Aitareya Up.2.article
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Aitareya Up.2.article
L’Aitareya Upanisad L’étude de la philosophie indienne passe par les grands textes des divers grandes voies classiques, les Darshana, accompagnés des Upanishad les plus connues au détriment de commentaires dont les thèmes, repris, développés et précisés ultérieurement, peuvent sembler trop basiques, trop archaïques. Il est parfois bon de se replonger dans ces Upanishad délaissées pour retrouver l’essence même de ce que nos Anciens avaient ressenti, par intuition. Un peu d’histoire, pour mettre l’Aitareya Upanishad dans son contexte : Les Upanisad sont des textes spéculatifs assez courts éclairant de leurs commentaires des théories plus anciennes, les « connaissances sacrées » appelées Veda, que nous ont transmis les sages inspirés, les Rsi, directement par Brahman, à l’origine. Ces savoirs, enseignés oralement pendant des siècles, ont reçu tardivement une forme écrite. Certaines Upanisad sont rédigées sous forme de dialogues entre Maître et disciple ; d’autres sont des récits extraordinaires transcrits en poème ou en prose. Classée dans les Upanisad Majeures, l’Aitareya est une des plus anciennes, comme son style et son thème nous le laissent penser. Elle est attribuée, sans certitude, au sage Mahidàsa Aitareya. Elle fait partie du Rg-Veda, le plus ancien, par l’Âranyaka (traité à base ésotérique en cinq volumes dont elle compose une part du deuxième livre). Cette Upanisad est divisée en cinq parties semblant parfois décousues, comme rédigées sans suite logique à des périodes distinctes ; cependant, elle est généralement datée de la période allant du 7ème au 4ème siècle avant J.-C. Que nous apprend Aitareya ? Durant cette époque lointaine, les érudits expliquent la Création de l’Univers au moyen d’un parallèle entre microcosme et macrocosme, passant par diverses étapes, tantôt inorganisées – tantôt structurées. Le terme de « Purusa » désigne alors la Personne cosmique faite d’Eaux primitives dont les membres forment l’Univers. Celui d’ « Atman » explique la notion du Soi permettant à chaque individu de répondre à la question « Qui suisje ? » Sous forme de légende, ce texte raconte la lente création du monde… 1er Khanda : A l’ origine, les ténèbres ne sont qu’une onde indistincte, appelée « Salila » selon le Rg-Veda. Le Soi engendre alors l’homme cosmique avec les Eaux originelles, les Rayons lumineux et le Mortel. Ainsi fait, il lui transmet sa chaleur féconde à la manière d’un œuf couvé, lui donnant alors des organes et les fonctions qui s’y rattachent afin de se transformer en un être structuré appelé « Purusa ». 2ème Khanda : De ces fonctions, le Soi appelé « Átman » sépare les forces que sont le feu, le vent, le soleil…, devenant un flux perpétuellement agité prenant l’aspect de la Faim et de la Soif que rien ne peut rassasier. Ainsi isolées, ces énergies implorent Átman de leur donner une forme structurée grâce à laquelle elles peuvent se sustenter. 3ème Khanda : Cette phase accomplie, ne reste que la nourriture à engendrer… A ce stade, le Soi contemple l’homme construit et se demande si celui-ci peut exister sans lui, sans Átman ? Il décide d’achever son œuvre en pénétrant le Purusa par la fissure de la fontanelle, lui donnant la capacité de naître, pour la première fois unifié, aux trois états de conscience. 4ème Khanda : L’homme ainsi complété contient en son sein, sous forme de sperme, l’embryon permettant de perpétuer les mondes, transmettant le Soi à travers les deuxièmes et troisièmes naissances, celles de la vie dans le monde de matière et de la renaissance dans le monde du ciel, devenant ainsi immortel comme l’explique le Sage Vàmadeva. 5ème Khanda : Alors se pose la question de savoir lequel du soi individuel ou de l’ Átman universelle est le Soi ? L’Upanisad répond à cette interrogation par la Sapience en évoquant les noms de Brahman, Indra, Prajàpati ainsi que les cinq grands éléments de base : terre – vent – air – eaux et lumière dans lesquels, en germe, tout est contenu. Ainsi, l’Aitareya Upanisad ignore la théorie des transmigrations- Samsàra, celle des bonnes actions- Karma ou de l’ascèse permettant le salut des âmes… autant qu’elle n’aborde le thème de la libération- Moksa... Ces thèmes, introduits au fil des siècles, selon les questionnements, compréhensions et besoins des diverses époques, se retrouvent dans les Upanishad étudiées généralement…Elle utilise la cosmogonie pour raconter de manière mythique la formation de l’univers, des objets célestes aux éléments terrestres. Le seul but de l’homme semble être sa réalisation en ce monde et l’immortalité au-delà, l’ Átman individuel se reconnaissant dans l’ Átman universel et le Purusa, l’homme créé à l’image du Tout appelé Brahman. A toutes les époques de l’Humanité, les développements des divers courants religieux nous le montrent, les êtres humains cherchent à comprendre la création du monde pour répondre à des questions existentielles. Les premières explications développées en ces temps reculés sont archaïques, découlant de rêveries où le vivant est une représentation à l’échelle humaine de tout l’univers, pétri dans la même matière, animé du même souffle de vie, du même feu divin… Les Rsi partagent par l’intermédiaire des Veda cette connaissance de la vie terrestre comme une unité faisant partie de l’Univers, spontanément reliée à l’Origine. Ces bases posées, les théories s’affinent, au fur et à mesure que surgissent les nouveaux questionnements. Les concepts s’accompagnent de rituels. Des liens de causalité sont élaborés. Les détenteurs de ce savoir mystérieux et magique ont-ils voulu prendre l’ascendant sur les petites gens moins instruites ? Peut-être. Partout où l’homme croit détenir « La » Vérité, il confond sa connaissance intellectuelle, la Jnana, avec la connaissance intuitive, universelle qui permet d’être en lien avec le Tout… autrement-dit le Soi sapient, la « Prajnâtman ». Bien que la Réalisation du Monde décrite sous forme de légende dans cette ancienne Upanisad soit très sommaire, elle en donne cependant plusieurs clefs de compréhension toujours valables et simples de la Vie : - L’impermanence : tout n’est qu’éternel recommencement. Ainsi, l’enfant naît vierge au monde, recevant l’Atman individuel ou le Souffle originel pour bagage… A la fin de son parcours, fait d’une ou plusieurs vies -qu’importe-, devenu un être accompli et équanime, il renaît à l’autre monde tel un enfant, son Atman retournant à Brahman, rendant le dernier Souffle de vie à la Vie. - L’humilité : prenant conscience de n’être qu’une création parmi la Création, fait des cinq mêmes éléments de base, l’être humain ne peut que laisser tomber le masque de l’arrogance et se sentir entièrement relié. - L’amour : prenant conscience que l’étincelle de vie qui nous anime est issue de l’Energie Créatrice, Amour inconditionnel, l’être humain réalise que se trouve en lui le moyen de connaître son origine. Il peut alors répondre tout simplement à la question « Qui suis-je ? » posée dès les débuts de l’humanité. Cela vaut la peine, parfois, de se pencher sur des textes moins connus. Baar, mars 2011 De tout cœur, Lucie Pfefferlé - avec l'aide des commentaires de Louis Renou dans « les Upanishad » Publication et traduction par Lilian Silburn, Ed. Librairie d’Amérique et d’Orient, Jean Maisonneuve, Paris, 1894 - et celle des « Upanishads Majeures » sur le site www.les-108-upanishads.ch/aitareya.html