Intervention de Maître Dawn ALDERSON, Solitor, avocat au Barreau

Transcription

Intervention de Maître Dawn ALDERSON, Solitor, avocat au Barreau
L’acte sous signature juridique
Conférence Lyon 11 septembre 2008
Les actes et leur exécution en Angleterre et au Pays de Galles
Dawn Alderson
Solicitor
Avocat au Barreau de Bordeaux
Chers Confrères,
Je souhaite avant tout vous remercier de m’avoir invitée à cette
conférence et me propose de vous exposer brièvement le régime
applicable aux actes et documents juridiques en Angleterre et au
Pays de Galles
Je dois au préalable vous rappeler que bien que l’Ecosse et
l’Irlande du Nord soient parties intégrales du Royaume-Uni, leurs
systèmes et professions juridiques sont différents. Mon exposé ne
portera donc que sur les règles applicables en Angleterre et au Pays
de Galles.
D’une manière générale, les principes de Common law diffèrent
profondément de l’approche du droit civil. Notre système juridique
est fondé sur la notion de précédent judiciaire et ignore
généralement les notions de validité et de preuve des actes
juridiques. Les concepts de « force probante » ou de « force
exécutoire » des actes nous sont totalement inconnus.
De fait, dans les relations juridiques entre particuliers, le rôle
principal est joué par le solicitor qui exerce les fonctions de
conseil et de représentation de son client en matière contentieuse
ou non-contentieuse.
A ce titre, le solicitor exerce une partie des fonctions du notaire
continental dans des domaines tels que le droit des sociétés, les
successions, le transfert de droits immobiliers et la rédaction de
contrats en général.
L’une des spécificités de notre système tient en la présence de deux
ou plusieurs solicitors représentant chacun une partie au contrat.
Cette partialité contribue à créer une relation de confiance entre
le solicitor et son client.
1.
Les actes publics
La notion d’acte public existe bien évidemment en Angleterre mais se
limite aux documents délivrés par l’autorité étatique ou ses
délégataires : actes de mariage, certificat de décès, etc. Tous
autres actes sont donc de nature privée.
1
2.
Les actes privés
a) les documents under hand
b) les deeds
En Angleterre et au Pays de Galles, un acte peut être signé de deux
manières : en la forme solennelle du deed ou simplement under hand
(littéralement « sous-main »).
a) les actes under hand
Tout acte qui ne nécessite pas d’être sous forme de deed peut être
signé under hand sauf lorsque l’usage ou l’intérêt des parties
prévoit le contraire. Il n’existe aucun formalisme à la signature
d’un acte under hand. En particulier, aucun témoin n’est requis et
bien souvent seule la partie qui s’oblige en sera signataire.
b) le deed
Le deed peut être défini comme un acte rédigé et signé en la forme
solennelle (solemn form).
i.
Formalisme du deed
i.
ii.
Conditions
de
validité :
les
parties
doivent
clairement indiquer que le document constitue un
deed.
L’acte doit être matériellement complet
signature.
A
défaut,
il
sera
nul
« incertitude ».
avant
pour
iii.
Certification de signature : pour être valide, le
deed doit être signé par la personne en la présence
d’un témoin certifiant sa signature. La loi ne
prévoit aucune condition quant au choix du témoin.
Il n’est pas nécessaire qu’il exerce une profession
particulière
où
possède
une
qualification
quelconque. Cependant, dans certains cas, notamment
lors de la conclusion de certains types de contrats
de prêt, il est de pratique courante que les banques
exigent la signature d’un solicitor confirmant le
contenu et la portée de l’acte dont les conséquences
auront été préalablement exposées à l’emprunteur. Un
seul témoin est suffisant si le deed est signé par
la partie à l’acte, deux si la signature est celle
d’un mandataire.
iv.
Remise (delivery). Le deed doit être « remis » et ne
prend effet qu’à la date de remise. Il peut être
indiqué que la remise a lieu à la date de signature
(« signed and delivered as a deed »). Le deed peut
être également signé à une date antérieure à la date
d’effet de l’acte. Dans ce cas, le deed doit quand
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même être «
séquestre »
séquestre »,
condition de
paiement.
v.
remis » et le sera généralement
(escrow). Lorsqu’il est remis
la prise d’effet du deed est alors
la réalisation d’une prestation ou
« en
« en
sous
d’un
Publication. Il convient cependant de souligner que
dans un certain nombre de cas, la validité de l’acte
est soumise à un système de publication obligatoire.
Ainsi le transfert de droits immobiliers doit être
obligatoirement publié auprès du Land Registry.
ii) Quand un deed est-il nécessaire ?
a) Cas où le deed est obligatoire
Dans certains cas, le deed est obligatoire. Le défaut de deed
prive le contrat de ses effets en droit (in law) mais pas
nécessairement en « équité » (in equity). Dans certains cas le
deed doit en outre respecter une forme particulière.
Exemples :
-
Transfert d’un immeuble ou d’un droit immobilier
-
Prêt hypothécaire (mortgage)
-
Bail
-
Procuration
b) Cas où le deed est facultatif
Dans certains cas, les parties souhaitent recourir au deed
notamment quand la contrepartie reçue par la partie qui s’oblige
n’est pas clairement définie.
c) Pratique
Le deed est parfois exigé par la pratique notamment en matière de
cautions bancaires.
iii)
Sanction du défaut de deed lorsqu’un deed est obligatoire
Lorsqu’un deed est obligatoire, le défaut de deed prive le
contrat d’effet mais ne le rend pas nul pour autant. Le juge peut
en effet ordonner des mesures de dédommagement au profit de la
partie qui aura exposé des frais au travers de la doctrine de
« l’équité » (equity) s’il estime que la situation apparaît
« injuste » (unfair) – je n’entends pas m’étendre sur la notion
d’équité mais j’attire votre attention sur ce que le droit en
Angleterre et au Pays de Galles prévoit des mesures de réparation
« équitables » ou « discrétionnaires » en cas de vice de forme.
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3.Rôle des professions juridiques
Les parties sont souvent représentées par leur solicitor au stade de
la rédaction et de la régularisation du contrat. La représentation
par un solicitor est facultative dans la plupart des cas sauf i)
quand la loi l’exige ii) quand l’une des parties l’exige, notamment
lorsque les rapports de force sont inégaux (banque/emprunteur).
Dans le cadre d’un transfert d’immeuble ou de droit immobilier,
l’intervention d’un solicitor est obligatoire (ou celle d’un
licenced conveyancer) mais même dans ce cas, l’une des parties peut
ne pas être représentée.
La situation est similaire dans le cadre de la procédure du Grant of
Probate (envoi en possession).
La règle générale est qu’un solicitor ne peut agir pour deux ou
plusieurs parties en potentiel conflit d’intérêt sauf dans certains
cas particuliers. Les règles déontologiques de la profession de
solicitor interdisent au solicitor d’agir au profit des deux parties
à un contrat de transfert de droits immobiliers sauf au cas
particulier où la convention peut être considérée comme ne
présentent pas de risques de conflit notamment quand les parties
sont en relations familiales.
L’intervention de solicitors à la rédaction et la signature du deed
limite les risques de vice de forme.
Le notary public
Le notary public en Angleterre et au Pays de Galles est une sorte de
passerelle entre les deux systèmes juridiques en matière d’actes, le
latino-germanique et l’anglo saxon.
Apparus au Royaume Uni au 16ème siècle, les notaries de Londres
(scrivener notaries) se trouvent dans un rayon de 10 miles du Royal
Exchange (le Palais de la Bourse). Les notaries font aujourd’hui
partie de l’Union Internationale du Notariat Latin. Leur fonction
consiste à adapter les actes établis en Angleterre aux formes
exigées pour pouvoir prendre effet dans les pays du continent. Leur
intervention se limite donc essentiellement à des actes destinés à
être utilisés à l’étranger.
En dehors de cette zone, des fonctions similaires ont été
développées par les general notaries qui dans leur majorité sont des
solicitors. Les notaries qui se trouvent en Angleterre et au Pays de
Galles ne sont que des prestataires de services juridiques – ils ne
sont délégataires d’aucune autorité publique.
4. L’exécution du contrat
4
D’une manière générale, le deed est opposable aux parties à l’acte
même si celles-ci ne l’ont pas lu ou estiment que son contenu
diffère de ce qui a été convenu.
Qu’en est–il de la force exécutoire du deed ? Aucun document n’a, a
priori, force exécutoire en Angleterre et au Pays de Galles. Le juge
décide si l’acte est exécutoire ou non.
Qu’en est–il de la force probante du deed ? La notion de force
probante de l’acte est généralement ignorée du droit anglais qui
insiste sur la force de la preuve testimoniale.
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5. L’avenir ?
Il est certain que l’avenir est à la signature électronique. La loi
sur les transactions immobilières sous forme électronique est entrée
en vigueur et la pratique se répand. Il est d’ores et déjà possible
de, par exemple, constituer et administrer une société sur Internet
avec le Registrar of Companies (RCS). Les conséquences sur la
pratique du deed seront sans doute significatives et la forme
traditionnelle
de
régularisation
devant
témoins
sera
vraisemblablement abandonnée dans un grand nombre de cas.
© Dawn Alderson Août 2008
RUSSELL-COOKE LLP
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Les informations contenues dans le présent document sont à caractère général et ne sauraient
valoir un conseil juridique quelconque engageant la responsabilité du rédacteur.
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