municipalités ont vu la base de leur principale source de
revenus, les valeurs foncières, s’effriter. La problématique actuelle résulte
principalement d’un phénomène : les municipalités ont une trop grande
dépendance à une seule source de revenus, l’impôt foncier.
L’évolution de la société et de l’économie a fait en sorte que les municipalités sont appelées à assumer de plus en plus de responsabilités et ce
n’est pas fini. Elles deviennent des actrices majeures incontournables du
développement social et économique et des lieux d’innovation et de solidarité. On le voit, elles sont interpellées à bien des niveaux. Bien plus,
elles doivent s’impliquer et explorer de nouvelles avenues de développement pour leur région. Elles ont aujourd’hui une tâche supplémentaire,
celle d’humaniser les effets de la mondialisation sur leur communauté.
MICHEL TREMBLAY
1 Carrefour action municipale et famille, septembre 2005
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
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DOSSIER> LES AFFAIRES MUNICIPALES C’EST AUSSI DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Rapprocher le pouvoir de décision
des citoyens
PAR MICHEL BELZIL,
MAIRE DE BARNSTON-OUEST
PRÉFET DE LA MRC COATICOOK
PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION QUÉBÉCOISE DES MUNICIPALITÉS
a démocratie locale est une composante
essentielle de la démocratie du 21e siècle.
Son existence et sa vitalité sont reconnues
comme des facteurs clés de la stabilité démocratique. L’autonomie locale doit répondre aux
besoins de tous. La décentralisation est une
forme d’organisation du pouvoir politique qui
tente de donner libre expression au pluralisme
des sociétés humaines. La décentralisation
devient alors le vecteur de la démocratie et, vue
sous cet angle, elle peut devenir une des conditions du renouvellement de la démocratie.
approche de développement, par des modes
d'organisation et de production inédits, intègre
des préoccupations d'ordre social, culturel et
environnemental au cœur des rationalités purement économiques.
L
La décentralisation doit s’accompagner d’une
mobilisation de la population en faveur du
développement local. Les acteurs locaux prennent l’initiative de changer leur environnement
plus facilement lorsqu’ils ont la liberté de le
faire et la conviction de participer pleinement
et de façon démocratique au développement
de leur collectivité. Elle introduit le concept
d’un « État de proximité » et constitue dès lors
un instrument favorisant l’expression de cette
liberté des acteurs puisqu’il s’agit d’un mode
de gouverne politique axé sur l’autonomie
locale et la responsabilisation des acteurs.
La décentralisation est généralement vue
comme un processus permettant de faire
participer les populations à l’élaboration et
à la gestion des politiques qui concernent
leur territoire.
Par ailleurs, la décentralisation constitue une
réponse et une voie favorisant le développement local. L'économie actuelle ne correspond plus de façon exclusive à la logique de
localisation qui fut à l'origine du modèle de
concentration; elle ne traduit pas moins une
autre logique qui a, elle aussi, ses impératifs.
46
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Si les facteurs d'ordre économique continuent
d'être des éléments importants dans le processus de recomposition des territoires, le paradigme renouvelé de développement accorde
un rôle tout aussi important aux facteurs non
économiques tels la qualification individuelle et
collective, la transmission des savoirs et savoirfaire traditionnels, le cadre de vie, la perméabilité à l'innovation, la vitalité communautaire,
l'ouverture à la concertation et au partenariat.
MICHEL BELZIL
Il existe en effet des dynamiques territoriales
spécifiques qui fonctionnent de telle manière
que le développement d'un espace habité n'est
pas subordonné à sa seule capacité d'attraction
d'établissements ou de filiales de grandes
entreprises, mais qu'il dépend aussi de son
aptitude à identifier et valoriser ses ressources,
à susciter des initiatives locales, à générer un
tissu de nouvelles entreprises et à mettre en
oeuvre une dynamique territoriale de l'innovation. Voilà les véritables fondements de la
dynamique des territoires.
Ce retournement dans les mécanismes de
développement territorial pose tout le défi du
développement local. Ce défi consiste à mettre
progressivement en place les conditions qui
favorisent l'adaptation des collectivités territoriales aux nouvelles règles du jeu de la croissance
économique où l'édification d'une nouvelle
L'espace économique est ainsi enchevêtré au
système social. Pour redynamiser et développer
le domaine économique, il apparaît absolument
nécessaire de recourir à des mesures d'ordre
social, culturel et environnemental, car les
actions appliquées aux seuls facteurs de production ne concernent qu'un volet de la
dynamique territoriale susceptible de générer
et de porter le développement.
La décentralisation qui accroît l'autonomie
locale en matière de développement économique et social et stimule les initiatives des
acteurs locaux en ces domaines, va de pair avec
la dynamique territoriale actuelle et les stratégies de développement à promouvoir.
La décentralisation représente une voie
favorisant l’expression du pluralisme social et
politique, devrait favoriser l’émergence de solutions constructives et devrait contribuer au
développement des communautés locales.
RÉFLEXION>
PAR ALAIN CARON
URBANISTE
L’énoncé d’une vision stratégique :
un exercice de rassemblement et d’indispensable cohésion d’une communauté
lusieurs grandes villes nouvelles ont élaboré dernièrement une vision stratégique
du développement culturel,
économique, environnemental et
social dans le but d’assurer la solidarité, la cohérence et la convergence des actions ayant un impact
majeur sur la gestion de l’ensemble de leur organisation. Nous pensons par exemple à Gatineau,
Lévis, Montréal et Québec
P
La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme oblige les Communautés
métropolitaines d’énoncer une
vision stratégique alors que les
MRC devront en élaborer une lors
de la prochaine révision de leur
schéma d’aménagement et de
développement.
La vision stratégique est une
représentation imaginaire du futur
souhaité, un idéal à atteindre, un
scénario de rêve. Elle s’exprime par
une description, une déclaration
des aspirations profondes, des
valeurs et des priorités d’une communauté. Elle est spécifique à un
milieu. Elle reflète la combinaison
des valeurs clés de toutes les forces
vives de la communauté. Pour être
crédible, la vision stratégique doit
reposer sur une évaluation honnête
et critique de la situation et sur un
bon repérage des défis des années
à venir. Elle propose un cadre d’intervention cohérent et convergent,
dans la mise en œuvre d’une ambition commune, et est flexible. En
tant que représentation d’un projet
idéal et souhaité par la communauté, la vision stratégique peut
être une occasion de remises en
cause et de changements organisationnels importants. En réalité,
une vision stratégique claire et
partagée est le point de départ
pour donner sens et cohérence aux
décisions et aux actions qui en
découlent.
Les MRC, les Communautés métropolitaines de Montréal et de
Québec et les municipalités jouent
un rôle décisif en ce qui concerne
la mobilisation et la consultation des citoyens et la
détermination des actions
à privilégier, notamment
dans le champ du
développement social
ALAIN CARON
et du développement durable. La
réflexion entourant l’élaboration
de la vision stratégique est une
occasion idéale pour provoquer
cette consultation et favoriser une
concertation sur une base multisectorielle, en invitant toutes les
parties prenantes à trouver
réponse à une question fondamentale : dans quelle communauté
voulons-nous vivre dans dix,
quinze ou vingt ans?
Ces forces vives se trouvent dans
les divers secteurs de la communauté : santé et services sociaux,
développement communautaire,
économie sociale, etc. Ce sont des
jeunes, des femmes, des aînés ou
des personnes issues de communautés culturelles. Le processus de
mobilisation compte autant que le
résultat. L’élaboration d’une vision
stratégique demande du temps ; le
temps de comprendre les valeurs
de la communauté, toutes les
valeurs. Une vision stratégique
partagée est porteuse d’un sentiment d’appartenance fort et d’une
cohésion sociale renforcée.
La vision stratégique doit absolument déboucher sur des activités
concrètes et transversales pour
faire naître la convergence. De
même, elle doit s’accompagner
obligatoirement de projets qui
vont stimuler les troupes.
Toutefois, les stratégies d’action
doivent aller au-delà des simples
facteurs économiques et intégrer
des facteurs environnementaux,
sociaux et culturels. Par exemple,
en matière de développement
social, les stratégies retenues
devraient permettre aux personnes
de s'épanouir pleinement, de pouvoir participer à la vie sociale et de
pouvoir disposer des droits sociaux
inscrits dans les chartes québécoise et canadienne des droits et
libertés de la personne.
La vision stratégique permet
notamment d’établir une cohérence entre les outils de planification, les plans d’action et les
politiques sectorielles, de simplifier
la complexité générée par le grand
nombre de processus existants,
leur manque de liaison et de complémentarité ainsi que l’intervention trop cloisonnée des
différents partenaires et enfin, de
réduire les improvisations et décisions qui génèrent plus souvent
qu’autrement cette complexité.
À l’échelon régional, la vision
stratégique devrait servir à assurer
la cohérence des actions que soustendent l’adoption obligatoire d’un
schéma d’aménagement et de
développement, l’adoption d’un
plan d’action pour le schéma et
d’un plan d’action local pour
l’économie et l’emploi ainsi que
l’adoption facultative plans de
développement du territoire.
À l’échelon local, la vision stratégique devrait servir à assurer la
cohérence des actions que soustendent l’adoption obligatoire
d’un plan d’urbanisme, d’un
programme triennal d’immobilisations, l’adoption d’un plan
stratégique et, le cas échéant,
d’autres politiques comme une
politique familiale, une politique
culturelle, etc.
(Suite page 49)
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
47
RÉFLEXION>
ANNE-MARIE SÉGUIN, PROFESSEURE-CHERCHEURE
INRS URBANISATION, CULTURE ET SOCIÉTÉ
Décentralisation et développement social :
à propos de quelques écueils à éviter
e terme de décentralisation réfère à un transfert de responsabilités
d’un gouvernement central ou ses agences vers une instance de
niveau inférieur. Il existe toutefois des degrés dans la décentralisation
et de nombreux arrangements sont possibles. Dans certains cas, l’instance
centrale voudra notamment conserver, partiellement du moins, le contrôle
des normes qui encadrent les interventions, celui des ressources financières
ou encore des ressources informationnelles ou professionnelles. Rien ne
permet d’affirmer a priori que le modèle de décentralisation « pure » (la
plus achevée) a plus ou moins de vertus que des modèles plus hybrides
de partage des responsabilités. Ce qu’il faut retenir ici, c’est que les
modalités de décentralisation sont plurielles et qu’il faut s’interroger,
dans les processus de décentralisation, sur les modalités qui sont les plus
susceptibles d’éviter certains écueils. Il n’y a pas de recette « tout aller »
en la matière.
L
La décentralisation jouit d’un préjugé favorable mais elle est loin de faire
l’unanimité. Pour les uns, la décentralisation est synonyme d’une intervention étatique mieux ciblée, plus susceptible de répondre adéquatement aux besoins les plus pressants des populations locales. Elle
permettrait de plus une allocation des ressources plus efficace et plus
efficiente. Pour les autres, plus critiques, les systèmes fortement décentralisés n’ont pas démontré qu’ils sont capables d’assurer une certaine
équité, de garantir la justice sociale entre les populations vivant sur
différents territoires. Dans ce texte, nous tenterons de mettre en lumière
certains écueils reliés à la décentralisation du point de vue plus particulièrement du développement social.
Un premier danger est sans nul doute que la décentralisation aboutisse
à une réduction globale des dépenses gouvernementales dans des
domaines jusque-là financés par les gouvernements supérieurs. En effet,
de nombreux observateurs du monde politique ont signalé que la décentralisation dans certains pays a servi de moyen pour l’État de se désengager de certains champs de la vie sociale et ainsi réduire ses dépenses.
Le second écueil tient à la nature même de la décentralisation qui permet
de mettre en place des mesures, des dispositifs et des interventions à
géométrie variable d’un territoire à l’autre. Si elle constitue un élément
globalement positif, cette géométrie variable n’en recèle pas moins
certains dangers. Il faut s’interroger sur la place qu’aura le développement
social dans les interventions que les municipalités ou les régions voudront
réaliser à même leurs nouvelles ressources financières autonomes ? De
plus, les populations plus marginales ou démunies, qui ont moins voix
au chapitre, arriveront-elles à mobiliser suffisamment de ressources politiques au niveau local ou régional pour voir leurs besoins pris en compte
48
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
par l’instance décentralisée? Pour éviter cet écueil, des normes doivent
être établies par l’instance supérieure tout en laissant une marge de
manœuvre locale sur les modalités à mettre en place.
Jusqu’où les priorités d’intervention et les niveaux d’effort financier concernant différents aspects du développement social, seront-ils laissés au
bon vouloir des élus locaux ? Si l’on prend l’exemple du logement public
(quoique très fortement financé par les paliers supérieurs de l’État) dans
la région métropolitaine de Montréal, l’expérience passée nous a montré
que certaines municipalités prennent leurs responsabilités alors que
d’autres ne le font pas. Comment s’assurer que les besoins les plus pressants des populations locales soient pris en compte quel que soit leur lieu
de résidence ? La réponse à cette question est loin d’être simple.
Un autre écueil est celui de la stabilité et de la continuité des interventions. Il est généralement reconnu, dans le domaine du développement
social, que le temps est un élément important. Pour porter fruit, les
mesures et les interventions doivent s’inscrire dans la durée. Or, si les
changements dans les équipes d’élus ouvrent la voie à des changements
fréquents dans les types d’interventions et les niveaux d’efforts fournis,
ne risque-t-on pas de rendre vaines les mesures mises en place ? L’inertie
des structures et des interventions des gouvernements supérieurs devient
sous ce jour une qualité. En laissant l’instance centrale conserver un certain contrôle, on peut éviter une instabilité trop grande des interventions.
Même si les municipalités ont toujours joué un rôle dans la promotion
d’une bonne qualité de vie et du bien-être de leur population, leurs principaux champs d’intervention ne relèvent pas du développement social.
Si elles disposent d’une grande marge de manœuvre en cette matière,
c’est-à-dire si elles doivent développer leur propre stratégie et dispositif
d’intervention, les administrations locales devront se doter de ressources
professionnelles compétentes. Est-ce réaliste et efficient ? Ne devrait-on
pas plutôt compter sur l’appui d’un personnel compétent et spécialisé
relevant de l’instance supérieure plutôt que de multiplier les compétences
au sein de chaque territoire ?
Enfin, un autre écueil est de notre point de vue central. Il s’agit des
modalités de financement des interventions locales. Jusqu’où doit aller
l’autonomie financière ? La principale critique formulée à l’endroit de la
décentralisation est qu’elle conduit à des niveaux de ressources différenciés et que ces niveaux ne correspondent que très rarement aux niveaux
des besoins. On sait que les zones riches tendent généralement à générer
des niveaux de recettes fiscales plus élevés alors qu’en matière de
développement social, ces zones présentent des niveaux de besoins plus
(Suite de la page 47)
faibles. Les opposants rappellent qu’en contexte de décentralisation, ce
sont les zones riches qui gagnent au profit des territoires plus pauvres.
Les régimes décentralisés sont peu susceptibles d’assurer une redistribution de la richesse sociale des territoires riches vers les territoires pauvres
alors que les besoins sont nettement plus grands dans les seconds. Cette
situation est de plus dynamique : les régions plus riches au départ auront
tendance a attiré les populations les plus nanties car elles pourront offrir
de meilleurs services et en plus grand éventail, ou encore elles pourront
utiliser les ressources fiscales dégagées par un faible niveau de besoins à
d’autres fins que le soutien aux démunis et/ou marginaux. La forte décentralisation des services et des équipements sociaux aux États-Unis est à
l’origine de la très forte fragmentation sociale observée dans ce pays avec
notamment des villes-centres concentrant des populations très pauvres
et disposant de peu de ressources fiscales pour y répondre. Pour que la
décentralisation ne conduise pas à une iniquité sociale encore plus
grande, elle devra comprendre des mécanismes de redistribution entre les
territoires. Aussi, une pleine autonomie financière est-elle à proscrire car
elle déboucherait sur une augmentation des inégalités de ressources pour
les ménages pauvres qui se retrouveraient dans les zones les plus pauvres
en terme de ressources publiques (services, équipements, etc.).
Parce qu’elle déborde les préoccupations des autorités de plusieurs
secteurs d’activité et de leurs partenaires, la vision stratégique devient
un outil indispensable à la bonne gestion du territoire d’une communauté consciente des interrelations qui existent entre elle et nombre de
secteurs d’activité qui influencent la qualité de vie, le développement,
la prospérité et, en définitive, son destin.
Enfin, il importe d’identifier un porteur de vision, et de mettre en
place des mécanismes permettant d’évaluer le chemin parcouru et
à parcourir.
Une vision stratégique qui assure la solidarité, la cohérence et la
convergence des actions d’une communauté devrait avoir un impact
majeur sur la gestion de l’organisation dans son ensemble. Dans le
mot POUVOIR il y a VOIR. Une vision globale donne du pouvoir1.
1 Inspiré d’une campagne publicitaire du Mouvement Desjardins du Québec.
La décentralisation est donc un processus complexe qui malgré les qualités qu’on lui prête, n’est pas sans écueil. Aussi, il ne faut pas négliger
d’envisager d’autres options. Il existe, dans le domaine social, une autre
voie, celle du développement de stratégies intégrées et « multi-niveaux »,
c’est-à-dire le déploiement sur le terrain d’actions et de mesures concertées entre les différents niveaux de l’État (ministères, agences ou
organismes régionaux et municipalités) et où les différents acteurs sectoriels (différents ministères et leurs agences déconcentrées, municipalités
et organismes régionaux) agissent ensemble avec un effort financier
important de l’instance supérieure. Cette option mérite sûrement d’être
explorée car elle concilie la proximité des acteurs locaux plus susceptibles
de répondre aux besoins spécifiques des habitants de leur territoire et
celle de la capacité financière et de redistribution de la richesse sociale
du gouvernement supérieur.
Si l’on poursuit un objectif de développement social pour l’ensemble des
populations qui résident sur le territoire du Québec, on ne peut que conclure que la prudence est de mise en ce qui concerne tout scénario de
décentralisation.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
49
DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
La mesure du développement social en matière de développement
des communautés : Quelques facettes d’une démarche en devenir…
Constatant, dans le cadre d’une étude sur les besoins de soutien au développement des communautés, un réel besoin de
connaître les communautés locales et leur potentiel de
développement, la Direction générale de la santé publique
(DGSP) du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS)
sollicitait le 31 mars 2005 la Direction de la santé publique de
la Mauricie et du Centre-du-Québec (DSP-MCDQ) afin : 1) de
faire le point sur le contenu déjà disponible en matière d’indicateurs de développement des communautés; 2) de favoriser
le choix et l’utilisation d’indicateurs qui permettent de mieux
connaître les caractéristiques et la progression des communautés et 3) de comprendre les impératifs locaux et régionaux
qui influencent de développement des communautés locales.
En réponse à cette demande, la DSP-MCDQ proposait au MSSS
en juillet 2005 un plan d’action dont nous vous donnons les
grandes lignes dans le texte ci-contre sur l’énoncé de projet.
Mais avant tout, nous avons laissé à André Dontigny, directeur
de la santé publique de l’Agence de santé et de services sociaux
de la Mauricie et du Centre-du-Québec, mandataire de la
démarche, le soin de donner le coup d’envoi de cette démarche.
Et puis, nous avons interviewé les deux personnes qui nous
sont apparues, chacun dans leur domaine, comme ayant réalisé, en matière d’indicateurs apparentés au développement
social, ce qu’il y a de plus avancé au Québec. Puisse le plaisir
que nous avons eu à échanger avec eux se traduire dans la
retranscription de leur propos !
Enfin, question de donner un aperçu de l’état des lieux en
matière de mesure du développement social, quoi de mieux
que de consacrer la chronique On a lu pour vous à un ouvrage
de référence incontournable, soit le rapport de recherche que
Paul Bernard et ses collaborateurs ont consacré à la question
de la mesure du développement social en 2002.
Bonne lecture !
Le coup d’envoi d’un
projet collectif national !
a direction de la santé publique de la
Mauricie et du Centre-du-Québec, à l’instar
des autres directions de santé publique du
Québec, est largement impliquée depuis une
dizaine d’années maintenant en développement social. Cette implication a pris plusieurs
formes. Elle s’est d’abord matérialisée au plan
des orientations et des priorités d’intervention
de l’Agence de santé de la Mauricie et du
Centre-du-Québec en matière de réduction des
inégalités de santé et de bien-être. Et elle s’est
concrétisée plus que jamais à l’intérieur du Plan
régional de santé publique dont les valeurs et
les principes passent par le bien commun des
groupes, des communautés et des collectivités
ainsi que par la protection des individus et des
groupes les plus vulnérables. Enfin, l’implication
de la santé publique en développement social a
L
PAR ANDRÉ DONTIGNY
DIRECTEUR DE SANTÉ PUBLIQUE
AGENCE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX
DE LA MAURICIE ET DU CENTRE-DU-QUÉBEC
pris la forme d’ententes spécifiques reconduites
récemment ou en voie de l’être auprès de ses
partenaires sectoriels, ententes qui ont donné
naissance à un Consortium en développement
social pour la Mauricie et à un Comité régional
de développement social pour le Centre-duQuébec.
C’est dans ce contexte qu’il nous a été donné
d’accepter un mandat du MSSS pour sélectionner des indicateurs illustrant les tendances à
plus ou moins long terme associées au
développement des communautés et pour élaborer une instrumentation permettant d’appliquer ces indicateurs au terrain. Ce projet arrive à
point nommé. Dans la continuité des efforts
accomplis jusqu’ici, il importe de développer
des indicateurs nous permettant de mieux
ANDRÉ DONTIGNY
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DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
connaître le potentiel de développement des
milieux de vie, de mieux cerner par exemple
le capital social, les cohésion d’ensemble et les
dynamiques des
collectivités
locales.
PAR RÉAL BOISVERT
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Développement social :
des indicateurs au service
des communautés
RÉAL BOISVERT EST AGENT DE RECHERCHE À L’AGENCE DE SANTÉ
ET DE SERVICES SOCIAUX DE LA MAURICIE ET DU CENTRE-DU-QUÉBEC
ET MEMBRE DE L’ÉQUIPE DE RÉDACTION
La réalisation de ce mandat a été confiée à Réal
Boisvert, professionnel à notre Agence. Il ne
m’en voudra pas de rappeler qu’il est bien placé
pour le réaliser. Dans la foulée des travaux entrepris sur l’ensemble du Québec par Robert
Pampalon et Guy Raymond, Réal a développé
dans notre région, de concert avec les intervenants du milieu, une approche permettant
de noter par exemple que, à défavorisation
comparable, certaines communautés s’en tirent
bien mieux que d’autres, ou, encore, à situation
socio-économique également enviable, la population de certains milieux bien nantis présente
des problèmes de santé ou de problèmes
sociaux plus importants que ce à quoi on devrait
s’attendre. Reste à comprendre pourquoi. D’où
la pertinence du projet en cours. Un projet
nécessaire, vu l’importance accrue que l’on doit
accorder à l’efficacité de nos interventions en
matière de réduction des inégalités de santé et
de bien-être.
Ce projet n’aura de sens qu’à la condition qu’il
puisse compter sur une forte acceptabilité de
la part de tous les acteurs concernés par le
développement social. C’est pourquoi nous
l’entreprenons avec des intentions de visibilité
et de transparence qui faciliteront l’expression
de points de vue, de propositions, de critiques
et de commentaires divers; des intentions qui
entraîneront, nous le souhaitons vivement, un
mouvement de collaboration dans toutes les
régions du Québec. C’est à cette condition, et à
cette condition seulement, que nous pourrons
relever le défi de mieux développer nos collectivités locales et d’assurer aux gens qui y vivent
tous les moyens leur permettant d’optimaliser
leur potentiel et de réaliser leurs espérances les
plus élevées.
Un monde en effervescence
ette revue en est le témoin éloquent : on ne compte plus le nombre de projets d’intervention qui visent actuellement au Québec d’une façon ou d’une autre à lutter contre la
pauvreté et l’exclusion, à favoriser la prise en charge des personnes et à encourager la
participation citoyenne. Avec une égale volonté d’assurer le mieux-être de la population, des
milliers d’acteurs de toutes les régions s’activent dans le domaine du transport collectif, de la
sécurité alimentaire, de la revitalisation de quartier, de l’éducation populaire, du décrochage
scolaire, de l’économie sociale, de l’alphabétisation ou du logement social.
C
Non pas en marge mais en phase avec ce vaste mouvement, on note la présence de préoccupations constantes au regard de la connaissance, de la recherche et de l’évaluation. En
témoignent, entr’autres, du côté universitaire, les travaux de Paul Bernard et de Michel Bernier
sur les indicateurs de développement social, ceux de Maurice Lévesque et de Deena White sur
les grands concepts qui lui sont associés ainsi que les études de Louis Favreau et de Denis
Bourque sur le développement des collectivités. Des lieux de recherche et de réflexion foisonnent, dont le Centre Léa-Roback ou le Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé
de l’Université de Montréal par exemple. Et puis, au rang des efforts déployés par le réseau de
la santé, comment ne pas mentionner ici le stock inouï de données pertinentes produites par
différentes instances comme l’Institut national de la santé publique, l’Observatoire montréalais
des inégalités sociales et de santé et l’ensemble des directions régionales de santé publique.
Enfin, parlant de connaissances toujours, de recherche et d’évaluation, ce serait faire injure à
la réalité de ne pas évoquer ici tout ce qui se fait au plan local par les promoteurs, les responsables et les animateurs de projet eux-mêmes, que ce soit par le biais de l’observation directe,
par celui d’enquêtes terrain, par l’élaboration d’indicateurs de suivi ou par la tenue de groupe
de discussion. Voilà autant d’activités générant une expertise enviable et une information
variée en matière de développement des communautés.
Un monde qui bouge et qui évolue…
Le panorama est large. Et, sans que personne en particulier n’en ait décidé de la manière alors
que tout le monde en ait compris la nécessité, le développement social fait son petit bonhomme
de chemin. À telle enseigne qu’il a atteint aujourd’hui un niveau de maturité que le Québec
ne saurait envier à aucun pays. Reste cependant que, dans le tourbillon de l’action, dans la
nébuleuse aussi de tout ce qui s’accomplit sur tous les fronts, d’aucuns –et ils sont nombreux
si on se fie à une consultation menée dernièrement le MSSS auprès de certaines régions du
Québec- conviennent qu’est venu le temps de mieux prendre la mesure du développement
social en matière de développement des communautés.
Le défi de la mesure…
Malgré le fait que les meilleures intentions du monde puissent nous animer, insistons toutefois,
en passant, sur un détail pour le moins non négligeable. L’idée de mieux prendre la mesure des
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
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DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
choses n’est pas simple. Il s’agit d’une entreprise complexe certes, mais il
y a plus. Une saine résistance anime sur ce point bien des gens de terrain,
de nombreux praticiens, ceux-là qui luttent au jour le jour contre la pauvreté et l’exclusion. Eux, qui ne comptent pas les heures, se méfient souvent avec raison des invitations répétées destinées à évaluer leur pratique,
a fortiori de celles qui s’inscrivent dans la foulée de ce que l’on désigne
comme étant la reddition de compte. En plus de lutter jalousement pour
protéger leur autonomie, ils savent au demeurant que le développement
social n’est pas une affaire de calcul. Pour employer une image, la mesure
du développement social, entendue au sens comptable de la chose, fait
penser à la métrique qui s’attarde à vérifier le compte de pieds d’un
alexandrin. Elle nous enseigne bien peu sur la valeur du poème.
La mesure en question…
L’heure est donc venue de mettre à l’agenda des préoccupations
publiques la question de la mesure du développement social et du
développement des communautés. Le Québec est mûr pour se doter,
comme le dit Paul Bernard, d’instruments adéquats pour mesurer
son développement social.
Mais il n’y a pas que ces derniers qui pourraient trouver à redire. Certains
éprouvent parfois un scepticisme de bon aloi au regard de l’évaluation
du développement social. Habitués à fréquenter l’ordre de la complexité
et de l’insaisissable, ce n’est pas sans réserves qu’ils prendront acte des
intentions de qui veut additionner ce qui ne s’additionne pas ou de qui
veut prévoir, grâce à un savant modèle mathématique, l’imprévisible.
Et ce n’est pas tout. Sans forcer la note, il en est, mais ces gens forment
une très petite minorité il est vrai, qui prétendent avec un air entendu
que le développement social c’est du mou, qu’il n’y a rien de précis et de
rigoureux à tirer de là…
Une démarche consistant à identifier des indicateurs relatifs au développement des communautés doit s’inspirer des grands principes de fonctionnement du développement social. Plus particulièrement, elle passe
par l’incontournable nécessité de s’appuyer sur la participation des
acteurs concernés. Et la participation des acteurs concernés quant à elle
ne se décrète pas d’autorité. Elle est obtenue à la condition que les gens
aient leur mot à dire, qu’ils soient consultés, qu’ils puissent débattre de
certaines questions, poser et soupeser certains enjeux, valider et avoir la
possibilité de choisir les propositions les plus appropriées au regard de la
connaissance des caractéristiques de leur communauté. Et puis surtout,
l’abc du développement social nous enseigne que si les gens du milieu
ont les compétences voulues pour contribuer au développement de leur
communauté, ils ont la même compétence pour contribuer au développement des indicateurs de développement de leur communauté. C’est donc
à la condition de s’inscrire à part entière dans une telle démarche que le
Québec tout entier pourra compter sur une réseau dynamique de personnes qui se sont appropriées les instruments ou les dispositifs nécessaires
à la connaissance des retombées de ce qu’ils font et à l’amélioration de ce
qu’ils veulent faire. Oui, développer des indicateurs de développement
social, c’est une autre façon de faire du développement social…
Ceci étant dit, le défi de mieux prendre la mesure du développement
social est néanmoins plus que jamais nécessaire. Certes, depuis le Forum
sur le développement social en 1998, on observe de toute évidence une
progression continue au plan de l’intervention et au chapitre de l’avancement des connaissances. Mais en dépit de cela, on ne saurait dire cependant avec une relative exactitude quelle influence réelle le développement
social exerce sur les réduction des inégalités; on a du mal à savoir pourquoi,
à pauvreté égale, certaines communautés s’en tirent mieux que d’autres;
on connaît mal aussi sur l’ensemble du territoire du Québec l’état du
capital social des communautés, la vigueur des réseaux d’entraide, la
force des cohésions d’ensemble; on constate au surplus une méconnaissance relative de la contribution des organismes communautaires au
développement des milieux de vie et des communautés. Malgré le fait
qu’il y ait une multiplicité d’indicateurs de toutes sortes associés directement ou non au développement social, il n’est pas facile enfin de comparer l’état d’avancement des communautés en ce qui a trait aux efforts
qui leur sont consentis en matière de développement social.
Dernière entrave : il importe d’écarter une fois pour toute cette idée farfelue que le Québec se dote d’un indicateur synthétique unique, universel
et passe-partout en matière de développement des communautés. Une
telle baguette magique apte à tout embrasser d’un seul regard est tout
simplement susceptible aussi de ne rien dire en même temps.
Mais de quelle façon y arriver ? Une seule à notre avis. On ne saurait
procéder à la mesure élargie et relativement standardisée du développement social en matière de développement des communautés pour
l’ensemble du territoire québécois autrement que l’on procède pour
faire du développement social en soi. Explications.
Quelques éléments d’un plan d’action évolutif et participatif…
La délimitation des communautés
Pour y arriver, premier élément à prendre en compte, la notion de communauté comme telle. Il y a en de toutes sortes bien sûr. Laissons de côté
pour le moment celles ce que l’on désigne comme étant des communautés d’intérêt, des communautés associatives, voire des communautés
de goûts ou de sentiments. Intéressons-nous plutôt aux communautés
au sens d’ancrage des collectivités humaines, ce que Louis Favreau et
Denis Bourque désignent sous l’appellation de territoires vécus. Ces communautés auxquelles chacun de nous appartient, car même les itinérants,
soit dit en passant, n’empruntent pas n’importe lequel parcours, ne voisinent pas tous les lieux. Eh bien ces communautés-là, qui sont le mieux
placés pour les circonscrire et pour les qualifier sinon ceux et celles qui les
habitent ? Plus particulièrement, ce sont les résidents des villes qui sont
les plus aptes à dire où commence tel quartier et où finit tel autre, qui
appartient à telle paroisse et qui appartient à telle autre. Ce sont les gens
du milieu rural au premier chef qui peuvent affirmer jusqu’où va le village
et où commence la ville.
Les territoires étant délimités par les personnes qui l’habitent, reste à
inscrire en leur sein un certain nombre de données utiles à la connaissance et la compréhension de leur développement.
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DÉVELOPPEMENT SOCIAL
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Les déterminants économiques et leurs conséquences socio-sanitaires
À ce chapitre, dans un premier temps, ce ne sont pas les références
savantes qui manquent pour proposer tel ou tel indicateur nous permettant de préciser la nature des communautés, d’en donner les couleurs
propres au plan des grands facteurs structurants ou facteurs socioéconomiques. Dans un second moment, il appartient à nos moyens
–et encore là ce n’est pas l’expertise qu Québec qui fait défaut sur ce
plan- de documenter les conséquences induites par ces grands facteurs
déterminants, cela au regard maintenant de la santé et des problèmes
sociaux principalement. En effet, suivant l’avancement de nos savoirs,
on peut très bien dans l’état actuel des choses documenter l’état de santé
d’une communauté et mettre, comme on dit, cet état de santé en lien
avec ses facteurs déterminants.
Le potentiel de développement des communautés
Et puis, il y a enfin les petites variables confondantes, ce bruit sur la ligne
de nos analyses causales, c’est-à-dire les informations qui ne se retrouvent pas encore à grande échelle dans nos grands fichiers populationnels.
C’est-à-dire encore, ces dimensions de la vie collective qui sont déterminées par les grands facteurs sociaux et qui agissent en retour sur eux,
qui tempèrent ou accentuent leurs conséquences sur notre mieux-être.
On pense ici à ces indicateurs imparfaits mais néanmoins prometteurs
de l’appréciation du potentiel de développement des communautés que
sont le capital social, la participation citoyenne, le sentiment d’appartenance. Qui est le mieux placé pour décliner ces indicateurs sinon la réunion des universitaires et des acteurs du milieu, cela dans une logique
de co-production ?
La typologie des communautés
Résultat de l’interaction dynamique entre des facteurs socio-économiques
et de leurs conséquences d’une part, et, d’autre part, entre le potentiel
de développement des communautés et les facteurs socio-économiques
et leurs conséquences eux-mêmes ? Une typologie des communautés
permettant de mettre en œuvre des profils d’intervention ajustés à leurs
besoins respectifs. Une typologie capable de distinguer par exemple,
les communautés problématiques des communautés vulnérables; une
typologie en mesure de repérer des communautés dites résilientes ou
des communautés où des problèmes sont en émergence. Question,
entr’autres, de bien prendre en compte le fait qu’à pauvreté égale,
certains milieux s’en tirent beaucoup mieux que d’autres ou, encore,
que parmi les communautés plus riches certaines ne sont pas à l’abri
de l’infortune.
La mise en œuvre et l’aboutissement de la démarche
Et ce n’est pas fini. Comment maintenant déployer un tel projet sur la
mesure du développement des communautés dans une perspective de
développement social ? Grâce à la participation de ceux et celles qui sont
résolus à passer à l’action. Une fois élaboré un cahier des modalités
opérationnelles d’un tel chantier, il s’agit ici d’expérimenter une telle
approche dans deux, trois ou quatre régions du Québec, cela afin de
tester les méthodes, de repousser au maximum les obstacles rencontrées
lors de leur mise en application, d’apprécier la faisabilité et les capacité
de généralisation de la démarche.
Dernière étape, un rendez-vous national. À partir de la phase expérimentale d’où émergeraient une armature théorique, des indicateurs différenciés et une expérience concluante de mise en œuvre, il s’agirait de convier
l’ensemble des régions du Québec, soit tous les acteurs concernés, qui
du milieu universitaire, qui des milieux institutionnels, décideurs,
gestionnaires, politiques, intervenants de milieu et citoyens afin de
débattre de la question de la mesure du développement social en matière
de développement des communautés. De débattre et de convenir de
certains choix.
Atterrissage…
De l’utopie à la pratique…
En traitant ainsi un sujet habituellement réservé à des spécialistes,
mieux encore, en participant collectivement et démocratiquement à
une démarche jusque-là considérée comme étant l’apanage de cercles
restreints ou d’instances bureaucratiques, le Québec ferait figure d’innovateur à l’échelle mondiale. C’est fou ! C’est totalement utopique ! Mais,
pour paraphraser Thomas Moore, l’utopie, ce n’est pas ce qui n’est pas
réalisable, c’est ce qui n’est pas encore réalisé…
Voilà, esquissés à grands traits, les éléments d’un projet qui vise à sélectionner et expérimenter des indicateurs de développement des communautés pour l’ensemble du Québec. Le plan d’action destiné à mettre en
œuvre ce projet a déjà été accepté par le MSSS. Il sera sous peu présenté
aux membres d’un comité aviseur national d’ici peu. D’ores et déjà les
acteurs concernés par la mesure du développement des communautés
auront été informés de ses grandes lignes. Cela afin que ceux et celles
qui font avancer nos communautés en matière de développement social
soient avertis de ce que l’on souhaite accomplir et qu’ils puissent dès
maintenant préparer leur avis et leur critique sur les propositions que
l’on entend leur faire avec eux.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
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ENTREVUE>
PAR RÉAL BOISVERT
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Paul Bernard :
de la recherche action quantitative
aux politiques publiques intelligentes
aul Bernard est professeur de sociologie
à l’Université de Montréal. Ses recherches
portent sur les indicateurs sociaux, les
inégalités sociales, le marché du travail, la pauvreté, les politiques sociales, les statistiques
sociales et l’épistémologie. Il est l’auteur de
plusieurs livres et articles et il a reçu en 2001
le prix de la Société canadienne de sociologie
et d'anthropologie pour sa contribution exceptionnelle à l'avancement de la sociologie.
P
Il habite aussi le cinquième étage du Pavillon
Lionel-Groulx de l’Université de Montréal. Son
bureau, rempli de livres et de documents, fait
penser à une ruche où chaque alvéole contiendrait une idée, un concept, une affiche, un
schéma, une référence. Paul Bernard est réputé
pour être un rigoureux méthodologue. Je le
soupçonne d’être plutôt un alchimiste qui
transforme la connaissance en nectar qu’il
partage avec des collaborateurs, des collègues
ou des amis, un immense réseau qui butine
de capitale en capitale, qui va de groupe de
recherche en centre d’étude, de comité consultatif en conseil d’administration et qui finit,
invariablement, par aboutir dans les salles
de classe où il enseigne encore la sociologie
à des étudiants de premier cycle.
Une citation orne le mur de son bureau. Votre
manuscrit est à la fois bon et original. Mais la
partie qui est bonne n’est pas originale et la partie
originale n’est pas bonne. Je risque une première
observation.
RDS : Dans votre rapport de recherche sur
les indicateurs de développement social,
vous écrivez que le développement social est
un ensemble de processus d’amélioration des
conditions de vie et des potentiels individuels
et collectifs. Voilà une définition qui est à la
fois courte, efficace et accessible au commun
54
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
des mortels. Ce n’est pas toujours le cas,
vous savez…
P.B. : Oui. J’ajouterai que le développement
social ne saurait exister en dehors de la mobilisation des personnes et des communautés. Les
experts qui en rendent compte et qui sont partie prenante de cette mobilisation doivent être
compris. Sinon, il n’y aucun dialogue possible.
Et surtout il est important que les universitaires
soient intelligibles dans une société qui ne peut
se développer que par la connaissance.
RDS : N’est-ce pas la même chose pour tout
ce qui touche les questions de méthode ?
PB : Tout à fait ! La méthodologie c’est ce qui
nous permet d’éviter les pièges de la pensée
spontanée, les chausse-trappes, les raisonnements circulaires. C’est ce qui nous permet
de balayer l’obscurité qui est dans la boîte noire
du sens commun. Par exemple, un type est au
resto. Il attend sa blonde. Il est 12h15. Elle devait
être là à midi. Il se dit : elle a eu un accident; ma
montre est en avance; je me suis trompé de jour;
de restaurant; elle ne m’aime plus… Eh bien que
fait cet homme sinon que de s’adonner à
l’analyse causale ? On fait la même chose,
mais avec une approche scientifique plus
systématique, lorsque l’on dit : « si le marché
crée, reproduit ou amplifie les inégalités de
santé, l’action communautaire peut les limiter
ou les freiner. »
Autre exemple : un indice synthétique, c’est tout
simplement un outil permettant de décrire un
phénomène en tenant compte des différents
aspects qui le caractérisent. Mais il faut éviter
d’ « aplatir » ces différents aspects, de les confondre en les additionnant simplement les uns
aux autres. Il faut plutôt tenter de représenter
leur dynamique, les processus qui les lient.
Ainsi, on sait que la pauvreté est un déterminant très important de la santé, tout comme un
faible niveau de connaissances, qui limite le
succès des actions préventives et thérapeutiques. Et en retour, une santé détériorée peut
entraver l’acquisition de connaissances aussi
bien que l’occupation d’un emploi stable et
avantageux.
RDS : Poussons un peu plus loin. Le chercheur
a pour mission de publier des résultats de la
recherche. Il pourrait en rester là. Plusieurs le
font. Mais vous, on vous voit sur le terrain.
Vous aimez rencontrer des gens.
PB : Un chercheur qui a des antennes sur le
terrain a plus de chances qu’un autre de faire
des découvertes. C’est là que j’ai compris à
quel point le dialogue entre les méthodes dites
quantitatives et les méthodes qualitatives était
nécessaire, à quel point les deux approches
étaient parfaitement complémentaires. Mieux
encore, c’est là que j’ai compris que la recherche
action pouvait, contrairement à ce que l’on
conçoit très souvent, être aussi quantitative.
Prenons le cas de la dynamique des milieux de
vie. On peut la mesurer grâce à des indicateurs
comme le pourcentage de participation électorale, le nombre d’organismes communautaires, le nombre de citoyens qui s’adonnent
à la lecture quotidienne des journaux, et ainsi
de suite. Mais les indicateurs n’expliquent pas
tout. Pourquoi les gens votent-ils davantage
là qu’ailleurs ? Pourquoi ça bouge à tel endroit
et moins à tel autre ? Pour bien comprendre
le développement social, il faut procéder avec
toute la panoplie des méthodes dont on a
besoin. Premièrement, on ne va pas comme ça
à tout vent en espérant trouver quelque chose.
Il faut ainsi cadrer conceptuellement son objet
de recherche. C’est à cette condition que l’on
peut produire des données crédibles car elles
sont obtenues grâce à des règles vérifiables.
Ensuite il importe de confronter ces données
DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
à des personnes concernées par elles, à même
d’en saisir la portée, d’en interroger le sens à la
lumière de l’expérience vécue, d’être capables
surtout de se les approprier pour mieux composer avec les contraintes de ce qu’ils sont et
les occasions qui s’offrent à eux dans ce qu’ils
sont en train de devenir…
RDS : J’ai l’impression que vous venez d’évoquer ici une notion qui vous est chère…
parlez-nous de la notion de « parcours de vie »
qui se retrouve actuellement au cœur de vos
réflexions et dites-nous en quoi elle est reliée
à la question du développement social…
PB : La notion de parcours de vie nous enseigne
d’abord que la vie se déroule dans le temps.
Ensuite, elle nous apprend que toutes ses
facettes interagissent les unes et les autres.
Dans la vie, chacun construit et reconstruit
son avenir en fonction de son passé, à partir des
contraintes et des occasions qui se présentent
à lui, cela dans un contexte local et national
singulier.
Laissez-moi vous raconter une anecdote. Je
partais à l’étranger. Je ne me souviens plus où,
mais ce devait être pour un séjour assez long
puisque le chauffeur de taxi, en empoignant
l’une de mes valises, semblait la trouver particulièrement lourde. « Hé, ne forcez pas comme
ça, lui ai-je dit, elles ont des roulettes vous
savez… » Rien n’y fit. Il les prit à bout de bras et,
en les déposant dans la voiture, ne put réfréner
un ouch ! bien senti comme s’il venait d’aggraver une blessure à la hanche. En route vers
l’aéroport, il me confia en effet qu’une vilaine
chute sur un trottoir non déneigé l’avait obligé
à subir une intervention chirurgicale majeure.
En pleine convalescence, au repos forcé et sans
revenu, il entreprit néanmoins de se rendre (pas
facile d’aller à l’autre bout de la ville dans les
circonstances) dans les bureaux de l’aide sociale
afin d’obtenir une aide financière pour survivre.
Il demanda une modeste somme de 1 800 $,
question de payer trois mois de loyer.
Impossible lui a-t-on fait valoir, car il possédait
un permis de taxi d’une valeur de 180 000 $. Pas
question de vendre son permis bien sûr. À quoi
ça rimerait ? On lui suggéra de louer sa voiture.
Impossible : la transmission allait lâcher si
quelqu’un d’autre que lui la conduisait. Que
faire ? Sans aide sa situation s’aggravera. Non
seulement risque-t-il de perdre son permis,
mais l’insécurité aidant, il sera probablement
l’objet d’une certaine détresse psychologique.
Sa famille en subira alors les conséquences.
Son épouse a déjà une santé précaire. Ainsi de
suite… On imagine la spirale descendante.
Ce parcours de vie nous démontre comment la
nature du régime providentiel dans lequel on vit
peut faire la différence. Aux États-Unis, pays de
haute activation économique (notion désignant
l’incitation à joindre le marché du travail) et de
faible investissement social, le chauffeur de taxi
n’aurait d’autre choix que de se débrouiller tout
seul, sauf en tout dernier recours. Et les bénéficiaires d’une telle aide se voient maintenant
menacés de coupure de vivres après deux ans
de prestation. Ils sont poussés dans les bras de
la criminalité pour manger. Les sommes ainsi
épargnées à l’aide sociale sont en quelque sorte
transférées au système judiciaire et à l’appareil
carcéral. De l’autre côté de l’Atlantique, dans
certains pays d’Europe qui se caractérisent par
une faible activation et de généreux programmes sociaux, le même chauffeur de taxi
pourrait compter sur une aide pécuniaire de
l’État sans que l’on ne prévoie nécessairement
de mesures de soutien facilitant son retour au
travail. Ces pays, comme la France, l’Italie ou
même l’Allemagne, peinent actuellement à
entretenir leur dispositif de protection sociale.
Dans les pays nordiques, pays de haute activation et de forts investissements sociaux, il
obtiendrait, pour dire vite, un soutien de l’État
à la fois pour la durée de sa convalescence et
pour faciliter la reprise de son boulot. Mais déjà
avant son accident, il aura profité d’un ensemble incomparable d’avantages multiples au plan
de la litéracie, des habitudes et des conditions
de vie.
Si, comme on l’a dit plus haut, le développement social est un ensemble de processus
d’amélioration des conditions de vie et des
potentiels individuels et collectifs, je crois que
les règles administratives de l’aide à l’emploi
doivent bien sûr être les plus souples possibles,
mais aussi que les différents ministères de l’État
(éducation, santé, culture, travail, etc.) doivent
avoir pour mission de donner à chaque individu
les moyens de s’accomplir au plan humain,
d’avoir un travail enrichissant, de fonder une
famille, de réaliser ses rêves et d’avoir la capacité
de surmonter les épreuves de la vie. C’est par
exemple, tout le sens de la stratégie de lutte
à la pauvreté qui était proposée dans la Loi 112,
adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale
en 2002.
Au fait, devant l’intransigeance de l’appareil
administratif, notre chauffeur de taxi a pu
compter sur la clémence de son propriétaire qui,
comme par hasard, était un propriétaire résident à même de constater à quel point il était
vaillant, honnête, etc.
RDS : Parcours de vie, régime providentiel,
développement social… et la mondialisation
dans tout ça ? Que peut-on faire devant les
fermetures des usines qui dans le domaine du
textile par exemple se multiplient au Québec
actuellement ?
PB : Je dirais : y penser d’avance… L’activité manufacturière de la planète est désormais fortement installée en Chine. Il n’est pas judicieux
de continuer à entrer en compétition avec les
Chinois pour la fabrication des vêtements en
série ou des textiles. La notion de parcours de
vie s’appuie sur la durée et le contexte. Or les
gens qui perdent leur emploi aujourd’hui dans
les industries manufacturières ne sont pas
fortement qualifiés. Beaucoup d’entre eux n’ont
pas été mis en contact avec des symboles
abstraits depuis des années. Soit dit en passant,
les gens analphabètes, pour la plupart, le sont
non pas parce qu’ils n’ont pas appris à lire, mais
parce qu’ils ne le savent plus, ayant perdu
l’habitude de la lecture ou ne l’ayant jamais pratiquée, en particulier au travail. Donc, la notion
de parcours de vie nous dit que pour plusieurs
travailleurs mis à pied aujourd’hui il est probablement trop tard. Si on avait maintenu pour
eux tout au long de leur vie leur capacité intellectuelle (et physique aussi), on les remettrait
plus facilement en piste. La notion de parcours
de vie c’est une perspective de développement
de politiques publiques.
(Suite page 56)
PAUL BERBNARD
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
55
(Suite de la page 55)
RDS : Mais, suivant la typologie des régimes
providentiels dont vous venez de parler, les
politiques publiques ne peuvent pas à elles
seules porter tout le développement social.
Elles soutiennent les individus mais ne
participent pas à leur place à la vie collective.
Elles contribuent à produire la richesse mais
ne la créent pas…
PB : Vous avez raison. Les politique publiques ne
sont que l’une des composantes de l’inclusion
sociale qui comprend, outre l’inclusion politique
représentée par l’État, l’inclusion économique,
représentée par le marché, et l’inclusion communautaire, représentée par la société civile.
C’est une question d’équilibre et d’influences
réciproques. Le marché laissé à lui-même
génère des inégalités et confine à l’exclusion
plusieurs catégories de citoyens. Un État
omniprésent peut conduire à l’autoritarisme, ou
du moins à une bureaucratisation. Une société
civile sans régulation politique ou économique
cherche sa voie. Le développement social vise à
produire une intégration optimale de ces composantes en fixant à chacun d’elles des fonctions rétributives et contributives : le marché
offre le travail et donne en retour des revenus,
de même que des biens et services; l’État
protège les droits et compte sur la participation
fiscale et politique des individus; la société
civile s’alimente à partir de l’engagement de
ses membres et leur prodigue en retour un
sentiment d’appartenance. Voilà une représentation conceptuelle qui permet de comprendre
comment et les individus et les collectivités j’insiste sur les deux- peuvent développer au
mieux leur potentiel.
la nécessité d’avoir des données longitudinales
et intégrées pour analyser à fond l’ensemble
des processus d’amélioration des potentiels
et des conditions de vie des individus. Je
comprends à la lumière de cet échange que
cet énoncé est plus d’actualité que jamais...
PB : Oui, et excusez si je prêche pour ma
paroisse, mais la connaissance est nécessaire à
l’élaboration de politiques publiques efficaces
et intégrées (pensez au chauffeur de taxi), orientées vers le moyen et le long terme (pensez à
nos travailleuses du textile) et contribuant à
assurer qu’au Québec, développement social
et développement économique se conjuguent
avec intelligence.
RDS : Merci Paul Bernard pour cet échange !
RDS : En terminant, je relevais, dans la conclusion de votre rapport sur les indicateurs de
développement social, que vous insistiez sur
Maurice Lévesque : de l’importance
de définir les concepts avant
de proposer les indicateurs…
PAR RÉAL BOISVERT
ÉQUIPE DE RÉDACTION
aurice Lévesque a fait ses premières armes en recherche dans les
Départements de santé communautaire. En tant que chercheur
autonome il a ensuite collaboré avec certaines instances syndicales,
notamment sur la question de l’équité salariale. Puis ses travaux l’on conduit à s’intéresser au concept de développement social dont il a proposé,
en collaboration avec Bruno Jean et Deena White, le point de vue des
acteurs. Sa thèse de doctorat, portant sur le capital social, s’est méritée
deux prestigieux prix : soit la meilleure thèse de doctorat de l'Institut de
recherche en économie contemporaine (IREC) et le Prix pour la recherche
sur les politiques au Canada décerné par le Projet de recherche sur les
politiques (PRP).
M
Jusqu’à la dernière minute de l’heure précédant notre entrevue téléphonique, j’avais le nez plongé dans sa thèse. Un passage avait attiré
mon attention. D’entrée de jeu je le lui rappelle…
RDS : Vous avez écrit que des définitions trop souvent floues du capital
social détournent l’attention de ce qui est le plus significatif dans la
production des inégalités, soit l’accès différencié aux ressources
56
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
économiques et culturelles, les limites à
la capacité des réseaux
sociaux de contrebalancer l’absence d’opportunités et les déficits de
toutes sortes, et l’accès
différencié à l’exercice du
pouvoir. Pouvez-vous donner des exemples ?
M.L. : L’exemple des efforts que l’on a déployés dans les années ’80 en
matière d’insertion sociale afin de lutter contre la pauvreté m’apparaît
indiqué. On avançait alors, comme encore aujourd’hui il est vrai, que le
fait de regrouper ensemble des personnes en situation de précarité aidait
à briser leur isolement. Or si l’on poursuivait des objectifs fort louables,
on accentuait ainsi leur marginalité parce que l’on faisait une mauvaise
lecture de la notion d’insertion sociale. Loin de contribuer à créer des liens
entre eux, les rencontres regroupant des gens déjà stigmatisés accentuent
tout simplement leurs stigmates. Créer des liens ne revient pas à mettre
du monde ensemble. Mieux encore : il n’y a pas nécessairement de plus
DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
value à placer ensemble des gens qui sont dépourvus sur plusieurs plans.
L’idée c’est plus tôt d’inscrire ces personnes dans une trajectoire de mixité, dans un réseau à valeur ajoutée, un bassin de contacts par exemple
capables de donner le petit coup de pouce qui fait la différence.
RDS : J’aimerais aborder la question des indicateurs du développement
social. Comment procéder sur ce point quand vos travaux sur la
cartographie de ce concept vous ont amené à constater qu’il a y une
grande diversité de conceptions, autant presque de définitions du
développement social qu’il y a d’acteurs concernés ?
M.L. : Deux choses. La première c’est que, quel que soit la multiplicité des
points de vue, il y a un tronc commun de perceptions qui permettent
d’établir des consensus autour de mesures relativement traditionnelles.
Cela étant, reste que la mesure du développement social pose un certain
nombre de défis qu’il faut prendre en compte.
Pour ce qui est des aspects plus traditionnels, les données sur les facteurs
économiques comme le revenu, le travail, les données sur les facteurs
politiques tels les services publics de même que les données sur des
aspects de société comme la solidarité, la convivialité ou l’implication
citoyenne apparaissent comme étant incontournables.
En ce qui concerne, les défis de la mesure, le premier défi touche la
détermination de l’échelle d’observation. Ce défi est relativement simple
à surmonter. Le plus souvent les acteurs consultés souhaitent que l’on se
réfère à des unités d’analyse comme le quartier en milieu urbain et la
municipalité en milieu rural. Un autre défi touche la question des deux
grandes conceptions principales du développement social. Selon la première conception, le développement social doit mener à l’amélioration
des diverses situations dans lesquelles les individus et les collectivités
vivent. Ici le problème n’est pas trop compliqué à résoudre. La mesure
devrait s’intéresser en toute logique à l’atteinte des résultats en matière
d’amélioration des conditions matérielles de vie par exemple. L’autre
conception principale du développement social revoie à la capacité des
individus et des collectivités à résoudre leurs problèmes et à l’augmentation de la capacité des citoyens dans leur milieu. Cette dernière conception est plus proche d’une dynamique que d’un résultat comme tel. Cela
pose plusieurs problèmes pratiques. La difficulté entre le niveau individuel
et le niveau collectif par exemple. Une communauté est-elle composée
par l’agrégation des individus qui la composent ou forme-t-elle une entité
en elle-même. Une communauté peut-elle agir comme un acteur social
au même titre qu’un individu ou une organisation constituée ? Et puis,
enfin, selon certaines conceptions du développement social il a la question de la mesure de réalités intrinsèquement subjectives comme le sentiment bonheur par exemple… qui soulèvent moins des interrogations en
terme de mesure qu’en terme du contenu de la notion de développement
social en tant que telle. Si le développement social est une responsabilité
des sociétés, on peut s’interroger sur le fait que la « production » du bonheur individuel en soit une.
RDS : Existe-t-il une telle chose que le capital social communautaire ?
ML : C’est la première fois que j’entends cette expression ! Je vois bien sûr
que vous désignez par là le stock des ressources collectives, services et
organisations, disponibles dans une communauté donnée. En théorie ces
ressources sont disponibles à l’ensemble des personnes de la collectivité.
Leur existence se vérifie très bien quand on examine l’effet du temps sur
une communauté. Par exemple, prenons les vieux quartiers de Montréal
comme Pointe-Saint-Charles ou Hochelaga-Maisonneuve au début du siècle
dernier. Entre la fermeture des grandes entreprises qui y prospéraient et le
déclin des quartiers, il s’est écoulé un bon laps de temps. Une quinzaine
d’années au bas mot, une sorte d’effet tampon soutenu à l’évidence par
le capital social communautaire. Une mort lente néanmoins. Pour revitaliser ces communautés, en plus de la mobilisation des acteurs locaux,
il faut aller chercher un apport extérieur significatif. Leur développement
passe par l’atteinte d’un équilibre entre les deux. Mais je parle ici de
quelque chose avec lequel je suis moins familier. Je connais mieux le
concept de capital social en soi.
RDS : Parlons donc du capital social comme tel. Quelles sont vos
grandes observations sur ce sujet ?
ML : Premièrement qu’il faut distinguer la chose de ses effets. Tout ce qui
touche les conceptions relatives au sentiment de confiance, au sens de
l’initiative que les gens ont dans telle ou telle communauté, tout cela
s’apparente à une conception fonctionnaliste qui risque de conduire à des
raisonnements circulaires. Un milieu quelconque a du capital social parce
que les gens ont le sens de l’initiative et les gens ont de l’initiative parce
qu’ils sont dotés de capital social.
L’approche réticulaire m’apparaît plus rigoureuse. Sur ce point on observe
deux constats : les réseaux peuvent être envisagés comme étant des
processus ou une dynamique, d’une part, ou comme une réalité structurelle d’autre part. Sur le premier aspect, le concept de capital social
implique que les réseaux sont faits de relations sociales qui peuvent être
utiles et profitables, des ressources que l’on peut mobiliser ou non, qui
peuvent même nuire à l’occasion. Sur le deuxième aspect, le capital
social est envisagé au plan de sa densité, de sa centralité, des distances
observées entre ses porteurs. Sur les deux aspects, soit l’aspect de la
dynamique et l’aspect de la structure, le capital social est fait de réseaux
d’interactions sociales passeurs d’informations diverses ou de contacts
utiles.
RDS : Donnez-nous, Maurice Lévesque, des exemples d’application
de cette conception du capital social.
ML : Je pourrais vous parler longuement de la dynamique de sortie de
l’aide sociale. Le capital social est un facteur déterminant dans ce processus d’émancipation. C’est, notamment, grâce au fait qu’un individu est
capable de le mobiliser qu’il peut s’en sortir. Cela en déployant des
actions qui le conduisent à occuper un emploi et ainsi lui permettre de
s’inscrire dans un parcours d’insertion qui, tout précaire soit-il, est cependant porteur de changement de statut.
J’aimerais aussi insister ici sur l’importance du milieu scolaire qui, en
plus de favoriser le développement des compétences professionnelles,
est également un des lieux les plus significatifs pour l’apprentissage des
habiletés sociales nécessaires à la création des liens sociaux. La capacité
à développer et à maintenir des liens sociaux n’est pas donnée à la naissance, elle est fonction de multiples apprentissages dont les conditions
de réussite ne sont pas accessibles également à l’ensemble des citoyens.
(Suite page 60)
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
57
ONALUPOURVOUS>
PAR RÉAL BOISVERT
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Comment mesurer le
développement social ?
Rapport de l’équipe CQRS sur les indicateurs synthétiques Par Paul Bernard, Michel Bernier,
Johanne Boisjoly et Jean-Michel Cousineau, Novembre 2002, 219 pages (sans les annexes)
www.fqrsc.gouv.qc.ca/recherche/pdf/rapfinal_devsocial.pdf
et ouvrage est davantage
qu’un rapport de recherche.
C’est également un essai sur
la notion de développement social.
Par exemple, avant de mesurer
quoi que ce soit, les auteurs nous
rappellent qu’il faut définir ce dont
on parle. Mais pour ce faire, encore
faut-il savoir ce qu’en disent ceux
et celles qui ont réfléchi à la question, sans oublier de préciser dans
quel contexte ils l’ont fait, ni de
rappeler quels enjeux se présentaient à eux. Et ainsi de suite. De
la toile de fond théorique jusqu’à
l’élaboration de chantiers de travail
en vue de la construction et de
l’adoption des indices proposés,
cela en passant par la détermination de l’objet d’étude, l’énoncé
des exigences opératoires, l’adoption de règles de classements des
indicateurs existants, la métrique
et les zones d’influence des outils
de mesure, ce rapport de recherche,
d’une érudition remarquable, ne
prétend pas seulement mesurer
le développement social. Il nous
incite à réfléchir sur ce qu’il est et
ce sur quoi il en résulte, sur ce qui
l’entrave et ce qui le favorise. Tout
un programme !
C
Les assises de la mesure
De concert avec les travaux menés
par le Conseil de la santé et du
bien-être, Paul Bernard et ses collaborateurs rappellent d’abord que
nous évoluons dans un monde où
il importe plus que jamais de faire
converger le développement social
et le développement économique,
58
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
où la lutte contre la pauvreté est
d’une actualité criante puisque la
logique néo-libérale exerce désormais une influence partout sur la
planète, où, encore, de ce fait, il
importe de mettre en place des
politiques adéquates pour répondre aux besoins de la population et
où, enfin, la participation la participation des personnes et des
communautés d’appartenance à
ces politiques est incontournable.
Dans ce monde, qu’en est-il, se
demandent-ils, de la cohésion
sociale, de l’inclusion sociale, des
réseaux sociaux, de la vie associative, de la qualité de la vie et du
capital social des communautés
humaines ? Qu’en est-il, ici plus
particulièrement, des impacts
d’une croissance économique qui,
de toute évidence, élargit les écarts
de revenus et accentuent les clivages entre les groupes sociaux ?
Pour répondre à ces questions, Paul
Bernard et ses collaborateurs, se
sont donné un plan de travail
comportant cinq volets : 1) ils proposent, dans un premier temps,
une définition du développement
social; 2) à partir de cette définition, ils établissent ensuite quatre
règles opératoires permettant de
classer, d’évaluer et de construire
des indices synthétiques de
développement social; 3) mais,
avant de construire ces indices
comme tels, ils passent en revue
les indices existants les plus apparentés au développement social au
Québec et ailleurs dans le monde;
4) ils évaluent leur portée et leurs
limites; 5) enfin, il suggèrent des
indices synthétiques appropriés
à la situation québécoise, certains
des ces indices étant en cours de
préparation, d’autres étant prêts
à être utilisés et quelques-uns
nécessitant encore des travaux
significatifs avant d’être actualisés.
Une définition simple, pertinente
et valide
Premier élément d’échafaudage,
la définition. En plus de s’inspirer
des travaux du CSBE évoqués plus
haut, les auteurs prennent d’abord
appui sur les recherches de Deena
White et de Mauricie Lévesque
menées auprès de nombreux
acteurs du milieu québécois au
début des années 2000. Au fait,
Maurice Lévesque rappelait fort
à propos récemment dans cette
revue (vol 3, no3, juin 2002) que
le développement social renvoie
en gros à deux grandes représentations collectives. La première a
trait à la capacité de notre société
de faire une place aux revendications des droits sociaux de différents acteurs; la deuxième fait
écho à la capacité des individus et
des communautés de développer
une compétence citoyenne leur
permettant de résoudre leurs problèmes. Deux dimensions qui couvrent à la fois des aspects comme
la démocratie, le potentiel des personnes et leur bien-être. Quant aux
travaux du CSBE, les aspects
retenus concernent le dévelop-
pement global, la lutte contre la
pauvreté, les politiques publiques
et la participation citoyenne. Voilà
pour le contenu.
Pour la forme maintenant. La définition proposée, selon Paul Bernard et
ses collaborateurs, doit répondre à
des besoins heuristiques précis.
Puisque le développement social fait
appel à une grande diversité de
phénomènes, il doit être capable de
discriminer, dans tout le stock des
indices qui lui sont plus ou moins
apparentés, ce qui est pertinent de
ce qui l’est moins. Il doit également
permettre de classer ces indices au
regard de leur perspective conceptuelle et de leur fondement méthodologique. Ce qui, en dernier lieu,
offre la possibilité d’apprécier leur
validité scientifique et leur pertinence politique.
Alors :
Le développement social est un
ensemble de processus d’amélioration des conditions de vie
et des potentiels individuels
et collectifs.
Un ensemble de processus… parce
que le développement social, avant
d’être un état, est un mouvement,
mieux encore, un cheminement
qui met en jeu des relations et des
rapports sociaux qui touchent le
travail, la santé, l’éducation, la justice. Ce sont les dynamiques sousjacentes à ces domaines de la vie
sociale dont il faut rendre compte
et qu’il faut représenter.
DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
D’amélioration… au seul motif que
le développement social n’est pas
une démarche scientifique mais
politique, ce qui signifie que les
acteurs sociaux font face dans la
mise en œuvre des processus de
développement à des choix et que
ces choix renvoient à des valeurs
diverses elles-mêmes en interaction avec la liberté des individus.
D’où cette fois l’importance de
mesurer le développement social
sous divers points de vue.
Des conditions de vie et des potentiels… d’individus qui cherchent à
s’accomplir dans un monde dont
les composantes interdépendantes
(économie, santé, démographie,
écologie, participation civique)
sont génératrices d’inégalités
sociales qu’il faut réduire en
s’inscrivant, quel que soit le
régime politique, dans une logique
démocratique. Une logique qui
repose sur un équilibre respectant
la liberté des individus, assurant
leur égalité et encourageant leur
solidarité. À cet effet, les indices de
développement social doivent être
sensibles à la question de l’accès
aux ressources collectives, cela
tant en fonction de la manière
dont les régimes politiques permettent aux individus de combler leurs
besoins, que de la façon dont ils
leur donnent le pouvoir de construire leur vie librement.
Des individus et des collectivités…
en raison du fait que la trajectoire
de chaque individu est faite d’un
ensemble de contraintes et d’occasions qui mettent en jeu en même
temps et la participation individuelle et un cadre de vie qui encourage ou brime l’accomplissement
du potentiel de chacun. L’intelligence, par exemple, nous rappellent les auteurs, n’est pas l’affaire
de quelques génies seulement. Elle
est liée aussi à la capacité de toute
une société de résoudre ses pro-
blèmes. En ce sens, la compétence
citoyenne est une dimension
essentielle du développement
social. Les indices de développement social doivent être capables
de la qualifier, de la mesurer, de
l’apprécier et de la comprendre…
Les règles opératoires
Comment classer, évaluer et construire les indices synthétiques
nous permettant de prendre la
mesure du développement social ?
Les auteurs proposent à cette
étape-ci quatre règles opératoires,
deux s’intéressant à la forme, deux
autres au contenu.
En premier lieu, par définition,
un indice synthétique comprend
plusieurs indicateurs ou plusieurs
variables, cela parce que le développement social fait référence à
diverses composantes comme on
l’a vu plus haut. Or un bon indice
doit permettre d’isoler l’effet propre de chacune de ces composantes.
Il ne suffit pas par exemple d’additionner les variables utilisées dans
le calcul d’un indice quelconque.
Encore faut-il représenter chacune
d’entre elles selon son effet spécifique afin de bien contrôler ce que
l’on mesure.
Ensuite, il importe d’avoir une
bonne vision de ce qui doit être
mesuré. Ici Bernard et ses collaborateurs font référence à
l’importance de bien définir les
dimensions de la vie sociale qui
sont analysées. Ces dimensions
doivent avoir un sens au point de
vue théorique. On ne doit pas non
plus leur conférer une valeur arbitraire. Sinon, on ne peut pas savoir
ce que l’on mesure ni non plus comment change avec le temps ce que
l’on mesure (p.46).
La troisième règle invite à renoncer
à la tyrannie du nombre unique. Il
faut plutôt mettre au point des
indices qui mesurent le développement social en fonction de la définition qui lui a été donnée, c’està-dire 1) au plan de ce qui permet
aux individus de développer pleinement leur potentiel, soit la santé,
la litéracie et la sécurités économique; 2) au regard des expériences à partir desquelles s’expriment leur participation à la vie
collective, soit le travail, la famille
et la vie communautaire;
3) en ce qui a trait à la façon dont
les ressources sociales sont rendues disponibles par le biais cette
fois du marché, de l’État de la
société civile, cela selon les trois
principes en équilibre que sont la
liberté, l’égalité et la solidarité.
La dernière règle s’intéresse à la
liberté des individus et à leur
engagement dans leur collectivité
d’appartenance. Cette règle stipule
d’une part qu’il faut prendre en
compte l’interdépendance des individus et des collectivités au sein
des familles des quartiers et des
milieux de vie. Elle sous-entend,
d’autre part, que cette prise en
compte doit faire une place à son
tour au jugement des individus.
Le classement des indices existants
Plus d’une quarantaine d’indices
existants ont été retenus par les
chercheurs pour faire le portrait de
ce qui existe en matière de mesure
du développement social. Le choix
qui a présidé à ces indicateurs s’appuie sur plusieurs critères. Certains
indices ont été retenus parce qu’ils
sont très connus. D’autres parce
qu’ils s’imposent en raison de leur
originalité ou de leur capacité de
mesurer le développement social.
Pour chacun d’eux, une fiche signalétique a été préparée. Elle donne de
l’information sur les origines de
l’indice, sur sa portée et ses limites,
surtout au plan des règles opératoires évoquées plus haut. Un
résumé schématique de cette
recension permet de classer
l’ensemble de ces indicateurs sous
la forme d’un modèle qui situe les
indices selon leur plus ou moins
grande proximité à une logique
économique ou à une perspective
plus politique, liée à la personne,
à ses choix, à ses valeurs. Près du
premier pôle se retrouvent des
indicateurs comme le PIB per
capita, qui caractérise une société
par sa capacité de produire des
biens répondant aux besoins des
individus. Dans l’autre pôle, on
recense des indicateurs qui ont
trait à la participation sociale par
exemple. Sur un troisième plan, il y
a la catégorie des indices composites donnant un aperçu de grands
problèmes sociaux. Un indice
comme le Social Development Index
appartient à cette famille. Sur un
autre plan, les indices résultant
des analyses régionales et locales
comme les indices démographiques et sociaux décrivent des
réalités proches des individus. Une
dernière catégorie d’indices réunit
des indicateurs s’intéressant à la
notion de qualité de vie, soit en ce
qui a trait aux bénéfices qu’offrent
les milieux de vie, du côté du pôle
à logique économique, soit en ce
qui concerne de l’implication des
personnes dans leur communauté,
du côté du pôle l’intervention
du sujet.
Panorama pour la construction
d’indicateurs nouveaux ou
améliorés
Bien que plusieurs indicateurs
analysés répondent aux critères de
validité ou de pertinence retenus, il
reste que plusieurs d’entre eux ne
franchissent pas la rampe. Suivant
donc la définition adoptée, partant
des exigences relatives à la construction d’outils de mesure, la
construction d’indicateurs synthétiques de développement social
devrait se déployer dans un espace
à deux dimensions, couvrant
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
59
DOSSIER> LA MESURE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
respectivement 1) le domaine
d’intervention concerné et 2) les
niveaux où s’exprime le développement social : individus, familles,
régions ou quartiers, sociétés
entières à diverses périodes.
Ainsi, de bons indices de développement social devraient permettre
de faire le décompte du nombre
d’individus qui dans une société
sont en bonne santé, sont capables de s’approprier les connaissances et bénéficient d’une
sécurité économique adéquate.
Ils devraient par ailleurs nous
renseigner sur la résilience des
familles en cas de coups durs, sur
la précarité de l’emploi et la qualité
du travail. Ils importe qu’ils nous
renseignent ensuite sur les relations complexes qui unissent les
questions relatives à la démographie, à l’économie et l’écologie
tout en documentant la façon dont
nos sociétés font leurs arbitrages
en matière de valeurs et d’objectifs
de développement social.
Pour arriver à mesurer le
développement social dans ces
divers domaines et à ces divers
niveaux, les indices synthétiques
peuvent utiliser divers étalons :
l’argent, le temps et l’espace, d’une
part, et d’autre part, le jugement
des individus (vision, valeurs, perception) et les jugements collectifs.
Ces diverses mesures devraient permettre d’utiliser une démarche
causale, qui essaie de cerner les
processus par lesquels diverses
cibles du développement social
peuvent être atteintes.
nécessité évidente. Celui de l’indice
de défavorisation en regard de la
litéracie en est un. Sans compter le
chantier de l’indice de précarité de
l’emploi et l’indice subjectif de la
qualité de la vie familiale. Un mot
seulement sur le premier chantier
permettra ici d’avoir une idée des
travaux entrepris (ou à entreprendre) dans les autres.
Les chantiers de recherche
Voilà. Ayant discriminé ce qui est
bon de ce qui l’est moins dans le
stock des indicateurs existants et
sachant ce qu’il faut prendre en
compte pour déployer de meilleurs
indices, les auteurs proposent 14
chantiers de recherche. Chacun
de ces chantiers comprend un
programme en quatre parties :
1) présentation de l’objectif poursuivi par l’indice, 2) information
sur sa méthode de construction,
3) rappel des travaux déjà entrepris
sur le sujet et 4) proposition de
pistes de recherche à prendre en
compte pour mener à leur
déploiement optimal.
Ce premier chantier est réservé aux
indices de défavorisation sociale et
économique en regard de la santé.
C’est un classique qui part des
remarquables travaux de Robert
Pampalon, consistant à jumeler,
sur la base d’unités d’analyse relativement homogènes, des données
relatives aux grands déterminants
sociaux et économiques de la
santé des individus. On comprend
que ces travaux, tout aussi rigoureux soient-ils et bien qu’ayant été
largement diffusés et utilisés par
une pléiade d’acteurs, peuvent
encore être peaufinés. Ainsi, la
variable dépendante « santé »
gagnerait à avoir une acception
commune, plus universelle, ce
qui faciliterait les comparaisons
internationales; les variables
indépendantes, quant à elles,
mettent l’accent sur les aspects
Il n’y a pas lieu ici de reprendre
en détail chacun de ces chantiers.
Contentons-nous de dire que
certains d’entre eux sont d’une
(Suite de la page 57)
Finalement, il y a la question de l’usage de ces liens sociaux qui ne se fait
pas dans un vacuum. Les personnes peuvent avoir accès à des ressources
par le biais de ces liens sans nécessairement y avoir recours. Ici les politiques sociales, certaines interventions bien ciblées peuvent favoriser une
meilleure utilisation, voire un certain développement du capital social. Par
ailleurs, très souvent, ce sont des événements apparemment fortuits qui
vont conduire les personnes à un usage plus optimal de ces ressources.
Pour les femmes par exemple, l’arrivée d’un nouveau conjoint ou le vieillissement des enfants a parfois pour effet de les inciter à réactiver leurs
réseaux pour l’insertion en emploi.
60
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
sociaux et économiques de la défavorisation, mais on pourrait y
ajouter une composante culturelle;
et puis, on conçoit aisément que
les unités d’analyse retenues
peuvent être l’objet d’une erreur
écologique dont il faut mieux
mesurer la portée. Et ainsi de suite.
On le voit, l’ouverture de 14 chantiers
de recherche ne consiste pas à
repousser aux Calendes grecques
l’adoption d’indicateurs de
développement social. Elle vise à
composer avec ce qui se fait de
mieux, à classer les meilleurs
indices dans un ordre cohérent
et de rassembler l’ensemble des
personnes concernées par la
mesure du développement social
autour d’un programme commun,
un programme qui, à l’instar du
développement social lui-même,
est en perpétuelle évolution…
Bonne lecture !
DS : En terminant, comment ne pas vous vous demander un dernier
mot sur la mesure du développement social…
M.L. : Parlant d’indicateurs ou de mesures du développement social,
il importe, à mon avis de bien distinguer la cible des processus. Si on
considère que le développement social correspond à une amélioration
des conditions de vie, ce sont des indicateurs relatifs à ces conditions
de vie qui doivent être retenus. Si, au contraire, on croit que le développement social correspond à un processus, par exemple le développement
d’une mobilisation communautaire, d’autres indicateurs devront être
retenus. Cela étant, ce qu’il faut éviter c’est de confondre l’un et l’autre
en croyant mesurer l’amélioration des conditions de vie par une mesure
de la mobilisation.
NOUVELLESBRÈVES>
9es journées annuelles
de santé publique
tendances et mouvances
Montréal, le 15 août 2005 – Pour leur neuvième édition, les Journées annuelles
de santé publique (JASP) observeront les tendances et les mouvances en santé
publique afin d’offrir aux 2 000 participants attendus des contenus de formation
dignes de la réputation de l’événement. Du 14 au 17 novembre 2005, au Centre des
congrès de Québec, les JASP seront l’événement incontournable en santé publique.
« Cette année, nous lançons une invitation à
aborder les principales fonctions et stratégies
de la santé publique avec un regard neuf, fondé
sur les acquis du passé, éclairé par le présent
et prévoyant l’avenir, disent François Desbiens,
président du comité organisateur et Réal Morin,
président du comité scientifique. La pratique de
la santé publique n’est pas un long fleuve tranquille et nous en sommes bien conscients. C’est
pour cette raison que le thème choisi est
Tendances et mouvances. »
Encore cette année, 20 journées thématiques
sont au programme, brûlantes d’actualité,
pertinentes et sensibles, choisies pour répondre
directement aux besoins de formation des gens
qui œuvrent en santé publique ou qui s’y
intéressent. On parlera notamment d’obésité,
de sécurité alimentaire, de suicide chez les
hommes, d’infections nosocomiales, du
développement optimal des enfants de 2 à 5
ans, de retrait préventif de la travailleuse
enceinte, d’eaux de baignade, du virus du papillome humain, de dépistage populationnel en
génétique. Comme d’habitude, l’Association
pour la santé publique du Québec remettra le
prix Jean-Pierre-Bélanger pour souligner l’innovation en promotion de la santé. De son côté,
l’Association des médecins spécialistes en santé
communautaire du Québec tiendra son congrès
annuel aux JASP, réunissant ses membres autour
du thème: L’éthique dans les interventions de santé
publique : lui faire une place. L’Institut de la
statistique du Québec prendra aussi part à
cet important rendez-vous en se penchant
sur La violence familiale dans la vie des enfants :
connaître, comprendre, prévenir.
Des conférenciers de marque
Chaque journée débutera par une conférence
plénière prononcée par un invité de renom.
Le lundi matin, Pierre Perrin, médecin-chef au
Comité international de la Croix-Rouge, traitera
des grands enjeux de l’action de santé publique
dans des situations de catastrophes. Suivra, le
mardi matin, Daniel Weinstock, professeur
titulaire au Département de philosophie de
l’Université de Montréal et président du Comité
d’éthique de santé publique du Québec. Il abordera la question de l’intégration efficace de
l’éthique en santé publique. Le mercredi matin,
ce sera au tour de John Raeburn, professeur à la
School of Population Health, Faculty of Medical
and Health Sciences, Université de Auckland en
Nouvelle-Zélande, de s’interroger sur la nécessité de promouvoir la santé mentale à l’échelle
mondiale. Enfin, le jeudi matin, Larry Frank,
titulaire de la Bombardier Chair in Sustainable
Urban Transportation Systems, School of Community and Regional Planning, Université de la
Colombie-Britannique, posera la question suivante : En quoi l’environnement bâti contribuet-il ou nuit-il à la pratique de l’activité physique?
Dr David Butler-Jones, administrateur en chef
de la santé publique, Agence de santé publique
du Canada, convie les participants à un dîner
causerie le mercredi 16 novembre afin de
discuter des grandes problématiques de santé
publique canadiennes.
Forts populaires l’an dernier, les JASP offrent
encore des ateliers méthodologiques pour
mettre la main à la pâte autour de thématiques
telles que l’utilisation des résultats d’évaluations
économiques, la surveillance de l’état de santé
de petites populations, l’interdisciplinarité et le
travail d’équipe et les stratégies de partage des
connaissances. Les participants auront l’occasion de passer la journée avec un ou deux formateurs aguerris afin d’approfondir des techniques, des stratégies et des trucs du métier.
Les communications par affiches seront également de retour pour satisfaire l’appétit scientifique des participants. Quelques exposants,
parmi les partenaires et les collaborateurs des
JASP, viennent compléter cette organisation
qui ne cesse de croître au fil du temps laissant
croire à une réelle soif de formation de la part
du réseau de la santé publique et des secteurs
apparentés.
Tarifs spéciaux et bourses
C’est grâce à la contribution financière de
l’Institut national de santé publique du Québec,
de l’Institut de la statistique du Québec, du
ministère de la Santé et des Services sociaux
du Québec, de l’Agence de santé publique du
Canada, de Santé Canada et de la Fondation
Lucie et André Chagnon que les Journées
annuelles de santé publique sont en mesure
d’offrir une programmation de qualité à des
tarifs raisonnables. Des tarifs spéciaux sont
d’ailleurs en vigueur pour les centres de la
petite enfance et les garderies et des bourses
sont prévues pour les étudiants à temps plein
et pour les organismes communautaires.
Il est possible de consulter le programme
officiel et d’obtenir tout autre renseignement
concernant les tarifs, les bourses ou les affiches,
sur le site Web des JASP 2005 :
www.inspq.qc.ca/jasp.
Les Journées annuelles de santé publique sont
organisées par un consortium formé de partenaires pour qui la santé publique est une préoccupation de premier ordre : l’Association pour la
santé publique du Québec, l’Association québécoise d’établissements de santé et de services
sociaux, l’Association des médecins spécialistes
en santé communautaire du Québec, les directions de santé publique au sein des agences de
développement de réseaux locaux de services
(Suite page 63)
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
61
Le budget participatif :
on en parle de plus en plus
PAR DANIÈLE AVELINE, ÉQUIPE DE RÉDACTION
Le budget participatif dans
le monde
Porto Alegre, capitale de l’Etat
de Rio Grande do Sul au Brésil,
en 1989, la municipalité élue
l’année précédente créa un système innovant et révolutionnaire
de formulation et d’accompagnement du budget municipal, appelé
budget participatif.
A
Dans le budget participatif, ce ne
sont pas les techniciens ou les
dirigeants qui tranchent : c’est la
population elle-même qui, au travers d’un mécanisme maintenant
bien rodé de débats, de consultations et de décisions, définit le montant des recettes et des engagements
financiers, décide où seront effectués
les investissements et selon quelles
priorités (…). La preuve a été apportée que les mécanismes pratiques
de participation - même s’ils ne
touchent encore qu’une petite partie
de la population - et l’engagement
des autorités municipales à faire ce
que les habitants ont décidé jouent
un rôle fondamental pour briser les
barrières bureaucratiques entre la
société et l’Etat, et pour construire
une citoyenneté active et mobilisée.
Même si, dans sa courte histoire, il a
acquis le statut de référence nationale
et internationale, le budget participatif ne saurait être transposé de
manière automatique d’une réalité
dans une autre.
Raul Pont, Maire de Porto Allegre
(Le Monde diplomatique mai
2000).
Ainsi sont gérés, à Porto Alegre,
quelque 20 % du budget de la ville,
portant sur les grands secteurs
d'investissements publics : infrastructures et communications,
énergie, santé, éducation, environnement et qualité de la vie...
Aujourd’hui, plus de 250 villes dans
le monde expérimentent, chacune
à leur manière, le budget participatif et sont regroupés dans un
réseau mondial.
Nous nous sommes retrouvés autour
de la brèche qu'a ouvert le processus
totalement novateur du Budget
Participatif de Porto Alegre : En effet,
l'ensemble du Budget de la ville, en
liaison étroite avec le maire, est
débattu, décidé et contrôlé par la
population. Les règles de fonctionnement de la démarche sont coélaborées par le pouvoir municipal et
la population et rediscutées
annuellement. Au quotidien, une
nouvelle relation s'invente entre le
pouvoir municipal légalement élu et
la société civile. Le processus engagé
à Porto Alegre permet de revivifier la
démocratie représentative, acquis
non négociable, par la démocratie
participative, garante d'une citoyenneté active.
(Extraits de la Charte du regroupement mondial pour le budget participatif)
Qu’en est-il au Québec?
Plusieurs municipalités ont commencé à se documenter et à débattre sur une possible adaptation du
concept de budget participatif,
c’est le cas par exemple de
Gatineau et Trois-Rivières qui l’ont
envisagé. Dans l’arrondissement
du Plateau Mont-Royal à Montréal,
le Conseil d’Arrondissement vient
de voter une résolution, le 6 septembre, afin de demander au
Conseil Exécutif de la Ville : de mandater l’Office de consultation
publique de tenir des audiences
publiques sur le processus de budget
participatif. La mairesse de l’arrondissement précise que le
Conseil vise un processus qui serait
en place pour mars 2006, lors de la
préparation du budget. Pendant la
période de questions, certains
citoyens ont soulevé leur inquiétude en soulevant le manque d’expertise de l’Office en la matière et
demandent à ce que le Comité de
travail local regroupant une
douzaine d’organismes du quartier, soit associé à ces travaux. Ce
comité travaille sur ce sujet depuis
deux ans et a des propositions
concrètes à mettre de l’avant. Nous
reviendrons sur le sujet dans un
prochain numéro.
Le Régime québécois d’assurance parentale
Un régime mieux adapté au Québec d’aujourd’hui… et de demain
e Québec aura bientôt son
propre régime d’assurance
parentale. À compter du 1er
janvier 2006, le Régime québécois
d’assurance parentale remplacera
les prestations de maternité et
parentales offertes en vertu du
régime fédéral d’assurance-emploi.
Les familles québécoises bénéficieront alors d’un régime plus
généreux, plus souple et plus
accessible, bref d’un régime mieux
adapté à leur réalité actuelle.
L
62
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Plus généreux
Sous le régime québécois, le
revenu assurable maximal sera
augmenté et les deux semaines
d’attente avant le début des
prestations n’existeront plus.
Plus souple
Les parents du Québec auront le
choix entre le régime de base et le
régime particulier. Sous le régime
de base, le taux de remplacement
de leur revenu sera moins élevé
que sous le régime particulier,
mais la période de prestations
sera plus longue.
Plus accessible
Les travailleuses et les travailleurs
autonomes pourront y être admissibles, tout comme les salariés.
Plus pour le père
Des prestations de paternité seront
destinées exclusivement au père,
ce qui n’est pas le cas sous le
régime fédéral.
Le Régime québécois d’assurance
parentale répond à l’évolution
du marché du travail du Québec.
Il offre aux travailleuses et aux
travailleurs un moyen concret de
mieux concilier leurs responsabilités familiales et professionnelles.
Pour obtenir plus d’information sur
le Régime québécois d’assurance
parentale et sur les conditions
d’admissibilité, consultez le site
Internet du Régime à l’adresse
www.rqap.gouv.qc.ca ou téléphonez, dès le 1er novembre au
Centre de service à la clientèle au
numéro 1 888 610-7727 (RQAP).
(Suite de la page 61)
de santé et de services sociaux, l’Institut national de santé publique du
Québec, l’Institut de la statistique du Québec et le ministère de la Santé
et des Services sociaux du Québec.
Renseignements :
Julie Trudel, agente d’information
Institut national de santé
publique du Québec
(514) 864-1364
[email protected]
Le réseau en
développement social
des grandes villes
PAR DANIÈLE AVELINE, ÉQUIPE DE RÉDACTION
fin d’échanger sur les pratiques en développement social, les
9 grandes villes du Québec de plus de 100 000 habitants se sont
dotées d’un réseau informel qui se réunit une ou deux fois par année.
Les responsables du développement social des villes se sont rencontrés
le 3 juin dernier à Trois-Rivières. La revue Développement social y était.
A
La plupart des villes étant dans la phase d’élaboration de leur plan de
développement social, c’est l’occasion pour elles de soulever certains
enjeux. En voici quelques-uns qui donnent une idée de la richesse des
échanges :
• le DS est transversal et pourtant il est confié à un service, dès lors, il
faut convaincre les autres services (urbanisme, habitation, etc.) de son
importance dans l’ensemble des secteurs d’intervention de la ville
• la démarche d’intégration des différents plans doit venir idéalement de
la direction générale de la ville et être portée par des élus
• le processus de la planification est long, on peut s’y embourber, et
les problématiques sociales qui évoluent vite dans un milieu urbain
obligent à s’adapter rapidement
• les citoyens sont consultés dans l’élaboration du plan, mais cela crée
des attentes, et ils ne sont pas souvent informés du suivi; pourtant ce
sont eux les premiers concernés et souvent eux qui vont assurer la
pérennité des actions (les élus, eux, changent)
• les réalités sont multiples dans un milieu urbain, et pas seulement sur
le plan territorial (groupes d’âge, minorités, communautés culturelles…),
il faut en tenir compte tout en gardant une vue d’ensemble.
Ils ont conclu la journée sur un défi qui leur est commun : comment
concilier les intérêts des citoyens, des partenaires, des groupes de pression qui influencent chacun à leur façon les décisions des élus locaux.
Malgré l’importance de la planification, certains prônent aussi la sagesse :
la ville a des capacités d’intervention limitées et ne vaut-il pas mieux
cibler quelques actions prioritaires et bien les mener que de se perdre
dans une myriade de cibles?
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
63
Colloque Regards sur la diversité
des familles : Mieux comprendre
pour mieux soutenir
Une réflexion à poursuivre
PAR CHANTALE DUMONT,
CONSEIL DE LA FAMILLE ET DE L’ENFANCE
Les 10 et 11 mai dernier, le Conseil de la famille et de l'enfance
a accueilli près de 200 personnes au colloque Regards sur la
diversité des familles : Mieux comprendre pour mieux soutenir.
Cet événement s’inscrivait dans le cadre du mandat confié
au Conseil en avril 2004 par M. Claude Béchard, ministre de
l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, d’examiner
les nouveaux modèles familiaux en regard des rôles de
chacun des membres de la famille.
n ouverture du colloque, la présidente
du Conseil de la famille et de l’enfance,
Mme Marguerite Blais, nous a rappelé que la
société et la famille québécoises avaient changé
depuis les 40 dernières années et que malgré
tous les progrès accomplis en matière de soutien aux familles, il restait encore beaucoup
à faire, particulièrement en ce qui a trait aux
nouvelles réalités familiales.
E
Le colloque se voulait un lieu d’échange et de
partage qui permettrait de mieux connaître les
nouvelles structures familiales, leurs nouvelles
problématiques, de manière à permettre une
meilleure adéquation entre les services disponibles et l’évolution des besoins des familles.
Mieux comprendre pour mieux soutenir, tel
était le thème du colloque. Comprendre nous
aide à prendre la juste mesure et à dédramatiser
les changements familiaux. La perspective historique et les autres sciences humaines aident
à prendre du recul et à voir la pluralité familiale
dans l’histoire de l’humanité. Les travaux des
historiens nous rappellent que les sociétés
anciennes avaient aussi leur lot de diversité :
taille, structure, type de familles.
Ce n’est donc pas un hasard si plusieurs
conférenciers ont commencé leur présentation
par une mise en contexte historique du sujet,
du problème, du concept dont ils venaient
nous parler.
64
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Pendant ces deux jours, les participants ont pu assister à des
activités variées qui avaient pour objectif de favoriser une
meilleure appropriation de la réalité des familles québécoises:
conférences, ateliers, table ronde, consultation, etc. Le texte
qui suit est tiré de la Synthèse du colloque réalisée et présentée par M. Germain Dulac, sociologue, en guise d’activité
de clôture.
Cette diversité se reflète dans les médias et
M. Jean-Pierre Desaulniers, professeur en
anthropologie et sociologie des communications à l’UQAM –récemment décédé-, nous a
dit que les séries télévisées dévoilent quotidiennement un portrait de nos peurs, de nos
espoirs, de nos désirs sur notre idéal familial.
Nul doute que ces portraits de famille sont le
sujet de discussions passionnées au lendemain
de leur présentation à la télévision.
La plupart des interventions des participants
à ce colloque ont mis en lumière que les problèmes se situent peut-être moins dans la capacité d’accepter la diversité des modèles, des
types, des formes de famille, mais davantage
dans la difficulté d’assouvir notre besoin de
liens inconditionnels. D’ailleurs, M. Jacques
Dufresne, philosophe, souligne à juste titre
que nous sommes tous à la recherche de liens
inconditionnels, authentiques, purs et dénués
de mensonges autant dire des liens infiniment
rares. Et c’est justement parce qu’ils sont rares,
dit-il, que le consensus sur ce qu’est une famille
ne devrait pas porter sur sa forme, ni sur la
manière de la nommer, mais plutôt sur le nombre et la qualité des liens inconditionnels que
l’on peut espérer y trouver.
Comprendre, c’est donc comme le voulait ce
colloque, être à l’écoute des personnes, des
familles, des organismes; c'est-à-dire être à
l’écoute du vivant. La société puise sa vigueur
dans la part de créativité du milieu. Il ne faut
pas oublier que le vécu, le vivant offre toujours
la matière première du contrat social.
Les enjeux des familles au quotidien, des défis
et des plaisirs de la vie en famille
Comprendre c’est être à l’écoute des parents.
La question des revenus familiaux est une
préoccupation généralisée, comme le sont aussi
des enjeux tels que le peu de soutien des institutions et du milieu de travail et la conciliation
des horaires familiaux avec ceux du travail.
Ce qui est frappant, c’est que les parents nous
disent qu’il est difficile d’être parents alors que
l’on ne reconnaît pas leur expérience, qu’on ne
valorise pas leur rôle ce qui, on le comprendra,
a un impact sur l’estime de soi en tant que
parents, particulièrement pour ceux qui désirent
s’investir, fonder une nouvelle famille.
Alors que la famille se complexifie, de nouveaux
savoirs viennent quotidiennement brouiller les
cartes pour les parents. On peut se demander
jusqu’à quel point les experts n’ont pas désapproprié les parents et les grands-parents de leur
savoir-faire. Ainsi, lorsque l’on parle de solidarités et de liens entre les générations, plusieurs
s’interrogent à savoir si dans une telle situation,
on peut encore parler de transmission intergénérationnelle, de transmission de savoir-faire
et de culture parentale.
Mais au-delà des craintes, les parents disent
aussi ce qu’ils aiment dans la vie familiale. C’est
peut-être un indicateur de ce qu’il faut protéger,
défendre et soutenir. C’est essentiellement,
disent-ils, de voir l’évolution de l’enfant, d’être
avec lui, de faire des choses ensemble. Mais
pour cela, il faut du temps.
Se jouer de la différence !
Le volet « Camps d’été » du programme Accompagnement en loisir, a permis à quelque
mille enfants de vivre un été mémorable.
Afin de permettre à un plus grand nombre d’enfants et d’adultes vivant avec des limitations fonctionnelles de fréquenter les activités de loisir de leur quartier en 2005, la Ville
de Montréal a consenti une somme de plus de 424 000 $ dédiée à l’accompagnement
en loisir.
La participation municipale au programme a fait passer de 28 heures à 64 heures,
le nombre moyen d’heures d’accompagnement.
À l’annonce de cette subvention, le maire de Montréal, monsieur Gérald Tremblay déclarait « Nous sommes au cœur même du principe d’accessibilité
universelle : permettre à tous les Montréalais de recevoir la même prestation et la même qualité de services ». Pour sa part, Monsieur Cosmo Maciocia,
membre du comité exécutif, responsable du Développement social mentionnait : « Nous reconnaissons une fois de plus l’implication essentielle des organismes, tel que AlterGo et les camps de jour participants, à l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées de Montréal ».
Pour informations : Lyse Chartrand, division du développement social, (514) 872.9728 ou lchartrand @ville.montreal.qc.ca
L’État et le soutien aux familles
Quoique bien des efforts aient été déployés afin
d’adapter les services à la diversité des réalités
familiales d’aujourd’hui, on déplore toujours la
faible intégration transversale-horizontale des
besoins des parents et des familles à travers
toutes les institutions, et c’est ce que les gens
attendent d’une véritable politique familiale.
Mais c’est aussi une condition de succès du
soutien aux familles.
Combien de fois avons-nous entendu que l’État
n’était pas là pour « organiser les gens », mais
pour les aider à s’organiser, par eux-mêmes et
pour eux-mêmes en s’appuyant sur leur expertise de parents, mais aussi sur l’expertise des
autres partenaires qui aident déjà les familles.
Le temps
Plus les types, les formes de famille se développent et se complexifient, plus il faut de temps
aux parents. Tous s’entendent pour dire que les
familles consacrent de plus en plus de temps à
gagner leur vie et celles des enfants ainsi qu’à
aider et soutenir les proches et les personnes
vulnérables. Pas étonnant, dans ce contexte,
que les parents disent manquer constamment
de temps.
Le temps dans la vie familiale c’est aussi
l’asynchronie des temps des hommes et des
femmes qui se remarque dès que le couple parle
d’avoir un enfant, comme le faisait remarquer
Mme Denise Lemieux, professeure chercheure
à l’INRS Urbanisation, Culture et Société. Puis
le temps dans la conciliation, c’est aussi le
temps différentiel des pères et des mères.
On semble s’entendre sur le fait que si l’on veut
que les hommes soient plus présents dans la
famille, qu’ils soient des pères engagés il faut
qu’ils soient considérés comme des acteurs
importants dans la réflexion sur la conciliation
travail-famille.
Enfin, de plus en plus de personnes semblent
sensibles à l’idée qu’il faut plus d’hommes dans
les sphères d’activité de caring*. Si comme
le souligne M. Claude Martin, directeur de
recherche sur l’action politique en Europe, le
prochain défi auquel devront faire face nos
sociétés est celui d’un care deficit, ne serait-il
pas temps de considérer les hommes, les fils,
les pères comme des personnes ayant un
potentiel de caring et de faire en sorte que
ce potentiel puisse s'exprimer dans toute
sa générosité?
M. Dulac concluait la synthèse sur cette phrase :
« S’il y a moins de bénédiction paternelle c’est
peut-être parce que les pères d’aujourd’hui
peuvent asseoir leur statut de parent sur les
relations affectives, dire et agir leurs sentiments, l’exprimer d’égal à égal avec leurs
enfants beaucoup plus que sur la symbolique. »
Les actes du colloque Regards sur la diversité des
familles : Mieux comprendre pour mieux soutenir
seront bientôt disponibles en version électronique. Pour y avoir accès, consulter le site du
Conseil de la famille et de l'enfance à l’adresse
suivante : www.cfe.gouv.qc.ca.
Lors de la deuxième journée, les participants
ont été invités à participer à une consultation.
Les discussions ont porté sur les enjeux reliés
aux nouveaux modèles familiaux autour de
deux thèmes principaux : le partage des responsabilités publiques et privées ainsi que la
parentalité et la filiation.
La consultation s'inscrivait dans le cadre du
mandat ministériel d'examiner les nouveaux
modèles familiaux en regard des rôles de chacun des membres de la famille. À partir des
points de vue recueillis, le Conseil de la famille
et de l'enfance rédigera un avis qui sera remis à
la ministre de la Famille, des Aînés et de la
Condition féminine, Mme Carole Théberge à la
fin de l'année 2005.
* Caring : terme répandu en France pour désigner les activités liées aux
soins et à la prise en charge des personnes.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
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LECTURESUTILES>
Les interfaces entre l'État
et le tiers secteur au Québec
par Jean Proulx, Denis Bourque et Sébastien Savard
Revue Interventions Économiques
Le dernier numéro de la Revue Interventions Économiques porte sur
l'économie sociale et dresse un bilan des recherches et des pratiques
au Québec. Plusieurs auteurs ont contribué à l'ouvrage.
Pour en savoir plus :
• Introduction au numéro par Diane-Gabrielle Tremblay, Directrice de la revue
• Histoire et actualité de l’économie sociale. Quelques repères par Jacques Defourny,
Université de Liège
• L'expérience de recherche de l'Alliance de recherche universités-communautés
en économie sociale par Denis Bussières (ARUC-ÉS) et Jean-Marc Fontan,
professeur, UQAM
• L’économie sociale : diversité des définitions et des constructions théoriques par
Benoît Lévesque, sociologue, UQAM et ÉNAP et Marguerite Mendell, économiste,
Université Concordia
• Le logement coopératif et associatif comme innovation sociale émanant de la société
civile par Marie J. Bouchard, professeure, UQAM et Marcellin Hudon, Association des
groupes de ressources techniques du Québec
• Pauvreté, fragilités individuelles et habitat : le rôle de l’économie sociale par
Jacques L. Boucher, Professeur, Université du Québec en Outaouais
• L'ambition du tourisme social : un tourisme pour tous, durable et solidaire!
par Louis Jolin, Professeur, École des sciences de la gestion de l'UQÀM et Luce Proulx,
Chargée de cours, École des sciences de la gestion de l'UQÀM
• Le long parcours du partenariat en employabilité au Québec par Martin Robitaille,
Ph.D. en Sociologie, Université du Québec en Outaouais
• Commerce équitable, économie sociale et coopération internationale : les nouveaux
croisements par Louis Favreau, Sociologue et titulaire, Chaire de recherche du Canada
en développement des collectivités (UQO)
• Financement de l’économie sociale : dans une bonne direction? par Ralph Rouzier,
Sociologue, UQAM
• Tout un défi : faire travailler ensemble des praticiens et des chercheurs universitaires!
Réflexions sur l’expérience de l’Alliance de recherche universités-communautés
en économie sociale (ARUC-ÉS) par Michel Blondin, avec la collaboration de
Jean Sylvestre, Fonds de solidarité FTQ (formation)
• Le premier Guide d’analyse des entreprises d’économie sociale par Élise Tessier,
Directrice, Réseau d’investissement social du Québec.
Jeux d'échelle et transformation de l'État :
le gouvernement des territoires au Québec et en France
Sous la direction de Laurence Bherer, Jean-Pierre Collin, Éric Kerrouche et Jacques
Palard, Les Presses de l'Université Laval, Québec, 2005
Sous nos yeux, la politique change d'échelle : du quartier urbain aux grands ensembles
continentaux, l'organisation des collectivités humaines est en pleine transformation.
Comment appréhender ce changement fondamental ? De quelle façon saisir la nature
des nouveaux enjeux et des nouveaux modes de l'action publique ? Sur quelle base
repenser la place de l'État? Les initiateurs de cet ouvrage font le pari raisonné que le
« territoire » est un niveau d'analyse pertinent : plus que jamais, le local constitue un
enjeu central. D'abord parce que la restructuration urbaine est révélatrice du poids des
métropoles dans l'organisation de l'économie « monde ». Également en raison de
l'émergence, en leur sein, de dispositifs d'action inédits : nouveaux systèmes d'acteurs,
nouvelles modalités de la vie démocratique, nouvelles stratégies de développement.
66
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Les auteurs étudient ici les interfaces entre l'État et les
organismes du tiers secteur au Québec. Pour ce faire, ils
ont étudié des organismes intervenant dans huit champs
d'activité différents : les services aux jeunes de la rue
(projet Ketch Café); le logement pour personnes ayant une
déficience intellectuelle (projet Logement à soutien
gradué); les organismes de soutien aux aidants et aidantes
naturels; les centres communautaires de loisir (CCL); les
habitations communautaires pour aînés et aînées (HCA);
les centres de la petite enfance (CPE); les entreprises d'économie sociale en aide domestique (EESAD) et les services
spécialisés de main-d'œuvre pour les personnes handicapées
(SSMOPH). Après une revue de littérature internationale
portant sur les rapports entre l'État et le tiers secteur, ils
ont analysé ces rapports à partir de la typologie développée par Jennifer M. Coston qu'ils ont adaptée à la réalité
québécoise.
Nouvelle configuration des
services sociaux et de santé :
Quel rôle pour les associations et organismes
communautaires?
Publié dans la revue L'Abri par Denis Bourque
Les services sociaux et de santé sont en profonde reconfiguration au Québec depuis le début de l'année 2004. Dans ce
contexte cet article passe en revue les principaux éléments
qui alimentent cette nouvelle donne et identifie quelquesuns des enjeux et des défis que cela représente pour les
associations et organismes communautaires ainsi que pour
les centres de santé et de services sociaux (CSSS).
Rural-urbain. Nouveaux liens,
nouvelles frontières
par Samuel Arlaud, Yves Jean et Dominique
Royoux aux Presses Universitaires de Rennes
en France, 530 pages.
Alors qu'on peut s'interroger sur la pertinence et la valeur
des mots « rural » et « urbain » dans le monde contemporain,
des économistes, des géographes, des sociologues et des
historiens analysent les espaces dits périurbains.
Lotissements pavillonnaires, petits immeubles collectifs,
zones d'activités secondaires ou tertiaires, axes de communication, ceux-ci se mêlent au paysage des campagnes.
Pour information :
Chantale Doucet, Chaire de recherche en développement
des collectivités (CRDC), (819) 595-3900 poste 2296 ou
[email protected].
Pour une meilleure
représentation des femmes
dans la Loi électorale
Pour une jeunesse en marche
vers l’égalité entre les femmes
et les hommes
Le Conseil du statut de la femme (CSF) a livré sa réflexion sur l’avant-projet de loi remplaçant la Loi électorale et se réjouit de l’introduction d’un
article visant une représentation équitable des femmes et des hommes
de même que des personnes appartenant à des minorités ethnoculturelles à l’Assemblée nationale.
En juin dernier, le Conseil du statut de la femme (CSF) publiait un
mémoire relatif au document de consultation sur la future Stratégie
d’action jeunesse 2005-2008. Intitulé « Pour une jeunesse en marche vers
l’égalité entre les femmes et les hommes », le document du Conseil aborde chacune des orientations présentées dans le projet gouvernemental
et propose d’y inscrire le principe de l’égalité entre les femmes et les
hommes.
Pour accroître le nombre de candidates et d’élues, le Conseil du statut de
la femme approuve les mesures de soutien financier proposées dans le
document. Cependant, il ne croit pas que le mode de scrutin ait une incidence quelconque sur l’émergence de candidatures féminines et l’élection des femmes et estime que le scrutin proportionnel mixte proposé
comporte des déficiences du point de vue démocratique. Le CSF
souhaite donc que le Québec conserve son mode de scrutin actuel. Le
Conseil invite plutôt les partis politiques à s’interroger sur leur culture et
leurs différentes règles qui pourraient nuire à une intégration harmonieuse des femmes dans leurs organisations.
Intitulé « Mémoire sur l’avant-projet de loi remplaçant la Loi électorale », ce
document contient une dizaine de recommandations et peut être consulté sur le site Internet du Conseil du statut de la femme au :
www.csf.gouv.qc.ca.
Source : Johanne Roy, CSF
Suggestion de site Internet
Entre autres, le Conseil recommande d’augmenter le taux d’emploi des
femmes pour éviter une pénurie anticipée de main-d’œuvre, demande
des mesures concrètes de conciliation travail-famille et se préoccupe des
relations sexuelles précoces des jeunes.
Le Conseil s’intéresse également au choix de carrières des jeunes et à
leur réussite scolaire dans un cadre éliminant toute conception stéréotypée des rôles masculins et féminins.
Le Conseil du statut de la femme formule une vingtaine de recommandations pour que la Stratégie d’action jeunesse s’inscrive dans une
perspective d’égalité entre les femmes et les hommes du Québec.
Vous pouvez consulter ce document sur le site Internet du Conseil du
statut de la femme au : www.csf.gouv.qc.ca.
Source : Johanne Roy, CSF
Créé en 2000, la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable (connue anciennement sous le nom de chaire économie et humanisme)
tente, notamment, de comprendre la dimension éthique de l'économie et de son institution clef, l'entreprise, pour être en mesure d'arrimer le système
économique à des valeurs humaines, bref pour humaniser l'économie. Plusieurs des travaux de recherche sont en ligne sur le site :
http://www.crsdd.uqam.ca
AJOUTERÀVOSFAVORIS>
PAR IGOR BALUCZYNSKI ET MARIE-CÉCILE GLADEL
Carrefour action municipale et famille
Le Carrefour est un organisme sans but lucratif, qui regroupe les MRC et
les municipalités intéressées par le développement d'une politique familiale. Il offre un lieu d'échanges et des services techniques. Ses membres
se retrouvent dans toutes les régions du Québec et représentent, en 2005,
plus de 60 % de la population totale du Québec. Le Carrefour et ses membres sont des partenaires du Gouvernement du Québec dans la promotion
et le développement de politiques municipales en faveur des familles.
Sur le site du Carrefour, www.carrefourmunicipal.qc.ca, on nous accompagne pour élaborer et mettre sur pied une politique familiale municipale.
Richement documentée, cette section illustre aussi des PFM déjà
appliquées dans différentes localités du Québec. Dans la même ligne
d’idée, le Carrefour nous présente son expertise au niveau de la formation
et animation et de la promotion et sensibilisation, son colloque annuel et
son comité de recherche et de développement. Une page documentation
propose plusieurs documents PDF à télécharger, entre autres, le projet de
loi sur la conciliation travail-famille, un rapport sur le sommet mondial de
la famille de 2004 (Chine), un guide à l’intention des municipalités du
Québec : Sécurité dans les milieux de vie.
Cette nouvelle rubrique à l’intention des internautes, sera l’occasion de
mettre en valeur des sites Web peu connus du grand public et directement liés à notre numéro en cours. Les sites sélectionnés se retrouveront
bien sûr dans le répertoire de la Toile du développement social du Québec
au www.inspq.qc.ca/developpementsocial. Bonne visite !
Conseil de la culture des Laurentides
Depuis plus de 25 ans, le Conseil de la culture des Laurentides (CCL)
favorise le développement culturel dans les Laurentides. Le CCL rassemble
et représente des artistes, artisans, travailleurs culturels, entreprises et
organismes culturels, organisations municipales et scolaires qui jouent un
rôle actif dans leur milieu et contribuent à l’essor des arts et de la culture
dans les Laurentides.
À travers son site Web www.culturelaurentides.com, le CCL nous dévoile
le portrait culturel des Laurentides, sous forme de ressources humaines et
d’organisations dans les différentes MRC de la région. Un répertoire très
complet nous fait découvrir les artistes du milieu tant au niveau des arts
visuels, de la scène, de la musique, des lettres, des métiers d’art, ainsi que
les festivals et évènements locaux. Un volet formation propose une programmation ainsi que des outils pour favoriser les perspectives de revenu
et d’emploi dans le domaine. Enfin, une section publications met à la disposition des intéressés plusieurs documents à télécharger tels que guides,
études, catalogues et répertoires.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
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Les partenaires de la revue :
La publication de la revue est rendue possible
grâce à la contribution financière de :
Le ministère de la Santé et des Services sociaux
L’Institut national de santé publique du Québec
Le ministère des Affaires municipales et des Régions
La Table de coordination nationale de santé publique
Le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale
Le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles
Le Conseil de la santé et du bien-être
Le Conseil des relations interculturelles
Le Conseil du statut de la femme
Le Conseil de la famille et de l’enfance
Le Conseil permanent de la jeunesse
Le Conseil canadien de développement social (CCDS)
L’Office des personnes handicapées du Québec
L’Association des CLSC et CHSLD du Québec
Le Réseau québécois des Villes et villages en santé
L’Agence de développement de réseaux de services de santé
et de services sociaux Mauricie et Centre-du-Québec
La Ville de Montréal
La Fondation Lucie et André Chagnon
La revue compte aussi sur la participation de :
L’Association de santé publique du Québec
La Chaire de recherche du Canada sur le développement
des communautés (CRDC)
La Fédération québécoise des municipalités
La Fédération des commissions scolaires du Québec
L’Observatoire montréalais des inégalités sociales de la santé
Le Regroupement québécois des intervenantes et intervenants
en action communautaire (RQIIAC)
Le Réseau québécois de développement social
Le Secrétariat à l’action communautaire autonome
Solidarité rurale du Québec
La distribution de la revue :
Au niveau national, la distribution est assurée par :
L’Institut national de santé publique du Québec
Dans les régions, la distribution de la revue est assurée par :
Les Conférences régionales des élus-élues
Les Directions de santé publique des Agences de développement
de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux
Les Tables de concertation ou Comités régionaux
de développement social
Éditeur :
Institut national
de santé publique du Québec
945, avenue Wolfe
Sainte-Foy, Québec, G1V 5B3
Comité de rédaction :
Michel Morel, rédacteur en chef
Danièle Aveline
Réal Boisvert
Michael Watkins
Comité directeur :
Michel Morel, rédacteur en chef
Institut national de santé publique
du Québec
Ont collaboré à ce numéro :
Danièle Aveline, Réal Boisvert,
Igor Baluczynski, Alain Caron, Renée
Desjardins, Chantale Dumont,
Marie-Cécile Gladel, Catherine
Landry-Larue, Marie-Josée Ouellet,
Lysanne O’Sullivan, Anne-Marie
Séguin, Michael Watkins.
Réal Boisvert, Agence de développement des services de santé et des
services sociaux Mauricie et Centredu-Québec
Marc Boucher, Ville de Montréal
Jean-Marc Chouinard, Fondation
Lucie et André Chagnon
Cherkaoui Ferdous, Solidarité rurale
du Québec
Louis Favreau, Chaire de recherche
du Canada sur le développement
des communautés
Daniel Fortin, Réseau québécois du
développement social
Hélène Harvey, Conseil du statut de
la femme
Sylvain Larouche, Regroupement
québécois des intervenantes et
intervenants en action communautaire (RQIIAC)
Claire Milette, Ministère de la Santé
et des Services sociaux
Sylvie Parent, Ministère de l’Emploi
et de la Solidarité sociale
Réal Morin, Institut national de
santé publique du Québec
Marie-Josée Ouellet, Secrétariat à
l’action communautaire autonome
Hector Ouellet, Conseil canadien de
développement social
Odette Plante, Conseil de la famille
et de l’enfance
Louis Poirier, Réseau québécois des
Villes et villages en santé
Marie Rochette, MSSS, Table
de coordination nationale de
santé publique
Denis St-Amand, Association
québécoise des établissements de
santé et de services sociaux
Yves Théberge, Conseil de la santé
et du bien-être
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DÉVELOPPEMENT SOCIAL
VOLUME 6 • NUMÉRO 2 • NOVEMBRE 2005
Michael Watkins, Office des personnes handicapées du Québec
Conception graphique :
Kasern l’atelier créatif inc.
Politique éditoriale :
La revue DÉVELOPPEMENT SOCIAL
vise à rendre compte de ce qui se
passe dans les communautés et
les régions en matière de développement social, de poursuivre la
promotion du développement
social ainsi que la sensibilisation
des acteurs locaux, régionaux et
nationaux, par la diffusion de
textes présentant des enjeux de
développement social.
Conformément aux objectifs définis, les articles publiés doivent
s’inscrire dans une perspective d’information des lecteurs et lectrices
et de promotion de la préoccupation du développement social. Les
textes publiés sont sous la responsabilité de leur signataire et n’engagent aucunement les partenaires
de la revue.
Les textes publiés dans la revue
peuvent être reproduits, à condition
d’en citer la source.
Pour nous rejoindre :
Michel Morel, rédacteur en chef
Institut national
de santé publique du Québec
500 René-Lévesque Ouest,
bureau 9.100
Montréal (Québec) H2Z 1W7
Courrier électronique :
[email protected]
Téléphone : (514) 864-1341
Télécopieur : (514) 864-1616
Dépôt légal : Bibliothèque nationale
du Québec, Bibliothèque nationale
du Canada ISSN 1488-6499
Visitez notre site web
http://www.inspq.qc.ca/developpementsocial/
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500, boul. René-Lévesque Ouest, bureau 9.100
Montréal (Québec) Canada H2Z 1W7
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