Vaccination contre l`hépatite B et sclérose en plaques

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Vaccination contre l`hépatite B et sclérose en plaques
Vaccination contre l’hépatite B et sclérose en plaques
Prise de position commune du Comité médical de la Société suisse de sclérose en plaques, de
la Commission suisse pour les vaccinations et de l’Office fédéral de la santé publique
(Bull OFSP 1999; No. 45: 844-6)
Depuis 1995, la France a vécu plusieurs épisodes médiatiques entretenant la rumeur d’une
association entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue de sclérose en plaques (SEP).
L’organisation mondiale de la santé et le « Viral Hepatitis Prevention Board » ont pris position lors
d’un meeting qui a eu lieu du 28 au 30 septembre 1998 à Genève [1]. Le premier octobre 1998, le
Secrétaire français d’Etat à la Santé, sous la pression de groupes opposés à la vaccination, a
annoncé la suspension provisoire de la vaccination de routine des adolescents contre l’hépatite B
dans les collèges. Il a maintenu les recommandations de vacciner les nourrissons, les adolescents
chez leur médecin traitant, les adultes à risque et la vaccination obligatoire du personnel de santé.
Ces événements ont soulevé et soulèvent encore de nombreuses questions chez les médecins et la
population, entre autre sur les risques de vacciner quelqu’un atteint de sclérose en plaques ou une
personne dont un des membres de la famille souffre de cette maladie. Nous avons donc décidé de
rédiger, avec le Comité médical de la Société suisse de sclérose en plaques, une brève mise au point,
complément des prises de position de l’OFSP de 1998 [2,3].
Sclérose en plaques
La sclérose en plaques est une maladie du système nerveux central caractérisée par la destruction de
la gaine de myéline qui entoure les neurones. Elle est considérée par de nombreux scientifiques
comme une maladie auto-immune. Il est généralement admis qu’elle survient chez des personnes
avec une prédisposition génétique (complexe majeur d’histocompatibilité (MHC) et non-MHC), chez
lesquelles certains facteurs environnementaux pourraient déclencher la maladie. Les virus pourraient
être responsables de réactions autoimmunes (activation polyclonale, infection des lymphocytes, par
un mécanisme « anti-idiotypique » et par mimétisme moléculaire) [4]. Plusieurs dizaines de facteurs
environnementaux ont été évoqués tels que les maladies infectieuses, les vaccins, le climat, la
latitude, le stress, les traumatismes, la grossesse, la cohabitation avec un chien, les risques
professionnels, les aliments contaminés et les métaux, mais aucun n’a pu être prouvé. Il n’y a pas
d’indications d’une association entre l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) et la SEP. La
distribution selon l’âge du début de la maladie et des études de migration suggèrent que l’exposition à
un agent environnemental, soit dans l’enfance, soit dans l’adolescence, contribue à la pathogenèse de
la SEP avec un intervalle de 10 à 15 ans entre l’exposition et le début de la maladie [4]. La prévalence
de la SEP varie de 20 à 180 pour 100 000 habitants selon les pays et présente un gradient nord-sud
(140/100 000 habitants en Ecosse et 40/100 000 habitants en Sicile). En Suisse, cette prévalence est
de 110/100 000 habitants [5]. En France, le taux d’incidence est de 1 à 3 pour 100 000 habitants par
an. La SEP touche surtout les jeunes adultes (entre 20 et 50 ans) avec un pic vers l’âge de 30 ans et
le sexe ratio est d’environ 1,7 femmes pour 1 homme [6-8].
Vaccination contre l’hépatite B et SEP
Dès le début de la campagne très médiatisée de vaccination contre l’hépatite B en France, des
rumeurs se sont répandues alléguant une association entre cette vaccination et l’apparition de SEP.
Alors que les recommandations de vaccination généralisée ne s’adressaient en principe qu’aux
nourrissons et aux adolescents, l’importante médiatisation a eu pour conséquence la vaccination de
plus de 25 millions de personnes, dont plus des deux tiers en dehors des groupes d’âge officiellement
recommandés.
Suite à la notification de plusieurs cas de sclérose en plaques et d’autres affections démyélinisantes
du système nerveux central associées dans le temps avec la vaccination, des études ont été menées
en France. En outre, les déclarations provenant de divers systèmes de pharmacovigilance
(producteurs de vaccins, systèmes de déclarations nationaux) ont été analysées. Les études déjà
connues comme les plus récentes n’ont pas permis d’établir un lien de causalité entre la vaccination
contre l’hépatite B et la survenue de complications neurologiques [9-14]. Le «Viral Hepatitis
Prevention Board » a présenté au mois de septembre 1998 ces différents résultats [4,15]. Trois
hypothèses pourraient expliquer les cas d’affections démyélinisantes qui suivent la vaccination contre
2
l’hépatite B : 1) coïncidence ; 2) effet potentialisateur de la vaccination contre l’hépatite B chez les
individus prédisposés à développer une SEP ou une affection démyélinisante du SNC ; 3) relation de
causalité réelle entre la survenue d’une SEP et la vaccination contre l’hépatite B.
1. L’analyse des données obtenues par les systèmes de déclaration de routine (USA, Italie, Canada)
et de pharmacovigilance (producteurs de vaccins) n’a pas mis en évidence une présence
augmentée de cas de maladies démyélinisantes du système nerveux central dans les semaines
(mois) suivant la vaccination. Les cas de sclérose en plaques déclarés en France et associés
dans le temps avec l’administration du vaccin contre l’hépatite B concernaient des adultes d’âge
moyen de 30 ans, et 75% étaient des femmes. La répartition de la SEP en fonction de l’âge et du
sexe est donc similaire à celle observée dans la population non vaccinée.
2. Les études essayant de prouver l’effet potentialisateur de la vaccination pour la survenue d’une
SEP ne permettent pas de confirmer cette hypothèse [15].
3. Les études cherchant à déterminer un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et
la survenue d’une SEP ne sont pas conclusives [10-14, 16]. L’association causale entre l’infection
par le virus de l’hépatite B et les affections démyélinisantes du système nerveux central, SEP
comprise, n’a pu être établie dans aucune étude [16]. Certaines études sont encore en cours.
L’une d’entre elle étudie tous les vaccins et les affections démyélinisantes du système nerveux
central.
En conclusion, les experts du « Viral Hepatitis Prevention Board » et de l’OMS se sont prononcés
pour la poursuite des programmes de vaccination contre l’hépatite B, compte tenu des bénéfices
connus de cette vaccination pour la population en contraste avec un risque hypothétique non
démontré.
Recommandation du Comité médical de la Société suisse de sclérose en plaques, de
la Commission suisse pour les vaccinations et de l’Office fédéral de la santé publique
Il n’y a à ce jour pas d’argument scientifique permettant d’établir un lien de causalité entre la
vaccination contre l’hépatite B et la survenue de sclérose en plaques. Les études qui se poursuivent
ne montrent pas d’élément qui justifierait un changement des recommandations de vaccination contre
l’hépatite B. En Suisse, les recommandations pour la vaccination contre l’hépatite B, publiées en 1998
dans les Bulletins N° 27, 36 et 44 de l’OFSP sont maintenues [1,2,17]. La vaccination généralisée
contre l’hépatite B s’adresse aux adolescents de 11 à 15 ans. Dans les groupes d’âge plus élevés,
elle est recommandée pour toutes les personnes en situation à risque.
Compte tenu du risque théorique d’induire, par une stimulation immunitaire, une poussée chez un
patient atteint de sclérose en plaques, l’OFSP et le Comité médical de la Société suisse de sclérose
en plaques recommandent, dans cette situation, de soigneusement peser l’indication à la vaccination.
Les données actuelles ne permettent pas non plus de démontrer un risque accru de développer une
sclérose en plaques après vaccination contre l’hépatite B chez des personnes dont un membre de la
famille (premier degré) est atteint de cette affection. Les antécédents familiaux ne constituent donc
pas une contre-indication à la vaccination contre l’hépatite B chez un adolescent. Toutefois ces
personnes présentent un risque accru de développer une SEP, indépendant de la vaccination. Dans
le contexte actuel, la survenue d’une SEP chez une personne préalablement vaccinée contre
l’hépatite B serait probablement attribuée à la vaccination. Cette situation pourrait être
psychologiquement difficile à supporter pour la personne touchée aussi bien que pour les parents. Il
est donc capital de prendre du temps avec les familles pour discuter de la situation en toute
transparence et parvenir à une décision acceptée et partagée (de vacciner ou de ne pas vacciner)
entre la famille et le médecin. Lorsque la vaccination a débuté, à moins d’un refus, il paraît préférable
de la compléter après en avoir discuté et rassuré les personnes concernées.
Comité médical de la Société suisse de sclérose en plaques
Commission suisse pour les vaccinations
Office fédéral de la santé publique, Division Epidémiologie et maladies infectieuses
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Littérature:
1. Organisation mondiale de la santé. Programme élargi de vaccination. Manque de preuves de l’existence d’un
lien entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques. WklyEpidemiol Rec 1997; 72: 149-52
2. Office fédéral de la santé publique. Vaccination contre l’hépatite B et sclérose en plaques (SEP). Bull OFSP
1998; N° 27: 6-7
3. Office fédéral de la santé publique. Vaccination contre l’hépatite B. L’OFSP maintient ses recommandations.
Bull OFSP 1998; N° 44: 4
4. Hall A, Kane M, Roure C, Meheus A. Meeting Report. Multiple sclerosis and hepatitis B vaccine ?. Vaccine
1999; 17: 2473-75
5. Beer S, Kesselring J. High prevalence of multiple sclerosis in Switzerland. Neuroepidemiology 1994 ; 13:14-18
6. Talbot P. Implication des virus dans la sclérose en plaques. Médecins/sciences 1995; 11: 887-43
7. Heinzler O, Roullet E. Sclérose en plaques. Epidémiologie, diagnostic, évolution, pronostic. La Revue du
Praticien 1996; 46: 2373-9
8. Kurztke JF. Epidemiologic Evidence for multiple sclerosis as an infection. Clin Microbiol Rev 1993; 6: 382-427
9. McMahon BJ, Helminiak , Wainwright RB & all. Frequency of adverse reactions to hepatitis B vaccine in 43
618 persons. Am J Med 1992; 92:254-6
10. Chen RT, Rastogi SC, Mullen JR & all. The Vaccine Adverse Event Reporting System (VAERS). Vaccine
1994; 12:542-49
11. Stratton KR, Howe CJ, Johnston RB. Adverse events associated with childhood vaccines other than pertussis
and rubella. JAMA 1994; 271:1602-5
12. Institute of Medecine: Adverse events associated with childhood vaccines. Evidence baring on causality.
National Academy Press. Washington D.C., USA, 1994
13. Centers for Disease Control. Recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP).
Update: Vaccin side effects, adverse reactions, contraindications and precautions. MMWR 1996; RR 12:1-36
14. Shaw FE, Graham DJ, Guess HA & all. Postmarketing surveillance for neurologic adverse events reported
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15. Halsey NA, Duclos P et al. Hepatitis B vaccine and central nervous system demyelinating diseases. Pediatr
Infect Dis J, 1999; 18:23-4
16. Dobson S, Scheifele S, Belle A. Assessment of a universal school-based hepatitis B vaccination program.
JAMA 1995; 274: 1209-13
17. Office fédéral de la santé publique. Recommandations pour la vaccination contre l’hépatite B. Complément au
Supplément II de décembre 1997. Bull OFSP 1998; N° 36: 4-5

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