sujetrelocalisation relu mep

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sujetrelocalisation relu mep
Programme Master of Science in Management
CONCOURS D'ENTRÉE PAR ADMISSION SUR TITRE FRANÇAIS
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DISSERTATION
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11 avril 2013
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Sujet :
Pourquoi et comment relocaliser les entreprises françaises en France ?
Recommandations :
Comme point de départ, vous disposez des textes ci-joints pour élaborer votre dissertation.
Les différentes étapes sont demandées :
1. L’épreuve consiste à faire la synthèse des documents fournis.
2. Elle demande en outre une réelle confrontation entre les différentes opinions et analyses
proposées par les articles.
3. Elle demande l’expression indispensable de votre point de vue personnel.
4. Il est conseillé de soigner le plan et l’articulation des différentes parties afin de mettre en
évidence le cheminement de votre raisonnement.
N.B. :
- La dissertation devra être précise et concise. Elle ne devrait pas excéder 4 pages, les dépassements ne pouvant se justifier
que par une qualité exceptionnelle.
- La note tiendra compte de la présentation, du style, de la correction de la langue et de l'orthographe.
- Il n'est fait usage d'aucun document autre que ceux distribués ni de matériel électronique.
Bercy lance un programme de relocalisation en France visant 300
entreprises.
L'Agence française pour les investissements internationaux (Afii) aura pour mission de les
aider à "calculer les avantages de tous ordres à relocaliser des activités", a indiqué Arnaud
Montebourg, ministre du Redressement productif.
L’express AFP | le 11/01/2013
Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, lance un programme de relocalisation en
France, visant 300 entreprises industrielles indique le site internet des Echos. Il a également annoncé
pour accompagner cette démarche la création d'un outil pour en calculer les avantages financiers.
Le ministre, qui avait récemment évoqué un tel projet sans en chiffrer les ambitions, a souligné vouloir
s'appuyer sur une expérience comparable menée aux Etats-Unis pour inciter les entreprises
industrielles à relocaliser leurs sites de production.
"Nous créons un programme semblable de relocalisation que nous allons confier à une Agence.
L'Agence française des investissements internationaux (Afii) va offrir gratuitement aux entreprises qui
le souhaitent un nouveau service en leur permettant de calculer les avantages de tous ordres à
relocaliser des activités", a-t-il annoncé.
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Le Made in France fait-il (encore) vendre ?
ODILE ESPOSITO | 14/03/2013 | La Tribune
La désindustrialisation et la montée du chômage ont sensibilisé les Français à la nécessité de
consommer des produits fabriqués dans l'Hexagone. Devenu porteur dans une conjoncture de crise,
le thème a été repris par les politiques. Les consommateurs sont-ils vraiment prêts à payer plus cher
pour sauver l'emploi de leurs compatriotes ? Ils exigent avant tout traçabilité, qualité, service et
innovation, sans pour autant accepter des surcoûts importants. Les industriels commencent à entrer
dans le jeu.
Même s'il a été incarné ces derniers mois par un ministre socialiste en marinière rayée, le sujet
transcende les partis politiques. Lors de la dernière campagne présidentielle, il revenait dans la
bouche de tous les candidats, soucieux de réhabiliter le made in France afin de stopper la
désindustrialisation de notre pays et d'enrayer la montée du chômage. Un vœu pieux alors que la
crise incite plutôt les Français à se ruer sur les prix bas ? Une vraie prise de conscience qui gagne
tous les pays développés, affirment au contraire les entreprises décidées à jouer le jeu. « Le marqueur
d'une façon plus raisonnée de consommer », renchérit Serge Papin, le PDG du groupe de distribution
Système U.
Pour autant, l'exercice a ses limites. Derrière l'étiquette, le consommateur ou l'acheteur
professionnel, français ou étranger, exige plus que jamais garantie, traçabilité et qualité. Et, en cette
période de grand doute sur les origines de ce qui est dans son assiette ou dans sa maison, il
n'hésitera pas à punir les tricheurs. Il n'est pas prêt non plus à payer un surcoût exorbitant, fût-ce pour
sauver l'emploi de son voisin. Et se lassera vite si l'innovation n'est pas au rendez-vous. Pour les
industriels, l'exercice s'apparente donc parfois à de l'équilibrisme. Mais le jeu en vaut la chandelle,
assurent-ils. Explications.
Des consommateurs de plus en plus sensibilisés.
Jean-Pierre Blanc en est convaincu, « le consommateur est friand du fabriqué en France ». Le
directeur général des Cafés Malongo (400 salariés, 100 millions d'euros de chiffre d'affaires) qui vient
de lancer une machine à dosettes éco-conçue et produite dans l'Hexagone, juge étonnant l'écho
rencontré par cette thématique. Pour ce pionnier du commerce équitable, pas de doute, « le grand
public éprouve désormais un sentiment de nécessité de faire travailler sur le territoire ».
De fait, avec la litanie des fermetures d'usines, les Français s'interrogent. Selon un sondage réalisé
début janvier par l'Ifop pour la chaîne d'opticiens Atol, 77% d'entre eux seraient prêts à payer plus
cher pour un produit fabriqué en France, à condition que l'écart de prix ne dépasse pas 5 à 10%. Fin
2011, ils n'étaient que 72% à accepter de dépenser un peu plus pour du made in France. Toujours
selon cette enquête, 52% des personnes interrogées déclarent accorder de l'importance au pays
d'origine d'un produit lors du passage à l'achat. Les grandes marques ne s'y trompent pas.
Question sondage Ifop :
Est-ce que vous seriez prêt à payer plus cher un produit dont vous savez qu’il a été fabriqué en
France ?
La Biscuiterie nantaise (BN, filiale de United Biscuits), qui briguait le label « Origine France Garantie »
(OFG) pour ses fameux biscuits fourrés, « a été obligée de changer de fournisseur de pulpe de fraise
pour que son BN à la fraise remplisse les critères, raconte Yves Jégo, le président de l'association Pro
France, créatrice de ce label. Mais l'enjeu était de se démarquer de Lu qui produit ses Prince en
République tchèque. Nous entrons dans un siècle où la traçabilité sur l'origine des produits devient
incontournable. Le XXe siècle a été celui des marques, le XXIe sera celui des origines.» Et le
scandale de la viande de cheval devrait renforcer ce sentiment.
Pour autant, le consommateur n'est pas prêt à tout. « Dans les biens de grande consommation, le
made in France seul ne réussit pas si on n'est pas au même prix que ses concurrents et si on n'est
pas innovant, avertit John Persenda, le PDG du groupe Sphere, leader européen des emballages
ménagers (350 millions d'euros de chiffre d'affaires, 1 300 salariés, dont 700 en France), connu pour
sa marque Alfapac. Et l'on ne vous pardonnera pas si vous trichez sur la qualité. » Le groupe a gardé
six de ses treize usines en France et y fabrique 70% de ses produits. Son patron s'était illustré dans
une publicité, fin 2012, en posant lui aussi en marinière. « Le consommateur est attiré par l'origine,
mais il veut avant tout une machine qui lui plaise, confirme de son côté Jean-Pierre Blanc, chez
Malongo. Le made in France, c'est la cerise sur le gâteau, l'argument qui va faire basculer l'achat. »
Une prise de conscience balbutiante des professionnels
Si le grand public regarde les étiquettes, les acheteurs professionnels, de leur côté, sont encore une
minorité à se préoccuper d'acheter français. « Une centrale d'achats qui prône pourtant le made in
France vient de m'annoncer qu'elle remplaçait nos sacs poubelles par des sacs de concurrents
fabriqués en Pologne, s'indigne John Persenda. Certains tiennent un double langage ! ».
Toutefois, un frémissement se fait sentir. Éric Neri, le PDG de la petite société textile Maille Verte des
Vosges, qui s'est lancé dans le vêtement professionnel et le vêtement d'image, témoigne d'une
« demande croissante de la part des entreprises clientes pour des produits d'origine européenne ».
« On sent une dynamique chez les acheteurs, même si cela ne se traduit pas encore dans les contrats
et dans les faits, confirme Emmanuel Sabonnadière, président de Silec Cable, dont plusieurs produits
sont labellisés OFG. De toute façon, des grands clients comme ERDF ou RTE n'ont pas le droit de
spécifier l'origine dans leurs appels d'offres. Pour nos propres achats, nous nous approvisionnons en
aluminium auprès de l'usine Rio Tinto de Saint-Jean-de-Maurienne, mais le cuivre vient de Belgique
ou d'Espagne, car il n'y a plus de producteur en France. »
Enquête du cabinet de conseil en achats AgileBuyer/HEC, janvier 2013 :
Pourcentage des services Achats, par secteur, ayant des objectifs Made in France :
Cet engouement pour le made in France, le cabinet AgileBuyer a voulu le mesurer dans la toute
dernière mouture de son enquête annuelle sur « les priorités des services achats », réalisée avec le
groupement Achats Supply Chain des anciens élèves de HEC. Résultat : acheter made in France est
un objectif pour 19% seulement des départements achats. « Cette préoccupation est assez
concentrée sur certains secteurs, constate Olivier Wajnsztok, directeur associé du cabinet. Dans les
sociétés qui fournissent les collectivités locales ou l'État, la sensibilité est assez importante. »
Petite consolation, peut-être, les entreprises souhaitant accroître leurs achats dans les pays à bas
coûts ne sont plus que 32%, contre 40% en 2012. « Il y a eu des ratés, analyse Olivier Wajnsztok.
Gérer un fournisseur en Chine prend du temps. Pour résoudre les problèmes de qualité, il faut aller
sur place. » Ces déceptions liées au « tout chinois » ont laissé des traces. « La mode d'externalisation
des années 2000 est terminée, estime Yves Eterno, directeur distribution de KSB France, filiale du
géant allemand des pompes KSB, qui possède quatre usines en France. Dans notre métier, pour les
produits sécurisés, les clients ne veulent plus de matériel chinois. »
Une carte intéressante à l'export
Le made in France ouvre aussi des portes à l'export. Dans la gastronomie, les arts de la table, le luxe,
la French touch reste vendeuse. « Je participe à des salons en Allemagne ou en Suisse et je constate
que les clients sont sensibles au fait que nos produits soient de fabrication française », raconte André
Bousquet, fondateur de la petite société Meljac (57 personnes, 6,4 millions d'euros de chiffre
d'affaires), spécialiste des interrupteurs et des prises de courant haut de gamme, en laiton ou en
verre, qui réalise 40% de ses ventes à l'export. « Dans mon métier, le made in France est un plus, et
mon objectif est de monter à 75% d'export dans les 5 à 10 ans », ajoute ce patron, qui assure avoir un
carnet de commandes en hausse de 45% sur un an.
Le made in France, cependant, peut séduire bien au-delà du luxe. John Persenda exporte une partie
de sa production française vers les États-Unis, le Benelux ou la Grande-Bretagne. « À l'étranger, le
made in France a une image de qualité alors que les acheteurs ont souvent eu de grosses surprises
avec des produits asiatiques. Et les États-Unis nous achètent nos sacs poubelles biodégradables, car
ils n'ont pas de production de ce type sur place. »
Sondage N° 31 (déc 2012) : Produire en France : source Oséo
Chez Malongo, « nous réalisons 17% de notre chiffre d'affaires à l'export, vers les pays asiatiques, les
Émirats, les États-Unis, indique Jean-Pierre Blanc. Nos machines fabriquées en France sont très bien
perçues à l'étranger, notamment en Asie, ce qui peut sembler surprenant pour du matériel. Mais
l'image des produits français reste bonne et gage de qualité ». Dans le matériel électrique aussi, la
qualité française est reconnue. « À Abu Dhabi, le label made in France apporte quelque chose de
plus, assure Emmanuel Sabonnadière, le patron de Silec Cable. Et aux États-Unis, il bénéficie d'une
vraie cote d'amour. Les Allemands ont travaillé sur le made in Germany et ils en ont fait une marque
de solidité. Nous essayons de faire de même avec le made in France pour en faire une marque
d'innovation. »
Un atout stratégique nécessaire mais pas suffisant
Pour autant, difficile pour les entreprises de faire du made in France le pilier de leur stratégie.
« L'année 2012 s'est mal passée à cause des fortes hausses de matières premières que nous n'avons
pas pu répercuter sur nos prix, confie Loïc Hénaff, PDG de l'entreprise bretonne de charcuterie
familiale, bien connue pour son pâté. Nous avons conservé notre propre abattoir, ce qui nous permet
de bien contrôler notre matière première. Mais le prix du porc a grimpé de 27% en deux ans. Il nous
faudrait augmenter le prix de notre boîte de pâté de 25 centimes, ce sera difficile à faire accepter à la
grande distribution. Les enjeux d'une fabrication française tiennent à quelques dizaines de
centimes...».
Le prix des matières premières, c'est aussi ce qui handicape John Persenda, le PDG du groupe
Sphere, leader européen des emballages ménagers. « Nous achetons notre polyéthylène à 30
kilomètres de notre usine de Dieppe, mais son prix en euros est identique à celui payé en dollars par
nos concurrents étrangers. Avec le taux de change actuel, cela fait un différentiel de 30%. Les usines
pétrochimiques françaises ont été rachetées par des groupes saoudiens ou américains qui, pour les
maintenir en vie, vendent leurs produits beaucoup plus chers. » Comment lutter ?
John Persenda cite quelques atouts hexagonaux : le coût modéré de l'électricité, le crédit d'impôt
recherche et la productivité des salariés qui lui permet de « produire 30 000 tonnes en France avec
170 personnes, là où il en faudrait 1 000 en Chine, assure-t-il. Mais c'est seulement en étant très
innovant qu'on peut continuer à produire en France. Nous avons été les premiers à lancer des sacs à
lien coulissant. Puis, en 2006, nous avons racheté la société allemande Biotec. Ses ventes étaient
quasi nulles et on nous a traités de fous, mais elle avait un portefeuille de 200 brevets. Aujourd'hui,
nous produisons des sacs à base de matières végétales et leurs ventes ont crû de 8% en 2012, alors
que nos concurrents sont, eux, en repli de près de 10%. Mais, innover, cela implique d'avoir
davantage d'entreprises de taille moyenne, car il est très difficile de maintenir de la recherche dans
une PME. » Une recette « à l'allemande » qui a sans doute aidé au succès du fameux made in
Germany.
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Montebourg : « Nous voulons faire revenir des entreprises en
France »
EMMANUEL GRASLAND | 11 janvier 2013 | Les Echos
Le ministre chargé de l'industrie veut convaincre les entreprises de relocaliser des usines
dans l'Hexagone.
La faillite de Virgin montre que l'industrie n'est pas la seule concernée par les restructurations. Faut-il
aussi appeler à une mobilisation générale pour les services ?
La distribution subit elle aussi un choc de rentabilité car la montée de l'e-commerce amène à un
changement de modèle. Certaines entreprises ont su résister car elles proposent un service de terrain
personnalisé, d'autres ont tardé ou n'ont pas su le faire, comme Virgin. Le gouvernement ne peut que
presser les dirigeants des entreprises de distribution d'innover, d'investir et de faire évoluer leur offre.
Mais il n'y a aucune opposition entre l'industrie et le commerce : nous intervenons partout où cela est
nécessaire. Nous avons suivi et traité 247 dossiers depuis mon arrivée. Nous avons préservé 30 356
emplois mais, hélas, en avons perdu 6 848. Les salariés savent qu'il faut parfois accepter des
sacrifices, mais notre objectif est de sauver quand c'est possible l'outil de production et les
technologies.
Depuis huit mois, vous avez souvent endossé le rôle de pompier. Est-ce suffisant pour faire une
politique industrielle ?
Mon rôle ne peut se limiter au traitement des urgences, même si cela est un devoir. Nous préparons
au ministère l'entrée de notre pays dans la révolution industrielle en cours en soutenant, finançant les
innovations, les nouveaux produits, les nouveaux emplois, les nouvelles usines du XXIe siècle. C'est
la mission de renaissance industrielle que m'ont confiée le président de la République et le Premier
ministre. Les Américains relocalisent leurs activités, l'Asie investit des milliards dans les nouvelles
technologies, l'Europe et la France se réveillent. Le pacte de compétitivité est le premier point d'appui
d'application immédiate en 2013 et qui atteindra 20 milliards d'euros d'aides aux entreprises en 2014.
Ce crédit d'impôt compétitivité (Cice) sera aussi simple, lisible et populaire que le crédit d'impôt
recherche car il permettra aux entreprises de financer leurs innovations et leurs prises de risque.
Les milieux économiques expriment parfois plus de scepticisme : ces 20 milliards suivent à peu près
autant de prélèvements supplémentaires sur les mêmes entreprises…
Erreur, car ce ne sont pas les mêmes ! Les grandes entreprises très profitables et mondialisées
contribuent davantage après une grosse décennie de baisse d'impôt, mais les PME bénéficient de la
bouffée d'oxygène de nos mesures. Nous avons procédé à une redistribution importante vers le tissu
productif créateur d'emplois. Travaillons désormais avec tous les acteurs de l'entreprise à réussir cette
réindustrialisation.
Comment comptez-vous convaincre les entreprises d'investir davantage en France ?
La France est d'ores et déjà la destination numéro un des implantations industrielles en Europe. Nous
avons deux siècles de tradition depuis l'américain Haviland en 1832 jusqu'à Toyota en 1998 et
Amazon en 2012. Mais nous allons également engager un programme de relocalisation des
entreprises françaises en France. La politique du président Obama en faveur du reshoring a un
succès éclatant. Son programme a aidé les plus grandes sociétés américaines à calculer le meilleur
endroit - l'Amérique - pour produire en fonction de la nouvelle donne mondiale : le coût des énergies,
le prix du foncier, le coût du travail, qui a augmenté dans les pays émergents, le prix des transports et
de la logistique qui monte. Les résultats sont spectaculaires. En un an, les Etats-Unis ont relocalisé
50 000 emplois.
Et concrètement pour la France ?
Nous créons un programme semblable de relocalisation que nous allons confier à une agence.
L'Agence française des investissements internationaux (Afii) va offrir gratuitement aux entreprises qui
le souhaitent un nouveau service en leur permettant de calculer les avantages de tous ordres à
relocaliser des activités.
Par ailleurs, nous allons examiner toutes les demandes, au cas par cas, de blocage administratif ou
réglementaire qui ralentirait ou gênerait tel ou tel investissement. Il y a un vrai mouvement naissant
patriotique en France, à la fois des consommateurs et des producteurs. La marinière est devenue le
symbole de l'engagement de chaque citoyen, quelle que soit sa place dans la société, en faveur du
made in France. D'ailleurs, en deux ans, le made in America s'est répandu comme une traînée de
poudre aux Etats-Unis et a provoqué des changements sensibles de comportement.
Quels résultats attendez-vous ?
Une trentaine d'entreprises ont déjà relocalisé une activité de production depuis deux ans. Comme par
exemple le fabricant de jouet Smoby. L'entreprise a été rachetée par des industriels allemands qui ont
décidé de quitter la Roumanie et la Chine pour revenir dans le Jura. Ils ont créé 400 emplois. Les
opticiens Atol ont fait de même et leur slogan est désormais « Avec Atol, le redressement productif est
en vue » ! Aujourd'hui, l'Agence française des investissements internationaux (Afii) a identifié une cible
de 300 entreprises que nous souhaitons convaincre de relocaliser.
Ce discours va à contre-courant d'un climat de défiance vis-à-vis de la France…
Ecoutez, nous sommes dans un véritable état de mobilisation générale. Notre ministère, c'est le
ministère de la réindustrialisation, par tous les moyens et notamment par l'hospitalité industrielle.
Vous invitez les entreprises à revenir, mais votre discours sur ArcelorMittal n'est pas très sécurisant…
Mes propos sur cette société dont je rappelle qu'elle a acquis l'acier français par une OPA hostile et
par l'endettement n'avaient rien à voir avec la nationalité de son propriétaire. M. Mittal n'a pas
respecté ses engagements. Il fallait le dire. C'est ce que j'ai dénoncé.
Aux Etats-Unis, le mouvement se fait grâce à la chute du prix de l'énergie et un temps de travail qui
n'est pas le même qu'ici...
La question des 35 heures est derrière nous et n'intéresse pas les partenaires sociaux qui préfèrent
se consacrer au marché du travail. Nous avons une durée effective du travail plus longue qu'en
Allemagne ou qu'au Danemark dont les résultats sont pourtant meilleurs. Quant à l'énergie, le
président a donné son accord à la recherche technologique d'autres méthodes d'extraction du gaz de
schiste que la fracturation hydraulique.
Quelle va être votre stratégie pour remobiliser l'industrie française ?
Nous souhaitons mener, filière par filière, une révolution industrielle, afin d'inventer l'usine du XXIe
siècle. Cette usine sera robotisée, numérisée, efficace sur le plan énergétique, ayant recours aux
technologies 3D, et donc ultra-compétitive. Pour cela, nous créons dans la Banque publique
d’investissement un fonds de 150 millions d'euros pour l'innovation de rupture afin d'aider les
entreprises qui prennent des risques, qui font des paris technologiques pour faire émerger les
champions de demain.
Et pour les filières ?
Nous allons organiser les filières nucléaire, chimique, robotique ou la santé tout au long du premier
trimestre. Il s'agit de partager des objectifs et de prendre des engagements réciproques. C'est le
« donnant-donnant » entre les grands industriels et l'Etat. Les premiers s'engagent à travailler
ensemble sur la mutation de la filière, l'investissement, l'emploi.
En contrepartie, l'Etat agira sur un certain nombre de leviers, comme une évolution réglementaire ou
un redéploiement de moyens.
Le ferroviaire sera la première filière traitée. Qu'allez-vous faire dans ce domaine ?
Nous allons chercher à donner de la visibilité aux commandes de TGV afin de sécuriser une filière très
fragmentée.
Nous allons aussi mettre en place un institut de recherche technologique pour le train du futur et créer
un fonds de 40 millions d'euros avec le Fonds stratégique d’investissement et des industriels afin
d'identifier et de financer les entreprises du secteur à haut potentiel technologique.
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Montebourg : "Nous avons sauvé 59 961 emplois"
BRUNA BASINI ET BRUNO JEUDY | Jeudi 16 mars 2013 | La Tribune
INTERVIEW (extraits) - Le ministre du Redressement productif veut faire de la Semaine de
l'industrie un grand rendez-vous. […]
La Semaine de l'industrie démarre demain à Saint-Étienne. En tant que ministre du Redressement
productif, vous serez sur tous les fronts. Que comptez-vous faire ?
Je suis à la tête d'un ministère de combat et d'unité nationale au service de la renaissance industrielle
de la France. Le rapport Gallois a constitué la première étape de ce processus et donné lieu au pacte
de compétitivité. J'ai tenu à accentuer la force de ce rendez-vous qu'est la Semaine de l'industrie car
une nation qui ne produit plus devient soumise à celles qui produisent. Un "train de l'industrie et de
l'innovation" partira de la gare de Lyon mardi et fera étape dans 19 villes.
Après Montebourg le "Pompier" voici Montebourg le "Bâtisseur" ?
Il n'y a pas deux Montebourg. Ma politique industrielle avance sur deux jambes. On m'a reproché de
faire le pompier. Mais il y a nécessité à préserver l'appareil industriel et notre savoir-faire
technologique. Auparavant, personne ne l'avait jamais fait. Depuis mon arrivée, nous avons sauvé
59 961 emplois sur 70 909 postes menacés. Avec mon autre jambe, nous rebâtissons, comme à
l'époque des grands plans pompidoliens. On renforce tous nos points forts et on unifie les forces par
filières autour de projets d'avenir. J'appelle cela le colbertisme participatif. Nous avons, par exemple,
l'ambition de promouvoir le TGV du futur, le véhicule deux-litres dans l'automobile ou encore le biofioul pour l'aéronautique. Et puis, il y a toutes ces innovations du quotidien, ces objets de la nouvelle
France industrielle que nous présentons au grand public.
Au bout de dix mois, on retient surtout les échecs... Il est regrettable qu’on ne m’interroge que sur
quelques dossiers alors que nous en suivons plus de 2000. Nous connaissons tous les jours des
succès mais aussi malheureusement des échecs, des semi-échecs et des semi-victoires.
Comment allez-vous faire pour attirer de nouveaux investisseurs et faire revenir des entreprises qui
ont délocalisé ?
L’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) mène une campagne mondiale
baptisée "Say oui to France". N’en déplaise au bashing anglo-saxon de la France et à celui que nous
nous infligeons, notre pays reste la première destination des investisseurs en Europe. Nous figurons
au quatrième rang mondial des pays les plus attractifs, en termes de coûts de localisation, devant le
Japon et les Etats-Unis et l’Allemagne. Quant aux relocalisations, nous proposons aux entreprises
françaises de refaire leurs calculs en tenant compte des hausses de salaires dans les pays
émergents, des coûts de logistique ou encore des taxes carbones qui vont se multiplier. C’est un
travail de bénédictin.
[…]
La France en fait-elle assez pour rester compétitive ?
Nous avons mobilisé 20 milliards d'euros en faveur des entreprises pour qu'elles investissent et
recrutent. La droite en parlait mais n'a rien fait. La gauche a pris le taureau par les cornes. Maintenant,
il ne faudrait pas que la hausse de l'euro efface tout cela. Sinon, nous aurons fait cet effort pour rien.
Lorsque l'euro prend 10 centimes face au dollar, cela se traduit pour EADS par une perte de 1 milliard
de profitabilité. Aux niveaux actuels, la monnaie unique ne correspond pas aux fondamentaux
économiques de la plupart des pays européens.
[…]
La Banque publique d’investissements sera-t-elle le bras armé du redressement industriel ?
Les banques ne financent plus l’économie malgré les milliards d’euros qu’elles ont reçu de la BCE.
Avec une capacité de financement de 40 milliards d’euros, la BPI leur fera une saine concurrence en
se montrant moins exigeante en termes de rendements et plus patiente sur la durée de ses
engagements. Elle offrira aussi des solutions de financement aux entreprises en retournement.
[…]
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« Un label ne fait pas une politique industrielle »
16 mars 2013 | La Voix du Nord
Matthieu Crozet est économiste à l'université Paris I.
Propos recueillis par M. DEL.
Le made in France, une tendance réelle ?
« L'essentiel des produits manufacturiers achetés en France sont des biens intermédiaires pour
l'industrie, des avions, des matériaux de construction pour lesquels la sensibilité nationale a du mal à
s'exprimer. Si vous achetez des tuyaux de canalisation, le Made in France vous passe un peu à côté...
C'est donc marginal. »
S'agit-il d'un phénomène régulier, qu'on observe en période de crise ?
« On a observé une bulle autour de cette question pendant la présidentielle. Elle revient tous les dix
ans environ. On se souvient du slogan " Nos emplettes sont nos emplois", qui date de 1993. Ça ne fait
pas de mal, ça ne coûte pas cher, c'est valorisant pour les entrepreneurs... Mais ça ne fait pas une
politique industrielle. »
Nécessaire mais pas suffisant ?
« Oui, on peut faire tous les labels qu'on veut, ça ne fait pas une politique industrielle. Si les industriels
français font des produits trop chers et de mauvaise qualité, le label ne déclenchera pas de
comportement d'achat. Ce n'est donc pas ça qui va sauver l'industrie française. »
Ce patriotisme économique n'est-il pas paradoxal dans une économie mondialisée ?
« Il est en effet très difficile de mettre un drapeau sur un certain nombre de produits : quelle est la part
de la valeur ajoutée française dans une automobile française ? C'est très compliqué à évaluer. Après,
vous trouvez plus de Renault ou de Peugeot en France qu'ailleurs, davantage de Fiat en Italie. Le
consommateur a tendance à préférer ce qu'il connaît, ce qu'il aime. »
Mais faut-il préférer une Clio produite à l'Est ou une Toyota sortie de Valenciennes ?
« L'économiste dira qu'il vaut mieux acheter la voiture de meilleure qualité et la moins chère, car
l'argent sera consommé ailleurs et bénéficiera à d'autres secteurs. Après, quelle entreprise
encourager et soutenir ? La seule chose qui compte, c'est là où sont produits les biens, là où se
trouvent les travailleurs. Acheter une Toyota produite à Valenciennes aura davantage de retombées
économiques en France. Une part importante de la dépense du consommateur va retourner dans
l'économie française alors que Renault utilisera plutôt ses profits pour payer des dividendes à des
actionnaires qui sont partout dans le monde, pour construire une nouvelle usine au Brésil... L'employé
Toyota de Valenciennes a plus de chances de dépenser son argent localement. »
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Délocalisation et relocalisation
Introduction des Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence 6, 7 et 8 juillet 2012.
Jean-Marie CHEVALIER est professeur de sciences économiques à l’Université Paris-Dauphine et
membre du Conseil d’analyse économique (CAE) et membre du Cercle des économistes.
Les problèmes de délocalisation/relocalisation doivent être abordés dans le cadre de la dynamique
mondiale des avantages comparatifs. La production d’un bien, ou d’un service, s’effectue tout au long
d’une chaîne de valeur au sein de laquelle s’articulent des éléments matériels et immatériels, produits
sur place ou importés. Ces éléments matériels et immatériels peuvent eux-mêmes appartenir à des
catégories très différentes : il peut y avoir des pures commodités, homogènes, faisant l’objet d’un
commerce mondial où le prix est déterminant ; il peut y avoir des expertises uniques et très
recherchées dont le prix est, à la limite un prix de monopole ou, selon la théorie de la discrimination
par les prix, un prix âprement négocié.
Le produit ou le service final auquel conduit la mise en œuvre de la chaîne de valeur peut être luimême un produit (ou un service) homogène soumis à une forte concurrence prix au niveau
international, ou au contraire un produit (ou un service) très différencié, dont le marché est animé par
une compétitivité hors prix fondée sur la qualité, la notoriété, la marque, la confiance des utilisateurs.
Les phénomènes de délocalisation et relocalisation reposent ainsi sur une dynamique complexe dans
laquelle interviennent les avantages compétitifs purs des éléments indifférenciés (énergie, matières
premières, eau) et la nature même des éléments différenciés liés à l’innovation, au contenu
technologique, à la qualité, à la créativité (d’un espace ou d’une entreprise).
La dynamique complexe des avantages comparatifs
Le positionnement d’une entreprise dans la dynamique concurrentielle se fait par rapport à une ou
plusieurs chaînes de valeur. Il est important de bien comprendre la totalité de la chaîne de valeur et
l’articulation des éléments la composant. La chaîne de valeur va de l’extrême amont - R&D, brevets –
jusqu’à l’extrême aval : publicité, vente et livraison, crédit, service après-vente. Entre l’amont et l’aval,
il existe des flux complexes qui impliquent de l’organisation, de la logistique, du stockage. Ces flux
recouvrent des flux de personnes, de biens, d’informations et aussi des flux financiers. La stratégie
d’une entreprise consiste à se positionner au mieux sur les chaînes de valeur, à la fois en termes
d’activité et de territoire. A la limite, certaines entreprises peuvent avoir pour seule activité d’organiser
les flux.
La problématique de localisation se pose pour chacun des composants des chaînes de valeur. Il faut
bien garder à l’esprit que la localisation de l’activité de production elle-même n’est pas seulement liée
à des problèmes de coût (matières premières et autres inputs, main d’œuvre, fiscalité) mais aussi à
des questions d’environnement général, les externalités positives dont parlait Alfred Marshall quand il
écrivait « Les secrets de l’industrie sont dans l’air qu’on respire » (Principles of Economics 1890). La
localisation de la production constitue souvent un avantage comparatif en soi. C’est le Made in France
pour Hermès ou LVMH, le Made in Switzerland pour Swatch.
On souligne fréquemment le retard de compétitivité de la France et sa désindustrialisation. Entre 1980
et 2011, la part des emplois industriels dans l’emploi total est passée de 24 à 13 pour cent. En vingt
ans, l’industrie française a perdu 2,5 millions d’emplois. Plusieurs facteurs se conjuguent : la montée
de la part des services associés à l’industrie, l’outsourcing, les gains de productivité, les
délocalisations.
En fait, les vieux pays sont confrontés à un formidable défi de redéfinition des avantages comparatifs
par rapport à ceux qu’ils avaient construits dans le passé. Cela n’implique pas nécessairement que
l’on quitte l’industrie lourde pour aller vers des services à haute valeur ajoutée mais plutôt que l’on
invente de nouvelles combinaisons gagnantes sur lesquelles fonder une activité économique plurielle,
compétitive et conquérante.
La création d’activités non délocalisables
De nombreux pays, dont la France, disposent d’un potentiel national de création d’activités non
délocalisables. Il serait intéressant de procéder à une évaluation détaillée et exhaustive de ce
potentiel qui mélange le savoir (éducation, hautes technologies), l’innovation (parfois technologique
mais aussi organisationnelle et humaine), les avantages comparatifs locaux (paysages, production
des terroirs, gastronomie). Le rôle des territoires, des collectivités locales, des pôles de compétitivité
constitue un élément majeur pour découvrir, impulser et encourager les talents, les initiatives
individuelles et collectives. Cette dynamique locale n’est pas toujours facilitée par une gouvernance
politique et administrative qui reste très centralisée et souvent bureaucratique. De nombreux chantiers
ont été ouverts par le Grenelle de l’environnement ; ils invitent à l’invention de nouveaux modes de
croissance qui seraient à la fois plus verts, plus humains et plus responsables. Les défis du
changement climatique sont peut-être pour nos vieux pays une opportunité de sortie de crise par des
sentiers différents.
Ce thème illustre sous un angle nouveau la dynamique schumpétérienne de destruction-création,
avec un rôle central dévolu à l’entrepreneur.
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Relocalisation : les pionniers jugent le bilan positif
Volet 4 de notre série "Les dessous du Made in France". Par ETIENNE GLESS pour LEntreprise.com,
le 26/04/2012
A écouter ceux qui ont déjà rapatrié leur fabrication, le "sans-usine" est dépassé. Et le made in
France est l'avenir. Mais la relocalisation - un phénomène encore marginal - ne peut réussir
qu'à la condition de revoir les process industriels et de redéfinir les méthodes de travail.
Les grandes inondations de l'automne 2011 en Thaïlande ont décidé Alexandre Krivine et Didier
Sauvage, les dirigeants de 3S Photonics, à rapatrier la partie sensible de leur production à Nozay
(91).
"En octobre, notre usine de Bangkok était sous l'eau. Que faire ? La reconstruire ? J'ai décidé de la
rapatrier en France." Il a suffi des grandes inondations de cet automne en Thaïlande pour
qu'Alexandre Krivine et Didier Sauvage, les dirigeants de 3S Photonics , choisissent de rapatrier à
Nozay (91) la partie sensible de leur production : les composants optoélectroniques. En mars, une
trentaine d'emplois ont été relocalisés. La chaîne de production devrait redémarrer en avril. Et une
vingtaine d'emplois supplémentaires sont annoncés pour 2013.
Les inondations ont été le déclencheur pour cette ancienne filiale d'Alcatel, qui avait délocalisé sa
fabrication en 2005. "Nous ne fabriquons pas des produits basiques mais du high-tech. Nous devons
former la main-d'oeuvre. Or, en Asie, même si elle est moins chère, le turnover est fort. Il est aussi
difficile de contrôler à distance chaque étape de la production. Au moindre incident, il nous fallait
envoyer quatre ingénieurs de France passer un mois sur place. Les frais annexes grimpaient très
vite."
Inflation des coûts dans les pays low cost !
Dans les années 2000, les délocalisations étaient à la mode, l'avenir était au fabless, ces fameuses
entreprises sans usine. Miroir aux alouettes ? A partir de 2010 ont fleuri des discours qui mettent en
avant la difficulté de manager une usine située à 10 000 km ou l'inflation des coûts salariaux dans des
pays de moins en moins à bas coûts. "Un ingénieur chinois expérimenté coûte au moins 4 000 euros
par mois", confie Alexandre Krivine.
Geneviève Lethu a relocalisé dès le milieu des années 2000 une grande partie de sa production
chinoise. Motif ? Suivi inefficace des produits en Asie. La société d'arts de la table avait aussi constaté
que sa clientèle étrangère ne se contentait pas d'acheter un art de vivre français. Elle voulait aussi de
la qualité made in France ! Et ce que client veut...
Depuis 2010, la tendance est de fait à la proximité. D'où l'intérêt de produire dans l'Hexagone.
Economiquement, les relocalisations peuvent-elles tenir la route ? "La main-d'oeuvre n'est pas huit
fois plus chère en France qu'en Chine. Juste 60 % plus cher !", calcule Jean-Yves Hepp, PDG
d'Unowhy. Un delta qui n'a pas empêché ce patron de relocaliser la production de sa tablette tactile
Qooq, dédiée à la cuisine. Hier sous-traitée en Asie, la fabrication de ce petit bijou de high-tech,
vendue au même prix de 349 euros, a été confiée en octobre à Eolane, un sous-traitant de Montceaules-Mines (71), terre d'élection d'Arnaud Montebourg, le croisé de la "démondialisation".
Le "produire mieux", clé de la réussite
Coût de l'opération ? Quinze mois d'études et près d'un million d'euros pour faire revenir la production
dans l'Hexagone. Mais les avantages compensent les inconvénients : coûts et délais de livraison ont
été réduits grâce à la proximité géographique, de même que les besoins en fonds de roulement et le
turnover du personnel... "En Chine, vous devez payer au "cul du camion". Quant à la main-d’œuvre,
en France, elle est plus fidèle et plus productive, argumente Jean-Yves Hepp. Beaucoup me prennent
pour un fou mais je crois que les gens sont de plus en plus sensibles à la production de proximité."
Pour rapatrier sa fabrication, la tablette Qooq a bénéficié de subsides publics : le crédit d'impôt
recherche (250 000 euros) et Oséo, la banque publique des PME, ont dispensé leur manne pour
financer la refonte du modèle industriel. De fait, l'une des clés pour réussir le retour au pays est
d'opter pour des méthodes de travail et des process industriels différents. "Je me définis comme un
tueur de Taylor", dit avec le sourire Jean-Yves Hepp. Son sous-traitant français emploie trois fois
moins d'ouvriers qu'en Asie et multiplie les astuces de productivité : le nombre de vis utilisées a été
réduit de 14 à 4, l'assemblage mieux pensé, l'automatisation renforcée... Cela permet à l'entreprise de
rivaliser avec les coûts chinois.
Ancien publicitaire (McCann) et ancien consultant (Andersen), l'Astérix des tablettes numériques désormais 100 % gauloises, donc - est obsédé par la vitesse du changement et prône l'adaptabilité à
tous crins. "S'adapter comme un caméléon ou mourir comme un dinosaure." Voilà, à ses yeux,
l'alternative pour innover et produire en France.
Dans un autre secteur d'activité, c'est aussi la révision des méthodes de fabrication qui a permis à
Rossignol d'opérer la relocalisation de la production de 60 000 paires de skis de de Taïwan à
Sallanches (74), en octobre 2010. "On a gagné en réactivité et en fiabilité du fait que les centres de
fabrication sont au plus près des marchés", explique-t-on chez l'équipementier, où l'on réinvestit des
millions pour se doter de 28 nouvelles machines dernière génération. Précision : depuis la
relocalisation de sa production, Rossignol affiche des bénéfices, 3 millions d'euros sur le dernier
exercice, contre 94 millions de pertes un an plus tôt ! Produire en France, une bonne affaire ?
Une aide pour les seuls gros projets ?
L'Etat encourage les relocalisations. Mise en place en juillet 2010 par les pouvoirs publics, l'Aide à la
réindustrialisation (ARI) prend la forme d'une avance remboursable versée par Oséo. Le dispositif,
ouvert jusqu'au 30 juin 2013, a pour objet de financer, par le biais d'avances remboursables, des
projets d'investissements sur l'ensemble du territoire français. Une fois de plus, l'Etat a pensé
moyennes et grandes entreprises pour fixer les critères d'éligibilité à cette aide. Pour en bénéficier, le
projet devra représenter un investissement d'au moins 5 millions d'euros et aboutir à la création nette
d'au moins 25 emplois permanents dans un délai maximal de 36 mois ! Pas étonnant qu'en un an,
seule une vingtaine de projets aient pu bénéficier de l'aide ! De ce fait, beaucoup d'entreprises
relocalisent par leurs propres moyens...
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Rossignol entame la seconde phase de relocalisation de sa
production de skis
GABRIELLE SERRAZ, Correspondante à Grenoble | 11 janvier 2013 | Les Echos
Trois ans après avoir failli disparaître, le géant du ski surfe sur le made in France. Il fabrique
désormais 44 % de ses produits dans l'Hexagone.
Pour Rossignol, made in France se conjugue avec compétitivité. Deux ans après avoir entrepris de
relocaliser en Haute-Savoie la production de 75.000 paires de skis auparavant fabriqués à Taïwan, le
groupe Rossignol rapatrie à Sallanches (Haute-Savoie) 20 000 paires supplémentaires.
Son unique usine de fabrication de skis en France finalise ainsi un plan de modernisation de 10
millions d'euros qu'elle partage avec l'autre site de production du groupe à Artès, en Espagne.
Plusieurs lignes d'usinage ont été refondues et rénovées. Bruno Cercley, PDG de Rossignol, a
annoncé pour 2013 de 5 à 10 embauches sur le site de Sallanches, qui compte 180 salariés.
Rationalité économique
Concrètement, au pied du Mont-Blanc, 50 % de l'outil de production ont été revus, 28 machines de
dernière génération ont été installées et l'ensemble du personnel a été formé. Le groupe annonce en
revanche une vingtaine de suppressions de postes à Nevers.
Sur la saison 2011-2012, Rossignol, qui emploie 1 221 personnes dans le monde, dont 694 en
France, a vendu 900 000 paires de ski dont 300 000 produites à Sallanches. Tous types de
fabrications confondues, la part du made in France atteint désormais 44 % de sa production et celle
de l'Europe 99 %.
Un renversement total de stratégie par rapport à celle du précédent propriétaire, l'américain
Quiksilver. Racheté en novembre 2008 par la société Chartreuse et Mont-Blanc, dirigée par Bruno
Cercley, Rossignol accusait alors 300 millions d'euros de dettes et perdait 200 000 euros par jour.
Aujourd'hui, Rossignol concentre ses investissements en Europe. Pour des raisons de marketing,
mais aussi économiques, puisque 70 % du coût des skis viennent des matières premières et qu'il
fallait transporter tous les composants.
En fait, en l'espace de dix ans, les ventes mondiales de skis ont diminué de moitié, passant de 7 à
3 millions de paires. Le géant français a donc intérêt à produire au plus près de son marché principal,
l'Europe, qui représente 60 % de ses ventes, pour être plus réactif.
Sur l'exercice clos au 31 mars 2012, Rossignol a réalisé un chiffre d'affaires de 207 millions d'euros,
en légère progression, avec un résultat de 5 millions d'euros.
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« Made in local » : à chacun son label, et confusion pour tous
ODILE ESPOSITO | 13/03/2013| La Tribune
Nationaux ou régionaux, généralistes ou spécialisés, les labels se multiplient, avec des cahiers des
charges et des objectifs différents. Au risque de désorienter les consommateurs.
Quelques opérations de finition réalisées en France sur des articles importés et... hop! l'industriel peut
apposer l'étiquette Made in France sur son produit... C'est pour lutter contre cette règle officielle jugée
trop laxiste, car fondée sur la notion floue de « dernière transformation substantielle » réalisée dans
l'Hexagone, qu'ont été créés des labels nationaux ou régionaux, généralistes ou spécialisés :
« Saveurs en'Or » pour l'alimentaire du Nord-Pas-de-Calais, « Sud-Ouest France » pour celui de
l'Aquitaine et du Midi-Pyrénées... Les cahiers des charges imposés par ces labels sont plutôt
draconiens. « L'obtention de "Produit en Bretagne" n'est pas simple, et il faut accepter des contraintes,
raconte Bruno Degrenne, directeur commercial de la biscuiterie Kerfood, à Belle-Île-en-Mer, qui
fabrique aussi la crème de caramel au beurre salé Carabreizh. Il nous a fallu mettre en place une
traçabilité informatique. Mais cela nous a fait gagner en productivité et rencontrer des entreprises bien
plus importantes que la nôtre. Commercialement, ce label est un moteur énorme. » L'association
Produit en Bretagne a déjà labellisé 4000 produits de tous types.
Le label cherche à promouvoir l'emploi local et distingue les entreprises développant un véritable
savoir-faire, si possible avec des matières premières bretonnes, mais pas nécessairement. On peut
trouver du café ou du jus d'orange porteurs du logo, car « il y a un vrai savoir-faire des entreprises
concernées dans la torréfaction ou la sélection du concentré, précise Loïc Héna, PDG de l'entreprise
qui porte son nom (215 salariés). Le consommateur est intelligent, il sait bien que le café ne pousse
pas dans les monts d'Arrée. »
Les paradoxes de la certification
« Ridicule », estime Yves Jégo à propos de ce jus d'orange breton. L'ancien ministre de Nicolas
Sarkozy préside l'association Pro France, créatrice du label « Origine France Garantie » (OFG). «
Nous avons déjà labellisé 400 gammes de produits et 600 autres sont en cours. Notre label certifie
que 50% au moins de la valeur unitaire du produit est français. » La Toyota Yaris ou les bières
Kronenbourg ont ainsi obtenu le logo. Mais aussi les lave-linge Electrolux fabriqués dans l'usine de
Revin... que le géant suédois veut fermer en 2014. Les audits, réalisés par le bureau Veritas, donnent
parfois du fil à retordre aux industriels. « Pour mes interrupteurs en verre, j'ai eu beaucoup de mal à
obtenir le label, raconte André Bousquet, le PDG de Meljac. Le travail du verre représente plus de
50% de la valeur ajoutée de ce produit et je le faisais faire par une entreprise d'Eure-et-Loir. Mais le
bureau Veritas a audité uniquement nos locaux, pas ceux de ce sous-traitant. Il rechignait donc à
nous accorder le label, alors qu'avec un verre moins cher acheté en Chine nous l'aurions obtenu sans
peine! J'ai donc décidé de rapatrier le travail du verre. »
L'ambition d'Yves Jégo ? « Créer le grand catalogue des produits français. ». Titanesque.
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Peut-on vraiment consommer 100% français ?
LE MONDE | 26.03.2012 / Par DOMINIQUE GALLOIS et CEDRIC PIETRALUNGA (avec le service
économie)
De retour de Londres, Virginie et Philippe – notre couple fictif rapatrié à Paris emménage dans
un petit pavillon de banlieue – s'étaient fixé une priorité, en cette année d'élection : acheter
français, faire du militantisme économique. Un désir dans l'air du temps, alors que la crise et le
chômage ont fait prendre conscience des dégâts causés par une désindustrialisation entamée
au début des années 1980 et qui ne cesse de s'amplifier.
La France a perdu plus d'un quart de ses emplois industriels depuis 1991, selon le cabinet Roland
Berger. Du coup, le made in France est au cœur des débats de l'élection présidentielle et sera sans
nul doute évoqué au Salon de l'industrie, qui se tient du 26 au 30 mars au Parc des expositions de
Paris Villepinte.
Aujourd'hui, près de deux Français sur trois se disent prêts à payer plus cher les produits fabriqués en
France, selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc),
contre moins de la moitié il y a cinq ans.... Tant que la majoration ne dépasse pas 5 %.
Encore faut-il savoir repérer le made in France ! N'importe quel produit peut s'en targuer si une partie
de son processus de fabrication a été réalisée dans l'Hexagone. "Aujourd'hui, le consommateur ne
peut que tâtonner. Il n'existe pas de norme unique, avec un cahier des charges clair, reconnaît
Edouard Barreiro, responsable des études chez UFC-Que choisir. Vous ne pouvez être sûr d'acheter
français que pour des fromages ou du vin AOC."
Virginie s'en est rendu compte en faisant la tournée des magasins d'ameublement. Dans un secteur
où les deux tiers des équipements sont importés, "les Français sont soit dans le bas de gamme, avec
les meubles en kit proposés par la grande distribution, soit dans le haut de gamme", explique
Christophe Gazel, directeur général de l'Institut de prospective et d'études de l'ameublement (IPEA).
Dans le premier cas, le coût de la main-d'œuvre est si faible, entre 4 % et 10 % du prix de fabrication
des panneaux agglomérés, qu'il vaut mieux produire sur place plutôt que de payer d'importants frais
de logistique. Dans le second cas, il y a le savoir-faire français... qui n'a pas de prix, c'est bien connu.
Les canapés Duvivier sont ainsi fabriqués dans le Poitou et ceux du groupe Roset (marques Roset et
Cinna) dans l'Ain. Mais la concurrence peut aussi être vive dans le bas de gamme. Le français Green
Sofa Dunkerque vient d'être placé en redressement judiciaire, après le retrait de son principal client, le
suédois Ikea.
Dans la cuisine, ceux qui résistent sont les industriels qui ont développé leur propre circuit de
distribution. Mais cela demande un maillage serré. "Les clients ne veulent pas faire plus de 25 minutes
de trajet pour aller acheter une cuisine", constate Anne Leitzgen, présidente de la Société alsacienne
de meubles (SALM), connue pour ses marques Schmidt et Cuisinella. C'est, selon les professionnels,
le seul moyen de résister au rouleau compresseur Ikea, qui fait un tabac avec ses cuisines à petit prix.
"ELÉMENT DIFFÉRENTIANT"
Côté électroménager, produire français est "un élément différentiant positif", affirme Thomas
Raffegeau, directeur marketing de Fagor Brandt, la filiale française du groupe espagnol Fagor.
L'industriel, qui commercialise les produits De Dietrich, Fagor, Sauter, Vedette et Brandt, a ainsi
obtenu en novembre 2011 le label "Origine France garantie", créé il y a un an et accordé aux marques
dont les usines sont en France, et dont la moitié de la valeur ajoutée des produits qui en sortent est
tricolore. Le groupe dispose de quatre sites, à La Roche-sur-Yon, Aizenay (Vendée), Vendôme (Loiret-Cher) et Orléans. Rosières, qui fait partie du groupe italien Candy, n'en a qu'une, dans le Berry.
Au rayon petit électroménager, notre couple a eu plus d'opportunités d'acheter français, avec Seb et
ses marques Moulinex, Rowenta, Krups... Philippe s'est payé une Actifry, le haut de gamme de la
friteuse, produite à Is-sur-Tille (Côte-d'Or), tandis que Virginie a craqué pour le robot Thermomix de la
marque allemande Vorwerk, qui est fabriqué - surprise ! - à Cloyes-sur-le-Loir (Eure-et-Loir).
Pour se vêtir made in France, en revanche, l'affaire s'est corsée... et nos tourtereaux ont failli se
retrouver tout nus. Plus de 95 % des vêtements vendus dans l'Hexagone sont en effet fabriqués à
l'étranger. Il est devenu quasiment impossible de trouver un jean ou un costume pour homme
fabriqués en France.
Pour s'habiller tricolore, Philippe et Virginie ont dû casser leur tirelire. Seules quelques marques de
prêt-à-porter haut de gamme et une partie des grandes maisons de luxe font encore travailler des
ateliers dans l'Hexagone.
Notre couple a donc opté pour des ballerines Repetto, fabriquées en Dordogne, et des mocassins
chics Weston, cousus main près de Limoges. Leurs chaussettes, Bleu Forêt, viennent des Vosges. Et
leurs marinières bleu et blanc de chez Armorlux, qui maintient contre vents et marées un site de
confection à Quimper. Agnès b. conserve aussi une partie de sa production en France. Quant à
trouver des petites culottes pour Virginie ou un caleçon pour Philippe, c'est une autre paire de
manches...
Pour se déplacer, il a aussi fallu faire des concessions. Philippe cherchait un scooter, afin de circuler
facilement dans Paris. Une seule solution : acheter un Peugeot, dont une partie des modèles sont
encore assemblés à Mandeure, dans le Doubs. Mais cela lui a coûté plus cher que s'il avait pris une
marque asiatique comme Kymco ou Sym, dont les petits prix font un tabac dans les grandes villes.
Pour la voiture, Virginie rêvait d'un petit modèle pour se faufiler dans Paris. Il lui a fallu revoir ses
ambitions à la baisse. Et choisir entre une Peugeot 208, une Citroën C3, une Renault Clio ou une
Toyota Yaris, les plus petites des voitures assemblées en France. Les modèles plus compacts,
comme la Twingo, la C1 ou la 107 sont tous produits et montés en Europe centrale ou en Turquie.
"La différence de coûts de production entre une Clio assemblée à Bursa, en Turquie, et le même
modèle produit à Flins, dans les Yvelines, est de 1 300 euros", constate Carlos Tavares, directeur
général de Renault. Pour une Peugeot 208, c'est encore pire : celle produite à Poissy (Yvelines) coûte
1 500 euros plus cher que celle que celle provenant de Trnava, en Slovaquie.
Rien d'étonnant, donc, à ce que les constructeurs français produisent essentiellement des modèles à
forte valeur ajoutée en France. Chez Renault, ce sont les utilitaires, comme le Kangoo ou le Trafic,
ainsi que quelques modèles haut de gamme, comme l'Espace ou la Laguna. La firme au losange ne
produit d'ailleurs plus que 18 % de ses voitures en France, contre encore 39 % pour PSA Peugeot
Citroën.
ASSEMBLAGE ET CONSTRUCTION
Mais les professionnels conseillent de se méfier des chiffres. "L'assemblage ne pèse que 15 % de la
valeur ajoutée d'une voiture", estime M. Tavares. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'elle est
assemblée à l'étranger qu'elle n'est pas française. La fabrication des moteurs, des boîtes de vitesses
ou des transmissions est souvent française et exportée dans des usines à l'étranger. A Tremery
(Moselle), PSA produit ainsi les nouveaux moteurs du groupe, tandis que l'usine du Mans de Renault
fabrique des châssis pour l'ensemble des sites de Renault-Nissan.
Pour les équipements électroniques, notre couple n'a pas eu le choix : hors de l'Asie, point de salut.
Seule petite fantaisie, Virginie s'est offert le Qooq, une tablette culinaire proposant plus de 2 000
recettes ainsi que des vidéos de démonstration et des conseils. Elle a été fabriquée à Montceau-lesMines (Saône-et-Loire), une région qui lui est chère.
Quant à Philippe, il a dû se rabattre, pour les jeux vidéo, sur les "Lapins crétins", l'un des best-sellers
d'Ubisoft. Et quand il utilise sa Wiimote de Nintendo, il se donne bonne conscience : le mouvement est
géré par un capteur conçu par le franco-italien ST Microelectronics, installé à Crolles (Isère).
La France a perdu 1,1 million d'emplois industriels en dix ans
Un quart en moins En France, l'emploi industriel a chuté de 26 % entre 1991 et 2010, ce qui
représente une perte de 1,1 à 1,2 million d'emplois, selon le cabinet Roland Berger. L'industrie ne
représente plus que 12 % de l'emploi total en France en 2010, contre 16 % en 2000. Cette proportion
est de 9 % au Royaume-Uni (14 % en 2000) et de 19 % en Allemagne (contre 21 % en 2000).
Troisième rang En 2010, l'industrie ne représentait plus que 13 % de la valeur ajoutée totale réalisée
en France, contre 18 % en 2000. Elle représente encore 15 % au Royaume-Uni, contre 20 % il y a dix
ans, et demeure stable en Allemagne, à 25 %.
Détérioration La désindustrialisation s'est traduite par une dégradation de la balance commerciale
française. Le déficit pour les produits industriels, qui était de 15 milliards d'euros en 2000, a atteint 92
milliards en 2011.
Recul en Europe La part de la valeur ajoutée industrielle de la France dans l'industrie manufacturière
des 27 pays d'Europe a reculé, passant de 12,9 % en 2000 à moins de 10,7 % en 2011.
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Serge Papin (Système U) : « les consommateurs sont devenus
raisonnables »
15 mars 2013 | La Tribune
Si Serge PAPIN, le PDG de Système U, voit des « signes positifs » pour le renouveau du made in
France, il ne considère pas qu'il faille pour autant espérer « se retrouver avec de grandes industries
de main-d'œuvre ». En revanche, oui, le made in France est bel et bien devenu « un argument de
vente » auprès de consommateurs de plus en plus affûtés. Une tendance que Système U veut
accompagner « avec bienveillance ».
LA TRIBUNE - Le made in France, ça marche ?
SERGE PAPIN - On ne peut pas répondre à cette question de manière simple, parce qu'elle ouvre sur
un certain nombre de sujets, en particulier celui de l'emploi. Les filières alimentaires ne sont pas
forcément les plus concernées, parce qu'elles restent essentiellement made in France. Pour nos
produits alimentaires de marque U, nous faisons par exemple intervenir plus de 85% d'entreprises
françaises. Là où il y a un sujet, c'est sur le non-alimentaire, les vêtements, l'électroménager, dont la
production a été presque totalement délocalisée.
Est-ce que, là, il y a de nouveau une tendance à retourner au made in France ? Oui, je vois en effet
des signes positifs aujourd'hui. Mais il ne faut pas s'attendre à retrouver des grandes industries de
main-d'œuvre. Contrairement à l'Allemagne, qui a beaucoup robotisé son outil industriel, les
entreprises françaises n'ont pas assez investi dans ce secteur depuis la crise, faute de marges
suffisantes. Nous sommes en train de le faire aujourd'hui, y compris dans nos entrepôts logistiques.
Les emplois de demain risquent donc d'être moins nombreux et plus techniques. Mais, grâce à cela,
on peut de nouveau vendre des jouets, des couettes, des sous-vêtements ou de la lingerie made in
France. Et on le fait.
Ce Made in France est-il un réel argument de vente ? Et comment le concilier avec l'image de
prix bas qui est celle de la distribution française ?
Oui, c'est un argument de vente. Et il ne me pose pas de problème. Aujourd'hui, les gens arbitrent. Ils
dépensent de plus en plus intelligemment. Il n'y a pas que la notion de pouvoir d'achat, il y a la notion
de pouvoir d'acheter. De résister aux sirènes du marketing. De se demander quel est l'impact de son
achat sur la santé, sur l'emploi, etc. C'est un vrai changement d'époque. Je pense que l'on quitte la
consommation quantitative, qui était le marqueur des Trente Glorieuses, pour aller vers une
consommation plus qualitative. D'ailleurs, cela va poser un problème, car on a toujours pensé en
France que le moteur du PIB, c'était la consommation interne. Cela veut dire que le rapport qualitéprix va davantage compter que la notion de prix. Le rayonnement du made in France, nous y sommes
donc favorables. À partir du moment où les gens y sont sensibles, si l'on peut conjuguer à la fois le
made in France et un bon rapport qualité-prix, on va fédérer la demande.
Jusqu'où pouvez-vous aider ce mouvement ?
On l'accompagne. On ouvre de plus en plus notre réseau à ces produits : par exemple, on soutient
certaines ex-employées de Lejaby à Bourg-en-Bresse et on commercialise ces sous-vêtements
féminins à notre marque. Cela fonctionne, car le rapport qualité-prix est là.
Mais quand votre centrale d'achats va négocier avec un industriel, allez-vous privilégier le
produit fait en France ?
Clairement oui. Évidemment, nous n'allons pas référencer des articles qui sont hors du marché au
seul motif qu'ils sont made in France. Il faut que ce soit en cohérence avec notre offre et, dans ce cas,
on recevra ces ores avec plus de bienveillance. Pour autant, cela ne fera pas forcément disparaître
des rayons les produits bon marché, car certains clients les réclament aussi. La construction de l'offre,
c'est un travail, un vrai savoir-faire des enseignes. Et le made in France sera sans doute, dans chaque
catégorie de produits, un marqueur de l'offre.
Qu'est-ce qui vous fait dire que le comportement du consommateur change ? Vous avez des
enquêtes ?
Il n'y a pas forcément une tendance à acheter le moins cher possible. Pourquoi vendons-nous de
moins en moins de premiers prix ? Pourquoi le hard discount en France perd-il des parts de marché ?
Le problème du pouvoir d'achat en France, c'est la peur du déclassement social, du chômage. Mais
pour ceux qui travaillent, pour le moment, le pouvoir d'achat se maintient plus ou moins, il y a des
craintes mais il n'y a pas de « dévissage ». Ce qui se développe aujourd'hui, on le constate, ce sont
les produits qui offrent la qualité. Pour l'alimentation, les Français sont de plus en plus nombreux à
préférer acheter moins et mieux. Et nous, en tout cas chez Système U, nous sommes de plus en plus
responsables face à des consommateurs de plus en plus raisonnables. Regardez ce qu'on fait en
matière de transparence, quand on se bat pour enlever les produits controversés. Pour les œufs de
marque U, par exemple, nous nous sommes associés à la démarche « Bleu Blanc Cœur », qui intègre
du lin dans l'alimentation des poules, ce qui a des vertus pour la santé. Cela entraîne, pour une famille
de quatre personnes, un surcoût annuel de 2 euros en moyenne. C'est un choix.
Un industriel très impliqué dans le made in France comme Hénaff demande une hausse de 25
centimes de sa boîte de pâté pour absorber la hausse du prix du porc. Et il craint un refus de la
grande distribution. Que lui répondez-vous ?
Ce sujet renvoie à la loi de modernisation de l'économie (LME), dans laquelle on a fait de
l'alimentation le symbole de toute la problématique de pouvoir d'achat en France, alors que les gens
dépensent beaucoup plus pour se loger et se déplacer que pour s'alimenter. Le problème de la
société Hénaff, outre le prix du porc, c'est que sa marque est référente dans les pâtés. Elle entre, de
ce fait, dans ce qu'on appelle la guerre des prix, qui est destructrice de valeur et donc potentiellement
destructrice du made in France. La LME permet de vendre au seuil de revente à perte (SRP) les
produits référents considérés comme un marqueur des prix : le Nutella, le Coca-Cola, etc.
Sur ces produits-là, fabriqués par de grandes marques internationales en général, la grande
distribution ne gagne pas d'argent. Elle finance cette guerre des prix en augmentant ses marges sur
les produits des PME ou des filières agroalimentaires. Cette démarche nous conduit droit dans le mur.
Parce que, pour Nestlé ou Coca, une enseigne comme la nôtre représente au mieux 0,5% du chiffre
d'affaires mondial. Alors qu'une PME comme Hénaff, fatalement, va faire 15% de ses ventes avec
nous. Ce qui crée une dépendance. Notre responsabilité ne peut donc pas être la même avec ces
PME françaises. Pourtant, la loi est la même. Il faut donc qu'on sorte de cette logique absurde pour
équilibrer les marges par le jeu de la péréquation. Car la grande distribution, c'est de la péréquation. Il
faut qu'on puisse arrêter des prix abusivement bas sur les grandes marques pour redonner des
marges aux PME et aux filières agricoles. Il faut donc changer la loi, l'amender.

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