Ces Languedociens qui réussissent à l`étranger
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Ces Languedociens qui réussissent à l`étranger
> E N Q U ÊT E Ces Languedociens qui réussissent à l’étranger Comment l’association Racines Sud est-elle née ? D’une rencontre avec Jean-Jacques Rieu, du service du développement économique du Conseil général de l’Hérault. Il avait créé Les ambassadeurs du Sud, un club qui regroupe des patrons de PME héraultaises afin de favoriser leur développement à l’étranger et de faire connaître le département pour attirer des projets ici. Jean-Jacques Rieu voulait aller plus loin. Son idée était de s’appuyer sur des Languedociens expatriés pour qu’ils soient des ambassadeurs du Languedoc. Je venais de m’installer à Montpellier après avoir monté un projet similaire à Paris. Le Département m’a confié la mission de créer cette association des Languedociens expatriés en septembre 2006. J’ai trouvé un nom : Racines Sud, que j’ai déposé à l’INPI. Qu’est-ce qui a été le plus difficile au début ? De retrouver ces fameux Languedociens à l’étranger ! Grâce au site inter28 net Copains d’avant, j’ai identifié des membres potentiels à qui j’ai envoyé un mail personnalisé expliquant la démarche. L’adhésion est gratuite. Ce sont des personnes nées ici, installées à l’étranger, qui doivent s’engager à aider au mieux ceux qui souhaitent s’expatrier dans le pays où ils se trouvent, afin de faciliter leur installation. Au fur et à mesure, nous avons atteint 520 membres. Quel est le profil de ces 520 adhérents ? Un profil atypique ! Ce sont des aventuriers. Parmi les étudiants nés ici, il faut reconnaître que ceux qui restent dans la région ont souvent un parcours modeste. En revanche, ceux qui partent ont vraiment de l’ambition. Avant même de finir leurs études, ils savaient qu’ils ne trouveraient pas de travail à la mesure de leurs attentes et qu’il leur faudrait partir pour réussir... Même s’ils ne connaissent pas la langue du pays, ils relèvent le challenge. Leur point commun : une soif de découverte et d’ail- > Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011 © Edouard Hannoteaux Envie de se confronter à d’autres cultures ou manque d’opportunités dans la région… de nombreux Languedociens choisissent de partir en terre inconnue. Emmanuelle DarrasRivault, experte en communication, a fondé une association qui met en réseau ces compatriotes disséminés sur la planète, Racines Sud. De Sydney à Shanghai ou Los Cabos, ses 520 membres expatriés sont autant d’ambassadeurs de la région… Emmanuelle Darras-Rivault de l’association Racines Sud leurs, une envie de se confronter aux autres et à des cultures différentes. Ils ont du courage, un sens de l’adaptation ; d’autant que rien n’est fait pour les encourager à partir : aucun conseil, aucune astuce. Il leur a fallu se prendre en main. Dans quels secteurs d’activité les retrouve-t-on ? Ce sont en majorité des hommes, entre 30 et 55 ans, souvent en couple. Ils gagnent bien mieux leur vie qu’ils ne l’auraient sans doute fait ici : environ 5 000 € par mois. Les secteurs d’activité les plus représentés sont l’enseignement/recherche, l’agronomie/viticulture, le tourisme/immobilier, l’informatique/nouvelles technologies, la banque/finance, le secteur médical et la culture. Certains ne veulent plus du tout entendre parler de ce Languedoc qui ne leur a pas ouvert les bras. Mais, en général, ils aiment leur région d’origine, reviennent une ou deux fois par an et veulent passer leur retraite ici. Quelle est la vocation de Racines Sud ? Nous ne sommes pas une association à vocation conviviale du type Les Catalans de Paris ou Les Bretons de New York. L’idée n’est pas d’échanger des recettes sur la gardiane de taureau autour d’un bon verre… En tout cas, pas seulement. Notre ambition est de créer des passerelles entre les adhérents et la région, de servir de tête de pont économique dans les deux sens, pour faciliter l’installation de Languedociens à l’étranger et faire parler de Montpellier. Nous apportons cette petite touche de contact affectif qui peut faire la différence. Par exemple, un Languedocien, particulier ou société, qui envisage de s’installer à Shanghai, je peux le mettre en relation avec 40 adhérents de Racines Sud sur place, dont 10 spécialisés dans le vin. Ils pourront très vite lui donner des informations simples sur la viabilité de son projet. Nos « ambassadeurs » donnent des conseils amicaux, gratuits et sincères. C’est un gain de temps considérable. Les expatriés sont ravis de voir leur réussite reconnue et se sentent valorisés. Lorsque le président du Conseil général se déplace en Tunisie, il les invite à une soirée sur place. C’est une façon de les remercier de jouer ce rôle d’ambassadeurs de la région. Quel bilan tirez-vous de vos cinq ans d’existence ? Nous enregistrons 20 adhésions par mois ! À ce rythme, nous serons 700 fin 2012. Nous sommes soutenus depuis le premier jour par le Conseil général de l’Hérault (30 000 € en 2011), et depuis deux ans par la Région LanguedocRoussillon (10 000 €) et des partenaires privés (10 000 €). Les médias nous contactent désormais pour trouver des Languedociens témoins des révolutions dans les pays arabes ou du tsunami au Japon. Nous avons créé un site dédié au réseau (www.racinessud.com) et des prix pour récompenser nos portedrapeaux à l’étranger, sensibiliser les sociétés d’ici sur l’existence d’un réseau languedocien à l’international. Propos recueillis par A.-I. Six Octobre 2011 I Objectif Languedoc-Roussillon < 29 > E N Q U ÊT E Languedociens expatriés L’eldorado américain, à contre-cœur C’est presque contraint et forcé par la réalité du marché qu’il a quitté le soleil languedocien. Après neuf ans à Montpellier, Bertin Nahum s’est expatrié au Canada pour vendre ses robots médicaux sur le continent nord-américain. Une stratégie gagnante. C e n’est « pas de gaieté de cœur » que Bertin Nahum s’est expatrié à Montréal voici 18 mois. « Le climat est terrible ! » Et c’est « la boule au ventre » que le patron de Medtech est reparti s’installer à New York, avec sa femme et ses enfants de 8 et 12 ans, après un été passé en Languedoc. « Je quitte le Languedoc par dépit pour chercher une vie meilleure. Pour moi, le lieu de vie idéal est ici », s’enflamme le fondateur d’une société de robots d’assistance à la neurochirurgie installée pendant neuf ans à Montpellier. Relais de croissance Bertin Nahum ne tarit pas d’éloges sur la région. « Je suis Languedocien. Ici, j’ai le soleil et mes amis. La croissance démographique fait de Montpellier une ville de brassage, une terre promise qui attire des gens de tous horizons. Cela crée des LEMEUR, star du web Il a initié Nicolas Sarkozy au web durant les présidentielles de 2007 et est devenu un blogueur influent. Il organise d’ailleurs chaque année à Paris « Le Web », une conférence événement sur les nouvelles technologies. Loïc Le Meur, dont la famille est bien connue dans les Pyrénées-Orientales (société Marine Service Catalan à Saint-Cyprien), s’est expatrié en 2007 à San Francisco pour créer Seesmic, une communauté d’échanges vidéo. ROTA, l’inventeur du DivX Le Montpelliérain Jérôme Rota a créé le DivX, un système de compression de fichiers vidéo parmi les plus populaires au monde. Faute de pouvoir réunir les financements nécessaires dans les temps en France, il est parti fonder sa société à San Diego, en Californie. 30 > Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011 mélanges qui me plaisent », affirme l’ingénieur en robotique. Né au Sénégal, ayant fait ses études en GrandeBretagne et travaillé beaucoup à l’international, il a déjà fait le plein de découvertes multiculturelles. S’il quitte le Languedoc, c’est uniquement par obligation professionnelle, pour accompagner le développement de Medtech sur le continent nord-américain. « Nous ne pouvions pas réussir en restant à Montpellier. Le Canada et a fortiori les États-Unis ne sont pas des marchés que l’on aborde depuis la France. Il faut être sur place. La France est un petit pays. À un moment donné, il faut aller chercher ailleurs les relais de croissance. Surtout dans mon métier. Les États-Unis représentent plus de 50 % du marché mondial. L’argent se trouve aussi à l’étranger ». Retour dans 2 ans ? Cette stratégie commence à porter ses fruits. Depuis le lancement de la filiale canadienne, la TPE a doublé ses effectifs et emploie désormais 25 personnes. Le chiffre d’affaires, non communiqué, n’a pas suivi au même rythme… Mais, Bertin Nahum mise beaucoup sur la nouvelle filiale près de New York qui a vocation à devenir l’implantation majeure de Medtech. Le presque quadragénaire espère qu’il se plaira davantage au sein de Big Apple que de Montréal... et envisage déjà son retour, dans l’idéal, d’ici deux ans… Anne-Isabelle Six > E N Q U ÊT E Languedociens expatriés L’appel de la Californie C’est une success-story à l’américaine comme on les aime. Depuis dix ans, Géraud Dubois brille dans la Silicon Valley à la tête d’une équipe de 10 chercheurs (il a déjà déposé 25 brevets !). Un parcours inenvisageable en France, encore moins à Sète, sa ville d’origine. dans un centre de recherche gigantesque entouré de montagnes, il anime une équipe de 10 chercheurs de haute volée et de 8 nationalités, gère plusieurs millions de dollars de budget, a déjà déposé plus de 25 brevets et publié plus de 75 articles dans des revues scientifiques de référence ! La notoriété scientifique de ce bouten-train dépasse largement les murs de son laboratoire. Invité dans le monde entier – de Chine à l’Arabie Saoudite – pour faire des conférences, il est aussi professeur à Stanford, où il fut président des étudiants français. « Ce parcours n’était pas envisageable en restant dans la région où j’ai grandi. Pour réussir dans un monde global comme le nôtre, pour comprendre les gens avec qui on fait du business, il faut partir quelques années à l’étranger ». Expérience hors-pair C ’est l’histoire d’un petit gars de Sète qui regarde les marins quitter le port et se dit, comme dans la trilogie de Pagnol, qu’il aimerait partir à la découverte du vaste monde. Et qui le fait ! « Un désir profond de connaître autre chose », dit-il. Direction la Californie. Après un doctorat à l’Université de Montpellier II, Géraud Dubois rejoint en 2000 la prestigieuse université de Stanford en « postdoc », où il crée un laboratoire dans un nouveau domaine de recherche : la chimie des matériaux. « Quand on fait 9 ou 12 ans d’études, on a envie d’une certaine reconnaissance. La France reste dominée par les écoles d’ingénieurs, à l’inverse des États-Unis où tout le monde connaît la valeur d’une thèse. Cela reste l’endroit phare pour développer une carrière. Le niveau scientifique est élevé, les gens s’investissent dans leur travail et les opportunités dépendent de vos qualités professionnelles ». 25 brevets déposés Le début d’une vraie success-story à l’américaine. IBM Research l’engage pour mener deux axes de recherche : les matériaux pour augmenter les performances des microprocesseurs et les membranes pour désaliniser l’eau. Au cœur de la Silicon Valley, Ce meneur d’hommes convient que ses années sétoises l’avaient déjà bien préparé au multiculturel. « Grandir au milieu d’Arabes, d’Italiens, d’Espagnols, de Portugais… cela aide à s’adapter ». À 39 ans, Géraud Dubois envisage aujourd’hui de revenir en France. « Mon rêve d’ailleurs est assouvi et j’ai accompli ce pour quoi j’étais parti là-bas. Mais, au niveau carrière, ce sera obligatoirement moins bien ici. Alors, le dilemme est : est-ce que j’abandonne mes ambitions professionnelles pour donner la priorité à ma vie sociale et familiale ? ». Car, la qualité de vie française, sa bande de potes et ses racines lui manquent. « Malgré les apparences, les États-Unis et la France conservent des différences culturelles importantes ». Il pose donc des jalons pour trouver un poste de direction scientifique, dans le public ou le privé, en Europe. Son premier choix serait le Languedoc-Roussillon ! Avis donc à ceux qui veulent bénéficier de son expérience hors pair. Anne-Isabelle Six 32 > Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011 > E N Q U ÊT E Languedociens expatriés “ Rien à perdre, tout à gagner ! ” Cette jeune femme à l’accent carcassonnais prononcé n’a pas eu peur de tenter sa chance ailleurs. Après Casablanca et Londres, Cyndie Herrador a trouvé un port d’attache à Sydney. Elle y est aujourd’hui chef de projets chez Leighton Contractors, une société de BTP, télécom et énergie. Son seul regret : être à 24 h d’avion de ses proches restés en Languedoc. «S oyons réalistes, les opportunités professionnelles pour les jeunes diplômés en Languedoc-Roussillon restent limitées. La plupart de mes amis d’enfance, ceux avec qui j’ai fait mes études, sont chômeurs ou dans le meilleur des cas ont un emploi administratif payé au SMIC. Le goût de l’aventure, associé à l’envie de relever les défis et de prendre mon avenir en main, m’a poussée à partir. J’ai grandi dans un petit village audois, Malvesen-Minervois, puis j’ai intégré Sup de Co Montpellier où j’ai fait une maîtrise en gestion et commerce international. Faire confiance J’ai eu la chance d’obtenir un diplôme australien grâce à un partenariat avec La Trobe University. Je me suis vite rendue compte que, faute d’avoir un proche dans une grande société, j’avais très peu de chance d’intégrer l’une d’entre elles. J’ai travaillé neuf 34 mois pour GFI Informatique à Montpellier, puis effectué trois mois de stage dans leur filiale marocaine à Casablanca. Cela a été une révélation : mon avenir professionnel était à l’étranger. Lorsque j’ai quitté la France définitivement, j’avais 23 ans, trois diplômes en poche et j’étais célibataire. Rien à perdre, tout à gagner ! J’ai eu une opportunité à Londres via le réseau Sup de Co dans un grand cabinet de recrutement. Mon niveau en anglais étant très limité, j’ai eu beaucoup de mal à m’adapter, mais au moins là-bas, on m’a fait confiance. Au bout de six mois d’efforts, j’ai signé un CDI. J’ai rencontré Chris, mon ami qui est Australien. Fin 2008, nous avons décidé de nous installer en Australie. Son pays lui manquait, la crise financière venait de frapper en Europe, il était temps de tenter ma chance ailleurs. C’est une société moderne, jeune et tolérante, née de l’immigration. Le taux de chômage est > Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011 faible, les salaires hauts, de même que la qualité de vie. Ici, on vous donne votre chance selon votre niveau d’expérience, vos qualifications et votre personnalité. Gros sacrifice Chef de projets chez Leighton Contractors, une société australienne de BTP, télécom et énergie qui emploie 15 000 personnes, je dirige quatre salariés. Je m’estime très chanceuse. Beaucoup de personnes en France aimeraient être à ma place. Cela ne tient qu’à eux. La région me manque beaucoup. Vivre aussi loin de ma famille, à 24 h d’avion, est un gros sacrifice. Beaucoup de mes amis ne comprennent pas mon choix. Tristement, nos vies se séparent. L’isolement est le seul inconvénient à vivre en Australie. En plus de l’absence d’un bon cassoulet, bien sûr ! J’envisage de revenir en Europe. Peut-être en France dans une dizaine d’années, si l’économie rebondit. » Propos recueillis par A.-I. S. > E N Q U ÊT E Languedociens expatriés Shanghai, “ là où il faut être pour faire des affaires ” Temps gris sur la capitale financière chinoise, mais moral au beau fixe pour Matthieu Rollin. À 27 ans, le petit Frenchy y a créé sa société d’exportation de vins du Languedoc-Roussillon. Et la réussite est au rendez-vous : Wineo croit de plus de 100 % par an. gée par la CCI de Montpellier. Après un démarrage difficile, Wineo a réalisé 3 M€ de chiffre d’affaires en 2010. La société du petit Frenchy est le n°1 des fournisseurs de French Wine Paradox, l’importateur de vin leader de la grande distribution en Chine. Son activité explose. « Presque trop ! Quand on gérait 2 000 bouteilles à deux, on maîtrisait. Là, avec plus de 1,5 million de bouteilles par an et plus 100 % de croissance par an, c’est acrobatique ! ». Il aimerait profiter de l’élan chinois pour grossir, mais souhaiterait suivre le rythme de croissance du marché du vin en Chine, soit 50 %. Ses clients sont autant des Chinois que des expatriés en Chine. Chance inespérée I l est 9 h à Montpellier, 15 h à Shanghai. Matthieu Rollin est au 20e étage d’une tour entourée de nuages, chez l’un de ses clients importateurs de vins. Devant lui, le port avec des milliers de conteneurs en provenance ou en partance pour le reste du monde. Il est « là où il faut être pour faire des affaires ». À 12 000 km de Montpellier. Ce jeune homme pressé est parti à Shanghai à 22 ans. « J’ai l’expatriation dans les gènes. Mon père a passé 25 ans à l’étranger. Je ne me voyais pas rester en France toute ma vie, ni travailler dans un bureau ». Il cherche donc à concilier son goût de l’ailleurs et sa passion pour les vins du Languedoc-Roussillon. Après des études à l’Esicad (école de commerce) Montpellier et à la Winthrop University (Caroline du Sud), il propose à la cave coopérative d’Adissan (Hérault) de l’envoyer en Chine pour y développer leurs ventes en tant que volontariat international en entreprise (VIE). La clef de la grande distribution « Je ne parlais pas le chinois ! Les six premiers mois n’ont pas été marrants, mais c’est là où j’ai tout appris. Ma grande réussite a été d’intégrer la grande distribution. C’est la clef. » Il choisit de créer son entreprise, héber- « Les plus grandes sociétés du monde envoient leurs cadres en Chine et ils aiment le vin… Je me rends compte que je suis un ambassadeur du Languedoc-Roussillon, comme un Petit Poucet qui se bat contre les concurrents du Chili, de l’Argentine et de l’Australie. » Il tente de revenir deux fois par an à Montpellier pour voir sa famille, ses amis… et ses fournisseurs. « Quand je vois mes copains de promotion, je comprends qu’être à la tête d’une structure comme Wineo à 27 ans, c’est inespéré… » Habiter Shanghai implique un gros sacrifice : « Être coupé de sa famille ». Mais il apprécie cette ville de 22 millions d’habitants tout en paradoxes, très polluée, bruyante, active, où l’on ne dort jamais. Son conseil : « Ne croyez pas ceux qui vous disent qu’il est trop tard pour venir en Chine. Il y a encore de la place ! » Lui estime avoir encore dix belles années à vivre en Chine. Avant de rentrer avec une jolie aisance financière. Anne-Isabelle Six 36 > Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011 > E N Q U ÊT E Languedociens expatriés VINCENT FERRERO, agent de Sotheby’s au Mexique Au paradis de l’immobilier de luxe région.... Le couple a donc quitté ce Sud qu’il chérit pour une latitude encore plus clémente : Los Cabos, en Basse-Californie Sud, au Mexique, une sorte de Saint-Tropez au bord du plus bel aquarium du monde. « Il y a tout ce que j’aime : la mer bleue, la terre blanche du désert, des montagnes autour… et des résidences et hôtels de luxe à vendre aux riches étrangers ! » Avec 50 000 € en poche et une volonté de fer, ils se lancent dans l’aventure en 2008. « Je rêvais de réussir dans un pays hispanophone, de faire une immigration à l’envers de celle de ma famille espagnole en France. » Trois ans plus tard, Vincent connaît un succès au-delà de ses espérances. Il a décroché 150 000 $ (8 000 € par mois) cette année comme agent de Sotheby’s, leader mondial de l’immobilier de luxe. Accomplissement personnel I l doit beaucoup au Languedoc-Roussillon : son titre de champion de France de natation par équipe avec le club de Canet en 1987, son diplôme de l’Institut des sciences de l’entreprise de Montpellier (ISEM) avec une spécialisation dans l’immobilier, et la rencontre avec une économiste… mexicaine. Il aurait pu développer sa petite société de transactions immobilières à Montpellier. Mais son amour, Sandra, ne trouvait pas de travail à la mesure de ses ambitions dans la « Le manager, une femme, m’a fait confiance. Je suis devenu leur meilleur agent au Mexique malgré la crise ! » À 41 ans, celui qui va obtenir sous peu la double nationalité a surtout trouvé au Mexique un accomplissement personnel. « Dans ce pays très jeune et accueillant, je me sens libre, capable de faire de grandes choses, autant pour le business que pour les gens. » Il s’occupe ainsi d’un orphelinat de 40 enfants et œuvre pour que Los Cabos – soumise à une sécheresse chronique – bénéficie du savoir-faire du nouveau pôle mondial de l’eau de Montpellier. Seul revers : sa femme rêve, elle, de réussir en… Europe. JULIEN FALIU, fondateur d’un site internet à l’île Maurice Un phare pour les expatriés C’est au cœur d’une île paradisiaque que Julien Faliu a élu domicile. À Maurice, ce célibataire de 33 ans s’adonne avec délice à sa passion de la plongée sous-marine. Mais le Perpignanais pourrait tout autant apprécier de vivre à Madrid ou à Londres. D’ailleurs, ce diplômé en ingénierie informatique (Imerir à Perpignan) et en gestion d’entreprise (IAE Montpellier) a déjà travaillé cinq ans pour une compagnie d’assurances en Angleterre puis en Espagne. Expatrié depuis 2003, il avait tout le crédit nécessaire pour lancer en 2005 un site communautaire dédié à ses semblables : www.expat-blog.com. « La vie d’expat’est faite de hauts et de bas. On se soutient. » Le hasard d’une rencontre avec un investisseur l’a mené jusqu’à l’île Maurice. Transformé en société, le site fait aujourd’hui vivre huit personnes, rassemble 300 000 membres actifs et 50 000 visiteurs par jour. Julien Faliu a même eu les honneurs d’un article dans le Wall Street Journal. Ce trilingue porte un nom de famille prédestiné, cité dans le proverbe catalan « Adiu Faliu, si t’en tornes pas escriu » (« Au revoir, mon ami, si tu ne reviens pas, écris »). Anne-Isabelle Six 38 > Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011 > E N Q U ÊT E Languedociens expatriés Comment réussir le grand saut ? Partir à l’étranger ne s’improvise pas. C’est un projet de vie à la fois professionnel et personnel. Voici quelques conseils de bon sens pour réussir son expatriation, notamment destinés à ceux qui partent sans être envoyés par une entreprise. 1. Clarifier votre envie L’expatriation n’est pas la garantie d’un avenir meilleur. « Ce n’est pas parce que vous n’avez pas de travail ici que vous en trouverez plus ailleurs », insiste Julien Faliu, créateur d’Expat-blog.com, un site dédié aux expatriés. Ceux qui partent par dépit, par fuite, sans avoir une réelle motivation et une envie profonde de découvrir un autre univers que le leur, risquent un échec, au mieux, des désillusions. L’expatriation ne fait pas bon ménage avec l’improvisation. Mieux vaut avoir bien préparé son envol vers une terre qui ne vous soit pas totalement inconnue. Connaître la langue du pays ou l’anglais est aussi un minimum. 2. Choisir votre destination selon votre personnalité Mieux vaut identifier un pays qui corresponde à vos goûts. Partir à Barcelone est plus facile pour un Catalan ; Londres est passionnante pour un mordu de scène musicale ; l’île Maurice est un paradis pour les fans de plongée, de baleines et de tortues. Car, pour apprécier l’expatriation au long cours, il faut disposer de hobbies qui vous accrochent, qui vous font plaisir. 3. Mettre en valeur votre compétence Certains pays sont accueillants et demandeurs de main-d’œuvre qualifiée. Le Canada ou l’Australie facilitent ainsi beaucoup plus l’accueil des étrangers que les États-Unis, destination très fermée. Les pays du Moyen-Orient offrent de nombreuses opportunités. Et si vous êtes ingénieur ou très bon cuisinier, votre savoir-faire sera apprécié, à peu près partout ! 4. Savoir passer un cap Tous les expatriés connaissent des phases d’amour/haine avec leur pays d’adoption. Avec le recul, ils témoignent être passés par une période d’émerveillement et de découverte de tout ce qui est nouveau, puis une phase de difficultés (on est loin de chez soi, tout est différent) et enfin par une adaptation réelle (on accepte les différences, on arrondit les angles). Mais il faut savoir tenir. 5. Aimer l’altérité La découverte d’une autre culture demande un intérêt profond pour les différences, une réelle ouverture d’esprit. Se mélanger aux gens du coin, parler avec les locaux, ne pas rester entre Français ; c’est d’ailleurs tout le sel de la démarche d’expatriation. 6. Miser sur internet Le web est un média extraordinaire pour les expatriés pour rester en contact avec ses proches lorsqu’ils sont loin, mais aussi pour se renseigner avant le départ. Des sites communautaires comme Expat-blog.com permettent d’échanger avec d’autres. 7. Partir l’esprit léger Avoir un compte en banque qui permette de faire transiter facilement de l’argent est un impératif, ainsi qu’une couverture sociale et médicale qui vous protège même lors de vos retours ponctuels en France. N’emportez que ce que vous ne trouverez pas sur place. Laissez le reste en France dans un garde-meuble. Anne-Isabelle Six 40 > Objectif Languedoc-Roussillon I Octobre 2011