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SEANCE N°4 UN MONDE BIPOLAIRE : L’ENTREE DANS LA GUERRE FROIDE (1947-1953) INTRODUCTION Problématique : en quoi l’évolution des relations Est-Ouest de 1947 à 1962 répond-elle à la définition que R. ARON donne de la Guerre Froide : « paix impossible, guerre improbable » ? I – LA RUPTURE ET LA CONSTITUTION DES BLOCS A – LA RUPTURE DE 1947 B – UN CONFLIT EUROPEEN PUIS MONDIAL ET UN CONFLIT TOTAL II – DE LA COEXISTENCE PACIFIQUE AU SOMMET DE LA GUERRE FROIDE (1953-1962) L’année 1953 apparaît aux contemporains comme une année de rupture, une année tournant dans la Guerre Froide plus peut-être par les espérances qu’elle va engendrer que par la réalité des faits. En effet si à partir de cette époque, nous passons à une nouvelle étape de la Guerre Froide, nous restons bel et bien dans l’atmosphère et dans les conditions de la Guerre Froide. A – LE DEGEL (1953-1956) Pourquoi 1953 ? Parce qu’en Mars 1953, Staline meurt. Or cette nouvelle ouvre la possibilité d’un changement majeur. Il était tant à lui tout seul, la clé du système soviétique que celui-ci ne pouvait évoluer qu’après sa disparition. S’ensuit une compétition entre les dirigeants soviétiques pour la succession de Staline, parmi eux 3 hommes Beria, Malenkov et Molotov qui forme une troika chargée de diriger l’URSS. Au final c’est un 4e homme qui l’emporte : Mr K. qui l’emporte et devient en 1956, secrétaire général du PCUS. Pour s’imposer, par stratégie politique mais aussi par volonté idéologique, Mr K se lance dans un programme de réformes. Le NKVD devient le KGB. Le changement n’est pas que de titre : le KGB reste un géant administratif de l’espionnage et du contre espionnage mais il perd le pouvoir exorbitant de juger les personnes qu’il arrête. De même il est dépouillé de tout rôle économique quand le NKVD possédait le Goulag et devenait un agent de l’économie en faisant travailler les zeks (les détenus). 1 Mr K réforme le Goulag également : il amnistie 1 million de détenus, libérés des camps. Et propose une paie pour les zeks afin d’améliorer la productivité : même non payés, les zeks coûtaient plus chers qu’ils ne rapportaient compte tenu de leur capacité de production ! Mr K Va plus loin : au 20 e congrès du PC. Il s’en prend à Staline lui-même et dénonce dans un rapport secret lu seulement aux membres du congrès médusés, les dérives du stalinisme : la répression, le culte de la personnalité qu’il faut dit il abolir parce qu’étranger à la doctrine marxiste léniniste (« convient-il à un marxiste léniniste de se hisser jusqu’au ciel ? »). Les staliniens sont sous le choc. Ils ne lui pardonneront jamais et l’opposition à Mr K commencera dés 1957 par Molotov. Elle finira par l’éliminer en 1964. Au-delà, Mr K fait le constat et le diagnostic suivant : le stalinisme est dans une impasse. Il s’est maintenu par le contrôle et la répression de la population comme de l’élite (purges). Mais l’urbanisation et l’industrialisation provoque un bouleversement social majeur : les capacités s’étendent et avec eux les exigences et les soucis se modifient (volonté de conserver leur position sociale ou d’améliorer leur condition de vie). Mr K. est conscient de la nécessité de réformes mais surtout de réformes économiques. Pour gagner les foules au socialisme, il est vain d’adresser des expressions vagues de bien du peuple, il faut leur apporter de meilleures conditions de vie (c’est ce qu’il appelle par dérision ( ?) : le « socialisme du goulash »). Or ce changement n’est possible que si l’on modifie les relations entre les Etats-Unis et l’URSS. C’est la coexistence pacifique. B – LA COEXISTENCE PACIFIQUE (1959) La notion de coexistence pacifique apparaît dans un discours tenu par Mr K. à son retour de N.Y. en 1959. Elle est volonté de normaliser les relations avec les Etats-Unis et accepter l’inacceptable à l’époque de la période stalinienne : apprendre à vivre ensemble sur notre planète, à coexister pacifiquement. Elle n’est pas nouvelle : elle prolonge la 1e détente lancée depuis 1953 et s’inspire en fait des projets réformateurs de la troika ayant pris le pouvoir en 1953. Elle s’explique essentiellement par l’atome. En effet la menace nucléaire ignorait la différence de classe : en frappant la guerre atomique fera disparaître des prolétaires. Il faut donc l’éviter et si nécessaire mener la guerre sous le seuil nucléaire. En effet et c’est la 3e précision de la coexistence. La coexistence n’est pas la fin de la guerre froide. Elle est un autre moyen de vaincre le capitalisme. Autre moyen par l’accent mis sur l’économie et la productivité de l’économie soviétique, capable de révolutions technologiques (Spoutnik en 1957 / Gagarine : 1e homme dans l’espace en 1961). 3 finalités liées les unes aux autres : rattraper la croissance américaine / apporter des biens de consommation et du confort aux populations / accroître le prestige du modèle soviétique. Autre moyen par l’importance donnée à la propagande et aux discours de paix et de dénonciation de l’impérialisme qui fera gagner au socialisme les territoires désormais ouverts du Tiers Monde. 2 Cette coexistence va déstabiliser un temps les démocraties populaires du Bloc de L’est. Les leaders staliniens sont déligitimés aux yeux de populations qui pensent traduire coexistence par libération. A tort. D’où la vague des émeutes et des protestations qui secouent le Bloc de l’Est En Pologne (Juin 1956) et surtout en Hongrie (en Octobre 1956). Tout part à Budapest d’une manifestation étudiante le 23 Octobre 1956 demandant des libertés. La manifestation dégénère : la statue de Staline est renversée. Les milieux ouvriers rejoignent alors les étudiants. La révolte devient alors révolution : protestation contre les censures et les faibles salaires, elle devient vite anti-communiste et anti-soviétique. Les russes rappellent un 1e ministre réformateur pour trouver un compromis avec les émeutiers : NAGY. NAGY parle d’établir un socialisme à visage humain, « un communisme qui n’oublie pas l’homme ». Le 24 Octobre, les chars russes quittent le pays. La révolution semble l’emporter et NAGY va plus loin : neutralité, sortie du Pacte de Varsovie et élections libres. C’en est trop. Le 4 Novembre. Acte 2 : les chars investissent la ville. 2 500 chars / 75 000 soldats (plus de chars que pendant la 2e guerre mondiale). Commence alors une guérilla urbaine. Les cadavres jonchent les rues. La répression l’emporte : 3 à 4 000 victimes (1 sur 2 avait moins de 30 ans). NAGY est pendu. La répression de Budapest montre les limites des réformes de Mr K et de la coexistence pacifique. MR K. n’était pas Staline. Il peut accepter de se rendre pour la 1 e fois à NY (1959) mais il est la version modernisée su maître mais il demeure le maître (le Vodj). Capable également de comportement qui crée le scandale. (« nous vous enterrerons », devant les caméras en 1959 ou quand il martèle le pupitre à L’Onu pour faire taire l’ambassadeur américain dont le discours lui déplait). Mr K a été formé dans le clan stalinien. Il en garde les traits et les excès. Il veut tout contrôler et tout diriger. Les oppositions sont réprimées. La liberté des démocraties populaires s’arrête où commencent les principes du socialisme et le maintien du contrôle des PC et de l’URSS. Le Pacte de Varsovie a révélé aussi sa vraie nature. Il est chargé de garder les populations d’Europe de l’Est contre elles-mêmes. Mais l’impact de la crise a été rude et elle atteint le communisme lui-même. R. Aron note que quelque chose s’est brisé dans le système communiste qui est frappé à mort. Beaucoup comprennent que le communisme s’appuie et se maintient par la force des chars plus que par la séduction de sa doctrine ou la douceur de vivre. En France, les premières défections au P.C. se font sentir. Limites aussi de la coexistence : nous sommes toujours dans la Guerre Froide : nul ne peut changer de camp et du reste les américains eux-mêmes ne firent rien. La perception du rideau de fer avait changé en 1956 : il était vu comme durable. Toutefois cette coexistence avait sa logique tactique : elle devait permettre de justifier la réduction des dépenses militaires nécessaires aux réformes économiques intérieures. Le « socialisme du goulash » (autrement dit acheter le silence devant l’absence de libertés par les avantages matériels) exige des réformes que Mr K lance à partir de 1959 : adaptation de l’économie aux réalités et aux besoins (logements / alimentation / biens de consommation et réduction du dogme du tout industrie lourde) / déconcentration des décisions et des investissements au niveau de régions économiques pour éviter le gaspillage et autonomiser les entreprises /suppression des lopins de terre pour inciter les paysans à travailler plus sur les terres publiques / libéralisation des prix alimentaires. Les réformes partielles ne sauvent 3 pas le système. Bien pire : elles l’empirent. L’autonomie se transforme en désordre. Les prix libérés explosent. Les 1e émeutes ouvrières réapparaissent en URSS en 1962. C – LE SOMMET DE LA GUERRE FROIDE : BERLIN ET CUBA (AOUT 1961 / OCTOBRE 1962) Autre preuve que le Coexistence n’est pas la fin de la Guerre Froide : c’est le regain des tensions et des crises à partir de 1960. Beaucoup de ces crises ont des liens les unes avec les autres. Cuba s’explique par Berlin. La rupture sino-soviétique s’explique par la division idéologique qui parcourt le Politburo où s’opposent staliniens et réformateurs. La crise de Berlin (Août 1961). Elle s’explique par la stratégie mise en place par K. « Derrière Berlin, il y a l’Allemagne » disait de lui JFK. Effectivement, la stratégie de K est à la fois défensive et offensive. Offensive : il fallait absorber Berlin Ouest pour consolider la RDA. Défensive : le miracle ouest-allemand risque de conquérir économiquement la RDA. En effet la RFA fournit nombre de produits. La population elle-même commence à choisir entre les deux systèmes, au détriment du socialisme. Ville ouverte, Berlin Est connaît un exode des citoyens les Osties : 3 Millions choisissent l’exode vers l’ouest soit 15 % de la population entre 1949 et 1961). Pour éviter que la ville soit vide de sa population et son crédit entamé, Mr K décide la construction d’un Mur (opération muraille de chine) le 13 Août 1961, construction d’une séparation. Le 21 Août, un mur sommaire est peu à peu bâti. Il sera renforcé peu à peu : Berlin avait son mur. Les américains demeurent passifs. Ils y voient un moindre mal : ils craignaient un blocus de la ville. Seul, le maire de la ville, W. Brandt occupe le devant de la scène dès 1961 et explique qu’il devient important de négocier avec Moscou. JFK n’intervient qu’en 1963, quand il prononce son discours devant le Mur : « Ich Bin ein berliner » et qualifiant le Mur de « Mur de la Honte ». Toutefois il n’ a jamais été question d’offensive ni de bombardement du mur. Le Mur révèle donc la recherche de l’équilibre entre les 2 puissances. Avec une loi non écrite : partage tacite du monde (Condominium) et non intervention d’un camp dans les affaires internes du camp d’en face. La crise des missiles de Cuba (Octobre 1962). Elle ne peut se comprendre que dans sa relation avec Berlin. C’est pour pouvoir négocier en situation de force en Allemagne et inciter la RFA à se détacher de l’Occident et se rapprocher de la RDA que K. tente la crise à Cuba en Octobre 1962. Cette crise s’inscrit aussi dans une préhistoire et dans une géographie. Cuba est une île à proximité des Etats-Unis (100 km de Miami) L’île devient peu à peu une frontière, un nouveau rideau de fer, à partir de Janvier 1959 : coup d’état de F. Castro qui renverse Batista. Les nationalisations décidées provoquent un embargo américain qui incite à son tour Castro à demander l’aide soviétique (Octobre 1959). Rien ne laisse penser qu’il est communiste alors. Le rapprochement avec l’URSS se poursuit pendant l’année 1960 et 1961 renforcé par la volonté de l’administration américaine et JFK de mettre un terme à Cuba (opération Baie des 4 cochons qui est un désastre : 17 Avril 1961 et opération Mangouste en préparation en 1962 : il y a donc une volonté de défense de la part de MR K). Le 14 Octobre, l’avion espion U2 prend des photos satellitaires de rampes de missiles orientées vers la plupart des villes américaines dont Washington. Le 22 Octobre : JFK parle aux médias. Il s’en prend à l’URSS : il considérera que tout lancement de missiles venant de Cuba provient en fait des l’URSS et la menace de « représailles massives ». C’est la première fois qu’un dirigeant américain annonce publiquement la possibilité d’une guerre atomique. Parallèlement il installe un blocus de l’île et prépare un plan de bombardement de l’île. Le monde est au bord de la guerre atomique. Surtout par le fait que les têtes thermonucléaires sont arrivées à Cuba avant l’instauration du blocus. Toute attaque provoquerait une contre-attaque. Réaction en chaîne pouvant détruire la planète . Les deux leaders sont pourtant prêts à négocier. Mr K accepte le démantèlement des missiles contre la sécurité à Cuba. L’accord parvient le 28 Octobre : évacuation des armes offensives sous contrôle de l’ONU contre la levée de l’embargo sur Cuba et le retrait des missiles Jupiter en Turquie (resté secret par peur des réactions de l’OTAN). La crise de Cuba révèle une évolution de la Coexistence et représente un modèle des grandes crises Est / Ouest. Modèle de la guerre froide d’abord. Evolution permanente à partir de stratégies différentes (attaque ou négociation et souvent les deux en parallèle). Utilisation de différents registres et modes de communication (médias et négociation secrète / menaces et conciliation). Evolution de la Coexistence : la négociation n’est plus à partir de Cuba un moyen mais une fin en soi. Les régimes ne peuvent plus s’étendre par la guerre. C’est par la paix qu’ils parviendront à séduire et s’étendre. Et d’abord en Amérique latine pour le communisme. C’est cet aspect des choses qui provoque la rupture sino-soviétique qui jouer un grand rôle dans l’évolution des relations Est-Ouest. Mao critique la faiblesse et le déviationnisme de K quand celui-ci défend la coexistence pacifique. La rupture porte donc sur le cœur de l’idéologie : Mao défendant la politique stalinienne d’affrontement quand K vante la possibilité d’un passage pacifique au socialisme par le biais de la Coexistence pacifique. En 1962 la rupture est définitive. De là viennent les décisions des dirigeants qui ouvriront une nouvelle phase de la Guerre Froide : la Détente. 5